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A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006. CORPUS DOCUMENTAIRE

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A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

CORPUS DOCUMENTAIRE

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

CLASSES DE PREMIERE

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

ÉTUDE D’UN ENSEMBLE DOCUMENTAIRE

Sujet : Łódź et les transformations économiques et sociales de l’âge industriel (1850-1939)

Première partie. Analyser l’ensemble documentaire en répondant aux questions : 1. Quelle transformation connaît la ville à partir de 1820 ? Pourquoi ? 2. Quelles décisions économiques favorisent la ville après 1850 ? 3. Quelle image de la société nous donne la description de la rue Piotrkowska ? 4. Quels changements s’opèrent dans cette rue d’après les deux photographies ? Deuxième partie. A l’aide des réponses aux questions et des informations contenues dans les documents, rédigez une réponse organisée au sujet proposé.

Choisie en 1820 pour devenir un centre économique, Łódź ne compte alors que 800 habitants et 106 maisons en bois. Peu avant la Première Guerre mondiale, 500 000 habitants y vivent et 584 usines emploient 103 000 ouvriers dont 94 % pour la seule industrie textile. Ce plan date de 1823.

Mairie de la ville de Łódź, La ville des palais et d’une seule rue, Varsovie, 1991.

2. Les établissements industriels vers 1880 1. Une ville-champignon

La suppression des droits de douane entre le Royaume de Pologne et la Russie, en 1851, avait entraîné l’afflux de capitaux extérieurs (essentiellement allemands et juifs). De plus, l’abolition du servage en 1863-1864 avait accéléré fortement l’exode rural. Enfin, l’essor économique du Royaume avait accru son marché intérieur mais l’insatiable marché russe restait le débouché essentiel. Dans les années 1880, les établissements de l’Allemand Karl Scheibler et du juif polonais Izrael Poznański accueillaient chacun 6000 ouvriers. Ces industriels ont construit non seulement des palais et des usines, mais des hôpitaux, des quartiers ouvriers, des écoles.

D’après le site internet de la ville : http://www.uml.lodz.pl

3. La rue Piotrkowska

Les ensembles architecturaux et urbanistiques qu’ont laissés les barons de l’industrie font aujourd’hui partie du patrimoine culturel national. La ville s’est développée autour de la rue Piotrkowska, qui abrite, sur 4 km, la plupart des constructions du XIXè siècle et certains des « Palais de la Terre promise » (Pałace Ziemi Obiewanej).

Les deux côtés de la rue Piotrkowska étaient bordés d'une masse compacte de maisons, de palais ayant l'air de châteaux italiens où se trouvaient des entrepôts de coton ; cette rue continuait sa grande ligne jusqu'à Baluty.

Il y avait d'ordinaires maisons de briques à trois étages à l'enduit tombant, des maisons de style tout à fait correct aux balcons baroques en fer doré et aux lignes courbes, plein de petits amours dans les frises surplombant les fenêtres à travers lesquelles on voyait des rangées de machines à tisser.

De petites maisons en bois, branlantes, avec des toits verts moisis, derrière lesquelles, dans les cours, de puissantes cheminées et des corps de fabriques dominaient ; elles se serraient contre un côté du palais construit dans le style Renaissance de Berlin un peu pesant, avec des briques rouges et ayant toutes les chambranles en pierre et avec un gros bas-relief représentant l'industrie sur son fronton ; à ce palais étaient joints deux pavillons latéraux avec des tours et séparés du bâtiment central par une admirable grille derrière laquelle, au fond, s'élevaient les murailles colossales de l'usine.

Les maisons dont les dimensions et la magnificence les faisaient ressembler à des musées n'étaient que des entrepôts de produits finis. Quelques unes étaient surchargées d'ornements de différents styles : au rez-de-chaussée, les cariatides de la Renaissance soutenaient un balcon en brique fait dans le style allemand ancien, au dessus duquel le second étage, construit à la Louis XV, "charmait" avec des lignes ondulantes les encoignures des fenêtres ; plus haut encore se trouvaient des mansardes bombées, ressemblant aux ballots chargés...

Bref, c'était un amas, un mélange de tous les styles connus des maçons, hérissé avec des tourelles, avec des décors en stuc collés qui tombaient sans cesse dessous, entrecoupé avec les milliers de fenêtres, plein de balcons en pierre, de portes cochère magnifiques où les laquais en livraison somnolaient dans des fauteuils de velours.

W. Reymont, La Terre de la grande promesse (1899), Revue Cultures d'Europe centrale, Edition bilingue

commentée, coédition Université de Varsovie / CIRCE - Paris IV - Sorbonne, dir. Danuta Knysz-Tomaszewska et Malgorzata Smorag -Goldberg, 2004.

4. Deux photographies de la rue Piotrkowska (1896 et 1919)

D’après le site internet du Musée de Łódź : http://www.poznanskipalace.muzeum-lodz.pl

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939) ÉTUDE D’UN ENSEMBLE DOCUMENTAIRE

Sujet : L’immigration polonaise en France (1921-1Première partie. Analyser l’ensemble documentaire en répondant aux questions : 1. Que nous apprend le document 1 sur l’immigration polonaise en France ? 2. En quoi le contexte international est-il important pour comprendre le phénomène migratoire ? 3. Quelles sont les différentes attitudes des Polonais vis-à-vis de la France et des Français ? 4. Quelles sont les différentes attitudes des Français vis-à-vis de la Pologne et des Polonais ?

Deuxième partie. A l’aide des réponses aux questions et des informations contenues dans les documents, rédigez une réponse organisée au sujet proposé.

1. Un phénomène commémoré par un timbre

2. Les relations France-Pologne

La Pologne, avec son important excédent des naissances, avec sa campagne dévastée, ses problèmes de réunification et son sous-emploi, répondait parfaitement aux besoins de la France meurtrie par la Grande Guerre. Lorsque les Etats-Unis se fermèrent aux immigrants avec l’adoption des lois de quotas (1921-1924), la France devint le nouvel Eldorado dans l’imagination des Polonais touchés par la misère. Des agents recruteurs français installèrent des bureaux en Haute-Silésie, en Galicie et près de la Baltique. Dans un premier temps, entre 1919 et 1930, 495 000 Polonais arrivèrent en France, essentiellement dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, où ils furent employés dans les mines de charbon, ainsi que dans la région parisienne et en Lorraine. Pourtant ces Polonais ne venaient pas s’installer (d’où leur faible intégration) et étaient, pour cette raison, assez mal accueillis. Le titre le plus prestigieux de la presse polonaise en France, à la fois par son tirage et sa longévité fut « Narodowiec », transféré à Lens en 1924 par Michel Kwiatkowski et qui atteignit 30 000 exemplaires dans les années 1930. De plus, à partir de 1932, des émissions de radios polonaises se développèrent en France, d’abord avec la Radio PTT Nord.

Aux manifestations d'amitié du début des années 1920, succéda une période de circonspection ouverte par l'arrivée au pouvoir en France du cartel des gauches et la reconnaissance de l'URSS par la France en 1924. La situation ne pouvait qu'empirer après la conclusion en octobre 1925 à Locarno d'un système de traités entre la France et l'Allemagne qui, selon Varsovie, permettait à cette dernière de remettre en cause ses frontières avec la Pologne. En outre, avec le traité complémentaire entre l'Allemagne et la Pologne, la relation franco-polonaise cessait d'être exclusive, pour prendre place dans l'utopique système de sécurité collective imaginé par Aristide Briand. La Pologne de Pilsudski, qui avait pris le pouvoir à la suite du coup d'État de mai 1926, se sentit délaissée par la France, et se rapprocha de l'Allemagne, avec qui elle conclut un pacte de non-agression, le 26 janvier 1934. C'est aussi l'époque où la crise économique qui secouait la France (crise mondiale après 1929) fit monter d’un cran l’hostilité envers les immigrés de toutes origines.

D’après A. Nieuważny/C. Laforest, De tout temps amis. Cinq siècles de relations franco-polonaises, Nouveau Monde éd., 2004.

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

Impressionnés par l'expérience humaine qu'est l'émigration, les chercheurs polonais des années 1930 essayaient d'en retenir les témoignages. Les mémoires envoyés du monde entier pour le concours organisé par l’Institut d'Economie Sociale de Varsovie, étaient en partie publiés. Le volume concernant la France (37 témoignages), qui a réussi à paraître juste avant la guerre, montre la complexité des expériences des immigrés polonais, en fonction de leur profession (paysans ou ouvriers), de leur intégration et de leur réussite. Beaucoup de Polonais qui ne parlaient pas français se trouvaient complètement déracinés et calculaient le temps qu'il faudrait pour s'acheter en Pologne une maison et un petit lopin de terre. Ils ne voulaient donc pas s'établir définitivement en France et ne cherchaient pas en dehors du travail d'autres contacts que dans leur propre communauté. Ce n’était pas le cas de cet anonyme ouvrier agricole (puis mineur et maçon) du département de la Drôme, né en 1907 dans une famille nombreuse de paysans de la région de Kielce. Curieux et intelligent, il était doué d'un sens d'observation qui lui permettait de comparer ses « deux vies» et de décrire ses sentiments.

