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U.F.R. DE SCIENCES JURIDIQUES, ADMINISTRATIVES ET
POLITIQUES
L1- UP A
Année universitaire 2012-2013
DROIT CONSTITUTIONNEL
Cours de M. Le Professeur Jean-Marie Denquin
DOSSIER DE TRAVAUX
DIRIGES
2nd
SEMESTRE
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SEANCES DE TRAVAUX DIRIGES
TD n°1 La participation des citoyens à la vie politique
Elections et référendum
TD n°2 L’exécutif sous la Vème
République (I) :
La fonction présidentielle
TD n°3 L’exécutif sous la Vème
République (II) :
Le Premier ministre, le gouvernement, la cohabitation
TD n°4 L’exécutif sous la Vème
République (III) :
La responsabilité des gouvernants
TD n°5 Le Parlement sous la Vème
République (I) :
Organisation et procédure législative
TD n°6 Le Parlement sous la Vème
République (II) :
Le contrôle parlementaire
TD n°7 La révision constitutionnelle
TD n°8 Le Conseil Constitutionnel (I) :
Organisation et contrôle de constitutionnalité
TD n°9 Le Conseil Constitutionnel (II) :
Les méthodes du conseil constitutionnel
TD n°10 La constitution et l’union européenne
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MODALITES DE CONTROLE DES CONNAISSANCES
Le droit constitutionnel enseigné en première année de D.E..U.G. correspond à l'unité
fondamentale A.3 (UF A3).
l/ Les conditions d'assiduité.
Les étudiants disposent de 3 absences maximum. Au-delà, les étudiants ne pourront plus
avoir le bénéfice du contrôle continu, même s'ils sont venus au partiel.
Les étudiants absents plus de 3 fois sont donc considérés comme défaillants et devront se
soumettre au contrôle terminal lors de la session de septembre.
2/ Le contrôle continu.
Les étudiants devront satisfaire à l'exigence d'un minimum de 4 notes, 3 notes constituées par
des travaux déterminés par le chargé de travaux dirigés, une note résultant d’un partiel
organisé en amphithéâtre. Le partiel du second semestre comportera deux sujets au choix que
les étudiants traiteront en trois heures. La Constitution de 1958 sera autorisée. Elle ne devra
comprendre aucun ajout et / ou annotation.
INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES GENERALES
Outre les références bibliographiques figurant dans le document de travaux dirigés du premier
semestre (fiche de TD, pp. 3-5), les étudiants pourront consulter la bibliographie suivante :
AVRIL (P.), La Vème
République. Histoire politique et constitutionnelle, PUF, Paris, 2ème
éd.1994.
AVRIL (P.), Le régime politique de la Vème
République, 1972.
CARCASSONNE (G.), La Constitution, Seuil, Paris, 2004 (Collection Points).
De GAULLE (Ch.), Discours et Messages, Plon, Paris, 1970, T. II et III.
DEBRE (J.-L.), La Constitution de la Vème
République, PUF, Paris, 1975.
DENQUIN (J.-M.), La genèse de la Vème
République, 1988.
DENQUIN (J.-M.), La monarchie aléatoire, PUF, 2001.
DUHAMEL (0.), La gauche et la Vème
République, 1993.
DUVERGER (M.), Les régimes semi-présidentiels, PUF, Paris, 1986.
GEORGEL (J.), La Vème
République: une démonarchie, LGDJ, Paris, 1990 (Collection
Systèmes).
GICQUEL (J.), Essai sur la pratique de la Vème
République, LGDJ, Paris, 1977.
GUCHET (Y.), La Vème
République, Economica, 1994.
JEAN (P.) La Constitution de la Ve république, réflexions pour un cinquantenaire, 2008, La
Documentation Française, Paris
LACHARRIERE de (R.), La Vème
, quelle République ? 1983.
4/92
LACOUTURE (J.), De Gaulle, Seuil, Paris, T. II (Le politique).
LUCHAIRE (F.) et CONAC (G.), La Constitution de la Vème
République, 1987.
MENY (Y.), Le système politique français, Clef Montchrestien, dernière édition
POMPIDOU (G.), Le nœud gordien.
QUERMONNE (J.-L.), Le gouvernement de la France sous la Vème
République.
ROUVILLOIS (F.) Droit constitutionnel, La Vème
République, Flammarion 2001.
Code Constitutionnel Thierry Renou et Michel de Viliers, 2001.
Le numéro spécial de la RDP, 40 ans de Vème
République 1998.
Le numéro spécial de la RDP, La VIème
République ?, 2002.
La nouvelle Vème
République, Pouvoirs, n°99, Le Seuil, 2001.
La Vème
République, permanence et mutations, La documentation française, n°300, 2001.
Pour une approche comparée :
LAUVAUX( P.) Les grandes démocraties contemporaines, PUF, 3ème
édition, mai 2004.
MENY (Y.) et SUREL (Y.) Politique comparée, les démocraties, Allemagne, Etats-Unis, France,
Grande-Bretagne, Italie, Montchrestien, 7ème éd., nov. 2004.
Recueil de documents : en plus de documents signalés dans la fiche du 1er semestre, vous pouvez
consulter CATSIAPIS (J.) Le guide de la Vème
République, Ellipses, 2004.
Outre ces références, les sites intenet des institutions françaises regorgent de fiches, analyses et
explications diverses. Nous ne saurions que trop conseiller aux étudiants de préférer ces sites à
wikipedia.
Sujets juin 2011
La dissolution sous la Vème république
L'influence du fait majoritaire sur les pouvoirs du président de la République et du Premier
ministre sous la Vème République.
Sujets septembre 2011
La procédure de révision de la Constitution de 1958 vous parait-elle satisfaisante ?
Le Sénat sous la Vème république
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FICHE N° 1
LA PARTICIPATION DES CITOYENS A LA VIE POLITIQUE
Les consultations sous la Vème
République
I/ DOCUMENTS REPRODUITS 1. Les modes de scrutin des élections en France
2. L’abstention aux élections législatives sous la Vème
République
3. Les référendums sous la Vème
République et leurs résultats.
4. Débat du 4 octobre 1962 relatif à l’utilisation de l’article 11 pour modifier la constitution.
5. Décision n°62-20 du Conseil constitutionnel du 6 novembre 1962, « Loi référendaire »
6. quelques éléments sur la Loi n° 2000-493 et plus généralement le problème de la parité
7. Exemple de paradoxe de vote
8. extrait du chapitre VII « l’extinction du référendum » par Olivier Duhamel in « Le Pouvoir
Politique en France », PUF
9. Extrait de la synthèse du rapport du comité constitutionnel : les nouveaux droits du citoyen
II/ bibliographie
Le Président de la République de la Vème
République, Documents d’études, La Documentation
française, 1993, n°1-6, pp. 7-15.
DOUBLET (Y-M), « L’argent des élections présidentielles », Pouvoirs, 1994, n°70, pp. 43-50.
CAMBY (J.P.), Le Conseil constitutionnel, juge électoral, Dalloz, 1996, p. 235.
Le Référendum, Revue Pouvoirs, n°77, 1996.
DENQUIN (J.M.), Le déclin du référendum sous la Vème
République, RDP, 1998, pp 1582-1610.
DENQUIN (J.-M.), « L’initiative du référendum : la décision de consulter le peuple du Second Empire
à nos jours », in Le processus électoral. Permanences et évolutions. Actes du colloque réuni au Sénat
le 22 novembre 2005, (B. Owen dir.), Studyrama, 2006, p. 81-91
DENQUIN (J.-M.), « Quelques réflexions sur l’idée de démocratie par le droit », Jus politicum, n°1,
Dalloz, 2009, p. 19-29
DIEMERT (S.), Textes constitutionnels sur le référendum, Coll. Que sais-je ?, PUF, 1993.
HAMON (F.) Le référendum, LGDJ, 1995
NUSS (P.), Référendum et initiative populaire en France, RDP, 2000, pp 1441-1494.
Le référendum en Europe. Bilan et perspectives. L’Harmattan, 2001.
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III/ NOTIONS A CONNAITRE
Le régime représentatif, le fait majoritaire.
Scrutin majoritaire, scrutin proportionnel, scrutin uninominal, scrutin de liste, vote utile.
Alliance pré-électorale, postélectorale.
IV/ EXERCICES SUGGERES
a) Le référendum en France
b) A l’aide d’exemples pris en France et à l’étranger, comparez les notions de démocratie
directe et de démocratie représentative
* * * *
Document 1 : Les modes de scrutin des élections en France
1. Elections municipales (dans le cadre de la
commune)
* Tous les six ans
* Suffrage universel direct pour désigner les
membres du conseil municipal qui, à leur tour,
éliront le maire (et ses adjoints) :
- communes de moins de 3 500 habitants :
scrutin majoritaire plurinominal à deux tours.
- communes de 3 500 habitants et plus : scrutin
proportionnel de liste à deux tours (sans
aucune modification possible de la liste).
- Paris, Lyon et Marseille :
Scrutin proportionnel de liste à deux tours dans
le cadre de secteurs électoraux.
Les électeurs élisent en même temps un conseil
municipal et des conseils d'arrondissement
(selon les mêmes règles que pour les
communes de 3 500 habitants et plus).
2. Elections cantonales (dans le cadre du
canton)
* Tous les six ans
* Pour désigner les membres du conseil
général du département, qui élisent à leur tour,
pour trois ans, un président.
* Le conseil général est renouvelé par moitié
tous les trois ans
* Suffrage universel direct, scrutin
uninominal majoritaire à 2 tours, à raison d'un
conseiller par canton.
3. Elections régionales (dans le cadre de la
région avec des sections départementales)
* Tous les six ans (à partir de 2004)
* Pour élire les conseillers régionaux qui
élisent à leur tour un président pour six ans
* Suffrage universel direct, au scrutin de
liste à deux tours.
4. Elections législatives
* Tous les cinq ans (mais l'Assemblée
nationale peut être dissoute par le Président de
la République ce qui provoque des élections
anticipées)
* Pour élire les 577 députés à raison d'un
député par circonscription législative.
* Suffrage universel direct, au scrutin
majoritaire uninominal à deux tours.
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5. Elections sénatoriales
* Tous les six ans
* Pour élire les 346 sénateurs (348 en 2011)
dans les départements, les territoires d'outre-
mer et parmi les Français établis hors de
France.
* Le Sénat est renouvelé par moitié tous les
trois ans
* Suffrage universel indirect, scrutin
majoritaire à deux tours ou représentation
proportionnelle selon le nombre de sénateurs à
élire dans le département. Les électeurs sont,
dans chaque département, les députés, les
conseillers régionaux, les conseillers généraux
et des délégués des conseils municipaux.
6. Election présidentielle
* Tous les cinq ans
* Pour élire le Président de la République
* Suffrage universel direct, scrutin
uninominal majoritaire à deux tours.
7. Elections européennes
* Tous les cinq ans
* Pour désigner les 78 représentants français
(sur 669) au Parlement européen de
Strasbourg. A partir de 2004, l'élection aura
lieu dans le cadre de huit circonscriptions
regroupant des régions.
* Suffrage universel direct, scrutin de liste à
un seul tour à la représentation proportionnelle.
8. referendum
* Procédure exceptionnelle par laquelle les
citoyens sont appelés à se prononcer
directement sur un projet de loi ou sur un
projet de révision de la Constitution. Vote par
oui ou par non à la majorité des suffrages
exprimés.
Document 2 : l’abstention aux élections législatives depuis 1958
en % 1986* 1988 1993 1997 2002 2007
- 1er Tour 21,5 34,3 30,8 32 35,6 39,5
- 2nd Tour - 30,1 32,4 28,9 39,7 -
en % 1958 1962 1967 1968 1973 1978 1981
- 1er Tour 22,8 31,3 18,9 20 18,7 16,8 29,1
- 2nd Tour 25,2 27,9 20,3 22,2 18,2 15,1 24,9
* Scrutin proportionnel de liste dans le cadre départemental.
Document 3 : les référendums sous la Ve république et leurs résultats
Neuf référendums ont été organisés sous la Ve
République depuis l’adoption de la constitution
de 1958, tous sur décision du chef de l’État et,
pour la plupart, selon la procédure prévue à
l’article 11 de la constitution. Seul le
référendum du 24 septembre 2000 sur le
quinquennat a été organisé en application de
l’article 89 du texte constitutionnel.
1. Le référendum du 8 janvier 1961
Un référendum est organisé afin de valider la
politique d’autodétermination du général de
Gaulle en Algérie. Le résultat est favorable au
« oui » dans une proportion de près de 74,99 %
des suffrages exprimés. L’abstention est assez
faible puisqu’elle se limite à un taux de
26,24 %.
2. Le référendum du 8 avril 1962
8/92
Une nouvelle consultation référendaire,
toujours sur le dossier algérien. Il s’agit cette
fois d’autoriser le Président de la République à
négocier un traité avec le futur gouvernement
algérien. Derrière ces formules quelque peu
complexes, le référendum a en fait pour but de
faire approuver par les Français les accords
d’Evian. Dans un climat de soulagement créé
par la perspective de la fin de la guerre
d’Algérie, les « oui » l’emportent avec 90,8 %
des suffrages exprimés, alors même que le taux
d’abstention n’est que de 24,66 %.
3. Le référendum du 28 octobre 1962
Ce référendum porte sur une révision
constitutionnelle de très grande ampleur :
l’élection du Président de la République au
suffrage universel direct. La campagne est
extrêmement agitée, les débats portant aussi
bien sur le bien-fondé de la réforme que sur
l’utilisation de l’article 11 de la constitution.
Ce procédé est dénoncé par beaucoup comme
une violation du texte fondamental. En effet, la
procédure « normale » de révision des
institutions est celle définie par l’article 89 de
la constitution, qui nécessite au préalable une
approbation de chacune des deux chambres.
Or, les électeurs sont convoqués sur le
fondement de l’article 11, sur proposition de
l’Exécutif et donc sans aucun vote
parlementaire qui aurait certainement été
négatif. En raison d’une forte mobilisation des
différents partis en présence, le taux
d’abstention est peu élevé (23,03 %). Les
« oui » l’emportent finalement avec 62,2 % des
suffrages exprimés.
4. Le référendum du 27 avril 1969
Les électeurs doivent se prononcer sur la
création des régions et sur la réforme du
Sénat. Le débat porte en réalité surtout sur le
maintien ou non du général de Gaulle au
pouvoir. En définitive, le « non » l’emporte
avec 52,41 % des suffrages exprimés. En
raison de l’enjeu politique majeur de la
consultation, le taux d’abstention est le plus
faible de tous les référendums organisés sous
la Cinquième République : seulement 19,87 %.
5. Le référendum du 23 avril 1972
Un référendum est organisé afin de permettre
la ratification du traité d’élargissement de la
Communauté économique européenne. Les
pays concernés sont le Danemark, la Norvège
(qui finalement n’entrera pas dans la
Communauté), l’Irlande et la Grande-Bretagne
(dont l’entrée était refusée par le général de
Gaulle). Le résultat est favorable à l’adhésion,
dans une proportion de 68,31 % des suffrages
exprimés. Mais le taux d’abstention est très
élevé : 39,76 %. Ceci s’explique
essentiellement par l’absence d’engagement
décisif du chef de l’Etat, le faible intérêt des
citoyens pour la question posée et la décision
du Parti socialiste d’appeler à l’abstention.
6. Le référendum du 6 novembre 1988
Les électeurs sont appelés aux urnes pour
adopter le nouveau statut de la Nouvelle-
Calédonie, qui fait suite aux « accords de
Matignon » entre l’Etat, le RPCR
(Rassemblement pour la Calédonie dans la
République) et le FLNKS (Front de libération
nationale kanak et socialiste). Les résultats du
vote sont très favorables au nouveau statut
(79,99 % des suffrages exprimés). Mais le taux
d’abstention, une fois encore, est
particulièrement élevé, puisqu’il atteint
63,11 %. Ce chiffre s’explique par plusieurs
éléments : le manque d’intérêt des Français
pour le thème choisi, d’autant plus que les
accords de Matignon laissaient présager un
résultat positif, mais aussi la consigne
d’abstention donnée par le RPR.
7. Le référendum du 20 septembre 1992
Le référendum a pour objet la ratification du
Traité sur l’Union européenne (communément
appelé « traité de Maastricht) ». La
campagne est extrêmement animée, et le débat,
de manière assez inattendue pour un sujet aussi
ardu, passionne les Français. C’est à l’évidence
ce qui explique le faible taux d’abstention
enregistré à cette occasion (30,30 %) par
rapport aux taux constatés lors des deux
référendums précédents. Le « oui » l’emporte
de justesse avec un taux de 51,04 % des
suffrages exprimés.
8. Le référendum du 24 septembre 2000
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Les électeurs doivent se prononcer sur la
réduction du mandat présidentiel à cinq
ans, sans qu’aucune autre réforme
constitutionnelle ne soit votée à cette occasion
(c’est le « quinquennat sec »). Le « oui »
l’emporte avec 73,21 % des suffrages
exprimés. Mais le taux d’abstention est à
nouveau très élevé et atteint 69,8 %. Ce faible
taux de participation s’explique par la quasi-
certitude qu’avaient les électeurs d’une
réponse positive, par l’absence d’engagement
personnel du chef de l’État en faveur du
« oui » et par le message brouillé qu’il avait
exprimé quelques mois avant le référendum,
puisqu’il excluait alors de réformer la
constitution dans le sens du quinquennat.
9. Le référendum du 29 mai 2005
Un référendum est organisé afin de permettre
la ratification du traité établissant une
constitution pour l’Europe. Pour la seconde
fois dans l’histoire de la Ve République, le
« non » l’emporte à un référendum avec
54,67 % des suffrages exprimés. La France, un
des pays fondateurs de la construction
européenne, devient ainsi le premier pays de
l’Union européenne à rejeter le traité
constitutionnel, avant les Pays-Bas le 1er juin
2005 (en 2007, ce sont toujours les deux seuls
États à avoir voté non). Le taux de
participation au référendum s’élève à 69,37 %.
Les électeurs se sont rendus aux urnes suite à
une campagne animée, mais parfois confuse.
Une grande partie des débats s’est focalisée en
effet sur le bilan des politiques du
gouvernement Raffarin – ce qui a desservi très
largement le camp du « oui », de nombreux
électeurs ayant voté « non » en réaction à la
politique gouvernementale –, ou sur des
thèmes juridiquement étrangers au référendum
(comme la directive dite Bolkestein ou
l’adhésion de la Turquie à l’Union
européenne). Le référendum soulève par
ailleurs de nombreuses contradictions au sein
des partis en bouleversant les clivages
politiques traditionnels. La victoire du « non »
tient essentiellement à la mobilisation d’une
partie de la gauche. Estimant les Français
« directement concernés » par le sujet, le
président de la République avait choisi en
juillet 2004 de faire ratifier le traité par
référendum. Il aurait pu aussi opter pour la
voie parlementaire. Malgré le désaveu sévère
des Français, et à la différence du général de
Gaulle en 1969, Jacques Chirac remplace le
chef de gouvernement, mais reste en fonction.
© La Documentation française
Document 4 : débat du 4 octobre 1962 relatif à l’utilisation de l’article 11 pour modifier la
constitution
Intervention de M. Paul Reynaud
Aujourd'hui, en face de la Constitution violée,
comme l'a dit hier le Conseil d'Etat et comme
le dira officiellement le Conseil
constitutionnel, je dis : non. Et je m'explique.
Alors que la Constitution dit à l'Assemblée
nationale: «Tu as la parole », je n'admets pas
qu'un homme, quel qu'il soit, lui dise: «Je te la
retire ».
Je ne ferai pas à l'Assemblée l'injure de
démontrer que la Constitution est violée. Qu'il
me suffise de lui dire que j'ai demandé à une
haute autorité en matière de droit
constitutionnel : «De tous les professeurs de la
faculté de droit de Paris, y en a-t-il un seul qui
ne pense pas que la Constitution est violée ?
« Pas un seul », m'a-t-il répondu.
La question qui nous est posée aujourd'hui est
la plus grave qui ait été posée ici depuis la
Guerre. La Constitution est en effet la base
même de l'Etat et la première victime du coup
de force contre elle, c'est le peuple; c'est lui qui
est trompé.
En 1958, on a dit au peuple: «Tu peux voter
cette Constitution, elle sera stable - ce qui est
la qualité première d'une Constitution - car,
pour la réviser, il faudra qu'un nouveau texte
soit voté par les deux chambres du Parlement
».
Et voici qu'après quatre ans seulement vous
manquez à la parole donnée, vous supprimez
d'un trait de plume la principale garantie de la
stabilité: le débat contradictoire et public dans
les deux assemblées, celui qui doit instruire le
peuple et lui permettre de voter en
connaissance de cause !
10/92
Et vous voulez qu'il ait confiance dans les
promesses que vous lui faites aujourd'hui?
Vous ne mesurez pas combien il est malsain
dans une démocratie que le pouvoir donne
l'exemple de violer la loi et surtout la loi
suprême, la Constitution.
Et pourquoi cet acte si grave? Le général de
Gaulle nous l'a dit dans son allocution télévisée
du 20 septembre, à laquelle je veux me référer
- car elle est beaucoup plus complète que celle
de tout à l'heure -: pour faire élire au suffrage
universel, au terme de son mandat, soit lui-
même, soit un inconnu qui, pendant sept ans -
et le mandat est renouvelable - aura, je cite :
«les responsabilités suprêmes », prendra «sur
le rapport des ministres» - tel Louis XIV - et je
cite encore: « toutes les décisions importantes
de l'Etat» et qui, je cite de nouveau,: «dans les
domaines essentiels de la politique extérieure
et de la sécurité nationale» sera « tenu à une
action directe ».
[...]
Ainsi donc, voilà un Président de la
République, élu au suffrage universel, qui
décidera de la vie ou de la mort de la France
suivant qu'il fera une bonne ou une mauvaise
politique militaire, une bonne ou une mauvaise
politique étrangère.
Cet inconnu tout-puissant ne sera responsable
devant personne. L'Assemblée ? Il la
congédiera à sa guise. Au-dessous de lui, les
ministres. Pourront-:ils vraiment être
responsables devant le Parlement d'une
politique qui n'est pas la leur, qui est celle de
leur maître intouchable? Les malheureux
joueront le rôle qui était, à la cour de France,
celui des menins que l'on fouettait lorsque le
petit dauphin faisait des sottises.
Mesdames, messieurs, on peut être partisan du
régime présidentiel ou du régime
parlementaire, mais je vous défie de trouver
parmi les peuples du monde libre un seul
citoyen qui accepte pour son pays un régime
aussi extravagant et aussi dangereux.
Or le général de Gaulle veut enchâsser ce
personnage, ce Président de la République élu
au suffrage universel, dans la Constitution
actuelle sans rien changer d'autre à celle-ci.
Est-ce que notre Constitution est telle qu'elle
puisse tolérer ce nouveau venu?
Aussi, depuis quatre ans, en dépit de l'article
20 de la Constitution, la France est-elle
gouvernée par le Président de la République,
ce qui fut accepté par les uns, toléré par les
autres, en raison de la cruelle épreuve que la
France subissait en Algérie.
Le général de Gaulle avait un tel souci d'agir
qu'il s'est défié du Parlement.
Or, dans tous les pays civilisés, le Parlement
est considéré comme représentatif de la nation,
avec ses qualités et ses défauts, avec ses
diversités, ses contradictions même. Mais,
lorsque les élus assemblés délibèrent et votent,
ils sont investis de cette qualité éminente de
représentants de la nation.
Je vous dis que pour nous, républicains, la
France est ici et non ailleurs.
Voilà le conflit. Admettre qu'il en soit
autrement, c'est admettre la fin de la
République. Le conflit entre le général de
Gaulle et nous est là. Voilà ce qui l'a fait
glisser sur la pente du pouvoir personnel. La
tentation de faire élire le Président de la
République par le suffrage universel vient de
là.
Il avait renoncé à son projet, M. le Premier
ministre me l'avait dit.
Il avait renoncé à son projet lorsque, le 22
août, ce fut l'atroce attentat du Petit-Clamart.
Dans les jours qui suivirent, on prêta d'abord
au Président de la République l'idée de faire
nommer tout de suite un vice-président de la
République pour assurer la succession. Puis
l'émotion provoquée par l'attentat étant grande,
on pensa en haut lieu qu'elle permettait de
revenir au grand projet, esquissé, dès 1961,
dans une conférence de presse; si les
parlementaires protestent, on dira qu'ils sont
inconsolables de la mort de la IVe République
et qu'ils veulent revenir à leur vomissement.
Nous savons qu'aujourd'hui ceux qu'on traite
d'hommes de la Quatrième, ce sont les
républicains!
La question, la seule question, la question
précise qui vous est posée par la motion de
censure est celle-ci: La Constitution est violée,
le Parlement dépouillé. Je vous demande alors
: allez-vous courber la tête et, fuyant le scrutin,
allez-vous dire à voix basse: « Oui, je
l'accepte» ? Nous, nous disons « Non ! »
Quant à ceux qui vont murmurant avec des
yeux effrayés: « Et, s'il s'en allait », je les prie
11/92
de réfléchir que cet effroi n'est justifié que
dans la mesure où l'on se laisse aller à douter
de la France. Ce n'est pas un patriotisme bien
fort celui qui consiste à désespérer de tous les
Français, sauf un !
[...]
Depuis 1789, les représentants du peuple, si
décriés aujourd'hui, savent bien qu'ils ne sont,
pris isolément, que des porte-parole modestes,
précaires, faillibles, vilipendés souvent. Mais
ils savent aussi qu'ensemble ils sont la nation
et qu'il n'y a pas d'expression plus haute de la
volonté du peuple que le vote qu'ils émettent
après une délibération publique.
C'est cette foi qui rassemble aujourd'hui, pour
l'honneur de la République, des élus de toutes
croyances et de toutes appartenances
politiques...
Des hommes opposés sur beaucoup de
problèmes...
... ont constaté qu'ils ont cette foi commune et
se sont réunis.
Je ne puis m'empêcher de penser à une phrase
qu'a écrite; je grand écrivain qu'est le général
de Gaulle, dans Au fil de l'épée. Il a dit: «
L'autorité ne va pas sans prestige, ni le prestige
sans éloignement ».
Aujourd'hui, malgré les ovations populaires, il
doit constater que l'éloignement de toutes les
élites ouvrières, intellectuelles et politiques
crée le désert.
Quant à nous, notre volonté de faire front pour
la défense de la Constitution, c'est la
conjuration de toutes nos traditions populaires
et d'une longue tradition parlementaire.
C'est la République qui répond «non» à votre
projet car le scrutin d'aujourd'hui comptera
dans l'histoire.
Pendant longtemps on dira d'un homme
politique: «Comment a-t-il voté le 4 octobre?
». C'est notre honneur de parlementaires qui
est en cause.
Aussi, monsieur le Premier ministre, allez dire
à l'Elysée que notre admiration pour le passé
reste intacte mais que cette Assemblée n'est
pas assez dégénérée pour renier la République.
J.O. A.N. 4-10-1962
Intervention de M. Georges Pompidou,
Premier ministre
Essayons, mesdames, messieurs, d'analyser
notre Constitution.
A la base, il y a la souveraineté du peuple.
L'article 2 définit le principe de la République:
gouvernement du peuple, par le peuple et pour
le peuple.
Cette souveraineté ne peut être abdiquée.
Autrement dit, le peuple ne peut en aucun cas
s'en dessaisir dans des conditions telles qu'il lui
soit impossible de s'en servir s'il le juge
nécessaire. A une époque où la souveraineté,
dans notre droit constitutionnel, s'exerçait
uniquement par délégation au Parlement, c'est
en vertu de ces principes que le pays a
condamné le dessaisissement de 1940 au profit
du maréchal Pétain.
Dans notre Constitution, l'article 3 prévoit que
le peuple exerce sa souveraineté par deux voies
: par ses représentants et par le référendum.
C'est à la lumière de cette règle générale que
doivent être examinées les dispositions
particulières, avec une double préoccupation, à
savoir que le lieu des textes et leur
interprétation ne puisse en aucun cas, ni les
conduire à une paralysie absurde des
institutions, ni vider telle ou telle disposition
expresse de toute signification.
Or je dois dire que, à mon avis, l'interprétation
que beaucoup ont donnée des articles 11 et 89
de la Constitution me paraît conduire
fatalement à ces deux inconvénients majeurs.
Tout d'abord, le premier.
Admettons, mesdames, messieurs, que le
Président de la République, le Gouvernement,
l'Assemblée issue du suffrage universel soient
d'accord sur la nécessité de modifier telle ou
telle disposition de la Constitution, il suffirait
que le Sénat, assemblée à laquelle la
Constitution n'a pas voulu permettre qu'elle pût
s'opposer à l'aboutissement d'une loi, même
ordinaire, il suffirait, dis-je, que le Sénat fasse
obstacle pour qu'aucune réforme
constitutionnelle ne puisse jamais aboutir.
Une telle situation serait si absurde, elle
résisterait si peu à la réalité des faits qu'on voit
mal comment on pourrait même la défendre, à
moins de recourir à la notion de «Sénat
conservateur », gardien de la Constitution,
12/92
notion qui appartient aux régimes
napoléoniens.
J'entends bien que certains ont suggéré qu'on
aurait pu faire pression sur le Sénat.
Mais, outre le fait que cela me paraît discutable
au regard, précisément, de la Constitution,
c'eût été un moyen indigne; de même,
d'ailleurs, un appel au référendum contre une
décision de l'Assemblée nationale - autre
hypothèse évoquée - aurait ajouté aux
difficultés juridiques dont nous débattons un
immense inconvénient politique puisque c'eût
été organiser délibérément le référendum
comme un combat entre l'exécutif et le
législatif.
Si, comme nous le verrons, le référendum est
prévu dans certains cas par la Constitution
comme un élément d'arbitrage, il est d'une
importance majeure que ce recours soit
exceptionnel, tant pour la stabilité de nos
institutions que pour la sauvegarde de nos
libertés.
Le deuxième inconvénient, mesdames,
messieurs, est de vider de tout sens une
disposition expresse et importante de notre
Constitution. Je fais ici allusion à l'article 11
de la Constitution qui confie au Président de la
République, sur proposition soit du
Gouvernement, soit des deux assemblées, la
possibilité de « soumettre au référendum tout
projet de loi portant sur l'organisation des
pouvoirs publics ».
Que peut-on appeler « organisation des
pouvoirs publics» si l'ensemble des
dispositions incluses dans la Constitution en
est exclu ?
Vous le savez, la loi constitutionnelle de 1875,
qui réglait notamment l'élection du Président
de la République, s'appelait «loi sur
l'organisation des pouvoirs publics ».
J'entends bien que les titres n'ont pas de valeur
juridique en eux-mêmes. C'est un argument qui
se retourne, notez-le, contre l'exégèse, par
exemple, faite si abondamment, du titre XIV
de notre Constitution. On ne peut tirer du titre
qu'une présomption; je l'admets pour la loi de
1875 comme pour le titre XIV.
Mais, quoi qu'il en soit, qu'appelle-t-on
organisation des pouvoirs publics?
Si l'article 89 exclut toutes les dispositions
constitutionnelles quelles qu'elles soient du
domaine de l'article 11, que restera-t-il à ce
dernier ? Le domaine des lois organiques ?
Mais l'article 46 a prévu une procédure
législative spéciale, aussi précise que celle de
l'article 89, sinon plus. Et d'ailleurs,
j'entendais tout à l'heure invoquer des
autorités selon lesquelles il ne s'agit pas non
plus de lois organiques.
Dès lors, mesdames, messieurs, cet article 11
qui se trouve parmi les tout premiers de notre
Constitution, ce qui n'est pas sans signification,
qui constitue une innovation considérable
puisque, pour la première fois depuis 1793, il
fait dans nos institutions une place à la
démocratie directe...
... cet article 11, qui a été un des plus discutés
devant ce comité, cet article 11 qui fut voulu
expressément par le Président du conseil de
l'époque dont vous voudrez bien m'accorder
qu'il est l'un des auteurs de la Constitution, cet
article 11 se trouverait vide de toute substance,
dépourvu de toute signification.
Comment alors auriez-vous pu l'accepter lors
des deux référendums sur l'affaire algérienne?
En tout cas, comment pourriez-vous soutenir
que, alors que la Constitution remplaçait dans
des conditions dramatiques et avec la
signification historique que l'on sait, la
Constitution de la IVe République, les auteurs
de la Constitution et d'abord le premier
auraient voulu ou accepté d'y introduire une
disposition aussi nouvelle pour la vider ensuite
de tout son sens?
Pour l'instant, permettez-moi de reprendre cet
article 11, que l'on a dépouillé de toute
vigueur, et cet article 89 au nom duquel on le
dépouille.
N'y a-t-il pas une pétition de principe à décider
que l'article 89 domine l'article 11, ce que leur
place respective dans la Constitution, je le
répète, ne justifie pas.
Ne pourrait-on aussi bien soutenir, surtout par
référence à l'article 3, que l'article 11 et l'article
89 sont sur le même plan et ne peuvent
s'exclure mutuellement à moins de précision
expresse?
On a objecté, il est vrai, que le référendum est
prévu à l'article 89. Sur ce point, je dirai en
passant que la thèse vaguement ébauchée dans
la motion de censure et selon laquelle le «
peuple français, avant référendum, devrait être
éclairé par les débats parlementaires» est en
13/92
tant qu'interprétation de l'article 89 proprement
insoutenable. Permettez-moi d'observer,
d'ailleurs, que si notre peuple a besoin d'être
éclairé par des débats parlementaires, vous êtes
en train de le faire amplement et qu'il n'y a pas
besoin pour cela de la procédure de l'article 89.
Vous me fournissez ainsi, au passage, la
démonstration de la thèse que j'ai plusieurs fois
soutenue déjà à cette tribune et selon laquelle
l'équilibre des pouvoirs repose essentiellement,
du côté législatif, sur la motion de censure,
arme redoutable et redoutée, parfaitement
adaptée à son objet, aussi bien pour contrôler
le Gouvernement que comme moyen pour
l'Assemblée de faire appel à l'opinion, grâce
aux élections générales qu'elle risque
d'entraîner.
Mais, pour en venir à une interprétation plus
sérieuse de l'article 89, on a soutenu qu'en
introduisant le référendum après le vote d'une
révision constitutionnelle par les deux
assemblées le constituant aurait par là même
fixé les limites du référendum en la matière.
Cet argument a son poids mais je le crois faux.
L'article 89 - il suffit de le lire - n'a pas
entendu, en introduisant le référendum, limiter
l'usage de celui-ci. C'est le pouvoir des
assemblées en matière constitutionnelle qu'il a
entendu borner.
Si les assemblées sont d'accord pour voter dans
les mêmes termes un texte de révision
constitutionnelle, ce texte n'a néanmoins
aucune valeur tant qu'il n'a pas été ratifié par
référendum.
Et ce même article 89 sous-entend
expressément qu'en la matière le Président de
la République a des responsabilités
particulières, car, si ce dernier estime qu'un
projet de révision est conforme à la volonté et
à la nécessité nationale, il peut, en convoquant
les chambres en Congrès, dispenser leur projet
de la ratification par référendum.
C'est dire que l'article 89 n'entend nullement
abandonner au seul Parlement la possibilité
d'une révision constitutionnelle, et que le
Président de la République est juge de la
possibilité qu'il y a de se passer de référendum.
Il ressort donc de l'article 89 - et ce
raisonnement a été fait par des juristes avant
moi - que ses rédacteurs ont voulu que la
révision constitutionnelle pût intervenir soit
sans référendum par accord du pouvoir
exécutif et du pouvoir législatif, soit, s'il y a
désaccord entre les deux et que le pouvoir
législatif seul soit favorable à la révision, avec
l'obligation du référendum, qui joue ainsi le
rôle d'arbitrage dont je viens de parler.
[...]
Document 5 : décision du conseil constitutionnel du 6 novembre 1962
Loi relative à l'élection du Président de la
République au suffrage universel direct,
adoptée par le référendum du 28 octobre 1962
Article 61 alinéa 2 Président du Sénat
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant
loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
1. Considérant que la compétence du Conseil
constitutionnel est strictement délimitée par la
Constitution ainsi que par les dispositions de la
loi organique du 7 novembre 1958 sur le
Conseil constitutionnel prise pour l'application
du titre VII de celle-ci ; que le Conseil ne
saurait donc être appelé à se prononcer sur
d'autres cas que ceux qui sont limitativement
prévus par ces textes ;
2. Considérant que, si l'article 61 de la
Constitution donne au Conseil constitutionnel
mission d'apprécier la conformité à la
Constitution des lois organiques et des lois
ordinaires qui, respectivement, doivent ou
peuvent être soumises à son examen, sans
préciser si cette compétence s'étend à
l'ensemble des textes de caractère législatif,
qu'ils aient été adoptés par le peuple à la suite
d'un référendum ou qu'ils aient été votés par le
Parlement, ou si, au contraire, elle est limitée
seulement à cette dernière catégorie, il résulte
de l'esprit de la Constitution qui a fait du
Conseil constitutionnel un organe régulateur de
l'activité des pouvoirs publics que les lois que
la Constitution a entendu viser dans son article
61 sont uniquement les lois votées par le
Parlement et non point celles qui, adoptées par
le Peuple à la suite d'un référendum,
constituent l'expression directe de la
souveraineté nationale ;
14/92
3. Considérant que cette interprétation résulte
également des dispositions expresses de la
Constitution et notamment de son article 60
qui détermine le rôle du Conseil
constitutionnel en matière du référendum et de
l'article 11 qui ne prévoit aucune formalité
entre l'adoption d'un projet de loi par le peuple
et sa promulgation par le Président de la
République ;
4. Considérant, enfin, que cette même
interprétation est encore expressément
confirmée par les dispositions de l'article 17 de
la loi organique susmentionnée du 7 novembre
1958 qui ne fait état que des "lois adoptées par
le Parlement" ainsi que par celles de l'article 23
de ladite loi qui prévoit que "dans le cas où le
Conseil constitutionnel déclare que la loi dont
il est saisi contient une disposition contraire à
la Constitution sans constater en même temps
qu'elle est inséparable de l'ensemble de la loi,
le Président de la République peut promulguer
la loi à l'exception de cette disposition, soit
demander aux Chambres une nouvelle lecture"
;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède
qu'aucune des dispositions de la Constitution
ni de la loi organique précitée prise en vue de
son application ne donne compétence au
Conseil constitutionnel pour se prononcer sur
la demande susvisée par laquelle le Président
du Sénat lui a déféré aux fins d'appréciation de
sa conformité à la Constitution le projet de loi
adopté par le Peuple français par voie de
référendum le 28 octobre 1962 ;
Décide :
ARTICLE PREMIER - Le Conseil
constitutionnel n'a pas compétence pour se
prononcer sur la demande susvisée du
Président du Sénat.
