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FECOCORICO LE webtrimestriMag Mars-Avril-Mai 2015 - N°15

FECOCORICO #15

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Webmagazine trimestriel dont l’ambition est de défendre et diffuser le dessin d’humour sous toutes ses formes !

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FECOCORICOLE webtrimestriMag Mars-Avril-Mai 2015 - N°15

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FECOCORICO

SOMMAIRE

Le webtrimestrimag de FECOFranceMars-Avril-Mai 2015 - Numéro 15

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Pour ne pas oublier CharlieConcert dessiné au Zénith StrasbourgAmi de Cabu

Samer7e Festival de SamerFecopinages

Adieu Jacques KambouchnerKamb 1933-2015

16-17

Italia con noiInchiostro Coraggioso

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Entrevus à la TéléCartoon’s Market

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Cartoons à ParisQuand la peur se dessine avec humourRemise du Trophée Presse Citron

6-9

Coup d’œil dans le rétroDerrière les barbelés nazis

22-24

Portrait crashéAlain DuBouillon

20-21

L’actu par les Feco-membresBoko Haram, Daechet barbus de tout poil ...

2, 4-5

MEDITO

Oui, mais... !Non, merde !

De beaux hommages aux dessinateurs assassinés le 7 janvier se succèdent à Paris à la BnF comme au Zénith de Strasbourg ou à Forte dei Marmi en Toscane. La saison des festivals et des salons commence et les colloques, les hommages et les expositions en leur honneur continueront encore et encore, et c’est tant mieux. C’est notre fierté et notre tristesse inconsolable.La peur est passée et les reports de rencontres de dessinateurs sont terminés, ouf ! Si on nous refuse de se retrouver après ce qu’on a vécu, c’est dire aux barbares qu’ils ont gagné.Dans le même esprit, les dessinateurs de Feco France continuent de régler leur compte aux barbus de tout poil, Daech, Boko Haram ou Aqmi, en prenant soin de leur faire de belles têtes de cons.On commence à entendre quelques “Oui, mais” sur les tueries et sur le phénomène “Je suis Charlie” du 11 janvier, quelques écrivains américains, quelques universitaires cartographes, quelques comiques graphiques, quelques pisse-vinaigres se demandent si les Charlie n’auraient pas dépassé la “ligne rouge”, s’ils ne seraient pas tombés dans la provocation…Ils s’emmêlent les pinceaux et confondent racisme, islamophobie, humour et satire.Et au sujet de l’Hyper casher, il fallait éviter d’être juif ?On leur tend des micros, ils publient des livres, ils plastronnent dans les médias. Non, nos camarades ont fait ce qu’ils avaient à faire, ce qu’on attendait d’eux depuis toujours, ils sont entrés dans l’Histoire de la liberté d’expression, et eux, ils sont aux pelotes. À leur “Oui, mais”, on répond “Non, merde !”

Tous à Mulsanne, Virton, Sélestat, Uzès, Tavagna, L’Estaque, Castelnaudary, Tourcoing, Saint Just le Martel et ailleurs…A bientôt !

Ballouhey

Fecocorico est une publication trimestrielle de FECO-FRANCE25 boulevard des Petits Carmes87ooo Limogeswww.fecocorico.frwww.feco-france.frwww.fecocorico.frwww.feco-france.fr

Fecocorico n°15Mars/Avril/Mai 2015Couverture Willis from TunisDir de la publication BallouheyRédac’Chef NalairDessins Arnault, Ballouhey, Botella, Brito, Djony, Govin,

Guy Michel, Gruet, Jac Le-lievre, Lanchon, Lo Vecchio, Lounis, Nagy, Notto, Pesso, Phil, Pinter, Placide, Pongi, Rousso, Sondron, Strom, Tessié, Trax, Véesse, Willis from Tunis, Ysope.

PAO-Maquette BabacheWebmaster Pesso, Franck Raynal.Mai 2015

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L’actu par les Feco-membres... et l’Europe faceaux migrants d’Afrique

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Vers 18 heures, dans le hall d’entrée de la Bibliothèque nationale de France

ce mercredi 25 mars, ils passent les uns après les autres sous le portique de la sécurité, toute la famille des dessinateurs se réunit une fois encore dans le recueille-ment et le plaisir de se retrouver : Avoine, Bridenne, Chimulus, Dobritz, l’illustrateur de l’invitation et tous les autres, Coco et les survivants de la tuerie de Charlie… et les familles des dessinateurs assassi-nés. Martine Mauvieux en maîtresse de maison fait visiter à Christiane Taubira et Bruno Racine, le président de la BnF, les immenses panneaux à la gloire de Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinski et en bonus les dessins faits le 7 janvier par les dessinateurs du monde entier. n

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KIANOUSH (Iran)

Semaine Cartoons à Paris par Ballouhey

QUAND LA PEUR SE DESSINE AVEC HUMOUR

Christiane Taubira et Chloé Verlhac, épouse de Tignous. Photo Guillaume Murat/BnF

Martine Mauvieux, Christiane Taubira, Maryse Wolinski et Bruno Racine, Président de la Bibliothèque nationale de France. Photo Guillaume Murat/BnF

Le jeudi 26 mars 2015 avait lieu la journée du dessin de presse à la BnF, dans le cadre de la semaine folle de Cartoons à Paris. La journée avait commencé par une suite de débats tous plus intéressants les uns que les autres...

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Hommage à Cabu, Wolinski, Charb, Honoré et Tignous

Hommage à Charb. Photo BnF

Christiane Taubira, Maryse Wolinski et Patrick Pelloux, en arrière-plan Wingz. Photo Guillaume Murat/BnF Dessin de Dobritz.

