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La garde à vue correspond à une phase très technique de la procédure pénale. Ses récentes et nombreuses réformes justifiaient une synthèse des règles désormais applicables.
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2011
GENEVIEVE
[Tapez le nom de la société]
01/01/2011
LA GARDE A VUE
2011
LA GARDE A VUE
GUIDE PRATIQUE
Arnal Mélanie
Billet Sophie
Fournet Fiona
Djeradjian Julie
Launay Julian
Rey Charlotte
MASTER II PJJ© Édit
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SOMMAIRE INTRODUCTION
PARTIE I°) PLACEMENT ET DURÉE DE LA GARDE VUE
CHAPITRE I°) LE PLACEMENT EN GARDE À VUE
Section I°) Les personnes compétentes pour placer en garde à vue
§1) Le gardé à vue majeur
A. Compétence et initiative de l’officier de police judiciaire
B. Compétence de l’officier de police judiciaire sur instruction du procureur de la République
§2) Le gardé à vue mineur
Section II °) Les conditions du placement en garde à vue
§1) Le gardé à vue majeur
A. Principe : la mesure de garde à vue
1. Conditions préalables
2. Objectifs poursuivis
B. Cas spécifique : l’audition libre
§2) Le gardé à vue mineur
Section III °) Le contrôle du placement en garde à vue
§1) Le gardé à vue majeur
A. L’enquête préliminaire ou de flagrance
1. La compétence du procureur de la République
2. Le contrôle des motifs justifiant le placement
B. L’instruction
§2) Le gardé à vue mineur
A. L’enquête préliminaire ou de flagrance
B. L’instruction
§3) Tableau récapitulatif
3
CHAPITRE II°) LA DURÉE DE LA GARDE À VUE
Section I °) Garde à vue des majeurs
§1) Le régime de droit commun
A. Durée initiale
B. Prolongation
C. Tableau récapitulatif
§2) Le régime dérogatoire
A. Application du régime de droit commun
B. Prolongations supplémentaires spécifiques
C. Tableau récapitulatif
Section II °) Garde à vue des mineurs
§1) Durée initiale
A. Mineur âgé de 10 à 13 ans
B. Mineur âgé de 13 à 18 ans
§2) Prolongation
A. Mineur âgé de 10 à 13 ans
B. Mineur âgé de 13 à 16 ans
C. Mineur âgé de 16 à 18 ans
§3) Tableau récapitulatif
PARTIE II°) GARANTIES ET DROITS DU GARDÉ À VUE
CHAPITRE I°) LES GARANTIES ENCADRANT LA PROCÉCUDRE DE GARDE À VUE
Section I °) L’avis au procureur de la République
Section II °) Respect du droit à l’image et à la présomption d’innocence
§1) Le droit à l’image
A. Principe
B. Exceptions
1. Gardé à vue majeur
2. Gardé à vue mineur
§2) La présomption d’innocence
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§3) Fouilles et respect de la dignité humaine
