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Burkina Faso PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR LE DEVELOPPEMENT Analyse de l’impact des subventions de fertilisants chimiques de céréales au Burkina Faso : MEGC microsimulé Numéro : 01/2010 Isiyaka SABO Economiste Principal PNUD Alain SIRI Economiste National PNUD Adama ZERBO Enseignant/Chercheur Université Ouagadougou Série : Document de Travail

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Burkina Faso

PROGRAMME  DES  NATIONS  UNIES  POUR  LE  DEVELOPPEMENT  

Analyse de l’impact des subventions de   fertilisants  chimiques de  céréales au   Burkina Faso : MEGC micro‐simulé 

Numéro : 01/2010 

Isiyaka SABO Economiste Principal PNUD  

Alain SIRI Economiste National PNUD  

Adama ZERBO Enseignant/Chercheur ‐ Université Ouagadougou 

Série : D

ocum

ent d

e Travail 

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Analyse de l’impact des subventions de fertilisants chimiques de céréales

au Burkina Faso : MEGC micro-simulé Résumé : Les subventions de fertilisants chimiques sur la culture de maïs et de riz ont un impact positif sur la production

de ces deux céréales et sur la production de coton, ainsi que sur les revenus des agriculteurs vivriers et des cotonculteurs. Mais, elles induisent un manque à gagner sur les revenus des ménages non agricoles. Les effets positifs des subventions sont relativement plus importants chez les petits producteurs. Ainsi, outre l’amélioration de la sécurité alimentaire, la mesure de subvention de fertilisants chimiques est pro-pauvre. Au plan macroéconomique, l’impact des subventions sur la croissance économique peut être négatif, mais demeure faible. Par conséquent, cet effet négatif sur la croissance ne saurait être un facteur déterminant pour renoncer à la mesure de subvention. Cependant, des taux de subvention très élevés dégradent le déficit public et le solde extérieur. Ce qui nécessite de concilier l’efficacité de la subvention et la préservation d’un cadre macroéconomique sain. Pour ce faire, la mesure de subvention pourrait être combinée avec un système de crédits de fertilisants chimiques aux agriculteurs.

Abstract: Analysis of impact of chemical fertilizer subsidies of grain in Burkina Faso: CGE micro-simulation

Grants of chemical fertilizers on corn and rice have a positive impact on the production of both grain and cotton

production and the income of subsistence farmers and cotton growers. But, they induce a shortfall on income of non-farm households. The positive effects of subsidies are relatively more important for small producers. Thus, in addition to improving food security, the extent of chemical fertilizer subsidy is pro-poor. At the macroeconomic level, the impact of subsidies on economic growth may be negative, but remains low. Therefore, this negative effect on growth can not be a determining factor to forego the subsidy measure. However, very high subsidy rates degrade the public deficit and external balance. This needs to balance the effectiveness of the grant and the preservation of a healthy macroeconomic framework. To do so, the extent of subsidy could be combined with a credit system of chemical fertilizers to farmers. Mots-clés : subventions, agriculture, effets redistributifs, Burkina Faso.

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Sommaire

Introduction .................................................................................................................................... 3

I. Vue d’ensemble du secteur agricole au Burkina Faso ........................................................ 3 A. Poids du secteur agricole au niveau macroéconomique ............................................................... 4 B. Une stratification des unités de production agricole .................................................................... 5 C. Vue d’ensemble de l’opération de promotion de l’utilisation des fertilisants chimiques .......... 8

II. Méthodologie et estimations économétriques ...................................................................... 9 A. Bref aperçu des modèles de micro-simulation .............................................................................. 9 B. Les spécifications de la technologie de production agricole ....................................................... 10 C. Estimations de la technologie de production agricole ................................................................ 11 D. Le modèle de micro-simulation EGC ........................................................................................... 16

III. Résultats de la micro-simulation de l’impact des subventions de fertilisants chimiques 20

A. L’impact sur la production de maïs, de riz et de coton des ménages agricoles ........................ 20 B. L’impact des mesures de subventions de fertilisants chimiques sur la variation du PIB ....... 23 C. L’impact des subventions de fertilisants chimiques sur les revenus des ménages ................... 26

Conclusion ..................................................................................................................................... 27

Bibliographie ................................................................................................................................. 29

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Introduction

A l’instar de tous les pays du monde, le Burkina Faso a connu entre la fin de l’année 2007 et le milieu de 2008, une crise sans précédent des denrées alimentaires et des produits énergétiques. Cette crise est liée d’une part, à une offre nationale insuffisante et d’autre part à la hausse des prix des produits alimentaires et énergétiques sur le marché international. La hausse vertigineuse des prix des denrées de base a entraîné des remous sociaux notamment dans les grandes villes du pays.

Face à cette crise qui a pris une allure humanitaire et sociale, le Gouvernement du Burkina

Faso a pris des mesures et engagé des actions en vue de réaliser la sécurité alimentaire. Au plan stratégique, le gouvernement a élaboré un « Plan d’urgence pour la réalisation de la sécurité alimentaire et nutritionnelle » centré sur la relance de la production agricole et sur la mise en œuvre de programmes spécifiques de nutrition à l’endroit de groupes ciblés1. En ce qui concerne les mesures de ce plan destinées à accroitre de la production agricole, figure notamment, (i) la subvention des fertilisants chimiques et des semences améliorées, (ii) le renforcement de l’irrigation, (iii) l’appui à la mécanisation et ; (iv) le renforcement de l’appui conseil et du suivi-évaluation. Que ce soit la subvention des intrants, l’appui conseil, la promotion de la mécanisation et de l’irrigation, la modalité de mise en œuvre de la mesure peut affecter la dynamique de la pauvreté et des inégalités dans des sens différents. Plus la mesure profite aux agriculteurs riches, plus elle creuse les inégalités et peut approfondir la pauvreté. Si au contraire, elle profite davantage aux agriculteurs pauvres qu’aux riches, les inégalités et la pauvreté ont des chances de reculer.

Ces mesures, compte tenu de leur caractère urgent, n’ont pas été précédées d’une analyse de

l’impact ex-ante sur la production de ces céréales, le revenu des ménages et notamment la croissance économique. Ainsi, cette étude dont le but est de mieux orienter les mesures de soutien de la production céréalière se fixe pour objectif de cerner l’impact des subventions de fertilisants chimiques sur la production des céréales. Il s’agit plus précisément de mesurer l’impact des subventions de fertilisants chimiques de maïs et de riz en examinant leur effet sur la production de maïs, de riz et de coton, sur le PIB, ainsi que leurs effets redistributifs.

Le travail est organisé en trois sections. La première section donne un aperçu général du

secteur agricole au Burkina Faso. La deuxième section porte sur les aspects méthodologiques, ainsi que les estimations économétriques des comportements des unités agricoles. La dernière section analyse les résultats des simulations et formule les recommandations de politiques.

I. Vue d’ensemble du secteur agricole au Burkina Faso Le secteur agricole burkinabè constitue un pend important de l’économie nationale. Il se

compose d’unités de production très diversifiées qui pratiquent plusieurs cultures. Cette section vise d’abord à cerner le poids de ce secteur dans l’économie nationale en termes de création de richesse, d’exportation et d’interactions avec les autres secteurs économiques. Ensuite, la section présente la stratification des unités agricoles et analyse les principales caractéristiques des groupes obtenus.

1 Les groupes cibles sont les enfants, les scolaires, les femmes en sainte, les personnes vulnérables.

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A. Poids du secteur agricole au niveau macroéconomique

Au Burkina Faso, le secteur agricole au sens strict (hors élevage et pêche) contribue fortement à la création de richesse. Sa valeur ajoutée créée représente environ 19% du produit intérieur brut. Les cultures céréalières qui sont de loin les plus importantes en termes de création de richesse contribuent à hauteur de 10% au produit intérieur brut et à hauteur 52% à la valeur ajoutée de l’agriculture. Les cultures de rentes (coton et autres cultures de rente) contribuent pour 5% à la création de richesse au niveau national et pour 26% à la valeur ajoutée du secteur de l’agriculture.

Tableau 1.1 : Création de richesse dans le secteur agricole

Valeur ajoutée agricole

(en % du PIB) Contribution à la valeur ajoutée agricole (en %)

Agriculture (hors élevage et pêche) 19,1 100,0

dont Céréales 10,0 52,4

dont Autres cultures vivrières 4,1 21,5

dont Culture de rente 5,0 26,1

dont Coton 3,3 17,3 Source : A partir des données de la MCS-agricole 2004, DGPSA/MARHR (2007).

Les autres cultures vivrières (fruits et légumes, tubercules, etc.) créent 4% de la richesse nationale et contribution pour 21,5% à la valeur ajoutée agricole.

En termes de redistribution de la richesse créée, les salaires versés par le secteur agricole

représentent 24,8% de la valeur ajoutée et l’excédent brut d’exploitation (EBE) constitue 75,2% de la valeur ajoutée. Le secteur agricole ne verse pas d’impôts ni sur la production ni sur les revenus. Ainsi, la totalité de l’excédent brut d’exploitation constitue donc le revenu (monétaire et autoconsommation) du secteur de l’agriculture.

En dehors du coton, une faible proportion des produits agricoles est exportée. En effet, les

produits agricoles hors coton exportés représentent 7,5% des exportations totales du pays, dont 6,7% pour les produits de rente autres que le coton. Ainsi, les produits vivriers exportés ne représentent que 1,2% des exportations. En tenant compte de l’égrenage de coton, le secteur agricole est directement à la base de 63,8% des exportations du Burkina Faso dont l’essentiel se compose de coton exporté.

En termes d’interaction avec les autres secteurs de l’économie, les produits utilisés comme

consommations intermédiaires dans le secteur agricole représente 4,7% de l’ensemble des consommations intermédiaires du processus de production nationale. Environ 51,7% des consommations intermédiaires du secteur agricole se compose de semences et 48,3% de produits industriels manufacturés (pesticides, fertilisants chimiques, etc.) et de produits pétroliers. A l’inverse, les produits agricoles utilisés comme consommations intermédiaires dans le processus de production nationale représente 13,1% du total des consommations intermédiaires. Le coton représente un peu plus de 44% des produits agricoles utilisés en consommation intermédiaire ; ensuite viennent les autres produits de rente (28,4%) et les céréales (16,7%).

