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© CRDP de l’académie de Montpellier, 2012. Pistes pédagogiques Color femna EXPLOITATION PEDAGOGIQUE de COLOR FEMNA Auteur du dossier : Miquèla Stenta Color femna coll. « Florilègi », anthologie de poésie féminine occitane, par Jean-Claude Forêt et Marie-Jeanne Verny. CD audio et livret bilingue Texte 1 : « Ar em al freg temps vengut », Azalaïs de Porcairargas Texte 2 : « A chantar m’èr de çò qu’ièu non volria », Comtessa de Dia Sommaire 1. Les trobairitz ....................................................................................................................... 1 2. Les Vidas .............................................................................................................................. 5 3. Las enluminaduras .............................................................................................................. 6 4. Interpretacions cantadas .................................................................................................... 6 5. Pistes d’exploitation des textes .......................................................................................... 6 A chantar m’èr de çò ........................................................................................................... 6 Ar em al freg temps vengut ................................................................................................. 7 6. Bibliographie ....................................................................................................................... 8 1. Les trobairitz (extraits de Femnas e Dòmnas, Occitanes des XII e et XIII e siècles) Le mot est unique, attesté une fois dans le roman de Flamenca. La trobairitz est une poétesse, compositrice aussi, comme son homologue masculin. Sans doute appartient-elle à la noblesse, car écrire suppose une culture certaine à laquelle seules les femmes nobles pouvaient prétendre. Certaines, comme la Comtessa de Dia, Azalaïs de Porcairargas, Maria de Ventadorn, Na Castelosa, sont effectivement des femmes de grand lignage. Il est difficile de déterminer exactement un nombre de trobairitz et de textes, car, dans les tensons, par exemple, il arrive que le nom de l’interlocutrice ne soit pas cité ; elle est alors simplement appelée dòmna ou donzèla. Pèire Bec retient six trobairitz bien identifiées, Azalaïs de Porcairargas, Na Bieiris de Romans, Na Castelosa, Na Clara d’Andusa, la Comtessa de Dia, Na Tibòrs de Sarenom ; et onze pièces signées ; s’ajoutent trois tensons entre femmes, dont deux sont signées, N’Alaisina Iselda et Na Carenza, N’Almuc de Castelnòu et N’Iseut de Capion ; sept ou huit

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    EXPLOITATION PEDAGOGIQUE de COLOR FEMNA

    Auteur du dossier : Miqula Stenta

    Color femna coll. Florilgi , anthologie de posie fminine occitane, par Jean-Claude Fort et Marie-Jeanne Verny. CD audio et livret bilingue

    Texte 1 : Ar em al freg temps vengut , Azalas de Porcairargas

    Texte 2 : A chantar mr de quiu non volria , Comtessa de Dia

    Sommaire 1. Les trobairitz ....................................................................................................................... 1 2. Les Vidas .............................................................................................................................. 5 3. Las enluminaduras .............................................................................................................. 6 4. Interpretacions cantadas .................................................................................................... 6 5. Pistes dexploitation des textes .......................................................................................... 6

    A chantar mr de ........................................................................................................... 6 Ar em al freg temps vengut ................................................................................................. 7

    6. Bibliographie ....................................................................................................................... 8

    1. Les trobairitz (extraits de Femnas e Dmnas, Occitanes des XII

    e et XIII

    e sicles)

    Le mot est unique, attest une fois dans le roman de Flamenca. La trobairitz est une

    potesse, compositrice aussi, comme son homologue masculin. Sans doute appartient-elle la

    noblesse, car crire suppose une culture certaine laquelle seules les femmes nobles

    pouvaient prtendre. Certaines, comme la Comtessa de Dia, Azalas de Porcairargas, Maria de

    Ventadorn, Na Castelosa, sont effectivement des femmes de grand lignage.

    Il est difficile de dterminer exactement un nombre de trobairitz et de textes, car, dans

    les tensons, par exemple, il arrive que le nom de linterlocutrice ne soit pas cit ; elle est alors

    simplement appele dmna ou donzla.