A. Fouille simple
B. Fouille intégrale
C. Investigations corporelles internes
§4) Application du code de déontologie
A. Non-discrimination
B. Protection du gardé à vue
§5) Contrôle des locaux de garde à vue
A. Par le procureur de la République
B. Par les parlementaires
§6) Elaboration et contrôle d’un registre de garde à vue
CHAPITRE II°) LES DROITS DU GARDÉ À VUE
Section I °) Notification immédiate des droits du gardé à vue
§1) Principe
§2) Modalités d’exercice
A. Quand ?
B. Par qui ?
C. Comment ?
1. Gardé à vue en état d’ivresse
2. Gardé à vue ne comprenant pas le français
3. Gardé à vue atteint de surdité
Section II °) Les droits du gardé à vue
§1) Le droit d’être informé du placement en garde à vue, de la durée de la mesure et des
prolongations possibles
§2) Le droit d’être informé de la nature et de la date présumée de l’infraction à l’origine de
la mesure
A. Nature de l’infraction
B. Date présumée de l’infraction
§3) Le droit de faire prévenir un proche et son employeur
A. Principe
1. Délai
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2. Les tiers avisés
B. Dérogation
1. Les nécessités de l’enquête
2. Les circonstances insurmontables
3. Spécificité propre aux mineurs
§4) Le droit à l’examen médical
A. La demande
B. Contenu de l’examen médical et délai d’intervention
C. Cas particuliers
1. Les faits de criminalité organisée
2. Les mineurs
§5) Le droit de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de garder le silence
§6) Le droit au respect de sa dignité
§7) Le droit d’être informé des suites de la mesure
§8) Le droit d’être assisté d’un avocat dès le début de la garde à vue
CHAPITRE II°) TABLEAUX RÉCAPITULATIFS
§1) Tableau récapitulatif : les principaux droits du gardé à vue MAJEUR
§2) Tableau récapitulatif : les principaux droits du gardé à vue MINEUR
PARTIE III°) L’ASISTANCE EFFECTIVE DE L’AVOCAT
CHAPITRE I°) MISE EN ŒUVRE DE L’ASSISTANCE EFFECTIVE DE L’AVOCAT
Section I°) La Présence de l’avocat dès le début de la mesure
§1) Droit commun
A. Le délai de carence
1. Le principe : délai de carence de 2h
2. Les exceptions au respect du délai de carence de 2h
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B. Le report de l’intervention de l’avocat
1. Les conditions du report de l’intervention de l’avocat
2. Mise en œuvre du report
§2) Régime dérogatoire
A. Les infractions visées
B. Mise en œuvre
Section II°) L’accès au dossier
§1) Consultation des pièces de la procédure
A. Liste limitative de pièces consultables
B. Report de l’accès au dossier
§2) Mise en œuvre
A. Principe
B. Exceptions
Section III °) La présence de l’avocat aux auditions
§1) L’avocat et le gardé à vue
A. L’assistance des majeurs gardés à vue
B. L’assistance des mineurs gardés à vue
§2) L’avocat et la victime
CHAPITRE II°) L’IMPACT SUR LA PROFESSION D’AVOCAT
Section I °) La désignation de l’avocat
§1) L’avocat choisi
A. L’avocat choisi par le gardé à vue
B. L’avocat choisi par la famille du gardé à vue
§2) L’avocat commis d’office
A. L’information de l’avocat
B. Le conflit d’intérêt
Section II °) La rémunération de l’avocat
§1) La rétribution de l’avocat en matière de garde à vue
§2) L’aide juridictionnelle
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AVANT PROPOS
La garde à vue correspond à une phase très technique de la procédure
pénale. Ses récentes et nombreuses réformes justifiaient une synthèse des
règles désormais applicables. Plusieurs étudiants du Master II Pratiques
Juridiques et Judiciaires (Mélanie Arnal, Sophie Billet, Fiona Fournet, Julie
Djeradjian, Julian Launay et Charlotte Rey) ont eu à cœur de présenter un
guide qui soit tout à la fois complet et didactique. L’objectif est atteint,
qu’ils en soient remerciés.
Stéphane Darmaisin
www.masterdroit.fr
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INTRODUCTION
La réforme de la garde à vue française portée par la loi du 12 avril 2011 prend sa source dans la
jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme et des plus hautes juridictions françaises.
La Cour Européenne des Droits de l'Homme rappelle dans son arrêt Salduz c/ Turquie du 27
novembre 2008 que l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, posant le principe du
procès équitable, impose la présence de l'avocat dès le début de la garde à vue et pendant les
interrogatoires. En juillet 2010, le Conseil Constitutionnel rend une décision dans laquelle il précise que
l'assistance de l'avocat n'est pas « effective ». Quelques mois plus tard, le 14 octobre 2010, la Cour
Européenne des Droits de l'Homme, dans son arrêt Brusco c/ France , juge que l'absence de notification
du droit de se taire à un gardé-à-vue constitue une violation de la Convention Européenne des Droits de
l'Homme (article 6 §1 et §3) d'une part, et que toute condamnation basée sur des déclarations faites par
une personne poursuivie non assistée par un avocat pendant sa garde-à-vue viole également la Convention
d'autre part. Cinq jours plus tard, c'est la Cour de cassation qui, dans trois arrêts du 19 octobre 2010,
précise que la garde-à-vue française ne satisfait pas aux exigences découlant de l'article 6 de la
Convention Européenne des Droit de l'Homme.