ARTICLE 2 - La présente décision sera
publiée au Journal officiel de la République
française.
Document 6 : quelques éléments sur la parité
Juillet 1999 Loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 : Les articles 3 et 4 de la Constitution de
1958 sont modifiés. Il est ajouté à l’article 3 que la loi " favorise l’égal accès des hommes et des
femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ", et précisé dans l’article 4 que " les partis
et groupements politiques contribuent à la mise en œuvre de ce principe ".
Juin 2000 Loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 : la loi dite sur " la parité " est promulguée. Elle oblige les
partis politiques à présenter un nombre égal d’hommes et de femmes pour les élections régionales,
municipales (dans les communes de 3500 habitants et plus), sénatoriales (à la proportionnelle) et
européennes. Elle prévoit aussi de pénaliser financièrement les partis ou groupements politiques qui ne
respectent pas le principe de parité lors de la désignation des candidats pour les élections législatives.
Avril 2003 Loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 : les modes de scrutin des élections régionales et
européennes sont modifiés. La loi introduit des sections départementales au sein des élections
régionales et 8 régions pour les européennes, dont les listes doivent comporter une stricte alternance
entre hommes et femmes.
Janvier 2007 : La loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007 "tendant à promouvoir l’égal accès des femmes
et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives" est parue au Journal Officiel n°27 du 1er
février 2007. La principale nouveauté, qui s’appliquera lors des élections municipales de mars 2008
pour les communes de plus de 3 500 habitants, réside dans l’obligation pour chaque liste qui
présentera des candidats d’y inscrire autant d’hommes que de femmes. Au niveau du département,
chaque conseiller général devra avoir un remplaçant du sexe opposé.
Cette loi renforce aussi les sanctions financières en ce qui concerne les élections législatives :
L’art. 5 de la loi prévoit un renforcement des pénalités financières pour les partis politiques
contrevenant aux dispositions relatives à la parité lors des élections législatives. Le premier alinéa de
l’art. 9-1 de la loi n°88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique
déclarait :
« Lorsque, pour un parti ou un groupement politique, l'écart entre le nombre de candidats de chaque
sexe ayant déclaré se rattacher à ce parti ou groupement, lors du dernier renouvellement général de
15/92
l'Assemblée nationale, conformément au cinquième alinéa de l'article 9, dépasse 2 % du nombre total
de ces candidats, le montant de la première fraction qui lui est attribué en application des articles 8 et 9
est diminué d'un pourcentage égal à la moitié de cet écart rapporté au nombre total de ces candidats. »
Désormais, à la place de « à la moitié », il faut lire « aux trois quarts ». Autrement dit, il faut inciter les
partis politiques à respecter la parité. Cette incitation pourrait se comprendre en raison d’un dilemme
du prisonnier en la matière.
Quelques chiffres sur la parité aux élections législatives de 2007 :
UMP: 26,6% de candidates (19,6% en
2002)
UDF Modem: 36,9% de candidates
PS: 45,5% de candidates
PC: 46,5% de candidates
Les Verts : 50,4%
LO: 49,8%
LCR: 49,6%
MPF: 49,3%
Front national : 48,8%
Depuis 2007, la France compte 18,7% de
femmes à l’assemblée nationale.
Document 6 : exemple de paradoxe de vote : le paradoxe de Condorcet
23 votants préfèrent : A > B > C
17 votants préfèrent : B > C > A
2 votants préfèrent : B > A > C
10 votants préfèrent : C > A > B
8 votants préfèrent : C > B > A
Dans les comparaisons majoritaires par
paires, on obtient :
33 préfèrent A > B contre 27 pour B >
A
42 préfèrent B > C contre 18 pour C >
B
35 préfèrent C > A contre 25 pour A >
C
Qui devrait remporter l’élection ?
Document 7 : extrait du chapitre VII « l’extinction du référendum » par Olivier
Duhamel in « Le Pouvoir Politique en France », PUF
Au principe du référendum, la démocratie
hésite à objecter. Il lui est permis de
rappeler que la démocratie ne se limite pas
à la souveraineté du peuple mais exige
également le respect et le développement
des droits de l'homme, à la fois condition
de l'exercice libre de la souveraineté et
horizon de l'aménagement d'une cité
commune. La démocratie ne se reconnaît
ni dans le lynchage, ni par l'acquiescement
global à un homme, fut-ce sous l'apparence
de l'adhésion au projet qu'il soumet, ni par
la ratification d'une demande démagogique
dont la promotion aura été habilement
assurée par un charlatan de passage. Le
peuple peut devenir liberticide : les
Bonaparte en ont été la preuve. Se pose
alors la question de la compatibilité entre
décision référendaire et respect des
libertés, qui n'est ni simple, ni insoluble.
Mobiliser ne saurait cependant permettre
n'importe quoi. Nul doute que les électeurs
se déplaceraient pour rétablir la peine de
mort, et plus encore pour découper en
rondelles sur la place publique les
assassins d'enfants. Est-ce une raison pour
l'accepter ? Toute barbarie ne devient pas
acceptable pour cela seul que le peuple la
demande"
16/92
Document 8 : extrait de la synthèse du rapport du comité constitutionnel : les nouveaux
droits des citoyens
2. Des droits nouveaux pour les citoyens
Poussant sa réflexion au-delà des équilibres
entre pouvoirs constitués, le Comité a
d’abord recherché les moyens de favoriser
une vie publique plus ouverte sur la société.
• Afin d’assurer une meilleure représentation
des courants politiques minoritaires et de
leur garantir une tribune dans les enceintes
démocratiques, le Comité croit, dans sa
majorité, nécessaire d’introduire une part
limitée de représentation proportionnelle
dans l’élection des députés, 20 à 30 sièges,
sur un total inchangé de 577, pouvant dans
cette perspective être répartis entre les partis
défavorisés par le scrutin majoritaire.
• Le corps électoral du Sénat verrait, pour sa
part, sa composition modifiée pour mieux
tenir compte des évolutions démographiques
et rééquilibrer la représentation des diverses
collectivités locales, les zones urbaines ayant
aujourd’hui un poids relatif insuffisant.
• Le Comité préconise en outre que le
découpage des circonscriptions électorales et
la répartition des sièges entre
circonscriptions soient revus tous les dix ans
dans le cadre d’une procédure faisant une
place à une commission indépendante, de
manière à ce que ne subsiste aucun doute sur
l’impartialité des évolutions proposées.
• Le Comité formule des propositions
tendant à moderniser la composition du
Conseil économique et social et à instituer
une forme d’initiative populaire. Le peuple
pourrait par ailleurs être appelé à trancher en
matière de révision constitutionnelle lorsque
les deux assemblées ne se sont pas mises
d’accord sur un projet mais que l’une a
adopté le texte à la majorité des trois
cinquièmes.
• Le Comité a enfin vu dans la réforme du
Conseil supérieur de la magistrature un
élément majeur de la modernisation des
institutions. Le Président de la République et
le Garde des sceaux n’en feraient plus partie,
de manière à mieux garantir l’indépendance
de l’autorité judiciaire ; les magistrats y
seraient minoritaires, pour prévenir toute
dérive corporatiste ; les justiciables eux-
mêmes pourraient le saisir à titre
disciplinaire, de sorte que les
dysfonctionnements éventuels seraient plus
systématiquement sanctionnés.
Sans modifier la substance même des droits
fondamentaux reconnus par la Constitution,
le Comité s’est par ailleurs attaché à en
rendre la garantie plus effective par des
mécanismes appropriés.
Ainsi en irait-il de la possibilité donnée au
justiciable de faire vérifier la conformité aux
droits et libertés garantis par la Constitution
de la loi dont il lui a été fait application.
Cette procédure nouvelle marquerait un
progrès de notre Etat de droit sans porter de
réelle atteinte à la sécurité juridique dont le
pays a besoin.
La proposition relative à l’institution d’un
Défenseur des droits fondamentaux poursuit
le même objectif. Cet organe nouveau, qui se
substituerait à un ensemble d’autorités
administratives aux compétences mal
délimitées, aurait pour mission de veiller, de
sa propre initiative ou sur saisine, au respect
des droits fondamentaux ; sur réclamation
des intéressés, il s’assurerait également du
bon fonctionnement des administrations ou
organismes investis d’une mission de service
public. Lui serait également reconnue la
faculté de saisir le Conseil constitutionnel
des lois non encore promulguées.
Le Comité souhaite enfin ancrer dans la loi
fondamentale un Conseil du pluralisme
chargé notamment de veiller, dans le respect
de la liberté d’expression, au pluralisme des
courants de pensée et d’opinion dans
l’information et la communication
audiovisuelles mais doté de compétences
élargies par rapport à l’actuel CSA.
17/92
FICHE N° 2
L’EXECUTIF (I)
Le Président de la République
I/ DOCUMENTS REPRODUITS 1. Discours de Michel Debré devant le Conseil d’Etat du 27 août 1958 (extrait).
2. Déclaration du général de Gaulle sur le rôle du Président de la République du 31 janvier 1964.
3. Projet de loi constitutionnel portant modification du titre IX de la Constitution.
4. Le quinquennat (issu de la documentation française).
5. Comment est financée la campagne électorale ?
6. Extrait d’un document de travail du comité constitutionnel sur le problème des parrainages
7. Extrait d’un document de travail du comité constitutionnel sur la question de la limitation du
nombre des mandats du président de la république
II/ bibliographie ARDANT (Ph.), « Le pouvoir du Chef de l’Etat français : régime parlementaire ou régime
présidentiel », R.I.D.C., Journées S.L.C., vol. 11 (1989), pp. 261-279.
COHENDET (M.A.), Le Président de la République, Dalloz, 2002.
LAUVAUX (P.), Destins du présidentialisme, PUF, 2002.
MASS0T (J.), L’arbitre et le capitaine, essai sur la responsabilité présidentielle, Flammarion, Coll.
Champs, 1987.
MASSOT (J.), Chef de l’Etat et Chef de gouvernement – Dyarchie et hiérarchie, La Documentation
française, 1993.
MOREAU (A.), « La haute trahison du Président de la République sous la Vème
République », R.D.P.,
1987, pp. 1541-1602.
ZARKA (J-C.) Le Président de la République, Ellipses, dernière édition
Elire un Président, Pouvoirs n°14, 1980.
Le Président, Pouvoirs n°41, 1987.
Le quinquennat, numéro spécial de la RDP, 4, 2000.
III/ NOTIONS A CONNAITRE
Pouvoirs propres, pouvoirs partagés. Contreseing.
Fait majoritaire.
Les ruptures de 1962.
18/92
IV/ EXERCICES SUGGERES
a) L’institution du Président de la République
b) Commentaire : conférence de pesse du 31 janvier 1964 (document 2).
c) Commentaire du projet de loi constitutionnelle du 10 septembre 1973 (document 5).
* * * *
Document 1 : Discours de Michel Debré devant le Conseil d’Etat du 27 août 1958
(extrait)
Le Président de la République
Si vous me permettez une image empruntée à
l'architecture, je dirai qu'à ce régime
parlementaire neuf, et à cette Communauté qui
commence à s'ébaucher, il faut une clef de
voûte. Cette clef de voûte, c'est le Président de
la République.
Ses pouvoirs
Chaque fois, vous le savez, qu'il est question,
dans notre histoire constitutionnelle, des
pouvoirs du Président de la République, un
curieux mouvement a pu être observé : une
certaine conception de la démocratie voit, a
priori, dans tout Président de la République,
chef de l'Etat, un danger et une menace pour la
République. Ce mouvement existe encore de
nos jours. N'épiloguons pas et admirons plutôt
la permanence des idéologies
constitutionnelles.
Le Président de la République doit être la clef
de voûte de notre régime parlementaire. Faute
d'un vrai chef d'Etat, le Gouvernement, en
l'état actuel de notre opinion, en fonction de
nos querelles historiques, manque d'un soutien
qui lui est normalement nécessaire. C'est dire
que le Président de notre République ne peut
être seulement, comme en tout régime
parlementaire, le chef d'Etat qui désigne le
Premier ministre, voire les autres ministres, au
nom de qui les négociations internationales
sont conduites et les traités signés, sous
l'autorité duquel sont placées l'armée et
l'administration. Il est, dans notre France, où
les divisions intestines ont un tel pouvoir sur la
scène politique, le juge supérieur de l'intérêt
national. A ce titre, il demande, s'il estime
utile, une deuxième lecture des lois dans le
délai de leur promulgation (disposition déjà
prévue et désormais classique) ; il peut
également (et ces pouvoirs nouveaux sont d'un
intérêt considérable) saisir le Comité
constitutionnel s'il a des doutes sur la valeur de
la loi au regard de la Constitution. Il peut
apprécier si le référendum, qui doit lui être
demandé par le Premier ministre ou les
présidents des assemblées, correspond à une
exigence nationale. Enfin, il dispose de cette
arme capitale de tout régime parlementaire qui
est la dissolution.
Est-il besoin d'insister sur ce que représente la
dissolution ? Elle est l'instrument de la stabilité
gouvernementale. Elle peut être la récompense
d'un Gouvernement qui paraît avoir réussi, la
sanction d'un Gouvernement qui paraît avoir
échoué. Elle permet entre le chef de l'Etat et la
nation un bref dialogue qui peut régler un
conflit ou faire entendre la voix du peuple à
une heure décisive.
Ce tableau rapidement esquissé montre que le
Président de la République, comme il se doit,
n'a pas d'autre pouvoir que celui de solliciter
un autre pouvoir : il sollicite le Parlement, il
sollicite le Comité constitutionnel, il sollicite le
suffrage universel. Mais cette possibilité de
solliciter est fondamentale.
En tant que Président de la Communauté, le
Président de la République dispose de pouvoirs
qui ne sont pas de même nature, car il n'est
plus, là, le chef d'un Etat parlementaire. Il est
le chef d'un régime politique collégial, destiné
par l'autorité de son Président, et par l'autorité
des gouvernements membres, à faciliter la
création d'une politique commune. Le
Président de la Communauté représente toute
19/92
la Communauté et c'est à cet égard que son
autorité en matière de défense nationale et
d'affaires étrangères est essentielle. Il préside
le Conseil exécutif, il saisit le Sénat de la
Communauté.
A ces pouvoirs normaux de chef de l'Etat, soit
en tant que Président de la République
parlementaire, soit en tant que Président de la
Communauté, le projet de Constitution ajoute
des pouvoirs exceptionnels. On en a tant parlé
qu'on n'en parle plus, car, sans doute, certains
esprits s'étaient un peu hâtés de critiquer avant
de lire attentivement. Quand des circonstances
graves, intérieures ou extérieures, et nettement
définies par un texte précis, empêchent le
fonctionnement des pouvoirs publics, il est
normal à notre époque dramatique, de chercher
à donner une base légitime à l'action de celui
qui représente la légitimité. Il est également
normal, il est même indispensable, de fixer à
l'avance certaines responsabilités
fondamentales. A propos de cet article on a
beaucoup parlé du passé. On a moins parlé de
l'avenir, et c'est pourtant pour l'avenir qu'il est
fait. Doit-on, en 1958, faire abstraction des
formes modernes de guerre ? A cette question
la réponse est claire : on n'a pas le droit, ni
pour ce cas ni pour d'autres, d'éliminer
l'hypothèse de troubles profonds dans notre vie
constitutionnelle. C'est pour l'hypothèse de ces
troubles profonds qu'il faut solennellement
marquer où sont les responsabilités, c'est-à-dire
les possibilités d'action.
Sa désignation
Cette responsabilité normale du chef de l'Etat
en régime parlementaire, cette responsabilité
normale du chef de l'Etat à la tête de la
Communauté, cette responsabilité
exceptionnelle du chef de l'Etat en période
tragique, voilà qui exige que sa désignation
soit entourée de soins particuliers.
Peut-on continuer, selon la tradition depuis
1875, de le faire désigner par les deux
chambres du Parlement ? Nous savons où
mène un tel collège électoral : le Président de
la République est un arbitre entre les partis
membres du Parlement, et cet arbitre, quelle
que soit sa valeur morale, éprouve beaucoup
de mal à sortir de l'étroit domaine où il est
enfermé moins par les textes que par son mode
d'élection. Il faut à la République et à la
Communauté une personnalité qui soit bien
plus qu'un arbitre entre les partis et il est peu
probable qu'un collège électoral réduit au seul
Parlement puisse aboutir au résultat souhaité.
Au surplus, le Parlement, demain, sera la
République seule, c'est-à-dire la métropole, les
départements d'outre-mer, quelques territoires.
Or des représentants de la Communauté
doivent être présents si l'on veut marquer au
départ la double fonction du Président de la
République.
Le suffrage universel ne donne pas un corps
électoral normal dans un régime parlementaire.
Le Président qui est l'élu du suffrage universel
est un chef politique attaché à l'œuvre
quotidienne du gouvernement et du
commandement ; recourir au suffrage
universel, c'est recourir à la constitution
présidentielle qui a été écartée pour les raisons
qui ont été dites au début de cet exposé.
On est alors mené par la force des choses à un
collège composé d'élus politiques qui ne soient
pas seulement les parlementaires : les
conseillers généraux, les conseillers
municipaux. La seule difficulté de ce collège
est constituée par le grand nombre de petites
communes et la représentation relativement
faible des grandes villes. Ce problème est un
problème politique, mais il faut bien voir qu'il
est posé par une caractéristique nationale que
nous devons admettre à moins de sombrer dans
l'idéologie. La France est composée de milliers
et de milliers de communes : ce fait est un fait
français, un des aspects fondamentaux de notre
sociologie. Les inconvénients de cette force
considérable des petites communes doivent, il
est vrai, être corrigés. Le projet qui vous est
soumis accorde aux grandes villes une
représentation équitable en donnant à leurs
conseils municipaux la possibilité d'élire des
électeurs supplémentaires proportionnellement
à leur population ; en réduisant par ailleurs la
représentation des conseils municipaux des
communes et des petites villes soit au maire
seul, soit au maire et à ses adjoints, le projet
rétablit un équilibre raisonnable. En même
temps, sur des bases identiques, également très
valables, on peut parvenir à une représentation,
dans le collège électoral du Président de la
République, des territoires et des futurs Etats
de la Communauté.
Pour assurer la légitimité du chef de la
République française, il faut donner à son
corps électoral une image aussi conforme que
possible à ce qu'est la France politique. Pour
20/92
assurer la légitimité du futur chef de la
Communauté, il faut assurer une participation
raisonnable des Etats membres à ce corps
électoral. Le projet s'est attaché à répondre à
cette double préoccupation ; il n'aboutit donc
pas, comme vous le voyez, à un mécanisme
qui aurait été inventé pour élire le général de
Gaulle, lequel n'a pas besoin d'un tel
mécanisme ! Le projet a pour ambition
d'établir l'élection du Président de la
République sur des bases telles qu'il réponde
aux nécessités de notre siècle.
Document 2 : Conférence de presse du général de Gaulle 31 janvier 1964
... Une Constitution, c'est un esprit, des
institutions, une pratique.
Pour ce qui est de la nôtre, son esprit procède
de la nécessité d'assurer aux pouvoirs publics
l'efficacité, la stabilité et la responsabilité, dont
ils manquaient organiquement sous la
Troisième et sous la Quatrième République.
Sans doute, le déclenchement de la réforme, en
1958, a-t-il été déterminé par la secousse
survenue à Alger, étalant l'impuissance du
régime d'alors à surmonter un drame où était
en train de sombrer notre unité nationale.
D'ailleurs, en 1940, dans des circonstances
beaucoup plus tragiques encore, on avait déjà
vu abdiquer un régime semblable. Mais, même
en dehors de ces brutales démonstrations, nul
ne doutait, et depuis longtemps, qu'un système,
qui mettait le pouvoir à la discrétion des partis,
végétait dans les compromis, s'absorbait dans
ses propres crises, était inapte à mener les
affaires de notre pays. C'est pourquoi l'esprit
de la Constitution nouvelle consiste, tout en
gardant un Parlement législatif, à faire en sorte
que le pouvoir ne soit plus la chose des
partisans, mais qu'il procède directement du
peuple, ce qui implique que le chef de l'Etat,
élu par la nation, en soit la source et le
détenteur. C'est ce qui fut réalisé au vu et au su
de tout le monde quand je repris la direction
des affaires, puis quand j'assumai les fonctions
de Président. C'est ce qui a été simplement
précisé par le dernier référendum. Il ne semble
pas que, depuis qu'elle s'applique, cette
conception ait été méconnue par les
responsables, ni rejetée par le peuple, ni
infirmée par les événements.
Quant à la répartition des pouvoirs, elle a été
observée suivant ce que prévoit notre
Constitution. Les rôles attribués
respectivement : au Président, garant du destin
de la France et de celui de la République,
chargé par conséquent de graves devoirs et
disposant de droits étendus ; au Gouvernement,
nommé par le chef de l'Etat, siégeant autour de
lui pour la détermination et la mise en œuvre
de la politique et dirigeant l'administration ; au
Parlement, exerçant le pouvoir législatif et
contrôlant l'action du ministère, ont été remplis
ainsi que l'exigeaient la volonté du pays, les
conditions où nous nous trouvions, l'obligation
de mener les affaires d'une manière active,
ferme et continue.
Il est vrai que, concurremment avec l'esprit et
avec le texte, il y a eu la pratique. Celle-ci a
naturellement tenu pour une part aux hommes.
Pour ce qui est du chef de l'Etat, il est bien
évident que son équation personnelle a compté
et je doute que, dès l'origine, on ne s'y attendît
pas. Quant aux ministres et, d'abord, aux
Premiers : successivement M. Michel Debré et
M. Georges Pompidou, ils ont agi avec une
évidente efficacité, mais chacun à sa façon et
qui n'était pas la même. Enfin, le Parlement a
imprimé à sa tâche et à son attitude un
caractère différent, suivant que, dans l'actuel
régime, il ait vécu sa première ou sa deuxième
législature. Il faut dire aussi que nos
institutions ont eu à jouer, depuis plus de cinq
ans, dans des conditions très variables, y
compris à certains moments sous le coup de
graves tentatives de subversion. Mais,
justement, l'épreuve des hommes et des
circonstances a montré que l'instrument répond
à son objet, non point seulement pour ce qui
concerne la marche ordinaire des affaires, mais
encore en ce qui a trait aux situations difficiles,
auxquelles la Constitution actuelle offre, on l'a
vu, les moyens de faire face : référendum,
article 16, dissolution de l'Assemblée
nationale.
Sans doute, cette réussite tient-elle
essentiellement à ceci que nos institutions
nouvelles répondent aux exigences de
l'époque, autant qu'à la nature du peuple
français et à ce qu'il souhaite réellement.
Cependant, certains, trouvant peut-être la
mariée trop belle, suggèrent des changements
qui, en fait, bouleverseraient le système de
fond en comble.
21/92
C'est ainsi que quelques-uns préconisent un "
gouvernement de législature ". L'Assemblée
nationale, quand elle aurait, une fois, donné sa
confiance au ministère, ne pourrait plus le
renverser sans qu'il soit procédé à la
dissolution automatique. De cette façon, le
chef de l'Etat - et c'est bien là, sans doute, le
but essentiel du projet - n'aurait pas à
intervenir. Mais par là même, les partis
auraient beau jeu de faire en sorte que la
désignation du Premier ministre et, au moment
choisi par eux, son remplacement en souplesse,
la composition du cabinet, puis ses divisions
provoquées du dehors ainsi que ses
remaniements, la politique adoptée en
apparence, ensuite ses fluctuations, soient de
nouveau les objets de leurs jeux et de leurs
combinaisons, tandis que leur savoir-faire
éviterait à volonté qu'une crise en bonne et due
forme n'imposât la dissolution. Ainsi en
reviendrait-on au régime d'assemblée.
D'autres, faisant contre mauvaise fortune bon
cœur, font profession d'accepter l'existence
d'un chef de l'Etat qui en soit un, mais à la
condition que le Parlement soit, de son côté,
érigé en citadelle inexpugnable où les partis
retrouveraient leur empire et leur sûreté. Ceux-
là témoignent d'un préférence, assez nouvelle
de leur part, en faveur d'un régime qualifié de "
présidentiel " et qui serait analogue à celui des
Etats-Unis. " Que le Président, disent-ils, soit
élu par le peuple en même temps que
l'Assemblée nationale et assume en personne le
pouvoir exécutif, mais que, d'autre part, le
Parlement exerce intégralement le pouvoir
législatif. Surtout, que chacun des deux,
strictement enfermé dans son domaine, n'ait
aucune prise sur l'autre : le Président ne
pouvant dissoudre, ni le Parlement renverser. "
Ainsi, allèguent ces néophytes, le
Gouvernement serait concentré entre les mains
d'un seul, ce qui obvierait aux inconvénients
d'une autorité divisée entre un Président et un
Premier ministre, tandis que le Parlement, se
trouvant intangible, voterait, ou non, les lois et
le budget comme il le jugerait bon.
On ne saurait méconnaître qu'une Constitution
de cette sorte a pu, jusqu'à présent, fonctionner
cahin-caha aux Etats-Unis, c'est-à-dire dans un
pays qui, en raison de sa composition ethnique,
de ses richesses économiques, de sa situation
géographique, n'a connu aucune invasion, ni
même, depuis un siècle, aucune révolution ;
dans un pays qui comprend deux partis
politiques seulement, lesquels ne sont opposés
par rien d'essentiel dans aucun domaine :
national, social, moral ou international ; dans
un pays fédéral, enfin, où le Gouvernement
n'assume que les tâches générales : défense,
diplomatie, finances, tandis qu'il appartient aux
cinquante Etats de l'Union de pourvoir à tout le
reste. Mais comment ce régime conviendrait-il
à la nation française, très fortement centralisée
par le long effort des siècles, victime de toutes
les secousses intérieures et extérieures depuis
sept générations, toujours exposée à en subir
d'autres, et où les multiples partis politiques, à
l'exception de celui qui pousse au
bouleversement, sont divisés et inconsistants ?
Tout d'abord, parce que la France est ce qu'elle
est, il ne faut pas que le Président soit élu
simultanément avec les députés, ce qui
mêlerait sa désignation à la lutte directe des
partis, altérerait le caractère et abrégerait la
durée de sa fonction de chef de l'Etat. D'autre
part, il est normal chez nous que le Président
de la République et le Premier ministre ne
soient pas un seul et même homme. Certes, on
ne saurait accepter qu'une dyarchie existât au
sommet. Mais, justement, il n'en est rien. En
effet, le Président, qui, suivant notre
Constitution, est l'homme de la nation, mis en
place par elle-même pour répondre de son
destin ; le Président, qui choisit le Premier
ministre, qui le nomme ainsi que les autres
membres du Gouvernement, qui a la faculté de
le changer, soit parce que se trouve achevée la
tâche qu'il lui destinait et qu'il veuille s'en faire
une réserve en vue d'une phase ultérieure, soit
parce qu'il ne l'approuverait plus ; le Président,
qui arrête les décisions prises dans les
Conseils, promulgue les lois, négocie et signe
les traités, décrète ou non les mesures qui lui
sont proposées, est le chef des armées, nomme
aux emplois publics ; le Président, qui, en cas
de péril, doit prendre sur lui de faire tout ce
qu'il faut ; le Président est évidemment seul à
détenir et à déléguer l'autorité de l'Etat. Mais,
précisément, la nature, l'étendue, la durée de sa
tâche impliquent qu'il ne soit pas absorbé, sans
relâche et sans limite, par la conjoncture,
politique, parlementaire, économique et
administrative. Au contraire, c'est là le lot,
aussi complexe et méritoire qu'essentiel, du
Premier ministre français.
Certes, il ne saurait y avoir de séparation
étanche entre les deux plans, dans lesquels,
d'une part le Président, d'autre part celui qui le
22/92
seconde, exercent quotidiennement leurs
attributions. D'ailleurs, les Conseils et les
entretiens sont là pour permettre au chef de
l'Etat de définir à mesure l'orientation de la
politique nationale et aux membres du
Gouvernement, à commencer par le Premier,
de faire connaître leurs points de vue, de
préciser leur action, de rendre compte de
l'exécution. Parfois, les deux plans sont
confondus quand il s'agit d'un sujet dont
l'importance engage tout et, dans ce cas, le
Président procède à la répartition comme il le
juge nécessaire. Mais, s'il doit être évidemment
entendu que l'autorité indivisible de l'Etat est
confiée tout entière au Président par le peuple
qui l'a élu, qu'il n'en existe aucune autre, ni
ministérielle, ni civile, ni militaire, ni judiciaire
qui ne soit conférée et maintenue par lui, enfin
qu'il lui appartient d'ajuster le domaine
suprême qui lui est propre avec ceux dont il
attribue la gestion à d'autres, tout commande,
dans les temps ordinaires, de maintenir la
distinction entre la fonction et le champ
d'action du chef de l'Etat et ceux du Premier
ministre.
Pourtant, objectent parfois ceux qui ne se sont
pas encore défaits de la conception de jadis, le
Gouvernement, qui est celui du Président, est
en même temps responsable devant le
Parlement. Comment concilier cela ?
Répondons que le peuple souverain, en élisant
le Président, l'investit de sa confiance. C'est là,
d'ailleurs, le fond des choses et l'essentiel du
changement accompli. De ce fait, le
Gouvernement, nommé par le chef de l'Etat et
dont au surplus les membres ne peuvent être
des parlementaires, n'est plus du tout, vis-à-vis
des chambres, ce qu'il était à l'époque où il ne
procédait que de combinaisons de groupes.
Aussi, les rapports entre le ministère et le
Parlement, tels qu'ils sont réglés par la
Constitution, ne prévoient la censure que dans
des conditions qui donnent à cette rupture un
caractère d'extraordinaire gravité. En ce cas
extrême, le Président, qui a la charge d'assurer
la continuité de l'Etat, a aussi les moyens de le
faire, puisqu'il peut recourir à la nation pour la
faire juge du litige par voie de nouvelles
élections, ou par celle du référendum, ou par
les deux. Ainsi, y a-t-il toujours une issue
démocratique. Au contraire, si nous adoptions
le système américain, il n'y en aurait aucune.
Dans un pays comme le nôtre, le fait que le
chef de l'Etat serait aussi Premier ministre et
l'impossibilité où il se trouverait, dans
l'hypothèse d'une obstruction législative et
budgétaire, de s'en remettre aux électeurs, alors
que le Parlement ne pourrait le renverser lui-
même, aboutirait fatalement à une opposition
chronique entre deux pouvoirs intangibles. Il
en résulterait, ou bien la paralysie générale, ou
bien des situations qui ne seraient tranchées
que par des pronunciamientos, ou bien, enfin,
la résignation d'un Président mal assuré qui,
sous prétexte d'éviter le pire, choisirait de s'y
abandonner, en se pliant, comme autrefois, aux
volontés des partisans. On peut penser que
c'est cette troisième hypothèse que caressent le
plus volontiers les champions imprévus du "
régime présidentiel ".
Notre Constitution est bonne. Elle a fait ses
preuves depuis plus de cinq années, aussi bien
dans des moments menaçants pour la
République qu'en des périodes de tranquillité.
Sans doute, d'autres circonstances et d'autres
hommes donneront-ils plus tard à son
application un tour, un style, plus ou moins
différents. Sans doute, l'évolution de la société
française nous amènera-t-elle, en notre temps
de progrès, de développement et de
planification, à reconsidérer l'une de ses
dispositions. Je veux parler de celle qui
concerne le rôle et la composition du Conseil
économique et social. Mais, en dehors de cette
précision, qui ne bouleversera pas l'économie
de la Constitution, gardons celle-ci telle qu'elle
est. Assurément, on s'explique que ne s'en
accommodent volontiers ni les nostalgiques,
avoués ou non, de la confusion de naguère, ni
cette entreprise qui vise au régime totalitaire et
qui voudrait créer chez nous un trouble
politique d'où sa dictature sortirait. Mais le
pays, lui, a choisi et je crois, pour ma part, qu'il
l'a fait définitivement. (...)
Document 3 : Projet de loi constitutionnelle portant modification du titre IX de la
Constitution
Exposé des motifs
23/92
Mesdames, Messieurs,
Les règles posées par le titre IX de la
Constitution du 4 octobre 1958, relatives à la
responsabilité pénale du chef de l'État, ont
soulevé certaines difficultés d'interprétation.
Le Conseil constitutionnel et la Cour de
cassation ont ainsi procédé à des lectures de
l'article 68 de la Constitution peu compatibles
entre elles. Selon le Conseil constitutionnel,
hors le cas de haute trahison, le président de la
République bénéficie d'une immunité pour les
actes accomplis dans l'exercice de ses
fonctions. En ce qui concerne les actes
antérieurs à celles-ci ou ceux qui en sont
détachables, sa responsabilité pénale ne saurait
être recherchée que selon la procédure prévue
par l'article 68 de la Constitution (C.C., 22
janvier 1999, décision n° 98-408 DC).
L'assemblée plénière de la Cour de cassation
considère, pour sa part, que la compétence de
la Haute Cour de Justice, en application de
l'article 68 de la Constitution, est limitée au
crime de haute trahison. S'agissant des autres
infractions, commises avant ou pendant
l'exercice de ses fonctions, le président de la
République est protégé par une immunité
absolue, la prescription étant simplement
suspendue pendant la durée du mandat
présidentiel (Cass., Ass. plén., 10 octobre
2001, Breisacher : Bull. n° 11). S'agissant de
l'application de la réforme constitutionnelle
dans le temps, le texte proposé ne prévoit
aucune disposition spécifique à cet égard. En
conséquence, la révision constitutionnelle
s'appliquera au mandat en cours.
Dans ce contexte, le chef de l'État a demandé à
Monsieur le Professeur Pierre Avril de présider
une commission chargée de réfléchir au statut
pénal du Président de la République et de
formuler, le cas échéant, les propositions de
réforme qui lui paraîtraient appropriées. La
commission a remis le 12 décembre 2002 au
chef de l'État un rapport qui préconise la
modification du titre IX de la Constitution.
Aux termes de celui-ci, le principe de
l'irresponsabilité du Président de la République
pour les actes commis dans l'exercice de ses
fonctions demeurerait. En outre, durant son
mandat, et en application de l'immunité dont il
bénéficierait, il ne pourrait être contraint à
aucun témoignage et ne pourrait faire l'objet
d'aucun acte d'information, d'instruction ou de
poursuite devant une juridiction ou devant une
autorité administrative. Dans le cadre des
fonctions présidentielles, la responsabilité
serait limitée, d'une part, à l'hypothèse, d'ores
et déjà prévue par l'article 53-2 de la
Constitution, dans laquelle serait compétente la
Cour pénale internationale, et, d'autre part, au
cas de manquement à ses devoirs
manifestement incompatible avec l'exercice du
mandat de chef de l'État. La sanction, le cas
échéant prononcée par le Parlement réuni en
Haute Cour, serait la destitution du Président
de la République. Le présent projet de loi
reprend les propositions formulées par la
commission dans son rapport. Il repose sur
trois principes : le Président de la République,
agissant dans l'exercice de ses fonctions, n'est
pas un justiciable ordinaire (I) ; son immunité
n'est pas totale (II) ; la juridiction appelée à
connaître des manquements commis dans le
cadre de ses fonctions est composée, afin de
respecter l'équilibre démocratique né du
fonctionnement des pouvoirs publics sous la
Cinquième République, par les élus de la
Nation (III).
I.- La responsabilité du Président de la
République déroge au droit commun.
Les auteurs du rapport ont mis l'accent sur la
nécessité de ne pas faire du Président de la
République un justiciable ordinaire, eu égard
au risque d'affaiblissement qu'entraînerait pour
la fonction présidentielle une mise en cause de
la responsabilité du chef de l'État dans les
conditions du droit commun. En cours de
mandat, seuls les manquements manifestement
incompatibles avec l'exercice de la fonction
présidentielle pourront donc être sanctionnés,
selon une procédure spécifique. S'agissant des
actes accomplis avant le début de son mandat,
ou dépourvus de lien avec celui-ci, toute mise
en cause éventuelle du Président de la
République devant une juridiction pénale sera
suspendue durant l'exercice de son mandat.
II.- L'immunité proposée n'est toutefois pas
totale.
En premier lieu, afin de clarifier le texte
constitutionnel, la rédaction du motif qui
permet l'engagement de la responsabilité «
politique » du Président de la République est
revue, et, aux termes de « haute trahison »
inscrits à l'actuel article 68 de la Constitution,
sont substitués ceux de « manquement à ses
devoirs manifestement incompatible avec
l'exercice de son mandat ». En second lieu,
pour les actes qui ne sont pas accomplis par le
24/92
chef de l'État en cette qualité, et pour ceux qui
sont antérieurs à ses fonctions, l'immunité n'est
que temporaire, les procédures pouvant être
engagées ou reprises à l'expiration d'un délai
d'un mois suivant la cessation de ses fonctions.
III.- Le Parlement, constitué en Haute Cour,
est compétent pour connaître, le cas échéant,
des actes accomplis par le Président de la
République dans l'exercice de ses fonctions.
Conformément aux recommandations de la
commission, le projet de loi constitutionnelle
s'attache à éviter le double écueil, d'une part,
du recours aux juridictions ordinaires, d'autre
part, de la création d'une juridiction ad hoc.
Ainsi, c'est au Parlement tout entier réuni, se
prononçant à la majorité de ses membres, et
non plus à des membres élus en son sein, qu'est
attribuée la compétence pour se prononcer sur
la destitution éventuelle du Président de la
République. Enfin, la procédure prévue, qui
suppose que la proposition de réunion de la
Haute Cour soit votée par chacune des deux
assemblées, respecte l'équilibre inhérent au
bicamérisme.
Projet de loi constitutionnelle
Le président de la République,
Sur la proposition du Premier ministre,
Vu l'article 89 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi constitutionnelle
portant modification du titre IX de la
Constitution, délibéré en Conseil des ministres
après avis du Conseil d'État, sera présenté à
l'Assemblée nationale par le garde des sceaux,
ministre de la justice, qui est chargé d'en
exposer les motifs et d'en soutenir la
discussion.
Article unique
Le titre IX de la Constitution est remplacé par
les dispositions suivantes :
« Titre IX « La Haute Cour »
« Article 67. - Le président de la République
n'est pas responsable des actes accomplis en
cette qualité, sous réserve des dispositions des
articles 53-2 et 68.
« Il ne peut, durant son mandat et devant
aucune juridiction ou autorité administrative
française, être requis de témoigner non plus
que faire l'objet d'un acte d'information,
d'instruction ou de poursuite.