3. Un travailleur polonais immigré témoigne

Les autorités françaises ou, plus précisément, des offices de moindre importance comme les

préfectures et les mairies étaient bienveillantes pour les Polonais jusqu'au moment où la Pologne a signé un traité d'amitié avec les Allemands. Le traité une fois signé, la situation a aussitôt empiré, nous l'avons appris à nos dépens non seulement dans nos rapports avec l'administration locale mais aussi dans notre vie privée. On nous laissait sentir qu'il faut blâmer toute l'émigration pour un tel traité quoique l'émigration n'y ait rien pu. Que de fois j'entendais des remarques railleuses à mon adresse que si nous ne pouvions pas gagner de quoi vivre en Pologne nous nous poussions en direction de la France, mais que nous signions des traités d'amitié avec ses ennemis! Une fois mon hôte français m'a dit que si nous avions besoin d'argent, nous allions en emprunter aux Français, au lieu d'emprunter à nos amis allemands ; j'entendais bien des commentaires de cette sorte. Cela ne m'était pas agréable de les écouter, mais le pire est que cette malveillance se laissait sentir à l'égard de l'émigré. Moi, sensible à un tel comportement, je le ressentais, les yeux ouverts ; mais les habitants sont bien disposés envers moi. […]

S'il arrive d'entendre la voix d'un individu mécontent, ce n'est qu'un cas accidentel, au bout du compte, cela dépend beaucoup aussi du comportement des Polonais. […] L'ivrognerie, les jeux de hasard et le déclin de la morale sont les points les plus douloureux de l'émigration. Parmi ces trois, le pire, c'est l'ivrognerie. Que de victimes ont été englouties par cette diable de dépendance ! Il existe des dizaines - voire des milliers, qui boivent jusqu'à leur dernier sou. Personne ne le décrit. En Pologne, on ignore ce qui se fait actuellement en France. Nous avons ici la presse polonaise, nous avons des hebdomadaires et des journaux polonais mais leurs éditeurs, au lieu de lutter contre le mal que représente l'ivrognerie, ne se préoccupent que des bénéfices que leur assure l'édition.

Pamiętniki emigrantów. Francja (Mémoires d'émigrants polonais. France), Warszawa 1939, pp.505-513 (traduction de Marcin Skibicki).

4. Lettre d’un ouvrier agricole français

Acy. le 10 Décembre 1935 Monsieur le préfét. Je vous écris ses quelques lignes pour vous demandér si l’on préfére le polonais ou le Français car moi Je suis sans travaille depuis 2 mois et quand Je vais demandér de l’ouvrage chez les Fermiers il préfére occuppé 40 polonais dans la Ferme de Monsieur Ferté dacy le haut. Alors il faut Je voire mourrir de faim pour lui faire plaisir cela est bien malheureux. Recevez Monsieur […]

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006. Archives départementales de l’Aisne.

ÉTUDE D’UN ENSEMBLE DOCUMENTAIRE

Sujet : Religion et culture à Łódź (1850-1939) Première partie. Analyser l’ensemble documentaire en répondant aux questions : 1. Qu’est-ce qui unit et qui différencie les trois personnages principaux du livre La Terre de la grande promesse ? 2. En quoi le document 2 complète ces informations ? 3. Quelles religions sont présentes dans la ville ? 4. Comment le multiculturalisme est-il aussi visible dans l’architecture ?

Deuxième partie. A l’aide des réponses aux questions et des informations contenues dans les documents, rédigez une réponse organisée au sujet proposé.

1. La Terre de la grande promesse

Dans le dernier quart du XIXe siècle trois étudiants nourrissent des rêves d'argent et de spéculation. De retour de Riga, les trois arrivistes décident de mener à bien leurs projets en s'installant à Łódź. L’ouvrage de Władysław Reymont (1899) prend pour cadre la cité de la laine et du coton, symbole d'un monde industriel capitaliste en pleine expansion. Karol Borowiecki, représentant la vieille noblesse campagnarde polonaise, le juif Moryc Welt et l'Allemand Maks Baum, fils d'un misérable entrepreneur hostile à la modernisation de son entreprise, entament leur apprentissage à la dure et inhumaine école des industriels en place. Andrzej Wajda a adapté ce livre au cinéma en 1974 puis il l’a remanié en 2000.

Affiche et photographie du film de Wajda

2. Une ville multiculturelle

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

3. Les lieux de culte à la fin du XIXe s.

De gauche à droite et de haut en bas : église orthodoxe néo-byzantine St Alexandre Nevski (1884, par H. Majewski), cathédrale Saint Stanislas Kostka (1901-1916), église luthérienne néo-romane St Jean, synagogue mauresque des juifs orthodoxes (détruite en 1939)

4. Le palais d’un industriel

Le palais d’Izrael Poznański, conçu par H. Majewski en 1888 (style Eclectique et Sécession), est actuellement le Musée d’Histoire de la Ville. Le palais, construit tout près de l’usine, qui à l’époque était la deuxième grande entreprise de Łódź, est la plus grande résidence de fabricant en Pologne. Les travaux de constructions et de reconstructions ont duré 15 ans (1888-1903). C’est dans les années 1901-1903 que le bâtiment reçoit son aspect monumental grâce à l’architecture néo-baroque. Les intérieurs richement décorés représentent divers styles historiques de la fin du 19ème siècle mais avant tout de l’Art nouveau. A l’origine, la fonction du palais était purement résidentielle. Au début du 20ème siècle, elle devient représentative et commerciale. Apres la Ière Guerre Mondiale, la famille Poznański a fait faillite, et le palais et l’usine ont été administrés par la Banca Commerciale Italiana.

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

ÉTUDE D’UN ENSEMBLE DOCUMENTAIRE

Sujet : Les Polonais face à l’occupation russe (1850-1914) Première partie. Analyser l’ensemble documentaire en répondant aux questions : 1. Quel ennemi est désigné dans le premier poème ? De quoi rêve son auteur ? 2. Comment est décrite dans les documents 2 et 4 l’attitude des Polonais face à l’occupant ? 3. Quelle est la réaction des Russes (document 3) ? 4. En quoi consiste la russification ?

Deuxième partie. A l’aide des réponses aux questions et des informations contenues dans les documents, rédigez une réponse organisée au sujet proposé.

1. Un poème panslave par un auteur polonais

En Bohème, en Serbie, en toutes leurs cités, Retentissait l'espoir de proches libertés, Des liens unissant sur la terre bénie Tous les Slaves ensemble, en féconde harmonie... Aux armes citoyens !... Levons-nous et brisons L'infâme joug du tsar qui rougit nos sillons Du pur et noble sang de vos compatriotes... . Unissons nos efforts, peuples et frères slaves ! Croates..., Bohèmes et Moraves, Serbes et Bulgares...

Teofil LENARTOWICZ, Aux peuples slaves, vers 1850.

Dès 1862 commence dans la Pologne russe un soulèvement national, consécutif à la volonté de recruter les jeunes Polonais dans l’Armée tsariste. La guérilla se généralise en janvier 1863 mais Alexandre II et Bismarck, en signant la convention d’Alvensleben, imposent un blocus total des régions insurgées. Commandés par Traugutt, les rebelles reçoivent de nombreux soutiens extérieurs. Le comité national dirigé par Jarosław Dąbrowski établit des relations avec les organisations révolutionnaires russes avec lesquelles un accord est conclu pour fixer au cours du Bug les futures frontières de la Pologne – ce qui constituait, pour les Polonais, un renoncement aux frontières de 1772. Après que Dąbrowski ait été arrêté par la police tsariste, c’est le général Mierosławski qui reçoit le haut commandement mais la défaite est inéluctable. La société française ne soutenait pas unanimement l'insurrection : les milieux d'affaires étaient ouvertement hostiles et seuls quelques dizaines des volontaires français vinrent en Pologne rejoindre les rangs des combattants, tels l’instituteur français Rochebrune ou l’institutrice alsacienne Marie-Antoinette Lix. On écrivait pourtant beaucoup sur la Pologne, et les traditions des relations franco-polonaises étaient vivantes dans les cercles révolutionnaires et catholiques.

