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Extrait de la publication · 2018. 4. 12. · du texte ensubordonnant celui-ci à sa fantaisie, se trouve déjà, 1888, dans le juge-ment porté par Jules Claretie sur un spectacle

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  • Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptationréservés pour tous les pays.

    © Éditions Gallimard, 1H7S.

  • AVANT-PROPOS

    Un siècle de théâtre. Nous l'appelons le xxe bien qu'il ait débutédans le dernier quart du xixe siècle, au moment où le metteur en scène,à travers les expériences d'André Antoine, en France, et de Stanis-lavski, en Russie, commença à prendre le pouvoir, à infléchir le coursde la vie théâtrale, à modifier le jeu de la création dramatique.Théâtre du xxe siècle, sa modernité n'a cessé d'en être affectée toujoursdavantage, dans les œuvres comme dans les spectacles.

    Il semble d'ailleurs que, les cent ans bientôt révolus, un théâtres'achève, qu'un autre se forme. Du premier, le recul historique aide àembrasser le panorama; pour le second, peut-on dégager déjà des ten-dances ?

    En spectateur quotidien du théâtre en France, nous avons été natu-rellement amené à appréhender le relief de celui-ci dans ses détails,alors qu'au-delà de nos frontières, la perspective est plus cavalière etréduit les apports à ce qui constitue le patrimoine universel.

    Si le mouvement donné au théâtre moderne par l'intervention dumetteur en scène peut être facilement daté, et sans trop d'arbitraire, àquel moment considérer les littératures dramatiques? L'action initialed'Antoine ou de Stanislavski et de Nemirovitch-Dantchenko est liée

    pour beaucoup au réalisme ou au naturalisme des écrivains de l'époque.Mais ne les ont-ils pas hérités plus qu'ils ne les ont suscités? Ceux-cin'appartiennent-ils pas au xixe siècle finissant?

    Nous avons cherché plutôt à reconnaître chaque fois les œuvres dontl'originalité ou l'influence ont contribué à édifier et à faire évoluer lethéâtre du xxe siècle.

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  • Panorama du théâtre au XX' siècle

    Comme l'avait souhaité René Bertelé, qui a eu l'idée de ce livre,nous avons voulu éclairer de l'intérieur l'aventure théâtrale en fai-sant suivre ce panorama d'une anthologie de textes d'auteurs, anima-teurs, metteurs en scène et scénographes dont les théories, les politiques,les esthétiques, les pratiques, dramaturgique ou scénique, ont expliquéet favorisé cette évolution.

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  • Philosophies, réalismes et esthétiques

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  • Extrait de la publication

  • Depuis un siècle, théories nouvelles et manifestes d'esthétiquethéâtrale se sont succédé avec une rapidité parfois surprenante etse sont disputé la scène avec passion, parfois avec violence.

    Voilà trois ans qu'André Antoine avait ouvert à Paris leThéâtre-Libre pour servir le naturalisme dont Emile Zola, en 1 88 1,avait défini les principes au nom d'une vérité scientifique, lors-qu'en 18go, Paul Fort lança le Théâtre d'Art, suivi, en 1893,par L'Œuvre de Lugné-Poe, « en vue de combattre le natura-lisme ».

    En 1898, le dramaturge suédois Strindberg, après avoir sacrifiéau naturalisme, le répudiait pour donner naissance au drameexpressionniste avec Le Chemin de Damas.

    Stanislavski, depuis 1 898, avait pu imposer au Théâtre d'Art deMoscou, sa conception naturaliste de la mise en scène grâce auxoeuvres de Tchékhov et de Gorki. En 1905, il éprouva le besoinde dépasser cette expérience et mit le studio laboratoire duThéâtre d'Art à la disposition du jeune et bouillant VsevolodMeyerhold qui avait fait partie de sa troupe; celui-ci esquissa unthéâtre de « convention consciente » en faisant répéter La Mortdes Tintagiles de Maeterlinck. Son travail était en totale opposi-tion avec l'esprit de la maison mère. Stanislavski en résumait lecredo « Le réalisme a vécu. Il faut représenter la vie non tellequ'elle est en fait, mais telle que l'artiste la devine à travers sesrêves et visions, aux instants d'inspiration.» Toutefois, sa décision