« Les instances et procédures auxquelles il est
ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou
engagées contre lui à l'expiration d'un délai
d'un mois suivant la cessation des fonctions. »
« Article 68. - Le président de la République
ne peut être destitué qu'en cas de manquement
à ses devoirs manifestement incompatible avec
l'exercice de son mandat. La destitution est
prononcée par le Parlement constitué en Haute
Cour.
« La proposition de réunion de la Haute Cour
adoptée par une des assemblées du Parlement
est aussitôt transmise à l'autre qui se prononce
dans les quinze jours.
« La décision de réunir la Haute Cour emporte
empêchement du Président de la République
dont les fonctions sont exercées dans les
conditions prévues au quatrième alinéa de
l'article 7. Cet empêchement prend fin au plus
tard à l'expiration du délai prévu à l'alinéa
suivant.
« La Haute Cour est présidée par le président
de l'Assemblée nationale. Elle statue dans les
deux mois, à bulletins secrets, sur la
destitution. Sa décision est d'effet immédiat.
« Les décisions prises en application du
présent article le sont à la majorité des
membres composant l'assemblée concernée ou
la Haute Cour. Seuls sont recensés les votes
favorables à la proposition de réunion de la
Haute Cour ou à la destitution.
« Une loi organique fixe les conditions
d'application du présent article. »
Document 4 : le quinquennat
Le quinquennat, c’est-à-dire l’établissement à
cinq ans de la durée du mandat présidentiel, a
été introduit dans la constitution par la loi
constitutionnelle no 2000-964 du 2 octobre
25/92
2000. Il vise à mettre en place un
renouvellement plus fréquent du mandat
présidentiel et à aligner sa durée sur celle
du mandat des députés (cinq ans) afin de
diminuer les risques de cohabitation. Cette
révision de la constitution n’écarte cependant
pas toute possibilité de cohabitation (en cas de
démission ou de décès du président de la
République, ou en cas de dissolution de
l’Assemblée nationale) et pourrait, à terme,
modifier l’équilibre entre les différentes
institutions.
Le septennat : fruit du hasard ?
L’institution récente du quinquennat rompt
avec la durée du mandat présidentiel, prévue
par les constitutions de 1875, 1946 et 1958,
fixé à sept ans. Le septennat a, cependant,
davantage été imposé par les circonstances que
par une véritable réflexion constitutionnelle. Il
était néanmoins entré dans la tradition
républicaine française. Le contexte dans lequel
le mandat présidentiel a été fixé à sept ans
montre d’ailleurs qu’il est plus un héritage du
principe monarchiste qu’une mise en œuvre de
la doctrine républicaine. Celle-ci est en effet
attachée à des mandats courts, afin de
permettre l’expression la plus fréquente
possible des électeurs.
L’Assemblée nationale, élue le 8 février 1871
après la chute du Second Empire, était
dominée par les monarchistes divisés en deux
tendances antagonistes. Les légitimistes,
partisans d’un retour à l’Ancien Régime,
soutenaient les Bourbons en la personne du
comte de Chambord, petit-fils de Charles X.
Les orléanistes, favorables à l’institution d’une
monarchie constitutionnelle et acceptant
l’héritage de 1789, défendaient pour leur part
le comte de Paris, petit-fils de Louis-Philippe.
Les monarchistes comptaient sur le temps pour
regrouper leurs forces face aux républicains et
choisir entre les deux prétendants. Après avoir
contraint Adolphe Thiers, chef de l’Exécutif, à
la démission le 24 mai 1873, du fait de son
ralliement aux idées républicaines, les
royalistes portèrent à la présidence de la
République le maréchal de Mac-Mahon, en
souhaitant qu’il laisse ultérieurement sa place
au monarque.
Le comte de Chambord n’ayant pas de
descendance, la majorité retint une solution
d’attente afin que le temps tranche le conflit
entre les deux branches de la dynastie. Le
rapporteur du texte relatif à la durée du mandat
du chef de l’État, Laboulaye, proposait un
mandat d’une durée de cinq ans. Mac-Mahon,
quant à lui, défendait l’idée d’un décennat, par
référence aux dispositions de la constitution de
l’an VIII (1799). La majorité s’accorda sur la
durée médiane. La loi du 20 novembre 1873
devait ainsi disposer dans un souci de
compromis que « Le pouvoir exécutif est
confié pour sept ans au maréchal de Mac-
Mahon, duc de Magenta ».
Ce principe devait être confirmé par les lois
constitutionnelles de 1875, définissant les
institutions de la IIIe République, et par la
constitution de 1946, instituant la IVe
République. Mais, la pratique des institutions
de la IIIe République et la lettre des
dispositions de la constitution du 27 octobre
1946 ont considérablement limité les
prérogatives du chef de l’État. En effet, sa
principale fonction était de nommer le chef du
Gouvernement en tenant compte de l’équilibre
politique au sein de la majorité parlementaire.
Le septennat n’avait donc pas été jugé
incompatible avec la tradition républicaine,
puisque le président, élu par les
parlementaires, disposait alors d’une légitimité
moindre que ces derniers, élus par le peuple, et
qu’il n’exerçait pas de véritables fonctions
exécutives.
Le septennat sous la Ve République : un
président au-dessus des partis
Le septennat va cependant acquérir une
signification nouvelle sous la Ve République.
Si la constitution de 1958 reprend la durée du
mandat présidentiel existant sous les deux
républiques précédentes, elle renforce dans le
même temps considérablement les pouvoirs du
chef de l’État. Elle lui donne ainsi le rôle
« d’arbitre au-dessus des contingences
politiques » appelé de ses vœux par le général
de Gaulle dans son discours de Bayeux du 16
juin 1946. La durée du mandat présidentiel lui
confère ainsi une fonction propre et distincte
de celle assignée au Gouvernement et au
Parlement.
Le chef de l’État incarne l’unité nationale et la
continuité des institutions. La durée de son
mandat lui permet d’inscrire son action au-delà
du mandat de l’Assemblée nationale. Dans sa
conférence de presse du 31 janvier 1964, le
général de Gaulle devait d’ailleurs préciser
26/92
l’intérêt que la durée du mandat du président
de la République ne coïncide pas avec celui de
l’Assemblée nationale : « il ne faut pas que le
président soit élu simultanément avec les
députés, ce qui mêlerait sa désignation à la
lutte directe des partis, altérerait le caractère et
abrégerait la durée de sa fonction de chef de
l’État. »
Cependant, la révision de 1962, instituant
l’élection du président au suffrage universel
direct, a peu à peu remis en cause cette idée
d’un chef de l’État au-dessus des partis
politiques. Dès l’élection de 1965, le président
de la République est en effet apparu comme le
chef d’une majorité politique disposant par
ailleurs de la majorité au Parlement.
Le quinquennat : pour renouveler la légitimité
présidentielle et éviter les cohabitations
La durée du mandat, qui compensait entre
1875 et 1958 le manque de pouvoirs et la
faible légitimité du président de la République,
perdait dès lors une grande partie de sa
justification. Elle devait même poser un
problème d’érosion de la légitimité
présidentielle, surtout en cas de réélection à un
second mandat.
Afin de remédier à cette situation, le général de
Gaulle a utilisé l’ensemble des prérogatives
que lui conférait la constitution pour consulter
le peuple au cours de ses fonctions. En 1968 il
a procédé à une dissolution de l’Assemblée
nationale, puis organisé, l’année suivante, un
référendum sur un projet de loi réformant le
Sénat et mettant en place la régionalisation.
Malgré la victoire de la majorité présidentielle
aux élections législatives de 1968, le président
devait être désavoué lors de la consultation
référendaire de 1969, alors que l’opposition
mettait en avant le slogan « dix ans, ça suffit ».
La longueur du mandat présidentiel
soulevait des difficultés nouvelles liées à
l’existence d’une responsabilité directe du
président de la République devant le peuple
depuis la réforme de 1962.
La réforme inachevée de 1973
Pour cette raison, et peut-être également pour
d’autres liées à son état de santé, le président
Pompidou devait tenter en 1973 de réviser
la constitution pour instaurer le
quinquennat renouvelable une fois.
Le projet de loi constitutionnelle, déposé le 6
septembre 1973 par le chef de l’État, a été voté
le 16 octobre de la même année par
l’Assemblée nationale (par 270 voix contre
211) et le 19 octobre par le Sénat (par 162 voix
contre 112). Le président, ne souhaitant pas
consulter le pays par référendum sur un tel
sujet, devait finalement renoncer à soumettre le
projet de révision aux deux chambres réunies
en Congrès. Les faibles majorités qui se sont
dégagées en faveur du texte dans les deux
assemblées ne permettaient pas, en effet, de
réunir la majorité de trois cinquième requise
par l’article 89 de la constitution. Le projet de
loi constitutionnelle devait ainsi être ajourné sine die. Le président Valéry Giscard
d’Estaing, qui succéda à Georges Pompidou,
n’a pas envisagé au cours de son septennat de
lui donner une quelconque suite.
La Commission Vedel de 1992
La question de la réduction du mandat
présidentiel devait ensuite faire l’objet de
plusieurs déclarations d’intention du président
Mitterrand. Il a lancé différentes pistes de
réforme en la matière, défendant tour à tour le
septennat non renouvelable, le mandat de cinq
ou de six ans.
Le débat sur la durée du mandat
présidentiel devait en fait prendre
davantage de consistance après la première
cohabitation (1986-1988). Le président
François Mitterrand en a d’ailleurs saisi la
commission Vedel, créée à son initiative le 2
décembre 1992, pour faire des propositions de
révision de la constitution.
Dans sa lettre de mission adressée à ce comité
consultatif, il a fait part de sa position
personnelle sur la durée du mandat
présidentiel : « Le débat d’actualité, ouvert
dans l’opinion publique, porte, on le sait, sur la
durée du mandat présidentiel. La constitution a
fixé celui-ci à sept ans et autorise son
renouvellement. Dans ce dernier cas, beaucoup
pensent que quatorze années, c’est trop.
M. Pompidou avait fait adopter par les
Assemblées le mandat de cinq ans
renouvelable une fois. Mais il n’a pas poussé la
procédure à son terme, c’est-à-dire jusqu’au
vote du Congrès. De nombreuses initiatives ont
repris ce projet. Diverses personnalités
préfèrent un mandat de sept ans non
renouvelable et certaines d’entre elles
suggèrent six ans renouvelables une fois. Ma
27/92
préférence va à un mandat d’une durée plus
longue que celle d’un député et au moins aussi
longue que celle d’un maire ou d’un conseiller
général. N’oublions pas que le président de la
République a, en raison de l’article 5, un
pouvoir d’arbitrage et qu’il n’est pas lié aux
changements de majorité parlementaire. »
La commission Vedel devait en définitive
évoquer très prudemment la question de la
réforme du septennat pour conclure au statu
quo.
Les arguments avancés par le comité
consultatif en faveur d’une réduction de la
durée du mandat sont les suivants :
Le septennat est trop long au regard des
exigences des démocraties modernes. Si le
général de Gaulle a choisi une durée de sept
ans pour le mandat présidentiel, c’est en
l’accompagnant de recours fréquents au peuple
par voie de référendum pour s’assurer de son
adhésion ;
Le cumul des principes contradictoires de
l’autorité et de l’irresponsabilité du chef de
l’État serait atténué par une consultation plus
fréquente des électeurs.
Ceux avancés en faveur du septennat sont les
suivants :
Le quinquennat aboutirait à faire du
président le véritable chef de la majorité
parlementaire et susciterait l’effacement du
Premier ministre ;
La fonction arbitrale du chef de l’État serait
affectée ;
La durée de sept ans conforte la crédibilité
du président sur la scène internationale ;
La tenue des élections législatives dans les
cinq années suivant l’élection présidentielle
permet aux citoyens d’exprimer ou non leur
adhésion à l’action du chef de l’État.
Le comité consultatif devait par ailleurs
recommander de ne pas limiter le
renouvellement du mandat présidentiel en
estimant qu’une telle mesure heurtait le
principe de la souveraineté du peuple.
Les cohabitations : l’affaiblissement possible
de l’autorité du président
La répétition des cohabitations depuis 1986
devait réactualiser le débat sur la durée du
mandat présidentiel. Celles-ci ont en effet eu
pour conséquence d’amoindrir la fonction
présidentielle en conférant au chef de l’État le
statut de leader de l’opposition, qui est peu
conforme à l’esprit des institutions.
Le président François Mitterrand n’aura
effectivement exercé la plénitude de ses
fonctions présidentielles que pour la durée de
deux législatures, soit dix ans, puisque ses
deux septennats se sont achevés par l’échec de
la majorité présidentielle à l’élection
législative.
Certes, la dissolution de l’Assemblée en début
de mandat présidentiel donne au président les
moyens de mettre en œuvre son projet, mais la
différence entre la durée du mandat
présidentiel et celle des députés peut être
source de difficultés pour les deux dernières
années de son mandat.
La situation de cohabitation longue dans
laquelle s’est retrouvée la France après l’échec
de la majorité présidentielle aux élections
législatives de 1997 a finalement incité les
deux têtes de l’Exécutif à proposer une
réforme afin de faire coïncider la durée du
mandat présidentiel et celle du mandat des
députés.
L’adoption du quinquennat
Le projet de loi constitutionnelle relative à la
durée du mandat présidentiel a été adopté par
l’Assemblée nationale, le 15 juin 2000, et par
le Sénat, le 29 juin de la même année. Le
président de la République a décidé de
soumettre cette révision constitutionnelle au
référendum en application des dispositions de
l’article 89 de la constitution. Elle a été
adoptée le 24 septembre 2000 par 7 407 697
« oui », contre 2 710 651 « non », pour 39 941
192 électeurs inscrits et 12 058 688 votants.
Avec une abstention atteignant 69,3 %, ce
référendum devait révéler le faible intérêt des
citoyens pour une réforme institutionnelle, qui,
il est vrai, avait été présentée comme un
aménagement de nature technique.
Le prochain mandat présidentiel devrait
permettre de juger de l’impact de cette
réforme, dont certains estiment qu’elle
renforce le caractère présidentialiste des
institutions au détriment du Premier ministre.
Quoi qu’il en soit, le quinquennat devrait
permettre d’éviter une nouvelle cohabitation à
court terme. Mais, une telle situation peut
néanmoins se produire de nouveau à l’avenir,
28/92
que ce soit en cas de démission ou de décès du
président de la République, ou bien en cas de
dissolution de l’Assemblée nationale.
Document 5 : comment est financée la campagne électorale ?
La campagne électorale est financée selon deux modalités :
un financement public, organisé par la loi organique du 6 novembre 1962, modifiée pour ces
aspects par les LO du 5 février 2001 et du 5 avril 2006, et par les lois organiques concernant le
financement des partis politiques de 1988, 1990, et 1995 ;
un financement privé, provenant en majorité des partis (cotisations), mais aussi de personnes
privées.
Chaque candidat doit respecter un certain nombre de règles :
La tenue d’un compte de campagne qui retrace très précisément l’origine des recettes et la nature
des dépenses engagées. Le candidat ne peut pas le gérer personnellement et doit nommer un
intermédiaire financier (mandataire). Depuis la loi organique du 5 avril 2006, le compte doit être
déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques
(CNCCFP) – et non plus au Conseil constitutionnel – au plus tard le neuvième vendredi suivant le
second tour de scrutin, afin d’en vérifier la régularité ;
Le plafonnement des dépenses, dont le montant, actualisé tous les trois ans par décret, s’élevait
en 2007 à 16,16 millions d’euros pour les candidats au premier tour et à 21,59 millions pour ceux
du second tour. Un remboursement des frais de campagne est prévu. Pour les candidats présents au
1er tour, il s’élève au 20e du plafond des dépenses du premier tour pour ceux ayant obtenu moins
de 5 % des suffrages exprimés (808 000 euros en 2007) et, depuis 2001, à la moitié de ce plafond
pour ceux ayant recueilli plus de 5 % des voix (8,08 millions d’euros en 2007). Pour les candidats
présents au second tour, il s’élève à la moitié du plafond des dépenses du second tour (10,79
millions d’euros en 2007). Dans tous les cas, ces remboursements ne peuvent pas être plus
importants que les dépenses déclarées par les candidats ;
La limitation des dons des personnes privées à 4600 euros, tout don égal ou supérieur à 150 euros
devant être fait par chèque. En 1995, les dons des entreprises privées ont été interdits.
Des sanctions pécuniaires et pénales sont prévues en cas d’infraction. Ainsi un candidat ayant
dépassé le plafond des dépenses doit verser au Trésor public le montant du dépassement. Mais un
candidat à l’élection présidentielle ne peut pas être déclaré inéligible.
Document 6 : extrait d’un document de travail du comité constitutionnel sur le
problème des parrainages
Le régime actuel ne limite que faiblement le nombre de candidatures à l’élection présidentielle. Faut-
il, au nom du pluralisme, assumer la fonction tribunitienne de l’acte de candidature ? Faut-il au
contraire aller plus loin dans le filtrage pour clarifier la confrontation démocratique des projets,
compte tenu notamment des règles gouvernant le déroulement de la campagne électorale à la
télévision ?
• Quelle est la part qui revient, dans l’inflation des candidatures, aux règles de parrainage d’une part et
aux autres facteurs (contexte politique, règles de financement…) d’autre part ?
• Encore que le risque se concrétise rarement, la loi en vigueur peut avoir pour effet d’exclure de la
compétition présidentielle certains courants d’opinion qui trouvent un écho dans la vie de la nation
mais qui sont marginalement représentés au sein du collège des présentateurs. Y a-t-il là une anomalie
démocratique, ou l’incapacité à obtenir 500 signatures parmi 42000 élus, soit 1.2% du collège, est-elle
un critère légitime d’élimination ?
29/92
• Quel est le sens de la « présentation » : soutien politique ? reconnaissance de la légitimité
démocratique ? simple manière de prendre acte de la nécessité d’une participation au débat ?
• Conviendrait-il d’augmenter le nombre de parrainages nécessaires ?
• Y a-t-il moyen d’éviter l’instrumentalisation stratégique de la procédure et les manœuvres diverses
auxquelles donne lieu la collecte des signatures, soit pour empêcher l’émergence d’une candidature,
soit pour la favoriser ?
• Une telle mesure devrait-elle s’accompagner de l’introduction d’un parrainage par les citoyens eux-
mêmes, à titre cumulatif ou à titre alternatif ? Un mécanisme de cette nature se heurterait-il à des
obstacles techniques (notamment en cas d’élection anticipée) ? Surtout, n’y aurait-il pas un risque de
décalage entre « candidats des élus » et « candidats des citoyens » et de transformation de la procédure
de parrainage en premier tour de l’élection présidentielle ? Les intérêts corporatistes y trouveraient-ils
un terrain favorable ?
• Les règles relatives à la publicité des présentations sont-elles satisfaisantes en termes d’efficacité et
de lisibilité ? Faut-il envisager d’en revenir au secret pour libérer les élus des pressions extérieures, au
risque de les soustraire au contrôle de leurs administrés ? Doit-on au contraire privilégier le principe
simple de la publication intégrale ?
• Faudrait-il plutôt changer de logique en modifiant la composition du collège des parrains, soit en le
limitant aux parlementaires, soit au contraire en l’élargissant ? Dans cette dernière hypothèse, la
recherche des signatures des intéressés resterait-elle une procédure appropriée ?
Document 7. Extrait d’un document de travail du comité constitutionnel sur la question
de la limitation du nombre des mandats du président de la république
Le passage au quinquennat rend l’hypothèse du troisième mandat moins théorique que par le passé.
Dans ce contexte, les termes du débat sont simples ; seule l’appréciation de leur poids relatif ne l’est
pas. Dans le sens du maintien de la règle actuelle :
- le primat de la liberté de l’électeur et la possibilité que la limitation du nombre de mandats prive la
nation de la personnalité la mieux à même de présider à ses destinées ;
- le risque d’un affaiblissement de l’autorité du Président de la République à la fin du second mandat.
Dans le sens de la limitation du nombre de mandats présidentiels :
- la nécessité de favoriser le renouvellement du personnel et des idées politiques ;
- le risque d’un essoufflement dans l’action après dix ans d’exercice des responsabilités suprêmes et le
décalage par rapport au rythme général de la société ;
- le souci de ne pas favoriser les dérives monarchiques.
S’il était décidé de s’engager dans la voie de la limitation du nombre de mandats, se poserait encore la
question de savoir s’il faut limiter à deux le nombre de mandats consécutifs ou le nombre total de
mandats.
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FICHE N° 3
L’EXECUTIF (II)
Le Premier ministre, le gouvernement, la cohabitation
I/ DOCUMENTS REPRODUITS 1. Message de François Mitterrand au parlement, 8 avril 1986 sur le fonctionnement des institutions en
cas de cohabitation
2. Intervention télévisée de Jacques Chirac du 14 juillet 1997
3. Effectif total des cabinets ministériel (site du premier ministre)
4. les gouvernements de la Ve république
5. Extrait d’un document de travail du comité constitutionnel sur la structure du gouvernement
6. Extrait d’un document de travail du comité constitutionnel sur la clarification des rôles entre le
président de la république et le premier ministre
Voir aussi la composition du gouvernement :
http://www.premier-ministre.gouv.fr/acteurs/gouvernement/
II/ bibliographie CARCASONNE (G.), « Ce que fait Matignon », Pouvoirs, n°68, 1994, pp. 31-41.
CARCASONNE (G.), « Les rapports du Président français et du Premier ministre », R.F.A.P., 1997,
n°83, pp. 397-409.
COHENDET (M.-A.), La cohabitation, leçons d’une expérience, PUF, Paris, 1993.
DAUGERON (B.) : « La cohabitation et ses faux-semblants : réflexions sur le présidentialisme
minoritaire », Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger (RDP) 2004,
n°1, p. 67-109.
GICQUEL (J.), « De la cohabitation », Pouvoirs, n°49, pp. 69-79.
GUEDON (M.-J.), « Décrets et Constitution », in Mélanges Dupuis, LGDJ, Paris, 1997, pp. 125-138.
GUETTIER, Le président de la République, Que sais-je, PUF, 1995.
GUILLAUME (G.) les dysfonctionnements de la Vème
République, mélanges P. Gélard, Montchrestien,
1999.
LE GALL (J.), La 3ème
cohabitation : quelle pratique des institutions de la Vème
République, RDP,
2000, pp 101-120.
MASS0T (J.) L’arbitre et le capitaine, essai sur la responsabilité présidentielle, Flammarion, 1987.
MASSOT (J.) La Vème
République est-elle soluble dans la cohabitation ?, Mélanges P. Ardant, LGDJ,
1999
STIRN (B.), Les sources constitutionnelles du droit administratif, LGDJ, Coll. Systèmes, Paris, 1995.
La cohabitation, Pouvoirs n° 91, 1999.
Le Président de la République, documents réunis par C. Bigaut, la documentation française, 2000.
31/92
III/ NOTIONS A CONNAITRE
a) Chef de l’exécutif, du gouvernement, de la majorité parlementaire.
b) Pouvoir réglementaire, d’exécution des lois.
c) Pouvoir de nomination.
d) Fait majoritaire
IV/ EXERCICES SUGGERES
a) Le couple Président - Premier ministre.
b) Comparez la conception du rôle du Premier ministre inscrite dans chacun des documents
reproduits.
* * * *
Document 1 : Message de François Mitterrand au parlement, 8 avril 1986
Mesdames et messieurs, je vous prie d'agréer,
en ce début de législature, les vœux que je
forme pour vous, aussi bien dans votre vie
personnelle que dans l'exercice de votre
mandat ; pour le Parlement, où j'ai siégé
longtemps et qui m'est toujours apparu comme
la pierre angulaire de notre démocratie ; pour
la France que nous représentons tous
ensemble.
Les Français avaient déjà choisi en 1981
l'alternance politique. Ils viennent en majorité
de marquer à nouveau, mais en sens contraire,
leur volonté de changement. Dépassons
l'événement que chacun jugera selon ses
convictions.
Réussir l'alternance aujourd'hui comme hier,
demain comme aujourd'hui, donnera à notre
pays l'équilibre dont il a besoin pour répondre,
dans le temps - et, je l'espère, à temps -, aux
aspirations des forces sociales qui le
composent. Mon devoir était d'assurer la
continuité de l'Etat et le fonctionnement
régulier des institutions. Je l'ai fait sans retard
et la nation sans crise. Le Premier ministre
nommé et le gouvernement mis en place sont
désormais en mesure de mener leur action.
Mais nos institutions sont à l'épreuve des faits.
Depuis 1958 et jusqu'à ce jour, le Président de
la République a pu remplir sa mission en
s'appuyant sur une majorité et un
gouvernement qui se réclamaient des mêmes
options que lui. Tout autre, nul ne l'ignore, est
la situation issue des dernières élections
législatives.
Pour la première fois la majorité parlementaire
relève de tendances politiques différentes de
celles qui s'étaient rassemblées lors de
l'élection présidentielle, ce que la composition
du gouvernement exprime, comme il se doit.
Devant un tel état de choses, qu'ils ont pourtant
voulu, beaucoup de nos concitoyens se posent
la question de savoir comment fonctionneront
les pouvoirs publics. A cette question, je ne
connais qu'une réponse, la seule possible, la
seule raisonnable, la seule conforme aux
intérêts de la nation : la Constitution, rien que
la Constitution, toute la Constitution.
Quelqu'idée qu'on en ait - et je n'oublie pas
moi-même ni mon refus initial, ni les réformes
qu'au nom d'un vaste mouvement d'opinion j'ai
naguère proposées et que je continue de croire
souhaitables -, elle est la loi fondamentale. Il
n'y a pas, en la matière, d'autre source du droit.
Tenons-nous en à cette règle.
Les circonstances qui ont accompagné la
naissance de la Ve République, la réforme de
1962 sur l'élection du chef de l'Etat au suffrage
universel et une durable identité de vues entre
la majorité parlementaire et le Président de la
République ont créé et développé des usages
32/92
qui, au-delà des textes, ont accru le rôle de ce
dernier dans les affaires publiques. La novation
qui vient de se produire requiert de part et
d'autre une pratique nouvelle.
Je ne m'attarderai pas ici sur l'énoncé de
compétences présentes, je le suppose, à votre
esprit. Je rappellerai seulement que la
Constitution attribue au chef de l'Etat des
pouvoirs que ne peut en rien affecter une
consultation électorale où sa fonction n'est pas
en cause.
Fonctionnement régulier des pouvoirs publics,
continuité de l'Etat, intégrité du territoire,
respect des traités, l'article 5 désigne de la sorte
- et les dispositions qui en découlent précisent
- les domaines où s'exercent son autorité ou
bien son arbitrage. A quoi s'ajoute l'obligation
pour lui de garantir l'indépendance de la justice
et de veiller aux droits et libertés définis par la
Déclaration de 1789 et le préambule de la
Constitution de 1946.
Le gouvernement, de son côté, a pour charge,
aux termes de l'article 20, de déterminer et de
conduire la politique de la nation. Il assume,
sous réserve des prérogatives du Président de
la République et de la confiance de
l'Assemblée, la mise en œuvre des décisions
qui l'engagent devant les Français. Cette
responsabilité est la sienne.
Cela étant clairement établi, Président et
gouvernement ont à rechercher, en toutes
circonstances, les moyens qui leur permettront
de servir au mieux et d'un commun accord les
grands intérêts du pays.
Mais, mesdames et messieurs, qu'en est-il du
Parlement ? Pouvoir législatif, il garde et doit
garder la plénitude de ses droits. Certes,
l'article 38 autorise les ordonnances et la
plupart des gouvernements, y compris dans la
période récente, ont eu recours à cette
procédure.
Aussi n'ai-je pas cru devoir en refuser la
faculté au gouvernement actuel, après lui avoir
rappelé cependant que de grandes réformes de
la précédente législature, comme la
décentralisation, les nationalisations, les droits
des travailleurs, les nouvelles libertés,
l'aménagement du temps de travail, avaient
suivi la voie législative normale.
Je pense donc que les ordonnances, dont j'ai
déjà dit qu'elles ne pourraient revenir sur les
acquis sociaux, devront être peu nombreuses et
les lois d'habilitation suffisamment précises
pour que le Parlement et le Conseil
constitutionnel se prononcent en connaissance
de cause. J'ai fait part de cette observation à M.
le Premier ministre, lorsque m'ont été présentés
les deux projets de loi qui seront examinés
demain par le Conseil des ministres.
Elle me paraît d'autant plus nécessaire que la
combinaison des ordonnances et de l'article 49,
3e alinéa, de la Constitution risquerait en fin de
compte de réduire à l'excès la délibération des
assemblées.
Mesdames et messieurs, s'il est une constante
depuis plusieurs décennies pour tout
gouvernement et toute majorité, c'est bien
d'avoir à faire face à l'une des plus profondes
révolutions scientifiques et techniques des
temps modernes. La tâche de votre assemblée
sera de contribuer à son tour à en dominer les
effets.
Parachever le redressement économique qui a
connu d'importants succès dans les années
passées exigera encore beaucoup d'efforts et de
ténacité. Nul ne s'en tiendra quitte tant que le
chômage restera la pire de nos plaies sociales.
Souhaitons que la bonne santé de notre
économie et l'action persévérante de la
solidarité nationale offrent une base solide aux
politiques qui seront entreprises.
Sachons également qu'il n'y aura de
redressement économique sans justice sociale
et que de cette justice ne peut, ne doit être
exclu aucun de ceux qui contribuent, par leur
travail et leurs capacités créatrices, à
l'expansion et à la grandeur de notre pays.
Le rayonnement de la France dépend plus
qu'on ne croit de sa façon d'être à l'égard des
siens. Ce rayonnement, qui nous vaut d'être
reconnus parmi les grands peuples de la Terre,
nous le servirons, unis et résolus, en continuant
d'agir là où l'Histoire nous fixe rendez-vous :
l'Europe, le droit des peuples à disposer d'eux-
mêmes, le développement des pays pauvres, la
paix.
Vive la République ! Vive la France !
Document 2 : intervention télévisée de Jacques Chirac 14 juillet 1997
33/92
A. Chabot - (...). Comment qualifiez-vous cette
cohabitation ? On se souvient qu'en 1986, vous
étiez de l'autre côté, vous étiez Premier
ministre. Cela avait commencé effectivement
difficilement, un 14 juillet, par le refus du
Président de la République, de signer des
ordonnances. On avait dit " cohabitation dure
". Après, avec Edouard Balladur, on avait dit "
cohabitation courtoise ". Alors quel est
l'adjectif que vous employez, pour qualifier la
cohabitation avec Lionel JOSPIN ?
le Président - Je crois, d'abord, qu'il faut
attendre un peu, pour voir comment les choses
se déroulent. La courtoisie, naturellement, va
de soi. Mais ce n'est pas le fond du problème.
Dans nos institutions, dans la Constitution,
dans leur pratique, il y a des rôles à peu près
définis entre le Président de la République et le
Gouvernement. Le Président de la République
ayant, notamment, des responsabilités pour ce
qui concerne tous les grands aspects essentiels
de la vie internationale et interne de la Nation.
Nous avons pour objectif d'assurer ce que je
disais tout à l'heure, à la fois un renforcement
de la cohésion nationale, sociale et une
adaptation, une modernisation de notre pays
qui est indispensable et qui ne peut s'obtenir
que par un retour à plus de liberté des uns et
des autres, notamment dans le domaine
économique. Si ces objectifs sont bien ceux du
Gouvernement, alors il n'y aura pas de
problème, naturellement il le fera à sa manière,
avec ses convictions et sa différence par
rapport à l'ancien Gouvernement. Je respecte
cela. Dans cette hypothèse, naturellement, ce
serait, puisque vous voulez que je la
caractérise, une " cohabitation constructive ".
A. Chabot - Est-ce que vous vous calez un peu
sur la position de François Mitterrand en
quelque sorte, c'est-à-dire les institutions, rien
que les institutions ?
le Président - Oui, je crois que M. Mitterrand
avait parfaitement défini, mais enfin, il s'était
contenté de lire la Constitution et d'affirmer
qu'il l'appliquerait, je crois qu'il avait dit : "
toute la Constitution et rien que la Constitution
".
P. Poivre d'Arvor - Mais cette fois-ci, est-ce
que la fonction présidentielle n'est pas un petit
peu affaiblie, malgré que ce soit vous qui ayez
décidé cette dissolution ?
le Président - Pourquoi ? Parce que je serais
plus faible qu'un autre ?
P. Poivre d'Arvor - Jusqu'alors, cela allait
jusqu'au terme des mandats qui avaient été
décidés par la Constitution.
le Président - Cela ne modifie en rien la nature
de la cohabitation.
A. Chabot - Alors, autre qualificatif, comment
sont vos relations avec Lionel Jospin et est-ce
que votre jugement sur l'homme, que vous
connaissez depuis peu, a changé ?
le Président - Je n'ai pas pour habitude
d'inscrire dans un contexte d'intimité les
relations entre le Président de la République et
le Premier ministre. Je suis persuadé que c'est
également son sentiment. Il est le Premier
ministre. Il assume ses fonctions. J'assume les
miennes. Et je souhaite que ce soit dans
l'intérêt de la France.
A. Chabot - Vous aviez dit, l'autre jour, que les
relations personnelles avec vous étaient faciles.
Est-ce que vous dites la même chose ?
le Président - Je ne suis pas quelqu'un
d'agressif. Je n'ai pas noté, non plus, chez lui
une agressivité particulière. Par conséquent,
cela se passe entre gens, dirai-je, de bonne
compagnie.
A. Chabot - Est-ce qu'on peut savoir un peu
comment vous travaillez ?
le Président - Cela n'enlève rien aux
conceptions, aux convictions de chacun.
A. Chabot - Comment travaillez-vous
ensemble ? Le Premier ministre a indiqué, par
exemple, que dernièrement au Sommet
d'Amsterdam, vous aviez dit que la France
avait pris un engagement fort sur le Pacte de
stabilité, que vous tiendriez cet engagement. Il
vous a fait part de ses préoccupations sociales.
Est-ce qu'il y a des dialogues aussi simples et
aussi francs que cela ?
le Président - Tout à fait. Vous savez, j'avais
noté que le Président de la République, de par
la Constitution cette fois-ci, je crois que c'est
son article 5, est, entre autres choses, garant du
respect des traités. Un traité doit être respecté.
P. Poivre d'Arvor - Cela vous paraissait normal
qu'il annonce lui-même le fait qu'il avait été
nommé Premier ministre, désigné par vous-
même, sur le perron de l'Elysée ?
34/92
le Président - Je dirai que c'est un détail.
Chacun a bien imaginé qu'ayant fait savoir que
je l'appelais, ce n'était pas simplement pour le
consulter.
P. Poivre d'Arvor - Est-ce que vous ne vous
sentez pas un petit peu seul, de temps en temps
le mercredi, en Conseil des ministres, au
milieu de vos adversaires ou anciens
adversaires ?
le Président - C'est une situation qui ne
m'émeut pas particulièrement.
P. Poivre d'Arvor - La première fois, cela n'a
pas été un petit peu plus difficile ?
le Président - Non. Cela s'est passé, là-aussi,
dans la compréhension.
(...)
P. Poivre d'Arvor - Dans les ministres que
vous retrouvez chaque mercredi, il y a deux
communistes. Est-ce que vous trouvez que
c'est une incongruité dans ce pays occidental ?
le Président - Je souhaite que l'on parle des
problèmes -et ils sont nombreux- auxquels
nous sommes confrontés, je n'ai pas de
jugement à porter sur la façon dont M. Jospin a
constitué son Gouvernement. J'étais attentif à
certains postes.
P. Poivre d'Arvor - Lesquels ?
le Président - Tout naturellement et
traditionnellement, la défense et les affaires
étrangères, la justice aussi. Pour ce qui
concerne les autres postes, je n'ai pas de
jugement à apporter sur les choix de M. Jospin.
A. Chabot - Justement, quelle est votre
expression favorite ? S'agit-il de : domaine
réservé ou domaine partagé, comme l'utilisait
l'ancien Président sous la cohabitation ?
le Président - Je ne crois pas qu'il y ait de
domaine réservé ou un domaine partagé. La
Constitution prévoit des choses et ces choses
donnent, notamment, une prééminence, et je
dirais, donnant un peu le dernier mot au
Président de la République. Je vous l'ai dit,
tout à l'heure, en parlant des traités, j'aurais pu
parler de la même façon de l'indépendance
nationale, de l'intégrité, etc. Je veux bien
revenir sur la conception que je me fais de la
cohabitation, mais ce n'est pas un domaine
réservé. Le Gouvernement a aussi ses
responsabilités naturellement.(...)
Document 3 : effectif total des cabinets ministériels
Lors de la formation de son Gouvernement, le Premier ministre, François Fillon, a donné des
instructions à ses ministres, en accord avec le président de la République, pour que la taille
des cabinets ministériels soit contenue dans des limites raisonnables, afin de favoriser un
travail d’équipe fructueux.
Après composition de ces cabinets, l’effectif total s’établit à ce jour à un total de 537
membres, tous cabinets confondus.
Document 4 : les gouvernements de la Ve république
présidence gouvernements
Charles de Gaulle
Gouvernement Michel Debré 08/01/1959 - 14/04/1962
Gouvernement Georges Pompidou I 14/04/1962 - 28/11/1962
Gouvernement Georges Pompidou II 28/11/1962 - 08/01/1966
Gouvernement Georges Pompidou III 08/01/1966 - 01/04/1967
Gouvernement Georges Pompidou IV 06/04/1967 - 31/05/1968
Gouvernement Georges Pompidou IV remanié 31/05/1968 - 10/07/1968
Gouvernement Maurice Couve de Murville 10/07/1968 - 20/06/1969
Georges Pompidou Gouvernement Jacques Chaban-Delmas 20/06/1969 - 05/07/1972
35/92
Gouvernement Pierre Messmer I 05/07/1972 - 28/03/1973
Gouvernement Pierre Messmer II 02/04/1973 - 27/02/1974
Gouvernement Pierre Messmer III 27/02/1974 - 27/05/1974
Valéry Giscard d'Estaing
Gouvernement Jacques Chirac 27/05/1974 - 25/08/1976
Gouvernement Raymond Barre I 25/08/1976 - 29/03/1977
Gouvernement Raymond Barre II 29/03/1977 - 31/03/1978
Gouvernement Raymond Barre III 03/04/1978 - 13/05/1981
François Mitterrand
Gouvernement Pierre Mauroy I 21/05/1981 - 22/06/1981
Gouvernement Pierre Mauroy II 22/06/1981 - 22/03/1983
Gouvernement Pierre Mauroy III 22/03/1983 - 17/07/1984
Gouvernement Laurent Fabius 17/07/1984 - 20/03/1986
Gouvernement Jacques Chirac * 20/03/1986 - 10/05/1988
Gouvernement Michel Rocard I 10/05/1988 - 22/06/1988
Gouvernement Michel Rocard II 23/06/1988 - 15/05/1991
Gouvernement Edith Cresson 15/05/1991 - 02/04/1992
Gouvernement Pierre Bérégovoy 03/04/1992 - 29/03/1993
Gouvernement Édouard Balladur * 29/03/1993 - 11/05/1995
Jacques Chirac
Gouvernement Alain Juppé I 07/05/1995 - 07/11/1995
Gouvernement Alain Juppé II 07/11/1995 - 02/06/1997
Gouvernement Lionel Jospin * 02/06/1997 - 07/05/2002
Gouvernement Jean-Pierre Raffarin I 07/05/2002 - 17/06/2002
Gouvernement Jean-Pierre Raffarin II 17/06/2002 - 30/03/2004
Gouvernement Jean-Pierre Raffarin III 31/03/2004 - 30/05/2005
Gouvernement Dominique de Villepin 30/05/2005 -15/05/2007
Nicolas Sarkozy Gouvernement François Fillon I 18/05/2007 - 18/06/2007
Gouvernement François Fillon II 19/06/2007 - ...