Connaissez-vous la terre où, dans les sombres bois, Les hommes sont traqués comme des loups sauvages, Où les plus fortunés sont chassés de leurs toits Vers de lointains rivages. Où la veuve, aux regards, déguise ses douleurs ; Où l'on suit les cercueils en gais habits de fête ; Où l'enfant orphelin n'ose verser des pleurs Sans se voiler la tête ? Où la mère à ses fils, pour première leçon, Enseigne la vengeance au lieu de la prière, Et le soir en secret berce son nourrisson Avec des chants de guerre ? Où la vierge en aimant est contrainte à haïr ; Où chaque fiancée a vu du sang en rêve ; 2. Une réaction française Où l'on pleure en baisant les fils qu'on voit grandir Pour périr par le glaive ? La Pologne trois fois a perdu ses enfants : Des héros polonais, les champs de la patrie N'ont gardé que les morts ; demandez les vivants Au ciel de Sibérie ! […] Mais leur terre est féconde, et les fils, chaque jour, Aiguisent en leurs jeux des armes meurtrières, Se hâtent de grandir, pour aller à leur tour Mourir comme leurs pères. De quinze ans en quinze ans, ainsi que les forêts, Les générations par le fer sont coupées ; Mais du sol généreux, dont le sang est l'engrais, Repoussent des épées ! L'Europe avant vingt ans, dans un suprême effort, Verra se redresser la Pologne asservie, Et ses lambeaux épars disputer à la mort Un vain souffle de vie. Laisserons-nous toujours ce peuple de douleurs Mendier un asile à notre indifférence, Et chez nous promener ses éternels malheurs Et sa folle espérance ? […] Anatole LEROY-BEAULIEU, « La Pologne », (printemps 1864), dans Heures de solitude, fantaisies poétiques, Paris, 1865

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

3. La répression tsariste

La défaite polonaise est suivie d’une terrible répression. En avril 1864, Traugutt, dernier chef de l’insurrection, est arrêté et pendu à Varsovie, avec quatre membres du gouvernement insurrectionnel. 18 000 personnes sont déportées en Sibérie. Les « pays de la Vistule » divisés en dix gouvernements remplacent le « royaume de Pologne » et forment une province russe. Mais l’insurrection permit d’obtenir l’affranchissement des paysans dans le territoire annexé par les Russes, ce qui eut une grande importance pour la montée du patriotisme dans des classes rurales qui restaient encore largement dominées par les grands propriétaires terriens.

Tableau d’Artur Grottger. Convoi vers la Sibérie. 1867. 75 x 126 cm. Musée National de Poznań.

4. La russification

Dans les écoles gouvernementales, non seulement on ne traite pas l'enfant polonais avec bienveillance, mais encore on lui montre de l'hostilité ; on lui fait un crime de son origine polonaise, on blesse ses sentiments nationaux, on traite avec mépris sa religion, et dans les études on attribue à sa langue maternelle une place inférieure au français et à l’allemand.

Un traitement aussi inhumain produit des effets directement opposés à ceux que le Gouvernement attend des écoles : au lieu d'inspirer à l'enfant l'amour de la Russie, il provoque dans son cœur la haine de tout ce qui est russe.

Rapport du Gouverneur de Pologne, 1890.

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

ETUDE D’UN DOCUMENT D’HISTOIRE

La Première guerre mondiale vue par un enfant juif de Varsovie

Questions. 1. Reconstituez, à partir du texte, les grandes étapes du conflit jusqu’en 1917. 2. Pourquoi les Polonais ne savent pas s’ils doivent soutenir l’Allemagne, la Russie ou l’Autriche ? 3. Comment vit la population pendant la guerre ? 4. Que se passe-t-il en Russie en 1917 ?

C'était le printemps 1914... Depuis des années, les journaux parlaient de la situation explosive dans les Balkans et de la rivalité entre l'Angleterre et l'Allemagne.

Soudain, il y eut des rumeurs de guerre. Le prince héritier d'Autriche avait été assassiné en Serbie, racontait-on. Des éditions spéciales des journaux parurent, avec des titres énormes qui barraient toute la première page. Dans nos discussions politiques, à l'école, nous avions décidé que ce serait mieux si l'Allemagne gagnait. Quels avantages aurions-nous tirés d'une occupation russe ? Les Allemands, eux, obligeraient tous les Juifs à porter des vestes à la place des caftans longs et le gymnasium deviendrait obligatoire pour les petits garçons. Que pouvions-nous souhaiter de mieux qu'aller dans des écoles laïques en uniforme et casquette blasonnée ? Mais en même temps nous savions bien - beaucoup mieux que ne le savait le Quartier général allemand - que les forces allemandes ne pourraient jamais venir à bout des armées réunies de la Russie, de la France et de l'Angleterre. Un petit garçon ajouta qu'en raison de leur langue commune, il ne serait que trop naturel que l'Amérique vînt au secours de l'Angleterre. […]

Les femmes couraient partout acheter de la nourriture. Elles pliaient sous le poids d'énormes paniers remplis de paquets de farine, de gruau d'avoine, de haricots - tout ce qu'on trouvait encore à acheter. [Les commerçants] stockèrent leurs marchandises pour pouvoir ensuite faire monter les prix.

[Mon père] nous annonça qu'il avait entendu dire que la guerre serait finie au bout de deux semaines. - Ils ont des canons capables de tuer mille cosaques d'un seul coup. […] Les jeunes gens à carte bleue pouvaient continuer à étudier le Talmud mais, pâles et soucieux, ceux qui avaient une

carte verte essayaient de perdre du poids pour éviter la conscription. […] Les Allemands s'emparèrent de Kalisz, Bedzin et Czestochowa. [Mon père] m'envoyait chercher le journal et y lisait avec difficulté les récits de massacres, de pogroms, de scènes de sau-

vagerie. Il me demandait ce qu'était une grenade, ou une mine... […] Les Autrichiens occupaient Bilgoray et Tomaszow - d'où ils allaient être chassés par les Russes. Qu'était-il arrivé à grand-père, grand-mère, à toute la famille ? La guerre ne se livrait plus au loin, en Serbie ou en Mandchourie - elle arrivait chez nous, on brûlait des synagogues, et jour et nuit on entendait de Varsovie le grondement des canons allemands. […]

Bien qu'à l'automne 1914 l'Allemagne eût été contrainte par les Russes de battre en retraite, les Allemands avançaient encore une fois et nous entendions à nouveau le bruit des canons. […] La ville regorgeait de réfugiés et de soldats, dont beaucoup nous paraissaient très étranges, comme les Circassiens, avec leurs énormes papachas, la poitrine gonflée de poignards et de cartouches. Les Kalmouks, aussi, et d'autres encore, à l'allure sauvage, en uniforme coloré, en partance pour le front ou, au contraire, en revenant. […] Des voitures passaient dans les rues, comme des hôpitaux ambulants, pleines de blessés couverts de pansements, la mort dans le regard. […]

Les Russes, qui avaient remporté tant de victoires pendant 1'hiver, devaient maintenant s'enfuir, chassés de Galicie, des Carpates et de Konigsberg. […]

En fin de compte, l'occupation de Varsovie par les Allemands n’entraîna pas pour les Juifs l’obligation de porter des vêtements modernes, ni pour les enfants juifs celle de fréquenter le gymnasium. […] Mais le rationnement des marchandises s'intensifia, les boutiques étaient presque vides. […]

Depuis l’été 1915, nous avions constamment faim. […] Pour nous, l’hiver 1917 fut un jeûne perpétuel. […] Il y avait à Varsovie des épidémies à la fois de typhus et de fièvre typhoïde. Cela n’était pas vraiment surprenant étant donné que les gens ne se maintenaient en vie qu’en mangeant des épluchures de pommes de terre et des châtaignes pourries. Les Allemands se mirent à obliger tout le monde à aller se laver dans les bains publics. […] Des dizaines de milliers d’habitants de Varsovie ou d’ailleurs attendaient de pouvoir se rendre dans les régions de Pologne maintenant occupées par les Autrichiens. Car là-bas, surtout dans les villages ou les petites villes, il y avait davantage à manger. […]

En Russie, la révolution avait éclaté. Je lisais dans le journal que le tsar Nicolas, aux arrêts dans son propre palais, s’amusait à couper du bois et que les Juifs avaient la permission de vivre à Petrograd et à Moscou. […] L’été céda la place à un automne pluvieux, puis à un hiver froid. On parlait d’une nouvelle révolution russe et on racontait même que les riches balayaient le plancher et allumaient les poêles pour les pauvres. […]

A l’été 1918, l’Ukraine était sur le point de connaître de nouveaux pogroms. Les bolcheviks se battaient entre eux. Les Allemands commençaient à se replier sur le front ouest. Mais quelle différence cela faisait-il si les soldats portaient tel ou tel uniforme ?

Isaac Bashevis Singer, Au Tribunal de mon Père, Stock, Paris, 1990.

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

ÉTUDE D’UN ENSEMBLE DOCUMENTAIRE

Sujet : La Pologne et ses frontières (1918-1923) Première partie. Analyser l’ensemble documentaire en répondant aux questions : 1. Pourquoi la solution du corridor de Dantzig apparaît-elle comme un compromis risqué ? 2. Pourquoi la guerre continue-t-elle à l’est ? 3. Décrivez la Pologne en 1923. 4. Qui est Piłsudski ? Comment l’auteur du document 4 décrit-il sa personnalité ?

Deuxième partie. A l’aide des réponses aux questions et des informations contenues dans les documents, rédigez une réponse organisée au sujet proposé.