    Pire Bec retient six trobairitz bien identifies, Azalas de Porcairargas, Na Bieiris de

    Romans, Na Castelosa, Na Clara dAndusa, la Comtessa de Dia, Na Tibrs de Sarenom ; et

    onze pices signes ; sajoutent trois tensons entre femmes, dont deux sont signes,

    NAlaisina Iselda et Na Carenza, NAlmuc de Castelnu et NIseut de Capion ; sept ou huit

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    tensons entre femme et homme, nomms, les femmes tant Alamanda, la Comtessa de

    ProvenaGarsenda de Forcalquir, Na Felipa, Guilhelma de Rosers, Na Lombarda, Maria de

    Ventadorn, Isabla, Dmna H. ; trois cinq autres pices, dont un salut damour dAzalas

    dAltir et le sirvents de Gormonda de Montpeslir.

    Soit une vingtaine de noms de femmes rpertoris.

    Et de souligner : Pour ce qui est de llaboration formelle et du raffinement potique,

    les trobairitz sont tout fait la hauteur des hommes , connaissant et suivant parfaitement le

    code littraire trobadouresque.

    Quant la musique, on na que la seule mlodie de la Comtessa de Dia A chantar

    mer et celle de la tenson entre Guiraut de Bornlh et Alamanda, ceci prs que, Guiraut

    parlant le premier, il est lauteur de la musique.

    La vingtaine de textes attests un corpus assez maigre bien que les vidas attribuent

    plusieurs dentre elles mantas bonas canons na donn lieu qu quatre vidas et trois

    rasons ; encore les premires sont-elles bien courtes et succintes ; les formules strotypes,

    selon la loi du genre, y reviennent rgulirement :

    Azalas de Porcairargas tait gentils dmna e ensenhada et sabia trobar e fetz ()

    moutas bonas cansons ; Castelosa, mout gaia e mout ensenhada e mout bla ; Na

    Lombarda, gentil e bla et avinens de la persona et ensenhada. E sabia ben trobar e fasia

    blas coblas et amorosas ; Alamanda tait mout svia e cortesa e sabia ben trobar et

    entendre e sabia letras.

    La question de savoir sil y a chez elles une criture spcifiquement fminine a t

    amplement dbattue et le sera encore car elle nest que le corollaire de lautre question :

    lcriture peut-elle tre sexue ? On remarquera plutt lmergence puissante des femmes

    lcriture en occitan la fin du XIIe et dbut du XIII

    e sicles. Avec cependant une

    interrogation : face au jeu mondain des trobadors, il semblerait que les trobairitz se situent

    dans un ailleurs du sentiment ; partir de l, quelles marques leur criture en porte-t-elle ?

    Quand elles parlent damour, cest souvent dun amour non partag ou trahi ou fini,

    avec une conscience certaine de leur dignit. Elles sont moins dans la prire et la

    rcrimination que les trobadors, mme si Na Castelosa reconnat quune dmna prejar deu

    ben cavalir , doit bien prier son chevalier. Elles savent ce quon leur doit, ce quelles se

    doivent. Ainsi la Comtessa de Dia, dans A chantar mer de quieu non volria :

    Valer mi deu mos prtz e mos paratges

    e ma beutats e plus mos fins coratges,

    per quieu vos mand lai ont es vstrestatges

    esta chanon que me sia messatges

    Me servent sans aucun doute mon mrite et ma naissance,

    et ma beaut et plus encore la puret de mon cur ;

    pour cela je vous envoie l-bas dans votre demeure

    cette chanson qui me sera messager

    Elles nattendent ni reconnaissance sociale ni lvation morale de lhomme quelles

    aiment et chantent, parce quelles sont de mme rang que leurs amants, leur expression

    amoureuse nest pas suspecte de flagornerie. Elles seules voquent la fameuse preuve de

    lassag au cours de laquelle lhomme devait se conformer et se tenir au seul dsir de la femme

    et faire preuve par sa mesura dun amour total et non dune seule attirance sexuelle1. Tout

    cela parce que la trobairitz, en tant que femme, assume un double rle : elle est la fois la

    grande dame clbre dont on fait la louange et celle qui loue son ami ; autant dire la dmna

    1 Voir ce sujet les pages essentielles de Ren Nelli.

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    requise damour et la pregairitz2, requrante. De l vient la libert de ton et de sincrit que

    nont pas les hommes en situation amoureuse ; et peut-tre, sur le plan formel, labsence de

    dbut printanier dans les cansons, comme si elles navaient pas besoin de passer par le

    lyrisme de la nature pour exprimer leur sensibilit.