Photo BnF Photo BnF

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C’est avec beaucoup d’émotions que les élèves de l’École Estienne, en ce début d’an-

née dramatique, ont convié les professionnels du dessin de presse au 22e Trophée Presse Citron, le deuxième en partenariat avec la BnF. L’année dernière, Charb, Honoré et Tignous étaient là.Le message des organisateurs était clair : Pour nous, en 2015, nous devons rire encore plus fort.Le mardi 24 mars, le nouvel auditorium tout neuf de l’École a été baptisé “Amphi Charlie” et un arbre a été planté dans le jardin en mémoire de Cabu, ancien élève de l’École.Le jeudi 26, le plus costaud des jurys, une cen-taine de dessinateurs, s’est réuni sous la houlette de Luce Mondor pour la désignation du Trophée Presse Citron étudiant. C’est Coco en maître de cérémonie qui orchestra le dépouillement et les éliminatoires.Tout ce beau monde s’est dirigé vers la toute proche Mairie du XIIIe pour la remise des tro-phées et un copieux “buffet campagnard”.Félicitations à Pascal Gros et à Thibaut Soulcié : coup de foudre et coup de jus du Trophée Presse Citron { BnF 2015, ainsi qu’à Ulric Leprovost et Adrien Bernardet, coup de foudre et coup de jus du Trophée Presse Citron “Étudiant”. n

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KIANOUSH (Iran)

Semaine Cartoons à Paris par Ballouhey

REMISE DU TROPHÉE PRESSE CITRON

KIANOUSH (Iran)

Le dur travail des jurése. Photo DR

À l’École Estienne, le mardi 24 mars le nouvel auditorium tout neuf a été baptisé “Amphi Charlie” et un arbre a été planté dans le jardin en mémoire de Cabu, ancien élève de l’École. Le jeudi 26, le plus costaud des jurys était réuni sous la houlette de Luce Mondor pour la désignation du Trophée Presse Citron étudiant. C’est Coco en maître de cérémonie qui orchestra le dépouillement et les éliminatoires.

Luce Mondor et Coco annoncent le palmarès.. Photo DR

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Le Coup de Jus : Bernadet.

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Trophée Presse citron à l’Ecole Estienne à Paris

Prix pro Coup de Foudre : Pascal Gros.

Le Coup de Jus : Thibaut Soulcié.

Le Coup de Foudre : Ulric Leprovost

Les Etincelles : Louison

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L e pari était risqué : réunir en 15 jours 150 chanteurs et chanteuses

de styles différents, musiciens, choristes, et une dizaine de dessinateurs de presse sur la belle scène du Zénith de Strasbourg. C’est pourtant bien le défi qu’ont su rele-ver Jean-Pierre Schlagg et Michel Reverdy, chanteurs alsaciens et organisateurs de cet évènement-hommage unique. Tout cela pour crier l’attachement à la liberté d’ex-pression et rendre hommage aux victimes de la barbarie. Le temps d’un après-midi, les chanteurs ont laissé au vestiaire leur

propre répertoire pour interpréter en duo, trio ou en groupe des chansons tradition-nelles en différentes langues ou de grands standards de la chanson française et interna-tionale : Shir lashalom (en hébreu), Ya Rayah (en arabe et en alsacien), Ich oder Dü, Fra-gile, Et si en plus y a personne, Knocking on the heaven door, All you need is love, Purple Rain, Mourir pour des idées, Let the sunshine in,...)., sans oublier une interprétation magistrale du thème du film La liste de Schindler par l’orchestre philarmonique de Strasbourg soutenue par des choeurs magni-

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Concert dessiné “Liberté de penser” par BabacheUn mois après la tragédie du 7 janvier, 150 artistes - chanteurs, musiciens, choristes, animateurs et dessi-nateurs montent sur la scène du Zénith de Strasbourg. L’évènement musical - 2 heures de spectacle façon “enfoirés” - est ponctué de dessins de presse devant 4000 personnes en hommage à la liberté de penser et pour ne pas oublier Charlie.

POUR NE PAS OUBLIER CHARLIE

4 000 personnes dans la salle, 150 sur scène. Photo Adrienne Hummel

Dessin Willis from Tunis. Photo Babache

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Liberté de penser

fiques. Au total 22 chansons se sont succé-dées avant un final émouvant et symbolique avec la chanson éponyme “Die Gedanken sind frei - la liberté de penser”, qui avait don-né son nom à l’évènement. Cette chanson humaniste et toujours d’actualité, datée de 1780 et attribuée à un compositeur allemand inconnu, a été adoptée notamment par Léo-nard Cohen. La chanson figure au répertoire de Roger Siffer (cf p 11) depuis 1976 et il l’interprète régulierement depuis. L’hommage à Charlie n’aurait pas été le même sans la présence d’une dizaine de dessinateurs qui, par leurs dessins proje-tés sur 3 écrans géants, donnaient le tempo graphique tout en rappelant que ce sont 5 de leurs collègues qui ont payé de leur vie le droit à l’humour. n https://www.youtube.com/watch?v=x_BluVLEtio

DESSINATEURS EN LIVELaurent Salles L’Alsace, Daniel Depoutot plasticien, Pascal Lo Vecchio, Pascal Léonate et Babache Traits Divers, Véesse Hebdi, Violette Berger Ecole des Beaux-arts, Jean-Charles An-drieu illustrateur et critique BD, Aurélien Cantou illustrateur.

Dessin Cantou. Photo Adrienne Hummel

Dessin Lo Vecchio. Ph Babache

Dessin Léonate. Photo Babache

Dessin Babache. Ph Babache

Depoutot face au public. Photo Babache

Une belle brochette de chanteuses et chanteurs d’Alsace. Photo Gaëlle Hartmann - www.gaellehartmann.com

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Violette Berger et Daniel Depoutot illustrentà 4 mains la Liste de Schindler. Ph Babache

Laurent Salles croque le Capitaine Sprütz. Photo Gaëlle Hartmann

Dessin Léonate. Photo Adrienne Hummel

Des dessins par dizaines. Photo Babache

L’atelier des “djeun’s”. Photo Babache Les deux Pascal concentrés. Photo Babache

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Ne demandez pas à Roger Siffer, cé-lèbre chanteur-cabarettiste alsacien,

à l’origine du clip et du concert au Zé-nith, s’il est Charlie. Ça pourrait le vexer... Des Charlie de la dernière heure, y en a eu plein le petit écran et dans les jour-naux, mais Roger est au-dessus de tout soupçon. Ses amis disparus, Wolinski, et surtout Cabu, connaissaient bien le che-min qui mène à la Chouc’, le fameux et incontournable restaurant-théâtre-cabaret strasbourgeois dont il est le patron. En 2005, à l’occasion de la venue aux Ar-tefacts de Mano Solo - le fils de Cabu, dis-paru en 2010 - , j’ai eu la chance, avec ma femme et des amis, d’interviewer Roger Siffer dans son antre. On a parlé musique, dessin, seventies... et de Cabu. Extraits...Est-ce que tu te souviens de ta première ren-contre avec Cabu ?Roger Siffer : Je ne suis pas bon pour les archives, j’ai même plus les bandes ori-ginales de mes disques. Mais je crois que c’était au TNS à Strasbourg, grâce à René Ehni, écrivain fou génial, qui jouait la pièce “L’Amie Rose”. Il m’avait demandé de faire des musiques pour sa pièce. Comme Ehni était très connu à Paris, car il avait un peu prédit Mai 68 avec la pièce “Que ferez-vous en novembre”, il avait invité la presse pari-sienne, dont Le Monde. C’est d’ailleurs la seule fois que j’ai eu une critique dans Le Monde. Il a fait venir Cabu et sa femme Isa-belle, qui écrivait à La Gueule Ouverte. C’est comme ça que je les ai rencontrés. C’était d’ailleurs une des choses les plus drôles que j’aie connues ! Cabu était arrivé Place de la République, dans les jardins en face du TNS. Il y avait des jeunes filles, - des minettes - qui lui ont demandé un autographe. Il était tout