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B. Une stratification des unités de production agricole Afin de mieux cerner l’impact des subventions de fertilisants chimiques, les ménages

agricoles ont été stratifiés en considérant les quintiles de la production agricole (en valeur) par actif agricole. Le tableau 1.2 donne quelques indicateurs de la production des différents groupes d’unités agricoles.

Tableau 1.2 : Stratification des ménages agricoles

Production agricole moyenne par unité

agricole (FCFA-2004)

Productivité moyenne du travail

(FCFA-2004) Très petits exploitants 46 542 8 288

Petits exploitants 150 509 25 789

Exploitants moyens 259 494 47 142

Grands exploitants 407 423 81 275

Très grands exploitants 1 025 846 203 997

Ensemble des exploitants 340 263 65 647 Source : A partir des données de l’EPA-2004/2005

Ces indicateurs révèlent une grande disparité entre les unités agricoles du Burkina Faso. Par exemple, la production moyenne des très petits exploitants (1er quintile) est d’environ 22 fois inférieure à celle des très grands exploitants (5ième quintile) et le rapport entre les productivités moyennes de la main-d’œuvre de ces deux groupes est égal 24,6 en faveur du dernier quintile. Les petits exploitants (2ième quintile) ont une productivité moyenne de la main-d’œuvre et une production moyenne par unité agricole qui sont d’environ 3 fois inférieures à celles des grands exploitants (4ième quintile).

Tableau 1.3 : Structure de la production agricole selon la catégorie d’unités de production

Mais Riz Autres

céréales Autres vivriers Coton

Autres rentes Total

Très petits exploitants 8,4 1,0 68,6 11,0 1,1 10,0 100

Petits exploitants 8,0 0,9 66,6 11,9 2,1 10,5 100

Moyens exploitants 10,5 0,9 61,2 12,2 4,4 10,8 100

Grands exploitants 13,9 1,1 54,1 11,1 11,5 8,3 100

Très grands exploitants 20,2 0,7 31,1 13,2 29,8 4,9 100

Total 15,7 0,9 45,7 12,3 18,1 7,3 100 Source : A partir des données de l’EPA-2004/2005 De façon générale, la production agricole est dominée par les autres céréales (sorgho, mil,

fonio) qui représente 45,7% de la production totale des ménages agricoles en 2005, ensuite viennent le coton (18,1%), le maïs (15,7%) de la production agricole, les autres vivriers (12,3%). La production de riz reste assez marginale (0,9%). Les statistiques du tableau 1.3 montrent des différences de comportements de production selon les catégories d’unités agricoles. Premièrement, quelle que soit la catégorie de ménages agricoles, la part des autres produits vivriers dans la production n’est pas significativement différente.

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Deuxièmement, s’agissant du maïs et du coton, la part de leur production s’accroît avec la catégorie d’unités agricoles. A l’inverse, la part respective des autres céréales et des autres produits de rente est décroissante avec la catégorie d’unités de production agricole. La production de coton représente 2,1% et 1,1% de la production des petits et très petits exploitants agricoles, contre environ 30% pour les très grands exploitants. Par ailleurs, tandis que la production de maïs représente environ 8% pour les petits exploitants, elle atteint 20% de la production des grands exploitants. Ainsi, il ressort que les petits exploitants agricoles sont relativement plus dans les cultures agricoles traditionnelles dont la production est principalement destinée à l’autoconsommation tandis que les grands exploitants agricoles produisent relativement plus de produits agricoles destinés à la commercialisation.

Tableau 1.4 : Contributions aux différents types de production agricole selon la catégorie

d’unités de production

Mais Riz Autres

Céréales Autres

Vivriers Coton Autre Rente Total

Très petits exploitants 1,5 3,1 4,3 2,5 0,2 3,9 2,8

Petits exploitants 4,6 9,7 13,2 8,8 1,0 13,1 9,1

Moyens exploitants 10,3 15,2 20,6 15,2 3,7 22,7 15,4

Grands exploitants 21,6 31,6 29,0 22,0 15,5 27,7 24,4

Très grands exploitants 62,0 40,5 32,9 51,5 79,6 32,7 48,3

Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 Source : A partir des données de l’EPA-2004/2005 En termes de contribution aux différentes cultures, le tableau 1.4 montre que le groupe des

très petits exploitants (1er quintile) produit à peine 3% de la production agricole totale, contre respectivement 24,4% pour le groupe des grands exploitants et 48,3% pour les très grands exploitants. Quel que soit le type de spéculation agricole considérée, la contribution croît avec la catégorie d’exploitants agricoles. Ainsi, les petits exploitants contribuent à hauteur d’à peine 5% de la production totale de maïs, contre 62% pour les très grands exploitants. Plus de 70% pour de la production du riz et plus de 85% de la production de coton sont effectuées par les grands et très grands exploitants agricoles. Aussi, les contributions des très petits exploitants à la production de coton et de maïs restent assez faibles, comparées à leur contribution à l’ensemble de la production agricole.

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Tableau 1.5 : Strates des unités agricoles selon le sexe

Sexe du chef d’unité agricole Homme Femme Très petits exploitants 19,2 31,5

Petits exploitants 19,8 24,9

Exploitants moyens 19,7 23,7

Grands exploitants 20,5 11,6

Très grands exploitants 20,7 8,3

Ensemble des exploitants 100 100 Source : A partir des données de l’EPA-2004/2005

A la différence des hommes chefs de ménages agricoles, les femmes chef de ménage

agricole sont davantage concentrées dans les groupes des petits et très petits exploitants. En effet, parmi les unités agricoles dirigées par des femmes, 31,5% sont de très petits exploitants et 24,9% sont de petits exploitants, contre respectivement un peu moins de 20% pour les unités agricoles dirigées par des hommes. Seulement 8,3% des unités agricoles détenues par les femmes sont de très grandes exploitations et 11,6% de grandes exploitations, contre respectivement un peu plus de 20% pour les hommes.

Tableau 1.6 : Strates des unités agricoles selon la région Catégories d’unités de production agricole

Régions Très petits exploitants

Petits exploitants

Exploitants moyens

Grands exploitants

Très grands exploitants Total

Centre 23,8 30,5 24,8 14,3 6,7 100

Nord 27,6 30,1 23,3 13,2 5,7 100 Centre-sud 9,1 19,3 25,1 27,6 18,9 100 Centre-ouest 13,6 23,6 20,9 20,4 21,6 100 B. Mouhoun 10,9 14,2 18,9 26,0 30,0 100 Est 10,6 17,0 26,5 23,5 22,3 100 Centre-est 18,9 22,6 19,2 24,2 15,1 100 Sahel 59,9 20,4 11,7 6,4 1,7 100 Centre-nord 26,2 33,3 24,0 12,4 4,1 100 Cascades 4,5 14,7 11,5 20,5 48,7 100 Hauts bassins 17,8 6,3 9,0 18,4 48,5 100 Sud-ouest 10,2 14,8 22,1 29,1 23,8 100 Plateau central 34,0 21,8 23,4 17,6 3,2 100 Source : A partir des données de l’EPA-2004/2005 La répartition spatiale des unités de production agricole montre que les grands et très

grands exploitants sont installés dans les régions où le climat est favorable à l’agriculture tandis que les petits et très petits exploitants occupent les régions plus arides. En effet, 59,9% des exploitants agricoles situés dans le Sahel sont de très petits exploitants. Ils représentent, 34% des exploitants du Plateau central, et seulement 4,5% des exploitants dans la région des Cascades, 9,1% au Centre-sud, 10,2% au Sud-ouest, 10,6% à l’Est et 10,9% au niveau de la Boucle du Mouhoun. Les très grands exploitants occupent les régions des Hauts bassins (48,5%), des

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Cascades (48,7%) et de la Boucle du Mouhoun (30%), tandis qu’ils sont relativement rares dans les régions du Sahel, du Centre-nord, du Nord et du Centre.

C. Vue d’ensemble de l’opération de promotion de l’utilisation des fertilisants chimiques

Pour redresser la situation alimentaire qui avait connu une nette détérioration dans un

contexte national et international marqué par une hausse vertigineuse des prix des denrées alimentaires, l’Etat s’est attelé depuis 2008 à accroître la production nationale à travers des actions d’intensification et de diversification des productions végétales.

Des mesures d’urgence ont été prises en vue d’accroître les productions agricoles pour les rendre plus disponibles aux populations. Il s’agit d’une part, de l’appui à la fertilisation des sols à travers la subvention et la distribution des fertilisants chimiques et la promotion des fosses fumières. D’autre part, les mesures portent sur la promotion de l’utilisation des semences améliorée, le renforcement de la mécanisation et de l’agriculture irriguée ainsi que le renforcement de l’appui conseil aux producteurs et à leurs organisations. Le choix étant fait d’analyser dans la présente étude les impacts des subventions des fertilisants chimiques sur la distribution des revenus, il est décrit ci-après les modalités de distribution des ces deux intrants. L’opération engrais2 pour la campagne agricole 2009/2010 a consisté à appuyer la production du riz et du maïs. Ce choix a été justifié par l’importance stratégique de ces deux spéculations dans le cadre de l’amélioration de la sécurité alimentaire dans notre pays. Les différentes acquisitions ont permis de mettre à la disposition des producteurs à prix subventionnés, un total de 23 375 tonnes de fertilisants chimiques composés de 14 250,6 tonnes de NPK et 9 124,4 tonnes d’Urée pour un coût total en dehors des stocks résiduels évalué à 8 218 millions de FCFA. Les fertilisants chimiques subventionnées ont été mis à la disposition des agriculteurs à travers les services déconcentrés du Ministère en charge de l’agriculture. Ainsi, les agents d’agriculture vendent les fertilisants chimiques aux producteurs de maïs et de riz. Les taux de subventions ont été différienciés selon le niveau des localités. Les taux de subvention pratiqués pour la campagne 2009/2010 varient de 25% à presque 100% selon les couches de populations agricoles et le type de fertilisants chimiques. De ce fait, dans cette étude, l’impact des subventions de fertilisants chimiques est analysé pour différents niveau de taux de subvention.

