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21 novembre 2017 L’Arabie saoudite joue le tout pour le tout Le prince héritier Mohammed Ben Salman d’Arabie saoudite entreprend plusieurs tâches monumentales à la fois : Consolidation énergique de son pouvoir par des arrestations massives en attendant de succéder à son père, le roi Salman, sur le trône Transition pour sortir de l’économie pétrolière Réduction du pouvoir des autorités religieuses Intensification de la guerre par procuration avec l’Iran dans l’ensemble du Moyen-Orient Relever un seul de ces défis est déjà une tâche herculéenne. Entreprendre les quatre à la fois exigera encore plus d’habileté et une bonne dose de chance. La consolidation impitoyable du pouvoir du prince Mohammed Ben Salman Le prince héritier a récemment fait arrêter plus de 200 personnes accusées de corruption, dont de nombreux princes et ministres. Son but était de faire savoir qui est le maître et de prévenir que nul n’est intouchable. Les arrestations les plus remarquées comprenaient celle de son plus puissant rival, le prince Miteb Ben Abdullah, chef de la garde nationale et fils de l’ancien roi Abdullah, et Alwaleed Ben Talal, l’homme le plus riche du royaume (fortune de $17 milliards). Dans le régime traditionnel du royaume, le contrôle de certains secteurs était réparti entre plusieurs branches de la famille royale. Aujourd’hui, le pouvoir est concentré entre les mains du roi Salman, du prince héritier Mohammed Ben Salman et de sa branche de la famille. Cela comprend notamment le contrôle des trois forces de sécurité saoudiennes : l’armée, la sécurité intérieure et la garde nationale. Le prince héritier a aussi réduit l’autorité des religieux. Il a notamment limité leur pouvoir de faire des arrestations, arrêté des douzaines de religieux extrémistes et donné plus de place dans la vie publique aux femmes, entre autres, en leur accordant le droit de conduire des voitures. Le prince héritier estime que le pouvoir absolu est nécessaire pour réussir à moderniser l’économie, faire front à l’Iran et réduire le pouvoir des autorités religieuses, dont l’encadrement strict de la société est considéré comme une entrave à la souplesse sociale nécessaire à une économie moderne qui réussit. L’emprisonnement des élites toujours très populaire, quelles que soient les circonstances Bien que les alliés du prince héritier soient restés intouchés, les arrestations massives sont fortement soutenues par le public, particulièrement les jeunes Saoudiens, qui estiment en grande majorité que l’élite est corrompue (70% de la population a moins de 30 ans). Le prince héritier calcule qu’il sera beaucoup plus facile de réussir à appliquer des réformes et de faire passer les mesures d’austérité si le public constate que l’élite aussi est sérieusement touchée. Cette stratégie a déjà été utilisée avec succès dans d’autres pays auparavant. En Russie, le président Vladimir Poutine a cimenté son autorité lorsqu’il a accédé au pouvoir en emprisonnant ou en envoyant en exil de nombreux oligarques, en particulier ceux qui avaient des ambitions politiques. Le plus haut dirigeant de la Chine, leader Xi Jinping, a aussi fait arrêter de nombreuses personnes très en vue à la fois pour lutter contre la corruption et pour éliminer des rivaux politiques. Ces arrestations ont été largement soutenues par les populations russe et chinoise. Enfin, le président américain Donald Trump a récemment exprimé son soutien à l’intervention saoudienne par Twitt en affirmant que certaines des personnes arrêtées exploitaient le pays depuis des années. L’administration Trump pense qu’elle a enfin trouvé un leader qui veut de véritables réformes de l’économie, prêt à prendre le contrepied des religieux radicaux.

Géopolitique en bref: L’Arabie saoudite joue le tout pour le tout - … · 2019-11-10 · en 2015, s’est engagée dans une impasse coûteuse. L’Arabie saoudite a récemment

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21 novembre 2017

L’Arabie saoudite joue le tout pour le tout

Le prince héritier Mohammed Ben Salman d’Arabie saoudite entreprend plusieurs tâches monumentales à la fois :

Consolidation énergique de son pouvoir par des arrestations massives en attendant de succéder à son père, le roi Salman, sur le trône

Transition pour sortir de l’économie pétrolière

Réduction du pouvoir des autorités religieuses

Intensification de la guerre par procuration avec l’Iran dans l’ensemble du Moyen-Orient

Relever un seul de ces défis est déjà une tâche herculéenne. Entreprendre les quatre à la fois exigera encore plus d’habileté et une bonne dose de chance.