C'est dans ce contexte que la loi du 12 avril 2011 vient modifier en profondeur le régime de la garde
à vue en France. Elle opère un changement de la plupart des règles applicables en la matière, s'intéressant
tout d'abord au placement en garde à vue et au contrôle de son déroulement (Partie I) avant de se pencher
sur les droits reconnus au gardé à vue (Partie II) et enfin d'élaborer une refonte totale du rôle de l'avocat
pendant l'exécution de la mesure (Partie III).
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Le code de procédure pénale définit les personnes compétentes (section I), les conditions (section
II) et le contrôle (section III) pour le placement en garde-à-vue.
Section I LES PERSONNES COMPÉTENTES POUR LE PLACEMENT EN
GARDE À VUE
Il convient de différencier le régime applicable aux majeurs (§1) du régime applicable aux mineurs
(§2).
§1) Le gardé à vue majeur
A. Compétence et initiative de l’officier de police judiciaire
L’article 63 alinéa 1er
du code de procédure pénale dispose que « Seul un officier de police
judiciaire peut, d'office ou sur instruction du procureur de la République, placer une personne en garde à
vue. Il s’agit donc d’un pouvoir exclusif de l’officier de police judiciaire ».
B. Compétence de l’officier de police judiciaire sur instruction du procureur de la
République
Toutefois, il faut noter que le procureur de la République peut, sur instruction, demander à l’officier
de police judiciaire de prendre la mesure de placement en garde à vue.
§2) Le gardé à vue mineur
Comme pour les majeurs ci-dessus, l’officier de police judiciaire est la seule autorité compétente
pour pouvoir placer en garde à vue.
PARTIE I
PLACEMENT ET DURÉE DE LA GARDE À VUE
CHAPITRE I
LE PLACEMENT
En pratique :
Dans le cas d’un flagrant délit, l’officier de police judiciaire prendra l’initiative de placer d’office la
personne en garde à vue.
En revanche, s’il s’agit d’une enquête préliminaire, le procureur de la République pourra demander à
ce même officier le placement en garde à vue. L’officier agira donc sur instruction du procureur et non
de sa propre initiative.
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Section II LES CONDITIONS DU PLACEMENT EN GARDE À VUE
Le placement en garde à vue est soumis au respect de certaines conditions, il convient de les
différencier selon la majorité (A) ou la minorité (B) du gardé à vue.
§1) Le gardé à vue majeur
A. La mesure de garde à vue
Pour limiter la mise en œuvre de cette mesure, la loi définit des conditions strictes(1) et cantonne
cette dernière à la poursuite d’au moins un des objectifs légaux(2) mentionnés à l’article 62-2 du code de
procédure pénale.
1. Conditions préalables
L’article 62-2 du code de procédure pénale précise « La garde à vue est une mesure de contrainte
décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, par laquelle une
personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a
commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement est maintenue à la
disposition des enquêteurs ».
La commission ou suspicion de la commission d’une infraction
Le placement en garde à vue est donc subordonné à la commission ou à la suspicion de la
commission d'une infraction.
Une infraction d’une certaine gravité De plus, il doit s’agir d’un crime ou d’un délit puni d'une peine d'emprisonnement.
L’exclusion des délits routiers
Cette nouvelle définition exclut le recours à la garde à vue pour les contraventions et les délits non
punis d’une peine d’emprisonnement, tels que les délits routiers, permettant ainsi de faire chuter le
nombre de gardes à vue en France.
Évolution du nombre de gardes à vue de 1989 à 2009
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Evolution du nombre de délits routiers constatés par la police et la gendarmerie
2. Objectifs poursuivis
De plus, le placement en garde à vue doit au moins poursuivre un des objectifs suivants :
Permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de
la personne ;
Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin
qu’il puisse apprécier des suites de l'enquête ;
Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;
Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que
sur leur famille ou leurs proches ;
Empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être
ses co-auteurs ou complices ;
Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit.