Le 8 janvier 1918, le président américain Wilson avait exposé sa vision de l’après-guerre dans un message au Congrès en précisant dans son treizième point qu’« un État polonais indépendant devra être créé, qui comprendra les territoires habités par des populations indiscutablement polonaises, auxquelles on devra assurer un libre accès à la mer. » Le 28 juin 1919, le traité de Versailles stipulait dans son article 87 que « l'Allemagne reconnaît la complète indépendance de la Pologne et renonce en faveur de la Pologne à tous droits et titres sur les territoires qui lui étaient précédemment attribués ». Cela revenait donc à reconnaître les frontières occidentales de la Pologne. L’article 102 précisait que « la ville de Dantzig est constituée en ville libre et placée sous la protection de la Société des Nations ». Mais cela n’allait pas sans poser de problème.

1. Un jugement pessimiste sur le sort de la Pologne

La Pologne ressuscitée (...) est comme un corps privé de ses deux poumons (...). Il n'y a et il n'y aura de Pologne que si elle a un accès libre, sûr et commode à la mer. Or, elle ne touche la Baltique, en territoire polonais, que sur un lambeau de côte où il est impossible de construire un bon port. De là, la solution de Dantzig, ville de caractère allemand, érigée en ville libre afin de donner ou de prêter à la Pologne un port libre. Et de là, un chemin polonais du Sud au Nord. Mais comme ce qui restera de la Prusse orientale se trouverait séparé de l'Allemagne, et comme il faut que la province communique pourtant avec l'Etat, de là un chemin allemand de l'Est à l'Ouest, et les deux routes s'entrecroisent sur le territoire libre de Dantzig, dont la tutrice et la garante, la Société des Nations, fera bien dès maintenant d'organiser sérieusement la police. (...)

Telle est l'Europe du traité de Versailles. Si nous regardons de haut, à l'est de sa ligne médiane, nous ne voyons plus qu'un grand Etat actuel, le Reich allemand. Dans les vastes contrées de l'Europe centrale et orientale où, avant la guerre, il y en avait deux autres, l'Autriche-Hongrie et la Russie, l'Allemagne se redressera vite et bientôt se dressera seule comme grand Etat actuel.

Intervention parlementaire du 27 août 1919 par Charles BENOIST, député de la Seine.

2. La guerre continue à l’est

En 1919, l’annulation par la Conférence de la Paix du traité germano-russe de Brest-Litovsk contraint les Alliés à réfléchir à la limite orientale des « régions à majorité polonaise ». Le projet du ministre britannique des Affaires étrangères, Curzon, ne faisant pas l’unanimité, Russie et Pologne décident donc de les tracer par les armes. Les Polonais s’avancent jusqu’à Kiev le 7 mai 1920 mais sont contraints de se replier devant la puissante contre-offensive de l’Armée rouge.

L’intervention d’une mission militaire française commandée par le général Weygand et dont fait partie le capitaine de Gaulle permet à l’armée polonaise de remporter la victoire sur l’Armée rouge de Toukhatchevski et de Boudienny et ce « miracle de la Vistule » à quelques kilomètres de Varsovie (15 août 1920) conduit les Polonais à refouler les Soviétiques à 400 km plus à l’est.

Les liens politiques et militaires entre la France et la Pologne sont alors matérialisés, le 19 février 1921, par la signature d'un accord politique et d'une convention militaire secrète assortie d'un crédit de 400 millions de francs accordé par la France à son alliée. Alors que les combats russo-polonais se sont conclus avec l’armistice du 12 octobre 1920, le traité de Riga, le 18 mars 1921, fixe la frontière polono-soviétique selon le projet « jagellonien » de Piłsudski. La Pologne retrouve sa frontière de 1793 et justifie les annexions réalisées à l’est par la présence de majorités catholiques dans ces régions.

Sources diverses.

3. Carte de la Pologne en 1923

D. Beauvois, La Pologne, La Martinière, 2005

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

4. La personnalité de Piłsudski

En 1914, Piłsudski crée la 1ère Légion polonaise au sein de l'armée autrichienne et remporte plusieurs victoires. Mais lorsque les Allemands veulent imposer à cette Légion le serment à l'Allemagne, Piłsudski refuse. Le 2 juillet 1917, il est arrêté par les Allemands et interné dans la citadelle de Magdebourg.

Au moment de sa libération de Magdebourg, le 8 novembre 1918, Pilsudski ne manque pas de mesurer l'importance de son prestige dans le peuple polonais. C'est au fond le seul homme que connaissent ses compatriotes. Il saura entretenir ce sentiment en prenant soin d'écarter tous ceux qui pourraient lui porter ombrage.

Il est à l'égard de la France et de ses alliés d'une ingratitude invraisemblable. Il ne manquera pas d'affirmer dans ses discours et même devant les représentants des Alliés que la Pologne ne leur doit rien. Ce n'était pas, d'après lui, à l'Armistice du 11 novembre, mais uniquement à l'insurrection polonaise organisée par sa 1ère Brigade que la Pologne devait sa renaissance. Cet état d'esprit devait être d'ailleurs une cause de difficultés considérables pour moi.

Cet homme, généralement aimable, qui savait, dans son cadre familier, créer une atmosphère de détente, s'empourprait dès qu'il parlait des généraux polonais qui n'étaient pas ses fidèles. Il me disait souvent : « Je ne veux m'entourer que de jeunes officiers d'un grade peu élevé, qui ne voient que par mes yeux et n'ont pas la tentation de prendre de l'importance ni, surtout, de tirer la couverture à eux ».

C'était un jaloux et un égocentrique. Il n'était pas possible de lui montrer son ingratitude à l'égard de tel grand chef qui avait joué un rôle à ses côtés ; il se mettait en colère ou répondait par des paroles méprisantes. Il me racontait l'histoire de la Pologne en commençant : « Pilsudski a jeté son armée au feu... Pilsudski a gagné la bataille... La victoire a été pour lui... ». Un jour, à Cracovie, en 1922, jour anniversaire de la déclaration de la guerre, il prononce un discours : « Ce jour-là, j'ai commencé ma carrière fabuleuse dans l'ancienne Pologne». Le 3 juillet 1923, le ton s'élève encore plus haut : « j'ai couvert de gloire une armée polonaise. Dès le premier jour de la vie polonaise, j'ai remporté des victoires si éclatantes, si inouïes, qu'on n'en trouve de semblables que dans un lointain passé ». Il ne parlait, bien entendu, jamais de ses camarades, sinon de ses compagnons de la 1ère Brigade. Il s'assurait d'ailleurs une troupe de partisans dévoués jusqu'au fanatisme. Il en usera pour tendre des traquenards ou même fomenter des insurrections contre les usurpateurs qui ont l'audace de gouverner la Pologne sans lui.

Charles DUPONT, Mémoires du général Charles Dupont, chef de la Mission militaire française en Pologne, Service historique de l'Armée de Terre, 1 Kt 526, ff. 179-184.

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

ÉTUDE D’UN ENSEMBLE DOCUMENTAIRE

Sujet : La Pologne et les grandes phases de la Seconde guerre mondiale Première partie. Analyser l’ensemble documentaire en répondant aux questions : 1. Comment évolue la situation de la Pologne en septembre 1939 ? 2. Quel est le sort de la population (soldats et civils) ? Comment s’organise la résistance ? 3. Quels sont les pays alliés à la Pologne en 1944 ? 4. Peut-on parler de « libération » de la Pologne par l’Armée rouge ?

Deuxième partie. A l’aide des réponses aux questions et des informations contenues dans les documents, rédigez une réponse organisée au sujet proposé.

1. L’invasion germano-soviétique (septembre 1939) et la rapide défaite de la Pologne

A gauche, Allemands encerclant la gare de Gdańsk le 1er septembre 1939. A droite, patrouilles allemandes et soviétiques à la ligne de démarcation fin septembre 1939.

2. Sous la botte nazie et soviétique

En septembre 1939, après la défaite de la Pologne, des centaines de milliers de Polonais fuient devant l’avancée des troupes nazies et soviétiques. Les soldats et de nombreux civils sont emprisonnés, déportés vers le Reich (près d’1 million) et vers les goulags de l’Arctique et du Kazakhstan (plus d’1 million) ou assassinés par la police secrète soviétique (25700 détenus polonais assassinés par le NKVD en mars 1940 notamment à Katyń, Tver et Kharkov). A la suite de l'exécution [du transfert de nombreux Polonais à l'est de la Pologne], la population des territoires du Gouvernement général [de Pologne] sera obligatoirement dans les dix prochaines années, composée de gens de race inférieure auxquels viendront s'ajouter les populations des provinces orientales et des autres parties du Reich allemand qui ont les mêmes attributs raciaux et humains. Cette population constituera donc un réservoir de main-d'œuvre et fournira annuellement à l'Allemagne le contingent nécessaire d'ouvriers saisonniers et de travailleurs pour tous les travaux (routes, carrières, bâtiments); elle sera appelée, sous la direction sévère mais juste du peuple allemand, à coopérer.