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  • Panorama du théâtre au XX' siècle

    de fermer le studio après la répétition générale ne condamnaitpas la tentative, mais l'insuffisance des acteurs mal préparés auxtechniques nouvelles. « Une fois de plus, notait encore Stanis-lavski, je pus me convaincre de l'abîme qu'il y a entre les rêvesd'un régisseur et sa réalisation. »

    Le siècle du metteur en scène

    Ces « rêves » indiquent la situation particulière du « régisseur »ou cc metteur en scène» dans le théâtre et l'influence que son appa-rition à la fin du xixc siècle a eue sur la vie théâtrale

    Jusque-là, celle-ci dépendait de l'invention des auteurs et desinterprètes qui tenaient le devant de la scène. Parmi ces derniers,rares ont été ceux à l'avoir régentée par l'intelligence d'ensemblequ'ils avaient du problème artistique, comme Lekain, la Claironou Talma, au xviiic siècle, lorsqu'ils imposèrent un réalisme histo-rique à la représentation. Pour le reste, ils n'avaient pas d'autrepréoccupation que la pièce, c'est-à-dire, le rôle qu'elle leur offri-rait. La marche du théâtre était déterminée par les relations despoètes et des comédiens.

    L'intervention du metteur en scène ou plutôt de l'animateurimplique un choix. Une attitude philosophique, morale, politiqueou sociale, en tout cas esthétique, le commande et donne forme àses « rêves ». Là où l'auteur se distingue de ses confrères par la per-sonnalité de son univers et de son art, l'animateur-metteur en scène

    le fera par l'originalité de ses options et de sa technique. D'oùla multiplicité des prises de position et des controverses. Dès lorsque sa vision du monde à travers le spectacle sera assurée dans son

    i. Le procès, souvent répété, qui lui a été fait d'outrepasser ses droits au détrimentdu texte en subordonnant celui-ci à sa fantaisie, se trouve déjà, en 1888, dans le juge-ment porté par Jules Claretie sur un spectacle des Meininger. Ces comédiens, entrete-nus par le duc de Saxe-Meiningen, ont, les premiers en Europe, donné l'exemple d'unréalisme des ensembles scéniques; André Antoine a noté comme il avait été frappé parla vérité de leurs groupements. Claretie parle péjorativement de « mécaniciens de lamise en scène ».

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  • Philosophies, réalismes et esthétiques

    esprit, il aura tendance à y soumettre les œuvres qu'il montera.C'est pourquoi il aura à coeur de réunir sous sa houlette des écri-vains qui partageront sa façon de voir; c'est pourquoi aussi ils'autorisera ce fut le cas de Meyerhold ou d'Erwin Piscatoren Allemagne à apporter des modifications aux textes pour lesadapter à sa vision et à sa théorie; il recourra souvent aux piècesclassiques ou déjà éprouvées si elles s'inscrivent mieux dans sesrêves ou s'il estime insuffisants les ouvrages nouveaux dont il peutdisposer. C'est ce jugement systématique qui a infléchi le cours del'activité contemporaine, souvent brillamment, jusque dans sesexcès. Le metteur en scène substituait à la notion d'auteur drama-

    tique celle d'auteur théâtral, substitution légitime à ses yeux dansla mesure où le phénomène de la représentation, développé dans latotalité de l'espace scénique par l'usage nouveau de l'électricitéet magnifié par le jeu coloré des lumières, est différent de la mani-festation littéraire qu'offre le manuscrit d'une pièce. Les symbo-listes le soulignaient par leur refus initial de toute représentationcomme une atteinte au rêve.

    A l'encontre du comportement totalitaire d'un Meyerhold,Stanislavski, fidèle à un naturalisme fondamental, a donné, parses doutes et ses recherches, l'exemple d'une curiosité renouvelée.Il a su faire place à des esthétiques opposées à celles qui comman-daient son activité, lorsqu'il a invité, par exemple, Edward Gor-don Craig, en 1912, à appliquer ses idées à la mise en scèned'Hamlet. A Paris, André Antoine a suivi un itinéraire identiquedu Théâtre-Libre à la salle du boulevard de Strasbourg qui porteson nom et à l'Odéon en s'attachant à révéler des oeuvres de styledivers.