B. Cas spécifique : l’audition libre
Les articles 62 et 78 du code de procédure pénale précisent que les personnes à l’encontre
desquelles il n’existe aucune raison plausible de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre
une infraction, ne peuvent être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition.
La durée ne peut excéder quatre heures. La personne peut être entendue après ce délai si elle
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confirme comparaître librement et que l’officier de police judiciaire lui indique qu’elle peut quitter les
locaux à tout moment.
S’il existe pendant l’audition, des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de
commettre une infraction, la personne sera placée en garde à vue.
§2) Le gardé à vue mineur
Le placement en garde à vue diffère selon l’âge du mineur. L’article 4 de l’ordonnance n°45-174 du
2 février 1945 permet de tirer les conséquences suivantes :
Mineur de 10 à 13ans
Mineur de 13 à 16ans
Mineur de 16 à 18ans
• Impossibilité de placer en garde à vue
• Crime ou délit puni d'au moins 5 ans d'emprisonnement.
• Remplir un des 6 objectifs légaux (article 62 code de procédure penale).
• Acccord préalable du procureur de la République, du juge d'instruction ou du juge pour enfant.
•Garde à vue possible
•Crime ou délit puni d'une peine d'emprisonnement
•Au moins un des objectifs légaux (article 62-2 du code de procédure pénale)
•Enregistrement audiovisuel
•Garde à vue possible
•Crime ou délit puni d'une peine d'emprisonnement
•Au moins un des objectifs légaux (article 62-2 du code de procédure pénale)
•Enregistrement audiovisuel
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Section III LE CONTROLE DU PLACEMENT EN GARDE À VUE
S’agissant du contrôle du placement, il faut différencier selon la majorité (§1) ou la minorité (§2)
du gardé à vue.
§1) Le gardé à vue majeur
Il convient de différencier l’enquête préliminaire ou de flagrance (A) de l’instruction (B)
A. L’enquête préliminaire ou de flagrance
1. La compétence du procureur de la République
Principe
L’article 62-3 du code de procédure pénale énonce que « la garde à vue s'exécute sous le contrôle
du procureur de la République, sans préjudice des prérogatives du juge des libertés et de la détention
prévues aux articles 63-4-2 et 706-88 à 706-88-2 en matière de prolongation de la mesure au-delà de la
quarante-huitième heure et de report de l'intervention de l'avocat ».
De plus, l’article 63-9 du code de procédure pénale précise que le procureur de la République est
« compétent pour être avisé des placements en garde à vue, en contrôler le déroulement, en ordonner la
prolongation et décider de l'issue de la mesure est celui sous la direction duquel l'enquête est menée.
Toutefois, le procureur de la République du lieu où est exécutée la garde à vue est également compétent
pour la contrôler et en ordonner la prolongation ».
Cas spécifique : le conflit de compétences
Selon l’article 63-9 du code de procédure pénale, quand la garde à vue se déroule dans le ressort
d’un Tribunal de grande instance autre que celui saisi de l’enquête, l’officier de police judiciaire doit tout
d’abord avertir le parquet qui dirige l’enquête. Ce dernier devra quant à lui en avertir le parquet du lieu où
la mesure est exécutée. Le procureur de la République qui dirige l’enquête est donc celui le plus en
mesure d’apprécier la nécessité, de maintenir la garde à vue ou le cas échéant, de la prolonger. Cependant,
l’article 63-9 alinéa 2 confère une compétence concurrente au procureur de la République du lieu
d’exécution de la mesure, pour la contrôler et décider de sa prolongation.
2. Le contrôle des motifs justifiant le placement
L’article 63 du code de procédure pénale dans son alinéa 2 indique que « dès le début de la mesure,
l'officier de police judiciaire informe le procureur de la République, par tout moyen, du placement de la
personne en garde à vue. Il lui donne connaissance des motifs justifiant, en application de l'article 62-2,
ce placement et l'avise de la qualification des faits qu'il a notifiée à la personne en application du 2° de
l'article 63-1. Le procureur de la République peut modifier cette qualification ; dans ce cas, la nouvelle
qualification est notifiée à la personne dans les conditions prévues au même article 63-1 ».