H. Himmler, chef des SS, 15 août 1940.

Le charnier de Katyń

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

3. Résistances intérieures et extérieures

Après la défaite, le général Władisław Sikorski, Premier ministre, décida de continuer le combat en France. Il parvint à mobiliser plus de 80.000 Polonais en France qui participèrent aux combats de avril-juin 1940. Après l’armistice de juin 1940, le général Sikorski prit le chemin de l’Angleterre pour continuer la lutte et établit rapidement des relations étroites avec le général de Gaulle ; le 24 septembre 1941, le gouvernement polonais en exil reconnaissait officiellement de Gaulle comme « chef des Français libres ». En Pologne, ce gouvernement en exil organisa, cas unique en Europe, un véritable Etat clandestin doté d’une armée (Armia Krajowa ou AK), d’une justice (exécution de collaborateurs par exemple), d’un système éducatif à tous les degrés de la scolarité (cours secrets et université « volante ») et d’une presse (tracts, journaux).

4. 1944, l’année terrible

En juin 1941, Hitler lance son armée à travers tout le territoire polonais pour attaquer l’URSS. Après une entrevue à Londres entre Sikorski et un représentant soviétique, 75 000 soldats polonais sont libérés des goulags et le général Anders est chargé d’organiser ce nouveau corps militaire. Les années 1942-1943 marquent donc un tournant et on assiste aux premières défaites de l’Axe. L’année 1944 est l’année décisive.

L’armée du général Anders, sous commandement britannique, débarque en Italie et, après des vagues d'assauts infructueux d'Américains, de Français, de Néo-Zélandais et d'Hindous, parvient en mai 1944 à s’emparer du verrou de Monte Cassino. Le 1er août 1944, les 16 000 hommes de la division blindée du général Maczek, intégrée dans l’armée canadienne, débarquent en Normandie et participent aux terribles combats pour la libération du front occidental.

C’est aussi le 1er août que débute à Varsovie la grande insurrection contre l’occupant allemand. Face à l’arrivée imminente de l’Armée Rouge dans la capitale et donc pour éviter que les Soviétiques ne contrôlent le pays, l’Armée de l’Intérieur (AK), se lance dans le combat. Un véritable combat de rues a lieu dans la capitale, auquel participe une grande partie des habitants, malgré l’absence d’armes. Le 10 septembre, l’espoir renaît à l’annonce de l’approche de l’Armée rouge. Mais Staline décide d’arrêter ses troupes de l’autre côté du fleuve et refuse aux avions des forces alliées de ravitailler les insurgés. Le 2 octobre l’acte de reddition est signé et les unités polonaises se rendent après 63 jours de combat qui ont vu mourir 18 000 soldats de l’AK et 150 à 200 000 civils. Les Allemands rasent 70% de la ville après avoir fait évacuer la population.

Sources diverses.

5. La Pologne satellisée

Dans ses Mémoires, le général de Gaulle relate son entretien avec Staline, le 6 décembre 1944 à Moscou, au sujet de la Pologne. Les communistes viennent de former en Pologne un gouvernement provisoire et les ruines de Varsovie tombent aux mains de l’Armée rouge le mois suivant.

« [...] Mais je répétai qu'à nos yeux il fallait que la Pologne fût un État réellement indépendant. C'est donc au peuple polonais qu'il appartenait de choisir son futur gouvernement. Il ne pourrait le faire qu'après la Libération et par des élections libres. [...] Prenant la parole à son tour, le maréchal Staline s'échauffa. À l'entendre, grondant, mordant, éloquent, on sentait que l'affaire polonaise était l'objet principal de sa passion et le centre de sa politique.

"La Pologne, dit-il, a toujours servi de couloir aux Allemands pour attaquer la Russie. Ce couloir, il faut qu'il soit fermé, et fermé par la Pologne elle-même ; pour cela, le fait de placer sa frontière sur l'Oder et sur la Neisse pourrait être décisif, dès lors que l'État polonais serait fort et "démocratique". [...]"

Staline aborda alors la question du gouvernement à instaurer à Varsovie. Il le fit avec brutalité, tenant des propos pleins de haine et de mépris à l'égard des "gens de Londres"1. [...] "Le Comité [de Lublin]2 a commencé d'accomplir sur le territoire libéré une réforme agraire qui lui vaut l'adhésion enthousiaste de la population." »

Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, tome III, Le Salut, 1944-1946, Plon, 1959.

1. Le gouvernement en exil à Londres depuis 1940. 2. Le Gouvernement provisoire communiste formé par l'URSS en 1944.

Chronologie. La participation des Polonais à la libération de la France pendant la Seconde guerre mondiale.

Evénements généraux Evénements concernant la Pologne

Les victoires de l’Axe (1939-1941)

- L’Allemagne mène une « guerre éclair » (Blitzkrieg) grâce à la puissance de ses chars et de son aviation. Sans déclaration de guerre, le 1er septembre 1939, les troupes allemandes envahissent la Pologne qui est écrasée en 1 mois. La Grande-Bretagne puis la France déclarent la guerre à l’Allemagne. Pendant qu’Hitler envahit les Pays-Bas et la Belgique, les Français attendent derrière la ligne Maginot : c’est la « drôle de guerre ». Mais la France est à son tour envahie et écrasée en 6 semaines (mai - juin 1940). Le maréchal Pétain, alors président du Conseil, signe l’armistice (22 juin 1940). - Seul le Royaume-Uni continue la guerre. Hitler engage donc la « bataille d’Angleterre » (blocus et attaques aériennes) avant de se lancer dans la « bataille de la Méditerranée » pour couper la route de Suez aux troupes coloniales britanniques. De plus, en juin 1941, Hitler envahit l’URSS et rompt le pacte germano-soviétique. L’Armée rouge est submergée mais l’hiver arrête les offensives allemandes.

- Après la défaite polonaise, le général Władisław Sikorski, Premier ministre, décida de continuer le combat en France. Il parvint à mobiliser plus de 80.000 Polonais en France, 50.000 étant des Polonais immigrés en France avant la guerre et 30.326 provenant de Pologne (via la Hongrie, la Roumanie, la Lituanie et la Lettonie). Ces troupes furent rassemblées et entraînées pour la plupart dans deux régions : en Bretagne (Coëtquidan) et dans les Deux-Sèvres. Elles participèrent aux combats de avril-juin 1940 où 8 à 9000 combattants polonais furent tués. - Après l’armistice de juin 1940, le général Sikorski prit le chemin de l’Angleterre pour continuer la lutte, en compagnie de 27 000 soldats. Les autres combattants furent soit faits prisonniers en Allemagne ou internés en Suisse, soit démobilisés. Sous l'égide de l'Angleterre, une nouvelle armée polonaise se reconstitua aussitôt sur le sol britannique : elle totalisera 225.000 hommes sous les armes en 1945. Ces forces polonaises se répartissaient en forces Aériennes, Navales et Terrestres. Deux corps d'armée constituaient les forces terrestres : le 1er Corps formé en Ecosse (dirigé par le général Maczek), et le 2ème Corps constitué à partir de 1941 de soldats polonais libérés des camps de la Russie soviétique (dirigé par le général Anders). Le général Sikorski établit rapidement des relations étroites avec le général de Gaulle ; le 24 septembre 1941, le gouvernement polonais en exil reconnaissait officiellement de Gaulle comme « chef des Français libres ». Le travail commun des spécialistes français et polonais de cryptage (groupe « Ultra ») et de transmission radio (groupe F2) joua un rôle important durant la guerre. - Parallèlement à ces forces sous uniforme, le gouvernement polonais de Londres organisait et armait d'importants réseaux de résistance. En France, fut créée le 6 septembre 1941 la POWN Polska Organizacja Walki o Niepodleglość – Organisation Polonaise de Lutte pour l’Indépendance. Elle avait pour mission le renseignement, le sabotage, la rédaction et la diffusion de journaux clandestins en langue polonaise, française et allemande, la recherche et la préparation de terrains de parachutage.

Le tournant de

la guerre (1942-1943)

- A partir de 1942, le conflit devient mondial. En effet, en décembre 1941, les Japonais bombardent la flotte américaine à Pearl Harbor. Les Etats-Unis entrent alors en guerre contre les puissances de l’Axe. Les offensives des dictatures sont stoppées grâce à l’effort de mobilisation de l’économie des Alliés : la guerre devient totale. Les Etats-Unis, grâce à leurs énormes moyens économiques, fournissent chars, avions, camions. - Des victoires décisives se produisent : les Américains remportent des succès militaires contre le Japon (Midway) et débarquent en Afrique du Nord, les Britanniques sont victorieux des Allemands en Egypte (El Alamein), l’Armée rouge oblige les Allemands à capituler à Stalingrad (hiver 1942-1943)

La POWN comportait 4000 membres en 1943 et 8000 en 1944. A partir de juillet 1943 ont commencé les opérations militaires polonaises sur le sol français. Le 28 mai 1944, les groupes de combat polonais furent rattachés au mouvement des Forces Françaises de l’Intérieur. L’organisation POWN n’était pas la seule impliquée dans la Résistance sur le territoire français. D’autres groupes de résistance existaient à l’instar de ceux émanant du Parti Communiste Français et du mouvement Francs-Tireurs et Partisans tels que la section polonaise de la main-d’œuvre immigrée, la MOI, composée surtout d’anciens soldats des Brigades Internationales d’Espagne, de la Brigade Jaroslaw Dabrowski (environ 3000 hommes). En 1944, on commença à former des Comités Polonais de Libération Nationale PKWN qui appuyaient la politique communiste de la Pologne ; elle était opposée à la POWN.