Document 5 : Extrait d’un document de travail sur la structure du gouvernement
Est-il opportun de limiter pour l’avenir le nombre de membres du gouvernement ?
• Si oui, la fixation du nombre – et le cas échéant du rang – des ministres doit-elle être fixée au niveau
constitutionnel ?
• Ne relève-t-elle pas plutôt de la loi organique ?
• Faut-il laisser hors du champ de cette limitation les ministres délégués et secrétaires d’Etat ?
• Cette limitation peut-elle ne concerner que les ministres chargés des fonctions régaliennes ?
• Serait-il envisageable et utile de fixer au niveau d’une loi organique non seulement le nombre
maximal, mais encore les principales attributions des ministres de plein exercice ?
• Le principe de la parité hommes/femmes devrait-il, le cas échéant, être pris en compte par les
dispositions normatives afférentes à la structure du gouvernement ?
Document 6 : extrait d’un document de travail du comité constitutionnel sur la
clarification des rôles entre le président de la république et le premier ministre
Faut-il prévoir dans la Constitution que le Président de la République détermine la politique de la
nation ?
36/92
- Une telle modification de l’article 20 de la Constitution devrait-elle conduire à modifier également
l’article 5, qui fait du Président de la République un arbitre ?
- Le Premier ministre aurait-il alors pour mission de conduire cette politique ? de la mettre en œuvre ?
ou seulement de coordonner l’action des ministres ?
- Ne faudrait-il pas modifier aussi l’article 21 de la Constitution, aux termes duquel le Premier
ministre dirige l’action du Gouvernement et est responsable de la défense nationale ?
• Le Président de la République doit-il pouvoir mettre fin aux fonctions du Premier ministre sans que
celui-ci lui présente formellement la démission de son gouvernement, comme le prévoit actuellement
l’article 8 de la Constitution ?
• Le Président de la République peut-il se passer de « l’écran » du Premier ministre face aux difficultés
quotidiennes du gouvernement du pays ? Ne risque-t-il pas de mettre à mal son autorité ?
• Que se passerait-il en cas de cohabitation ?
- En inscrivant dans la Constitution que le Président de la République détermine (et conduit ?) la
politique de la nation, ne risque-t-on pas de rendre la cohabitation impossible, le Premier ministre issu
d’une majorité parlementaire hostile au Président de la République n’ayant plus la charge de la
politique de la nation ? Faut-il alors craindre une crise de régime ?
- Faut-il prendre des mesures pour rendre cette hypothèse moins probable qu’elle ne l’est aujourd’hui,
notamment en cas de démission ou de décès du Président de la République avant le terme de son
mandat ?
• Le Président de la République peut-il déterminer la politique de la nation sans que soient introduites
de nouvelles modalités de mise en jeu de la responsabilité politique du chef de l’Etat ?
- Si, en particulier, l’Assemblée nationale renversait le Gouvernement, quelles en seraient les
conséquences pour le Président de la République dont le Gouvernement procéderait directement ?
- Faut-il le contraindre à se présenter à nouveau devant le suffrage universel pour restaurer sa
légitimité ?
- Faut-il prévoir une dissolution automatique de l’Assemblée nationale pour que le peuple tranche la
question ?
- En cas d’échec de la dissolution pour le chef de l’Etat, faut-il le contraindre à se retirer ?
- Un tel dispositif, qui introduirait un mécanisme de responsabilité directe devant le peuple, n’aurait-il
pas un caractère plébiscitaire ?
37/92
FICHE N° 4
L’EXECUTIF (III)
La responsabilité des gouvernants
I/ DOCUMENTS REPRODUITS 1. Discours du garde des sceaux concernant le projet de loi constitutionnel au Sénat
2. La Haute Cour et la Cour de Justice de la république présentée par l’assemblée nationale
3. Hervé Morin plaide pour une réforme du statut pénal du président, Nouvel observateur, 29 octobre
2007
4. Note de synthèse du Sénat relative à la responsabilité des gouvernants
II/ bibliographie AUVRET (P.), « La responsabilité du Chef de l’Etat sous la V
ème République », R.D.P., 1988, pp. 77-
117.
CARCASSONNE (G.), « Typologie des cabinets », Pouvoirs, n°36, 196, pp. 85-91.
CHENAT (B.), « Le ministre, chef d'une administration », Pouvoirs, n°36, 1986, pp. 79-84.
FOYER (J.), « Les ministres entre eux », Pouvoirs, n°36, pp. 102-116.
LIMOUZY (J.), « Les rapports du ministre avec le Parlement et les partis », Pouvoirs, n°36, pp. 1986,
pp. 93-101.
MAUS (D.), « Démissions et révocations des ministres sous la V ème
République », Pouvoirs,
n°36,1986, pp. 117-134.
QUERMONNE (J.-L.), « Les cabinets ministériels », Pouvoirs, n°68, 1994, pp. 61-76.
SEGUR (P.) Gouvernants : quelle responsabilité ?, L'Harmattan, 2001
III/ NOTIONS A CONNAITRE
a) Hiérarchie, incompatibilités et solidarité gouvernementale.
b) Ministre d’Etat, ministres, ministre délégué, secrétaire d’Etat.
c) Le Conseil des Ministres, conseil de cabinet.
d) L’ordre du jour du conseil des Ministres.
IV/ EXERCICES SUGGERES
a) Responsabilité personnelle et responsabilité collégiale.
b) La responsabilité pénale des ministres sous la Vème
République.
c) Gouvernement et partis politiques.
d) Le « dédoublement fonctionnel » des ministres.
38/92
e) L’organisation du travail gouvernemental.
Document 1 : discours du garde des sceaux concernant le projet de loi constitutionnelle
au Sénat
Responsabilité pénale du Président de la
République
Discours du garde des Sceaux concernant le
Projet de loi constitutionnelle au Sénat
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Le régime de la responsabilité du chef de l’Etat
interpelle tous les démocrates, quelle que soit
leur époque. Au vieux principe monarchique
selon lequel « le Roi ne peut mal faire », la IIe
République avait instauré un régime de
responsabilité politique très large du Président,
sa constitution précisant que celui-ci est
responsable des « actes du gouvernement et de
l'administration ».
Depuis les lois constitutionnelles de 1875, la
responsabilité politique du Chef de l’Etat ne
peut être mise en cause devant les assemblées
parlementaires à raison des actes qu’il
accomplit en cette qualité. Le Président n’est
responsable politiquement que devant le
peuple qui lui a donné son mandat et peut
choisir de ne pas lui renouveler.
La tradition constitutionnelle conduit dans le
même temps à ce que la responsabilité pénale
du Chef de l’Etat ne puisse être mise en jeu
qu’en cas de « haute trahison ». La
Constitution du 4 octobre 1958 dispose, dans
son article 68, que « le Président de la
République (…) ne peut être mis en accusation
que par les deux assemblées statuant par un
vote identique au scrutin public et à la
majorité absolue des membres les composant ;
il est jugé par la Haute Cour de Justice. ».
Ainsi rappelées, ces règles posées par le Titre
IX de notre Constitution semblent simples.
Elles sont pourtant apparues, à l’expérience,
sources d’ambiguïtés.
Par sa décision du 22 janvier 1999, relative à la
Cour pénale internationale, le Conseil
constitutionnel a interprété l’article 68 comme
instituant un privilège de juridiction. Il a en
effet précisé que pendant la durée de ses
fonctions, la responsabilité pénale du Président
de la République ne peut être mise en cause
que devant la Haute Cour de Justice selon les
modalités fixées par le même article.
Ainsi, pour le juge constitutionnel, la Haute
Cour a compétence pour connaître de
l’ensemble de la responsabilité pénale du
Président de la République, y compris
s’agissant des actes antérieurs ou détachables
de l’exercice de ses fonctions. Le Chef de
l’Etat bénéficie d’un privilège de juridiction de
portée générale.
Par son arrêt du 10 octobre 2001, la Cour de
cassation a confirmé que le Président de la
République, hors le cas de haute trahison, ne
peut être poursuivi devant aucune juridiction
pendant l’exercice de son mandat et ce y
compris à raison de faits antérieurs à son
élection ou sans rapport avec l’exercice de ses
fonctions. Pour autant, elle a estimé que le
Chef de l’Etat ne bénéficiait pas d’un privilège
de juridiction.
Elle a en effet jugé que : « la Haute Cour de
justice n'étant compétente que pour connaître
des actes de haute trahison du Président de la
République commis dans l'exercice de ses
fonctions, les poursuites pour tous les autres
actes devant les juridictions pénales de droit
commun ne peuvent être exercées pendant la
durée du mandat présidentiel, la prescription
de l'action publique étant alors suspendue ».
Pour l’autorité judiciaire, le Chef de l’Etat est
donc passible, hors le cas de haute trahison,
des tribunaux de droit commun, mais il
bénéficie d’une inviolabilité temporaire
pendant la durée de son mandat, la prescription
étant suspendue pendant le même temps.
Ainsi, d’une part, les deux juridictions
s’accordent sur l’essentiel : le Président de la
République, hors le cas de haute trahison, ne
saurait, pendant son mandat, être mis en cause
devant aucune juridiction pénale de droit
commun. Mais, d’autre part, une divergence
d’analyse révèle un doute sur la portée exacte
des dispositions de l’article 68 de la
Constitution. Par ailleurs, les termes de cet
article nécessitent d’être précisés, notamment
ceux de « haute trahison ».
39/92
Toutes ces considérations ont conduit le
Président de la République, conformément à
l’engagement exprimé devant l’ensemble de
nos concitoyens, à demander à une
commission présidée par le Professeur Pierre
AVRIL, de « réfléchir et [lui] faire, le cas
échéant, des propositions sur le statut pénal du
Président de la République ».
Cette commission a proposé une révision
complète du Titre IX de la Constitution,
procédant à une réécriture intégrale des articles
67 et 68. Le Chef de l’Etat et le Gouvernement
ont choisi de faire leurs les propositions de la
commission dont les principaux éléments
peuvent être résumés comme suit :
réaffirmation du principe d’immunité du
Président pour les actes accomplis en cette
qualité,
inviolabilité durant le mandat pour les
autres actes avec cependant la possibilité, de
destitution « en cas de manquement à ses
devoirs manifestement incompatible avec
l’exercice de son mandat ».
L’article unique du projet de loi qui vous est
présenté modifie l’intitulé du Titre IX actuel de
la Constitution, « la Haute Cour de Justice »,
remplacé par « la Haute Cour ». Ce Titre est
toujours composé des articles 67 et 68, mais
ceux-ci sont totalement ré-écrits.
L’article 67 nouveau pose les règles de fond
applicables à la responsabilité du chef de
l’Etat. Il est constitué de trois alinéas.
Le premier réaffirme le principe traditionnel
d’immunité du Président de la République
pour les actes accomplis en cette qualité. La
rédaction ainsi retenue fait disparaître
l’ambiguïté de l’expression « dans l’exercice
de ses fonctions ». Ainsi, pour tous les actes
accomplis par le Chef de l’Etat pendant la
durée de son mandat, l’irresponsabilité est la
règle.
Deux limites sont toutefois posées à ce
principe : celle qui résulte de l’instauration, par
l’article 68 nouveau, d’une procédure de
destitution et celle qui procède de la
compétence, déjà reconnue à l’article 53-2 de
la Constitution, de la Cour pénale
internationale.
Le second alinéa est consacré à tous les autres
actes du Président de la République, c’est à
dire à ceux accomplis pendant la durée de son
mandat, mais sans lien avec celui-ci et ceux
commis antérieurement à son élection. Il pose
un principe d’inviolabilité de portée générale.
L’Assemblée Nationale a adopté, avec l’accord
du Gouvernement, deux amendements
précisant la portée de ce principe.
Le premier amendement permet d’expliciter
que, durant son mandat, toute action à
l’encontre du Président est exclue, quels qu’en
soient l’objet ou la finalité, devant toute
juridiction y compris civile ou autorité
administrative.
Le Président ne peut notamment pas être requis
de témoigner, ce qui ne fait nullement obstacle
à un témoignage spontané. De manière
générale, aucun acte de procédure ne peut être
imposé au Chef de l’Etat, mais il lui est
toujours loisible d’y répondre.
Le second amendement consiste à préciser que
les délais de prescription et de forclusion sont
suspendus pendant la durée du mandat.
Le projet de texte proposé par la commission
Avril comportait à cet alinéa un renvoi au
législateur organique afin qu’il définisse les
conditions dans lesquelles doit se réaliser le
retour à l’application du droit commun à
l’issue du mandat. Il est toutefois apparu au
Gouvernement que la détermination de ces
conditions constituait un point fondamental de
la réforme qui méritait de figurer dans la
Constitution elle-même. C’est la raison pour
laquelle ce renvoi a été remplacé par un
troisième alinéa qui fixe à un mois après la
cessation des fonctions le délai à l’issue duquel
prend fin la suspension des procédures et des
prescriptions.
L’article 68 nouveau est sensiblement plus
novateur. Composé de six alinéas, il introduit
dans nos institutions une procédure de
destitution.
Cette destitution du Président de la République
ne pourra, compte tenu du rôle éminent qui est
le sien, être décidée qu’« en cas de
manquement à ses devoirs manifestement
incompatible avec l’exercice de son mandat ».
La notion de « haute trahison », aux contours
incertains, est abandonnée au profit d’une
expression qui, sans qualifier ce manquement,
ni par référence à sa nature, ni par le degré de
sa gravité, consacre un critère tenant
exclusivement au fait que ce manquement
40/92
serait incompatible avec la poursuite du
mandat, c’est-à-dire, avec la dignité de la
fonction. Le recours à l’adverbe «
manifestement » marque que la reconnaissance
de ce manquement ne saurait procéder d’une
logique partisane et qu’elle doit transcender les
clivages politiques.
Le caractère unique de cette responsabilité, qui
suppose l’appréciation du comportement d’un
homme au regard des exigences de ses
fonctions, imposait qu’elle fut mise en cause
devant un organe non juridictionnel et qui soit
doté d’une légitimité démocratique égale à
celle du Chef de l’Etat. C’est ce qui a conduit à
conférer ce pouvoir au Parlement, siégeant,
dans son intégralité, en Haute Cour.
La procédure est aménagée en deux temps. La
proposition de réunion de la Haute Cour doit
d’abord être successivement adoptée par
chacune des deux assemblées. La Haute Cour,
présidée par le président de l’Assemblée
nationale, statue ensuite par un vote à bulletins
secrets.
Cette procédure a été améliorée sur deux
points très importants par l’Assemblée
Nationale.
D’abord, afin de d’éviter les dérives partisanes,
les votes intervenant en application de ce
dispositif devront être acquis à la majorité
qualifiée des deux tiers. Cette modification est
parfaitement en adéquation avec l’objectif
poursuivi, qui est de sanctionner des
comportements tout à fait incompatibles avec
l’exercice de la fonction présidentielle,
indépendamment de toute logique politicienne.
Ensuite, toute délégation de vote est désormais
interdite. La mise en œuvre de la procédure
suppose en effet une appréciation délicate de la
compatibilité de faits avec l’exercice de la
fonction présidentielle.
Une telle appréciation ne peut être que
personnelle et ne saurait se faire par
procuration. Au surplus, la gravité des
conséquences qui pourraient s’attacher à la
mise en œuvre de cette procédure implique que
chacun soit amené à se déterminer en
conscience lors des deux phases de la
procédure.
L’Assemblée Nationale a également modifié,
avec l’accord du Gouvernement, les
conséquences qui s’attachent à la décision
conjointe des deux chambres de réunir la
Haute Cour. Il est en effet apparu difficile de
prévoir une période suspension du Président de
la République pendant le déroulement de la
procédure parlementaire. Si cette procédure ne
devait pas aboutir à la destitution du Chef de
l’Etat, son autorité, après une période de
suspension, serait affaiblie.
Dans le même temps, il n’est pas souhaitable
que le Président de la République demeure trop
longtemps sous la menace d’une éventuelle
destitution. C’est pourquoi il est apparu
nécessaire de réduire de deux à un mois le
délai imparti à la Haute Cour pour se
prononcer.
La décision de la Haute Cour, de destituer, ou
pas, le Président est d’effet immédiat. En cas
de destitution, il est définitivement mis fin au
mandat en cours du Président, qui redevient
par le même fait un justiciable ordinaire.
Enfin, l’article 68 habilite le législateur
organique à fixer ses conditions d’application.
Celle-ci pourra notamment, et conformément
aux propositions de la commission Avril,
prévoir des règles relatives à la recevabilité des
propositions de résolutions tendant à la réunion
de la Haute Cour, imposer des délais, afin que
ne dure trop longtemps la période de mise en
cause du chef de l’Etat, ainsi qu’imposer des
précautions afin que celui-ci puisse assurer sa
défense.
Le texte ne prévoyant pas de disposition
transitoire ou d’application différée, les règles
qu’il fixe à l’article 67 trouveront à s’appliquer
au mandat en cours. Celles relatives à la Haute
Cour deviendront applicables dès l’entrée en
vigueur de la loi organique nécessaire à sa
mise en œuvre.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Le projet de loi constitutionnelle qui vous est
présenté est inspiré par la volonté de dissocier
les logiques judiciaire et politique. De ce fait,
il confie aux représentants du peuple, et pas à
une juridiction spéciale, la responsabilité de
destituer, le cas échéant, le Chef de l’Etat élu
au suffrage universel direct. Il ne s’agit
nullement là de changer la nature du régime ni
même d’en modifier l’équilibre. Au contraire,
ce choix s’inscrit dans le prolongement des
constituants de 1875, 1946 et 1958. Il s’agit,
pour l’essentiel, d’apporter des précisions
nécessaires quant à l’irresponsabilité du Chef
41/92
de l’Etat et de consacrer la simple suspension
de la prescription en ce qui concerne son
inviolabilité.
Le dispositif proposé par le Gouvernement a
été amélioré de manière consensuelle par
l’Assemblée Nationale, sans que son équilibre
ne soit remis en cause.
Certains parlementaires se sont interrogés sur
l’opportunité de présenter une réforme
constitutionnelle sur cette question à la fin de
la législature. Permettez-moi cependant de
souligner son intérêt.
D’abord, il s’agit là d’un engagement du
Président de la République pris lors de la
campagne présidentielle. Chacun a à cœur de
montrer que les engagements électoraux de
notre majorité ont vocation à être respectés.
Ensuite, cette réforme clarifie un point de droit
et supprime, dès lors, une polémique politique
stérile. Elle permettra donc aux Français de se
prononcer, en conscience, sur les vrais enjeux
de la campagne présidentielle.
Enfin, ce projet est l’occasion de montrer
qu’au-delà de nos clivages, nous partageons un
même respect pour la fonction présidentielle et
la règle du jeu démocratique.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter
ce projet de loi constitutionnelle.
Document 2 : la Haute Cour et la Cour de Justice présentée par l’assemblée nationale
La Haute Cour
La Haute Cour succède à la Haute Cour de
justice - tribunal pénal particulier compétent
pour juger le Président de la République -
créée par les lois constitutionnelles de la
Troisième République.
Selon les dispositions initiales de la
Constitution le tribunal était composé de
membres élus, en leur sein et en nombre égal,
par l'Assemblée nationale et par le Sénat.
L'ordonnance n° 59-1 du 2 janvier 1959
portant loi organique sur la Haute Cour de
justice précisait que les 24 juges étaient élus
pour la durée de leur mandat parlementaire et
qu'ils prêtaient serment devant l'assemblée
dont ils étaient membres.
L'article 68 de la Constitution disposait
initialement que le Président de la République
n'était responsable des actes accomplis dans
l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute
trahison, ne pouvant être mis en accusation que
par les deux assemblées statuant par un vote
identique au scrutin public et à la majorité
absolue des membres les composant, et étant
jugé par la Haute Cour de justice.
Dans une décision n° 98-408 DC du 22 janvier
1999 - Traité portant Statut de la Cour pénale
internationale (document sur le site du
Conseil), le Conseil constitutionnel a indiqué
"qu'il résulte de l'article 68 de la Constitution
que le Président de la République, pour les
actes accomplis dans l'exercice de ses
fonctions et hors le cas de haute trahison,
bénéficie d'une immunité ; qu'au surplus,
pendant la durée de ses fonctions, sa
responsabilité pénale ne peut être mise en
cause que devant la Haute Cour de justice,
selon les modalités fixées par le même
article..."
Si les deux assemblées du Parlement devaient
adopter dans les mêmes termes une résolution
portant mise en accusation du Président de la
République, une commission composée de
5 magistrats de la Cour de cassation avait à
instruire les faits incriminés et à décider du
renvoi de l'affaire devant la Haute Cour de
justice.
Les débats devant cette Cour devaient suivre
les règles du code de procédure pénale en
matière criminelle. Toutefois, l'arrêt de la
Haute Cour de justice n'était susceptible ni
d'appel, ni de pourvoi en cassation.
La révision constitutionnelle du 23 février
2007 (Loi constitutionnelle n° 2007-238 du 23
février 2007 portant modification du titre IX de
la Constitution publiée au Journal Officiel du
24 février 2007 [sur le site Légifrance]) a
profondément transformé le régime de
responsabilité du Président de la République
qui se traduisait antérieurement par une
irresponsabilité de principe, sauf le cas de
haute trahison, et avait donné lieu à des
interprétations divergentes du Conseil
constitutionnel (décision n° 98-408 DC du 22
42/92
janvier 1999) et de la Cour de cassation (Cass.
plén. 10 octobre 2001 M. Breisacher).
L’article 67 de la Constitution prévoit
désormais que le Président de la République
est irresponsable pour les actes accomplis en
cette qualité sauf dans les hypothèses de
compétence de la Cour pénale internationale
(art. 53-2) ou de la Haute Cour (art. 68). En
outre, s’agissant des actes accomplis avant le
début de son mandat ou dépourvus de lien avec
celui-ci, le Président de la République ne peut,
durant son mandat et devant aucune juridiction
ou autorité administrative française, être requis
de témoigner non plus que de faire l’objet
d’une action, d’un acte d’information,
d’instruction ou de poursuite. Cette
inviolabilité temporaire couvre ainsi tant le
champ civil et administratif que le champ
pénal, la réparation et la sanction. En
contrepartie, il est expressément prévu que tout
délai de prescription et de forclusion est
suspendu et que les instances et procédures
auxquelles il est ainsi fait obstacle pourront
reprendre un mois après la cessation des
fonctions du Président de la République.
L’article 68 institue une procédure originale de
destitution du Président de la République en
cas de manquement à ses devoirs
manifestement incompatible avec l’exercice de
son mandat, notion qui n’est définie ni par la
nature, ni par la gravité du manquement mais
par son caractère inconciliable avec la
poursuite du mandat. Afin d’en souligner le
caractère politique, la destitution est prononcée
par le Parlement tout entier réuni en Haute
Cour, instance qui remplace la Haute Cour de
justice.
La procédure de saisine et de décision de la
Haute Cour obéit à des règles particulièrement
strictes et exigeantes. La Haute Cour doit être
saisie par une résolution adoptée par chacune
des deux assemblées. Une fois réunie, elle se
prononce à bulletins secrets sur la destitution
dans un délai d’un mois. Les décisions de
réunion de la Haute Cour et de destitution
doivent être prises à la majorité des deux tiers
des membres composant l’assemblée
concernée ou la Haute Cour, sans délégation
de vote, et seuls les votes favorables à la
décision étant recensés.
Les dispositions de cet article seront précisées
par une loi organique.
La cour de justice de la république
A l'occasion de la révision introduite par la loi
constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993,
le titre X de la Constitution, relatif à la
responsabilité pénale des membres du
Gouvernement, a substitué à leur jugement par
la Haute Cour de Justice pour les crimes et
délits commis dans l'exercice de leur fonction,
une procédure devant une nouvelle juridiction
pénale, la Cour de justice de la République.
L'article 68-3 prévoit que cette nouvelle
procédure s'applique rétroactivement aux faits
commis avant son adoption.
L'article 68-1 indique que les membres du
Gouvernement sont pénalement responsables
des actes accomplis dans l'exercice de leurs
fonctions et qualifiés crimes ou délits au
moment où ils ont été commis, qu'ils sont
jugés par la Cour de justice de la République
qui, à la différence de la Haute Cour de justice,
est liée par la définition des crimes et délits
ainsi que par la détermination des peines telles
qu'elles résultent de la loi.
Selon l'article 68-2, la Cour de justice de la
République comprend quinze juges : douze
parlementaires élus, en leur sein et en nombre
égal, par l'Assemblée nationale et par le Sénat
et trois magistrats du siège à la Cour de
cassation, dont l'un préside la Cour.
Toute personne qui se prétend lésée par un
crime ou un délit commis par un membre du
Gouvernement dans l'exercice de ses fonctions
peut porter plainte auprès d'une commission
des requêtes composée de magistrats. Cette
commission ordonne soit le classement de la
procédure, soit sa transmission au procureur
général près la Cour de cassation aux fins de
saisine de la Cour de justice de la République.
Le procureur général près la Cour de cassation
peut aussi saisir d'office la Cour de justice de
la République sur avis conforme de la
commission des requêtes.
La loi organique n° 93-1252 du 23 novembre
1993 prévoit que la Cour de justice de la
République vote, après la clôture des débats,
sur chaque chef d'accusation à la majorité
absolue par bulletins secrets puis sur
l'application de la peine infligée à un accusé
déclaré coupable. Son arrêt peut faire l'objet
d'un pourvoi en cassation. Si l'arrêt est cassé, la
43/92
Cour de justice doit être entièrement
recomposée avant de juger à nouveau l'affaire.
Voir aussi : le décret n° 95-692 du 9 mai 1995
relatif au régime indemnitaire des membres de
la Cour de justice de la République, de la
commission d'instruction et de la commission
des requêtes instituées près cette juridiction
ainsi que des magistrats y exerçant le ministère
public
Document 3 : Hervé Morin plaide pour une réforme du statut pénal du président,
Nouvel observateur, 29 octobre 2007
Le ministre de la Défense et président du Nouveau Centre était auditionné par le comité Balladur sur la
réforme des institutions.
Le ministre de la Défense et président du Nouveau Centre, Hervé Morin, s'est prononcé devant le
comité Balladur sur la réforme des institutions en faveur d'"une remise à plat " de la responsabilité
pénale du chef de l'Etat. Estimant que le dispositif actuel est "totalement bancal" et quasiment
inopérant", il a expliqué "les conditions de la mise en œuvre de la responsabilité pénale du chef de
l'Etat méritent selon moi d'être reposées, dans des termes qui permettent, quand il le faut, que la justice
puisse suivre son cours".
Et d'ajouter toutefois : "Bien entendu, il faut des protections, mais le système tel qu'il a été arrêté" en
2007 par le Parlement, "de toute évidence est totalement bancal et quasiment inopérant", a-t-il jugé.
Une mise en cause pénale impossible
Hervé Morin a estimé que le système de la majorité des deux tiers, requis en cas de procédure de
destitution par le Parlement, "rend impossible la mise en cause de la responsabilité pénale du chef de
l'Etat". Par ailleurs, "on explique que les parlementaires peuvent engager une procédure, sans qu'il y
ait d'instruction préalable", a-t-il ajouté. "On ne voit pas bien comment le système peut s'articuler".
Enfin, le ministre de la Défense a estimé que la distinction des actes "détachables et non détachables"
de la fonction présidentielle, pendant le mandat du chef de l'Etat, était "extrêmement difficile à
apprécier".
Document 4 : note de synthèse du Sénat relative à la responsabilité des gouvernants
En France, la responsabilité pénale du
président de la République fait l'objet de
l'article 68 de la Constitution, qui énonce :
« Le président de la République n'est
responsable des actes accomplis dans
l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute
trahison. Il ne peut être mis en accusation que
par les deux assemblées statuant par un vote
identique au scrutin public et à la majorité
absolue des membres les composant ; il est
jugé par la Haute cour de justice. »
Il apparaît donc clairement que, pour les actes
accomplis dans l'exercice de ses fonctions, la
responsabilité pénale du chef de l'État ne peut
pas être engagée, sauf cas de haute trahison.
Pour les autres actes, qu'ils aient été commis
avant le début du mandat ou en cours de
mandat, l'ambiguïté de la formulation
constitutionnelle a provoqué un débat
doctrinal. Toutefois, le Conseil
constitutionnel a estimé le 22 janvier 1999,
dans sa décision 98-408, relative à la Cour
pénale internationale, que, pendant la durée
de son mandat, la responsabilité pénale du
président de la République ne pouvait être
mise en cause que devant la Haute cour de
justice, selon la procédure prévue par
l'article 68 de la Constitution, aussi bien pour
les actes commis dans l'exercice de ses
fonctions et qualifiables de haute trahison que
pour tous les autres actes.
D'après l'interprétation du Conseil
constitutionnel, le président de la
République serait donc soumis à un régime
dérogatoire au droit commun pendant toute
44/92
la durée de son mandat pour l'ensemble des
infractions qu'il aurait pu commettre.
L'interprétation que le Conseil constitutionnel
a donnée à l'article 68 de la Constitution a
entraîné le dépôt à l'Assemblée nationale d'une
proposition de loi constitutionnelle tendant à
modifier l'article 68 de la Constitution.
Adoptée à l'Assemblée nationale le 19 juin
2001, elle sera prochainement discutée au
Sénat. Cette proposition ne modifie pas le
régime de la responsabilité pénale du président
de la République pour les actes commis dans
l'exercice des fonctions présidentielles. En
revanche, pour les autres infractions, commises
avant ou pendant le mandat, elle prévoit
d'appliquer le droit commun, en introduisant
seulement un dispositif judiciaire spécifique de
filtrage visant à éliminer les demandes
infondées.
Dans les pays voisins, la question est résolue
de manière différente selon qu'il s'agit d'une
monarchie ou d'une république. Dans les
monarchies constitutionnelles, les souverains
jouissent en effet d'une immunité absolue.
Pour cette raison, la présente étude analyse
également le régime de la responsabilité pénale
des chefs de gouvernement. Elle prend en
compte dix pays européens, parmi lesquels
cinq sont des républiques et cinq des
monarchies : l'Allemagne, l'Autriche, la
Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Grèce,
l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal et le
Royaume-Uni.
L'analyse des règles en vigueur dans ces dix
pays permet de mettre en évidence que :
- à la différence des monarques, les
présidents de la République ne jouissent pas
d'une immunité absolue, mais ils bénéficient
d'un régime dérogatoire au droit commun
tant pour les infractions commises dans
l'exercice des fonctions présidentielles que
pour les autres infractions ;
- dans les monarchies parlementaires, la
responsabilité pénale du Premier ministre
relève parfois d'une procédure dérogatoire
au droit commun pour les infractions
commises dans l'exercice de ses fonctions,
tandis que, pour les autres infractions, elle
est partout, sauf en Belgique, engagée selon
la procédure de droit commun.
1) À la différence des monarques, les
présidents de la République ne jouissent pas
d'une immunité absolue, mais ils bénéficient
d'un régime dérogatoire au droit commun
tant pour les infractions commises dans
l'exercice des fonctions présidentielles que
pour les autres infractions
a) Les infractions commises dans l'exercice
des fonctions présidentielles
Dans chacune des cinq républiques étudiées, la
responsabilité pénale du président de la
République pour des infractions commises
dans l'exercice de ses fonctions peut être mise
en cause seulement après que le Parlement a
adopté une décision de mise en accusation. De
plus, lorsque le Parlement est bicaméral,
l'accord des deux assemblées est nécessaire,
sauf en Allemagne.
Si le Parlement se prononce sur la mise en
accusation dans tous les pays, l'étendue de
la responsabilité et la juridiction de
jugement diffèrent d'un pays à l'autre.
En Grèce et en Italie, le président de la
République n'est responsable des actes
accomplis dans l'exercice de ses fonctions
qu'en cas de haute trahison ou de violation de
la Constitution. Il est alors jugé par une
juridiction ad hoc, composée en Grèce de
hauts magistrats de l'ordre judiciaire et en Italie
des membres de la Cour constitutionnelle et de
citoyens.
En revanche, d'après les autres Constitutions,
les possibilités de mettre en cause la
responsabilité pénale du président de la
République pour des actes commis dans
l'exercice de ses fonctions sont plus
nombreuses :
- la Loi fondamentale allemande évoque les
violations délibérées, non seulement de Loi
fondamentale, mais aussi des autres lois
fédérales ;
- la Constitution fédérale autrichienne
distingue deux procédures, l'une applicable aux
« violations » de son texte et l'autre aux « actes
passibles de poursuites pénales (...) en rapport
avec l'exercice de ses fonctions » ;
45/92
- la Constitution portugaise mentionne
seulement les délits commis dans l'exercice de
ses fonctions sans autre précision.
En Allemagne et en Autriche, le président de la
République est alors jugé par la Cour
constitutionnelle, tandis qu'au Portugal il est
jugé par la juridiction suprême de l'ordre
judiciaire.
b) Les infractions commises hors de l'exercice
des fonctions présidentielles
Le président de la République est partout
soumis à un régime dérogatoire : dans
certains pays, aucune procédure ne peut
commencer en cours de mandat sans
l'accord du législateur et, dans les autres, les
infractions commises hors de l'exercice des
fonctions présidentielles ne peuvent être
jugées qu'après la fin du mandat.
En Allemagne, où le régime de l'immunité
parlementaire s'applique au président de la
République « par analogie », aucune poursuite
n'est possible sans l'accord du Bundestag. De
même, en Autriche, le consentement de
l'Assemblée fédérale, c'est-à-dire des deux
chambres réunies, est nécessaire à
l'engagement des poursuites.
En revanche, les constitutions grecque et
portugaise prévoient la suspension de la
procédure pénale pendant la durée du mandat.
En Italie, où la question n'est pas
définitivement tranchée, la doctrine semble
admettre la même solution.
2) Dans les monarchies parlementaires, la
responsabilité pénale du Premier ministre
relève parfois d'une procédure dérogatoire
au droit commun pour les infractions
commises dans l'exercice de ses fonctions,
tandis que, pour les autres infractions, elle
est partout, sauf en Belgique, engagée selon
la procédure de droit commun
a) Les infractions commises dans l'exercice
des fonctions ministérielles
Les infractions commises dans l'exercice des
fonctions ministérielles sont jugées selon le
droit commun au Royaume-Uni et au
Danemark.
Au Royaume-Uni, les infractions commises
par le Premier ministre relèvent, quelle que
soit leur nature, de la procédure pénale
ordinaire, les ministres ne jouissant d'aucune
immunité et d'aucun privilège de juridiction.
Au Danemark, il existe une loi relative à la
responsabilité des ministres, qui s'applique
notamment au chef du gouvernement. Elle
considère comme une infraction commise dans
l'exercice des fonctions ministérielles le fait de
manquer à ses obligations, intentionnellement
ou par négligence grave, et limite la peine
maximale à un emprisonnement de deux ans,
mais sans prévoir de procédure spécifique.
En revanche, dans les autres monarchies
parlementaires, les infractions commises
dans l'exercice des fonctions ministérielles
sont jugées selon une procédure dérogatoire
au droit commun. En Belgique et aux Pays-
Bas, ce régime spécifique s'applique à toutes
les infractions liées à la fonction, alors que, en
Espagne, il ne concerne que les plus graves.
En Belgique, les dispositions constitutionnelles
relatives à la responsabilité pénale des
ministres ont été modifiées par la loi
constitutionnelle du 12 juin 1998. Avant la
réforme, les ministres étaient mis en accusation
par la Chambre des représentants et jugés par
la Cour de cassation. Le nouveau régime se
rapproche du droit commun, les ministres étant
jugés par la cour d'appel après que le parquet a
intenté l'action pénale. Cependant, la Chambre
des représentants vérifie que la requête du
ministère public tendant à demander la saisine
de la chambre des mises en accusation est
fondée. Elle doit également autoriser toute
arrestation.
Aux Pays-Bas, les infractions commises par les
ministres dans l'exercice de leurs fonctions
sont jugées selon une procédure spécifique,
après autorisation du Parlement.
En Espagne, le statut pénal dérogatoire des
ministres ne s'applique qu'aux atteintes à la
sûreté de l'État, qui sont alors jugées par le
tribunal suprême de l'ordre judiciaire après que
le Congrès des députés a pris l'initiative de la
mise en accusation et l'a approuvée.
b) Les infractions commises hors de l'exercice
des fonctions ministérielles La Belgique est le
seul pays qui prévoie une procédure
dérogatoire au droit commun pour les
infractions commises par les ministres en
46/92
dehors de leurs fonctions. En effet, le régime
mis en place par la loi constitutionnelle du
12 juin 1998 s'applique à toutes les infractions
commises par les ministres en exercice,
qu'elles soient ou non liées à leurs fonctions.
Ce régime particulier subordonne notamment
la saisine de la chambre des mises en
accusation à une décision de la Chambre des
représentants. Toutefois, les infractions
commises avant le début de leurs fonctions
ministérielles par des ministres en exercice
sont jugées selon le droit commun. Dans les
autres monarchies parlementaires, les
infractions commises hors de l'exercice des
fonctions ministérielles relèvent de la
procédure pénale ordinaire et sont jugées sans
que le Parlement intervienne à aucun moment
de la procédure. Elles sont jugées par les
juridictions de droit commun, sauf en Espagne,
où les affaires impliquant des membres du
gouvernement ne peuvent être instruites et
jugées que par la chambre pénale du Tribunal
suprême.
*
Les présidents de la République allemand,
autrichien, grec, italien et portugais se
trouvent donc dans une situation
comparable à celle du président français. En
revanche, dans les monarchies, où les
souverains jouissent d'une immunité
absolue, les chefs de gouvernement sont
soumis au même régime que les autres
ministres et bénéficient d'une protection
limitée, notamment pour les infractions
commises en dehors de leurs fonctions.
