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infectiologie | pratique OptionBio | Lundi 10 mars 2008 | n° 396 19 S elon l’Afssaps, « le terme d’infection uri- naire regroupe des situations cliniques hétérogènes qui ont comme caractéristi- ques communes la présence de quantités signi- ficatives de bactéries dans les urines. » Incidence des infections urinaires chez l’enfant Au cours de la première année de vie, l’infection urinaire est plus fréquente chez le garçon (2,7 % vs 0,7 % chez la fille), puis la tendance s’inverse : son incidence (exprimée par an) est d’environ 1 % chez la fillette vs 0,1 % chez le garçon entre 1 et 5 ans, et de 2 % chez la fille vs 0,1 % chez le garçon entre 6 et 16 ans. Ceci s’explique par une plus grande fréquence des malformations congé- nitales complètes chez le garçon, à l’origine d’in- fections la première année de vie, et par les reflux vésico-urétéraux et les troubles fonctionnels de la miction, plus fréquents d’une manière générale chez la fille. Infection potentiellement grave chez l’enfant L’infection urinaire (IU) chez l’enfant entraîne un double risque : immédiat, tout d’abord, du fait de la gravité potentielle plus importante que chez l’adulte (septicémies, choc septique) et retardé, lié aux éventuelles récidives pouvant aboutir à des séquelles rénales lorsque la cause n’est pas identifiée. Nécessité de rechercher l’étiologie Pour rechercher l’étiologie d’une infection urinaire, il convient d’observer les résultats des échogra- phies anténatales à la recherche d’une dilatation pyélique, d’interroger les parents pour refaire le catalogue de toutes les infections que l’enfant a déjà présentées avec leur traitement et pour voir comment se passent les mictions. Un examen clinique complet comprend : palpation des fosses lombaires, recherche d’une anomalie neurologi- que, d’une constipation (épine irritative pour cer- tains troubles mictionnels à l’origine d’IU), etc. Apport de la biologie Les bandelettes urinaires peuvent être utiles au dépistage d’une IU, mais il faut savoir qu’elles ne sont pas valables avant l’âge de 3 mois, le nombre de faux négatifs étant trop important. Au moindre doute clinique et, dans tous les cas, pour confirmer une IU, un examen cytobactério- logique des urines (ECBU) s’avère indispensable. Cet examen doit être pratiqué avant tout traite- ment antibiotique. Il est habituellement réalisé par pose d’une poche stérile chez le nourrisson et par recueil du milieu de jet urinaire, après toilette soi- gneuse du méat chez les enfants plus grands. Un sondage ou une ponction sus-pubienne ne sont pas nécessaires. Une bactériurie persistante doit faire rechercher une cause de résistance au traitement (mauvaise compliance, germe résistant à l’antibiotique admi- nistré, erreur de posologie du médicament) ou une anomalie anatomique ou fonctionnelle de l’arbre urinaire. Une réinfection après guérison d’un pre- mier épisode est habituellement le signe d’une anomalie anatomique de l’arbre urinaire. En cas d’infection urinaire fébrile, un bilan inflammatoire associé est nécessaire (numéra- tion-formule sanguine, protéine C réactive ou CRP) ainsi qu’un bilan rénal (ionogramme sanguin, dosages de l’urée et de la créatinine, recherche de protéinurie). Des hémocultures pourront être réalisées, et cela d’autant plus que l’enfant est petit : elles sont positives en cas de pyélonéphrite dans environ 30 % des cas chez le nouveau-né, 20 % des cas chez l’enfant de 1 à 2 mois, 5 % des cas après 3 mois. Exploration radiologique indispensable L’échographie rénale et vésicale est l’examen incontournable. Elle doit être réalisée après toute infection urinaire documentée chez un enfant, et cela de manière d’autant plus impérative qu’il est plus jeune. Elle donne des renseignements essentiels sur l’anatomie de l’arbre urinaire, per- mettant parfois de dépister des malformations non visibles avant la naissance. La cystogra- phie rétrograde permet de mettre en évidence un reflux vésico-urétéral, souvent associé à l’IU : 30 % des fillettes ayant une IU ont un reflux et 60 à 80 % d’entre elles feront une récidive dans les 18 mois suivant le premier épisode. L’uro- graphie intraveineuse est de moins en moins pratiquée. | CAROLE ÉMILE Biologiste, CH de Montfermeil (93) [email protected] Exploration d’une infection urinaire de l’enfant L’infection urinaire est la plus fréquente des infections de l’enfant : elle touche environ 3 % des moins de 6 ans. Elle est potentiellement grave, d’où l’importance des examens biologiques et échographiques. Germes présents dans les infections urinaires de l’enfant Les germes les plus fréquemment retrou- vés chez l’enfant sont Escherichia coli et Proteus mirabilis, ainsi que Streptococ- cus agalactiae. Un antibiogramme sera systématique- ment réalisé en cas d’infection avérée (leucocyturie, bactériurie = 10 5 /mL). ©Phanier/Burger Source Communication de C. Grapin-Dagorno, lors des Entretiens de Bichat, Paris, septembre 2007. Note 1. Ndlr. Afssaps. Diagnostic des infections urinaires bactériennes communautaires du nourrisson et de l’enfant. Février 2007.