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

La victoire des Alliés

(1944-1945)

- L’Europe de l’Ouest est libérée par une série de débarquements. A partir de la Sicile, les Alliés obligent l’Italie à capituler et le régime fasciste tombe. A partir de la Normandie (6 juin 1944), les Alliés libèrent Paris (général Leclerc) et franchissent le Rhin. - L’URSS est libérée au printemps 1944. L’Armée rouge libère ensuite l’Europe de l’Est et marche vers Berlin. L’Allemagne capitule le 8 mai 1945, sonnant le glas du régime nazi. - Pour faire stopper la guerre aéronavale dans le Pacifique, l’Américain Truman décide d’utiliser la bombe atomique à Hiroshima puis Nagasaki (août 1945). Un mois plus tard le Japon capitule.

- Le 2ème Corps d'Armée du général Anders se plaça sous le commandement de la 8ème Armée britannique du général Montgomery. Le 2ème Corps arriva en Italie en décembre 1943 et occupa des positions défensives pour protéger la progression de la 8ème armée qui vint buter sur le verrou de Monte Cassino. Pendant deux mois on s'obstina à prendre le piton rocheux de ce monastère bénédictin. Après des vagues d'assauts infructueux d'Américains, de Français, de Néo-Zélandais et d'Hindous, ce sont les Polonais qui parvinrent à planter leur drapeau sur les ruines de l'abbaye, après des combats qui durèrent du 11au 18 mai 1944 et qui se terminèrent au corps à corps. Les effectifs du 2ème Corps s'enflaient constamment de prisonniers polonais de la Wehrmacht incorporés de force par les Allemands. En juin, après la bataille d'Ancône, le 2ème Corps prenait possession de ce port important. A partir de janvier 1945, il se prépara à la bataille pour la prise de Bologne. L'offensive débuta le 9 avril par la prise d'Imola et ensuite de Bologne le 21 avril. - Dès le 6 juin 1944, l’aviation et la marine polonaises participent aux débarquements. Dans la nuit du 5 au 6 juin, le Sokol et le Dżik déposent des nageurs de combat. Ils doivent détruire les obstacles des plages, puis les sous-marins servent de balises pour les nombreuses vagues d'assaut. Le Dragon, le Slazak et le Krakowiak opèrent dans le secteur britannique du débarquement. Ils pilonnent la côte de leurs canons, souvent à la demande des troupes à terre et avec succès. Ils escortent également les renforts entre l'Angleterre et la France. Les destroyers Piorun et Blyskawica sont dans le secteur américain. Ils interceptent un convoi allemand et lui inflige de lourdes pertes. Jusqu'à fin juin, ils patrouillent dans la Manche. Au large d'Arromanches, le Dragon est victime d'une torpille humaine, il y a des morts, le navire est ensuite sabordé en guise de digue pour le port artificiel. Les forces aériennes ne sont pas en reste : dès le 6 juin, le 303ème squadron pour ne citer que lui, fait trois sorties ce jour là au dessus de la Normandie sans pertes. Le 131ème Skrzydla mysliwskiego (Spitfires) fait 255 vols opérationnels le 6 et 275 le 7. Des pilotes polonais sont intégrés au 51ème groupe américain sur Republic Thunderbolt ; 2 groupes sur De Havilland Mosquito participent également à la préparation de la bataille. Par contre les pilotes des escadrons de C47 Dakota ne participent pas mais seront tous présents pour l'opération Market Garden. Enfin, une escadrille polonaise, spécialisée dans les vols de nuit, procéda au ravitaillement des réseaux de la Résistance sur le continent. - Le 1er août 1944, les 16 000 hommes de la 1re Division blindée du général Stanislaw Maczek, intégrée dans la 1ere Armée canadienne, débarquèrent en Normandie (Arromanches). Ils livrèrent alors plusieurs combats acharnés contre les Allemands (Falaise et l’opération « Maczuga ») et perdirent 2.500 hommes tués ou blessés. Ensuite la division entama sa poursuite vers Criqueboeuf et traversa la Seine le 31 août. Le 3 septembre la division libéra Abbeville puis Hesdin, Saint Omer, Aires-sur-la-Lys. En neuf jours, au prix de 494 morts, l'unité avait parcouru 400 km. Elle reçut les semaines suivantes des renforts issus de 10.000 volontaires polonais des bassins miniers du Nord de la France. La division poursuivra son épopée victorieuse en Belgique, en Hollande et jusqu’à la frontière allemande. Après 1945, des milliers de combattants des armées reconstituées d'Occident ne souhaitèrent pas rentrer en Pologne, où l’épuration fut mise en œuvre et des milliers d'officiers, soldats, et résistants furent éliminés pour le simple crime d'avoir combattu dans les forces de l'Ouest.

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

PORTRAIT. L’EXTRAORDINAIRE PARCOURS DU LIEUTENANT LEON STOJOWSKI

« Le lieutenant Stojowski Léon ne pouvait se douter que la décision qu’il prendrait le 19 septembre 1939 allait bouleverser le cours de sa vie. Une

certaine idée de l’honneur, de la liberté, allait lui faire parcourir des milliers de kilomètres, livrer des quantités de batailles, naviguer sur tous les océans

de la planète, et vivre pendant cinq années une multitude d’aventures invraisemblables... Mais

surtout, il ne se doutait pas, que jamais plus il ne reverrait sa terre natale. »

Léon Stojowski est né le 22 juin 1915 à Stanislawow en Pologne. Il passe le baccalauréat et rentre à

l’école des officiers de la même ville en 1935. Il est aspirant au 48ème régiment d’infanterie des Carpates. Mais lorsque la guerre éclate le 1er septembre 1939, il combat les Allemands avec une unité des chasseurs de Podhale. Ses deux frères sont également officiers, Boleslaw le plus vieux est lieutenant d’infanterie, prés de Varsovie, le second, Jòzef est capitaine vétérinaire dans la cavalerie. Les trois frères sont des hommes de la nature, des « Gòrale » (montagnards), qui adorent leur liberté et leur pays. Ces sentiments vont déterminer leurs destinées à travers toutes ces années de guerre.

Le 19 septembre 39, Léon Stojowski part se réfugier en Hongrie après la dissolution de son unité. Il

est interné à Esztergom. Quelques semaines plus tard, il s’évade pour aller à Budapest et rejoint la France avec l’aide d’une comtesse (Mme Palawicini) et en compagnie du général Marian Kukiel. Il est hébergé à Paris dans une caserne avec d’autres officiers pendant 15 jours. Il rejoint ensuite Coëtquidan, en Bretagne, d’où il partira pour Narvik (Scandinavie) avec les chasseurs de Podhale en compagnie des légionnaires français. A son retour, il participe à la Campagne de France et se bat en Bretagne et prend le dernier bateau pour l’Angleterre. Après deux défaites consécutives, le lieutenant décide de s’embarquer comme simple matelot sur le paquebot polonais « Batory » transformé en transport de troupes. Il participe pendant un an à de nombreux convois alors que la bataille de l’Atlantique fait rage.

En 1941, Léon Stojowski retourne en Ecosse pour continuer la lutte avec le général Maczek et sa 1ère

Division Blindée. Il est réintégré dans son ancienne unité des chasseurs de Podhale qui vient de renaître de ses cendres. Au mois d’août 1944, il débarque à Arromanches et participe à la bataille de Caen et à la fermeture de la poche de Falaise. Il est l’un des seuls officiers de son unité à sortir indemne de cette sanglante bataille. Cette victoire a un goût amer, car il vient d’apprendre que son frère Jòzef a été tué pendant la prise de Monte Cassino en Italie par les troupes d’Anders. Après quelques jours de repos, les chasseurs de Podhale sont durement engagés pour la libération d’Abbeville. Ils se dirigent ensuite vers la Belgique, la Hollande. La dernière étape du long périple du lieutenant Stojowski le mène en Allemagne où il se bat pour la première fois le 20 avril à Aschendorf. Quelle revanche sur la campagne de Pologne en septembre 1940 ! ! ! Enfin les derniers combats des chasseurs de Podhale ont lieu à Papen-bourg, Holtelmoor et Stockhausen le 4 mai 1945. Le 1er mars 1946 le lieutenant-colonel Complak, commandant le bataillon des chasseurs de Podhale et le consul britannique remettent au lieutenant Stojowski la Military Cross, une des plus hautes distinctions militaires anglaises.