fier ! Faut dire qu’à l’époque, Cabu portait des lunettes rondes et une barbe. Lorsqu’il a donné son autographe, les filles ont dit : « Comment ? Vous n’êtes pas Roger Siffer ? Alors, ça ne nous intéresse pas ! »Elles ne savaient pas qui était Cabu qui commençait à être une star. En tout cas, ça l’a beaucoup fait marrer. Après, on s’est revu plusieurs fois. J’avais fait une rentrée au Palais des Fêtes devant 1500 personnes et là, il avait réalisé une bande dessinée parue dans La Gueule Ouverte, en 1974. Je l’ai notamment revu en 1997, à la grande marche contre Le Pen père. Il y avait aussi Maxime Le Forestier, Wolinski... Pour pla-

gier Brassens, je dirais qu’en coup de Trafal-gar, si j’avais une grosse merde, Cabu ferait partie de ceux sur qui je pourrais toujours compter. Même si on se voit pas durant 20 ans. Et je suis persuadé que jamais un Cabu risque un jour de voter FN.On avait des tendresses communes. Y’a un type que j’adorais et que Cabu adorait aussi. C’était en 67, j’avais pas de fric et je suis parti en stop. A l’époque, je vivais avec un franc par jour. Je faisais la manche et y avait ce type qui s’appelait Mouna. Il avait tout plaqué et avait inventé le “Mounastère”, on buvait de la “limounade”, il avait un “mouna à café”... C’était un non-violent, un type com-plètement déjanté qui prêchait, faisait des discours, mais rigolo. Il avait une épingle de sûreté dans sa barbe qui lui servait de micro. Mouna était une grande figure de Beaubourg, un personnage très populaire. Il jetait des grains de blé sur les gens en disant « Prenez-en de la graine ». Un personnage ma-gique, merveilleux et je sais que Cabu avait beaucoup d’amitié pour lui. Donc, on s’est souvent retrouvés avec Cabu et Mouna. nwww.theatredelachouc.com

AMI DE CABU

Roger Siffer, ami de Cabu par Babache

... et Laurent Salles. Photos Babache

Roger Siffer vu par Babache, Véesse...

Pâques 97, manif anti-Le Pen : la bande à Charlie débarque à la Chouc’. Dessin Cabu paru dans “Morceaux choisis” (Ed de la Nuée Bleue)

Cabu et Isabelle. Coll. Isabelle

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Le festival de Samer s’est déroulé dans les meilleures conditions : le public,

toujours satisfait, est revenu cette année et reviendra encore l’année prochaine.Les caricatures exposées, une fois de plus, étaient excellentes ! Quel que soit le modèle, et même en son absence, les caricaturistes savent toujours s’adapter à la situation... Merci aux organisateurs bénévoles et à Robert Justin, grand initia-teur du projet, d’avoir mené à bien cette manifestation pour la satisfaction de tous !Et comme on dit en chtimi : Merci gra-mint des caups et a tourade ! n

18e Festival de Samer par Rousso

Organisé par la Municipalité et l’enfant du pays Robert Justin, le Salon de la caricature constitue une manifestation printanière très prisée. L’édition 2015 a confirmé le succès toujours croissant de ce salon réunissant cette année 8 caricaturistes : Borot, Hanzz, Joyeux, Raffa, Roth, et trois petits nouveaux Hervé (Samer), Djony et Fab.

KIFFE SAMER

Roth en action. Photo DR

Petite pause café avant l’arrivée du public. Photo DR

Djony très concentré. Photo DR

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PAPIERS NICKELÉS N°44L’indispensable magazine du futur “Centre Interna-tional de l’Imagerie Populaire, du Dessin Imprimé et du Patrimoine sur Papier” a encore frappé avec la parution de son n°44 !Directeur de la Publication Yves Frémion, Abonne-ment : 4 numéros 28 à l’ ordre du CIP, adressé àAnne Delobel, 19 rue Eugène Carrière, 75018 Paris.www.papiersnickeles.fr

RAFAGÉ“Vive la Gaule” Album de 80 dessins dont certains parus dans la Der-nière Heure, L’avenir du Luxembourg, la Meuse...22 x 22 cm, 80 pages, 12 €Pour commander le livre :www.rafage.be

NAGY “Griffe silencieuse“Le nouvel album de Nagy est sorti avec ses meilleurs des-sins d’actualité. Certains ont été primés et exposés à Paris et à New-York ou vus à la télé dans “Envoyé spécial”.

Pour commander“Griffe silencieuse” (10 €) :[email protected]

MOINE“Gueules de Croqueurs”Philippe Moine écume les festivals de dessin de presse et de caricature de-puis bientôt 20 ans. Il a pris l’habitude de caricaturer les dessinateurs et de leur présenter leur “gueule” grand format dans les festivals, transfor-mant, juste retour des choses, les croqueurs en croqués. Ce livre a pour but de mettre un visage sur des noms plus ou moins connus de ces professionnels de l’humour dont on peut apprécier les dessins dans la presse internationale, nationale ou régionale, d’entreprise, à la télé ou sur le web. À partir de là, en plus de leur tronche, il a eu envie de faire dé-

c o u v r i r au grand p u b l i c la large palette d’expression de ces dessina-teurs, dont le travail est malheureu-sement de plus en plus délaissé par la presse écrite, tant pour le dessin de presse que pour la caricature. On retrouve dans tous ces dessins l’humour décapant, grossier, tendre, provocant, engagé, dénonçant dans un sourire les travers de nos socié-tés mais aussi l’espoir, le désespoir, l’absolu de liberté, parfois jusqu’à la mort. 150 dessinateurs de presse et caricaturistes croqués dans un livre big size 30 X 23cm, à l’italienne avec couverture cartonnée.