    Être social et vie intérieure

    En un temps où le progrès des sciences expérimentales persuadeEmile Zola que l'homme subit une double détermination phy-siologique et sociale, l'action dramatique doit prendre la forme

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  • Panorama du théâtre au XX' siècle

    d'une enquête; elle saisira sur le vif les réalités humaines.Pour Zola, le « réel », la « réalité» différencient l'homme

    physiologique lié à une situation sociale, matérielle, dont lesdonnées peuvent être définies précisément, du héros méta-physique de la tragédie classique, abstrait, « vrai sans êtreréel ».

    Symbolistes et idéalistes s'insurgent aussitôt. L'art est un refugeloin des contingences du quotidien, il a pour domaine l'imaginaire,il peut être la clef des mystères de l'être et de sa nature. Il doitêtre suggestion, allusion, effusion, et faire sentir ou manifester parles symboles, la réalité spirituelle, immatérielle, indicible.

    A la même époque, médecins et psychologues, précédant Freud,ont commencé à explorer et à éclairer des abîmes de l'esprit. Pourleurs émules dramaturges, la réalité véritable est celle qui échappeaux standards, qui est unique avec chaque homme; elle ne peutêtre déchiffrée que de l'intérieur. Ils conduiront leur héros àexprimer l'inconnu qu'il porte en lui; ils feront de sa conscience lethéâtre même du drame et montreront le monde extérieur tel qu'ill'interprète dans le profond de son âme ils seront expression-nistes.

    Le Chemin de Damas et Le Songe de Strindberg ont indiqué lavoie de l'expressionnisme dramatique. Celui-ci a eu, en Allemagne,ses principaux représentants dans les années qui ont précédé etsuivi immédiatement la Première Guerre mondiale Frank Wede-

    kind, Carl Sternheim, Georg Kaiser, Fritz von Unruh, ErnstToller. Aucune théorie ne les réunit, et les particularités de leurdémarche rendent les généralisations difficiles.

    Toutefois, si le naturalisme explique l'individu par le milieu,l'intègre à la collectivité, l'associe à sa vie et à son progrès, l'aven-ture expressionniste traduit une révolte contre l'environnementsocial dans la mesure où il est contrainte, menace, danger d'unemutilation pour l'individu. Celui-ci se débat au cceur de sa solitudeet de son propre mystère, comme nous pouvons le faire dansl'étrangeté mouvante de nos rêves. Dans Le Chemin de Damas, ilse nomme l'Inconnu et se dédouble, écartelé entre le Mal et le

    Bien. Il tend à éprouver un sentiment de culpabilité devant l'hos-

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  • Philosophies, réalismes et esthétiques

    tilité de ce qui l'entoure, êtres et choses. Quelle malédiction, pourquelle faute, doit-il surmonter?

    Bien que la pièce expressionniste ne présente pas d'action àproprement parler, mais une suite de tableaux qui évoquent lesstations du chemin de croix d'où le terme de stationen-drama

    la volonté, l'obstination à gagner un paradis terrestre anime undébat que chaque scène laisse en suspens. A l'ultime bout de sonchemin, l'homme n'est pas parvenu à briser le cercle de sa malé-diction. Si le principe même de cette quête reprise de pièce enpièce n'exclut pas, un jour, la possibilité d'un dénouement heureux,il s'assure de sa faillite actuelle; il n'est maître que de sa mort.

    Le gigantisme oppressant de l'administration bismarckienneavant 191 4, la frustration de la défaite en 19 18et sa misère, ontprovoqué et nourri l'angoisse expressionniste. C'est aussi avec laguerre et son cortège qu'éclatent les violences de Dada et la révo-lution surréaliste. L'année 191 6, Tristan Tzara, le père de Dada,compose La Première Aventure céleste de M. Antipyrine, et Guil-laume Apollinaire fait répéter Les Mamelles de Tirésias qu'il envi-sage de qualifier de dramea surnaturaliste » il trouve finalement« surréaliste ».