2 Les opérations de subvention des engrais et des semences améliorées ont été entreprises avec l’appui financier de la

Banque Africaine de Développement (BAD)

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II. Méthodologie et estimations économétriques

A. Bref aperçu des modèles de micro-simulation A partir des années 1990, le débat sur les politiques d’ajustement structurel a conduit au

développement d’outils d’analyse de l’impact de politiques macroéconomiques sur la redistribution des revenus et sur la pauvreté. Les modèles d’équilibre général calculable (MEGC) restent les outils les plus utilisés du fait de leur capacité à produire des résultats désagrégés au niveau microéconomique à l’intérieur d’un cadre macroéconomique cohérent. Ces modèles reposent sur l’hypothèse d’un agent représentatif ayant une fonction d’utilité quasi-concave permettant d’assurer l’unicité de l’équilibre du modèle d’Arrow-Débreu et ainsi de donner des fondements microéconomiques au modèle. Par ailleurs, cela permet de faire l’économie de la résolution des problèmes distributifs qui est très contraignante. En effet, la construction d’un modèle macroéconomique appliqué à agents hétérogènes nécessite une base de données représentative au niveau national, de ressources informatiques adaptées pour la résolution de modèles numériques de taille importante. Cependant, ces modèles basés sur l’hypothèse d’agent représentatif ne permettent pas d’endogénéiser la variance du revenu intra-groupe qui, quel que soit la pertinence de la classification considérée, contribue significativement à l’inégalité globale (Ravaillon et Chen 1997, Cogneau et Robillard 2000). Kirmen (1992) met en évidence trois problèmes essentiels que pose l’hypothèse d’agent représentatif. Premièrement, il s’agit de l’absence de justification plausible de l’hypothèse selon laquelle l’agrégat de plusieurs individus agit comme un individu maximisateur dans la mesure où il n’y a pas d’équivalence entre la maximisation individuelle et la rationalité collective. Deuxièmement, la réaction de l’agent représentatif à une modification des paramètres du modèle initial peut ne pas être la même que la réaction agrégée des individus que cet agent représente. Troisièmement, l’agrégation des comportements économiques de plusieurs individus peut générer des dynamiques complexes, tandis que l’hypothèse d’agent représentatif peut conduire qu’à un agent aux caractéristiques particulières.

Cette limite des modèles macroéconomiques appliqués a conduit au développement de modèles de micro-simulation inspirés des travaux pionniers de Orcutt (1957) et qui demeurent encore des outils moins répandus que les MEGC. Depuis le milieu des années 1970, des modèles de micro-simulation ont été développés pour analyser l’impact distributif des programmes de transferts sociaux, des politiques fiscales, des reformes des systèmes retraite et pour analyse l’impact de la dynamique démographique dans les pays développés. A la fin des années 1990, Bourguignon et al. (1998), Alatas et al. (1999) ont développé des modèles de micro-simulation pour analyser les déterminants de l’évolution des inégalités. Cependant, la plupart de ces modèles se situent dans un cadre d’équilibre partiel qui ne tient pas compte des effets d’équilibre général tel que le rôle du système des prix dans une économie. Tongeren (1994) et Cogneau (1999) ont été les premiers à intégrer des modèles de micro-simulation dans un cadre d’équilibre général appliqués respectivement aux entreprises néerlandaises et au marché du travail dans la ville d’Antananarivo. Depuis lors, de nombreux modèles de micro-simulation dans un cadre d’équilibre général sont développés notamment dans les pays en développement pour l’analyse des questions liées à la lutte contre la pauvreté et aux inégalités.

Au regard des développements ci-dessus et compte tenu des objectifs qui lui sont assignés,

un modèle de micro-simulation dans un cadre d’équilibre général calculable est retenu pour cette étude. La démarche consiste d’une part à utiliser des données microéconomiques au niveau du ménage agricole et d’autre part à endogenéiser certains comportements des ménages en estimant des fonctions de comportement à partir de ces mêmes données microéconomiques. Les principales fonctions de comportement qui sont estimées dans le cadre de cette étude sont, par catégorie de produits agricoles, les fonctions de production agricole.

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B. Les spécifications de la technologie de production agricole

Dans le secteur agricole burkinabè, le système de production agricole reste très complexe lié notamment (i) à la diversité des cultures pratiquées par un même ménage, (ii) la forte hétérogénéité de la fertilité des sols et des facteurs climatiques selon les régions, (iii) à la forte dépendance de l’agriculture de la pluviométrie. Pour ce faire, l’estimation d’une bonne fonction de production exige d’intégrer l’ensemble de ces facteurs importants avec un grand soin. L’estimation d’une fonction de production à plusieurs facteurs nous conduit à considérer à la suite de Gohin et al. (2000) une fonction de production agricole emboitée adaptée au contexte du Burkina Faso et pouvant répondre aux objectifs de l’étude.

Au Burkina Faso, les ménages agricoles utilisent la même main-d’œuvre et les mêmes

équipements agricoles (ou service-capital) pour la production de différentes spéculations agricoles (maïs, riz, autres céréales, autres produits vivriers, coton et autres produits de rentes). Ainsi, pour un même ménage agricole, une partie du travail et du service-capital (difficilement observable) est affectée à la production de chaque type de produits agricoles. Généralement, dans la littérature, la répartition du capital-service et du travail se fait à l’aide d’une fonction de transformation. Cependant, cela ne permet pas de tenir compte de façon satisfaisante des comportements d’affectation de ressources « travail et service-capital » aux différentes spéculations agricoles. Dans un contexte comme celui du Burkina Faso, pour un ménage agricole, la décision d’affectation de ressources à une spéculation agricole dépendrait entre autres des rendements relatifs en valeur et des coûts relatifs des intrants par rapport aux autres spéculations, de certaines caractéristiques démographiques du ménage, ainsi que des spécificités liées à son lieu de résidence.

De ce fait, le premier niveau de la technologie de production agricole cerne les

comportements d’affectation de ressources « travail et service-capital » à chaque culture agricole. Cela suppose d’estimer des fonctions d’affectation ou de demande de travail et service-capital pour chaque culture en régressant les ressources « travail et service-capital » utilisées sur des facteurs explicatifs. Mais, dans le contexte du secteur agricole du Burkina Faso, le service-capital et le travail utilisés pour une culture donnée est difficilement observable. En tout état de cause les enquêtes d’envergure nationale réalisées jusqu’à ce jour ne permettent pas d’obtenir une répartition satisfaisante de ces ressources au niveau micro-économique (ménage agricole) entre différents types de culture. Pour ce faire, nous considérons la ressource « travail-capital » affectée à une culture agricole donnée comme une variable latente de la superficie mise en valeur pour cette culture, afin d’appréhender les comportements d’affectation de ressources des ménages agricoles. En effet, pour une culture agricole donnée, la superficie cultivée dépend fortement de la ressource composite « travail –capital » qui a été effectivement allouée à cette culture. Ainsi, au premier niveau de la technologie de production, pour une culture j, nous avons la fonction d’affectation de terres dont la forme générale est donnée par la relation (1). Dans ce premier modèle économétrique, GRjm, CRIjm et Xm désignent respectivement le vecteur des gains relatifs de la culture j à l’hectare, le vecteur de coûts relatifs des intrants de la culture j à l’hectare et le vecteur de facteurs spécifiques au ménage m tels que le nombre d’actifs agricoles du ménage, la quantité de terres cultivables dont dispose le ménage3, les équipements agricoles du ménage, la région de résidence du ménage. µ est une constante ; ß1 , ß2 et ß3 sont des vecteurs de paramètres.

Log(Tjm) = µ + ß1Log(GRjm) + ß2Log(CRIjm) + ß3Log(Xm) (1)

3 Les superficies cultivées sont différentes des terres dont dispose le ménage. Les terres cultivables du ménage se

composent des terres cultivées au cours de l’année, des terres en jachère et des terres non encore exploitées.

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A priori, la superficie ou la ressource « travail - capital » allouée à une culture agricole s’accroît avec le gain relatif et décroît avec le coût relatif des intrants. Ainsi, lorsque par exemple le prix du coton baisse, on pourrait s’attendre à une baisse de ressource «travail-capital » ou des superficies allouées à la production de coton. A l’inverse, toute chose égale par ailleurs, le gain relatif par rapport au coton des autres produits de rente ou des céréales augmente ; ce qui se traduirait normalement par un accroissement de ressource «travail-capital » ou de superficie cultivée affectée à ces derniers produits.

Au second niveau de la technologie de production, pour chaque type de culture j donnée, la

production (Yjm) est obtenue en combinant sur la base d’une fonction de Cobb-Douglas à plusieurs facteurs (relation 2), la superficie allouée à la culture j (Tjm) obtenue au premier niveau, la main-d’œuvre agricole du ménage (LAm), les semences de la culture considérée (Sjm), le vecteur des intrants agricoles utilisés pour la culture (IAjm), les pesticides utilisées (PCj), ainsi que d’un vecteur (Xm) de facteurs spécifiques au ménage agricole (niveau d’éducation, région de résidence, sexe du chef de ménage, etc.). ρ, α1, α2 et α3 sont des paramètres constants ; ß4 et ß5 sont des vecteurs de paramètres.

Log(Yjm) = ρ + α1Log(Tjm) + α2Log(LAm) + α3Log(Sjm) + ß4Log(IAjm) + ß5Log(Xm) (2)

Cette technologie de production devrait permettre de cerner l’impact de la variation du prix

de chaque type de produits agricoles considérés sur la superficie et de la production de cette culture, ainsi que sur les superficies allouées et les productions des autres cultures à travers les variations de gains relatifs. Par ailleurs, l’impact des mesures de subvention des intrants agricoles pour certaines cultures (maïs et riz) sur la production de ces cultures et des autres produits agricoles peut être cerné par la technologie de production à travers les coûts relatifs des intrants agricoles. En effet, une subvention des engrais pour la production de maïs par exemple va entrainer une baisse du coût relatif des intrants agricoles du maïs par rapport à celui des autres produits. Ce qui va, a priori, jouer sur l’affectation de ressource-terre en faveur du maïs et, par conséquent, entraîner un accroissement de la production de maïs et une baisse de la production des autres spéculations agricoles concurrentes ou substituables.