“Gueules de croqueurs“ sera disponible dans une dizaine de festivals tout au long de l’année au prix de 24€ ou par courrier à partir de la mi-mai, 24€ + frais de port :Philippe Moine35 Rue Cami Salié - 64320 SENDETSMail : [email protected] Tél: 06 87 70 42 00

c o u v r i r au grand p u b l i c la large palette d’expression de ces dessina-

“Gueules de croqueurs“

Fécopinages

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Jacques Kamb était un ami, un véri-table compagnon de route pour moi,

mais aussi pour tous ceux qui ont eu la chance de le côtoyer. Il est l’archétype de l’artisan de l’illustration de presse et de la BD comique destinée à la jeunesse. Il faut savoir qu’il a débuté très jeune, dans les pages de l’Humanité Dimanche dès décembre 1950, alors qu’il n’avait que 17 ans. Influencé par le trait de Jean Effel, il trouvera rapidement le sien, toujours à la recherche de la simplicité et d’une élé-gante efficacité. Comme la plupart des lecteurs de ma génération, je l’ai découvert dans Pif-gad-get, d’abord par l’intermédiaire de son personnage de Couik, l’oiseau bleu pré-historique, à la philosophie humaniste teintée de beaucoup d’ironie. Et puis évi-demment, Dicentim le petit Franc, qui a faire rire plusieurs générations de lecteurs et a permis à Kamb d’être enfin (re)connu pour un personnage véritablement emblé-matique de ce journal. En l’interviewant à plusieurs reprises, dans un premier temps pour lui rendre hommage à l’occasion de la sortie d’un album, quelques mois avant ses 75 ans et les 35 ans de Dicentim, je découvrais un artiste dont les person-nages dessinés pour Pif-gadget n’étaient que la partie immergée de l’iceberg.Ses illustrations de presse (dans L’Huma-nité Dimanche, puis La Vie Ouvrière) ont accompagné avec vivacité les “trente glorieuses”, manifestant ses convictions profondes (quoique souvent désabusées), tandis que ses illustrations pour le jour-nal Vaillant offraient une palette complète et impressionnante de sa production : jeux, illustrations pour la rédaction, gags en tous genres, et en 1965 la création avec Jean Sanitas de “Zor et Mlouf”, série loufoque de SF, très en avance sur son temps. On oublie souvent, d’ailleurs, qu’il fut aussi scénariste, et pas des moindres, puisqu’il écrivait des récits pour Cézard, Nortier, et aussi Yves Roy (Hidalgo) pour lequel il créa le personnage de Teddy Ted, plus tard repris et transformé par Roger Lécureux et Gerald Forton !

De son trait, on notera un souci constant de l’efficacité, de la lisibilité, de l’inventi-vité mais également une vraie poésie, qui lui était propre. Homme à l’humour rava-geur, très porté sur les joutes verbales et calembours (les lecteurs de Dicentim s’en souviennent…), Jacques Kamb était aussi une personnalité extrêmement pudique, qui mit très longtemps à évoquer son en-fance. On sait peu qu’il a échappé mira-culeusement aux rafles sous l’Occupation (De son vrai nom Kambouchner, Jacques était juif), qui malheureusement avaient emporté son père et son frère dans les camps de la mort. A sa manière, modeste et touchante, il en avait composé un récit pour la jeunesse, qui détourne les aspects

tragiques de son histoire pour rendre sensible cette période auprès d’un jeune public, à travers un petit livre illustré : “Le petit clown à l’étoile” (Eds L’Harmattan).Jacques Kamb aura accompagné fidèle-ment toute l’aventure de Pif-gadget, du premier numéro (qui vit également la naissance de son oiseau Couik) jusqu’à la toute dernière ressortie en date, entre 2004 et 2008.Depuis, il se consacrait à la réédition de ses récits par des albums que ses fidèles lecteurs se réjouissaient de retrouver, notamment sur les salons BD où Jacques ne lésinait pas sur les dédicaces, toujours personnalisées et accompagnées d’un bon mot. J’ai eu l’immense joie d’éditer

Jacques Kambouchner 1933-2015 par Jean-Luc Muller

Les lecteurs de Pif Gadget aujourd’hui quinquas se souviennent encore des aventures de Couik et de Dicentim, qui pleurent aujourd’hui leur créateur. Si Kamb est connu dans le monde de la BD, il était aussi un fameux dessinateur de presse présent dans les co-lonnes de l’Humanité ou de la Vie Ouvrière.

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Le dernier dessin de Kamb.

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avec lui un “ultime” recueil “Dicentim Poche“, 34 ans après le précédent (daté de 1980) et j’ai pu le voir à l’oeuvre, avec un enthousiasme toujours présent malgré ses ennuis de santé, inventer, composer, réagir à ce que je lui proposais. Et généra-lement proposer des idées bien meilleures ou plus pertinentes, évidemment.Il n’avait accepté l’idée de ce “poche” qu’à condition qu’il puisse accompagner le projet documentaire que je consacre à l’histoire de Vaillant et Pif-gadget, qu’il sou-tenait depuis le début et dont il est l’un des grands intervenants. De mon côté, je sou-haitais profiter de cette publication pour qu’on évoque ses albums, qu’un autre public fasse mieux connaissance avec cet auteur précieux. Sa modestie était aux antipodes du narcissisme de beaucoup de ses contemporains, et il m’avait fallu un peu lui “forcer la main” pour intégrer dans ces pages une interview de lui ou une il-lustrations reprenant ses séries d’albums.Ses fidèles lecteurs, auxquels semblaient se joindre un nouveau public, lui ont fait un chaleureux accueil lors de la sortie du recueil en novembre dernier et je sais que Jacques en était extrêmement touché et fier. Il se faisait d’ailleurs un point d’hon-neur de dédicacer chaque exemplaire et se souciait constamment de n’oublier personne. Je conserve de Jacques le sou-

venir de rires et moments de complicité pendant la réalisation de ce recueil, mais également lors des salons BD au fil des ans (particulièrement en compagnie de Richard Médioni et Françoise Bosquet, pour lesquels il a illustré brillamment les ouvrages consacrés à l’histoire des éditions Vaillant, de Pif, etc,- notamment “L’Histoire complète” - le grand dessin de couverture représente la rédaction et les auteurs de Vaillant et Pif-gadget croqués magnifique-ment par Kamb..) ou simplement lors de déjeuners, où les calembours accompa-gnaient toujours plats et dessert. Je pense aujourd’hui avec tendresse à son épouse Germaine, qui fut toujours à ses côtés et a suivi l’aventure Vaillant et Pif-gadget elle aussi, en coulisses. Nous nous reverrons souvent, je pense. Une pensée aussi pour ses enfants Marianne et Rémi, très solidaires du travail de leur papa. C’était un ami précieux et fidèle, et il me faut ajouter ici que Jacques Kamb était un auteur et un illustrateur très mésestimé, que l’on redécouvrira de plus en plus, et qui apparaîtra trop tardivement comme un artisan absolument essentiel de l’illustra-tion et de la presse jeunesse en France. n Jean-Luc Muller 11/fev/2015

Fécocorico présente ses condoléances à la famille de l’artiste et remercie Jean-Luc Muller, auteur, musicien, réalisateur de documentaires et de fictions, pour ce beau texte sur Kamb.