47/92
FICHE N° 5
LE PARLEMENT (I)
Organisation et procédure législative
I/ DOCUMENTS REPRODUITS 1. Schéma de la procédure législative
2. Composition de l’actuelle assemblée nationale élue en 2007
3. Extrait du rapport du comité constitutionnel : mieux préparer la loi
4. Extrait de la synthèse du rapport du comité constitutionnel : un parlement renforcé
II/ bibliographie AVRIL (P.) « Le parlementarisme rationalisé », RDP, 1998, pp 1508-1515.
AVRIL (P.), GICQUEL (J.) Droit parlementaire, Montchrestien, 3ème
édition, 2004.
CARCASSONNE (G.), « Réhabiliter le Parlement », Pouvoirs, n°49, 1989, pp. 37-49.
DUPRAT (J.-P.), « La crise des assemblée parlementaires françaises », in Mélanges Auby, 1992.
MAUS (D.), « Parlements », in Dictionnaire Constitutionnel, pp. 698-702.
MENY (Y.), « Cumul des mandats ou impossibles séparation des pouvoirs », Pouvoirs, n°64, 1993,
pp. 129-136.
Le Sénat, Pouvoirs, n°44, 1988.
L'Assemblée Nationale, Pouvoirs, n°34, 1985.
Le Parlement, Pouvoirs, n°64, 1993.
Voir aussi :
http://www.assemblee-nationale.fr/connaissance/procedure.asp
http://www.assemblee-nationale.fr/connaissance/fiches_synthese/index.asp
III/ NOTIONS A Connaître
a) Bureau de l’Assemblée, conférence des présidents, groupe parlementaire.
b) Commissions législatives (spéciale, permanente).
c) Incompatibilité, immunité, irresponsabilité et inviolabilité.
d) Ordre du jour, session parlementaire (ordinaire, extraordinaire, de plein droit).
e) Domaine de la loi, domaine du règlement.
f) Fait majoritaire.
IV/ EXERCICES SUGGERES
a) Les moyens d’oppositions au sein du Parlement sous la Vème
République.
b) La majorité au Parlement sous la Vème
République.
c) Le député de la Vème
République.
d) Le Sénat a-t-il encore une raison d’être ?
e) Commentez la décision n°961 du 19 décembre 1996.
f) Réalisez un tableau des effectifs de l'Assemblée par groupe politique.
Document 1 : Schéma de la procédure législative
48/92
1. INITIATIVE DE LA LOI
Premier ministre Députés Sénateurs
↓ ↓ ↓
Projet de loi Proposition
de loi Proposition
de loi
↓ ↓ ↓
Délibération en Conseil
des ministres, après avis du
Conseil d'État
Contrôle de la recevabilité financière
de la proposition de loi par le Bureau
de l'Assemblée nationale ou du Sénat
↓ ↓
2. EXAMEN DU PROJET OU DE LA PROPOSITION DE LOI PAR LE PARLEMENT
EN COMMISSION ET EN SÉANCE PUBLIQUE ↓
Dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale ou du Sénat
↓
Examen en 1ère
lecture par l'une des six commissions permanentes ou par
une commission spéciale, de l'Assemblée ou du Sénat, constituée à cet effet.
Publication d'un rapport écrit.
↓
Discussion en 1ère
lecture en séance publique et vote
↓
Transmission à l'autre assemblée qui n'était pas saisie en premier
↓
Examen en 1ère
lecture par l'une des six commissions permanentes (ou par
une commission spéciale) du Sénat ou de l'Assemblée nationale. Publication
d'un rapport écrit
↓
Discussion en 1ère
lecture en séance publique et vote
En cas d'accord entre les assemblées... ↓
Adoption du texte dans les mêmes termes par les deux assemblées
A défaut d'accord entre les deux assemblées ...
A défaut d'accord entre les deux assemblées, après
une première lecture, transmission du texte à la
première assemblée saisie
ou Après deux lectures dans chaque assemblée, à la
demande du Premier ministre, réunion d'une
commission mixte paritaire (CMP), composée de
7 députés et de 7 sénateurs, sur les dispositions
restant en discussion.
Si l'urgence a été déclarée, la CMP peut
49/92
être réunie après une seule lecture par
chacune des assemblées.
↓ ↓
2ème
lecture : Examen en commission, discussion en
séance publique et vote, nouvelle transmission à
l'autre assemblée
Examen et vote par chacune des deux assemblées
du texte élaboré par la CMP ou, en cas d'échec de
la CMP ou de rejet du texte de la CMP, nouvelle
lecture par chaque assemblée
↓ ↓ Poursuite de la « navette » (nouvelles lectures
successives par les deux assemblées) : examens,
votes et nouvelles transmissions
Après une nouvelle lecture par chacune des
assemblées, le Gouvernement peut demander à
l'Assemblée nationale de statuer définitivement
↓ ↓
Texte définitif adopté dans les mêmes termes par les
deux assemblées
Texte définitif adopté dans les mêmes termes par
les deux assemblées ou adopté par l'Assemblée
nationale statuant à titre définitif
↓ ↓
3. CONTRÔLE DE CONSTITUTIONNALITÉ ET PROMULGATION DE LA LOI
Saisine éventuelle du Conseil constitutionnel par le Président
de la République, le Premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale,
le Président du Sénat ou 60 députés ou 60 sénateurs
↓ Décision du Conseil constitutionnel, en cas de saisine
↓ Promulgation de la loi par le Président de la République
et publication au Journal officiel de la République française
Document 2 : composition de l’actuelle assemblée nationale
50/92
Document 3 : extrait du rapport du comité constitutionnel : mieux préparer la loi
Le Comité a relevé que les défauts qui
entachent la loi ne peuvent être imputés au seul
Parlement. La plupart des textes adoptés par
les assemblées sont d’origine gouvernementale
et bien des amendements défendus en séance
publique par des membres du Parlement
auxquels il est fréquemment fait reproche de
dénaturer la loi ou d’en augmenter le volume
sont, en fait « inspirés » par le Gouvernement.
Le phénomène est trop connu pour qu’on s’y
attarde davantage.
Deux séries de propositions ont paru au
Comité devoir s’imposer.
a) Les études d’impact
En premier lieu, le Conseil d’Etat a mis en
relief, dans deux études, la nécessité d’assortir
les projets de loi d’une étude d’impact
préalable analysant avec une précision
suffisante les raisons pour lesquelles, compte
tenu des effets de la législation existante, il est
utile de légiférer à nouveau. Le Comité a
souhaité faire siennes les conclusions de ces
études. Il recommande en particulier, que
l’existence de ces études d’impact soit une
condition de la recevabilité d’un projet de loi
au Parlement, à charge pour le Conseil
constitutionnel de vérifier, juste après le dépôt
du texte et à la demande de soixante députés
ou de soixante sénateurs, que ce document
satisfait aux exigences qu’une loi organique
pourrait prévoir (Proposition n° 25). Si la
décision du Conseil constitutionnel statuant
dans un délai de huit jours, emportait
constatation du défaut d’étude préalable au
sens de ces dispositions, le projet de loi serait
réputé non déposé et le Gouvernement devrait
régulariser la présentation de son texte.
b) Un contrôleur juridique par ministère
En deuxième lieu, le Comité a estimé que des
mesures drastiques devaient être prises pour
éviter la prolifération des normes législatives
comme réglementaires. A cet effet, il demande
instamment que dans chaque ministère soit
installé un « contrôleur juridique », nommé
pour une période déterminée qui soit chargé de
donner son visa à l’édiction des textes
normatifs comme le fait le contrôleur financier
dans le domaine qui est le sien (Proposition n°
26). Aucun texte ne pourrait émaner du
ministère sans son visa exprès. Ce contrôleur
pourrait être un membre du Conseil d’Etat qui
assurerait une liaison étroite entre le ministère
et la section administrative à laquelle il
appartient. Il aurait ainsi l’autorité nécessaire
pour éviter l’édiction de normes inutiles ou
redondantes et serait en situation d’aider à une
programmation raisonnable des travaux du
Gouvernement.
c) Les avis du Conseil d’Etat sur les projets et
les propositions de loi
En troisième lieu, le Comité a estimé qu’il
serait utile à la qualité du travail législatif que
les avis émis par le Conseil d’Etat sur les
projets de loi dont il est saisi en application de
l’article 39 de la Constitution soient rendus
publics. Ainsi serait mis un terme aux rumeurs
qui entourent ces avis, dont la publication n’est
autorisée, au cas par cas, par le Gouvernement,
qu’à la fin de chaque année (Proposition n°
27). Dans le même esprit, le Comité souhaite
que le Conseil d’Etat puisse être saisi pour avis
de celles des propositions de loi qui sont
inscrites à l’ordre du jour de l’une ou l’autre
assemblée (Proposition n° 28).
Document 4 : extrait de la synthèse du rapport du comité constitutionnel : un parlement
renforcé
Rééquilibrer les institutions suppose de
renforcer le Parlement en donnant à ce
dernier une plus grande maîtrise dans la
conduite de ses travaux.
A ce titre, le Comité propose d’abord de
donner aux assemblées parlementaires
davantage de marges de manœuvre dans la
fixation de leur ordre du jour. Il préconise à
cet effet que soit limitée à la moitié du temps
de séance la faculté pour le Gouvernement
d’imposer l’examen des textes préparés ou
acceptés par lui. Le reste du temps serait à la
libre disposition des assemblées et partagé
51/92
entre les fonctions législatives et les fonctions
de contrôle, avec chaque fois une place
substantiellement accrue pour l’opposition.
Il est également apparu au Comité que le
moment était venu de donner davantage de
souplesse au Parlement dans son organisation
interne, en relevant de six à dix le nombre de
commissions permanentes que chacune des
assemblées peut instituer en son sein.
Le Comité estime enfin nécessaire que le
recours à l’article 49, al. 3 de la Constitution
– qui permet au Gouvernement d’obtenir, sauf
motion de censure, l’adoption d’un texte sans
vote – soit limité aux projets de loi de finances
et de financement de la sécurité sociale. Une
telle évolution marquerait un rééquilibrage
dans les relations entre le Gouvernement et la
majorité qui le soutient à l’Assemblée
nationale, les problèmes liés aux tentatives
d’obstruction de l’opposition étant par ailleurs
traités par l’institution d’un système de crédit-
temps dans l’examen des textes.
Cette dernière mesure s’inscrit dans une
réflexion plus générale sur les moyens
d’améliorer le travail législatif.
L’inspiration générale des propositions du
Comité consiste à cet égard à légiférer
moins mais de manière plus efficace.
Ceci exige d’abord d’assumer et de valoriser
le temps nécessaire à l’examen d’un texte,
en encadrant le recours à la procédure
d’urgence définie à l’article 45 de la
Constitution et en imposant, à moins que le
Gouvernement et l’assemblée intéressée le
décident conjointement, un délai de deux mois
entre le dépôt d’un texte et son premier
examen en séance publique. La faculté pour le
Gouvernement de déposer des articles
additionnels serait par ailleurs strictement
limitée.
La discussion doit ensuite gagner en
efficacité. C’est pourquoi le Comité propose
que le texte examiné en séance publique soit
celui qui est issu des travaux de la commission
parlementaire qui l’a préalablement étudié, et
non comme aujourd’hui le projet initial du
Gouvernement. Il lui est également apparu
nécessaire de développer les procédures
simplifiées pour l’adoption des textes
présentant le moins d’enjeux politiques,
l’assemblée se bornant alors à ratifier le texte
élaboré par la commission. Il propose enfin
que les avis du Conseil d’Etat sur les projets de
loi du Gouvernement soient transmis au
Parlement.
L’amélioration du travail normatif passe en
dernier lieu par des progrès dans
l’élaboration même des textes. Prolongeant
des travaux récents, le Comité préconise que
tout projet de loi soit assorti d’une évaluation
préalable établissant le besoin de légiférer et
mesurant l’impact attendu des mesures
proposées. Des contrôleurs juridiques placés
auprès des différents ministères s’assureraient
notamment du respect de cette obligation, qui
serait par ailleurs contrôlée par le Conseil
constitutionnel selon une procédure spécifique.
Les propositions de loi émanant du Parlement
pourraient enfin être soumises pour avis au
Conseil d’Etat.
Il reste que, comme dans toutes les
démocraties contemporaines, l’affirmation
du Parlement trouvera sa source principale
dans le renforcement de ses fonctions de
contrôle et d’évaluation, qui gagneraient du
reste à être expressément consacrées par le
texte même de la Constitution.
Au-delà des mécanismes juridiques de mise en
cause de la responsabilité du Gouvernement,
dont on connaît les limites, plusieurs
évolutions paraissent s’imposer :
• La mission d’évaluation des politiques
publiques est appelée à prendre une
importance croissante, au croisement de la
fonction législative et de la fonction de
contrôle. Aussi serait-il souhaitable, aux yeux
du Comité, que chacune des assemblées
parlementaires se dote des instruments
adéquats avec l’institution en leur sein d’un
organisme d’audit et d’évaluation réunissant
des représentants de l’ensemble des
commissions permanentes, définissant un
programme coordonné de contrôle, chargeant
les institutions ou organismes appropriés de
mener à bien les études correspondantes et
organisant le débat public sur les suites à y
donner.
• Le Comité propose ensuite que chacune des
assemblées parlementaires puisse, en tout
domaine, adopter des résolutions marquant
l’expression d’un vœu et n’ayant pas de portée
contraignante.
• Cette faculté trouverait notamment son utilité
en matière de politique étrangère et de défense.
52/92
S’agissant de la défense nationale, le Comité
propose par ailleurs que les opérations
militaires extérieures soient soumises à un
régime de contrôle entièrement nouveau : une
information immédiate serait apportée au
Parlement, qui serait ultérieurement appelé à
donner son autorisation pour la prolongation
de l’intervention au-delà de trois mois.
• L’existence, au sein de chaque assemblée,
d’un comité spécialement chargé des affaires
européennes, pourrait être constitutionnalisée,
l’obligation de transmission au Parlement des
documents émanant des institutions de l’Union
européenne étant parallèlement élargie et
systématisée. La procédure de ratification des
traités relatifs à l’élargissement de l’Union
européenne serait par ailleurs alignée sur le
régime applicable aux révisions
constitutionnelles internes.
• Le Parlement pourrait enfin renforcer le
contrôle sur l’exécution des lois votées, le
rapporteur du texte et un membre de
l’opposition s’associant pour veiller à la
parution des décrets d’application et les
contrôleurs juridiques déjà mentionnés lui
rendant compte à intervalles réguliers au titre
du ministère auquel ils seraient rattachés.
Dans l’esprit du Comité, les droits nouveaux
qui seraient ainsi reconnus au Parlement
n’ont de chances de produire leurs effets sur
l’équilibre des institutions que si les
parlementaires sont pleinement mis à même
de s’en saisir.
Cela suppose, en premier lieu, que les droits
de l’opposition soient mieux reconnus, l’effet
de discipline qui s’attache au fait majoritaire
limitant la portée des prérogatives
théoriquement reconnues au Parlement. Aussi
le Comité propose-t-il que soient surmontés les
obstacles juridiques nécessaires à la garantie
de droits nouveaux pour ceux des partis
politiques ou groupes parlementaires qui
n’auraient pas déclaré leur soutien au
Gouvernement : possibilité, par exemple, de
disposer de la moitié du temps de parole dans
les séances de questions au gouvernement ;
assurance que soit le président soit le
rapporteur des commissions d’enquête et
missions d’information soit issu de leurs rangs
; facilités accrues pour créer de telles
commissions ; répartition des présidences de
commissions à la proportionnelle des groupes ;
association étroite aux procédures de contrôle
de l’application des lois par l’administration.
Le Comité préconise, en second lieu, une
stricte limitation du cumul des mandats qui,
aussi longtemps qu’il ne sera pas
juridiquement interdit, restera politiquement
obligatoire pour les élus. Le Comité
recommande à tout le moins que les
parlementaires ne puissent exercer quelque
fonction exécutive locale que ce soit.
53/92
FICHE N° 6
LE PARLEMENT SOUS LA Vème
REPUBLIQUE (II)
Le contrôle parlementaire
I/ DOCUMENTS REPRODUITS
1. La motion de censure, un véritable moyen de contrôle (la documentation française)
2. L'utilisation de l'article 49 alinéa l de la Constitution.
3. L'utilisation de l'article 49 alinéa 2 de la Constitution.
4. L'utilisation de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.
5. Motion de censure du 4 octobre 1962
6. La 104e motion de censure depuis 1958
II/ bibliographie DELCAMP (A.), BERGEL (J-L.), DUPAS (A.), Contrôle parlementaire et évaluation,
Documentation française, 1995.
DENQUIN (J-M.), « Recherches sur la notion de majorité sous la Vème
République », RDP, 1993,
p.949.
MASCLET (J-C.), Un député pour quoi faire ?, PUF, 1982.
LUCHAIRE (F.), « la loi constitutionnelle du 4 août 1995. une avancée pour la démocratie ? », RDP.,
1995, pp. 1411-1443.
LUCHAIRE (F.), « Les conséquences de la réforme constitutionnelle du 4 août 1995 », RDP, 1996,
pp.330-353.
Le Parlement français sous trois présidents : 1958-1980, RFSP 1981, n° l.
Voir aussi :
http://www.assemblee-nationale.fr/encyclopedie/controle.asp
III/ Notions à connaître
Question de confiance
Questions parlementaires écrites, orales
Motion de censure spontanée, provoquée
Commissions d’enquête, spéciales.
IV/ EXERCICES SUGGERES
Les commissions d'enquête.
54/92
Le contrôle exercé par le parlement sur le gouvernement est-il efficace ?
La réforme constitutionnelle de 1995 et le contrôle parlementaire.
Qui contrôle les institutions chargées des contrôles ?
* * * *
Document 1 : la motion de censure, un véritable moyen de contrôle ?
La motion de censure : véritable moyen de
contrôle ?
La motion de censure constitue le symbole
de la fonction de contrôle exercée par la
chambre basse du Parlement : cette dernière
a théoriquement droit de vie ou de mort sur un
gouvernement.
Sous la IIIème et la IVème Républiques, cette
fonction de sanction s’exerçait pleinement
dans la mesure où les députés n’hésitaient pas
à renverser le gouvernement, même si cela
résultait davantage d’une initiative prise par
celui-ci (question de confiance) que d’un acte
engagé par les parlementaires eux-mêmes
(motion de censure).
Le parlementarisme rationalisé de la Vème
République a rompu avec cette pratique pour
inaugurer une "symbolique de l’arme absolue"
(Yves Mény) : hormis un cas, la motion de
censure est davantage devenue un support de
débat et de cristallisation d’un affrontement
entre l’opposition et la majorité qu’un moyen
pour les députés de censurer vraiment le
gouvernement.
1. Les différents types de motions de censure
La Constitution de 1958 a prévu deux types
de motions de censure : la motion de
censure spontanée ou offensive (article 49
alinéa 2) et la motion de censure provoquée
(article 49 alinéa 3).
La première résulte de la seule initiative des
députés. Afin de bien la distinguer des
interpellations des Républiques précédentes,
qui résultaient d’un seul parlementaire, elle
doit être le fruit d’une volonté collective. Son
dépôt nécessite ainsi la signature du dixième
des membres de l’Assemblée nationale, soit
58 députés aujourd’hui. Depuis la réforme de
1995 instaurant la session unique, aucun
député ne peut signer plus de trois motions de
censure au cours de la session ordinaire et plus
d’une au cours d’une session extraordinaire
(auparavant, c’était limité à une au cours d’une
même session). 48 heures séparent le dépôt de
la motion de censure de sa discussion. Ce délai
se justifie pour permettre au gouvernement de
convaincre d’éventuels indécis et aux députés
de se prononcer dans la sérénité. Le règlement
de l’Assemblée nationale précise que le débat
et le vote ne peuvent avoir lieu plus de trois
jours de séance après l’échéance de ces 48
heures. Ceci permet d’éviter que la motion ne
soit jamais inscrite à l’ordre du jour. La
motion de censure doit réunir les voix de la
majorité absolue des membres composant
l’Assemblée, soit aujourd’hui 289 voix. Cette
condition se justifie pour éviter qu’une
majorité simple liée à des abstentions massives
ne permette, comme ce fut le cas sous les
Républiques précédentes, de renverser un
gouvernement. Seules les voix "pour"
comptent donc. Les députés qui s’abstiennent
ou ne prennent pas part au vote sont censés
soutenir le gouvernement. En cas d’adoption
d’une motion de censure, le Premier ministre
doit remettre au Président de la République la
démission de son gouvernement (article 50 de
la Constitution).
La motion de censure provoquée s’inscrit
dans le cadre de l’alinéa 3 de l’article 49. Elle résulte à l’origine de la décision du
gouvernement d’engager sa responsabilité sur
tout ou partie d’un texte au cours de la
discussion législative. Il est alors réputé adopté
sans débat sauf dépôt d’une motion de censure
dans les vingt-quatre heures. Celle-ci requiert,
comme la précédente, la signature du dixième
des membres de l’Assemblée (un député peut
en signer autant qu’il veut au cours d’une
session). Elle est alors discutée et votée
comme la motion de censure. Son adoption-
cas qui ne s’est jamais produit depuis 1958-
entraîne la démission du gouvernement et le
55/92
rejet du texte sur lequel il avait engagé sa
responsabilité.
2. La pratique sous la Ve République
La pratique révèle à la fois la grande
utilisation et la faible utilité pratique de la
motion de censure dans la mesure où une
seule fut adoptée depuis 1958. Ainsi, le 5
octobre 1962, pour protester contre la décision
du général de Gaulle de soumettre à
référendum la révision constitutionnelle
prévoyant l’élection au suffrage universel
direct du Président de la République, 280
députés sur 480 adoptent une motion de
censure. Le Premier ministre, Georges
Pompidou présente alors la démission de son
gouvernement. Le général de Gaulle le nomme
à nouveau et dissout l’Assemblée nationale le
9 octobre. Les élections législatives se
traduiront par une large victoire gaulliste.
Après ce cas unique, aucune motion de
censure n’a plus atteint la majorité
constitutionnelle. Ceci ne signifie pas, loin
s’en faut, que l’instrument ne fut pas utilisé.
L’opposition ne s’est pas privée de déposer des
motions de censure, sans se faire d’illusion sur
le résultat final, mais afin d’acter au cours d’un
débat parlementaire son désaccord avec la
politique suivie par le gouvernement et sa
majorité. Toutes les tentatives ne sont pas
définitivement vouées à l’échec : en 1992, le
gouvernement de Michel Rocard évita de
quelques voix d’être renversé par une majorité
composite de députés de droite et de députés
communistes. Les députés n’ont pas non plus
manqué de déposer des motions de censure
après l’utilisation de l’article 49 alinéa 3 par un
gouvernement, leur permettant de dénoncer
l’occultation du débat parlementaire (le 49.3
arrête toute discussion), et de mettre en avant
leurs arguments contre le texte proposé.
La motion de censure ne constitue donc pas
un instrument pleinement efficace de
contrôle de l’action du gouvernement par
l’Assemblée nationale. Mais cela s’explique
moins par l’instrument lui-même, que par la
logique des institutions assises sur le fait
majoritaire. Cela ne signifie pas pour autant
que cet instrument soit désuet ou inefficace. Il
s’avère aux mains de l’opposition un outil
efficace de débat public sur l’action du
gouvernement. Cette pratique de la motion de
censure n’est d’ailleurs pas propre à la France.
Depuis la Libération, l’Allemagne, la Grande-
Bretagne et l’Italie n’ont ainsi vu qu’une seule
motion de censure adoptée et provoquer la
chute d’un gouvernement.
© La Documentation française
Document 2 : utilisation de l’article 49-1 de la constitution
Premier ministre Engagements de
responsabilité
Michel Debré (1959-
1962) 2
Georges Pompidou
(1962-1968) 2
Maurice Couve de
Murville (1968-1969) 0
Jacques Chaban-
Delmas (1969-1972) 3
Pierre Messmer (1972-
1974) 1
Jacques Chirac (1974-
1976) 1
Raymond Barre
(1976-1981) 2
Pierre Mauroy (1981-
1984) 5
Laurent Fabius
(1984- 1986) 1
Jacques Chirac
(1986-1988) 3
Michel Rocard
(1988-1991 1
Edith Cresson (1991-
1992) 0
Pierre Bérégovoy 1
56/92
(1992-1993)
Édouard Balladur
(1993-1995) 2
Alain Juppé (1995-
1997) 3
Lionel Jospin (1997-
2002) 1
Jean-Pierre Raffarin
(2002-2005) 2
Dominique de Villepin
(2005-2007) 1
François Fillon (2007-
) 1
Total 32
© Assemblée nationale
Document 3 : utilisation de l’article 49-2 de la constitution
Premier ministre Nombre de motions de
censure "spontanées"
Michel Debré (1959-
1962) 2
Georges Pompidou
(1962-1968) 7
Maurice Couve de
Murville (1968-1969) 0
Jacques Chaban-
Delmas (1969-1972) 1
Pierre Messmer (1972-
1974 3
Jacques Chirac (1974-
1976) 2
Raymond Barre
(1976-1981) 7
Pierre Mauroy
(1981-1984) 7
Laurent Fabius
(1984- 1986) 1
Jacques Chirac 1
(1986-1988)
Michel Rocard
(1988-1991 6
Edith Cresson (1991-
1992) 2
Pierre Bérégovoy
(1992-1993) 2
Édouard Balladur
(1993-1995) 1
Alain Juppé (1995-
1997) 2
Lionel Jospin (1997-
2002) 2
Jean-Pierre Raffarin
(2002-2005) 2
Dominique de
Villepin (2005-
2007) 3
Total 51
© Assemblée nationale
Document 4 : utilisation de l’article 49-3 de la constitution
Premier
ministre Nombre
d'engagement
Nombre
de textes
Nombr
e
s
de
responsabilit
concerné
s
de
motion
s de
57/92
é censure
Michel
Debré
(1959-
1962)
4 2 4
Georges
Pompidou
(1962-
1968)
6 2 4
Maurice
Couve de
Murville
(1968-
1969)
0 0 0
Jacques
Chaban-
Delmas
(1969-
1972)
0 0 0
Pierre
Messmer
(1972-
1974
0 0 0
Jacques
Chirac
(1974-
1976)
0 0 0
Raymond
Barre
(1976-
1981)
8 5 13
Pierre
Mauroy
(1981-
1984)
7 5 6
Laurent
Fabius
(1984-
1986)
4 2 1
Jacques
Chirac
(1986-
1988)
8 7 7
Michel
Rocard
(1988-
1991)
28 12 5
Edith
Cresson
(1991-
1992)
8 4 2
Pierre
Bérégovo
y (1992-
1993)
3 3 1
Édouard
Balladur
(1993-
1995)
1 1 1
Alain
Juppé
(1995-
1997)
2 2 2
Lionel
Jospin
(1997-2002)
0 0 0
Jean-
Pierre
Raffarin
(2002-
2005)
2 2 2
Dominiqu
e de
Villepin
(2005-
2007)
1 1 3
Total 81 47 51
© Assemblée nationale
Document 5 : motion de censure du 4 octobre 1962
L'Assemblée nationale, Considérant que la démocratie suppose le
respect de la loi et, par dessus tout, de la loi
suprême qu'est la Constitution ;
58/92
Considérant que, le peuple français étant
souverain, la Constitution a précisément pour
objet de définir la manière dont s'exerce sa
souveraineté, soit par la voie des représentants
du peuple, soit par le peuple lui-même ;
Considérant que la Constitution, dont le
général de Gaulle est l'auteur et qu'il a fait
approuver, en 1958, par le peuple français,
prescrit formellement dans un titre spécial
qu'une proposition de révision devra être :
1° Votée par les deux chambres du Parlement ;
2° Approuvée par un référendum, le peuple
français ayant été éclairé par les débats
parlementaires ;
Considérant qu'en écartant le vote par les deux
chambres, le président de la République viole
la Constitution dont il est le gardien ;
Considérant qu'il ouvre ainsi une brèche par
laquelle un aventurier pourrait passer un jour,
pour renverser la République et supprimer les
libertés ;
Considérant que le président de la République
n'a pu agir que sur la « proposition » du
Gouvernement ;
Censure le Gouvernement conformément à
l'article 49, alinéa 2, de la Constitution.
Document 6 : La 104e motion de censure depuis 1958
AP | 25.01.2009 | 16:00
La motion de censure contre la politique
économique et sociale du gouvernement,
débattue mardi en application de l'article 49-2
de la Constitution, est la 104e déposée depuis
1958.
Une seule a abouti à la démission du
gouvernement. Le 5 octobre 1962, l'Assemblée
nationale avait renversé le gouvernement
Pompidou en réaction à la décision du général
de Gaulle d'instituer l'élection du président de
la République au suffrage universel direct.
Suite à cette censure, l'Assemblée nationale fut
dissoute.
Les motions de censure peuvent être déposées
en application de l'article 49-2 de la
Constitution, ou en réponse à l'engagement de
responsabilité du gouvernement sur un texte
(article 49-3). A ce jour, 53 motions ont été
déposées au titre de l'article 49-2 et 51 en
réponse à un 49-3.
Pour être recevable, une motion de censure
doit être déposée par un dixième des députés,
soit 58. Afin d'éviter les motions à répétition,
chaque signataire ne peut signer que trois
motions durant la session ordinaire et une
durant une session extraordinaire.
Un délai minimum de 48 heures est imposé
avant son examen en séance. La date de la
discussion ne peut avoir lieu au-delà du
troisième jour de séance suivant l'expiration de
ce délai.
Après le débat, le scrutin est organisé dans les
salles voisines de l'hémicycle. Sa durée est
fixée par la conférence des présidents.
Seuls les députés favorables à la censure
participent au scrutin, ce qui fait que la
majorité peut repousser la motion sans même
avoir à se déplacer. La motion n'est adoptée
que si elle est votée par la majorité absolue des
membres composant l'Assemblée, soit 289
députés.
Les dispositions de l'article 49-2 n'ont pas été
modifiées par la révision constitutionnelle du
23 juillet 2008. L'article 49-3, qui permet au
gouvernement d'engager sa responsabilité sur
un projet de loi, a en revanche été réécrit. A
partir du 1er mars, l'utilisation de cet article
sera limitée aux budgets de l'Etat et de la
Sécurité sociale, ainsi qu'à un texte par session.
Hormis le précédent de 1962, la motion de
censure est principalement une arme de
procédure permettant à l'opposition de
provoquer un débat solennel interrompant
l'ordre du jour fixé par le gouvernement.
La dernière remonte au 8 avril 2008. Déposée
par le PS contre la politique d'"alignement
atlantiste" de Nicolas Sarkozy, elle avait
recueilli 227 voix, celles de la gauche et du
souverainiste Nicolas Dupont-Aignan. AP
59/92
FICHE N° 7 LA REVISION CONSTITUTIONNELLE
I/ DOCUMENTS REPRODUITS
1. Les révisions de la constitution de la Ve république
2. Extrait de l’introduction du rapport du comité constitutionnel
3. les révisions de la constitution sous la Ve république par Dominique Rousseau
4. Décret du 17 juillet 2008 tendant à soumettre un projet de loi constitutionnelle au parlement
réuni en Congrès
II/ bibliographie ARNE (S.), Existe-t-il des normes supra-constitutionnelles ? Contribution à l'étude des droits
fondamentaux et de la constitutionnalité, RDP., 1993, pp. 459-512.
BEAUD (0.), La souveraineté de l'Etat, le pouvoir constituant et le Traité de Maastricht, RFDA., 1993,
pp. 1045-1068.
BEAUD (0.), La puissance de l'Etat, Paris, PUF, Coll. Leviathan, 1994, pp. 307-357 et 377-402.
BIGAULT (C.), Les révisions de la Constitution de 1958, Documents d'études, Documentation
française, n° 1-20, 2000, pp. 3-59.
BRANCHET (B.), La révision de la Constitution sous la Vème
République, LGDJ, 1994, Coll.
Systèmes.
FAVOREU (L.), Souveraineté et supra-constitutionnalité, Pouvoirs, 1993, n° 67, pp. 71-77.
GONDOUIN (G.) Le conseil constitutionnel et la révision de la constitution, RDP, 2001, pp 489-530.
TROPER (M.), La notion de principes supra-constitutionnels, RJDC, Journées SLC, vol. 15 (1993),
pp. 337-358.
VEDEL (G.), Souveraineté et supra-constitutionnalité, Pouvoirs, 1993, n° 67, pp. 79-97.
Association française des constitutionnalistes, La révision de la Constitution, Journées d'études des 20
mars et 16 décembre 1992, Paris, Economica, 1993.
« Rapport du Comité consultatif pour la révision de la Constitution », Code constitutionnel, Litec,
1995, pp. 1198-1248.
La révision de la constitution de 1958, RFDC n°14, 1993.
III/ NOTIONS A CONNAITRE
Pouvoir constituant (originaire, dérivé), pouvoir constitué
Constitution rigide, constitution souple.
60/92
Supra-constitutionnalité.
IV/ EXERCICES SUGGERES
a) La supra-constitutionnalité.
b) Le contrôle de la révision constitutionnelle.
c) Les articles 11 et 89 de la Constitution de 1958 : des voies de révision constitutionnelles
concurrentes ?
* * * *
Document 1 : les révisions de la constitution de la Ve république
Juin 1960 selon une procédure dérogatoire de
révision concernant les dispositions relatives à
la « Communauté », c'est-à-dire à l'ensemble
géopolitique associant la France à ses
anciennes colonies d'Afrique (procédure
abrogée par la loi constitutionnelle du 4 août
1995) :
· Loi constitutionnelle n° 60-525 du 4 juin
1960 tendant à compléter les dispositions du
titre XXI de la Constitution (pour
l'indépendance des États africains et malgache
membres de la Communauté).
- Octobre 1962, par référendum en application
de l'article 11 de la Constitution :
· Loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative
à l'élection du Président de la République au
suffrage universel.
- Décembre 1963, par le Congrès :
· Loi constitutionnelle n° 63-1327 du 30
décembre 1963 portant modification des
dispositions de l'article 28 de la Constitution
(pour la modification de la date des sessions
parlementaires).
- Octobre 1974, par le Congrès :
· Loi constitutionnelle n° 74-904 du 29 octobre
1974 portant révision de l'article 61 de la
Constitution (pour l'extension du droit de
saisine du Conseil constitutionnel à 60 députés
ou 60 sénateurs).
- Juin 1976, par le Congrès :
· Loi constitutionnelle n° 76-527 du 18 juin
1976 modifiant l'article 7 de la Constitution
(pour la modification des règles de la
campagne électorale des élections
présidentielles - en cas de décès ou
d'empêchement d'un candidat).
- Juin 1992, par le Congrès :
· Loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin
1992 ajoutant à la Constitution un titre : « Des
Communautés européennes et de l'Union
européenne » (pour la ratification du traité de
Maastricht).
- Juillet 1993, par le Congrès :
· Loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet
1993 portant révision de la Constitution du
4 octobre 1958 et modifiant ses titres VIII, IX,
X et XVI (pour la création de la Cour de
justice de la République, chargée de juger de la
responsabilité pénale des membres du
gouvernement).
- Novembre 1993, par le Congrès :
· Loi constitutionnelle n° 93-1256 du 25
novembre 1993 relative aux accords
internationaux en matière de droit d'asile.
- Juillet 1995, par le Congrès :
· Loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août
1995 portant extension du champ d'application
du référendum, instituant une session
parlementaire ordinaire unique, modifiant le
régime de l'inviolabilité parlementaire et
abrogeant les dispositions relatives à la
Communauté et les dispositions transitoires.
- Février 1996, par le Congrès :
· Loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février
1996 instituant les lois de financement de la
sécurité sociale.
- Juillet 1998, par le Congrès :
61/92
· Loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet
1998 relative à la Nouvelle-Calédonie.
- Janvier 1999, par le Congrès :
· Loi constitutionnelle n° 99-49 du 25 janvier
1999 modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la
Constitution (modification de dispositions
concernant l'Union européenne).
- Juillet 1999, par le Congrès :
· Loi constitutionnelle n° 99-568 du 8 juillet
1999 insérant, au titre VI de la Constitution, un
article 53 - 2 reconnaissant la Cour pénale
internationale.
· Loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet
1999 relative à l'égalité entre les femmes et les
hommes.
- Septembre - octobre 2000, par référendum :
· Loi constitutionnelle n° 2000-964 du 2
octobre 2000 relative à la durée du mandat du
Président de la République.
- Mars 2003, par le Congrès :
· Loi constitutionnelle n° 2003-267 du 25 mars
2003 relative au mandat d'arrêt européen.
· Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars
2003 relative à l'organisation décentralisée de
la République.
- Mars 2005, par le Congrès :
· Loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars
2005 modifiant le titre XV de la Constitution.
· Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars
2005 relative à la charte de l'environnement.
- Février 2007, par le Congrès :
· Loi constitutionnelle n° 2007-237 du 23
février 2007 modifiant l'article 77 de la
Constitution.
· Loi constitutionnelle n° 2007-238 du 23
février 2007 portant modification du titre IX de
la Constitution.
· Loi constitutionnelle n° 2007-239 du 23
février 2007 relative à l'interdiction de la peine
de mort.
- Loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4
février 2008 modifiant le titre XV de la
Constitution
- Loi n°2008-724 du 23 juillet 2008 : loi
constitutionnelle de modernisation des
institutions de la Ve république
Document 2 : Extrait de l’introduction du rapport du comité constitutionnel
La Constitution du 4 octobre 1958 est entrée
dans sa cinquantième année ; elle a traversé
bien des épreuves, dont celle, à trois reprises,
de la « cohabitation » ; elle a fait montre de sa
souplesse et de sa solidité ; elle a doté notre
pays d’institutions stables et efficaces ; elle a
élargi l’assise du régime républicain en
démontrant, à la faveur de cinq alternances, sa
capacité à fonctionner au service de tendances
politiques différentes qui toutes se sont bien
trouvé des moyens qu’elle a mis à leur
disposition.
Pour autant, force est de constater que les
institutions de la Ve
République ne
fonctionnent pas de manière pleinement
satisfaisante. En dépit des nombreuses
révisions constitutionnelles intervenues ces
dernières années – la Constitution a été révisée
vingt-deux fois depuis 1958, dont quinze fois
au cours des douze dernières années – les
institutions peinent à s’adapter aux exigences
actuelles de la démocratie.