    Contrairement la discrtion des trobadors, la libert daimer au grand jour est

    revendique, en tout cas affirme un effet, sans doute du rang social , par la Comtessa de

    Dia, par exemple, dans la chanson Ab Ji et ab Joven mapais :

    E dmna quen bon prtz sentent

    deu ben pausar sentendena

    en un pro cavalir valent,

    pis quilh conois sa valena,

    que laus amar a presena ;

    que dmna, pis ama present,

    ja pis li pro ni lavinent

    noi dirn mas avinena.

    Une dame qui se veut de haut mrite

    doit placer son affection

    en un preux chevalier vaillant,

    et quand sa vaillance est reconnue,

    oser laimer ouvertement ;

    car sur une dame, qui aime ouvertement,

    les nobles et les courtois

    ne tariront pas dloges.

    Quand elles parlent de mariage les trobadors nen parlent jamais, et pour cause : la

    dmna chante tait toujours marie , cest avec le souci fminin de la maternit et ses effets

    sur le corps. Les propos de NAlaisina Iselda dans la tenson avec Na Carenza le confirment :

    Mas far enfants cuit ques grant penitena,

    que las tetinas pendon aval jos

    e lo ventrilh es rat e nojs.

    Mais je pense que faire des enfants est une grande pnitence,

    car les ttons pendent

    et le bas ventre est rid et douloureux.

    Encore faut-il distinguer la parole des femmes dans les cansons de celle des tensons.

    Les cansons sont plutt lexpression de sentiments plus intrieurs, plus intimes. Face elle-

    mme et labsence de lamic, la trobairitz se laisse aller lmotion, aux motions, sans

    retenue, car elle nattend pas de rponse. La canson est un message lamic, qui dit la joie

    daimer ou le dsespoir de ne ltre plus. Lcriture devient une sorte dexutoire. De mme

    dans le planh anonyme Amb lo cr trist environat desmai , une femme dplore la mort de

    son amic avec des accents pathtiques ; elle naimera plus, se soustrait finamor, voudrait se

    soustraire au monde, tant sa douleur est grande. Sachant que le planh quelques trobadors en

    ont crit de superbes est en gnral une pice de circonstance rserve la dploration dun

    2 Le pregador, dont nous adaptons ici la forme au fminin, dsigne le trobador la segonde tape du

    courtisement qui en comporte cinq : servidor (on est au service de la dmna), fenhedor (on cache son amour),

    pregador (on prie la dame daccepter dtre aime), entendedor (on est reconnu comme amoureux), drut (on

    partage lamour).

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    grand personnage, on mesurera ici la hardiesse de cette femme qui en use dans des

    circonstances intimes et personnelles.

    Dans les tensons, o est dbattue une question de casuistique amoureuse, la posture

    diffre : la trobairitz est en dialogue avec une autre femme ou un homme. On y voit alors soit

    la dmna adopter un positionnement tranch ou demander lintercession de

    linterlocuteur/trice, soit une dame proposer sa mdiation pour rconcilier les deux amants,

    inciter la dmna accorder merc.

    ()

    Sagissant des tensons, il convient de distinguer celles o les femmes interviennent

    nommment de celles o elles sont dsignes par une seule initiale ou les termes dmna ou

    donzla, ces derniers pouvant reprsenter des interlocutrices fictives. Cest dans les premires

    que lon cherchera une originalit de la parole des femmes.

    Ainsi, Garsenda de Forcalquier, comtesse de Provence, encourage Gui de Cavalhon

    se montrer plus entreprenant :

    Car nous ausatz de prejar enardir ;

    e faitz a vos e a mi grant damnatge,

    que ges dmna non ausa descobrir

    tot quilh vl per paor de falhir.