    Vingt ans auparavant, le scandale soulevé par la créationd'Ubu Roi d'Alfred Jarry, en 1896, au théâtre de L'Œuvre, avaitannoncé cette double offensive et défini son caractère. Le « sans

    sens » de Dada et le terrorisme de ses soldats ne sont-ils pas déjàdans la volonté destructrice du théâtre même que Jarry procla-mait ?

    Mais Dada, dans la manifestation de sa contestation, était

    spectacle un spectacle d'ailleurs qui a eu recours aux artifices duthéâtre les décors (le plus souvent de Picabia) ou le découpageen actes pour des oeuvres comme Cœur à ga\{i

  • Panorama du théâtre au XX' siècle

    sant à l'extrême, par les mots et les gestes, l'absurdité originelle.Pour un surréaliste, Ubu Roi a déjà le mérite de ruiner les images

    conventionnelles qu'offre la copie naturaliste du quotidien, et lesconventions sociales qu'elles recouvrent. Brouillant les notionsd'espace et de temps, prêtant à l'apparence humaine une formeinsolite, jouant à l'extrême du mélange des genres l'horreur et leguignol il fait a surgir la vie même dans toute sa vérité1 ».La vie, sa vérité au royaume et sous le gouvernement d'Ubu, setraduisent par le déchaînement à masque découvert des forcesabsurdes de la bêtise et de la cruauté.

    Malgré l'importance historique des pièces ou textes de Ray-mond Roussel, de Georges Ribemont-Dessaignes, de PierreAlbert-Birot, d'André Breton, d'Yvan Goll, de Philippe Sou-pault, de Louis Aragon. et l'oeuvre redécouverte du polonaisWitkiewicz, le surréalisme n'a guère débouché sur la scène etatteint le public. La tentative du Théâtre Alfred Jarry, en 1927,a été condamnée par André Breton pour ce qu'il estimait être descompromissions financières. Ses animateurs, Antonin Artaud etRoger Vitrac, ont été exSus du mouvement. La création, en 1928,de Victor ou les enfants au. pouvoir de Vitrac a toutefois pris aupiège vaudevillesque des adultères d'un « drame bourgeois », desmonstres de la société humaine. Il faudra attendre 195 0 et l'œuvred'Eugène Ionesco pour que le surréalisme connaisse son accomplis-sement théâtral.

    Antonin Artaud a poursuivi, seul, une quête inaboutie, dont lesconsidérations, l'ambition, les propositions n'ont cessé depuis dehanter l'esprit des hommes de théâtre dans le monde. Le Théâtrebalinais à l'Exposition coloniale de 193 1,« qui remet le théâtreà son plan de création autonome et pure, sous l'angle de l'hallu-cination et de la peur », lui a révélé « qu'à travers (le) dédale degestes, d'attitudes, de cris jetés dans l'air, à travers des évolutionset des courbes qui ne laissent aucune portion de l'espace scéniqueinutilisé, se dégage le sens d'un nouveau langage physique à basede signes et non plus de mots ».

    i. Prologue des Mamelles de Tirésias.

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  • Philosophies, réalismes et esthétiques

    Artaud a rêvé d'une magie moderne, d'un théâtre de délire etde convulsion. La magie, au prix d'une épuisante discipline spiri-tuelle et corporelle, devait mettre en contact la créature et sonDieu; l'événement, l'acte théâtral recherché par Artaud hors ducadre traditionnel de la scène, hors de toute norme, de toute

    mesure, serait dangereux et cruel par l'effort intense, exaspéré,qu'il requerrait de l'acteur ou du spectateur; il mobiliserait toutesles forces du comédien-servant, rejetterait toute psychologie etatteindrait à l'unité physique et métaphysique de l'être.