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

L’immense bonheur de la fin de la guerre est très vite oublié par la grande désillusion de ne pas

pouvoir retourner dans son pays natal. Yalta et les communistes sont passés par là et Stanislawow, la ville natale du lieutenant Stojowski est devenue soviétique (Ivano-frankowsk). Le grand rêve s’écroule pour des milliers de soldats polonais. L’occupation sur le sol allemand se termine au début de l’année 1947, la 1ère DB est rapatriée en Angleterre, il faut donc prendre une décision.

Mais que faire et où aller ? Après 12 années passées sous les drapeaux, on ne sait faire que la guerre

et l’on appréhende le retour à la vie civile… En 1940, il existe une coutume en France qui consiste à donner à chaque soldat une marraine de

guerre. Les soldats polonais qui sont intégrés dans le corps expéditionnaire français pour Narvik ont donc eu, eux aussi leur marraine. Léon Stojowski a toujours gardé précieusement son adresse sans vraiment savoir pourquoi. Elle s’appelle Elisabeth Kura et habite le Pas-de-Calais. Il décide donc de faire connaissance avec les immigrés polonais du nord de la France dont beaucoup se sont engagés dans la 1ère DB après la libération de leur région.

Coupés de leurs racines familiales et culturelles, les soldats du général Maczek s’éparpillent sur

toute la planète et rejoignent souvent les nombreuses communautés polonaises déjà établies sur tous les continents.

C’est ainsi qu’au mois de mars 1948, Léon Stojowski épouse Melle Hilda Kura la sœur de sa marraine de guerre qui est aussi une ancienne résistante du réseau "Monica".

Mais le retour à la vie civile ne se fait pas sans mal et les petits boulots s’enchaînent ; ouvrier en usine, agent de sécurité… pour terminer au fond de la mine pendant plus de 15 années. Léon Stojowski s’est reconstruit un petit monde dont les limites correspondent à son épouse et à son fils Richard. Mais les portes du monde extérieur se sont définitivement refermées. Personne ne s’intéresse à ceux qui ont combattu pour la liberté des peuples. La guerre est loin…tout comme la Pologne qui reste un éternel regret.

Après une tragique et longue expérience de la guerre, il est impossible de réintégrer une vie civile

normale, les séquelles physiques ou psychologiques sont là et ont marqué les hommes à tout jamais. Véritable héros de la dernière guerre, Léon Stojowski a vécu reclus dans son petit univers pendant plus de 50 années. Il parlait couramment l’anglais et l’allemand mais n’employait que très rarement la langue française… Sa dernière réflexion devrait interpeller toutes les générations qui n’ont pas connu le dernier conflit mondial.

« Les hommes qui ont donné leur jeunesse pour votre liberté ont tous été profanés de leur vivant… »

Il s’est éteint le 11 juillet 1999 à l’âge de 84 ans.

Source : http://premieredivision.chez.tiscali.fr/index.htm

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

ÉTUDE D’UN ENSEMBLE DOCUMENTAIRE

Sujet : Le ghetto de Varsovie Première partie. Analyser l’ensemble documentaire en répondant aux questions : 1. Comment caractériser la population juive de Varsovie dans les années 1930 ? 2. Tous les juifs vivent-ils de la même façon dans le ghetto ? Pourquoi les nazis ont-ils publié de nombreuses photos comme celle du document 2 ? 3. Pourquoi les survivants du ghetto s’insurgent-ils alors que leur combat est sans espoir ? 4. Que nous apprend le document 3 sur l’attitude des Polonais non juifs face à cette situation ?

Deuxième partie. A l’aide des réponses aux questions et des informations contenues dans les documents, rédigez une réponse organisée au sujet proposé.

1. Les Juifs de Varsovie à la veille de la Seconde Guerre mondiale

Selon le recensement de 1931, Varsovie est la ville d'Europe qui compte le plus de Juifs. 352 689 Juifs y vivent, soit

30,1 % de la population de la capitale polonaise. 80 % vivent dans quatre quartiers : Grzybow (52 % de Juifs), Migrow (40 %), Lezno (57 %). Le quatrième, Muranow, abrite un tiers de la population juive (environ 100 000 personnes) et est à plus de 90 % juif. Mais il existe aussi une bourgeoisie juive qui est, au cours du XIXe siècle surtout, germanisée, russifiée ou polonisée, et qui suit la bourgeoisie polonaise, habitant par exemple dans des villas luxueuses construites aux abords du parc Lazienki. Les quatre quartiers où les juifs se concentrent sont à haute densité de population. Environ 30 % des Juifs de Varsovie habitent dans des appartements d'une seule pièce, appartements surpeuplés, puisque, pour les trois quarts, ils abritent en moyenne trois ou quatre personnes. Le désir de vivre ensemble répond à la fois au besoin de se sentir en sécurité, mais aussi d'avoir accès aux services communaux juifs, de disposer notamment d'une synagogue à proximité de son domicile, dans les limites sabbatiques.

La période de l'entre-deux-guerres est économiquement dramatique. Avec la crise économique de 1929, le vote de lois d'inspiration antisémite (notamment de celle qui impose, au mépris du traité sur les minorités nationales, le repos du dimanche, obligeant ainsi artisans et commerçants juifs à chômer deux jours par semaine), la situation devient tragique pour le petit peuple juif. Deux chiffres en témoignent : en 1931, 34,4% des chômeurs de Varsovie sont juifs ; en 1933, plus de la moitié des Juifs sont exemptés de la taxe communale. Ils vivent grâce à un réseau charitable sans équivalent.

La population juive de Varsovie reste massivement yiddishophone, bien que le nombre des polonophones augmente car la majorité des élèves juifs (70% des 500 000 enfants) fréquente l'école publique en langue polonaise. Au recensement de 1931, 88,9% des Juifs de Varsovie déclarent le yiddish comme leur langue maternelle. Dans les années 1932-1938 à Varsovie, chaque jour sont vendus en moyenne 42 000 exemplaires de presse juive en langue polonaise (cas unique dans le monde juif) et 161 450 exemplaires d'une presse en yiddish, soit en tout 203 000 exemplaires de quotidiens (contre 632 000 exemplaires pour la presse quotidienne polonaise).

D’après Annette Wieviorka: Les Juifs de Varsovie à la veille de la Seconde Guerre mondiale (1994) in Les cahiers de la Shoah n° 1, 1994.

2. Survivre dans le ghetto

Dès l'hiver 1939, après la défaite de la Pologne, les nazis commencèrent à persécuter les Juifs : obligation de porter un brassard avec l'étoile de David, identification des magasins juifs sur leurs vitrines, obligation de rendre les radios, interdiction de voyager en train. Puis ils décidèrent de rassembler les Juifs de Varsovie et des villes et campagnes voisines dans des quartiers fermés : le ghetto de Varsovie fut créé le 12 octobre 1940. Le ghetto était au centre de la ville et était entouré d'un mur de 3 mètres de haut et de barbelés. Il fut d’abord formé de deux parties (« grand ghetto » au nord et « petit ghetto » au sud) reliées par une passerelle. Dans le ghetto, les conditions de vie étaient inhumaines. Le chômage, la perte des repères, l'entassement, la sous-alimentation la maladie firent vite des ravages. Un "Conseil juif" (Judenrat) fut créé, composé de dirigeants juifs auxquels les nazis s'adressaient pour gérer la situation. Le Judenrat devait faire régner l'ordre dans le ghetto (création d’une police et d’une prison) et tenter, dans des conditions impossibles, d'améliorer le sort des habitants.

« Je veux voir ce mur de brique qui monte, s'allonge et nous enferme. Près de la place Parysowski, il ressemble au mur d'une prison et tout notre quartier (car nous n'avons même pas le droit, a ordonné le haut-parleur, de l'appeler ghetto) sera une prison. »

Quelques jours plus tard. « Ce samedi 16 novembre 1940 à tous les coins de

rue stationnent des patrouilles. Partout la foule, et puis, brusquement, de larges zones vides : ILS sont là. Je m'avance : trois vieux Juifs, les bras tendus, font des flexions. L'un d'eux chancelle et tombe dans la boue. Il reste allongé, immobile et un soldat lentement lui marche sur le corps. Rue Ogrodowa, une femme embrasse le trottoir alors qu'ILS rient. Nous sommes enfermés et nous sommes impuissants ! Le long du mur, la foule est massée, silencieuse, fascinée. Les morceaux de verre, les barbelés en haut du mur sont parfaitement visibles. Les gens regardent, repartent [...]. J'ai suivi le mur du ghetto. Je ne voyais que ce mur, je n'entendais qu'une phrase en moi : ils ne m'enfermeront pas. »

Quelques semaines plus tard. « Toute la journée, j'ai marché dans le ghetto. Cela

faisait longtemps que je n'allais plus au hasard de ces ruelles surpeuplées. Des enfants fouillent dans les poubelles, une femme, son bébé mort dans les bras, mendie ; un couple élégant, l'homme superbe, les bras

croisés, la femme maquillée, chante au milieu de la chaussée. Là on vend des livres par paniers entiers, ici un homme est allongé sans connaissance : sans doute le froid et la faim. Tout va mal : la mort est partout, une mort rongeante, rampante. »

Martin Gray, Au Nom de tous les miens, Robert Laffont, 1971.