C. Estimations de la technologie de production agricole Les estimations de la technologie de production consistent pour chacune des six catégories

de cultures considérées, à estimer la fonction d’affectation de superficies (ou de ressources) et la fonction de production agricole spécifiées ci-dessus. Pour ce faire, nous avons utilisé les données de l’Enquête permanente agricole (EPA) de 2004/2005 en référence à l’année de la dernière MCS-agricole disponible, en vue de préserver un niveau acceptable de cohérence au plan structurel. Pour les estimations, il a été utilisé la méthode des moindres carrés ordinaires (MCO) avec correction d’hétéroscédasticité selon le procédé de White.

Selon la relation (1), l’affectation de ressources « capital-travail » à une culture dépend de la

quantité de terre et équipements agricoles dont dispose le ménage, ainsi que de l’offre de travail du ménage. Cependant, l’EPA ne cerne ni les équipements agricoles, ni les terres dont disposent le ménage. Ce qui nous amène à poser une hypothèse de travail pour l’estimation des fonctions d’affectation. Il est supposé que les ménages n’ont pas de contrainte par rapport à la disponibilité des terres arables. Ce qui signifie qu’un ménage peut toujours disposer des superficies dont il a besoin pour ses cultures.4

4 Cette hypothèse serait vérifiée dans la majorité des cas compte tenu notamment de la très faible mécanisation de l’agriculture et des techniques élémentaires utilisées par la plupart des ménages agricoles pour la mise en valeur des terres disponibles. Ainsi, par rapport à la terre, le capital-service constitue davantage une contrainte pour la plupart des ménages agricoles au Burkina Faso.

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Tableau 2.1 : Résultats des estimations des fonctions d’affectation (MCO) (1) Variables dépendantes (2)

Variables explicatives (2) Superficies

en Maïs Superficies en Coton

Superficies en Riz

Superficies d’autres céréales

Superficies d’autres

rentes

Superficies d’autres vivriers

Gain relatif par ha/Céréales (3) 0,1064*** -0,2708* Gain relatif par ha/Coton (3)

Coût FC par Kg/Céréales 0,0721***

Coût FC par Kg /Coton -0,3881* -0,2836* -0,2010*

Actifs agricoles 0,4028* 0,3905* 0,7907* 0,5633* 0,6812* 0,5645* Asines+Camelins+bovins 0,1183** 0,0923** Bovins 0,2374* 0,2375* 0,1801*

Ovins & Caprins 0,0958**

Région du Centre 1,3662* Région du Nord -0,4025* -1,0237* Région du Centre-Sud -2,5084* -0,8630* 0,4697* -0,5007** Région du Centre-Ouest 0,8796* 0,1945 -0,4890** -0,7831* Région de la B. Mouhoun -0,6027* -0,4925* Région de l’Est -2,5106* -0,7934* 0,4630* -0,8295* Région du Centre -Est -2,5967* -1,1396* 0,5765* -0,9584* Région du Sahel -1,4677* -2,0537* Région du Centre -Nord -1,6485* -1,9624* -0,2118* -0,5647* -0,8006* Région des Cascades 1,2857* 0,4080* -3,2843* -1,6963** 0,6893* Région des Hauts-Bassin 1,5041* 0,8374* -1,9339* -0,6260*** Région du Sud-ouest 1,1162* 0,2807** -3,2931* -0,6074** -0,7345* Région du Plateau central -1,4603* -2,7676* Constante -4,2113* -0,3430 -1,8851* -1,3552* -2,6711* -4,0044* R²-Ajusté 0,5845 0,3134 0,4246 0,4586 0,2798 0,3571

Nombre d'observations 1008 968 466 3500 2666 1550 P(F-statistique) 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 (1) * = significatif au seuil de 1%, ** = significatif au seuil de 5%. (2) les variables sont prises en Logarithme (3) le gain relatif d’une culture j par rapport à une culture i est égal au rapport entre le rendement à l’hectare de j multiplié par le prix aux producteurs de j et le rendement à l’hectare de i multiplié par le prix aux producteurs de i.

Source : A partir des données de l’Enquête permanente agricole (EPA) -2004/2005. Les résultats des estimations économétriques présentés dans le tableau 2.1 restent

conforment aux résultats attendus. En effet, « l’élasticité - gain relatif à l’hectare de coton par rapport aux céréales » de la superficie emblavée en coton est positive. Ce qui signifie que les ressources « capital-travail » allouées à la culture de coton augmentent lorsque son gain relatif à l’hectare s’accroît et à l’inverse elles diminuent lorsque ce gain relatif baisse. Ainsi, lorsque le gain relatif du coton augmente (respectivement baisse) de 10%, la superficie emblavée en coton augmente (respectivement diminue) d’environ 1,06%. Tel que défini, la variation du gain relatif du coton peut avoir plusieurs sources : (i) les prix des céréales, le rendement des céréales à l’hectare, le prix du coton, le rendement du coton à l’hectare. Toute chose égale par ailleurs, une baisse du prix ou du rendement du coton entraîne une baisse de son gain relatif et, par conséquent, une diminution des ressources « capital-travail » affectées à la production de coton selon les résultats économétriques.

A contrario, les ressources « capital-travail » que les ménages allouent à la culture de

céréales (maïs, riz et autres céréales) ne serait pas fonction du gain relatif de ces céréales par

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rapport au coton, comme le montre les estimations économétriques. Les coefficients de la variable « gain relatif par rapport au coton » ne sont pas significatifs (même au seuil de 20%) pour chaque culture céréalière, les autres cultures vivrières et les autres cultures de rente. Ainsi, sous l’hypothèse de la disponibilité de capital terre, l’évolution positive du prix et/ou du rendement du coton n’affecte pas négativement les ressources « capital-travail » que les ménages agricoles allouent aux cultures vivrières et aux autres cultures de rente.

Le principal enseignement qui ressort de l’analyse des élasticités des gains relatifs entre la

culture de coton et les autres cultures est que l’accroissement des ressources « capital-travail » allouées à la culture de coton en liaison avec l’augmentation du gain relatif du coton ne se fait pas au détriment des cultures vivrières et autres cultures de rente. Cela s’explique par d’une part le niveau élevé de sous-emploi dont sont victimes des agriculteurs vivriers au Burkina Faso et d’autre part, les équipements agricoles semi-modernes que la culture de coton permet aux ménages d’acquérir. Aussi, malheureusement, la baisse de ressources « capital-travail » affectées à la production de coton suite à une baisse du gain relatif du coton ne se fait pas forcement au profit des cultures vivrières et autres cultures de rente.

A l’inverse, l’élasticité-gain relatif à l’hectare des autres produits vivriers par rapport aux

céréales est négative. Ce résultat qui est loin d’être intuitif traduit l’idée selon laquelle la culture des autres produits vivriers est complémentaire à la culture de céréales. Autrement dit, la culture des autres produits vivriers n’est pas un substitut de la culture de céréales. Selon ce résultat, lorsque le gain relatif à l’hectare des autres produits vivriers par rapport aux céréales s’accroît de 10%, les ménages agricoles réduisent les ressources « capital-travail » allouées à la culture de ces produits vivriers d’environ 2,7% afin d’ajuster le niveau de production des autres produits vivriers. Au Burkina Faso, la production des autres produits vivriers (igname, patate, légumes, etc.) se fait en grande majorité en complément de la production de céréale. Toute chose égale par ailleurs, lorsque le rendement de ces cultures vivrières augmente, les ménages réduisent le niveau de ressources « capital-travail » allouées afin d’ajuster son niveau de production avec celui des céréales.

Aussi, contrairement aux résultats attendus, « l’élasticité-coût relatif de fertilisants

chimiques par unité de coton produite par rapport à une unité de céréale produite » de la superficie en coton est positive, bien que faible (0,0721). Autrement dit, à coût de fertilisants chimiques par unité de coton produite constant, une baisse du coût des fertilisants chimiques par unité de céréale produite entraîne un accroissement des superficies allouées à la culture de coton. Ce résultat économétrique traduit l’effet de la baisse de « détournement » de fertilisants chimiques destinés à la culture de coton au profit des cultures céréalières. En effet, lorsque le coût de fertilisants chimiques par unité de céréale produite baisse suite à une baisse du prix de ces fertilisants destinés aux céréales (par suite de subvention par exemple), les ménages ont désormais plus accès aux fertilisants chimiques pour les céréales. Par conséquent, ils réaffectent à la culture de coton, tout ou une partie de la quantité de fertilisants chimiques destinées au coton jadis utilisée pour les céréales ; ce qui permet d’accroître les superficies emblavées en coton. Lorsque le coût de fertilisants chimiques par unité de céréale produite baisse grâce à un accroissement des rendements liés à d’autres facteurs, les ménages agricoles ont désormais besoins de moins de quantité de fertilisants chimiques pour un niveau donné de production céréalière. Ainsi, toute chose égale par ailleurs, ils réaffectent à la culture de coton tout ou une partie de la quantité de fertilisants chimiques de coton jadis « détournée » au profit de la culture de céréale et entraîne par conséquent un accroissement des superficies emblavées en coton.