    Artaud a choisi, en 1935, l'histoire des Cenci empruntée àShelley et à Stendhal, et la scène des Folies-Wagram, à Paris,pour réaliser son théâtre de la cruauté « Tout ce qui est dansl'amour, dans le crime, dans la guerre ou dans la folie, il faut quele théâtre. nous le rende s'il veut retrouver sa nécessité.» La cruauté,

    précisera-t-il encore, « se confond. avec la notion d'une sorted'aride pureté morale qui ne craint pas de payer la vie le prix qu'ilfaut payer ».

    A partir de 1959, en Pologne, à Opole, puis à Wroclaw, unmetteur en scène, Jerzy Grotowski, a développé ses recherchessur le jeu de l'acteur. S'il s'est défendu d'avoir songé au départ àl'exemple d'Artaud, il en a été proche par l'esprit. Comme le dési-rait Artaud, sa méthode devait permettre de dépasser les frontièresde la connaissance intellectuelle pour accéder à une réalité cachée.Comme le souhaitait Artaud, il n'a pas exercé dans une salletraditionnelle, chacune de ses réalisations a sécrété son dispositif;comme le voulait Artaud, la technique de la transe à la base de sonexpérimentation l'a amené à ne retenir du langage que des sonsassociés au jeu corporel; il aboutissait à ce qu'il a appelé unetranslumination, comparable sans doute à la révélation attenduepar Artaud. Toutefois, tandis que la démarche de celui-ci impli-quait la foule, les masses, Grotowski n'a réuni que peu de partici-pants d'autant qu'il ne s'agissait pas pour lui de rassembler unpublic au sens habituel du terme pour un spectacle, mais d'établirdes liens particuliers entre chaque assistant et les acteurs 1.

    i. Disciple de Grotowski, l'Italien Eugenio Barba a poursuivi sa recherche à l'OdinTeatret, installé à Holstebro (Danemark).

  • Panorama du théâtre au XX' siècle

    Le Happening lancé, vers les années 60, aux États-Unis par lepeintre Allan Kaprow dans le sillage du Pop Art, entendait mêlerà la vie un art menacé par l'hermétisme de l'abstraction; au plus,il ne groupait également que quelques personnes, une trentaine,actrices et spectatrices d'un jeu improvisé qui leur était proposédans les lieux les plus divers, en principe à l'écart de l'agitationcitadine. Acte d'isolement en effet en quête d'un esthétisme à l'étatbrut qui illuminerait l'existence, brièvement, mais intensément, leHappening a trahi un besoin de contestation de l'ordre social, desingularité, de fuite; se soustraire aux standards de la civilisation,échapper à la collectivité éprouver originalement des sensationspersonnelles, affirmer son Moi.

    « Arracher l'âme du public à la réalité quotidienne et l'exalterdans une atmosphère éblouissante d'ivresse intellectuelle » pourl'élever au « grand rêve futuriste qui se dégage de notre viecontemporaine exaspérée par les vitesses terrestres, marines ouaériennes, et dominée par la vapeur et l'électricité » était le butassigné au théâtre, autour de 19 10, par le père du futurisme,l'Italien F. T. Marinetti. Le premier et son manifeste a étéentendu aussitôt en Russie par Meyerhold et Maïakovski il acru que l'influence de la mécanique sur la mentalité et lasensibilité communes obligeait le théâtre à une transformation radi-cale par l'invention d'un schéma visuel, dynamique et sonore,inspiré des lignes, des mouvements, des bruits et des rythmes desmachines.

    Le constructivisme illustré par Meyerhold dans la jeune Russiesoviétique, avec sa machine-outil en place de décor, a donné corpsà cette anticipation. Loin de s'en tenir au vague du rêve futuriste,il se montrerait, par sa structure, un instrument efficace du combatrévolutionnaire. Son originalité serait à la mesure de la sociéténouvelle; elle en serait un symbole.

    Lénine, puis Staline ne partageaient pas cette façon de voir.

    i. Pour certains, dont le Français Jean-Jacques Lebel, le Happening est un moyende révolution permanente il fera table rase des interdits, ruinera les formes de l'art« bourgeois » afin de favoriser une communication que celles-ci empêchaient entre lesindividus.