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

3. Extermination et résistances

Le 22 juillet 1942, les Allemands annoncent une opération de « transfert des populations vers l'Est», c'est-à-dire la déportation vers les camps de la mort. Le président du "Conseil Juif" du ghetto, Adam Czerniakow, se suicide pour ne pas avoir à livrer les enfants aux nazis. En l’espace de quelques semaines – du 22 juillet au 10 septembre 1942 – la quasi-totalité des 350000 habitants du ghetto de Varsovie sont acheminés vers les chambres à gaz de Treblinka à raison de convois de plusieurs milliers de personnes par jour. Il ne reste plus ensuite qu'environ 70.000 Juifs dans le ghetto dont la surface est rétrécie. Une deuxième vague de déportations commence le 18 janvier 1943. Dès lors une résistance armée s'organise et les nazis ont de plus en plus de mal à arrêter les Juifs, qui se cachent et réussissent à se procurer quelques armes. Le plus important soulèvement éclate le 23 avril 1943, quand les survivants des déportations, épargnés jusque là parce qu’ils travaillaient dans des entreprises, doivent eux aussi être « réinstallés ». Le combat, dont la SS prévoit qu’il durera trois jours, s’étend sur près d'un mois. Faisant usage de mitrailleuses et de lance-flammes, de lance-grenades et de canons, trois mois après la défaite de Stalingrad, la SS dirigée par le général Jürgen Stroop réussit à remporter une victoire sur 56 000 civils — hommes, femmes et enfants. Le soulèvement du ghetto de Varsovie, que les SS ont filmé pour en faire un documentaire à leur propre gloire, demeure un symbole de la résistance.

Polonais, citoyens, soldats de la liberté ! A travers le grondement des canons de l'armée

allemande, qui sont en train de bombarder nos maisons, nos mères, nos femmes, nos enfants, à travers le crépitement de mitrailleuses que nous enlevons de haute lutte aux lâches gendarmes et aux SS, à travers la fumée des incendies et les flots de sang qui ruissellent dans les rues écrasées du ghetto de Varsovie, nous, prisonniers du ghetto, nous vous envoyons notre cordial et fraternel salut. Nous savons que c'est avec douleur, avec des larmes de compassion, avec respect, que vous assistez à la bataille que nous livrons depuis plusieurs jours à l'atroce occupant.

Sachez donc qu'aujourd'hui comme hier, chaque seuil du ghetto sera une forteresse, sachez que tous nous voilà prêts à mourir au combat et sans jamais nous rendre.

Comme vous, nous désirons la revanche, nous voulons le châtiment de tous les crimes perpétrés par l'ennemi commun. Nous nous battons pour notre liberté et pour la vôtre, pour notre honneur et pour le vôtre, pour notre dignité humaine, sociale, nationale et pour la vôtre. Vengeons les crimes d'Auschwitz, de Treblinka, de Belzec, de Majdanek.

Vive la fraternité d'âme et de sang de la Pologne combattante ! Mort aux bourreaux ! Mort aux tortionnaires ! Vive le combat à vie et à mort contre l'occupant !

Tract de l'Organisation juive de combat, 23 avril 1943

En juillet 1943, les derniers survivants de l’insurrection sont alignés contre le mur du ghetto avant d’être exécutés sur place.

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

ÉTUDE D’UN ENSEMBLE DOCUMENTAIRE

Sujet : La Pologne et les camps d’extermination Première partie. Analyser l’ensemble documentaire en répondant aux questions : 1. Quand commence la « solution finale » ? Pourquoi la Pologne est-elle choisie pour accueillir les camps d’extermination ? 2. A combien s’élève le nombre de victimes dans ces camps ? Sont-elles toutes polonaises ? 3. En quoi le document 3 permet encore de préciser cette idée d’« usines de la mort » ? 4. Que révèle le document 4 sur cette politique nazie d’extermination ?

Deuxième partie. A l’aide des réponses aux questions et des informations contenues dans les documents, rédigez une réponse organisée au sujet proposé.

1. Principaux camps dans l’Europe nazie et localisation des 6 camps d’extermination

Dès octobre 1939, le gouverneur allemand de Pologne précise que « la Pologne sera traitée comme une colonie : les Polonais deviendront les esclaves du Grand Reich. » Tous ceux qui refusent de se soumettre, particulièrement les élites, sont envoyés dans les camps de concentration ou KL : Stutthof (près de Gdańsk), Auschwitz, Gross-Rosen (près de Wrocław), Majdanek (près de Lublin) et Plaszów (près de Cracovie). Pour les Polonais juifs, le traitement est différent. Ils sont d’abord enfermés dans des ghettos puis, à partir de l’automne 1941, quand les nazis décident de mettre en place la « solution finale », c’est la Pologne qui est choisie pour accueillir tous les camps d’extermination. Le pays compte en effet le plus grand nombre de juifs et il est suffisamment éloigné pour que la population allemande (et occidentale) n’ait pas à se poser de questions. C’est donc entre novembre 1941 et juin 1942 que les nazis réorganisent Auschwitz et Majdanek en camp d’extermination et créent cinq autres usines de la mort : Chelmno (Kulmhof), Belzec, Birkenau (Auschwitz II), Sobibor et Treblinka.

2. Les victimes dans les camps d’extermination

Auschwitz-Birkenau : 1 000 000 (dont 91% de juifs, 6% de Polonais non-juifs, 1,5% de tziganes et 1,5% de prisonniers de guerre soviétiques ou de détenus d’autres origines) Treblinka : 750 000 Belzec : 550 000

Sobibor : 200 000 Chelmno (Kulmhof) : 150 000 Majdanek : 50 000 (dont 48% de Juifs, 31% de Polonais non-juifs, 16% de Soviétiques et 5% d’autres origines)

D’après L’Histoire, Le dossier Auschwitz, janvier 2005, p.33 et F. Piper, « The number of Victims », Auschwitz, t.III, Musée d’Etat d’ Auschwitz-Birkenau, 2000, pp.205-231

A. Léonard. Lycée Français de Varsovie. Janvier 2006.

3. Une extermination « industrielle » : l’exemple d’Auschwitz

4. La fausse gare de Treblinka

« Je veux ici, entre nous, évoquer en toute franchise un sujet particulièrement grave. Il faut que cela soit discuté une fois entre nous et, malgré cela, nous n'en parlerons jamais en public. Je veux parler de l'évacuation des juifs, de l'extirpation du peuple juif. Cela relève des choses dont on parle à son aise : "le peuple juif est en train d'être extirpé" dit chaque membre du Parti, "tout est clair, ça fait partie de notre programme, élimination des juifs, extirpation, on s'en occupe." Et puis, ils viennent tous, les 80 millions de braves Allemands, et chacun a son juif convenable. C'est clair, les autres sont des porcs, mais celui-là, c'est un juif de première qualité. De tous ceux qui parlent ainsi, pas un n'en a été le spectateur, pas un n'y a participé. Parmi vous, la plupart sauront ce que c'est quand 100 cadavres gisent ensemble, quand 500 gisent là, ou quand 1 000 gisent là. Avoir tenu sans relâche, et – mis à part les exceptions dues à la faiblesse humaine – être restés convenables, cela nous a rendus durs. C'est là une page de gloire de notre histoire, une page qui n'a jamais été écrite et qui ne sera jamais à écrire. »

Extrait du discours de Heinrich Himmler le 4 octobre 1943 devant des généraux de la SS à Poznań

« Entre temps, Treblinka était devenu le grand centre de l'extermination. Des convois y arrivaient de

toutes les villes de Pologne, du fin fond de la Russie et même de l'Allemagne [...]. Kurt Frank décida de mettre le camp à la hauteur d'un tel dessein [...]. Il eut l'idée de transformer l'esplanade où arrivaient les convois en une fausse gare [et] poussa le souci du détail jusqu'à faire peindre deux portes menant aux salles d'attente, l'une de première classe, l'autre de seconde [...]. A côté de la caisse, un grand tableau annonçait les heures de départ des trains pour Varsovie, Bialystok, Wolkowice, etc. [...]. Il fit encore dessiner quelques parterres de fleurs qui donnèrent à l'ensemble un petit côté propre et joyeux [...]. Les fleurs, vraies elles, faisaient ressembler le décor à celui d'une jolie gare dans une petite ville de province. Tout était parfait et, cependant, il manquait encore quelque chose, un rien, un détail [...]. « L'horloge ! dit-il soudain en se frappant le front. Évidemment, c'est ça ! Une gare sans horloge, ce n'est pas une gare ».

Jean-François STEINER, Treblinka, la révolte d’un camp d’extermination, Fayard, 1966.