    Car vous nosez pas me prier damour

    et fates ainsi grand tort vous autant qu moi,

    aucune dame nosant dcouvrir

    tout son dsir par peur de faillir.

    Ou encore, Maria de Ventadorn, dfiant Gui dUssel et lengageant reprendre le

    chant, lapostrophe avec une question classique de finamor, celle de lgalit entre les fins

    amadors : la dmna doit-elle maintenir son rang et sa posture ? Lamant doit-il revendiquer

    lgalit dans lamour partag ? Et Maria dit :

    Gui, tot dont es cobeits

    deu druts amb merc demandar,

    e dmna o deu autrejar,

    mas ben deu esgardar sasons.

    El druts deu far prcs e comandament

    com per amiga e per dmna eissament,

    elh dmna deu a son drut far onor

    com ad amic mas non com a senhor.

    Gui, tout ce quil dsire

    un amant doit limplorer de la misricorde

    de la dame qui se doit de le lui octroyer,

    mais il doit bien en attendre loccasion.

    Car lamant doit la prier

    comme amie et dame pareillement ;

    mais la dame doit faire honneur son amant

    comme un ami et non comme un seigneur.

    Ainsi peut-on parler de spcificit de lcriture des trobairitz, lie leur condition

    sociale, morale et physique de femmes.

    ()

    Voici une autre canson de la Comtessa de Dia.

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    La trobairitz proclame son amour la face du monde, avoue son erreur, exprime un

    souhait dtreinte amoureuse, nonce le don total de soi, invite son cavalir ltreinte

    adultre ( ?), y met la condition de garder la matrise de la situation.

    Estat ai en gru cossirir

    per un cavalir quai agut,

    e vulh sia tots temps saubut

    com ieu lai aimat a sobrir ;

    ara vei quieu sui trada

    car ieu non li doni mamor,

    dont ai estat en grant error,

    en lich e quand sui vestida.

    Ben volria mon cavalir

    tner un ser en mos bra nut

    quel sen tengra per erebut

    sol qua lui fezs cosselhir,

    car plus men sui abelida

    non fetz Floris de Blanchaflor :

    eu lautrei mon cr e mamor,

    mon sen, mos ulhs e ma vida.

    Bls amics, avinents e bons,

    quoraus tenrai en mon poder,

    e que jagus ab vos un ser,

    e queu ds un bais amors ?

    Sapchatz , grant talan nauria

    queus tengus en luc del marit,

    pro que magussetz plevit

    de far tot queu volria.

    Comtessa de Dia

    Jai t en grand souci

    cause dun chevalier qui a t mien,

    et je dsire que soit su tout jamais

    combien je lai aim.

    Maintenant, je vois que je suis trahie,

    parce que je ne lui ai pas accord mon amour :

    ce dont jai souffert grande douleur,

    aussi bien dans mon lit que quand je suis vtue.

    Je voudrais bien tenir mon chevalier

    un soir nu dans mes bras,

    et quil se tnt pour combl

    si seulement je lui servais de coussin.

    Car je suis plus prise de lui

    que Floire ne le fut de Blanchefleur :

    je lui octroie mon cur et mon amour,

    ma raison, mes yeux et ma vie.

    Bel ami, charmant et courtois,

    quand vous tiendrai-je en mon pouvoir ?

    Que ne suis-je couche un soir auprs de vous

    pour vous donner baiser damour !

    Sachez que jaurais grand dsir

    de vous tenir la place de mon mari,

    pourvu que vous meussiez promis de faire tout

    selon mon dsir.

    trad. Pierre Bec

    2. Les Vidas (BOUTIERE Jean SCHUTZ A.-H., Biographies des troubadours, Paris, Nizet, 1973)

    NAzalas de Porcairargas si fo de lencontrada de Monpeslir, gentils dmna et ensenhada.

    Et enamort-se dEn Gui Guerrejat, qura fraire dEn Guilhm de Monpeslir. E la dmna

    si sabia trobar, e fes de lui mantas bonas cansons.