Pour découvrir l’univers de Kamb :http://mandrake-de-paris.blogspot.fr/http://dicentim.over-blog.com/http://vaillant-film.blogspot.fr/

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Nos amis Italiens de Buduàr, l’Alma-nacco dell’Arte Leggera, en colla-

boration avec Premio Satira Politica ont voulu rendre hommage aux dessinateurs de Charlie par une grande exposition au Museo della Satira e della Caricatura, dans les salles de la Villa Bertelli à Forte dei Marmi, Toscana, Italia. La collaboration avec Feco France a permis la venue de dizaines d’auteurs français, du génial Loup à Plantu, d’Avoine à Chimulus, de Brito et Pétillon du Canard Enchaîné à Coco qui s’est trouvée au centre du drame de Char-lie et qui a tout de suite éprouvé le besoin de recommencer à dessiner. Ses dessins sont vraiment un témoignage émouvant. Il en va de même pour les auteurs italiens, de Silver à Staino. n

EXPO du 11 avril au 7 juin 2015Villa Bertelli, 200 – Forte dei Marmi Province de LuccaSecrétariat : 0584 280262–280290 Siège de l’exposition : 0584 787251Horaires d’ouverture :Vendredi/Samedi : 16h30-19h30Dimanche : 10h30-13h et [email protected]’article du Corriere della Sera :http://corrierefiorentino.corriere.it/foto-gal-lery/toscana/15_marzo_24/matite-corag-giose-0d17d608-d230-11e4-8ec1-ae-d404c65fdd.shtml

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Italia con noi par Ballouhey

Quand la liberté se dresse contre l’intolérance... Face à l’onde de choc “Charlie” plané-taire, nos collègues italiens n’ont pas tardé à se mobiliser pour rendre hommage aux Français assassinés, avec une expo intitulée ”Inchiostro Coraggioso”, pertinemment traduit par “Encres libres” par Loup.

INCHIOSTRO CORAGGIOSO !

L’IMPORTANTC’EST DE PARTICIPER… AVEC HUMOURDino Aloi, Carlos Amorim, Arthos Ca-reghi, Gianni Audisio, Aurel, Avoine, Carlo Baffi, Ballouhey, Battì, Bauer, Catherine Beaunez, Biz, Bridenne, Brito, Gianni Burato, Assunta Toti Bu-ratti, Cambon, Davide Ceccon, Chimu-lus, Coco, Lido Contemori, Lele Corvi, Marco De Angelis, Franco Donarelli, Dubouillon, Mattia Franceschini, Giox (Giovanni Sorcinelli), Antonio Guarene, Gianlorenzo Ingrami, Emilio Isca, Jiho, Firuz Kutal , Andrzej Krauze, Man, Large, Lécroart, Jac Lelièvre, Loup, Fabio Magnasciutti, Rémy Malingrey, Ro Marcenaro, Valerio Marini, Melan-ton (Antonio Mele), Claudio Mellana, Françoise Menager, Milko Dalla Bat-tista, Million, Mofrey, Ramses Mo-rales, Flavien Moreau, Mutio, Richard Nagy, Marilena Nardi, Pakman, Palex (Alessandro Prevosto), Pancho, Danilo Paparelli, Passepartout (Gianfranco Tartaglia), Andrea Pecchia, Pesso , Pétillon, Pichon, Pinter, Placide, Plan-tu, Franck Raynal, Rousso, Sabatier, Oscar Sacchi, Eugenio Saint Pierre, Ugo Sajini, François San Millan, Sil-ver (Guido Silvestri), Doriano Solinas, Carlo Squillante, Sergio Staino, Mauro Talarico, Trax, Lucio Trojano, Gian-franco Uber, Pietro Vanessi, Véesse.

De gauche à droite : Lido Contemori, Fabio Magnasciutti, Alessandro Prevosto (Palex), GianLorenzo Ingrami, Marco De Angelis, Pietro Vanessi (PV) et Dino Aloi. Photo DR

© Dessin Loup

© Dessin De Angelis© Dessin Coco

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C’est un honneur et un beau moment de satisfaction quand un dessinateur

peut voir un de ses dessins repris sur dans un grand journal web ou une émission de télé. Mais c’est encore mieux si c’est fait avec professionnalisme comme dans “On est pas couché” de Ruquier ou “Une semaine dans le monde” de France 24 avec les dessi-nateurs de Cartooning for Peace qui sont avertis et nommés. Le Huffington Post peinard, pas gêné sous le titre “Après l’attaque du musée du Bardo à Tunis, les caricaturistes du monde arabe prennent leurs crayons” est allé farfouiller sur internet les dessins de nos collègues Willis from Tunis, Ali Dilem, Sondron, Lounis, Fathy, Adenov, Nedall Ahmed, Jarbou3, Besot, sans les nommer et sans autorisation. J’ai écrit, au nom de Feco France, à chaque membre de la direction éditoriale dont Anne Sinclair (nous on dit les noms) pour signaler cet abus : “Cette at-titude va à l’encontre des usages et des lois sur la propriété artistique, ces dessinateurs vivent de leur métier souvent chichement, ils publient sur des sites et ces blogs par militantisme et surtout par nécessité d’être vus et entendus, la presse papier de leur pays leur tournant le dos, ils ont pris une grande part dans le Printemps arabe sur ces médias”. Excuses, rectificatifs et renvoi vers Huffington Post Maghreb et Huffington Post Tunisie, fermez le ban.

Ensuite, dans la revue de presse “Un œil sur les médias” sur France 24, Meriem Amellal balance en fond comme du papier peint des dessins “anonymes” qui relatent la guéguerre entre la fille et le père Le Pen.C’est quand même pas difficile, ni long à prononcer : Wingz, Alex, Na ! , Man, Rodho ! Et pire encore à la fin de l’émis-sion on peut voir un dessin de… Plantu, pas non plus nommé. Et le pire du pire, la vidéo est reprise telle quelle sur le site d’extrême droite : Fdesouche (Français de souche). Un stage en école de journa-lisme s’impose, il faut apprendre à citer ses sources. C’est les soldes, sur ITélé, c’est un dessin de Luc Arnaud sur le nouveau nom de l’UMP qui est placardé en fond d’écran par Madame Véronique Reille-Soult, anonymat garanti.