  • Philosophies, réalismes et esthétiques

    Le constructivisme avait à leurs yeux le défaut de négliger leshabitudes mentales de la population russe et d'être dangereuse-ment entaché de formalisme il fut condamné. En 1932, leComité central du Parti communiste adopta le principe du réa-lisme socialiste.

    Dans son application, celui-ci a été soumis aux fluctuations durégime, de la conjoncture nationale et internationale, qui modi-fiaient au fur et à mesure les appréciations de Staline et de sonministre de la Culture, Jdanov. Dans le principe, il diffère du natu-ralisme de l'allemand Gerhart Hauptmann ou du Gorki desBas-fonds par son éclairage de la réalité. Il ne doit pas se contenterde présenter la copie d'une situation avec ses personnages et leursproblèmes, et de reproduire fidèlement l'action qui en découle;il doit les considérer en fonction des nécessités immédiates de la

    société soviétique, aider le spectateur à en prendre précisémentconscience et à en dégager la leçon.

    Le réalisme épique élaboré au cours des années 20, en Allemagne,par le metteur en scène Piscator, a manifesté un même souci dedidactisme. Le désarroi politique dans la république de Weimaravec la menace du fascisme et le comportement de l'Allemandmoyen expliquent le Théâtre politique de Piscator. Il importaitd'obliger chacun à voir clairement les données d'un problème, lepourquoi des choses, la logique des événements; il fallait faireappel d'abord et toujours à son jugement. D'où une suite d'épi-sodes dont la signification serait soulignée à la manière d'unmontreur d'images par le jeu de la représentation. Collaborateurde Piscator, Brecht a utilisé cette technique pour sa dramaturgieépique.

    L'esprit de Piscator introduisant l'actualité dans la fiction, celuide Brecht la transposant dans l'univers poétique se retrouvent,après 1945, dans le Théâtre-document des Hochhut, Weiss, Kip-phardt, sur l'Allemagne nazie assurer de l'authenticité des faitsrapportés, satisfaire aux exigences du style dramatique c'est ceque L'Instruction de Peter Weiss a concilié avec les rythmes duvers libre appliqués aux dépositions, réquisitoires et plaidoiries duprocès des bourreaux d'Auschwitz.

  • Panorama du théâtre au XXe siècle

    Lorsque l'irruption des jeunes auteurs en colère s'est produiteen Angleterre, à partir de 1956, le mouvement a été qualifiéd'école de l'évier. La violence de leur réaction contre la respectabi-lité convenue de la comédie anglaise qui masquait depuis tantd'années les réalités d'une société, les a entraînés en effet à mon-

    trer des aspects déplaisants, moraux et physiques, de l'intimité deleurs personnages avec une franchise qui parut audacieuse. Recou-rir au naturalisme prit la valeur d'un manifeste.

    Illusion et théâtralité

    Naturalisme, symbolisme, expressionnisme, constructivisme,réalisme socialiste, théâtre épique pour différente que soitleur manière de considérer l'existence diffèrent aussi ou parfoisse rapprochent par leur conception de la réalité théâtrale.

    Les naturalistes obéissaient à deux ordres d'intention. Polé-

    mique en premier lieu en finir avec la convention de la toilepeinte, salon à tout faire, symbole, dans la pensée de Zola, de lafausseté de la comédie d'un Scribe. « Scribe, ironisait-il, n'a

    pas besoin de milieux réels, parce que ses personnages sont encarton. »

    Ensuite, leur conviction philosophique, leur volonté de cer-ner l'homme social, de l'expliquer par son milieu appelaientun décor exact « Un salon par exemple avec ses meubles, sesjardinières, ses bibelots, notait Zola, pose tout de suite une situa-tion, dit le monde où l'on est, raconte les habitudes des person-nages. » L'exactitude du décor devait d'ailleurs imposer celle descostumes et de la diction contre le goût des vedettes de paraderdans un faste artificiel. La précision de sa réflexion l'amenait àune exigence acceptable pour certains de ceux qui refuseront lenaturalisme reconstituer ce les milieux, moins dans leur pitto-resque que dans leur utilité dramatique ».

    « Ce besoin de réalité qui nous tourmente. », déclarait-ilencore, et il réclamait pour le public la création de la plus grande

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