    Azalas de Pourcairargues* (Portiragnes ?) tait de la contre de Montpellier, dame noble et

    instruite. Elle sprit de Gui le Batailleur qui tait frre de Guilhm de Montpellier. La dame

    savait trouver (composer texte et musique), et elle fit sur lui beaucoup de bonnes

    chansons. * Elle vcut pendant la deuxime moiti du XIIe sicle ; il ne reste delle quun seul texte. La comtessa de Dia si fo molhir dEn Guilhm de Peitieus, bla dmna e bona. Et enamort-

    se dEn Rambaut dAurenga, e fes de lui mantas bonas cansons.

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    La comtesse de Die* tait lpouse de Guilhm de Poitiers ( comte de Valentinois, et

    non Guilhm IX duc dAquitaine), dame belle et bonne*. Elle sprit de Rambaut dOrange et

    fit sur lui beaucoup de bonnes chansons.

    * Elle crivait la fin du XII

    me sicle ; il reste delle cinq pices, dont quatre cansons (une avec mlodie, la

    seule conserve dune trobairitz) et une tenson (chanson dialogue) avec Rambaut dAurenga.

    * Sur la bona dmna , voir Femnas e Dmnas, Occitanes des XIIme et XIIIme sicles.

    3. Las enluminaduras (voir LEMAITRE Jean-Loup et VIEILLARD Franoise, Portraits de troubadours ; et STENTA Miqula,

    Femnas e Dmnas, Occitanes des XIIe et XIII

    e sicles).

    Le premier ouvrage prsente toutes les lettrines ornes des chansonniers, reprsentant les

    trobadors et trobairitz. L se trouvent les huit vignettes qui montrent les trobairitz ; y figurent

    Azalas de Porcairargas et la Comtessa de Dia.

    Dans le second, un grand paragraphe est consacr au sens et linterprtation des lettrines des

    chansonniers.

    4. Interpretacions cantadas Comtessa de Dia (auteur de la mlodie) :

    A chantar mr de quiu non volria

    De nombreuses interprtations existent, parmi lesquelles la plus accessible pour des lves

    sera celle de Avinens, par Muriel Batbie-Castell (contact : [email protected])

    5. Pistes dexploitation des textes

    A chantar mr de

    Contenu/substance du texte :

    Str.1 :

    Remarquer labsence de dbut printanier.

    Attaque directe du sujet.

    Je suis trahie malgr tous mes atouts et mes qualits de bona dmna .

    Str.2 :

    Je nai manqu rien envers vous en tant quamoureuse.

    Ma consolation ici est que jai le beau rle et vous le mauvais, vous qui pourtant tes parfait ;

    Lorgueil que vous manifestez envers moi est contraire un comportement de cortesia,

    autrement dit, vous ne respectez pas les lois de la socit cortesa (ce qui tait un grave

    manquement) : la comtessa dpasse le niveau personnel et sentimental en relevant ce

    manquement qui porte atteinte au prtz de son amant, cest dire lestime quil a de lui-

    mme et celle que les autres lui doivent.

    Seguin et Valence taient des hros dun roman trs connu lpoque, en vogue dans les

    cours.

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    Str.3 :

    Certes, votre arrogance me fait souffrir, mais jai pour moi le drech damor : en finamor,

    on ne peut courtiser deux femmes la fois, et un autre amour vous sollicite ! Vous

    contrevenez aux lois de finamor : deuxime manquement grave !

    Str.4 :

    Nouvelle habilet : vous tes digne dtre aim par toutes les femmes, mais vous mritez la

    plus parfaite ; or, il me semble que vous manquez de discernement (sous-entendu : je suis

    celle-l) en oubliant nos engagements rciproques (qui, vraisemblablement, visaient la

    prefection du comportement amoureux des deux cts) : au-del de ma personne, cest lidal

    de finamor que vous trahissez.

    Str.5 :

    Dernire tape du plaidoyer : moi seule suis digne de vous par mes qualits et parce que je

    sais trobar (composer) (ma chanson est mon messager, il nest pas donn nimporte

    quelle femme de sexprimer ainsi).

    Revenant leur propre situation, la comtessa a lintelligence de laisser le choix de la rponse

    tout en demandant une rponse ; pour lui, ne pas rpondre serait une vilania (un affront qui lui

    ferait perdre tout son prtz, son mrite).