Surtout, la présidentialisation du régime,
entamée en 1962 avec l’élection du Président
de la République au suffrage universel direct,
s’est développée sans que la loi fondamentale
évolue de telle manière que des contrepoids au
pouvoir présidentiel soient mis en place.
Certes, la possibilité de saisine du Conseil
constitutionnel par soixante parlementaires,
intervenue en 1974, a tempéré la toute
puissance du pouvoir politique. Mais le
Parlement demeure enfermé dans les règles
d’un « parlementarisme rationalisé »,
caractérisé par la quasi-tutelle du pouvoir
exécutif sur le pouvoir législatif, dont il n’est
pas contestable qu’il avait son utilité en 1958,
au sortir de douze années de régime
d’assemblée, mais qui participe, aujourd’hui,
d’une singularité française peu enviable au
regard des principes mêmes de la démocratie.
L’acception présidentialiste du régime a été
définie par le Général de Gaulle lors de sa
célèbre conférence de presse du 31 janvier
1964. La pratique suivie par ses successeurs
62/92
n’a guère démenti cette lecture des institutions,
à la notable exception des périodes de
cohabitation, au cours desquelles la lettre de la
Constitution a prévalu sur son esprit et la
réalité du pouvoir exécutif est passée, pour
l’essentiel, entre les mains du Premier
ministre.
L’adoption du quinquennat et ce qu’il est
convenu d’appeler l’ « inversion du calendrier
électoral » qui, depuis 2002, a pour effet de lier
étroitement le scrutin présidentiel et les
élections législatives, ont accentué la
présidentialisation du régime. Même si cette
évolution semble rencontrer l’adhésion de
l’opinion publique, elle demeure fragile et
porte la marque d’un déséquilibre
institutionnel préoccupant. Elle est fragile car
la concordance des scrutins qui favorise celle
des majorités, présidentielle et parlementaire,
ne la garantit pas et demeure tributaire du
décès ou de la démission du Président de la
République comme de l’exercice de son droit
de dissolution de l’Assemblée nationale. Elle
est déséquilibrée dans la mesure où les
attributions du Président de la République
s’exercent sans contrepouvoirs suffisants et
sans que la responsabilité politique de celui
que les Français ont élu pour décider de la
politique de la nation puisse être engagée.
Il s’en déduit que le rééquilibrage des
institutions passe d’abord, dans le cadre du
régime tel qu’il fonctionne aujourd’hui, par un
accroissement des attributions et du rôle du
Parlement.
Telle a été la première constatation du Comité.
La deuxième est relative à la nécessité,
apparue du fait de la survenance des
expériences dites de « cohabitation », de
clarifier les attributions respectives du
Président de la République et du Premier
ministre. La présidentialisation de la Ve
République s’est traduite, dans les temps
ordinaires, par une double responsabilité du
Premier ministre, devant l’Assemblée
nationale, comme le prévoient les articles 20 et
49 de la Constitution, mais aussi devant le
Président de la République, comme ne le
prévoit pas l’article 8 de la même Constitution.
De même, chacun sait qu’en dehors des
périodes de « cohabitation », ce n’est pas le
Gouvernement qui, comme en dispose l’article
20 de la Constitution, « détermine (…) la
politique de la nation » mais le Président de la
République. Dans ces conditions, il est apparu
au Comité que sa réflexion devait porter sur la
clarification des rôles au sein du pouvoir
exécutif. Les travaux qu’il a conduits sur cette
question se situent – c’est l’hypothèse qui
recueille un large accord en son sein – dans le
cadre du régime actuel, caractérisé par la
responsabilité du Gouvernement devant
l’Assemblée nationale. Mais le Comité ne s’est
pas interdit, dans ses discussions, d’envisager
l’hypothèse d’une évolution vers un régime
nettement présidentiel, dans lequel la
responsabilité gouvernementale devant le
Parlement n’a plus sa place.
Troisième constatation du Comité : les
institutions de la Ve
République ne
reconnaissent pas aux citoyens des droits
suffisants ni suffisamment garantis.
L’impossibilité de saisir le Conseil
constitutionnel de la conformité d’une loi déjà
promulguée à la Constitution, la difficulté à
saisir le Médiateur de la République des
différends qui opposent les citoyens aux
administrations publiques, la prolifération de
normes législatives et réglementaires, parfois
rétroactives, l’instabilité de la règle de droit, la
place de la justice dans le fonctionnement des
institutions, les modes de scrutin par le biais
desquels s’expriment les choix du peuple
souverain sont autant de sujets sur lesquels le
Comité s’est penché. Les propositions qu’il
formule à ce titre portent la marque d’une
volonté de modernisation et de démocratisation
de nos institutions.
Document 3 : les révisions de la Constitution sous la Ve république
Après quarante ans, la Constitution de 1958 se
reconnaît-elle ?
En 1958, le Parlement se réunissait en deux
sessions ordinaires de trois mois par an ;
aujourd'hui il se réunit en une session unique
continue de neuf mois. En 1958, le président
était élu par un collège de 80000 grands
électeurs ; aujourd'hui, il est directement élu
par le peuple. En 1958, le Conseil
constitutionnel était limité au rôle de gardien
63/92
des prérogatives normatives du gouvernement ;
aujourd'hui, il veille au respect des droits
fondamentaux. En 1958, la souveraineté
nationale était jugée intangible ; aujourd'hui,
elle ne fait plus obstacle à des transferts de
compétences dans des domaines aussi
sensibles que la monnaie ou la politique
d'immigration. En 1958, ... Cette présentation
en opposition pourrait encore se prolonger
puisque la Constitution de 1958 a "subi", à ce
jour [29 mars 2003], dix-sept révisions, et
d'autres révisions sont en perspective. En
d'autres termes, si la France vit depuis 1958
avec la même Constitution - ce qui représente,
au regard de son histoire, un petit exploit -
cette Constitution n'est plus aujourd'hui ce
qu'elle était en 1958 !
Rien d'anormal à cela. Toute Constitution
prévoit toujours que ses dispositions peuvent
être modifiées, complétées ou supprimées.
Aussi fiers soient-ils de leur œuvre, les
constituants restent assez sages pour savoir que
leur travail n'est jamais parfait, que l'usage du
texte peut faire apparaître des difficultés
inédites ou imprévisibles au moment de sa
conception, ou encore que la marche du temps
et l'évolution de la société peuvent susciter de
nouvelles exigences constitutionnelles. Cette
sagesse, au demeurant, se nourrit d'une
philosophie politique, celle qui fait de la nation
souveraine l'origine de tout et qui postule, en
conséquence, sa totale et permanente liberté :
la nation n'est pas faite par la Constitution,
c'est elle qui fait la Constitution et reste
constamment maître de son contenu. SIEYES,
dans "Qu'est-ce que le Tiers Etat ? ", l'affirme
sans détour : "il serait ridicule de supposer la
nation liée elle-même par la Constitution à
laquelle elle a assujetti ses mandataires. Non
seulement la nation n'est pas soumise à une
Constitution, mais elle ne peut pas l'être, mais
elle ne doit pas l'être, ce qui équivaut encore à
dire qu'elle ne l'est pas". Et, dans son article
28, la mythique Constitution du 24 juin 1793
traduit cette philosophie en un principe clair : "
un peuple a toujours le droit de revoir, de
réformer et de changer sa Constitution. Une
génération ne peut assujettir à ses lois les
générations futures".
Cette totale liberté constituante du peuple,
parfaitement compréhensible dans son principe
démocratique, rencontre cependant sur son
chemin d'autres exigences, également
démocratiques, qui justifient une codification
du pouvoir de révision. Une Constitution, en
effet, n'est pas un texte ordinaire ; c'est la Loi
des lois, l'acte solennel par lequel une société
déclare les principes qui la fondent, qui la
rassemblent et qui l'organisent. Ce texte-là ne
peut être changé aussi facilement qu'une loi
ordinaire ; il faut une procédure particulière,
plus solennelle, plus exigeante, qui
corresponde à la qualité de l'acte à modifier ; il
faut distinguer le pouvoir de faire les lois du
pouvoir de réviser la Loi. Comme la plupart
des Constitutions, celle de 1958 opère cette
distinction en réservant un titre spécial à la
révision constitutionnelle - le titre XVI - et un
article unique - l'article 89.
Ces dispositions particulières règlent quatre
questions :
- L'initiative de la révision. Elle appartient
"concurremment au Président de la République
sur proposition du Premier ministre et aux
membres du Parlement". Initiative partagée
donc entre les parlementaires et l'exécutif, mais
surtout au sein même de l'exécutif : ni le
Président ni le premier ministre ne peuvent
engager seul une procédure de révision ; le
Président doit attendre - ou solliciter - la
proposition du Premier ministre, et, en retour,
le Premier ministre doit attendre - ou
provoquer - la réponse du Président à sa
proposition. Quand l'initiative de la révision
vient de l'exécutif, l'accord du Président et du
Premier ministre est ainsi nécessaire ; exigence
relativement facile à satisfaire si l'un et l'autre
appartiennent à la même famille politique,
beaucoup moins dans l'hypothèse d'une
cohabitation au sommet de l'Etat.
- L'adoption du projet ou de la proposition.
Qu'il vienne de l'exécutif - projet - ou des
parlementaires - proposition - le texte doit être
voté par chacune des deux assemblées "en
termes identiques". La précision est
importante. A la différence de la procédure
législative ordinaire où le Premier ministre
peut, en cas de désaccord persistant entre les
deux chambres, provoquer la réunion d'une
commission mixte paritaire pour tenter
d'aboutir à un texte commun - et même
demander à l'Assemblée nationale de statuer
définitivement - la procédure de révision ne
prévoit aucun moyen de forcer l'accord entre
députés et sénateurs. Ici, les deux assemblées
ont un égal pouvoir ; en maintenant sa
rédaction, en refusant de prendre en compte les
64/92
modifications de l'autre, chacune peut faire
durer les débats indéfiniment et, de fait,
bloquer la révision. Plusieurs projets ont ainsi
échoué à ce stade, par obstruction du Sénat :
l'extension du champ du référendum (1984),
l'extension aux personnes du droit de
provoquer le contrôle de la conformité d'une
loi aux droits fondamentaux (1990, 1993) ...
- La ratification. Deux situations doivent être
distinguées : ou les parlementaires sont à
l'origine de la révision, et la ratification se fait
obligatoirement par référendum ; ou l'exécutif
est à l'origine, et le Président de la République
a le choix entre la ratification par référendum
ou la ratification par le Congrès. Le Congrès
est la réunion, dans une même salle et au
château de Versailles, des députés et des
sénateurs qui doivent voter le projet à la
majorité des trois cinquièmes des suffrages
exprimés pour qu'il soit ratifié. La raison de
cette différence de traitement entre projet et
proposition est, évidemment, politique : le
général de Gaulle craignait que les initiatives
parlementaires de révision aient pour objet de
détruire son œuvre ; aussi, connaissant la très
grande réserve des députés et sénateurs à
l'égard de la pratique référendaire, il espérait
limiter leurs "envies" de révision en les
soumettant obligatoirement au référendum. Il
n'avait pas tort.
- Les limites de la révision. Elles peuvent être
classées en deux catégories principales.
D'abord, les limites justifiées par les
circonstances ; pour éviter que les révisions se
fassent sous la pression de l'occupant ou d'un
conflit, il est interdit d'engager ou de
poursuivre une procédure de révision "lorsqu'il
est porté atteinte à l'intégrité du territoire" ;
pour éviter aussi qu'un Président "intérimaire"
ne profite de la situation, l'usage de l'article 89
est interdit "durant la vacance de la Présidence
de la République" ; pour éviter encore qu'un
Président en exercice ne saisisse l'occasion
d'une crise exceptionnelle, il lui est interdit -
par la décision du Conseil constitutionnel du 2
septembre 1992 - de changer la Constitution
lorsqu'il fait application des pouvoirs de
l'article 16. Ensuite, des limites portant sur le
contenu : "la forme républicaine du
gouvernement, précise le dernier alinéa de
l'article 89, ne peut faire l'objet d'une révision".
Si l'obligation de respecter la "forme
républicaine" signifie l'interdiction de rétablir
la monarchie ou l'empire, la limite imposée au
pouvoir de révision est faible car le risque d'un
tel rétablissement est lui-même faible ; si, en
revanche, l'expression signifie obligation de
respecter les valeurs et principes qui donnent à
un régime sa "forme républicaine" - par
exemple, la laïcité, le service public, l'égalité,
la fraternité; - la liberté du pouvoir constituant
se trouverait fortement réduite. Si cette
question d'interprétation reste en suspens, le
Conseil constitutionnel a rappelé, dans sa
décision du 2 septembre 1992, l'ensemble de
ces limites et laissé entendre qu'il pourrait, le
cas échéant, sanctionner leur non-respect.
Mais, l'article 89 n'interdisant pas une révision
des limites qu'il pose, le pouvoir constituant
pourrait parfaitement les supprimer et
retrouver ainsi une totale liberté de décision, y
compris pour modifier la forme républicaine
du gouvernement ...
Et l'article 11 ? Une révision de la Constitution
est-elle possible par le moyen de l'article 11 ?
En 1958, chacun s'accordait pour considérer
que la Constitution définissait une seule
procédure de révision, celle prévue à l'article
89. Mais, en 1962, l'utilisation par le général
de Gaulle de l'article 11 pour modifier le mode
d'élection du Président de la République oblige
à reprendre la lecture de cet article, et en
particulier de la disposition prévoyant que peut
être soumis au référendum "tout projet de loi
portant sur l'organisation des pouvoirs
publics". Or, juridiquement, il est clair qu'un
des objets principaux d'une Constitution est
d'organiser les pouvoirs publics ; la première
loi constitutionnelle de la IIIè République est,
d'ailleurs, intitulée "loi relative à l'organisation
des pouvoirs publics". La possibilité d'une
révision par le moyen de l'article 11 est donc
constitutionnellement défendable. Pourtant, ce
sont surtout des considérations politiques qui
ont été avancées pour justifier l'usage de
l'article 11. La procédure qu'il institue procure,
en effet, deux "avantages" - qui peuvent être
lus aussi comme deux "inconvénients" :
- La mise hors jeu du Parlement. Avec l'article
11, le projet de révision, présenté par le
Président de la République sur proposition du
Premier ministre, n'est ni discuté ni voté par les
chambres ; il est directement soumis au vote
du peuple par référendum. La seule obligation
pour le gouvernement est de faire sa
proposition de révision pendant la durée des
sessions parlementaires et de l'accompagner
d'une déclaration suivie d'un débat dans
65/92
chacune des deux assemblées ; mais aucun
travail ni, a fortiori, aucun vote sur le projet
lui-même ne sont prévus. Un Parlement en
désaccord avec le projet ne pourrait manifester
son opposition que par le dépôt et le vote d'une
motion de censure.
- La suppression des limites. L'article 11 ne
prévoit aucune limite de circonstances ou de
contenu à l'exercice du pouvoir de modifier
directement par référendum l'organisation des
pouvoirs publics. Sauf à considérer que les
limites énoncées à l'article 89 sont également
valables pour l'article 11 - mais aucun renvoi
n'est fait d'un article à l'autre - le pouvoir de
révision est, ici, totalement libre.
Au fond, l'article 11 ne s'est imposé comme
modalité possible de révision que parce que
l'article 89 donne au Sénat, chambre haute
issue d'un suffrage indirect, un pouvoir de
blocage ; hostile, en 1962, à l'élection
populaire du Chef de l'Etat, il n'aurait jamais
laissé "passer" cette révision par la procédure
de l'article 89. Contourner le refus prévisible
du Sénat fut sans doute, à cette époque, la
véritable raison du recours à l'article 11.
Au demeurant, l'article 11 n'a été utilisé que
deux fois comme moyen de révision, en 1962
et, sans succès, en 1969, alors que l'article 89
l'a été à neuf reprises ; ce dernier reste ainsi la
procédure de droit commun de la révision
constitutionnelle. Mais, article 11 ou article 89,
à trop souvent changer la Constitution il arrive
qu'un pays change, sans s'en apercevoir, de
Constitution; la meilleure solution, alors, est
peut-être que le peuple reprenne, dans sa
globalité, son pouvoir constituant.
Document 4 : DÉCRET DU 17 JUILLET 2008 TENDANT À SOUMETTRE UN
PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE AU PARLEMENT RÉUNI EN CONGRÈS
NOR : HRUX0817196D
Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre,
Vu l’article 89 de la Constitution,
Décrète :
Art. 1er. − Le projet de loi constitutionnelle de
modernisation des institutions de la Ve
République, voté en termes identiques par
l’Assemblée nationale lors de sa séance du 9
juillet 2008 et par le Sénat lors de sa séance du
16 juillet 2008, dont le texte est annexé au
présent décret, est soumis au Parlement
convoqué en Congrès le
21 juillet 2008.
Art. 2. − L’ordre du jour du Congrès est fixé
ainsi qu’il suit :
Vote sur le projet de loi constitutionnelle de
modernisation des institutions de la Ve
République.
Art. 3. − Le présent décret sera publié au
Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 17 juillet 2008.
NICOLAS SARKOZY
Par le Président de la République :
Le Premier ministre,
FRANÇOIS FILLON
A
66/92
FICHE N° 8 LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL (I)
Organisation, contrôle de constitutionnalité a piori et QPC
I/ DOCUMENTS REPRODUITS
1. Les membres du Conseil Constitutionnel
2. Les services du Conseil Constitutionnel
3. Georges Vedel, 9 ans au Conseil Constitutionnel, extraits
4. La QPC en bref (site de la cour de cassation)
II/ bibliographie AVRIL (P.), GICQUEL (J.), Le Conseil constitutionnel, Montchrestien, Clefs, 1992.
FAVOREU (L.), La politique saisie par le droit, Paris, Economica, 1988.
FAVOREU (L.), PHILIP (L.), Le Conseil constitutionnel, Paris, PUF, « Que sais-je ? » n° 1724, 199l.
GENEVOIS (B.), « L'influence du Conseil constitutionnel », Pouvoirs, D' 49, 1989, pp. 47-56.
HAMON (L.), Les juges de la loi, naissance et rôle d'un contre-pouvoir: le Conseil constitutionnel,
Fayard, 1987.
LUCHAIRE (F.), Le Conseil constitutionnel, Paris, Economica, 1980 & 2ème édition refondue,
Economica, 1997.
POULLAIN (B.), La pratique française de la justice constitutionnelle, Paris, Economica, 1990.
ROUSSILLON (H.), Le conseil constitutionnel, Dalloz, 2000, 3ème
édition.
STIRN (B.), Les sources constitutionnelles du droit administratif, Paris, LGDJ, 1995.
TURPIN (D.), Le Conseil constitutionnel, son rôle. sa jurisprudence, Hachette, 1995.
Les grandes décisions du Conseil Constitutionnel, Favoreu et Philip Sirey, Dalloz.
Revue Pouvoirs sur le Conseil Constitutionnel, 1989 et 2003 (n°105).
III/ Notions à connaître
Bloc de constitutionnalité - Principes de valeur constitutionnelle - Principes fondamentaux
reconnus par les lois de la République - Principes généraux du droit
IV/ EXERCICES SUGGERES
a) Le Conseil constitutionnel, une innovation dans l’histoire constitutionnelle de France ?
b) Le Conseil constitutionnel, un « gouvernement des juges » ?
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c) Le bloc de constitutionnalité : notion et évolution.
d) Le contrôle constitutionnel en France et à l’étranger : forces et faiblesses du modèle
français.
e) Le Conseil constitutionnel, une institution perfectible ?
Document 1 : Les membres du Conseil Constitutionnel
Jean-Louis DEBRÉ, nommé par le Président de la République en février 2007
Valéry GISCARD D'ESTAING, membre de droit
Jacques CHIRAC, membre de droit
Pierre STEINMETZ, nommé par le Président de la République en février 2004
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, nommée par le Président du Sénat en février 2004
Renaud DENOIX de SAINT MARC, nommé par le Président du Sénat en février
2007
Guy CANIVET, nommé par le Président de l'Assemblée nationale en février 2007
Michel CHARASSE, nommé par le Président de la République en février 2010
Hubert HAENEL, nommé par le Président du Sénat en février 2010
Jacques BARROT, nommé par le Président de l'Assemblée nationale en février 2010
Claire BAZY-MALAURIE, nommée par le Président de l'Assemblée nationale en août
2010
Document 2 : les services du Conseil Constitutionnel
Le Conseil constitutionnel est organisé en cinq services placés sous l'autorité directe du Secrétaire
général :
1) Le service administratif et financier comporte un chef de service, Trésorier du Conseil
constitutionnel et sept personnes dont : trois secrétaires, un responsable des achats, un responsable du
service intérieur, un technicien de maintenance et un agent de sécurité
2) Le service juridique comporte trois membres : un magistrat de l'ordre judiciaire, un magistrat de
l'ordre administratif et un fonctionnaire du Parlement, assistés de trois secrétaires.
3) Le service de bibliothèque et de documentation comporte un chef de service, un webmestre, deux
documentalistes et deux aide-documentalistes ; ce service accueille des stagiaires en thèse de droit
public.
4) Le service des relations extérieures comporte un chef de service, trois chargées de mission et une
secrétaire.
5) Le service du greffe et de l'informatique comprend trois collaborateurs sous l'autorité du greffier du
Conseil constitutionnel, chef de service.
Il faut signaler aussi les personnels spécialisés dont : les chauffeurs ; le majordome et les huissiers ; les
hôtesses ; la cuisine ; l'entretien des locaux ; le secrétariat de la Présidence ; les secrétariats des
membres et du conseiller technique.
L'ensemble des services du Conseil compte 55 personnes au 1er janvier 2006.
68/92
Document 3 : Georges Vedel, 9 ans au Conseil Constitutionnel, extrait
Le Débat. - Vous venez de Quitter le Conseil
constitutionnel. Quel bilan faites-vous de
l'expérience que vous venez de vivre ?
Georges Vedel. - Je commencerai par dire, à
titre personnel, si vous me le permettez, que
j'ai été parfaitement heureux au Conseil
constitutionnel. J'y ai rempli une fonction qui
était l'épanouissement d'une carrière de juriste
et m'a fait passer de la réflexion, de la critique
et de la proposition à la décision proprement
dite, ou, du moins, à ma part de décision au
sein du Conseil.
J'y ai bénéficié d'autre part d'une expérience
étendue, puisque ces neuf ans ont vu deux
élections présidentielles, trois élections
législatives, trois présidents successifs du
Conseil constitutionnel lui-même. La vie
politique, en forme d'alternance (1981, 1986,
1988), a offert de véritables conditions de
laboratoire pour observer l'institution.
Au total, celle-ci me paraît avoir bien
fonctionné. Je retiendrai à cet égard deux
notations principales.
La première, c'est qu'il a été possible, non pas
en dépit, mais à la faveur de ces changements
politiques engendrant des questions de
principe, de poser des règles permanentes et
objectives, susceptibles d'opérer
indépendamment de la nature du pouvoir en
place, qu'il soit de droite ou de gauche. Tout ce
que le Conseil a pu formuler par exemple dans
sa décision en matière de liberté de la presse à
propos de la loi Fillioud en 1984 a pu être
réaffirmé littéralement à propos de la loi
Léotard après l'alternance de 1986. La part de
censure ou d'approbation s'appliquait dans le
premier cas à des textes de gauche, dans le
second cas à des textes de droite, mais le
même cap a été tenu. De même, la doctrine
développée sur l'égalité démographique des
circonscriptions électorales, à propos d'une loi
sur la Nouvelle-Calédonie votée par la gauche,
a été appliquée ensuite au redécoupage des
circonscriptions en France métropolitaine
conduit par la droite. J'ai donc eu
véritablement le sentiment réconfortant, pour
un juriste, que la construction d'un contrôle de
constitutionnalité n'est pas une œuvre de
fantaisie. Elle s'appuie, dans un pays comme la
France sur des textes (non seulement la
Constitution, mais la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen, le Préambule de 1946)
qui ont une valeur objective et permanente.
J'ajoute que, dans le même temps, nous ne
sommes pas tombés dans le « gouvernement
des juges ». Nous nous sommes refusés,
contrairement à ce qu'a fait jadis la Cour
suprême des Etats-Unis ou à ce que fait parfois
la Cour constitutionnelle allemande, à
invoquer des principes non puisés dans les
textes, mais résultant de la philosophie
politique ou morale reconnue par les juges. Le
gouvernement des juges commence quand
ceux-ci ne se contentent pas d'appliquer ou
d'interpréter des textes, mais imposent des
normes qui sont en réalité des produits de leur
propre esprit. Je ne crois pas dans l'ensemble
que nous ayons succombé à cette tentation.
Je voudrais en second lieu corriger une erreur
d'interprétation fréquente en ce qui concerne le
rôle du Conseil constitutionnel. On constate
qu'il a été également désagréable à des
gouvernements de gauche et à des
gouvernements de droite et on en conclut que
le Conseil joue un rôle de régulateur chargé de
combattre les extrêmes de la vie politique.
Certains le louent de cette sage modération.
D'autres le critiquent, estimant anormal que
des changements électoraux importants voient
leurs effets limité par les décisions de neuf
personnes siégeant au Palais-Royal. L'une et
l'autre vision reviennent à faire du Conseil
constitutionnel une sorte de Sénat de la IIIe
République, chargé de freiner le balancier pour
qu'il n'aille ni trop à droite ni trop à gauche.
Cette façon de voir est profondément erronée.
Le Conseil constitutionnel n'intervient pas au
nom d'une doctrine politique qui serait quelque
chose comme : « II ne faut pas aller trop loin ».
Il se borne à constater que, à un moment
donné, la Constitution ne permet pas au
législateur d'aller au-delà de certaines limites
dans un sens ou dans l'autre. Ces limites sont
tracées non par ce qui serait politiquement
excessif, mais par le fait que certaines mesures
exigent une révision constitutionnelle. Tout le
système constitutionnel repose en effet sur
l'idée d'un consensus fondamental, en forme de
pacte, portant sur de grands principes, et qui ne
peut être modifié que dans des conditions
solennelles, à des majorités renforcées ou par
référendum - ce que traduit le mécanisme des
révisions constitutionnelles. Ces exigences
juridiques inhérentes à l'idée même de
69/92
constitution ont pour conséquence qu'une
majorité parlementaire ne puisse pas tout faire
si elle n'est pas assez forte pour engager une
révision contrôlée par un référendum. Sans
doute les électeurs confèrent un mandat à des
partis mais les partis majorent généralement ce
mandat. Les partis ont toujours tendance à
vouloir aller plus loin que les électeurs. Il est
clair qu'en 1981 le corps électoral n'avait
nullement donné aux socialistes un mandat de
rupture avec le capitalisme, pas plus qu'il
n'avait donné à la droite en 1986 le mandat de
promouvoir un libéralisme tous azimuts. Le
rôle du Conseil constitutionnel n'est pas du
tout en soi de combattre les positions extrêmes
mais l'agencement juridique qu'il met en œuvre
aboutit, politiquement et par lui-même, à
prévenir les usurpations que les appareils
politiques pourraient commettre par abus du
mandat qu'ils ont réellement reçu des électeurs.
Le Débat. - Vous avez été le témoin de la
période de montée en puissance du Conseil
constitutionnel. Comment avez-vous suivi de
l'intérieur ce renforcement à la fois symbolique
et réel de l'institution ?
G. V. - Lorsque je suis arrivé en 1980, un
certain nombre de choses essentielles étaient
déjà en place. Il était acquis d'abord que, pour
le Conseil constitutionnel, faisaient partie de la
Constitution, de façon intégrale, la Déclaration
des droits de 1789, le Préambule de 1946 et les
principes fondamentaux reconnus par les lois
de la République (auxquels renvoie le
Préambule de 1946). On le savait avec
certitude depuis la fameuse décision de 1971
concernant le droit d'association. C'est un
acquis d'autant plus important que les écrivains
(je dis bien les « écrivains » et non pas les
auteurs de la Constitution) ne l'avaient pas
prévu. Second acquis des années soixante-dix :
la révision constitutionnelle de 1974 fait
pratiquement passer la saisine du Conseil en
matière de contrôle de constitutionnalité des
lois des mains des quatre Grands (président de
la République, Premier ministre, présidents des
assemblées) aux mains de l'opposition quelle
qu'en soit la couleur. À mon arrivée, en 1980,
les socialistes alors dans l'opposition avaient
pris l'habitude de déférer au Conseil toutes les
lois de quelque importance.
Un élan nouveau a été donné en 1981 par le
changement de président de la République et le
changement de majorité parlementaire. Tout
un train législatif a été mis en route : contre-
pied des lois votées par l'ancienne majorité ;
questions nouvelles, comme les
nationalisations par exemple. Chaque session
de l'Assemblée a mis sur le tapis du Conseil
des lois nouvelles et des problèmes nouveaux.
Par exemple, jusqu'en 1981, la liberté de la
presse était quelque chose d'assez simple : elle
consistait en ceci qu'il n'y avait pas de censure.
À partir de 1982, il a fallu se poser le problème
de savoir si la liberté de la presse se réduisait à
l'absence de censure. Ne comporte-t-elle pas
des corollaires (transparence financière,
pluralisme) qu'il incombe au législateur
d'organiser, non pour limiter la liberté de la
presse, mais pour la rendre effective ? Autre
exemple : les nationalisations étaient devenues
depuis 1946 une matière théorique. En 1981,
elles ont fait surgir une série de problèmes:
pourquoi nationaliser ? Que peut-on
nationaliser ? Comment faut-il indemniser ? Et
en sens inverse, cinq ans après : peut-on «
dénationaliser » ? Dans quelles conditions ?
Les problèmes tant de principe que de
technique juridique se sont multipliés. Comme
si des hypothèses théoriques du temps de paix
étaient éprouvées sur le terrain en temps de
guerre.
Le Débat. - Cette période a été aussi celle où le
rôle d'une institution jusqu'alors assez
confidentielle a été perçu par l'opinion
publique, ne serait-ce qu'à la faveur des
controverses dont elle s'est mise à faire
l'objet...
G. V. - En effet, et cela a d'ailleurs entraîné le
Conseil à faire œuvre pédagogique, même si
cela ne concerne qu'un public restreint.
Jusque-là, la tradition dans les rédactions du
Conseil, à l'instar de celles du Conseil d'État,
allait dans le sens de la brièveté. A partir du
moment où la contestation des décisions par le
monde politique est devenue vive, le Conseil a
entrepris de manière systématique un travail
juridico-pédagogique d'explication. Par
exemple la décision du 16 janvier 1982 sur les
nationalisations comporte, non pas une longue
dissertation érudite à la manière de la Cour
allemande ou italienne, mais tout de même une
explication substantielle des motifs et des
choix. Actuellement le Conseil a pour habitude
de rédiger ses motifs en trois points :
l'argumentation de ceux qui critiquent la loi ;
ce que l'on peut ou non leur répondre ; ce qu'il
70/92
faut décider. Dans le même sens, et afin de
faire bien comprendre à l'opinion que le
Conseil n'est pas une troisième chambre
politique, les décisions citent les textes
constitutionnels leur servant de base.
Le Débat. - Vous avez l'impression que cet
effort pédagogique a porté ses fruits et que le
principe du contrôle de la constitutionnalité
des lois est entré dans les mœurs françaises, en
rupture avec une tradition deux fois séculaire
de souveraineté parlementaire ?
G. V. - Je crois qu'il y est entré. De même
qu'on annonçait que les Français seraient
horrifiés à l'idée d'élire eux-mêmes leur
président de la République alors qu'ils s'en sont
montrés plutôt satisfaits, de même on nous
disait que les Français seraient horrifiés à l'idée
que le législateur puisse être contrôlé. Or, ils
ont l'air de trouver, là aussi, que ce n'est pas
une mauvaise chose. Le contrôle de
constitutionnalité fait partie, si je puis
employer une expression familière, du confort
moderne des démocraties. Nous sommes venus
à l'instar de nos voisins européens, comme on
est venu à la machine à laver et à la salle d'eau
non par simple mode, mais pour vivre mieux.
De plus, le contrôle de constitutionnalité, et
c'est un aspect vraiment important, nous met
au niveau des exigences internationales.
L'opinion n'est pas encore consciente - ce sera
sa prochaine découverte - de l'importance
pratique que prend la Convention européenne
des droits de l'homme. La Cour européenne
des droits de l'homme tape avec désinvolture
sur les doigts des législateurs nationaux. Les
Suisses ont eu la surprise voici un an par
exemple, de voir censurer dans leur loi sur le
divorce une disposition qui permettait au juge
d'interdire pendant un certain temps le
remariage de gens qui avaient abusé du
divorce. L'un des mérites du Conseil
constitutionnel, c'est que, comme il existe une
convergence très grande entre les principes de
1789 et de 1946, tels qu'il les interprète, et la
jurisprudence de la Cour de Strasbourg, son
intervention évite les recours à La juridiction
européenne. En 1981, les cabinets d'avocats
internationaux s'attendaient à un vaste
contentieux international sur le principe des
nationalisations et sur les indemnisations de
celles-ci. Finalement il n'y a presque pas eu de
procès, parce que la décision du Conseil a
conduit le législateur à revoir ses méthodes
d'évaluation et a ainsi coupé court au
contentieux international. Je ne peux pas dire
en mon âme et conscience qu'il n'y a pas de
démocratie sans contrôle de constitutionnalité,
puisque les Anglais s'en passent fort bien et
qu'on ne peut pas récuser leur démocratie.
Mais je pense que le contrôle de
constitutionnalité est un élément important du
confort démocratique et c'est bien ainsi que les
Français l'ont compris et adopté.
Le Débat. - Que pensez-vous de la perspective
d'un élargissement de la saisine de Conseil
constitutionnel, tel qu'il a été récemment
évoqué ?
G. V. - Je suis tout à fait d'accord sur ce point
avec les idées exprimées par le président
Robert Badinter et sur l'analyse qui les sous-
tend. Je le rejoins pour penser que nous avons
peut-être le meilleur système de contrôle de
constitutionnalité, à une réserve près.
L'avantage du système français tient à son
caractère préventif : c'est avant sa
promulgation que la loi est déférée au Conseil.
Certes cela va parfois déchaîner les
polémiques mais pendant au maximum un
mois. En outre, une fois que la décision sera
prise, l'expérience le prouve, au bout de quinze
jours, personne n'en parlera plus. Enfin si la loi
n'est pas censurée, tout le monde est fixé sur sa
validité : les particuliers, l'administration, le
législateur. Chacun peut vaquer à sa tâche sans
se demander si quatre ou cinq ans après,
comme ce peut être le cas dans d'autres
système de contrôle, on ne va pas remettre en
cause la constitutionnalité de la loi et donc la
sécurité juridique. Le caractère rustique de
notre instrument en fait le mérite.
Il y a toutefois une lacune, et Robert Badinter
la dénonce avec raison : c'est que le système
peut laisser passer des lois inconstitutionnelles.
C'est d'abord le cas des lois anciennes
antérieures à 1958 qui ont nécessairement
échappé à tout contrôle. Une parenthèse : le
Conseil constitutionnel et les juristes se
penchent avec beaucoup d'attention sur les
atteintes possibles à la liberté individuelle en
cas de garde à vue, de vérification d'identité,
de fouille des véhicules, etc. Dans le même
temps, on oublie que, sur n'importe quel point
du territoire, un monsieur qui vous dit
«Douane» et n'invoque d'ailleurs aucun motif
particulier de suspicion peut non seulement
fouiller votre voiture, mais vous avec, sans
aucune restriction ! II y a aussi le problème des
71/92
lois postérieures à 1958 et qui ne sont pas
déférées au Conseil parce que les saisissants se
rendraient impopulaires. Il conviendrait donc
de prévoir une soupape de sûreté permettant de
remettre en cause les textes ainsi rescapés. Il
ne faut pas pour autant en faire une procédure
d'accès facile, auquel cas le Conseil serait
destiné à devenir une machine énorme. Mais
lorsque dans un procès, en fin de parcours,
devant la Cour de cassation ou le Conseil
d'État, une exception sérieuse
d'inconstitutionnalité serait élevée, on pourrait
envisager que la Cour ou le Conseil d'État en
réfère au Conseil constitutionnel. Ce
perfectionnement ne serait pas très lourd et
n'exigerait pas un renforcement des moyens du
Conseil. Car, pour employer un langage
mercantile, le rapport qualité/prix est excellent
! Avec neuf membres, un secrétaire général et
quatre collaborateurs, plus un personnel
administratif ou de service (quarante personnes
en tout), on reste très loin de l'appareil
majestueux de la Cour constitutionnelle
allemande, italienne ou espagnole.
Le Débat. - Que pensez-vous de la critique qui
met en cause le caractère peu démocratique
résultant du secret des délibérations du
Conseil, par opposition, par exemple, au
système de la publication des opinions
dissidentes aux États-Unis ?
G. V. -Le secret du délibéré n'est pas un tout. Il
a des degrés divers. Dans la tradition juridique
française, l'audience est publique, comme les
plaidoiries, les rapports ou les conclusions du
ministère public ou du commissaire du
gouvernement. La délibération des juges, en
revanche, est chez nous secrète. Mais il est des
pays où le délibéré est public. Je l'ai vu
pratiqué au Brésil, par exemple. Il existe
encore une autre forme de publicité comme
c'est le cas pour les juridictions (américaine,
notamment) qui admettent le dissent, l'opinion
dissidente. Je nuancerai donc ma réponse. Je
serais assez d'avis personnellement que le
Conseil puisse connaître une forme de
publicité élémentaire. Sans qu'il soit besoin de
tenir des audiences publiques, il serait admis
qu'il n'y a pas de pièce qui ait préparé la
décision qui ne puisse être publiée. Nous avons
fait d'ailleurs un pas en ce sens sous la
présidence de M. Daniel Mayer qui a assuré la
publication de la saisine. Les autres formes de
publicité me paraissent poser un problème
d'habitude. Les opinions dissidentes sont en
général plus fortement motivées que les
décisions de la majorité, pour la simple raison
que la décision majoritaire est nécessairement
synthétique. La rédaction qui rassemblera les
idées de huit juges sur neuf, avec leurs
nuances, aura beaucoup moins de « punch »
que l'opinion du seul opposant qui pourra se
déployer dans toute sa logique. Il y aurait
incontestablement en France un
affaiblissement de la décision par la
publication de l'opinion dissidente. Dans un
pays qui en a l'habitude, l'effet du dissent est
émoussé. Je me demande en revanche si en
France on ne parlerait pas beaucoup plus de
l'opinion dissidente que de la décision
majoritaire ! Sans doute l'accoutumance
finirait-elle par se produire, mais nous ne
savons pas ce que serait la transition. Il est plus
facile de rapprocher le tabouret du piano que
de rapprocher le piano du tabouret. De même il
est plus facile de rapprocher une constitution
des Français tels qu'ils sont que de rapprocher
les Français d'une constitution idéale. Notre
tradition judiciaire ne va pas dans le sens de la
publicité du dissentiment, et l'on ne peut pas
savoir quels dégâts produirait le changement,
le temps qu'il prendrait à s'acclimater et les
effets inattendus qu'il entraînerait. C'est le
même problème que celui du scrutin à un tour.