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Tableau 2.2 : Résultats des estimations des fonctions de productions agricoles (MCO) (1) Variables dépendantes (2)

Variables explicatives (2) Mais Coton Riz Autres Céréales Autres Rentes Autres

Vivriers Superficies cultivées 1,0602* 0,9835* 1,0191* 0,9462* 1,0326* 0,4828*

Nombre d’actifs agricoles 0,4113*

Fertilisants chimiques 0,0301*** 0,1663* 0,1952**

Pesticides poudreux 0,0420*

Nombre de bovins 0,0841*

Nombre de bovins, asines 0,0416**

Région du Centre 0,6203* 0,3782*

Région du Nord -1,8005* 0,3198* -0,5359*

Région du Centre-Sud 0,8028* 1,1145* -0,4110*** 0,8120* 0,4805*

Région du Centre-Ouest 0,4841* 0,3470* -1,1461* 0,4372* -0,8920*

Région de la B. Mouhoun 0,4671* 0,5787* -0,8716* 0,4664* -1,3582*

Région de l’Est 0,5618* 0,9807* -0,9842* 0,6599* -0,6184*

Région du Centre -Est 1,0282* 1,0233* -0,5929* 0,9885* 0,6125* -0,5387**

Région du Sahel -3,5297* -0,3682* -2,8464*

Région du Centre -Nord 0,5213* -0,5074** -0,8077 0,3602* -0,6877*

Région des Cascades 0,9445* 0,7792* -0,3778*** 1,1548* 0,5609*

Région des Hauts-Bassin 0,7432* 0,6898* -0,3697 0,7289* 0,3981* -0,5565*

Région du Sud-Ouest 0,7296* 0,7084* -0,6256** 0,9037* 0,3699*

Région du Plateau central 1,1809* -0,3407*

Constante 6,0669* 5,2233* 7,2862* 5,8464* 6,1036* 6,2206*

R²-Ajusté 0,8486 0,8220 0,7107 0,6560 0,7313 0,3617

Nombre d'observations 2551 969 467 3504 2578 1564

P(F-statistique) 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 (1) * = significatif au seuil de 1%, ** = significatif au seuil de 5%, *** = significatif au seuil de 10%. (2) les variables sont prises en Logarithme Source : A partir des données de l’Enquête permanente agricole (EPA) -2004/2005.

Dans chacune des fonctions d’affectation de ressources « capital-travail » à la culture de

maïs, à la culture de riz et à la culture des autres céréales, l’élasticité-coût relatif de fertilisants par unité produite par rapport à celui du coton est négative. Lorsque le coût relatif de fertilisants chimiques respectivement par unité respectivement de maïs, de riz et des autres céréales par rapport à celui du coton baisse de 10%, les ressources « capital-travail » allouées à ces céréales augmentent respectivement d’environ 3,9% pour le maïs, 2,8% pour le riz et 2,0% pour les autres céréales. Ce qui signifie que pour un coût donné de fertilisants chimiques par unité de mais, de riz ou d’autres céréales produite, un accroissement du coût de fertilisants chimiques par unité de coton produite entraîne une augmentation de ressources « capital-travail » allouées à chacune de ces cultures céréalières. Cela s’explique par le fait qu’un accroissement du coût de fertilisants chimiques par unité de production de coton rend les cultures de céréales relativement plus profitables pour les ménages qui leur allouent par conséquent plus de ressources « capital-travail ». Alors, une mesure de subvention des fertilisants chimiques destinés à la culture des céréales devrait se traduire par un accroissement des superficies emblavées et par conséquent de la production céréalière.

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Les résultats économétriques relatifs aux six fonctions de production agricole sont présentés dans le tableau 2.2. Pour les cinq premiers types de produits qui sont plus homogènes, la qualité de l’ajustement est plus élevée. En effet, le R²-ajusté varie entre 65% et 85% selon le modèle et la probabilité de la statistique de Fischer (F-statistique) est inférieure au seuil de 1%. Aussi, les coefficients de toutes les variables explicatives retenues pour chaque régression sont significativement différents de zéro au seuil de 5% au moins. S’agissant des autres cultures vivrières, le R²-ajusté reste moins élevé (36,2%), mais au regard de la probabilité de la statistique de Fischer, l’ajustement global est de qualité satisfaisante. La faiblesse du R²-ajusté serait liée notamment au fait qu’au Burkina Faso, la production de certains de ces produits viviers au Burkina Faso, outre des motifs économiques, répond également à des logiques socioculturelles qui ne sont pas appréhender dans les données d’enquêtes agricoles.

Ces résultats économétriques montrent que quel que soit le type de culture, la production est

fonction de la région. Par ailleurs, l’élasticité de la production par rapport à la superficie cultivée est proche de l’unité pour les cinq premières cultures agricoles, à savoir le maïs, le coton, le riz, les autres céréales et les autres produits de rente. Pour ces cultures agricoles, ce résultat vient corroborer l’idée selon laquelle la ressource « capital-travail » est une variable latente de la superficie cultivée, car on retrouve l’hypothèse de rendement d’échelle constant de la fonction de production de Cobb-Douglas. Aussi, le nombre d’actifs agricoles dont dispose le ménage n’est pas significatif pour ces cinq cultures agricoles.

Pour les autres produits vivriers, l’élasticité de la superficie cultivé est proche de 0,5, celle

de la main-d’œuvre agricole du ménage est d’environ 0,4. Les autres cultures vivrières composées d’ignames, de patates et de fruits et légumes, sont le plus souvent des additifs agricoles pratiqués par les ménages en fonction du supplément de main-d’œuvre agricole dans le ménage. Ainsi, par exemple en milieu rural, plus la main-d’œuvre agricole du ménage est abondante, plus les femmes consacrent davantage leur temps de travail à la production de légumes et autres produits vivriers. Ce qui explique l’élasticité relativement élevée de la production par rapport à la main-d’œuvre agricole du ménage. Aussi, certains de ces produits vivriers tels que les légumes sont pratiqués sur les mêmes parcelles que les céréales qui constituent la première culture de la parcelle. De ce fait, l’élasticité de la production des autres produits vivriers par rapport aux superficies emblavées ne saurait être supérieure à celle des cinq autres cultures qui occupent généralement la première place sur les parcelles mises en valeur.

La technologie de production agricole ainsi estimée constitue l’élément central du modèle

de micro-simulation d’équilibre général envisagé dans cette étude. Ainsi, la section suivante présente le cadre d’équilibre général du modèle et décrit comment la base de données d’enquête est intégrée dans ce cadre d’équilibre général.

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D. Le modèle de micro-simulation EGC

1. Le cadre général de la modélisation Le Burkina Faso étant une petite économie ouverte, le modèle d’équilibre général calculable

s’inspire du modèle EXTER de Decaluwé et Al. (2001) dans lequel les prix mondiaux sont exogènes. Notre modèle comprend 13 branches avec une désagrégation du secteur agricole en 6 branches (culture de maïs, culture de riz, autres cultures céréalières, autres cultures vivrières, culture de coton, autres cultures de rente). Les agents institutionnels sont au nombre de 4 (Ménages, Entreprise, Etat, Reste du monde). L’intégration de l’enquête agricole dans le cadre d’équilibre général (Matrice de comptabilité sociale) permet de désagréger le processus de production des branches au niveau des unités de productions agricoles (ménages agricoles) permettant ainsi de générer notamment des variations de productions agricoles et de revenus d’un ménage agricole à l’autre.

Pour chacun des branches non agricoles, la production est déterminée par un système à trois

niveaux (production, valeur ajoutée et consommations intermédiaires). La valeur ajoutée (VA) est obtenue sur la base d’une fonction de Cobb-Douglas entre le travail (L) et le capital (K) (relation 3). La production et les consommations intermédiaires sont modélisées comme des parts fixes correspondant aux coefficients input-output de la MCS. Pvj est le prix de vente du produit j, wj est le taux de salaire dans la branche j, vj et cij sont des coefficients constants issus de la MCS.

jj

jjjj KLAVA αα −= 1)()( (3)

j

jvjjj w

VApL

α= (4)

j

jj v

VAQ = (5)

jijij QcC = (6) Pour les branches agricoles, la production est donnée par la technologie de production

estimée plus haut. Autrement dit, pour ces branches qui sont les principaux objets de cette étude, la production est simulée au niveau microéconomique. Les consommations intermédiaires des branches agricoles sont également modélisées comme étant des parts fixes de la production sur la base des coefficients techniques de la MCS. La valeur ajoutée agricole est calculée par la différence entre la production agricole et les consommations intermédiaires.

Les revenus des agents sont modélisés sur la base des relations 3 et 4, ainsi que des

coefficients de la MCS. Les sources de revenus des ménages se composent de la rémunération du travail (RL), la rémunération du capital (RK), ainsi que les transferts des autres agents aux ménages (RT). Les paramètres λj et µ sont des coefficients fixes de la MCS.

jvj

jj

jjjL VApLwR ∑∑ == α (7)

∑∑ +−=j

jj

jvjjjK DividendeVApR )1( αλ (8)

)( KLT RRR +=µ (9) Le revenu des entreprises est le solde de la rémunération du capital non versé aux ménages

additionnée aux subventions de l’Etat et autres transferts du reste du monde. Les recettes de l’Etat

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proviennent des taxes sur la production, des droits de douane, des impôts versés par les ménages et les entreprises, ainsi que des transferts du reste du monde. Pour chaque type d’imposition, le taux moyen d’imposition déterminés à partir de la MCS est appliqué.

Les prix à l’importation et à l’exportation sont exogènes. Le prix de la valeur ajoutée d’une

branche j est égal à la différence entre la production en valeur et la somme des consommations intermédiaires en valeur divisée par la valeur ajoutée en volume. Le prix du marché intérieur du produit local j est égal à l’offre totale du produit j en valeur divisée par la demande intérieure de j en volume. Le prix de vente obtenu par le producteur pour ses ventes de j sur le marché intérieur est égal au prix du marché intérieur du produit local j divisé par (1+txj) où txj est le taux net d’imposition indirect intérieure. Le prix au producteur sur l’ensemble de ses ventes (intérieures, extérieures) est égal à la moyenne pondérée des prix de ventes intérieures et extérieures de j. Enfin, l’indice général des prix (le prix du PIB au coût des facteurs de production) à la moyenne pondérée des prix des valeurs ajoutées de toutes les branches.

2. La Matrice de comptabilité sociale utilisée

Pour le cadre d’équilibre général, nous avons utilisé la Matrice de comptabilité sociale élaborée par le Ministère de l’agriculture, de l’hydraulique et des ressources halieutiques (MAHRH) avec l’appui de la Banque mondiale. Elle porte sur l’année 2004 et les branches agricoles y ont été suffisamment détaillées.

Par définition, la MCS est un tableau à double entrée qui présente les comptes de la Nation.