    Str.6 (la tornada, lenvoi) :

    Une conclusion aux allures moralisantes dans laquelle lorgueil, surtout en excs, est prsent

    comme un comportement trivial.

    Remarquer lhabilit et lintelligence de cette femme qui sait dpasser le niveau passionnel et

    personnel pour se placer dans une analyse relevant du socital. Son argumentation force le

    respect. Elle tient l parfaitement son rle de dmna dont les agissements relvent dune

    thique.

    Ar em al freg temps vengut

    Contenu/substance du texte :

    Str.1 :

    Remarquer la tonalit induite ds le dbut par lvocation de lhiver, en rupture avec le dbut

    printanier commun aux trobadors ; on serait presque dans le contre-texte dans la mesure o

    sont repris les acteurs habituels du dbut printanier, savoir, les oiseaux, les fleurs, les

    feuilles, la douceur du temps. La canson voquera donc un amour triste ou malheureux.

    Str.2 :

    La dception damour isole celle qui la connat ; la dmna ne joue plus son rle daccueil,

    damabilit, de cortesia ; elle manque ses devoirs. Au-del dun sentiment personnel de

    tristesse, elle nest plus la dmna joiosa . Fait particulier aux cansons de trobairitz :

    lamant est nomm, ici (Rambaut d) Aurenga.

    Str.3 :

    Azalas fait tat dune erreur : aimer au-dessus de son rang. Cela empche en effet la situation

    dgalit entre les fins amadors (ceux qui pratiquent finamor) ; sil ny a pas galit en

    amour, lun ou lune sera forcment considr comme infrieur, et lharmonie, la sincrit

    seront rompues. La rfrence au Velay peut concerner la cour damour qui sy droulait,

    savoir cette assemble qui attribuait un prix, reprsent par un pervier, la meilleure

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    composition. Le trobador-monge (moine) de Montaudon donnait lpervier. La Comtessa de

    Dia, sur une des vignettes du chansonnier A, est reprsente avec un pervier sur le poing.

    Str.4 :

    Azalas expose sa situation : son ami, homme de haut mrite, laime ; elle a choisi de rpondre

    cet amour. Sans doute est-elle en butte des critiques car elle aime au-dessus de son rang.

    Mais elle confirme son engagement avec force, attirant mme les foudres divines sur le

    lausengir (le mdisant).

    Str.5 :

    La canson prend lallure dun message direct adress lamant avec linterpellation Bl

    amic . La trobairitz annonce son engagement amoureux, sous une condition : la fameuse

    preuve de lassai, tst en venrem a lassai . Il sagit de lultime preuve impose

    lamant pour quil soit accept totalement et que la dame se donne aussi totalement ( en

    vstra merc.m metrai ), savoir ne rien faire dans la relation amoureuse quelle nait

    voulu : sol no.m demandetz outratge , que no.m demandetz falhida . A noter que seules

    les trobairitz mentionnent cette preuve.

    Str.6 :

    Azalas souhaite tout le bien possible (la rfrence Dieu est commune dans la lyrique

    trobadorenca) pour son amant, sa cit, son pays. Opposition entre le v.31 concernant les

    lausengirs et le v.41 concernant son amant. Cest une bonne fin de chanson.

    Str.7 :

    La tornada demande au jongleur dtre le messager (requte courante chez les trobadors). La

    chanson ira donc Narbonne, ddie celle que jis e jovents guida (deux poncifs de la

    lyrique, nommant lexaltation amoureuse, la jeunesse du cur), cest dire

    vraisemblablement la comtesse Ermengarde de Narbonne, grande dmna qui, comme tout

    seigneur de lpoque, accueillait volontiers les trobadors et leur art.

    Ainsi, il apparat que la tristesse manifeste ds le dbut nest pas le fait dune relation

    malheureuse en soi. Elle provient vraisemblablement de la rprobation laquelle la trobairitz

    se trouve confronte du fait quelle aime au-dessus de son rang. Ce regard social

    dsapprobateur lempche de vivre lamour en pleine lumire et en toute fiert.