Il faut reconnaître qu’à partir du moment où un dessin est mis en ligne, il peut être partagé, capturé, choppé, chouravé. Si un de vos dessins est repris dans un grand média, il y a droit de citation, vous ne pouvez pas faire grand chose sauf écrire pour remercier et demander d’être nom-mé la prochaine fois.La marche à suivre est de mettre sous vos dessins dans les sites, blogs, pages Face-book ou Twitter une petite phase simple et discrète du genre : © ……… Tous droits réservés. Ces dessins ne peuvent pas être publiés, en aucune façon, sans l’autorisa-tion écrite de ………. Copyright. Not to be reprinted in whole or part reproduced in any form without written permission from ……………Signez lisiblement et en bonne place. n

Entrevus à la télé par Ballouhey

A l’heure où les journaux print réduisent le budget “dessins d’humour” ou se débar-rassent carrément de leurs dessinateurs, les dessins d’humour fleurissent sur Internet et illustrent gratuitement, souvent à l’insu de leurs auteurs et en toute illégalité, des émissions de télé sans que leurs auteurs ne soient crédités.

CARTOON’S MARKET

Dessin de Luc Arnaud passé sur ITélé.

Un dessin de Man utilisé par France 24 sans le nommer. Capture d’écran

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Goubelle se sent bien chez Ruquier. Capture d’écran

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En 1960, de passage aux Beaux Arts de Lyon , j’avais

comme voisin de cours l’élève Jacques Tardi. Nous avions le même prof, Vincendon, un prof formidable qui a laissé également un grand souvenir à un autre fameux dessinateur Jean-Jacques Loup, entré aux Beaux Arts de Lyon en 1954. Bien sûr, notre différence d’âge n’a pas permis de nous rencon-trer à cette époque. C’est donc bien plus tard que nous avons pu évoquer ce passage à Lyon. Loup a même dédié, dans un de ses livres, un hommage à ce grand prof.1963, passage obligatoire au ser-vice militaire. Bien qu’ayant bien sûr un tempérament antimilita-riste (c’était plus fort chez les jeunes à cette époque), je suis incorporé dans l’armée de l’air où j’ai la chance de rentrer dans un bureau d’étude de l’environ-nement. Avec quelques autres appelés nous passions notre temps à dessiner des maquettes pour le camouflage des bases radars souterraines. Réalisation de paysages agricoles avec éga-lement des champs labourés pour faire plus vrai au dessus de la base antiaérienne. Cette expérience m’a permis de ren-contrer une hiérarchie militaire qui ne manquait pas parfois d’humour.Après ce passage me privant quand même de ma liberté, je quitte Lyon pour partir à la conquête de Paris avec mon carton à dessin.Epoque difficile, je survis en prenant quelques petits boulots (époque sans chômage) J’avais une petite pension dans un hotel proche du Luxembourg

et du quartier Latin. Pas de por-table, pas de rendez-vous avec les rédactions ,il fallait donc se présenter physiquement dans les rédactions. Il y avait cepen-dant des jours ouvrables pour les dessinateurs et caricaturistes afin de proposer ses dessins.Ceux qui avaient la chance d’être choisis et sélectionnés se retrouvaient sous une pile sou-vent impressionnante. Je me souviens d ‘une pile ou il y avait un dessin de Bosc. Rencontrant de temps en temps des dessi-nateurs dans la même situation que moi, j’enchaînais avec eux la visite de quelques rédactions accueillantes.

Première parution dans Paris Match avec une demi-page. Cette chance a duré 2 ans avec un dessin publié chaque se-maine et avec bien sûr d’autres apparitions dans la grande presse de l’époque. En 1968 j’optiens ma carte de presse (tout un symbole) j’étais devenu professionnel. Toujours à Paris, je me lance dans la bande des-sinée. L’hebdomadaire Tintin (chez Dargaud) me propose une page chaque semaine en

deuxième de couverture. Etant souvent en panne de scénario, le rédacteur en chef me pro-pose la collaboration de Reiser, qui en était à ses débuts. Il avait perdu sa collaboration avec Hara Kiri suite à une interdiction de parution, entrainant égale-ment d’autres dessinateurs qui iront, pendant cette période dif-ficile, offrir leur talent chez Pilote. La rédaction Tintin refusait les dessins de Reiser, jugés trop vio-lents pour l’époque. Pierre Louis, rédacteur en chef, lui propose de m’assister pour les scénarii. C’est ainsi que j’ai fidélisé cette collaboration pendant 2 ans. Bayard Presse nous propose éga-lement pour le mensuel Record, où nous mettons en scène un personnage qui va s’appeler Gazoual. L’habitude est prise et c’est souvent dans un bistrot de la rue du Louvre (siège des Edi-tions Dargaud) que vont se faire les rendez-vous pour discuter de la mise en page.Après Pilote et Tintin, Reiser re-tourne dans sa grande famille qu’est Hara Kiri et qui devien-dra, suite à une autre interdic-tion, l’hebdo Charlie Hebdo que l’on connait tous. Conti-nuant avec Record, je vais créer avec le dessinateur Auguste un personnage appelé Tortax (une tortue volante style Superman). Parution mensuelle pendant 2

ans. Record cesse sa parution en 1973. Le personnage Tortax dis-paraît également mais Dargaud nous demande les droits pour un Album édité en 1974.Suite à l’arrêt de la série dans Record, le personnage n’aura plus de suite et donc pas de deuxième Album. En parallèle avec ma produc-tion BD et trouvant celle-ci trop contraignante, je me relance dans le dessin de presse et la ca-ricature politique qui commen-çaient dans les années 80 à être appréciés par les quotidiens et périodiques. Une période éga-lement productive (et sportive) avec la sortie de 3 Albums sur le Mondial de Football édités chez Glénat. Réalisation d’une série de dessins animés de 100 épi-sodes de 10 secondes chacun, pendant les retransmissions des Jeux Olympiques de Barcelone. Après l’effondrement des pu-blications de BD (Pilote, Tintin, Pif...), Le Progrès de Lyon me propose de caricaturer chaque jour l’actualité. Recherchant la sécurité, j’accepte de quitter Paris pour cet emploi de pigiste à plein temps. C’est ainsi que je suis devenu le dessinateur atti-tré de ce journal. Les contrats dans ces années étaient très rares dans la presse quotidienne. Lyon étant ma ville natale et le choix de m’y réinstaller ne me

Portrait crashé : DuBouillon par lui-même

DUBOUILLON DE CULTURES

Je suis né le 30 octobre 1943 à Lyon. Ma passion pour le dessin a commencé très tôt et, comme beaucoup de confrères, dans les marges du cahier à la petite école. Plus tard, divers passages dans des écoles (même l’école du batiment avec apprentissage au dessin industriel).

