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Comprendre la peau Les grandes fonctions de la peau Ann Dermatol Venereol 2005;132:8S49-68 8S53 Flore cutanée Description générale de la flore cutanée Si le nouveau-né est stérile après élimination par un premier bain des germes rencontrés dans la sphère génitale à la naissance, de nombreux germes de l’environnement, une flore vont ensuite coloniser la peau. On distingue : – une flore microbienne résidant de façon stable sur la peau, le plus souvent au niveau de la couche cornée ou au niveau du follicule pileux. Elle n’est pas pathogène en condi- tions physiologiques. Il s’agit principalement : de bactéries : organismes corynébactériformes compor- tant des corynébactéries et des bactéries du genre Brevibacterium, des propionibactéries, des staphylocoques coagulase négatif, notamment epidermidis et de micro- coques. Les seules bactéries Gram négatif résidentes de la peau font partie du genre Acinetobacter, de levures lipophiles du genre Malassezia, de parasites de la famille des acariens tels les Demodex, et probablement certains virus (notamment de la famille des papillomavirus), bien que ce domaine soit moins bien exploré, – des organismes transitaires, pouvant contaminer temporairement la peau ou s’installer plus durablement dans des topographies (gites) propices par les conditions d’humidité, de pH (périnée, recessus narinaires, conduits auditifs externes) ou en cas d’effraction de la barrière épidermique. Il s’agit en particulier : de bactéries de la famille des Staphylocoques aureus, Streptocoques, Bacillus, Neisseiria et de bacilles Gram négatifs tels que Pseudomonas. De levures telles que des Candida (albicans et parapsi- lopsis notamment). Contrôle de la flore cutanée La flore microbienne varie de manière qualitative et quanti- tative selon : – L’humidité, le pH, la température. Ainsi, l’humidité accroît le nombre de bactéries résidentes et favorise la colo- nisation par de bactéries Gram négatifs. – Les lipides présents à la surface cutanée inhibent la pro- lifération de certains germes tels les Staphylocoques aureus et les Candida, mais favorisent la prolifération de Propioni- bacterium acnes. – Des phénomènes d’interférences microbiennes, les bacté- ries résidentes inhibant la colonisation par d’autres germes. – Le processus d’adhésion des bactéries sur les cellules épidermiques joue un rôle important pour la colonisation bactérienne ; les mécanismes en sont mal connus, faisant intervenir la surface bactérienne et la synthèse d’adhésines bactériennes, mais également la présence de récepteurs par les cellules épidermiques, ce qui peut expliquer certaines susceptibilités individuelles. – La synthèse par les kératinocytes de l’épiderme de peptides anti-microbiens tels que les défensines. – Des anticorps présents dans la sueur pourraient jouer un rôle dans l’immunité de surface. Particularités selon l’âge, la topographie Ces conditions varient selon : – La topographie : ainsi, des régions humides et chaudes comme les plis axillaires, la région périnéale sont davantage colonisées par la flore bactérienne habituelle et parfois par des bacilles Gram négatifs, par rapport à la peau revêtant les extrémités. Il en va de même pour la peau plus grasse, riche en sébum du front, de la région médiofaciale et thoracique antérieure davantage colonisée par les levures lipophiles du genre Malassezia. On peut noter par ailleurs la colonisation préférentielle du follicule pileux par Propionibacterium acnes. Notons également que les Candida, hôte habituel des muqueuses, peuvent occasionnellement être retrouvés à proximité de la région buccale ou génitale ou, du fait de contacts plus fréquents avec ces zones orificielles, au niveau des doigts. – L’âge : ainsi, le nouveau-né est stérile. Après la puberté, on voit une augmentation de l’activité des glandes sébacées et une plus forte colonisation par Propionibacterium acnes, certains lipides du sébum ayant une action stimulante sur Propionibacterium acnes ; au contraire, la peau des patients âgés est plus sèche du fait d’une réduction de l’activité des glandes sudorales et sébacées. – Quelques exemples de situations pathologiques : on observe une colonisation fréquente par Pseudomonas aeruginosa du conduit auditif externe chez certains nageurs avec un risque d’otite externe, le lavage trop fréquent des mains peut induire une dermatose de contact ou du moins des altérations de la barrière lipidique favorisant la colonisation par Staphylo- coque aureus et diverses bactéries Gram négatifs.