La consolidation impitoyable du pouvoir du prince Mohammed Ben Salman Le prince héritier a récemment fait arrêter plus de 200 personnes accusées de corruption, dont de nombreux princes et ministres. Son but était de faire savoir qui est le maître et de prévenir que nul n’est intouchable. Les arrestations les plus remarquées comprenaient celle de son plus puissant rival, le prince Miteb Ben Abdullah, chef de la garde nationale et fils de l’ancien roi Abdullah, et Alwaleed Ben Talal, l’homme le plus riche du royaume (fortune de $17 milliards).

Dans le régime traditionnel du royaume, le contrôle de certains secteurs était réparti entre plusieurs branches de la famille royale. Aujourd’hui, le pouvoir est concentré entre les mains du roi Salman, du prince héritier Mohammed Ben Salman et de sa branche de la famille. Cela comprend notamment le contrôle des trois forces de sécurité saoudiennes : l’armée, la sécurité intérieure et la garde nationale.

Le prince héritier a aussi réduit l’autorité des religieux. Il a notamment limité leur pouvoir de faire des arrestations, arrêté des douzaines de religieux extrémistes et donné plus de place dans la vie publique aux femmes, entre autres, en leur accordant le droit de conduire des voitures.

Le prince héritier estime que le pouvoir absolu est nécessaire pour réussir à moderniser l’économie, faire front à l’Iran et réduire le pouvoir des autorités religieuses, dont l’encadrement strict de la société est considéré comme une entrave à la souplesse sociale nécessaire à une économie moderne qui réussit.

L’emprisonnement des élites toujours très populaire, quelles que soient les circonstances Bien que les alliés du prince héritier soient restés intouchés, les arrestations massives sont fortement soutenues par le public, particulièrement les jeunes Saoudiens, qui estiment en grande majorité que l’élite est corrompue (70% de la population a moins de 30 ans). Le prince héritier calcule qu’il sera beaucoup plus facile de réussir à appliquer des réformes et de faire passer les mesures d’austérité si le public constate que l’élite aussi est sérieusement touchée.

Cette stratégie a déjà été utilisée avec succès dans d’autres pays auparavant. En Russie, le président Vladimir Poutine a cimenté son autorité lorsqu’il a accédé au pouvoir en emprisonnant ou en envoyant en exil de nombreux oligarques, en particulier ceux qui avaient des ambitions politiques. Le plus haut dirigeant de la Chine, leader Xi Jinping, a aussi fait arrêter de nombreuses personnes très en vue à la fois pour lutter contre la corruption et pour éliminer des rivaux politiques. Ces arrestations ont été largement soutenues par les populations russe et chinoise.

Enfin, le président américain Donald Trump a récemment exprimé son soutien à l’intervention saoudienne par Twitt en affirmant que certaines des personnes arrêtées exploitaient le pays depuis des années. L’administration Trump pense qu’elle a enfin trouvé un leader qui veut de véritables réformes de l’économie, prêt à prendre le contrepied des religieux radicaux.

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Des plans ambitieux pour réformer l’économie Ces arrestations massives coïncident avec des efforts pour diversifier l’économie au détriment du pétrole dans le cadre d’une campagne intitulée Vision 2030. Le projet comprend des objectifs ambitieux d’augmentation des revenus non pétroliers de $40 milliards à peine en 2015 à $160 milliards en 2020 et à $260 milliards en 20301. D’importantes compressions des dépenses et des subventions de l’État sont aussi au programme.

Le travail que doit accomplir le gouvernement saoudien est donc on ne peut plus clair. Environ 90% des revenus du pays proviennent du pétrole et 70% des Saoudiens qui travaillent sont employés par l’État (comparativement à une moyenne de l’OCDE d’à peine 20%).

Source : « Saudi Arabia’s Great Makeover Can’t Afford to Fail This Time », Bloomberg, 15 octobre 2017

Réduire les dépenses s’est aussi révélé extrêmement difficile. Une importante levée de boucliers a récemment forcé le gouvernement à revenir sur des réductions de salaires et d’avantages sociaux imposées au secteur public en septembre 2016. Une hausse des prix de l’eau a aussi été rapidement annulée après des protestations semblables.