Bien sûr, en France, au bout de trente ans
d'usage paisible, le scrutin à un tour aboutirait
à une structure de partis à l'anglaise. Mais que
se passerait-il en fait pendant ces trente ans ?
Le Débat. - Vous faisiez tout à l'heure une
distinction entre les écrivains et les auteurs de
la Constitution. Pourriez-vous préciser ce que
vous entendiez par là ?
G. V.- C'est très simple. On est actuellement en
train de publier les travaux préparatoires de la
Constitution. Ces matériaux sont passionnants
du point de vue historique et politique. Mais
cette publication ouvre une tentation juridique
qu'il faut résolument repousser. De même
qu'on interprète les lois, quand elles ne sont
pas claires, d'après les travaux préparatoires,
on serait tenté d'interpréter la Constitution à la
lumière des documents qui arrivent maintenant
au jour. Mais une différence fondamentale
interdit ce parallélisme. Ce qui fonde la prise
en considération des travaux préparatoires
d'une loi, c'est le fait que les décideurs, c'est-à-
dire les votants, députés ou sénateurs, ont
connu les rapports des commissions, les
interventions dans le débat, etc., et qu'on peut
72/92
savoir s'ils y ont ou non adhéré. C'est à partir
de là qu'on reconstitue l'intention du
législateur. En revanche, dans le système
d'élaboration de la Constitution de 1958, les
travaux préparatoires ont été conduits dans le
secret, qu'il s'agisse des délibérations
gouvernementales, des délibérations du comité
interministériel, de celles du groupe de travail,
du comité consultatif constitutionnel ou du
Conseil d'Etat.
Or quel était le décideur ? C'était le peuple
français. Le peuple français, quand il a voté,
n'avait sous les yeux que le texte de la
Constitution qu'il s'agit d'interpréter et le
discours du général de Gaulle, place de la
République le 4 septembre 1958. Ce que nous
découvrons aujourd'hui comme travaux
préparatoires lui était rigoureusement inconnu,
et ne saurait avoir de ce fait aucune portée
juridique. Leur portée historique est certes
considérable. Pour autant, on ne saurait donner
aux opinions individuelles, dont nous
apprenons ainsi l'existence, valeur de
directives pour l'interprétation de la
Constitution. Voilà pourquoi je me refuse à
parler des auteurs de la Constitution à propos
du général de Gaulle, de Michel Debré ou des
membres des différents conseils ou comités. Je
leur réserve l'appellation d'« écrivains » de la
Constitution. Les auteurs, ce sont les millions
de citoyens qui l'ont approuvée, et qui
n'avaient pas de travaux préparatoires à se
mettre sous la dent.
Document 4. La QPC en bref
La loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la
Constitution a été publiée au Journal o fficiel le 11 Décembre 2009. Cette loi, en vigueur à compter
du 1 er mars 2010, est applicable aux instances en cours . Le Conseil constitutionnel, saisi de sa
conformité à la Constitution, a validé le 03 décembre 2009 l’ensemble du texte voté. L’économie
générale du dispositif proposé tend à permettre au justiciable de contester la constitutionnalité
d’une disposition législative lors d'une instance en cours devant une juridiction lorsqu’il estime
que ce texte, applicable au litige ou à la procédure, ou constituant le fondement des poursuites, porte
atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
Rôle des juridictions du fond
La loi organique prévoit ainsi la faculté de soulever une question prioritaire de constitutionnalité au
cours de toute instance introduite devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de
cassation, y compris pour la première fois en cause d’appel ou en cassation. Le moyen
d’inconstitutionnalité ne peut être relevé d'office par le juge.
Au cours d’une information judiciaire, la question soulevée devant le juge d’instruction est portée
devant la juridiction d'instruction du second degré. La loi organique exclut en outre que la question
puisse être posée devant la Cour d'assises. Elle peut néanmoins être posée à l’occasion d’un appel
interjeté à l’encontre d'un arrêt rendu par une telle cour.
La juridiction devant laquelle le moyen d’inconstitutionnalité est soulevé doit procéder à un premier
examen, de nature limitée. Elle doit vérifier :
- que la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement
des poursuites,
- que la disposition dont la constitutionnalité est contestée n'a pas déjà été déclarée conforme à la
Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf
changement des circonstances,
- que la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.
Le mécanisme mis en œuvre impose à chaque étape de la procédure qu'il soit sursis à statuer sur le
litige ou le procès pénal. Des exceptions sont toutefois prévues, notamment lorsqu'une personne est
privée de liberté à raison de l'instance.
73/92
En outre, le juge du fond n’est pas tenu de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité
mettant en cause, par les même motifs, une disposition dont la Cour de cassation ou le Conseil
constitutionnel est déjà saisi. En cas d’absence de transmission pour ce motif, elle sursoit à statuer
sur le fond, jusqu’à ce qu’elle soit informée de la décision de la Cour de cassation ou du Conseil
constitutionnel. Un tableau des questions posées est en ligne sur leurs sites Internet respectifs.
Rôle des cours suprêmes des deux ordres
Si la question soulevée satisfait à ces conditions, la juridiction la transmet, dans les huit jours de son
prononcé, à la juridiction suprême dont elle relève, laquelle doit à son tour se prononcer dans les
trois mois suivant la transmission. En l’absence de décision rendue dans les délais prévus, la
question est automatiquement transmise au Conseil constitutionnel.
L’arrêt de la Cour de cassation est rendu par une formation spécifique présidée par le premier
président et composée des présidents des chambres et de deux conseillers appartenant à chaque
chambre spécialement concernée.
Le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation saisit le Conseil constitutionnel de la question de
constitutionnalité si le moyen soulève, au delà des deux premiers critères guidant l’analyse des juges
du fond, une question nouvelle ou présentant un caractère sérieux.
Rôle du Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel dispose d’un délai de trois mois pour se prononcer, au terme d’une
procédure contradictoire tenue, sauf exception, en audience publique, par décision motivée et
publiée au Journal officiel. Aux termes de l’article 62 de la Constitution, une disposition déclarée
inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la
décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision.
Le Conseil constitutionnel détermine en outre les conditions et limites dans lesquelles les effets que la
disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause.
Un contrôle prioritaire de constitutionnalité
En tout état de cause, la juridiction du fond de même que les juridictions suprêmes, doivent, lorsqu'elle
sont saisies de moyens contestant la conformité d'une disposition législative d'une part aux droits et
libertés garantis par la Constitution et d'autre part aux engagements internationaux de la France, se
prononcer en premier sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'État
ou à la Cour de cassation.
Le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions confirmaient la place de la Constitution au
sommet de l'ordre juridique interne français sans méconnaître les engagements internationaux de la
France.
74/92
FICHE N° 9 LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL (II)
Les méthodes du conseil constitutionnel
I/ DOCUMENTS REPRODUITS (extraits)
1. Noelle Lenoir, Le métier de Juge constitutionnel, extraits
2. la typologie des décisions du Conseil constitutionnel
3. CC, décision n° 71-44 DC, 16 juillet 197l, « Liberté d'association ».
4. CC, décision n°75-54 DC, 15 janvier 1975, « Interruption volontaire de grossesse ».
5. CC, décision n°83-165 DC, 20 janvier 1984 "enseignement supérieur".
6. CC, décision n°84-181 DC, 10 octobre 1984 "entreprises de presse", extraits.
7. CC, décision n°94-343 DC, 27 juillet 1994 "bioéthique".
II/ bibliographie
« Le contrôle de constitutionnalité - l », Documents d'études, Documentation française, n° 1-
15, 1994, pp. 13-50.
« Le contrôle de constitutionnalité - II », Documents d'études. Documentation française, n° l-
16, 1994.
CHAMPEIL-DESPLATS (V.) « Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la
République » , Economica, 2001.
DEBENE (M.), « Le Conseil constitutionnel et les principes particulièrement nécessaires à
notre temps», AJDA., 1978. 5 3 1.
DRAGO (G.) Contentieux constitutionnel, PUF, Thémis, 1998.
FAURE (B.), « Les objectifs de valeur constitutionnelle », RFDC., 1995.47.
GENEVOIS (B.), La jurisprudence du Conseil constitutionnel. Ed. STH, 1988.
JEANNEAU (B.), « Juridicisation et actualisation de la Déclaration des droits de 1789 »,
RDP., 1989, pp. 635-663.
LE MIRE (P.), « La jurisprudence du Conseil constitutionnel et les principes généraux du
droit », Mélanges Charlier, 1984, pp. 171 et s.
LUCHAIRE (F.), « Le contrôle préalable de constitutionnalité en France », RIDC., Journées
SLC, vol. 12 (1990), pp. 11-24.
MEUNIER (J.) Le pouvoir du CC, essai d’analyse stratégique, L.G.D.J.
III/ NOTIONS A CONNAITRE
Contrôle abstrait / concret - a priori / a posteriori - obligatoire / facultatif – spécialisé.
Statuer ultra petita, statuer infra petita. Bloc de constitutionnalité
IV/ EXERCICES SUGGERES
Le juge constitutionnel et la Déclaration des droits de l'homme.
75/92
Le juge constitutionnel et les Traités.
Document 1 : Noelle Lenoir, Le métier de juge constitutionnel, extraits
Le Débat. - Mais au-delà de cette légitimité
morale, à partir de quoi le Conseil construit-il
ses décisions en droit ?
N. L. - Le socle de ces décisions est le " bloc
de constitutionnalité ", lequel comprend, on l'a
vu, la Constitution de 1958 elle-même, la
Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789 d'inspiration libérale et le
préambule de la Constitution de 1946 qui
définit les droits économiques et sociaux. Ces
textes sont plus ou moins anciens et donc plus
ou moins adaptés aux défis actuels. Ceci
n'empêche pas le Conseil constitutionnel d'en
tirer les principes " nécessaires à notre temps "
pour reprendre la formule du préambule de
1946. Par exemple, dans sa décision de 1994
sur les lois de bioéthique, le Conseil a dégagé
le principe de la dignité de la personne
humaine à partir d'une simple phrase du
préambule de 1946. Or cette phrase ne parle
pas de la dignité qu'elle suggère seulement en
évoquant - c'était après la guerre - " les
régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader
la personne humaine... ". Identifier ainsi les
normes de référence applicables correspond à
la première étape du raisonnement du juge
constitutionnel français. Ensuite, il s'attache à
confronter les dispositions de la loi à ces
normes constitutionnelles.
Fonder une décision en droit répond à trois
impératifs.. La première obligation que
s'assigne le juge constitutionnel qu'il soit
d'ailleurs français ou non, est de se reporter à
sa jurisprudence, c'est à dire aux précédents.
Dans l'intitulé d'une chronique publiée il y a
dix ans, Bruno Genevois, ancien secrétaire
général du Conseil, se demandait : " La
jurisprudence du Conseil constitutionnel est-
elle imprévisible ? ". La réponse est nuancée.
D'un côté, la décision finale n'est pas donnée
d'avance. En particulier, le choix entre la
censure et la réserve d'interprétation dite
neutralisante reste dans la majorité des cas
toujours ouvert. D'un autre côté, les concepts et
les modes de raisonnement sur lesquels
s'appuie la jurisprudence sont la plupart du
temps les mêmes. Je ne suis pas loin de voir
dans le " culte du précédent " un impératif
kantien pour le juge constitutionnel. Le respect
du précédent est une garantie pour le
législateur dont les actes sont contrôlés, une
sécurité pour les citoyens dont les droits
fondamentaux sont protégés et un facteur de
légitimité pour le juge mis ainsi à l'abri du
reproche d’arbitraire. Les revirements de
jurisprudence ne sont bien sûr pas interdits et
même parfois souhaitables, à mes yeux ; mais
ils sont peu nombreux. Ils interviennent en
pratique moins souvent sur le fond qu'en
matière de procédure. Un exemple récent en
témoigne. En 1999, le Conseil est revenu sur
sa jurisprudence pour limiter la possibilité
d'amender un texte de loi adopté au Parlement
en commission mixte paritaire afin d'empêcher
le gouvernement de remettre en cause l'accord
intervenu entre les assemblées. J'ajoute que le
Conseil constitutionnel procède rarement par
ruptures. Il infléchit plutôt sa jurisprudence.
La deuxième règle d'or est plus spécifique à la
France et à un moindre degré à l'Italie. Elle est
que le juge doit s'abstenir de créer du droit. La
conception du rôle du juge n'est plus tout à fait
celle qui prévalait du temps de Montesquieu,
pour qui que le juge était la " bouche de la
loi ". Pour autant le juge français est l'un des
rares à ne pouvoir avouer qu'appliquer la loi,
c'est l'interpréter et donc contribuer à créer la
norme. Pour ce qui est du Conseil
constitutionnel, cela se traduit par l'affirmation
d'un respect scrupuleux des sources écrites de
la Constitution. Et ce, même si, en se fondant
sur ces dispositions écrites, le juge dispose en
fait d'une grande latitude pour faire émerger de
nouveaux principes, (la liberté contractuelle ou
le droit à un recours juridictionnel effectif pour
citer deux exemples récents).
Le troisième impératif est commun à toutes les
cours constitutionnelles. C'est ce que l'on
désigne habituellement comme le « self
restraint » que l'on peut traduire par le mot
« autolimitation ». Le juge constitutionnel
apprécie en droit les lois, et n'est en effet pas
habilité à porter sur elles un jugement en
opportunité politique. En rappelant dans
certaines décisions qu'il n'a pas " un pouvoir de
décision et d'appréciation de même nature que
celui du Parlement ", le Conseil ne cherche pas
seulement à se protéger. Il entend se
positionner en juge alors même que le contrôle
de constitutionnalité peut l'amener à interférer
76/92
dans l'action gouvernementale. Ainsi, lorsqu'il
procède à un " test de proportionnalité " entre
les mesures prévues par la loi et les objectifs
poursuivis par le législateur, le Conseil
constitutionnel mentionne-t-il qu'il " ne saurait
rechercher si les objectifs que s'est assignés le
législateur auraient pu être atteints par d'autres
voies, dès lors que les modalités retenues par la
loi ne sont pas manifestement inappropriées ".
D'autres cours, comme la Cour suprême du
Canada, sont bien plus directives. Le Conseil
constitutionnel s'abstient en revanche
d'indiquer au législateur les moyens de
remédier à une inconstitutionnalité. Est-ce
pour atténuer la brutalité d'un contrôle de
constitutionnalité exercée " à chaud " ?
Le Débat. - Vous avez souligné à plusieurs
reprises l'évolution du contentieux soumis au
Conseil constitutionnel. Pourriez-vous préciser
les contours de cette évolution de la
jurisprudence ?
N. L. - Au cours des neuf années de mon
mandat, entre 1992 et 2001, plusieurs facteurs
semblent avoir influencé cette évolution : le
contexte politique lié aux changements de
majorités; mais surtout l'infléchissement du
rôle de l'État et donc de la loi ; les
transformations dans le paysage international ;
enfin les renouvellements dans la composition
du Conseil lui-même. Force est de constater
que les problèmes sur lesquels le Conseil a du
se pencher n'ont plus été les mêmes à quelques
années d'intervalle. Au début, les recours qui
émanaient alors de l'opposition de gauche,
étaient dirigés principalement contre des lois à
tendance sécuritaire : contrôles d'identité,
maîtrise de l'immigration, garde à vue des
mineurs, restriction des conditions d'accès à la
nationalité française , par exemple. Les
censures du Conseil consistaient alors à limiter
les restrictions pesant sur les libertés. Les
décisions étaient parfois vivement critiquées,
mais elles s'inscrivaient dans le droit fil de ce
qu'on attend d'une Cour constitutionnelle
chargée de protéger les droits fondamentaux.
La décision du 13 août 1993 sur l'immigration
est célèbre parce qu'elle a provoqué une crise
politique à cause de son interprétation libérale
du droit d'asile. Mais cette décision est à mon
avis surtout marquante en ce qu'elle a créé un
véritable droit constitutionnel des libertés
publiques pour les étrangers, alors que la
Constitution ne garantit expressément que les
" libertés fondamentales des citoyens ". A
partir de 1997, la matière des lois soumises au
Conseil a changé. Leur caractère économique,
fiscal ou social rend la tâche du Conseil plus
compliquée. D'une part, et notamment dans le
cadre du contrôle a priori, les subtilités de la
législation sociale ou fiscale en France ne
facilitent guère leur compréhension par le juge
même s'il prend soin de consulter des experts
chevronnés D'autre part et surtout, une
censure, peut sembler retirer des droits sociaux
alors que ce n'est ni l'intention du Conseil, ni la
réalité de la décision. Je songe par exemple
aux décisions en matière de réquisition de
logements pour les sans abri ou d'exonération
fiscale pour les plus démunis, qui ont pu
s'avérer moins facilement compréhensibles par
le public par rapport à la vocation d'une cour
constitutionnelle.
La jurisprudence du Conseil a elle-même
sensiblement évolué. Sans doute tient-elle
compte de la libéralisation de l'économie. Elle
fait valoir en tous les cas des principes qui
imposent à l'Etat de nouvelles règles de
comportement. Le principe constitutionnel
d'intelligibilité de la loi en particulier, inspiré
du droit allemand et du droit communautaire,
repose sur l'idée que les acteurs de la société
doivent pouvoir se déterminer par rapport aux
droits et obligations découlant de la législation.
Pour que ce droit à l'autodétermination puisse
s'exercer, encore faut-il que l'Etat fixe des
règles du jeu claires et que la loi soit
accessible. Dans le même esprit, le Conseil
constitutionnel a reconnu récemment la valeur
constitutionnelle de la liberté contractuelle.
C'est une nouveauté. Désormais, le juge
français a les mêmes outils conceptuels que les
autres juges constitutionnels. La liberté
contractuelle est par exemple l'un des quatre
grands piliers du droit constitutionnel
américain, à côté de l'equal protection
(principe d'égalité), le due process of law
(ingérence limitée de l'Etat dans le domaine
des droits et libertés des citoyens), et de la
reasonableness (destinée à éviter l'arbitraire).
Affirmée dans son principe par le Conseil
Constitutionnel en 1998, dans la décision sur la
loi Aubry I, la liberté contractuelle a été dans
la loi Aubry II le fondement de l'annulation de
dispositions qui remettaient en cause des
conventions sur la réduction du temps de
travail conclues sous l'empire de la loi
précédente. Le Conseil a ainsi fait primer la
négociation sur la loi. Autre signe d'une
77/92
sensibilisation accrue aux nécessités
économiques, le Conseil a renforcé la portée
de la liberté d'entreprendre en tant que liberté
constitutionnellement protégée. Il ne se
contente plus de s'assurer que la loi n'a pas
pour effet de la " dénaturer ", c'est à dire de
l'anéantir ; il veille à présent à ce que la liberté
d'entreprendre ne fasse pas l'objet d'atteintes
excessives. Cette jurisprudence tient compte de
la nouvelle donne d'une société ouverte à la
concurrence, dont les acteurs sont plus
autonomes et où il revient en premier lieu au
droit d'apporter une forme de stabilité à
l'organisation des rapports que peuvent
librement entretenir ces acteurs entre eux, et
avec l'Etat.
Parallèlement, le Conseil se montre plus
rigoureux en ce qui concerne la gestion de
l'État. Certes l'intérêt général incarné par l'Etat
induit des prérogatives de puissance publique,
mais sans que cela justifie des privilèges
exorbitants, en d'autres termes
disproportionnés par rapport aux missions
conférées à l'Etat. Telle est l'idée qui sous-tend
l'exigence de sincérité budgétaire. En
consacrant ce principe constitutionnel, le
Conseil a aussi cherché à renforcer les
pouvoirs de contrôle du Parlement, en tant que
représentation élue de la Nation. L'article 15 de
la Déclaration de 1789 ne précise-t-il pas que
" la société a droit de demander compte à tout
agent public de son administration " ? Dans la
même façon, le Conseil s'en est pris à la
pratique bien française des " validations
législatives ". Celles-ci étaient à l'origine
destinées à permettre de valider des opérations
de concours dans la fonction publique pour
éviter de porter préjudice aux candidats déjà
nommés. Mais elles servent de plus en plus à
légaliser rétroactivement des dispositions dont
l'application risque de faire condamner en
justice l'Etat pour le contraindre à verser des
sommes dues ou à rembourser des sommes
indûment perçues. Depuis 1995, le seul intérêt
de ménager les deniers de l'État ne justifie plus
que la loi interfère ainsi dans le déroulement
de procédures juridictionnelles en cours.
On peut rattacher au même souci de recentrage
du rôle de l'Etat une plus grande ouverture aux
aspirations décentralisatrices. A ce sujet, la
décision de 1991 sur le statut de la Corse, dont
on a surtout retenu la censure de la notion de
" peuple corse comme composante du peuple
français ", donne souvent lieu à une
interprétation inexacte. Cette décision
réaffirme l'indivisibilité de la République et
pour les mêmes motifs que ceux fondant la
décision de 1999 sur la Charte des langues
régionales du Conseil de l'Europe, elle regarde
comme incompatible avec nos fondements
constitutionnels, toute organisation
communautaire accordant des droits propres à
des groupes d'appartenance ethnique ou
linguistique. Pour autant, la décision de 1991
sur la Corse renforce la signification de
l'autonomie locale. En admettant la
particularité de la collectivité de Corse qui est
sans équivalent sur le plan national, elle ouvre
la voie à la diversité des modes de gestion
territoriale en renonçant à l'idée que l'unité de
la République impliquerait une uniformité
administrative. La portée du principe
constitutionnel de libre administration des
collectivités locales établi par la Constitution
se trouve encore élargie de par l'incorporation
récente de la notion d'autonomie fiscale. Cette
notion, validée au niveau constitutionnel par
une décision rendue en l'an 2000, interdit
désormais au législateur de diminuer la part
des ressources propres - notamment fiscales-
des collectivités locales dans leurs recettes au
point de porter atteinte à leur libre
administration.
Dans un autre ordre d'idées, le Conseil a traité
des questions de responsabilité qui sont au
coeur des débats de notre société : notamment
dans trois décisions toutes datées de 1999, il a
précisé la procédure de mise en jeu éventuelle
de la responsabilité pénale du chef de l'Etat -
devant la Haute Cour de Justice- , les
conditions générales de la responsabilité
pénale - en posant en principe que " nul n'est
responsable que de son propre fait " -, érigé en
principe constitutionnel le droit à réparation
des dommages dans le cadre de la
responsabilité civile.
Document 2. La typologie des décisions du Conseil constitutionnel (présentation par le
Sénat)
78/92
Hors le cas où le Conseil se déclare incompétent (sur une loi référendaire, par exemple), quatre types
de décisions sont susceptibles d'être rendues par le Conseil constitutionnel, dans le délai d'un mois qui
lui est imparti à compter de la date de saisine (pouvant être ramené à huit jours en cas d'urgence à la
demande du Gouvernement) :
les décisions de conformité (ou de non contrariété à la Constitution) ;
les décisions de conformité sous réserves d'interprétation [neutralisante, directive,
constructives ;
les décisions déclarant la loi déférée partiellement contraire à la Constitution ;
les décisions déclarant la loi déférée intégralement contraire à la Constitution.
En cas d'invalidation partielle, le Conseil peut décider que la disposition invalidée est inséparable de
l'ensemble de la loi ; en ce cas, celle-ci, comme en cas d'invalidation totale, ne peut être promulguée.
Dans le cas contraire, le Président de la République peut soit la promulguer (tronquée des articles
inconstitutionnels), soit demander, en application de l'article 10 de la constitution, une nouvelle
délibération au Parlement (par exemple : sur la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie en 1985
ou, en avril 2003, sur l'article 4 de la loi relative au mode de scrutin pour les élections régionales).
Document 3 : Décision du 16 juillet 1971, Liberté d’association
Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971
Loi complétant les dispositions des articles 5 et
7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au
contrat d'association
Article 61 alinéa 2
Président du Sénat
Vu la Constitution et notamment son
préambule ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant
loi organique sur le Conseil constitutionnel,
notamment le chapitre II du titre II de ladite
ordonnance ;
Vu la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat
d'association, modifiée ;
Vu la loi du 10 janvier 1936 relative aux
groupes de combat et milices privées ;
1. Considérant que la loi déférée à l'examen du
Conseil constitutionnel a été soumise au vote
des deux assemblées, dans le respect d'une des
procédures prévues par la Constitution, au
cours de la session du Parlement ouverte le 2
avril 1971 ;
2. Considérant qu'au nombre des principes
fondamentaux reconnus par les lois de la
République et solennellement réaffirmés par le
préambule de la Constitution il y a lieu de
ranger le principe de la liberté d'association ;
que ce principe est à la base des dispositions
générales de la loi du 1er juillet 1901 relative
au contrat d'association ; qu'en vertu de ce
principe les associations se constituent
librement et peuvent être rendues publiques
sous la seule réserve du dépôt d'une déclaration
préalable ; qu'ainsi, à l'exception des mesures
susceptibles d'être prises à l'égard de catégories
particulières d'associations, la constitution
d'associations, alors même qu'elles paraîtraient
entachées de nullité ou auraient un objet
illicite, ne peut être soumise pour sa validité à
l'intervention préalable de l'autorité
administrative ou même de l'autorité judiciaire
;
3. Considérant que, si rien n'est changé en ce
qui concerne la constitution même des
associations non déclarées, les dispositions de
l'article 3 de la loi dont le texte est, avant sa
promulgation, soumis au Conseil
constitutionnel pour examen de sa conformité
à la Constitution, ont pour objet d'instituer une
procédure d'après laquelle l'acquisition de la
capacité juridique des associations déclarées
pourra être subordonnée à un contrôle
préalable par l'autorité judiciaire de leur
conformité à la loi ;
4. Considérant, dès lors, qu'il y a lieu de
déclarer non conformes à la Constitution les
dispositions de l'article 3 de la loi soumise à
l'examen du Conseil constitutionnel
complétant l'article 7 de la loi du 1er juillet
1901, ainsi, par voie de conséquence, que la
disposition de la dernière phrase de l'alinéa 2
de l'article 1er de la loi soumise au Conseil
constitutionnel leur faisant référence ;
79/92
5. Considérant qu'il ne résulte ni du texte dont
il s'agit, tel qu'il a été rédigé et adopté, ni des
débats auxquels la discussion du projet de loi a
donné lieu devant le Parlement, que les
dispositions précitées soient inséparables de
l'ensemble du texte de la loi soumise au
Conseil ;
6. Considérant, enfin, que les autres
dispositions de ce texte ne sont contraires à
aucune disposition de la Constitution ;
Décide :
ARTICLE PREMIER - Sont déclarées non
conformes à la Constitution les dispositions de
l'article 3 de la loi soumise à l'examen du
Conseil constitutionnel complétant les
dispositions de l'article 7 de la loi du 1er juillet
1901 ainsi que les dispositions de l'article 1er
de la loi soumise au Conseil leur faisant
référence.
ARTICLE 2 - Les autres dispositions dudit
texte de loi sont déclarées conformes à la
Constitution.
ARTICLE 3 - La présente décision sera
publiée au Journal officiel de la République
française.
Document 4 : Décision du 15 janvier 1975, IVG
Considérant que l'article 61 de la
Constitution ne confère pas au Conseil
constitutionnel un pouvoir général
d'appréciation et de décision identique à
celui du Parlement, mais lui donne
seulement compétence pour se prononcer
sur la conformité à la Constitution des lois
déférées à son examen ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux
termes de l'article 55 de la Constitution :
"Les traités ou accords régulièrement
ratifiés ou approuvés ont, dès leur
publication, une autorité supérieure à celle
des lois, sous réserve, pour chaque accord
ou traité, de son application par l'autre
partie." ;
Considérant que, si ces dispositions
confèrent aux traités, dans les conditions
qu'elles définissent, une autorité supérieure
à celle des lois, elles ne prescrivent ni
n'impliquent que le respect de ce principe
doive être assuré dans le cadre du contrôle
de la conformité des lois à la Constitution
prévu à l'article de celle-ci ;
Considérant, en effet, que les décisions
prises en application de l'article 61 de la
Constitution revêtent un caractère absolu et
définitif, ainsi qu'il résulte de l'article 62
qui fait obstacle à la promulgation et à la
mise en application de toute disposition
déclarée inconstitutionnelle ; qu'au
contraire, la supériorité des traités sur les
lois, dont le principe est posé à l'article 55
précité, présente un caractère à la fois
relatif et contingent, tenant, d'une part, à ce
qu'elle est limitée au champ d'application
du traité et, d'autre part, à ce qu'elle est
subordonnée à une condition de réciprocité
dont la réalisation peut varier selon le
comportement du ou des Etats signataires
du traité et le moment où doit s'apprécier le
respect de cette condition ;
Considérant qu'une loi contraire à un traité
ne serait pas, pour autant, contraire à la
Constitution ;
Considérant qu'ainsi le contrôle du respect
du principe énoncé à l'article 55 de la
Constitution ne saurait s'exercer dans le
cadre de l'examen prévu à l'article 61, en
raison de la différence de nature de ces
deux contrôles ;
Considérant que, dans ces conditions, il
n'appartient pas au Conseil constitutionnel,
lorsqu'il est saisi en application de l'article
61 de la Constitution, d'examiner la
conformité d'une loi aux stipulations d'un
traité ou d'un accord international ;
Considérant, en second lieu, que la loi
relative à l'interruption volontaire de la
grossesse respecte la liberté des personnes
appelées à recourir ou à participer à une
interruption de grossesse, qu'il s'agisse
80/92
d'une situation de détresse ou d'un motif
thérapeutique ; que, dès lors, elle ne porte
pas atteinte au principe de liberté posé à
l'article 2 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen ;
Considérant que la loi déférée au Conseil
constitutionnel n'admet qu'il soit porté
atteinte au principe du respect de tout être
humain dès le commencement de la vie,
rappelé dans son article 1er, qu'en cas de
nécessité et selon les conditions et
limitations qu'elles définit ;
Considérant qu'aucune des dérogations
prévues par cette loi n'est, en l'état,
contraire à l'un des principes
fondamentaux reconnus par les lois de la
République ni ne méconnaît le principe
énoncé dans le préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946, selon
lequel la nation garantit à l'enfant la
protection de la santé, non plus qu'aucune
des autres dispositions ayant valeur
constitutionnelle édictées par le même
texte ;
Considérant, en conséquence, que la loi
relative à l'interruption volontaire de la
grossesse ne contredit pas les textes
auxquels la Constitution du 4 octobre 1958
fait référence dans son préambule non plus
qu'aucun des articles de la Constitution ;
Décide :
ARTICLE PREMIER - Les dispositions de
la loi relative à l'interruption volontaire de
la grossesse, déférée au Conseil
constitutionnel, ne sont pas contraires à la
Constitution.
ARTICLE 2 - La présente décision sera
publiée au Journal officiel de la
République française.
Document 5 : Décision du 20 janvier 1984, Enseignement Supérieur
[…]
Sur les dispositions relatives à la composition
des organes assurant l'administration des
universités :
[…]
En ce qui concerne les principes applicables à
l'examen des dispositions critiquées :
Considérant que les dispositions critiquées ne
touchent pas à la liberté de l'enseignement
mais sont relatives à l'organisation d'un service
public et aux droits et obligations des
enseignants et chercheurs chargés de
l'exécution de ce service et associés à sa
gestion et, comme tels, relevant d'un statut
différent de celui des personnes privées ; que
cependant ce statut ne saurait limiter le droit à
la libre communication des pensées et des
opinions garanti par l'article 11 de la
Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen que dans la seule mesure des exigences
du service public en cause ;
Considérant que, selon les termes de l'article 3
de la loi soumise à l'examen du Conseil
constitutionnel : "Le service public de
l'enseignement supérieur est laïc et
indépendant de toute emprise politique,
économique, religieuse ou idéologique ; il tend
à l'objectivité du savoir ; il respecte la diversité
des opinions. Il doit garantir à l'enseignement
et à la recherche leurs possibilités de libre
développement scientifique, créateur et
critique" ;
Considérant dès lors que, par leur nature
même, les fonctions d'enseignement et de
recherche non seulement permettent mais
demandent, dans l'intérêt même du service, que
la libre expression et l'indépendance des
personnels soient garanties par les dispositions
qui leur sont applicables ; que l'article 57 de la
loi fait, dans leur principe, droit à ces
exigences en disposant : "Les enseignants-
chercheurs, les enseignants et les chercheurs
jouissent d'une pleine indépendance et d'une
entière liberté d'expression dans l'exercice de
leurs fonctions d'enseignement et dans leurs
activités de recherche, sous les réserves que
leur imposent, conformément aux traditions
universitaires et aux dispositions de la présente
loi, les principes de tolérance et d'objectivité" ;
Considérant qu'en ce qui concerne les
professeurs, auxquels l'article 55 de la loi
confie des responsabilités particulières, la
garantie de l'indépendance résulte en outre d'un
principe fondamental reconnu par les lois de la
81/92
République, et notamment par les dispositions
relatives à la réglementation des
incompatibilités entre le mandat parlementaire
et les fonctions publiques ;
Considérant que c'est à la lumière de ces
principes que doivent être examinées les
critiques adressées aux diverses dispositions
mises en cause par l'une et l'autre saisine ;
En ce qui concerne la composition du conseil
scientifique et du conseil des études et de la vie
universitaire (art 30 et 31 de la loi) :
Considérant que le conseil scientifique, eu
égard à ses attributions, ne comporte pas de
représentants des personnels administratifs,
techniques, ouvriers et de service et ne fait
place, pour les étudiants, qu'à une
représentation des étudiants de troisième cycle,
et donc engagés dans la recherche, dans une
proportion maximale de 12,5 p 100 ; qu'ainsi le
grief manque en fait et que l'article 30 n'est pas
contraire à la Constitution ;
Considérant que, si la composition du conseil
des études et de la vie universitaire comporte
une participation des étudiants dans une
proportion maximale de 40 p 100 au regard
d'une participation égale des enseignants-
chercheurs et une participation maximale de 15
p 100 des personnels administratifs,
techniques, ouvriers et de service, cette
composition, eu égard à la nature et au
caractère purement consultatif des attributions
dudit conseil, n'est pas de nature à porter
atteinte à la liberté et à l'indépendance des
enseignants-chercheurs et notamment des
professeurs ; qu'ainsi l'article 31 n'est pas
contraire à la Constitution ;
En ce qui concerne l'article 39 (alinéa 2) de la
loi :
Considérant qu'il résulte des dispositions
combinées des alinéas 2 et 3 de l'article 39 que
si, dans la représentation des enseignants-
chercheurs, le nombre des professeurs doit être
égal à celui des autres enseignants-chercheurs,
la désignation de l'ensemble des représentants
des enseignants-chercheurs se fait par un
collège électoral unique, sous la seule réserve
des règles particulières concernant le conseil
scientifique ;
Considérant qu'il est constant que, en raison de
la disproportion numérique existant entre le
corps des professeurs et celui des autres corps
d'enseignants-chercheurs, l'indépendance des
professeurs serait menacée à divers points de
vue par le système ainsi institué ; que,
notamment, le libre exercice des
responsabilités particulières qui leur sont
attribuées par l'article 55, avant-dernier alinéa,
en ce qui concerne la préparation des
programmes, l'orientation des étudiants et la
coordination des équipes pédagogiques et par
leur participation obligatoire aux décisions
individuelles concernant la carrière des autres
enseignants-chercheurs prévue à l'article 56
(alinéa 2) serait altéré par l'existence d'un
collège électoral unique ; que cette
indépendance serait d'autant plus atteinte du
fait qu'au sein de la juridiction disciplinaire
prévue par l'article 29 de la loi, les professeurs
devant composer la formation chargée de juger
les professeurs seraient désignés par l'ensemble
des représentants des enseignants-chercheurs
eux-mêmes élus par l'ensemble des
enseignants-chercheurs toutes catégories
confondues, sans que, parmi leurs juges, les
professeurs puissent compter des représentants
émanant de leur propre vote ;
Considérant, d'autre part, que l'indépendance
des enseignants-chercheurs autres que les
professeurs et la sincérité de leur suffrage
risquerait elle-même, compte tenu des articles
55, avant-dernier alinéa, et 56, alinéa 2, sus
rappelés, d'être mise en cause dans le cadre
d'un collège électoral unique ;
Considérant que l'indépendance des
professeurs comme celle des enseignants-
chercheurs ayant une autre qualité suppose,
pour chacun de ces deux ensembles, une
représentation propre et authentique dans les
conseils de la communauté universitaire ;
Considérant dès lors que, sans qu'il soit besoin
d'examiner la portée que pourrait avoir un
"principe de représentation" de caractère
général, l'alinéa 2 de l'article 39 et l'alinéa 2 de
l'article 29 ne sont pas conformes à la
Constitution ;
[…]
Sur le reste de la loi :
Considérant qu'en l'espèce, il n'y a lieu pour le
Conseil constitutionnel de soulever d'office
aucune question de conformité à la
Constitution en ce qui concerne les autres
dispositions de la loi soumise à son examen,
Décide :
82/92
Article 1er - Sont déclarés non conformes à la
Constitution le deuxième alinéa de l'article 29,
le deuxième alinéa de l'article 39, le premier
alinéa de l'article 68, le membre de phrase de
l'avant-dernier alinéa de l'article 68 ainsi conçu
: "apportés par voie de décret en Conseil
d'Etat" et l'article 70 de la loi sur
l'enseignement supérieur.
Article 2 - Les autres dispositions de la loi sur
l'enseignement supérieur sont déclarées
conformes à la Constitution.
Article 3 - La présente décision sera publiée au
Journal officiel de la République française.