Flore cutanée

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Page 1: Flore cutanée

Comprendre la peauLes grandes fonctions de la peau

Ann Dermatol Venereol2005;132:8S49-68

8S53

Flore cutanée

Description générale de la flore cutanée

Si le nouveau-né est stérile après élimination par un premierbain des germes rencontrés dans la sphère génitale à lanaissance, de nombreux germes de l’environnement, uneflore vont ensuite coloniser la peau.

On distingue :

– une flore microbienne résidant de façon stable sur lapeau, le plus souvent au niveau de la couche cornée ou auniveau du follicule pileux. Elle n’est pas pathogène en condi-tions physiologiques. Il s’agit principalement :

• de bactéries : organismes corynébactériformes compor-tant des corynébactéries et des bactéries du genreBrevibacterium, des propionibactéries, des staphylocoquescoagulase négatif, notamment epidermidis et de micro-coques. Les seules bactéries Gram négatif résidentes de lapeau font partie du genre Acinetobacter,

• de levures lipophiles du genre Malassezia,

• de parasites de la famille des acariens tels les Demodex,

• et probablement certains virus (notamment de la familledes papillomavirus), bien que ce domaine soit moins bienexploré,

– des organismes transitaires, pouvant contaminertemporairement la peau ou s’installer plus durablementdans des topographies (gites) propices par les conditionsd’humidité, de pH (périnée, recessus narinaires, conduitsauditifs externes) ou en cas d’effraction de la barrièreépidermique. Il s’agit en particulier :

• de bactéries de la famille des Staphylocoques aureus,Streptocoques, Bacillus, Neisseiria et de bacilles Gram négatifstels que Pseudomonas.

• De levures telles que des Candida (albicans et parapsi-lopsis notamment).

Contrôle de la flore cutanée

La flore microbienne varie de manière qualitative et quanti-tative selon :

– L’humidité, le pH, la température. Ainsi, l’humiditéaccroît le nombre de bactéries résidentes et favorise la colo-nisation par de bactéries Gram négatifs.

– Les lipides présents à la surface cutanée inhibent la pro-lifération de certains germes tels les Staphylocoques aureus etles Candida, mais favorisent la prolifération de Propioni-bacterium acnes.

– Des phénomènes d’interférences microbiennes, les bacté-ries résidentes inhibant la colonisation par d’autres germes.

– Le processus d’adhésion des bactéries sur les cellulesépidermiques joue un rôle important pour la colonisationbactérienne ; les mécanismes en sont mal connus, faisantintervenir la surface bactérienne et la synthèse d’adhésinesbactériennes, mais également la présence de récepteurs parles cellules épidermiques, ce qui peut expliquer certainessusceptibilités individuelles.

– La synthèse par les kératinocytes de l’épiderme depeptides anti-microbiens tels que les défensines.

– Des anticorps présents dans la sueur pourraient jouerun rôle dans l’immunité de surface.

Particularités selon l’âge, la topographie

Ces conditions varient selon :

– La topographie : ainsi, des régions humides et chaudescomme les plis axillaires, la région périnéale sont davantagecolonisées par la flore bactérienne habituelle et parfois pardes bacilles Gram négatifs, par rapport à la peau revêtant lesextrémités. Il en va de même pour la peau plus grasse, richeen sébum du front, de la région médiofaciale et thoraciqueantérieure davantage colonisée par les levures lipophiles dugenre Malassezia.

On peut noter par ailleurs la colonisation préférentielle dufollicule pileux par Propionibacterium acnes. Notons égalementque les Candida, hôte habituel des muqueuses, peuventoccasionnellement être retrouvés à proximité de la régionbuccale ou génitale ou, du fait de contacts plus fréquentsavec ces zones orificielles, au niveau des doigts.

– L’âge : ainsi, le nouveau-né est stérile. Après la puberté,on voit une augmentation de l’activité des glandes sébacéeset une plus forte colonisation par Propionibacterium acnes,certains lipides du sébum ayant une action stimulante surPropionibacterium acnes ; au contraire, la peau des patientsâgés est plus sèche du fait d’une réduction de l’activité desglandes sudorales et sébacées.

– Quelques exemples de situations pathologiques :

• on observe une colonisation fréquente par Pseudomonasaeruginosa du conduit auditif externe chez certains nageursavec un risque d’otite externe,

• le lavage trop fréquent des mains peut induire unedermatose de contact ou du moins des altérations de labarrière lipidique favorisant la colonisation par Staphylo-coque aureus et diverses bactéries Gram négatifs.