Ce n’est pas la première fois que l’Arabie saoudite essaie de mettre en œuvre de grandes réformes économiques. Il y a une quinzaine d’années, le gouvernement avait lancé un programme intitulé « La vision future de l’économie saoudienne : 2020 », qui est aujourd’hui largement considéré comme un échec.

Les finances de plus en plus précaires de l’Arabie saoudite Historiquement, l’Arabie saoudite réagissait aux troubles politiques en multipliant ses largesses. L’exemple le plus récent est celui de la décision de dépenser $130 milliards de plus en avantages sociaux en 2011 pour éviter le risque que les troubles du printemps arabe ne gagne le royaume. Cette stratégie n’est aujourd’hui plus possible puisque les finances du pays sont de plus en plus pressurisées par la chute des prix du pétrole d’une part et des dépenses gouvernementales massives d’autre part.

Depuis la fin de l’ère du pétrole à $100 le baril en 2014, les réserves du pays ont plongé d’un sommet de $730 milliards en août 2014 à $485 milliards aujourd’hui.

                                                            1 « Saudi prince unveils sweeping plans to end 'addiction' to oil », Reuters, 25 avril 2016  

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Les réserves de change demeurent impressionnantes à $485 milliards, mais il faut les placer dans le contexte des engagements financiers massifs du pays. Ceux-ci comprennent des programmes sociaux extrêmement généreux, la subvention de la consommation d’énergie, des emplois très bien rémunérés dans l’administration publique et un soutien financier important à des pays alliés dans tout le Moyen-Orient, sans parler de l’intervention militaire directe au Yémen (voir plus loin).

Malgré une récente augmentation des prix, l’essence est encore extrêmement bon marché en Arabie saoudite. Le litre de supercarburant à indice d’octane de 91 coûte 0.75 riyal (20 cents)2. Un prix aussi bas incite à la consommation si bien que pas moins d’un tiers de la production nationale de pétrole est réservé au marché intérieur.

L’Arabie saoudite a aussi un des budgets militaires les plus lourds au monde en proportion de son PIB : 10% ($64 milliards par an). Cela contraste fortement avec les 3.3% du PIB que les États-Unis consacrent à la défense3.

Tout cela implique que l’Arabie saoudite a besoin d’une remontée des prix du pétrole à $73-$77 le baril pour pouvoir équilibrer ses comptes. Or, le brut WTI se vend actuellement autour de 55-57 $ le baril.

Le pays est passé d’un excédent budgétaire de 12% du PIB en 2012 à un déficit de 17% ($79 milliards) en 2016, on ne s’en étonnera pas. La dette publique en pourcentage du PIB a bondi de moins de 2% du PIB en 2014 à près de 13% en 2016. Il s’agit d’un niveau de dette encore très bas, mais il est important de savoir que le pouvoir d’emprunt du pays repose sur ses réserves, qui ne doivent pas descendre à des niveaux dangereusement bas.

Reconstitution des réserves par la confiscation de biens Le prince héritier espère que les récentes arrestations de nombreux membres de l’élite saoudienne lui permettront non seulement d’affirmer son pouvoir, mais aussi de regarnir partiellement les réserves de change du pays. Le gouvernement vise des actifs d’une valeur d’au moins $100 milliards, dont il prétend qu’ils ont été acquis illégalement. À plus long terme, il espère récupérer quelque $300 milliards. Le risque est que cette confiscation massive d’actifs n’incite davantage de personnes à essayer de transférer des fonds à l’étranger.

                                                            2 « Saudi Arabia Delays Energy-Subsidy Cuts », Bloomberg, 6 juillet 2017 3 « TRENDS IN WORLD MILITARY EXPENDITURE, 2016 », Stockholm International Peace Research Institute, avril 2017

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Arabie saoudite : Les réserves étrangères continuent de baisserRéserves officielles internationales (standardisées)

Billions (USD)

FBN Économie et Stratégie (données de Datastream)

$485.2 milliards

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La guerre indirecte de l’Arabie saoudite avec l’Iran La défaite imminente de Daech prépare le terrain à une augmentation des tensions entre l’Iran et l’Arabie saoudite, les deux leaders auto-proclamés des chiites et des sunnites. Le risque est d’autant plus grand que les Saoudiens se montrent de plus en plus inquiets de l’influence croissante de l’Iran en Irak, en Syrie, au Yémen et au Liban.