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DuBouillon

déplaisait pas. Période lyonnaise où je rencontre ma femme, plus tard la mère de mes 3 enfants. Période verte avec l’acquisition en Ardèche du Sud d’une mai-son qui est devenue il n’y a pas très longtemps voisine de la grotte Chauvet, où ont sévi, il y a quelques milliers d’années, d’autres collègues artistes. Je garde quand même le contact avec Paris en signant un contrat avec Intermonde Presse, une agence qui s’occupe de la diffu-sion sur l’ensemble de la presse Française et extérieure. Agence créée par plusieurs dessinateurs comme Jacques Faizant. Ega-lement avec sa filiale JFS, une agence de Bruxelles, qui distri-bue mes dessins sur l’ensemble de la presse Européenne. Pé-riode pour moi très internatio-nale avec Caméra Press, presti-gieuse agence de Londres, qui me représente dans la presse Anglo-saxonne (quelques paru-tions dans Play Boy). De 1980 à 1990, ce fut une grande période avec une édition Alle-mande pour la création d’une série d’albums mettant en scène un personnage appelé Herbert. Cette série a eu une durée de 3 années réparties sur 11 albums,

distribués en presse tradition-nelle. La distribution des BD allemandes est très différente de celle pratiquée en France et res-semble plus à une lecture popu-laire du cartoon à l’Américaine. Une fois lu, l’ouvrage est jeté comme un journal ou occupe une place importante dans les WC. J’ai bien aimé cette période où le comics prend sa vraie place dans le lectorat populaire. Dans sa plus grande période, Herbert était diffusé à 40 000 ex. Nous avons tendance, en France, à sacraliser et sophistiquer la BD. Les Albums coûtent trop cher et profitent surtout aux collec-tionneurs et laisse très peu de rentabilité aux auteurs avec des marges bouffées par les prix d’impression de fabrication et de distribution qui, souvent, se retrouvent au pilon par manque de vision commerciale. Bien sûr, cette lecture populaire du dessin, je ne la compare pas à la qualité graphique et artistique que nous offrent certains bons éditeurs. Même dans les situa-tions politiques tendues, j’ai tou-jours placé le rire comme une priorité de mon métier. Nous sommes principalement des humoristes et nous ne devons

pas oublier cela. Comparative-ment à mes débuts, la caricature s’est fortement politisée. Si nous regardons l’histoire de la carica-ture, nous pouvons constater que la satire politique était très forte et violente au 19e siècle. Avec l’apparition de la photo dans les journaux, nous avions perdu cette tradition jusque dans les années 1960.

Heureusement, nous avons re-trouvé cet esprit grâce à l’appa-rition de Hara Kiri. Et si Daumier reste la référence du crayon de presse dans les journaux comme Charivari, on peut dire que les dessinateurs du Canard Echaîné et de Charlie sont les dignes héritiers de la presse sati-rique. Les seuls tabous que j’ai rencontrés avec la PQR étaient souvent d’ordre religieux. Der-nier bastion de sinistres extré-mistes qui a coûté très cher à

nos camarades de Charlie. Avec Le Progrès, c’est une histoire qui dure depuis plus de 30 ans. Chaque année, les Editions du Progrès me publient, sous forme d’album-rétrospective, les des-sins qui ont marqué l’actualité dans l’année. Des albums édi-tés depuis 1994, avec de bons tirages qui témoignent de la fidélité de mes lecteurs. J’en suis actuellement au 21e. Le Progrès a toujours engagé des dessina-teurs professionnels et il fait par-tie des rares journaux qui contri-buent à respecter cette tradition, ceci pratiquement depuis sa fondation en 1859. n

www.dubouillon.fr

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DERRIÈRE LES BARBELÉS NAZIS

Coup d’œil dans le rétro par JMBAprès la débâcle, 1.845.000 combattants français sont capturés par les armées allemandes durant l’été 1940. Environ un tiers d’entre eux est libéré sous diverses conditions, les autres sont envoyés en Allemagne dans des camps de prisonniers de guerre. Le dessinateur Bellus est l’un de ceux-ci.En 1944, à cause d’un dessin d’humour, Bernard Aldebert est déporté en camp de concentration.

Le réserviste Jean Bellus, est incorpo-ré à l’âge de 28 ans dans le 11e Régi-

ment d’Infanterie qui, pendant la “drôle de guerre”, est en soutien près de la Ligne Maginot puis, lors de la bataille de France, qui combat en Ardennes en menant des actions défensives puis re-tardataires, et qui finit capturé le 21 juin 1940, près de Germiny en Meurthe-et-Moselle. Comme une partie de ses com-pagnons, Bellus est envoyé au Stalag 1A, aux confins de la Prusse près de Preus-sische-Eylau, qui fut le plus oriental des camps de prisonniers de guerre. D’un naturel débonnaire il s’accommode de ses conditions de vie, du travail dans une ferme de la région et il réussit à s’occu-per du théâtre du camp. Nous ignorons quel fut le motif de sa libération, mais

il a la chance d’être rapatrié en France au printemps 1944. Édité par le “Mou-vement Pétain”, un petit recueil de 17 de ses dessins d’humour, sous l’optimiste titre “Amusons-nous”, est alors vendu au profit de la Caisse d’entraide et de secours de son ancien stalag. Au dernier trimestre 1945, Bellus publie un album de 62 pages, également sur le thème des prisonniers de guerre. Le ton de cet “Hu-mour Verboten!” est insouciant, voire rigolard. Seul tranche un dessin tragique. Il est titré “Représailles” et montre trois pitoyables enfants conduits par une sec-tion de l’Ordnungspolizei vers un des-tin que l’on pressent atroce : cet enfer concentrationnaire où, pour quelques malheureux traits, fut déporté Bernard

Aldebert.

Pas si bête... En 4 ans j’ai fait quelques économies,alors j’ai acheté la ferme.

Pas de chance... - Comment ! Vous êtes libéré ? Oh ! Quel dommage... Nous pensions à vous envoyer un colis.

- Comment dit-on “Homard thermidor” en Allemand ?

- L’hiver en Prusse Orientale. - En creusantun peu on devrait trouver les barbelés.

per du théâtre du camp. Nous ignorons quel fut le motif de sa libération, mais quel fut le motif de sa libération, mais

malheureux traits, fut déporté Bernard Aldebert.

- L’hiver en Prusse Orientale. - En creusantun peu on devrait trouver les barbelés.