    6. Bibliographie BEC Pierre, Chants damour des femmes-troubadours, Paris, Stock, 1995

    LEMAITRE Jean-Loup et VIEILLARD Franoise, Portraits de troubadours, Muse du pays

    dUssel-Centre Trobar, 2006

    PATERSON Linda, Le monde des troubadours, Montpellier, Les Presses du Languedoc, 1999

    STENTA Miqula, Femnas e Dmnas, Occitanes des XIIe et XIII

    e sicles, edicion Lo Chamin

    de sent Jaume, Meusac, 2012

    STENTA Miqula, Les valeurs de la socit de Cortesia en pays doc aux XIIe et XIII

    e sicles,

    edicion Lo Chamin de sent Jaume, Meusac, 2011

  • 8

    I Ar em al freg temps vengut,el gls el nus e la fanha,e li auselet estn mut,quuns de chantar non safranha ;e son sec li ram pels plais, 5que flors ni fulha noi nais,ni rossinhls noi crida,que la en mai me reissida.

    II Tant ai lo cr deceubutper quiu sui a tots estranha, 10et sai que lm a perdut mut plus tst que non gasanha ;

    e siu falh ab mots verais, dAurenga mi mc lesglais, perquiu nestauc esbada 15e pert solats en partida.

    III Domna met mut mal samor quab trop ric me plaideia, ab plus aut de vavassor, e silh o fai, ilh foleia ; 20car so dison en Velai que ges per ricor non vai, e domna que nes chausida en tenh per envilanida.

    IV Amic ai de gran valor 25que sobre tots senhoreia,e non a cor trichadorvas me, que samor mautreia.Iu dic que mamors leschai,e cel que dits que non fai, 30Dius li don mal escarida,quiu men tenh frt per garida.

    V Bel amic, de bon talansui ab vos totsjorns en gatge,cortesa, de bel semblan, 35sol nom demandetz outratge ;tst en venrem a lassaiquen vstra mercm metrai :vos mavetz la fe plevida,que nom demandetz falhida. 40

    VI A Diu coman Belesgare plus la ciutat dAurengae Glorieta el caslare lo senhor de Proensae tot quan vl mon ben lai, 45e larc on son fait lassai.Celui perdii qua ma vida,en serai totsjorns marrida !

    VII Joglar, que avetz cor gai,ves Narbona portatz lai 50ma chanson a la fenidaliis cui jis e jovens guida.

    Azalais de Porcairagues (XIIe s.)Texte tabli par Grard Gouiran.

    Ar em al freg temps vengut

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    I Nous voici arrivs la froide saison,avec le gel, la neige et la boue,et les petits oiseaux restent muetssans quun seul ait envie de chanter ;les branches sont sches sur les haies :o ne nat ni fleur ni feuilleet on ny entend pas le chant du rossignolqui my rveille au mois de mai.

    II Jai le cur si dsabusquenvers tous je suis farouche,et je sais quon a bien plus tt faitde perdre que de gagner ;et si je me trompe avec des mots sincres,cest que leffroi mest venu dOrange,si bien que jen reste bahieet que jen perds en partie ma joie.

    III Une dame place bien mal son amourquand elle traite avec un homme trop puissant qui soit au-dessus de vavasseuret si elle le fait, cest une sottise ;en effet, on dit en Velay que lamour nest pas fonction de la richesse :aussi je tiens pour aviliela dame qui on le reproche.

    IV Jai un ami de haut mritequi slve au-dessus de touset son cur nest pas tratreenvers moi : il me donne son amour.

    Je dis que mon amour lui revientet celui qui dit le contraire,que Dieu lui donne mauvaise fortune,car moi je men tiens pour sauve.

    V Cher ami, cest bien volontiersque je mengage envers vous pour toujours,avec ma courtoisie et ma belle apparence,pourvu que vous ne me demandiez rien de scandaleux ; nous en viendrons bientt lpreuveet je me mettrai votre merci :vous mavez donn votre parolede ne pas me demander de pcher.

    VI Je recommande Dieu Belesgaret plus encore la cit dOrange,la Gloriette, le chteauet le seigneur de Provence,tout ce qui l-bas me veut du bien ainsi que larc o lon accomplit les exploits.Jy ai fait une perte qui me rendra tristepour toujours, toute ma vie.