Document 6 : Décision des 10 et 11 octobre 1984, Liberté de la presse, extraits
Considérant que l'article 11 de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1789
énonce : « La libre communication des pensées
et des opinions est un des droits les plus
précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc
parler, écrire, imprimer librement sauf à
répondre de l'abus de cette liberté dans les cas
déterminés par la loi » ;
Considérant que le principe ainsi proclamé ne
s'oppose point à ce que le législateur,
compétent aux termes de l'article 34 de la
Constitution pour fixer « les règles concernant
les droits civiques et les garanties
fondamentales accordées aux citoyens pour
l'exercice des libertés publiques », édicte des
règles concernant l'exercice du droit de libre
communication et de la liberté de parler, écrire
et imprimer ;
Considérant que, cependant, s'agissant d'une
liberté fondamentale, d'autant plus précieuse
que son exercice est l'une des garanties
essentielles du respect des autres droits et
libertés et de la souveraineté nationale, la loi
ne peut en réglementer l'exercice qu'en vue de
le rendre plus effectif ou de le concilier avec
celui d'autres règles ou principes de valeur
constitutionnelle ;
Considérant que le pluralisme des quotidiens
d'information politique et générale auquel sont
consacrées les dispositions du titre II de la loi
est en lui-même un objectif de valeur
constitutionnelle ; qu'en effet la libre
communication des pensées et des opinions,
garantie par l'article 11 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789, ne
serait pas effective si le public auquel
s'adressent ces quotidiens n'était pas à même
de disposer d'un nombre suffisant de
publications de tendances et de caractères
différents ; qu'en définitive l'objectif à réaliser
est que les lecteurs qui sont au nombre des
destinataires essentiels de la liberté proclamée
par l'article 11 de la Déclaration de 1789 soient
à même d'exercer leur libre choix sans que ni
les intérêts privés ni les pouvoirs publics
puissent y substituer leurs propres décisions ni
qu'on puisse en faire l'objet d'un marché ;
(…)
Considérant que, s'il est loisible au législateur,
lorsqu'il organise l'exercice d'une liberté
publique en usant des pouvoirs que lui confère
l'article 34 de la Constitution, d'adopter pour
l'avenir, s'il l'estime nécessaire, des règles plus
rigoureuses que celles qui étaient auparavant
en vigueur, il ne peut, s'agissant de situations
existantes intéressant une liberté publique, les
remettre en cause que dans deux hypothèses :
celle où ces situations auraient été illégalement
acquises ; celle où leur remise en cause serait
réellement nécessaire pour assurer la
réalisation de l'objectif constitutionnel
poursuivi ;
Document 7 : Décision du 27 juillet 1994, Bioéthique
Considérant que les saisines adressées au
Conseil constitutionnel par le Président de
l'Assemblée nationale en premier lieu, par 68
députés en second lieu concernent les mêmes
lois ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer
par une seule décision ;
- SUR LES NORMES DE
CONSTITUTIONNALITE APPLICABLES
AU CONTROLE DES LOIS DEFEREES :
Considérant que le Préambule de la
Constitution de 1946 a réaffirmé et proclamé
des droits, libertés et principes constitutionnels
en soulignant d'emblée que : "Au lendemain de
83/92
la victoire remportée par les peuples libres sur
les régimes qui ont tenté d'asservir et de
dégrader la personne humaine, le peuple
français proclame à nouveau que tout être
humain, sans distinction de race, de religion ni
de croyance, possède des droits inaliénables et
sacrés" ; qu'il en ressort que la sauvegarde de
la dignité de la personne humaine contre toute
forme d'asservissement et de dégradation est
un principe à valeur constitutionnelle ;
Considérant que la liberté individuelle est
proclamée par les articles 1, 2 et 4 de la
Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen ; qu'elle doit toutefois être conciliée
avec les autres principes de valeur
constitutionnelle ;
Considérant qu'aux termes du dixième alinéa
du Préambule de la Constitution de 1946 : "La
nation assure à l'individu et à la famille les
conditions nécessaires à leur développement"
et qu'aux termes de son onzième alinéa : "Elle
garantit à tous, notamment à l'enfant, à la
mère..., la protection de la santé" ;
- SUR LES DISPOSITIONS CONTESTEES
PAR LES DEPUTES AUTEURS DE LA
SECONDE SAISINE :
. En ce qui concerne les articles 8 et 9 de la loi
relative au don et à l'utilisation des éléments et
produits du corps humain, à l'assistance
médicale à la procréation et au diagnostic
prénatal :
Considérant que l'article 8 insère, après le
chapitre II du titre premier du livre II du code
de la santé publique, un chapitre II bis nouveau
intitulé "assistance médicale à la procréation"
et comprenant dix articles L. 152-1 à L. 152-10
;
Considérant que l'article L. 152-1 définit
l'assistance médicale à la procréation en faisant
référence aux pratiques cliniques et
biologiques permettant la conception in vitro,
le transfert d'embryons et l'insémination
artificielle, ainsi qu'à toute technique d'effet
équivalent permettant la procréation en dehors
du processus naturel ; que l'article L. 152-2
dispose que cette assistance médicale, destinée
à répondre à la demande parentale d'un couple,
a pour objet soit de remédier à une infertilité
dont le caractère pathologique a été
médicalement diagnostiqué, soit d'éviter la
transmission à l'enfant d'une maladie d'une
particulière gravité ; que le même article
impose que l'homme et la femme formant le
couple soient vivants, en âge de procréer,
mariés ou en mesure d'apporter la preuve d'une
vie commune d'au moins deux ans, et
consentant préalablement au transfert des
embryons ou à l'insémination ; que l'article L.
152-3 prévoit que compte tenu de l'état des
techniques médicales, les deux membres du
couple peuvent décider par écrit que sera
tentée la fécondation d'un nombre d'ovocytes
pouvant rendre nécessaire la conservation
d'embryons dans l'intention de réaliser leur
demande parentale dans un délai de cinq ans et
qu'ils sont alors consultés chaque année
pendant cinq ans sur le point de savoir s'ils
maintiennent leur demande parentale ; qu'il
pose la règle générale selon laquelle un
embryon ne peut être conçu avec des gamètes
ne provenant pas d'un au moins des deux
membres du couple ; que toutefois l'article L.
152-4 dispose qu'à titre exceptionnel les deux
membres du couple peuvent consentir par écrit
à ce que les embryons conservés soient
accueillis par un autre couple ; que l'article L.
152-5 en fixe les conditions à savoir que ce
dernier couple réponde aux exigences
formulées par l'article L. 152-2 et qu'il ne
puisse bénéficier d'une assistance médicale à la
procréation sans recours à un "tiers donneur" ;
qu'il organise une procédure soumettant
l'accueil de l'embryon à une décision de
l'autorité judiciaire ; qu'il pose le principe
selon lequel le couple accueillant l'embryon et
celui y ayant renoncé ne peuvent connaître
leurs identités respectives ; que l'article L. 152-
6 souligne que l'assistance médicale à la
procréation avec "tiers donneur" ne peut être
pratiquée que comme ultime indication lorsque
la procréation médicalement assistée à
l'intérieur du couple ne peut aboutir ; qu'aux
termes de l'article L. 152-7 : "Un embryon
humain ne peut être conçu ni utilisé à des fins
commerciales ou industrielles" ; que l'article L.
152-8 dispose que la conception in vitro
d'embryons humains à des fins d'étude, de
recherche ou d'expérimentation est interdite de
même que toute expérimentation sur l'embryon
; qu'il prévoit toutefois qu'à titre exceptionnel
l'homme et la femme formant le couple
peuvent accepter par écrit que soient menées
des études sur leurs embryons ; que ces études
doivent alors avoir une finalité médicale et ne
peuvent porter atteinte à l'embryon ; qu'elles ne
peuvent être entreprises qu'après avis conforme
d'une commission nationale de médecine et de
84/92
biologie de la reproduction et du diagnostic
prénatal instituée par l'article 11 de la loi
insérant dans le code de la santé publique un
nouvel article L. 184-3 ; que l'article L. 152-9 a
trait à l'agrément des praticiens habilités à
pratiquer ces actes biologiques et cliniques et
que l'article L. 152-10 organise une procédure
imposée préalablement aux demandeurs ;
Considérant que l'article 9 de la loi dispose que
les embryons existant à la date de sa
promulgation et dont il a été vérifié qu'ils ne
font l'objet ni d'une demande parentale ni d'une
opposition à un accueil par un couple tiers et
qu'ils satisfont aux règles de sécurité sanitaire
en vigueur au jour de leur transfert pourront
être confiés à un couple remplissant les
conditions prévues à l'article L. 152-5 et qu'il
ajoute que "si leur accueil est impossible et si
la durée de leur conservation est au moins
égale à cinq ans, il est mis fin à cette
conservation" ;
Considérant que les députés auteurs de la
seconde saisine soutiennent que cette dernière
disposition porte atteinte au droit à la vie des
embryons qui selon eux possèdent dès la
conception tous les attributs de la personne
humaine ; qu'elle établit une discrimination
rompant le principe d'égalité entre les
embryons selon qu'ils auront été conçus avant
ou après la date de la promulgation de la loi ;
que de même la loi ne pouvait sans
méconnaître le principe d'égalité entre
embryons humains d'un couple autoriser les
parents et le corps médical à "sélectionner
ceux des embryons qui seront réimplantés de
ceux qui ne le seront pas" et "à sélectionner
ceux des embryons qui seront donnés à des
couples tiers de ceux qui ne le seront pas" ; que
la possibilité ménagée par la loi de mener des
études sur les embryons porte atteinte au
respect de l'intégrité de la personne et du corps
humain ; que la sélection des embryons
méconnaît le principe à valeur
constitutionnelle de la protection du patrimoine
génétique de l'humanité ; que la possibilité
d'avoir des enfants dont le parent naturel est un
"tiers donneur" met en cause les droits de la
famille tels qu'ils ont été conçus et garantis par
le Préambule de la Constitution de 1946 ; que
l'interdiction faite aux enfants qui seront nés
d'une fécondation in vitro faisant intervenir un
"tiers donneur" de connaître leur identité
génétique et leurs parents naturels porte
atteinte au droit à la santé de l'enfant et au libre
épanouissement de sa personnalité ; que le
législateur ne pouvait reconnaître à la
commission nationale de médecine et de
biologie de la reproduction et du diagnostic
prénatal un pouvoir d'avis conforme sans
violer le principe constitutionnel de séparation
des pouvoirs d'autant plus qu'il a renvoyé au
pouvoir réglementaire la détermination de la
composition de cette commission ;
Considérant que le législateur a assorti la
conception, l'implantation et la conservation
des embryons fécondés in vitro de nombreuses
garanties ; que cependant, il n'a pas considéré
que devait être assurée la conservation, en
toutes circonstances, et pour une durée
indéterminée, de tous les embryons déjà
formés ; qu'il a estimé que le principe du
respect de tout être humain dès le
commencement de sa vie ne leur était pas
applicable ; qu'il a par suite nécessairement
considéré que le principe d'égalité n'était pas
non plus applicable à ces embryons ;
Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil
constitutionnel, qui ne détient pas un pouvoir
d'appréciation et de décision identique à celui
du Parlement, de remettre en cause, au regard
de l'état des connaissances et des techniques,
les dispositions ainsi prises par le législateur ;
Considérant que, s'agissant de la sélection des
embryons, il n'existe, contrairement à ce que
soutiennent les saisissants, aucune disposition
ni aucun principe à valeur constitutionnelle
consacrant la protection du patrimoine
génétique de l'humanité ; qu'aucune disposition
du Préambule de la Constitution de 1946 ne
fait obstacle à ce que les conditions du
développement de la famille soient assurées
par des dons de gamètes ou d'embryons dans
les conditions prévues par la loi ; que
l'interdiction de donner les moyens aux enfants
ainsi conçus de connaître l'identité des
donneurs ne saurait être regardée comme
portant atteinte à la protection de la santé telle
qu'elle est garantie par ce Préambule ; qu'enfin,
s'agissant des décisions individuelles relatives
à des études à finalité médicale, l'exigence de
l'avis conforme d'une commission
administrative, dont les règles générales de
composition sont définies par l'article L. 184-3
nouveau du code de la santé publique et qui
doit notamment s'assurer qu'il n'est pas porté
atteinte à l'embryon, pouvait être prévue par le
85/92
législateur sans qu'il méconnaisse par là sa
propre compétence ;
. En ce qui concerne les articles 12 et 14 de la
même loi :
Considérant que l'article 12 de la loi insère au
début du chapitre IV du titre premier du livre II
du code de la santé publique un article L. 162-
16 ; que celui-ci organise un diagnostic
prénatal ayant pour but de détecter in utero
chez l'embryon ou le fœtus une affection d'une
particulière gravité ; que l'article 14 de la loi
insère un article L. 162-17 qui pose les
conditions auxquelles peut être effectué un
diagnostic biologique à partir de cellules
prélevées sur l'embryon in vitro ;
Considérant que les députés, auteurs de la
seconde saisine, prétendent que ces
dispositions qui faciliteraient le recours à
l'interruption volontaire de grossesse, portent
atteinte au droit à la vie ;
Considérant que l'article L. 162-16 qui
concerne le diagnostic prénatal in utero
n'autorise aucun cas nouveau d'interruption de
grossesse ; que l'article L. 162-17 ne concerne
que les diagnostics effectués à partir de
cellules prélevées sur l'embryon in vitro ; que
dès lors le grief invoqué manque en fait ;
. En ce qui concerne l'article 10 de la loi
relative au respect du corps humain :
Considérant que l'article 10 de la loi insère au
chapitre premier du titre VII du livre premier
du code civil une section 4 intitulée "De la
procréation médicalement assistée"
comprenant deux articles nouveaux 311-19 et
311-20 ; que l'article 311-19 dispose qu'en cas
de procréation médicalement assistée avec
"tiers donneur", aucun lien de filiation ne peut
être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu
de la procréation et qu'aucune action en
responsabilité ne peut être exercée à l'encontre
du donneur ; que l'article 311-20 régit les
conditions dans lesquelles les époux et
concubins demandeurs doivent préalablement
donner leur consentement à un juge ou un
notaire qui les informe des engagements qu'ils
prennent de ce fait au regard de la filiation ;
Considérant que les députés auteurs de la
saisine mettent en cause l'anonymat des
donneurs de gamètes vis à vis de l'enfant à
naître au regard du principe de responsabilité
personnelle posé par l'article 1382 du code
civil ; qu'ils font valoir en outre l'existence d'un
principe fondamental reconnu par les lois de la
République qui procèderait des dispositions de
la loi du 16 novembre 1912 permettant à
l'enfant de rechercher la paternité hors mariage
à certaines conditions ;
Considérant que les dispositions de cette loi
n'ont eu ni pour objet ni pour effet de régir les
conditions d'attribution de paternité en cas
d'assistance médicale à la procréation ;
qu'aucune disposition ni aucun principe à
valeur constitutionnelle ne prohibe les
interdictions prescrites par le législateur
d'établir un lien de filiation entre l'enfant issu
de la procréation et l'auteur du don et d'exercer
une action en responsabilité à l'encontre de
celui-ci ; que par suite les griefs des requérants
ne sauraient qu'être écartés ;
- SUR L'ENSEMBLE DES DISPOSITIONS
DES LOIS SOUMISES A L'EXAMEN DU
CONSEIL CONSTITUTIONNEL :
Considérant que lesdites lois énoncent un
ensemble de principes au nombre desquels
figurent la primauté de la personne humaine, le
respect de l'être humain dès le commencement
de sa vie, l'inviolabilité, l'intégrité et l'absence
de caractère patrimonial du corps humain ainsi
que l'intégrité de l'espèce humaine ; que les
principes ainsi affirmés tendent à assurer le
respect du principe constitutionnel de
sauvegarde de la dignité de la personne
humaine ;
Considérant que l'ensemble des dispositions de
ces lois mettent en œuvre, en les conciliant et
sans en méconnaître la portée, les normes à
valeur constitutionnelle applicables ;
86/92
FICHE N° 10 LA CONSTITUTION ET L’UNION EUROPEENNE
I/ DOCUMENTS REPRODUITS
0. Décision IVG (voire fiche précédente)
1. Extrait de la décision de la CJCE du 17 décembre 1970, Internationale Handelgesellschaft
2. Document 2 : extrait de l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 octobre 1998 Sarran, Levacher et
autres
3. Extrait de la décision Davdsi du 27 juillet 2006
4. Communiqué de presse relative à la Décision n° 2007-560 DC du 20 décembre 2007
5. Extrait du rapport du comité constitutionnel
II/ bibliographie GAILLARD (M.), L’application de l’article 88-4 de la Constitution, RFDC n°16, pp 707-740, 1993.
LUCHAIRE (F.), L'Union Européenne et la Constitution, RDP., 1992, pp. 589-616; 933-955, 956- 981
; 1587-1624.
VEDEL (G.), Schengen et Maastricht, RFDA., 1992, pp. 173-180.
QUERMONNE (J.C.), L’adaptation de l’Etat à l’intégration européenne, RDP, pp 1405-1420, 1998.
MARRE (B.), L’interférence européenne, Pouvoirs n°99, 2001.
La Constitution et l’Europe, Montchrestien, 1992, actes d'un colloque.
Site de la convention : http://www.european-convention.eu.int/
III/ NOTIONS A CONNAITRE
Supra nationalité, transfert et délégation de souveraineté.
Contrôle de conventionalité, de constitutionalité.
Constitution européenne, principe de subsidiarité.
IV/ EXERCICES SUGGERES
Fédéralisme et souveraineté nationale.
Le déficit démocratique de l’Europe.
La participation des citoyens à la construction européenne.
87/92
* * * *
Document 1 : extrait de la décision de la CJCE du 17 décembre 1970 Internationale
Handelgesellschaft
3 ATTENDU QUE LE RECOURS A DES
REGLES OU NOTIONS JURIDIQUES DU
DROIT NATIONAL , POUR L '
APPRECIATION DE LA VALIDITE DES
ACTES ARRETES PAR LES INSTITUTIONS
DE LA COMMUNAUTE , AURAIT POUR
EFFET DE PORTER ATTEINTE A L ' UNITE
ET A L ' EFFICACITE DU DROIT
COMMUNAUTAIRE ;
QUE LA VALIDITE DE TELS ACTES NE
SAURAIT ETRE APPRECIEE QU ' EN
FONCTION DU DROIT COMMUNAUTAIRE
;
QU ' EN EFFET , LE DROIT NE DU TRAITE
, ISSU D ' UNE SOURCE AUTONOME , NE
POURRAIT , EN RAISON DE SA NATURE ,
SE VOIR JUDICIAIREMENT OPPOSER DES
REGLES DE DROIT NATIONAL QUELLES
QU ' ELLES SOIENT , SANS PERDRE SON
CARACTERE COMMUNAUTAIRE ET SANS
QUE SOIT MISE EN CAUSE LA BASE
JURIDIQUE DE LA COMMUNAUTE ELLE-
MEME ;
QUE , DES LORS , L ' INVOCATION D '
ATTEINTES PORTEES , SOIT AUX DROITS
FONDAMENTAUX TELS QU ' ILS SONT
FORMULES PAR LA CONSTITUTION D '
UN ETAT MEMBRE , SOIT AUX PRINCIPES
D ' UNE STRUCTURE
CONSTITUTIONNELLE NATIONALE , NE
SAURAIT AFFECTER LA VALIDITE D ' UN
ACTE DE LA COMMUNAUTE OU SON
EFFET SUR LE TERRITOIRE DE CET ETAT
;
Document 2 : extrait de l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 octobre 1998 Sarran, Levacher
et autres
Considérant que si l’article 55 de la Constitution dispose que "les traités ou accords
régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle
des lois sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie", la
suprématie ainsi conférée aux engagements internationaux ne s’applique pas, dans l’ordre
interne, aux dispositions de nature constitutionnelle ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que le
décret attaqué, en ce qu’il méconnaîtrait les stipulations d’engagements internationaux
régulièrement introduits dans l’ordre interne, serait par là même contraire à l’article 55 de la
Constitution, ne peut lui aussi qu’être écarté ;
Document 3 : Extrait de la Décision Davdsi du 27 juillet 2006
16. Considérant que le titre Ier de la loi déférée
a pour objet de transposer la directive du 22
mai 2001 susvisée sur l'harmonisation de
certains aspects du droit d'auteur et des droits
voisins dans la société de l'information ;
17. Considérant qu'aux termes du premier
alinéa de l'article 88-1 de la Constitution : " La
République participe aux Communautés
européennes et à l'Union européenne,
constituées d'États qui ont choisi librement, en
vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer
en commun certaines de leurs compétences " ;
qu'ainsi, la transposition en droit interne d'une
directive communautaire résulte d'une
exigence constitutionnelle ;
18. Considérant qu'il appartient par suite au
Conseil constitutionnel, saisi dans les
conditions prévues par l'article 61 de la
Constitution d'une loi ayant pour objet de
transposer en droit interne une directive
communautaire, de veiller au respect de cette
exigence ; que, toutefois, le contrôle qu'il
exerce à cet effet est soumis à une double
limite ;
19. Considérant, en premier lieu, que la
transposition d'une directive ne saurait aller à
l'encontre d'une règle ou d'un principe inhérent
à l'identité constitutionnelle de la France, sauf
à ce que le constituant y ait consenti ;
88/92
20. Considérant, en second lieu, que, devant
statuer avant la promulgation de la loi dans le
délai prévu par l'article 61 de la Constitution,
le Conseil constitutionnel ne peut saisir la Cour
de justice des Communautés européennes de la
question préjudicielle prévue par l'article 234
du traité instituant la Communauté européenne
; qu'il ne saurait en conséquence déclarer non
conforme à l'article 88-1 de la Constitution
qu'une disposition législative manifestement
incompatible avec la directive qu'elle a pour
objet de transposer ; qu'en tout état de cause, il
revient aux autorités juridictionnelles
nationales, le cas échéant, de saisir la Cour de
justice des Communautés européennes à titre
préjudiciel ;
21. Considérant que la directive du 22 mai
2001 susvisée dispose en son article 2, relatif
au droit de reproduction, que : " Les États
membres prévoient le droit exclusif d'autoriser
ou d'interdire la reproduction directe ou
indirecte, provisoire ou permanente, par
quelque moyen et sous quelque forme que ce
soit, en tout ou en partie : - a) pour les auteurs,
de leurs œuvres ; - b) pour les artistes
interprètes ou exécutants, des fixations de leurs
exécutions ; - c) pour les producteurs de
phonogrammes, de leurs phonogrammes ; - d)
pour les producteurs des premières fixations de
films, de l'original et de copies de leurs films ;
- e) pour les organismes de radiodiffusion, des
fixations de leurs émissions, qu'elles soient
diffusées par fil ou sans fil, y compris par
câble ou par satellite " ;
22. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article
3 de la directive, relatif au droit de
communication au public pour ce qui concerne
les auteurs : " Les États membres prévoient
pour les auteurs le droit exclusif d'autoriser ou
d'interdire toute communication au public de
leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la
mise à la disposition du public de leurs œuvres
de manière que chacun puisse y avoir accès de
l'endroit et au moment qu'il choisit
individuellement " ;
23. Considérant qu'aux termes du 2 du même
article, relatif à la communication au public
pour ce qui concerne les titulaires de droits
voisins : " Les États membres prévoient le
droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la mise
à la disposition du public, par fil ou sans fil, de
manière que chacun puisse y avoir accès de
l'endroit et au moment qu'il choisit
individuellement : - a) pour les artistes
interprètes ou exécutants, des fixations de leurs
exécutions ; - b) pour les producteurs de
phonogrammes, de leurs phonogrammes ; - c)
pour les producteurs des premières fixations de
films, de l'original et de copies de leurs films ;
- d) pour les organismes de radiodiffusion, des
fixations de leurs émissions, qu'elles soient
diffusées par fil ou sans fil, y compris par
câble ou par satellite " ;
24. Considérant qu'en son article 5, la directive
dresse une liste limitative des exceptions
pouvant être apportées à ces droits exclusifs,
tout en subordonnant leur exercice, au 5 de cet
article, à la condition qu'elles " ne portent pas
atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ou
autre objet protégé ni ne causent un préjudice
injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du
droit " ;
25. Considérant que le 1 de l'article 6 de la
directive impose aux États membres de prévoir
" une protection juridique appropriée contre le
contournement de toute mesure technique
efficace, que la personne effectue en sachant,
ou en ayant des raisons valables de penser,
qu'elle poursuit cet objectif " ; qu'aux termes
du 2 du même article : " Les États membres
prévoient une protection juridique appropriée
contre la fabrication, l'importation, la
distribution, la vente, la location, la publicité
en vue de la vente ou de la location, ou la
possession à des fins commerciales de
dispositifs, produits ou composants ou la
prestation de services qui : - a) font l'objet
d'une promotion, d'une publicité ou d'une
commercialisation, dans le but de contourner la
protection, ou - b) n'ont qu'un but commercial
limité ou une utilisation limitée autre que de
contourner la protection, ou - c) sont
principalement conçus, produits, adaptés ou
réalisés dans le but de permettre ou de faciliter
le contournement de la protection de toute
mesure technique efficace " ;
26. Considérant, s'agissant de l'exception au
droit de reproduction pour l'usage privé du
copiste, que le 4 de l'article 6 de la directive
permet à un État membre de prendre des
mesures appropriées pour assurer l'exercice
effectif de cette exception " à moins que la
reproduction à usage privé ait déjà été rendue
possible par les titulaires de droits dans la
mesure nécessaire pour bénéficier de
l'exception ou de la limitation concernée... sans
89/92
empêcher les titulaires de droits d'adopter des
mesures adéquates en ce qui concerne le
nombre de reproductions conformément à ces
dispositions " ;
27. Considérant que le troisième alinéa du 4 de
l'article 6 de la directive ajoute que : " Les
mesures techniques appliquées volontairement
par les titulaires de droits, y compris celles
mises en œuvre en application d'accords
volontaires, et les mesures techniques mises en
œuvre en application des mesures prises par les
États membres, jouissent de la protection
juridique prévue au paragraphe 1 " ;
28. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces
dispositions que la directive du 22 mai 2001
susvisée, qui n'est contraire à aucune règle ni à
aucun principe inhérent à l'identité
constitutionnelle de la France, comporte des
dispositions inconditionnelles et précises,
notamment le 5 de son article 5 ;
29. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des
dispositions de la directive, éclairées par ses
propres considérants, qu'afin de sauvegarder
l'économie de la création et d'assurer
l'harmonisation des échanges de biens et
services culturels dans l'Union européenne, les
États membres doivent faire prévaloir les
droits des auteurs et des titulaires de droits
voisins ;
30. Considérant, dès lors, que la loi française
de transposition serait contraire à l'exigence
constitutionnelle qui résulte de l'article 88-1 de
la Constitution si elle portait atteinte aux
prérogatives que la directive reconnaît aux
auteurs ou aux titulaires de droits voisins en
matière de reproduction et de communication
au public de leurs œuvres ou prestations ; qu'en
pareil cas, en effet, elle méconnaîtrait
manifestement tant l'objectif général poursuivi
par la directive que ses dispositions
inconditionnelles ;
31. Considérant, en conséquence, que les
mesures de conciliation adoptées par le
législateur entre droit d'auteur et droits voisins,
d'une part, objectif d'" interopérabilité ",
d'autre part, ne sauraient porter atteinte aux
prérogatives des auteurs et des titulaires de
droits voisins sans méconnaître l'exigence
constitutionnelle de transposition ; que la
même considération vaut pour les mesures de
conciliation arrêtées par la loi déférée entre les
droits des auteurs et des titulaires de droits
voisins, d'une part, et l'exercice effectif de
l'exception pour copie privée, d'autre part ;
Document 4 : Communiqué de presse relatif à la décision 2007-560 DC du 20 décembre
2007
Le 20 décembre 2007, par sa décision n° 2007-
560 DC, le Conseil constitutionnel s’est
prononcé sur le traité modifiant le traité sur
l’Union européenne et le traité instituant la
Communauté européenne signé à Lisbonne le
13 décembre 2007.
1) Le Conseil constitutionnel a estimé que
les dispositions relatives aux droits
fondamentaux de l’Union n’appelaient pas
de révision constitutionnelle.
D’une part, le Conseil a constaté que le traité
de Lisbonne donne même valeur juridique au
traité et à la Charte des droits fondamentaux de
l’Union et que cette Charte est inchangée. Dès
lors, il a estimé que, pour les mêmes motifs
que ceux énoncés par sa décision n° 2004-505
DC du 19 novembre 2004 relative à l’ancien
traité établissant une Constitution pour
l’Europe (TECE), la Charte n’appelle de
révision de la Constitution ni par le contenu de
ses articles, ni par ses effets sur les conditions
essentielles d’exercice de la souveraineté.
D’autre part, le traité de Lisbonne prévoit que
l’Union adhère à la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’Homme. La
conclusion de l’accord portant adhésion de
l’Union à cette Convention entrera en vigueur
après son approbation par les Etats membres
conformément à leurs règles constitutionnelles
respectives. Le Conseil a estimé que cette
référence renvoie, dans le cas de la France, à
l’autorisation législative prévue par l’article 53
de la Constitution.
2) Des dispositions relatives aux
compétences et au fonctionnement de
l’Union appellent une révision
constitutionnelle.
Le traité de Lisbonne comprend des
dispositions relatives aux compétences et au
fonctionnement de l’Union parfois identiques
90/92
et parfois différentes de celles figurant dans
l’ancien TECE.
D’une part, certaines de ses dispositions
reprennent celles du TECE que le Conseil
constitutionnel avait jugé contraires à la
Constitution dans sa décision 2004-505 DC du
19 novembre 2004. Il en va notamment ainsi
des dispositions relatives à des matières
« régaliennes » qui réaménagent les modalités
d’exercice de compétences déjà transférées
(s’agissant notamment du passage de
l’unanimité à la majorité qualifiée au sein du
Conseil des ministres européen). Dans ce cas,
le Conseil constitutionnel a constaté l’identité
des dispositions entre les deux traités et a, pour
les mêmes motifs que ceux énoncés par sa
décision du 19 novembre 2004, estimé que ces
dispositions du traité de Lisbonne appelaient
une révision constitutionnelle.
D’autre part, le traité de Lisbonne comprend
également des dispositions relatives aux
compétences et au fonctionnement de l’Union
qui ne sont pas identiques à celles ayant le
même objet figurant dans le TECE. Ainsi le
Conseil a relevé notamment les dispositions
relatives à des matières régaliennes (tels
« l’espace de liberté, de sécurité et de justice »)
qui transfèrent des compétences à l’Union. Le
Conseil a alors jugé que ces dispositions
appellent une révision de la Constitution dès
lors que sont affectées « les conditions
essentielles d’exercice de la souveraineté
nationale ».
3) Les pouvoirs nouveaux reconnus aux
parlements nationaux appellent également
une révision constitutionnelle.
D’une part, le Conseil constitutionnel a, là
aussi, constaté que le traité de Lisbonne
reprend des dispositions du TECE relatives
aux pouvoirs reconnus aux parlements
nationaux pour s’opposer à une révision
simplifiée ou faire respecter le principe de
subsidiarité. Il a estimé qu’une révision de la
Constitution était nécessaire pour les mêmes
motifs que ceux énoncés dans la décision n°
2004-505 DC du 19 novembre 2004.
D’autre part, le traité de Lisbonne innove en
conférant d’autres pouvoirs aux parlements
nationaux. Il leur reconnaît notamment celui de
s’opposer à ce que le droit de la famille soit
régi à la majorité qualifiée et non à
l’unanimité. Il leur confère aussi des moyens
nouveaux pour veiller au respect du principe
de subsidiarité. Le Conseil a estimé que ces
dispositions rendaient nécessaires une révision
constitutionnelle, la Constitution devant être
complétée pour permettre l’exercice effectif de
ces prérogatives par les députés et les
sénateurs.
4) Le Conseil constitutionnel n’a pas eu à se
prononcer, contrairement à ce qui fut le cas en
2004, sur le principe de primauté du droit de
l’Union sur le droit national. Ce principe, qui
était compris dans le traité établissant une
Constitution pour l’Europe, ne figure plus dans
le traité de Lisbonne.
Document 5 : Extrait du rapport du comité constitutionnel : faire du parlement un
acteur de la politique européenne
4 – Faire du Parlement un acteur de la
politique européenne
Le Titre XV de la Constitution, issu de
révisions successives faisant mention de
chacun des traités qui ont jalonné les étapes de
la construction européenne, n’est pas un
modèle de clarté. Il en ressort toutefois que s’il
est un domaine dans lequel le rôle du
Parlement est insuffisant, c’est bien celui des
affaires européennes. Le Comité ne plaide
nullement pour l’instauration d’un «
diplomatie parlementaire » qui viendrait
remettre en cause les dispositions de l’article
52 de la Constitution aux termes duquel : « le
Président de la République négocie et ratifie
les traités », mais il s’est accordé sur un
constat : en dépit des dispositions de l’article
88-4 de la Constitution, le pouvoir exécutif
n’est guère l’objet, en matière européenne,
d’un contrôle réellement utile du Parlement, à
la différence de la situation qui prévaut dans
l’ensemble des Parlements des Etats membres
de l’Union européenne. Des débats au
Parlement ont certes été instaurés, dans les
années récentes, à la veille des « sommets
européens ». Il s’agit toutefois d’un progrès
insuffisant, une succession de discours sans
vote ne permettant à la représentation nationale
91/92
ni de peser sur les choix que fait le
Gouvernement dans l’exercice quotidien de
son pouvoir de négociation auprès des
instances européennes ni de le renforcer.
Celui-ci n’est donc soumis, à ce titre, qu’aux
procédures de contrôle de droit commun dont
on a vu qu’elles étaient peu satisfaisantes.
a) La création d’un Comité des affaires
européennes
Pour ce qui concerne, en premier lieu, le rôle
des délégations pour l’Union européenne qui
existent au sein de chacune des deux
assemblées, le Comité a relevé qu’il était peu
satisfaisant. Elles ont pour mission, aux termes
de l’ordonnance du 17 novembre 1958
modifiée, de « suivre les travaux conduits par
les institutions de l’Union européenne afin
d’assurer l’information de leurs assemblées
respectives ». Force est cependant de constater
que les délégations n’exercent que de manière
imparfaite ce rôle d’alerte et de veille des
assemblées et de leurs commissions
permanentes. Elles se comportent bien
davantage en « commissions » de plein
exercice, traitant de l’ensemble des questions
européennes sans réussir à établir des liens
étroits avec les commissions permanentes qui
traitent, au fond, des dossiers sur lesquels
l’influence des décisions prises à l’échelon
européen est de plus en plus déterminante et,
notamment, des transpositions de directives.
Un tel cloisonnement est évidemment
préjudiciable à l’exercice par le Parlement
d’un rôle efficace en matière européenne.
C’est pourquoi le Comité recommande que le
rôle des délégations – dont il souhaite que,
pour éviter toute confusion avec les
commissions permanentes au sens de l’article
43 de la Constitution, elles reçoivent
l’appellation de « comité des affaires
européennes » – soit mieux précisé
(Proposition n° 49). Ces comités placés sous
l’autorité directe du président de l’Assemblée
nationale pour l’un, et du Sénat pour l’autre,
exerceraient un rôle de veille et de tri des
questions à transmettre aux commissions
permanentes. Ils interviendraient en amont
pour alerter ces dernières sur certains dossiers
européens jugés sensibles. Ils prépareraient,
comme aujourd’hui, des propositions de
résolution soumises à ces commissions. La
double appartenance des parlementaires aux
délégations et aux commissions permanentes
serait maintenue pour favoriser une meilleure
connaissance des questions européennes.
Ces instances auraient également pour mission
d’exercer le contrôle du respect, par les
institutions européennes, du principe de
subsidiarité, contrôle que le traité en cours de
négociation entend confier aux Parlements
nationaux. La réorientation du rôle des
délégations irait de pair avec la mise en place,
au sein de chaque commission permanente, de
groupes de suivi des questions européennes,
composés de parlementaires également
membres du Comité des affaires européennes
c) La possibilité de voter des résolutions sur
tout sujet européen
S’agissant, en troisième lieu, de la procédure
instaurée à l’article 88-4 de la Constitution, le
Comité a constaté qu’elle ne pouvait être
maintenue en l’état, ne serait-ce qu’au regard
des principes politiques de l’Union
européenne, qui tendent, comme on vient de le
voir à consacrer les droits des parlements
nationaux.
Tel qu’il est aujourd’hui rédigé, l’article 88-4
de la Constitution oblige le Gouvernement à
soumettre au Parlement les projets ou
propositions d’actes européens comportant des
dispositions de nature législative au sens
français du terme, précision sans portée dans la
hiérarchie des normes européennes.
Il autorise le Gouvernement, à soumettre au
Parlement les autres projets, propositions ou
documents comme les livres blancs ou verts et
les communications de la Commission
européenne, mais sans qu’il soit obligé de
procéder à cette transmission, alors que celle-ci
est l’acte de procédure qui peut seul déclencher
le processus qui permet au Parlement de voter
des résolutions, à l’initiative de la délégation
pour l’Union européenne ou d’un
parlementaire.
En d’autres termes, même si la Commission
européenne transmet désormais au Parlement
l’ensemble des projets d’actes, de nature
législative ou non – ce qui n’ouvre pas le droit
de voter des résolutions –, il faut, aujourd’hui
encore, un accord du Gouvernement pour que
les deux assemblées soient autorisées à
délibérer sur des questions, comme la
négociation d’un traité européen, qui ne
92/92
prennent pas la forme d’un projet d’acte
européen comportant des dispositions de
nature législative au sens national du terme.
Le Comité considère que cette situation n’est
pas satisfaisante et propose que soit modifié
l’article 88-4 de la Constitution de telle
manière, d’une part que soient supprimées
celles de ses dispositions qui limitent
l’obligation faite au Gouvernement de
transmettre l’ensemble des documents
européens et, d’autre part, que le Parlement
puisse adopter des résolutions sur toutes les
questions européennes (Proposition n° 51).
d) La transposition plus rapide des directives
En quatrième lieu, le Comité a estimé que la
procédure de transposition des directives
devait être revue afin de trouver un meilleur
équilibre entre les exigences contradictoires de
la rapidité et d’un examen approfondi.
Point n’est besoin d’insister sur l’influence
grandissante des directives communautaires
sur le droit national, notamment pour ce qui
concerne les textes de nature législative.
Pourtant, l’exercice de transposition auquel
donnent lieu les directives est mal vécu par les
parlementaires, qui n’interviennent qu’en fin
de parcours, sans avoir été complètement
informés des négociations dont procèdent ces
textes. Ils répugnent à s’exprimer en séance
publique sur des questions techniques qui
n’ont qu’une faible portée politique. D’un
autre côté, nombre de transpositions
empruntent la voie des ordonnances de l’article
38 de la Constitution, de sorte que le Parlement
est dessaisi de questions importantes qui ne
sont pas toutes, il s’en faut de beaucoup,
dépourvues d’incidence proprement politique.
C’est assez dire combien la procédure de
transposition des directives doit être améliorée.
Les propositions formulées plus haut vont dans
ce sens. Mais le Comité insiste pour que soit
pleinement utilisée, en cette matière, la
procédure simplifiée d’examen en commission,
sauf difficulté particulière signalée par le
Comité des affaires européennes (Proposition
n° 52). Ainsi seraient réservées à la discussion
publique les questions les plus importantes et
revalorisé le rôle du Parlement.