Exploration d’une infection urinaire de l’enfant

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infectiologie | pratique

OptionBio | Lundi 10 mars 2008 | n° 396 19

Selon l’Afssaps, « le terme d’infection uri-naire regroupe des situations cliniques hétérogènes qui ont comme caractéristi-

ques communes la présence de quantités signi-ficatives de bactéries dans les urines. »

Incidence des infections urinaires chez l’enfantAu cours de la première année de vie, l’infection urinaire est plus fréquente chez le garçon (2,7 % vs 0,7 % chez la fille), puis la tendance s’inverse : son incidence (exprimée par an) est d’environ 1 % chez la fillette vs 0,1 % chez le garçon entre 1 et 5 ans, et de 2 % chez la fille vs 0,1 % chez le garçon entre 6 et 16 ans. Ceci s’explique par une plus grande fréquence des malformations congé-nitales complètes chez le garçon, à l’origine d’in-fections la première année de vie, et par les reflux vésico-urétéraux et les troubles fonctionnels de la miction, plus fréquents d’une manière générale chez la fille.

Infection potentiellement grave chez l’enfantL’infection urinaire (IU) chez l’enfant entraîne un double risque : immédiat, tout d’abord, du fait de la gravité potentielle plus importante que chez l’adulte (septicémies, choc septique) et retardé, lié aux éventuelles récidives pouvant aboutir à des séquelles rénales lorsque la cause n’est pas identifiée.

Nécessité de rechercher l’étiologiePour rechercher l’étiologie d’une infection urinaire, il convient d’observer les résultats des échogra-phies anténatales à la recherche d’une dilatation pyélique, d’interroger les parents pour refaire le catalogue de toutes les infections que l’enfant a déjà présentées avec leur traitement et pour voir comment se passent les mictions. Un examen clinique complet comprend : palpation des fosses lombaires, recherche d’une anomalie neurologi-que, d’une constipation (épine irritative pour cer-tains troubles mictionnels à l’origine d’IU), etc.

Apport de la biologieLes bandelettes urinaires peuvent être utiles au dépistage d’une IU, mais il faut savoir qu’elles ne sont pas valables avant l’âge de 3 mois, le nombre de faux négatifs étant trop important. Au moindre doute clinique et, dans tous les cas, pour confirmer une IU, un examen cytobactério-logique des urines (ECBU) s’avère indispensable. Cet examen doit être pratiqué avant tout traite-ment antibiotique. Il est habituellement réalisé par pose d’une poche stérile chez le nourrisson et par recueil du milieu de jet urinaire, après toilette soi-gneuse du méat chez les enfants plus grands. Un sondage ou une ponction sus-pubienne ne sont pas nécessaires.Une bactériurie persistante doit faire rechercher une cause de résistance au traitement (mauvaise compliance, germe résistant à l’antibiotique admi-nistré, erreur de posologie du médicament) ou une anomalie anatomique ou fonctionnelle de l’arbre urinaire. Une réinfection après guérison d’un pre-mier épisode est habituellement le signe d’une anomalie anatomique de l’arbre urinaire.En cas d’infection urinaire fébrile, un bilan inflammatoire associé est nécessaire (numéra-tion-formule sanguine, protéine C réactive ou CRP) ainsi qu’un bilan rénal (ionogramme sanguin, dosages de l’urée et de la créatinine, recherche de protéinurie). Des hémocultures pourront être réalisées, et cela d’autant plus que l’enfant est petit : elles sont positives en cas de pyélonéphrite

dans environ 30 % des cas chez le nouveau-né, 20 % des cas chez l’enfant de 1 à 2 mois, 5 % des cas après 3 mois.

Exploration radiologique indispensableL’échographie rénale et vésicale est l’examen incontournable. Elle doit être réalisée après toute infection urinaire documentée chez un enfant, et cela de manière d’autant plus impérative qu’il est plus jeune. Elle donne des renseignements essentiels sur l’anatomie de l’arbre urinaire, per-mettant parfois de dépister des malformations non visibles avant la naissance. La cystogra-phie rétrograde permet de mettre en évidence un reflux vésico-urétéral, souvent associé à l’IU : 30 % des fillettes ayant une IU ont un reflux et 60 à 80 % d’entre elles feront une récidive dans les 18 mois suivant le premier épisode. L’uro-graphie intraveineuse est de moins en moins pratiquée. |

CAROLE ÉMILE

Biologiste, CH de Montfermeil (93)

[email protected]

Exploration d’une infection urinaire de l’enfant

L’infection urinaire est la plus fréquente des infections de l’enfant : elle touche environ 3 % des moins de 6 ans. Elle est potentiellement grave, d’où l’importance des examens biologiques et échographiques.

Germes présents dans les infections urinaires de l’enfant

Les germes les plus fréquemment retrou-

vés chez l’enfant sont Escherichia coli et

Proteus mirabilis, ainsi que Streptococ-cus agalactiae.

Un antibiogramme sera systématique-

ment réalisé en cas d’infection avérée

(leucocyturie, bactériurie = 105/mL).

©Phanier/Burger

SourceCommunication de C. Grapin-Dagorno, lors des Entretiens de Bichat, Paris, septembre 2007.

Note1. Ndlr. Afssaps. Diagnostic des infections urinaires bactériennes communautaires du nourrisson et de l’enfant. Février 2007.