    VII Jongleur, vous qui avez le cur gai,allez apporter l-bas Narbonnema chanson avec son envoi celle que guident la joie et la jeunesse.

    Traduction de Grard Gouiran.

    Nous voici arrivs la froide saison

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    A chantar mr

    I A chantar mr de so qiu non volra,tant me rancur de lui cui sui ama,car u lam mais que nulha ren que sa ;vas lui nom val mercs ni cortesa,ni ma beltats, ni mos prts, ni mos sens, 5quatressim sui enganada e traacom degresser, siu fos desavinens.

    II Daissm conrt car anc non fi falhensa,amics, vas vos per nulha captenensa,anz vos am mais non fetz Seguins Valensa, 10e plats mi mut ques u damar vos vensa,lo mieus amics, car tz lo plus valens ;mi faiz orglh en digs et en parvensa,e si tz francs vas totas autras gens.

    III Bem meravilh com vstre crs sorglha, 15amics, vas me, perquai rason quim dlha ;non es ges dreits quautramors vos mi tlhaper nulha ren queus diga nius aclha ;e membre vos quals fol comensamensde nstramor. Ja Domnidius non vlha 20quen ma colpa sal departimens !

    IV Proesa grans quel vstre crs saisinae lo rics prts qavtz men atana,quuna non sai lonhdana ni vesinasi vl amar, vas vos non sa aclina ; 25mas vos, amics, tz ben tant conoissensque ben devtz conoisser la plus fina,e membre vos de nstres covinens.

    V Valer mi deu mos prts e mos paratgese ma beutats e plus mos fins coratges, 30perquiu vos mand lai on es vstrestatgesesta chanson que me sa messatges :e vlh saber, lo mieus bls amics gens,perqu vos mtz tant frs ni tant salvatges,non sai si ses orglhs o mals talens. 35

    VI Mas aitan plus vlh li digas, messatges,quen trp dorglh an gran dan maintas gens.

    La comtessa de Dia (XIIe s.)Texte tabli par Grard Gouiran.

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    Il me faudra chanter

    I Il me faudra chanter de ce dont je ne voudrais pasle faire, tant je me plains de celui dont je suis lamante,car je laime plus quaucun tre au monde ; auprs de lui ne me servent de rien ni misricorde,ni courtoisie,ni ma beaut, ni mon mrite, ni mon intelligence :je me retrouve trompe et trahiecomme ce serait normal si jtais disgracieuse.

    II Ma consolation est de navoir jamais commis de fauteenvers vous, mon ami, en aucun de mes actes ;je vous aime plus que Seguin na aim Valence, et il me plat beaucoup de vous vaincre en amour, mon ami, car vous tes lhomme qui a le plus devaleur ; vous avez mon gard des paroles et une attitudearrogantes alors que vous tes affable avec toutes les autrespersonnes.

    III Je suis stupfaite de voir avec quelle arrogancevous me traitez, mon ami, aussi ai-je motif de souffrir ; il nest pas juste quun autre amour vous enlve moi, quelques paroles quon vous dise ou quelqueaccueil quon vous fasse ; souvenez-vous de la faon dont a commenc notre amour. Dieu ne plaiseque je porte la responsabilit de la sparation !

    IV Les grandes qualits quabrite votre curet votre remarquable mrite minquitent :je nen connais aucune, proche ou lointaine,qui, si elle a envie daimer, ne se tourne vers vous ;mais vous, mon ami, vous vous y connaissez si bienque vous devez bien tre capable de distinguer laplus parfaite, et souvenez-vous de nos engagements.

    V En ma faveur doivent jouer mon mrite, ma noblesse,ma beaut, et plus encore mon cur loyal,aussi je vous envoie, l o se trouve votre demeure,cette chanson pour quelle me serve de messager :je veux savoir, mon bel et noble ami, pourquoi vous vous montrez si rude et si brutalenvers moi :est-ce orgueil, mauvaise humeur, je ne sais.

    VI Mais je dsire dautant plus que tu lui dises,messager,quexcs dorgueil nuit beaucoup de gens.

    Traduction de Grard Gouiran.

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