Elle donne une vision d'ensemble chiffrée de la structure de l’économie nationale ainsi que la circulation des flux monétaires entre les différents comptes. Elle offre une opportunité de présenter autrement les résultats des comptes nationaux car c’est un outil qui développe sous forme matricielle les interrelations entre le tableau des ressources et des emplois (TRE) et le tableau des comptes économiques intégrés (TCEI).

De par sa flexibilité, la MCS permet la désagrégation des différents comptes qui la

composent tels que les branches d’activités, les produits, les unités institutionnelles et les facteurs productifs. La MCS présentée au tableau 2.3 est une version agrégée (standard) de celle qui a servi à faire les simulations.

Pour les besoins de l’étude, la version présentée ici est le résultat d’un travail de correction et d’ajustement effectué. En effet, la version initiale comporte quelques insuffisances : (i) le compte des entreprises n’apparaît pas dans cette version initiale, (ii) certaines opérations entre agents économiques tels que les transferts, les impôts, les taxes et subventions apparaissent comme des comptes. La structure des comptes nationaux définitifs de l’année 2004 a été utilisée pour effectuer les corrections.

Aussi, les comptes « cultures céréalières », « fruits et légumes », « autres vivriers » ont été réaménagés pour permettre de faire apparaître explicitement les comptes « Maïs », « Riz », « Autres céréales » et « Autres produits vivriers », conformément aux objectifs de l’étude. De même, les intrants agricoles tels que les engrais chimiques et les insecticides ont fait l’objet de comptes à part en désagrégeant le compte des produits manufacturés modernes, en utilisant la structure détaillée des comptes nationaux de 2004 (INSD, 2009).

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Le tableau ci-dessous présente la version agrégée de la MCS en huit (8) comptes et dont le sens de lecture et d’interprétation se fait en ligne pour les ressources reçues par les agents économiques et facteurs, et en colonne pour les emplois ou dépenses effectués par ces mêmes agents. Par exemple, 4 130 milliards FCFA représente la valeur de la production réalisée par les branches d’activités. De même 1 842 milliards FCFA est la valeur des dépenses de consommation effectuées par les ménages en qualité de consommateurs. Aussi, 29 milliards représente les impôts sur le revenu versés les entreprises à l’Etat. Tableau 2.3 : Matrice de comptabilité sociale agrégée du Burkina Faso en 2004

(En milliards de FCFA)

Branches Produits Facteurs Ménages Entreprises ETAT RDM Accumulation Total

Branches 4 130 4 130Produits 1 505 1 842 583 290 799 5 019Facteurs 2 585 2 585Ménages 1 900 89 118 2 106Entreprises 327 327ETAT 40 234 359 14 29 50 725RDM 655 655Epargne 250 298 53 198 799Total 4 130 5 019 2 585 2 106 327 725 655 799 Source : A partir de la MCS-2004, MAHRH.

3. Intégration des données de l’enquête dans la MCS

En rappel, les données utilisées pour cette simulation sont les données de l’Enquête permanente agricole (EPA). L’EPA est une enquête réalisée auprès des unités de production agricole. Elle porte principalement sur les actifs agricoles, les superficies, les intrants, les cultures, les productions agricoles. Ce qui fait d’elle la base la plus adaptée pour cette étude. Cependant, elle n’est pas une enquête budget-consommation ou de pauvreté auprès des ménages, pouvant permettre de prendre en compte dans les simulations à la fois la dimension production et la dimension consommation du ménage. Aussi, les comportements de consommation des ménages vont au-delà de ce qui peut-être observé au niveau agricole. Ces limites de la base de données n’entravent pas la conduite de cette étude dont l’objectif principal est de mesurer l’impact redistributif des subventions de fertilisants chimiques.

Pour ce faire, le ménage agricole est l’unité de base dans cette simulation. Ainsi, en tant que

unité de production agricole, chaque ménage agricole trouve sa place dans une ou plusieurs branches de la MCS désagrégée. Suivant cette logique, chaque branche de production agricole considérée telle que « Maïs », « Riz », « Coton », etc. se décompose en autant de sous-branches qu’il y a de ménages agricoles dans la base. Alors, si on a N ménages agricoles, la branche agricole j se décompose en N branches dans la MCS du modèle de micro-simulation comme présenté dans le tableau 2.4. Ainsi, la colonne Bj1 et la ligne Bj1 représentent le processus de production du ménage agricole 1 pour la culture j ou la branche agricole j.

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Tableau 2.4 : Présentation de N comptes-unités agricoles pour la culture j de la MCS du modèle de micro-simulation.

Bj1 Bj2 … BjN … Produit j … Total

Bj1 Pj1 Pj1

Bj2 Pj2 Pj2

… …

BjN PjN PjN

Produit 1 C1j1 C1j2 C1jN P1

… …

Produit j Cjj1 Cjj2 CjjN Pj

… …

Produit J CJj1 CJj2 CJjN PJ

Travail Wj1 Wj2 WjN

Capital Rj1 Rj2 RjN

Ménages

Entreprises

ETAT TNj1 TNj2 TNjN

RDM Mj

Epargne

Total Pj1 Pj2 PjN Pj Source : La présente étude.

Sur cette base, l’articulation entre les données de l’enquête à l’aide des douze fonctions de la technologie de production agricole estimées et le cadre d’équilibre général est assurée. En effet, pour chaque compte-unité agricole i d’une culture j, la technologie de production emboitée permet de déterminer la production Pji. Les coefficients techniques de la MCS désagrégée permettent de déterminer les consommations intermédiaires et la rémunération des facteurs. Ainsi, lorsque l’Etat subventionne les fertilisants chimiques sur la culture j, étant donné que la technologie de production estimée dépend entre autres du coût des fertilisants chimiques, la nouvelle production de j est déterminée et la nouvelle demande de consommations intermédiaires est déterminée par le coefficient technique pour chaque unité agricole.

Par ailleurs, compte tenu de la subvention, la taxe nette (TNij) versée à l’Etat par chaque

unité agricole i au titre de la culture j est égale à la différence entre le montant des taxes versées et la variation de prix de fertilisants chimiques multiplié par la consommation intermédiaire en fertilisants chimiques de l’unité agricole pour la culture j (relation 10).

TNij = Tij - ∆PFC * CFCij (10)

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III. Résultats de la micro-simulation de l’impact des subventions de fertilisants chimiques

L’analyse des résultats de simulation est faite en trois parties. Il s’agit dans un premier

temps d’analyser l’impact des subventions de fertilisants chimiques sur la production de maïs et de riz selon les catégories des producteurs et les régions. La deuxième partie de l’analyse porte sur l’impact des subventions sur le produit intérieur brut, ainsi que sur chacun de ses emplois. La dernière partie a trait à l’analyse de l’impact des subventions sur les revenus des ménages afin de cerner les perdants et les gagnants éventuels.

Tableau 3.1 : Taux de croissance (%) de la production selon le taux de subvention des

fertilisants chimiques du maïs et du riz

Taux de subvention des fertilisants chimiques du maïs et du riz (%)

10 25 50 75 88 95 99 Coton 0,0 0,8 2,5 5,2 8,0 10,8 13,9

Maïs 3,3 9,2 23,8 54,7 98,2 170,4 393,9

Riz 1,3 3,7 9,5 21,1 36,3 59,1 119,4 Source : La présente étude

A. L’impact sur la production de maïs, de riz et de coton des ménages agricoles

Comme on pouvait s’y attendre, les subventions de fertilisants chimiques pour la culture de maïs et de riz ont un impact positif sur la production de ces deux céréales. Leur production respective s’accroît avec le taux de subvention. La production de maïs enregistre un accroissement plus élevé que la production de riz, quel que soit le taux de subvention des fertilisants chimiques. L’impact des subventions sur la production de maïs est 2 à 3 fois supérieur à l’impact sur la production de riz (tableau 3.1). Par exemple, une subvention des fertilisants chimiques destinés au maïs et au riz au taux de 75% permet d’accroître la production de 54,7% pour le maïs et de 21,1% pour le riz. Pour doubler la production de maïs, toute chose égale par ailleurs, une subvention des fertilisants chimiques au taux de 88,4% est requise. Quant à la culture de riz, un taux de subvention de 98,5% des fertilisants chimiques est requis pour doubler la production, toute chose égale par ailleurs.

Cette différence importante de l’impact des subventions de fertilisants sur la production de

maïs et la production de riz reste conforme aux réalités actuelles du secteur agricole du Burkina Faso. En effet, la culture de riz demeure plus exigeante que celle du maïs en termes de paquets technologiques, de type de sols et de maîtrise de l’eau. De ce fait, un taux de subvention relativement élevé est nécessaire pour accroître davantage la production de riz. C’est ainsi que l’Etat a consacré 5,5 milliards de FCFA pour la subvention des fertilisants chimiques et autres intrants destinés au riz, contre 2,4 milliards de FCFA pour le maïs. Cependant, ce résultat fait ressortir également la nécessité de renforcer les mesures d’accompagnement afin d’améliorer l’impact des fertilisants chimiques.

Conformément aux résultats économétriques précédents, les subventions de fertilisants

chimiques sur la production du maïs et du riz ont un impact positif indirect sur la production de coton. Cependant, cet impact sur la production de coton est relativement faible, comparé à celui des deux autres produits. Aussi, il est réellement perceptible qu’à partir d’un taux de subvention de 21%. Cela signifie que les agriculteurs commencent à réduire significativement les « détournements » de fertilisants chimiques destinés à la production de coton à partir d’un taux de subvention de fertilisants destinés à la production du maïs et du riz supérieurs ou égaux à 21%.

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21

Cela voudrait aussi dire que pour l’agriculteur moyen, l’achat au content de fertilisants chimiques subventionné à 21% serait équivalent à s’en procurer bord champ à crédit. En effet, pour la production de coton, les fertilisants chimiques sont livrés à crédit aux producteurs par les sociétés cotonnières par l’intermédiaire des groupements de producteurs dans les villages. Ce résultat donne des pistes de réflexion quant à la combinaison de mesures nécessaires pour accroître l’accès des producteurs aux fertilisants chimiques.