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Sous l’Occupation, l’omniprésente et pesante censure allemande est obsession-nellement suspicieuse. Les dessins ainsi que leurs légendes sont scrutés à la loupe. Un dessin de Picq sur le rationnement se retrouve interdit, car son texte mentionne des haricots verts (couleur pouvant rap-peler l’uniforme de l’occupant, qui est à l’origine de divers surnoms). Est aussi interdit le dessin d’une scène de ménage où une vitre brisée prend incidemment la forme d’une étoile à six banches. Dans le quotidien collaborationniste L’Œuvre, pour un dessin de Farinole, montrant un couple adultère dont le protagoniste est innocemment doté d’une petite mous-tache, il faut l’intervention personnelle du directeur politique de ce journal pour éviter l’arrestation de son auteur. Dans l’hebdomadaire humoristique Ric et Rac un dessin de Bernard Aldebert, publié le 1er octobre 1943, a de funestes consé-quences. La scène paraît pourtant simple : Un invité indélicat introduit une main su-breptice dans le sucrier de ses hôtes et ne peut plus l’en retirer. Ce n’est qu’un gag sur le sucre, denrée rare en ces temps de drastiques restrictions régies par les cartes d’alimentation… Mais, sur le front de ce personnage aux cheveux noirs et plats, une mèche tombante souligne ses efforts infructueux ; hélas ! il porte aussi une courte moustache, candide ajout pileux, classique chez ce dessinateur. En outre, la métaphore du sucrier-piège avait par-fois été utilisée, cinq ans plus tôt, lors des polémiques antihitlériennes concernant le corridor de Dantzig. Voici pourquoi, quelques mois après l’importante défaite de Stalingrad et les blocages allemands, cet anodin dessin d’humour est considéré par les nazis comme une violente carica-ture politique. Le journal est saisi et Alde-

bert est activement recherché par la Ges-tapo. Il parvient à se cacher pendant plus d’un mois, mais commet l’erreur de reve-nir dans son village de Haute-Savoie où il est arrêté, puis incarcéré à la prison Mont-luc de Lyon. Il est ensuite transféré dans un camp de rassemblement à Compiègne et, en janvier 1944, est déporté en l’Alle-magne. Après des jours et des nuits de tra-jet et d’arrêts démesurés, sans rien boire ni manger, entassés dans leurs déjections, à cent quarante par wagon, ses compa-gnons d’infortune et lui sortent d’un cauchemar pour entrer dans un autre à Buchenwald. Les arrivants restent un mois dans le camp de quarantaine. Nus, ils y sont classés, catalogués, étiquetés, imma-triculés. Le nombre de malades augmente et beaucoup meurent faute de soins. Une fois revêtus de leur “pyjama rayé”, cet uniforme des détenus, un nouveau train emporte ce bétail humain dans le froid glacial de l’hiver continental. Pendant cet autre transfert interminable, les gardes se tiennent devant la porte du wagon qu’ils laissent systématiquement ouverte et la mort saisit les plus malades. Arrivé à Mauthausen avec une broncho-pneumo-nie, Aldebert est envoyé au Block affecté aux pulmonaires, où s’entassent « chias-seux, moribonds et cadavres ». Il y découvre d’autres horreurs : le sadisme du chef de Block, les visites des SS venant faire le tri et désigner ceux qui, par eux jugés incu-rables - ou au hasard selon le vide à faire, seront éliminés, l’écœurante boucherie de la récupération des dents en or… Il en réchappe, mais dans un état d’extrême faiblesse et très amaigri. Il est envoyé quelques jours au Block de quarantaine, pour y être habillé de “rayés neufs”, matri-

culé et expédié à pied vers Gusen I, l’un des camps dépendant de Mauthausen. Il n’y reste que quelques jours avant d’être affecté en avril 1944 à Gusen II, camp nouvellement créé par le complexe mili-taro-industriel nazi comme bagne d’escla-vagisme, un camp d’extermination par le travail. Il atteint là le fond de l’horreur : harassement sans limite, brutalités inces-santes, famine. Il est témoin de tortures, de sadiques ignominies faites aux Juifs, de meurtres gratuits. Les pertes humaines sont énormes et, venant d’autres camps, un régulier flux charroie des nouvelles cargaisons de main-d’œuvre de rempla-cement. Tous le savent, la seule porte de sortie de cette géhenne est la cheminée du “Krematorium”. Dans des conditions épouvantables, ces esclaves creusent, sous une montagne, des kilomètres de tunnels qui vont former l’usine secrète d’assem-blage du fuselage des avions à réaction Messerschmitt Me 262. La chaîne de montage va produire là 987 fuselages équipés, entre mars 1945 et l’arrivée des troupes américaines. En ces ultimes jours de guerre, les Allemands envoient alors à pied les rares survivants Français (6 sur les 141 que comportait son block un an auparavant) à Mauthausen, où ils doivent être pris en charge par la Croix Rouge (en vue d’un échange de prisonniers ?) mais, la ligne de feu bloquant les véhicules de ces sauveteurs, ce sont les Américains qui, le 5 mai, délivrent tous les prisonniers de ce camp. Bernard Aldebert est rapatrié en France en août 1945. Un an après, il publie le poignant récit de son calvaire, en cinquante chapitres d’une page, tous illustrés d’un dessin, dans son livre titré “Chemin de croix en 50 stations”. n

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Derrière les barbelés nazis Derrière les barbelés nazis

- J’ai mis ma main dans le sucrier,je ne peux pas la ressortir…

De Buchenwald à Mauthausen. Mauthausen : La quarantaine. Le coucher en sardine.

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Derrière les barbelés nazis

Gusen II : Au tunnel. Gusen II : La carrière.Débarquement des kommandos vers le travail.

Gusen II : Les morts.

Gusen II : Les “Jud” vidangent les tonneaux. Gusen II : Les “Kapos”.

Autoportrait de Bernard Aldebert en 1946.

Origine des documents :Page 20, de haut en bas :

1 à 3 : Amusons-nous (Mouvement Pétain, s. l. [1944]).4 à 6 : Humour verboten! (Arthème Fayard, Paris 1945).

Page 21 (haut) : Journal Ric et Rac du 1/10/1943.Page 21 (bas) + page 22 : Chemin de croix en 50 stations (Arthème Fayard, Paris 1946).

Ci-dessus : (Frédéric Delanglade : 40 portraits d’humoristes(Éditions Centres, Limoges [1946]).

Notre prochaine chronique évoquera le souvenir de deux dessinateurs belges, dont l’un fut déporté et l’autre condamné à mort par les nazis.

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