Au Yémen, la guerre de l’Arabie saoudite contre les rebelles houtistes soutenus par l’Iran, qui a chassé le gouvernement yéménite en 2015, s’est engagée dans une impasse coûteuse. L’Arabie saoudite a récemment accusé l’Iran d’avoir commis un acte de guerre en fournissant les missiles que les rebelles ont lancés contre la capitale saoudienne — accusation démentie par l’Iran.

Le point de tension le plus récent concerne le Liban. L’Arabie saoudite aurait exercé des pressions sur le premier ministre libanais Saad Hariri pour qu’il démissionne après son refus d’adopter une ligne plus dure contre le Hezbollah, que l’Arabie saoudite comme les États-Unis considèrent comme une organisation terroriste. Cette démission a plusieurs conséquences négatives possibles pour le Liban :

Elle menace le fragile gouvernement de coalition composé de sunnites, de chiites et de chrétiens et pourrait exacerber les tensions ethniques. Malheureusement, le Liban connaît bien ce genre de troubles. Il était en proie à la guerre civile de 1975 à 1990 et a été touché par un conflit bref, mais mortel, entre le Hezbollah et Israël en 2006. Le Liban a aussi du mal avec l’accueil de 1.5 million de réfugiés syriens, ce qui équivaut à 30% de sa population. Il s’agit de la plus forte concentration de réfugiés par habitant au monde.

Le ratio dette/PIB du Liban est un des plus élevés de la planète (150%). Le pays dépend lourdement du tourisme et des envois de fonds de sa diaspora pour financer sa dette et maintenir son indexation actuelle sur le dollar américain. Or le risque que l’Arabie saoudite et d’autres pays du Golfe soient tentés d’expulser les ressortissants libanais est bien réel. Environ 220,000 Libanais travaillent en Arabie saoudite et renvoient chez eux près de $2 milliards par an4. Beaucoup de Saoudiens influents estiment qu’il n’y a pas de raison d’entretenir des liens économiques étroits avec un pays qui glisse de plus en plus sous la coupe de l’Iran par l’entremise du Hezbollah. Les réserves de change (y compris l’or) de $54 milliards permettent au Liban de mieux résister aux difficultés économiques à court et à moyen termes.

Malgré la montée des tensions, une guerre directe entre l’Iran et l’Arabie saoudite reste peu probable à court terme. L’armée saoudienne est actuellement enlisée au Yémen et n’est certainement pas prête à entreprendre une autre guerre. Qui plus est, elle ne serait probablement pas en mesure de gagner un conflit contre l’armée aguerrie de l’Iran sans l’aide immédiate des États-Unis peu enclins à ouvrir un autre front. Enfin, une telle guerre mettrait sérieusement à mal les plans très ambitieux de l’Arabie saoudite de réformer son économie.

Quant à l’Iran, le Hezbollah qui est son factotum continue de batailler en Syrie et le fardeau financier des coûts et des prestations médicales aux blessés et aux familles des disparus lui pèse. L’Iran sort aussi tout juste d’une longue période de sanctions et n’est pas en mesure d’assumer le coût d’un conflit direct avec l’Arabie saoudite soutenue par les États-Unis.

La guerre par procuration entre l’Iran et l’Arabie saoudite

Source : « Middle East tensions rise as Iran and Saudi Arabia jostle for power », Financial Times, 9 novembre 2017

                                                            4 « A political shock throws Lebanon’s economy back into crisis », AP, 11 novembre 2017

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Cependant, la montée des tensions a accru le risque d’un conflit armé dans la région. L’éclatement d’hostilités entre Israël et le Hezbollah/Iran est un des principaux dangers. Israël a déjà prévenu qu’elle ne tolérera pas une présence à long terme du Hezbollah et de l’Iran en Syrie, particulièrement le long de sa frontière.

Israël, l’Arabie saoudite et d’autres pays du Golfe craignent aussi que l’influence constante de l’Iran en Syrie rapproche celle-ci de son objectif qui est de construire un corridor routier entre l’Iran et la Syrie passant par l’Irak. Une telle route faciliterait beaucoup la tâche à l’Iran pour fournir au Hezbollah des armes et des combattants et étendre plus généralement son influence géopolitique. Tout cela corrobore les informations selon lesquelles Israël et l’Arabie saoudite auraient conclu une alliance informelle jadis impensable pour contenir l’Iran et le Hezbollah.