Graphique 3.1 : Impact des subventions de fertilisants chimiques sur la production de

maïs, de riz et de coton

Coton

Maïs

Riz

0%

30%

60%

90%

120%

150%

180%

210%

240%

270%

300%

330%

360%

390%

420%

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110

Taux de subvention (%)

Impact sur la production

Source : La présente étude L’impact des subventions est fortement différencié selon les régions administratives du pays

qui produisent les cultures concernées. L’impact des subventions sur la production de maïs est relativement plus important dans les régions du Centre –Nord, du Sud – Ouest et des Cascades, tandis qu’il est relativement plus faible dans les régions du Plateau – Central et de l’Est. Quant à l’impact des subventions sur la production de riz, il est relativement plus important pour les régions du Centre –Nord et du Centre et plus faible pour les régions des Hauts-Bassins, des Cascades et du Centre –Est. Ces résultats sont dus à la nature des sols et à la spécialisation des régions dans les différentes cultures. Une subvention de fertilisants chimiques aura plus d’effets dans les régions où les sols sont moins favorables et que la région pratique la culture. En outre, une subvention aura un effet important dans les régions où il y a des potentialités alors les coûts relatifs de la production de céréales sont relativement plus élevés que ceux des autres cultures.

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Tableau 3.2 : Taux de croissance (%) de la production selon le taux de subvention des fertilisants chimiques du maïs et du riz

Régions

Taux de subvention des fertilisants chimiques du maïs et du riz (%) 25 50 75

Coton Riz Maïs Coton Riz Maïs Coton Riz Maïs Centre 1,6 11,8 8,1 5,2 30,3 21,1 11,1 67,2 48,7

Centre-Sud 1,2 5,5 7,4 3,3 14,1 19,0 6,3 31,4 43,3

Centre-Ouest 0,8 6,0 2,2 15,6 4,3 35,8

Boucle du Mouhoun 0,4 7,1 8,0 1,3 18,2 20,6 2,7 39,7 47,2

Est 1,2 6,6 5,5 3,4 16,8 13,9 7,0 37,4 31,5

Centre -Est 0,6 3,9 6,2 1,4 10,0 15,6 2,3 22,3 35,2

Centre -Nord 0,1 12,2 15,1 0,2 31,3 39,5 0,3 69,5 91,7

Cascades 0,8 3,8 10,7 2,6 9,7 27,8 5,8 21,6 63,9

Hauts-Bassin 0,9 3,0 9,6 3,0 7,6 25,0 6,6 16,9 57,5

Sud -Ouest 1,0 6,9 13,6 3,0 17,7 35,4 6,4 39,3 81,9

Plateau central 0,4 6,3 3,2 0,8 16,1 8,4 1,2 35,8 19,2

Ensemble 0,8 3,7 9,2 2,5 9,5 23,8 5,2 21,1 54,7 Source : La présente étude.

L’impact des subventions est également différencié sur la production des cultures selon la catégorie d’exploitant agricole. Globalement, quelle que soit la culture considérée, l’impact des subventions s’avère plus élevé pour les petits et très petits exploitants agricoles que pour les grands et les très grands exploitants. Ce qui signifie que si les fertilisants chimiques subventionnés sont disponibles dans chaque localité du pays conformément à la demande des exploitants agricoles, les petits et très petits exploitants agricoles enregistrent un accroissement relativement plus important de leur production de maïs, de riz et de coton. Cela est dû au fait que le coût des fertilisants chimiques constituent davantage un obstacle pour les petits exploitants que pour les grands. En accroissant relativement plus la productivité des petits agriculteurs, les subventions de fertilisants chimiques sur la production de maïs et de riz constitueraient une mesure pro-pauvre.

Tableau 3.3 : Taux de croissance (%) de la production selon le taux de subvention des fertilisants chimiques et la catégorie des exploitants agricoles

Régions

Taux de subvention des fertilisants chimiques du maïs et du riz (%) 25 50 75

Coton Riz Maïs Coton Riz Maïs Coton Riz Maïs Très petits exploitants 12,9 10,5 17,5 41,3 26,9 45,7 87,6 59,7 105,9

Petits exploitants 3,1 5,7 20,1 9,7 14,5 52,7 20,7 32,3 122,7

Exploitants moyens 1,7 5,3 13,2 5,2 13,5 34,4 10,9 30,1 79,5

Grands exploitants 1,4 3,6 10,5 4,2 9,2 27,3 8,9 20,5 62,8

Très grands exploitants 0,6 2,9 7,9 1,9 7,4 20,3 4,1 16,4 46,5

Ensemble 0,8 3,7 9,2 2,5 9,5 23,8 5,2 21,1 54,7 Source : La présente étude.

Contrairement au constat d’ensemble, l’impact des subventions de fertilisants chimiques du

maïs et du riz sur la production de coton est plus important pour les très petits exploitants agricoles que leur impact sur la production de riz. Par exemple, pour un taux de subvention de 50%, la production de coton des très petits exploitants s’accroît de 41,3% tandis que leur

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production de riz s’accroît de 26,9%. Deux effets distincts s’expliquent ce résultat. D’une part, chez les petits et très petits exploitants, l’effet de « détournement » des fertilisants chimiques de coton est plus important ; ce qui accroît l’impact des subventions sur leur production de coton. D’autre part, la difficulté pour les très petits exploitants à respecter les nombreuses exigences de la culture de riz au Burkina Faso réduit l’impact de la subvention des fertilisants chimiques sur leur production de riz. Ces deux effets conjugués font que l’impact indirect des subventions sur la production de coton devient plus élevé que l’impact direct sur la production de riz. Ce résultat montre qu’il est possible d’enregistrer plus d’impact au niveau de la production de riz au niveau des petits exploitants si la subvention des fertilisants chimiques est combinée avec l’encadrement des producteurs.

En résumé, les subventions de fertilisants chimiques ont un impact positif croissant sur la

production de maïs, de riz et de coton. Sous l’hypothèse que les fertilisants chimiques subventionnés sont disponibles dans toutes les localités du Burkina Faso conformément à la demande de chaque localité, les résultats des simulations montrent que les subventions de fertilisants chimiques bénéficient aussi bien aux petits qu’aux grands producteurs, ainsi qu’à toutes les régions. Ce qui signifie que la mesure prise par l’Etat ne permettra d’accroître la production de maïs et de riz et d’améliorer les conditions d’existence des petits et très petits agriculteurs que si le mécanisme mis en place pour la mise à disposition des fertilisants chimiques subventionnés fonctionne efficacement. Ainsi, une mesure de subvention de fertilisants chimiques de maïs et de riz bien mise en œuvre a un impact positif sur toutes les catégories de producteurs et sur le volume global de la production de ces céréales. Mieux, les petits exploitants bénéficient d’un accroissement plus important de leur productivité. Au plan macroéconomique quel est l’impact d’une telle mesure ?

B. L’impact des mesures de subventions de fertilisants chimiques sur la variation du PIB

Selon les résultats des simulations, l’impact des mesures de subvention de fertilisants

chimiques sur la production de maïs et de riz sur le Produit intérieur brut est fonction du taux de subvention. En effet, comme le montre le graphique 3.2, lorsque le taux de subvention s’accroît, l’impact des subventions sur le PIB est négatif dans un premier temps, puis devient positif pour les taux de subvention compris entre 94,50% et 99,85%, puis redevient négatif pour des taux de subvention supérieurs à 99,85%. Cependant, l’impact des subventions sur le PIB demeure relativement faible et varie entre -0,04% à 0,01%.

L’impact des subventions de fertilisants chimiques sur la production de maïs et de riz sur le PIB est la résultante de deux effets inverses. D’une part, une mesure de subvention d’un autre acteur économique de la part de l’Etat est une renonciation à une production de services publics. Cette renonciation a évidemment un effet négatif sur le produit intérieur brut. D’autre part, la subvention d’une activité de production d’un autre acteur économique privé – la production de riz et de maïs dans notre cas – permet d’accroître la production privée et a, par conséquent, un effet positif sur la PIB. L’impact de la subvention sur le PIB est donc égal à la somme de ces deux effets antinomiques. Le sens de l’impact va dépendre donc de l’efficacité de la dépense publique par rapport à celle de l’activité privée subventionnée. L’impact de la subvention sur le PIB sera négatif (respectivement positif) si l’activité de production privée financée est moins (respectivement plus) efficace en termes de création de richesse que la dépense publique. Aussi, l’efficacité de la production privée évolue avec le montant de la subvention.

L’effet négatif de la renonciation à une production de biens et services publics domine dans

un premier temps pour des taux de subvention de fertilisants chimiques compris entre 0 et 94,5%.

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Cette dominance de l’effet de la renonciation à une offre de services publics se réduit progressivement pour s’annuler pour un taux de subvention de 94,5% où l’effet sur la production agricole compense celui de la renonciation à des biens et services publics. A partir de ce taux de subvention, la situation s’inverse et l’effet positif de la subvention devient dominant. L’impact sur le PIB devient alors positif. La dominance de l’effet positif de la subvention s’accroît progressivement, mais l’accroissement du taux de subvention accentue fortement les déséquilibres intérieurs et extérieurs à partir du taux de subvention de 99% de sorte que l’impact positif de la subvention sur le PIB décroît de 0,01% à -0,04% pour des taux de subvention supérieurs à 99%. En effet, lorsque le taux de subvention tend vers la gratuité (100%), la demande de fertilisants chimiques explose et l’efficacité de l’allocation entre producteurs se réduit.

L’impact des subventions de fertilisants chimiques diffère selon les emplois du PIB. D’une

part, les subventions ont un impact positif sur la consommation finale privée, les exportations et la formation brut du capital. L’accroissement de la consommation finale privée varie de 0% à 5,1% en fonction du taux de subvention. Il s’explique par l’impact positif de ces mesures de subvention sur le revenu global des ménages. L’accroissement de la formation brut du capital est lié notamment à l’augmentation du stock de céréales. Quant à l’impact positif sur les exportations, il est lié surtout à l’accroissement de la production de coton induit par ces mesures de subvention. Cependant, contrairement aux deux premiers emplois pour lesquels l’impact des subventions de la production de maïs et de riz est croissant, l’impact sur les exportations augmente pour atteindre un maximum de 6,9% au taux de subvention de 99%, puis décroît pour se situer à 0,8%.