Le corridor terrestre possible vers la Méditerranée

 Source : « The growing power of Iran and Hizbullah worries Israel », The Economist, 12 septembre 2017

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Le projet de premier appel public à l’épargne d’Aramco bute contre des obstacles majeurs Au début de 2017, l’Arabie saoudite a annoncé un premier appel public à l’épargne (PAPE) imminent touchant 5% d’Aramco, la société pétrolière d’État. Aramco produit plus de 10 millions de barils de brut par jour et prétend détenir des réserves de 260.8 milliards de barils5. Le gouvernement affirme qu’Aramco vaut $2,000 milliards, ce qui équivaut pour cette tranche de 5% à $100 milliards. Le produit de l’appel public à l’épargne financerait la modernisation de l’économie saoudienne.

 

Source : « Inside Saudi Aramco's Kingdom of Oil »,”Fortune, 24 octobre 2017

Mais, il n’a pas fallu longtemps avant que le projet de PAPE n’achoppe. Selon certains rapports, la valeur boursière d’Aramco pourrait être bien moindre. Les estimations vont de $1,500

milliards à $400 milliards à peine. Le secret qui entoure ses réserves (il n’y a jamais eu d’audit public) et les risques politiques liés à la participation de l’État ont été invoqués pour expliquer cette réduction de la valorisation.

Si Aramco était inscrite à la NYSE, elle pourrait s’exposer à des lois adoptées par l’État américain en 2016 autorisant ses ressortissants à poursuivre l’Arabie saoudite pour le rôle allégué de certains Saoudiens dans les attentats du 11 septembre 2001.

Les efforts de l’Arabie saoudite pour contrôler la production et les prix du pétrole par l’entremise de l’OPEP pourraient aussi être jugés illégaux (c.-à-d. fixation des prix) par les autorités de réglementation à New York ou à Londres.

                                                            5 « Inside Saudi Aramco's Kingdom of Oil », Fortune, 24 octobre 2017  

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Tous ces obstacles potentiels ont provoqué le déclenchement d’un plan B : renoncer à un PAPE international en faveur d’une vente privée à des investisseurs chinois. PetroChina et Sinopec auraient ainsi offert d’acheter directement 5% d’Aramco. Cette solution aurait plusieurs avantages :

Si le prix de vente était trop bas, le chiffre pourrait rester secret.

Aramco n’aurait pas besoin de publier des estimations vérifiées légalement de ses réserves de pétrole ou de révéler l’étroitesse de ses liens avec le gouvernement.

Un placement privé d’investisseurs chinois cimenterait encore un peu plus les liens entre le plus grand producteur mondial et le plus grand consommateur mondial de pétrole.

Cependant, il est très peu probable qu’un placement privé valorise la société à près de $2,000 milliards comme le prétend l’Arabie saoudite, à moins que la transaction n’inclue aussi d’importantes livraisons de pétrole bon marché.

Conclusion Le prince Mohammed Ben Salman joue le tout pour le tout en prenant le pari de réussir à la fois à consolider son pouvoir, réformer l’économie, réduire l’influence des religieux et contenir les ambitions de l’Iran. Il espère aussi que le soutien du public à l’arrestation de nombreux membres de l’élite pour corruption disposera un peu mieux les Saoudiens à accepter des réformes économiques et des mesures d’austérité.

À court terme, nous n’entrevoyons pas de menace importante pour le pouvoir du prince prince héritier, et ce pour deux raisons : 1) il a consacré la dernière année à planifier méticuleusement son accession au pouvoir et 2) la vaste majorité des élites lui prêtera probablement allégeance pour éviter la prison et conserver ses privilèges. Cela comprend notamment le versement d’une rançon pour leur liberté.

À plus long terme, cependant, le prince héritier a engagé une course contre la montre pour mettre en œuvre des réformes et faire croître l’économie avant que les réserves ne baissent à des niveaux dangereusement bas ou que le public ne commence à se rebiffer contre les mesures d’austérité. Le chômage atteint 12.8% globalement et celui des jeunes se situe à 30%. Pour éviter que l’opinion publique se retourne contre lui, le gouvernement doit créer des millions d’emplois pour ses jeunes générations. En fait, l’importante population juvénile pourrait faire pratiquement doubler la main-d’œuvre du pays à l’horizon 2030. La consolidation du pouvoir du prince héritier l’expose aussi à la vindicte populaire s’il perd son pari.

Facteurs clés à surveiller Les réserves de capital continueront-elles de baisser au même rythme rapide que ces dernières années en raison de la

diminution des prix du pétrole, de la fuite des capitaux et d’une croissance économique qui reste inférieure à la normale? Une augmentation du prix du pétrole ou la saisie importante de capital de l’élite arrêtée pourraient ralentir le rythme de la diminution des réserves et donner au royaume plus de temps pour appliquer ses réformes.

Le prince héritier sera-t-il en mesure de consolider son pouvoir sans effaroucher les investisseurs étrangers et saoudiens nécessaires pour financer ses réformes ambitieuses? De nouvelles arrestations massives pourraient être perçues comme une indication que le prince héritier n’a pas entièrement consolidé son pouvoir et faire fuir les investisseurs.

Si le prince Mohammed Ben Salman n’atteignait pas ses objectifs ambitieux, cela risquerait de déstabiliser non seulement l’Arabie saoudite, mais tout le Moyen-Orient.

Quant à l’effet sur les prix du pétrole, malgré une montée des tensions, l’OPEP et certains producteurs hors de l’OPEP s’entendront probablement pour prolonger les réductions de la production (1.8 million de barils par jour) qui devraient expirer en mars 2018. Cependant, l’augmentation des prix incitera aussi certains pays aux prises avec des déficits à tricher en ce qui concerne leurs quotas.

Dans la perspective des risques géopolitiques, nous ne prévoyons pas de conflit direct entre l’Iran et l’Arabie saoudite, mais les tensions entourant ces deux pays ne feront que s’ajouter aux incertitudes géopolitiques perturbant les marchés pétroliers. On peut citer une défaillance prochaine du Venezuela sur sa dette, des conflits territoriaux entre le gouvernement irakien et les Kurdes et l’instabilité continue en Libye et au Nigeria qui pourraient s’embraser à tout moment. FBN Économie et Stratégie prévoit que les prix du pétrole WTI se maintiendront dans une fourchette de $55 à $60 au cours de la prochaine année.

Angelo Katsoras

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Krishen Rangasamy Angelo Katsoras Économiste principal Analyste géopolitique [email protected] [email protected]

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Résidents de HK : En ce qui concerne la diffusion de ce document à Hong Kong par NBC Financial Markets Asia Limited (« NBCFMA »), titulaire d’un permis de la Securities and Futures Commission (« SFC ») qui l’autorise à mener une activité réglementée de type 1 (négociation de valeurs mobilières), le contenu de cette publication est uniquement présenté à titre d’information. Il n’a pas été approuvé, examiné ni vérifié par aucune autorité de réglementation de Hong Kong, ni n’a été déposé auprès d’une telle autorité. Rien dans ce document ne constitue une recommandation, un avis, une offre ou une sollicitation en vue de l’achat ou de la vente d’un produit ou d’un service, ni une confirmation officielle d’aucune transaction. Aucun des émetteurs de produits, ni NBCFMA ni aucun membre de son groupe, ni aucune autre personne ou entité désignée dans les présentes n’est obligé de vous aviser de modifications de quelque information que ce soit et aucun des susmentionnés n’assume aucune perte que vous auriez subie en vous en fondant sur ces informations.

Ce document peut contenir des informations au sujet de produits de placement dont l’offre au public de Hong Kong n’est pas autorisée par la SFC et ces informations seront uniquement mises à la disposition de personnes qui sont des investisseurs professionnels [au sens de « Professional Investors », tel que défini par la Securities and Futures Ordinance of Hong Kong (« SFO »)]. Si vous avez des doutes quant à votre statut, vous devriez consulter un conseiller financier ou communiquer avec nous. Ce document n’est pas un document de marketing et n’est pas destiné à une distribution publique. Veuillez noter que ni ce document ni le produit qui y est mentionné ne sont visés par une autorisation de vente de la SFC. Prière de vous reporter au prospectus du produit pour des renseignements plus détaillés.

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Aucune autre entité au sein du groupe de la Banque Nationale du Canada, y compris FBN, n’est titulaire d’un permis de la SCF ni n’est inscrite auprès de la SFC. Par conséquent, ces entités et leurs employés ne sont pas autorisés à ni n’ont l’intention de : (i) se livrer à une activité réglementée à Hong Kong; (ii) se présenter comme s’ils se livraient à une activité réglementée à Hong Kong; (iii) commercialiser activement leurs services auprès du public de Hong Kong.

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