D’autre part, les subventions de fertilisants entraînent une réduction des importations et de

la consommation finale publique. La réduction des importations est notamment liée à l’accroissement de la production de céréales (riz et maïs) qui sont des substituts du riz importé. L’impact négatif des subventions sur la consommation finale publique est lié à la subvention et au manque à gagner d’impôts sur les revenus des ménages non agricoles.

Deux enseignements majeurs se dégagent de l’analyse d’impact ex-ante des subventions de

fertilisants chimiques sur la croissance économique. Premièrement, l’impact des subventions peut être certes négatif sur la croissance économique, mais il reste assez faible. Deuxièmement, l’impact négatif des subventions sur la croissance économique pourrait être davantage réduit par un accroissement plus important de la productivité agricole. Ceci passe par l’amélioration des capacités techniques et humaines des agriculteurs burkinabè.

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Tableau 3.4 : Impact des mesures de subventions de fertilisants chimiques sur la production du maïs et du riz (taux d’accroissement en %)

Taux de subvention des fertilisants chimiques pour la culture de maïs et de riz

10 25 50 75 92,5 94 94,5 95 97 99 99,5 99,7 99,8 99,85 99,875 99,9 100 Consommation privée 0,0 0,0 0,1 0,1 0,3 0,3 0,3 0,4 0,5 0,8 1,1 1,3 1,5 1,7 1,9 2,1 5,1 Consommation publique -0,6 -1,6 -3,8 -8,2 -18,5 -20,9 -21,9 -22,9 -29,4 -47,9 -64,0 -78,8 -92,7 -104,0 -111,9 -122,3 -303,0 FBCF 0,2 0,7 1,9 4,3 10,3 11,7 12,3 12,9 16,9 28,6 39,0 48,6 57,6 65,0 70,1 76,8 194,8 Exportations 0,0 0,4 1,3 2,8 5,1 5,4 5,6 5,7 6,3 6,9 6,8 6,6 6,3 6,0 5,8 5,6 0,8 Importations 0,0 -0,1 -0,2 -0,4 -0,9 -1,0 -1,1 -1,1 -1,5 -2,6 -3,5 -4,4 -5,2 -5,8 -6,3 -6,9 -17,2 PIB -0,039 -0,037 -0,031 -0,020 -0,002 -0,001 0,000 0,002 0,007 0,010 0,008 0,004 0,002 0,000 -0,002 -0,004 -0,038 Revenus des ménages 0,0 0,0 0,2 0,4 1,1 1,3 1,4 1,4 1,9 3,3 4,5 5,6 6,7 7,6 8,2 9,0 22,8 Revenus tirés des vivriers 0,5 1,5 3,9 8,8 21,0 23,9 25,1 26,4 34,6 58,5 79,6 99,2 117,6 132,6 143,0 156,7 396,0 Revenus tirés du coton 0,0 0,8 2,5 5,2 9,6 10,2 10,5 10,8 12,0 13,9 14,5 14,8 14,9 15,0 15,0 15,1 15,2 Revenus non agricoles -0,2 -0,4 -1,1 -2,4 -5,3 -6,0 -6,3 -6,6 -8,5 -13,9 -18,6 -22,9 -27,0 -30,3 -32,6 -35,6 -88,3 Solde extérieur -1,1 -3,3 -8,6 -19,5 -46,1 -52,5 -55,1 -58,0 -75,8 -127,8 -173,6 -216,0 -256,2 -288,7 -311,3 -341,2 -863,4

Source : La présente étude

Graphique 3.2 : Impact des mesures de subventions de fertilisants chimiques de maïs et de riz sur la variation du PIB selon le taux de subvention.

Source : La présente étude

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C. L’impact des subventions de fertilisants chimiques sur les revenus des ménages

Globalement, les subventions de fertilisants chimiques ont un impact positif sur le revenu des ménages. Cependant, il y a des gagnants et des perdants. En effet, comme le montre le graphique 3.3, les subventions ont un impact positif sur les revenus des ménages agricoles (vivriers et cotonculteurs) ; tandis que leur impact est négatif sur le revenu des ménages non agricoles.

Graphique 3.3 : Evolution de l’impact des subventions de fertilisants chimiques sur les revenus des ménages selon le taux de subvention.

Revenus  des ménages

Revenus tirés  des vivriers  

Revenus  tirés du coton

Revenus non agricoles

‐90

‐80

‐70

‐60

‐50

‐40

‐30

‐20

‐10

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

0 20 40 60 80 100

120

Source : La présente étude

Globalement, l’impact des subventions sur le revenu des ménages est croissant avec le taux de subvention. Toutefois, en dessous d’un taux seuil l’impact reste relativement faible. L’accroissement du revenu des ménages imputable aux subventions de fertilisants chimiques reste inférieur à 0,5% pour des taux de subvention inférieurs ou égaux à 80%, puis atteint 1% lorsque le taux de subvention est de 90%.

Parmi les gagnants, les agriculteurs vivriers enregistrent un plus fort accroissement de leur

revenu, ensuite viennent les cotonculteurs dont le taux d’accroissement du revenu varie entre 0% et 15,3% selon le taux de subvention. S’agissant des perdants, c’est-à-dire les ménages non agricoles, leur revenu baisse au fur et à mesure que la subvention augmente. Cela traduit un manque à gagner de 0% à 10% chez les ménages non agricoles pour des taux de subventions variant de 0% à 97,5%. .

Au regard de ces résultats, la subvention des fertilisants chimiques apparaît davantage

comme une mesure de redistribution de la richesse créée au profit des agriculteurs vivriers qui constituent au Burkina Faso la majorité de la population pauvre. Les subventions des fertilisants chimiques apparaissent comme ayant peu de prise sur la croissance économique. Toutefois, elles favorisent la réduction de la pauvreté en milieu rural.

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Conclusion

Les subventions de fertilisants chimiques sur la production de maïs et de riz ont un impact positif croissant sur la production de ces deux céréales et sur la production de coton. L’impact sur la production de maïs se révèle plus important que celui du riz. Quant au coton, il bénéficierait de la mesure de subvention de façon indirecte grâce à la réduction de l’effet de détournement de fertilisants chimiques destinés à la culture de coton.

Par ailleurs, les subventions de fertilisants chimiques sur la production de maïs et de riz

bénéficieraient aussi bien aux petits qu’aux grands producteurs dans toutes les régions du pays. L’impact des subventions sur l’accroissement de la production est plus important chez les petits producteurs que chez les grands. De ce point de vue, la mesure gouvernementale serait une mesure pro-pauvre. En outre, elle permettrait d’améliorer la sécurité alimentaire au niveau national. Toutefois, cela nécessite que dans la mise en œuvre de la mesure, que les fertilisants chimiques subventionnés soient disponibles dans toutes les localités du Burkina Faso conformément à la demande de chacune de ces localités (en termes de quantité et délai).

Les résultats de micro-simulation ont en outre révélé que pour l’agriculteur moyen, l’achat

au content des fertilisants chimiques subventionnés à 21% est équivalent à l’acquisition bord champ et à crédit de l’intrant. Ainsi, autant la subvention permet aux producteurs d’accéder aux fertilisations chimiques, autant les crédits de fertilisants chimiques permettent dans une certaine mesure l’accès. Aussi, une combinaison de ces deux modalités d’appui permettrait d’améliorer l’accès aux intrants chimiques.

L’analyse de l’impact des subventions des fertilisants chimiques au niveau

macroéconomique met en évidence deux enseignements majeurs. En premier, l’impact sur la croissance économique peut être négatif, mais faible. De ce fait, l’effet négatif sur la croissance économique ne saurait être un facteur décisif pour renoncer à la mesure de subvention surtout que cet effet peut être davantage réduit par l’accroissement de la productivité agricole à l’aide d’un encadrement approprié des producteurs. Deuxièmement, des taux de subvention très élevés dégradent le déficit public et le solde extérieur. Cela montre la nécessité de concilier efficacité de la subvention en termes d’accroissement de la production et la non dégradation des équilibres intérieurs et extérieurs. Pour y parvenir, une combinaison entre les subventions et des crédits de fertilisants chimiques devrait être envisagée. Ceci nécessite d’organiser la mise en marché des produits céréaliers à travers notamment les banques de céréales et la SONAGES.

Concernant l’impact des subventions de fertilisants chimiques sur les revenus, il ressort que

ces mesures ne font pas que des gagnants. Globalement, l’impact est positif sur les revenus des ménages indépendamment du taux de subvention. Les effets sont positifs sur les revenus des cotonculteurs et des agriculteurs vivriers. Ces effets positifs des subventions sur les revenus sont relativement plus élevés pour les agriculteurs vivriers. Toutefois l’impact sur les revenus non agricoles est négatif.

Ces résultats appellent les trois principales recommandations de politiques suivantes :

La poursuite de la mesure de subvention des fertilisants chimiques et son élargissement à d’autres céréales : au regard de l’effet sur la production de céréales et de coton, sur les revenus des agriculteurs vivriers comparé à une perte éventuelle de points de croissance économique, la mesure mérite d’être poursuivie. Elle pourrait aussi être étendue à d’autres cultures céréalières.

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Le renforcement de l’efficacité des subventions de fertilisants chimiques à travers des mesures d’accompagnement : les mesures d’accompagnement sont nécessaires pour accentuer l’impact des fertilisants sur la productivité agricole. L’accompagnement technique notamment des petits producteurs parait indispensable. A ce niveau, il s’agit d’accroître les capacités techniques des producteurs par la formation et le conseil et de renforcer le suivi des producteurs sur le terrain.

Le recours aux crédits de fertilisants chimiques aux producteurs comme une modalité complémentaire à la subvention : afin de concilier les impératifs de stabilité macroéconomique avec l’objectif d’accroissement de la productivité agricole par l’élargissement de l’accès aux fertilisants chimiques, il est nécessaire de mettre en place un mécanisme de soutien associant crédit et subvention de fertilisants chimiques. L’octroi de crédits de fertilisants chimiques sur les céréales nécessite l’organisation de la mise en marché des céréales à l’instar du coton.

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