Cet avis de l’officier de police judiciaire n’est encadré par aucun formalisme. Il peut être réalisé par
téléphone, par message électronique, par télécopie etc.
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Dans tous les cas, il appartient à l’officier de police judiciaire d’indiquer clairement l’heure de la
transmission de l’avis afin que le procureur de la République puisse exercer son contrôle.
Le procureur de la République dans son contrôle doit veiller à ce que :
L’officier de police judiciaire ait bien respecté un des 6 objectifs prévus à l’article 62-2
du code de procédure pénale.
Le ou les objectifs soient légitimes au moment du placement en garde à vue.
La qualification des faits retenus soit exacte.
B. L’instruction
L’article 154 du code de procédure pénale indique que « Les dispositions des articles 62-2 à 64-1
relatives à la garde à vue sont applicables lors de l'exécution des commissions rogatoires.
Les attributions conférées au procureur de la République par ces articles sont alors exercées par le juge
d'instruction. Lors de la délivrance de l'information prévue à l'article 63-1, il est précisé que la garde à
vue intervient dans le cadre d'une commission rogatoire ».
Par conséquent, la personne compétente pour contrôler le placement en garde à vue pendant
l’instruction est le juge d’instruction et non le procureur de la République.
§2) Le gardé à vue mineur
A. L’enquête préliminaire ou de flagrance
Le contrôle du placement en garde à vue d’un mineur pendant l’enquête préliminaire ou de
flagrance est le même que celui d’un majeur (voir ci-dessus).
B. L’instruction
Le contrôle du placement en garde à vue d’un mineur pendant l’instruction est le même que celui
d’un majeur (voir ci-dessus).
§3) Tableau récapitulatif
Contrôle du placement en garde à vue
Majeurs
Enquête de flagrance et préliminaire :
Contrôle du procureur de la République sans préjudice des
prérogatives du juge des libertés et de la détention en matière de
prolongation
Pendant l'instruction :
Contrôle du juge de l'instruction
Mineurs
Idem
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La durée légale de la garde à vue diffère selon que la personne appréhendée est majeure (section I)
ou mineure (section II).
Section I GARDE À VUE DES MAJEURS
La durée de la mesure de garde à vue d'un majeur varie selon la nature de l'infraction commise ou
soupçonné d'avoir été commise. Il existe un régime de droit commun (§1) et un régime dérogatoire
applicable à des infractions spécifiques prévues par l'article 706-73 du code de procédure pénale (§2).
§1) Le régime de droit commun
Il convient d'étudier dans un premier temps les règles fixant la durée initiale de la garde à vue (A)
avant de s'attarder sur celles qui organisent son éventuelle prolongation (B).
A. Durée initiale
Principe : limitée à 24 heures
L'article 63 II° du code procédure pénale dispose que « La durée de la garde à vue ne peut excéder
vingt-quatre heures. »
L'interpellation de la personne objet de la mesure fixe le début de la période de 24h, ce que précise
l'article 63 III° du Code de Procédure Pénale en ces termes : « L'heure du début de la mesure est fixée, le
cas échéant, à l'heure à laquelle la personne a été appréhendée. »
Cas spécifique : pluralité de gardes à vue pour un même fait
Cet article contient l'information suivante : « Si une personne a déjà été placée en garde à vue pour
les mêmes faits, la durée des précédentes périodes de garde à vue s'impute sur la durée de la mesure ».
Cette précision est importante. Si l'on se trouve dans le cadre d'une enquête qui dure depuis
plusieurs mois ou années et qu'un suspect est placé une seconde ou une troisième fois en garde-à-vue pour
les mêmes faits, il conviendra de s'assurer que la durée totale de « ses » garde-à-vues n'a pas dépassé la
durée légale de 24h (ou celle des éventuelles prolongations).
CHAPITRE II
LA DUREE
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B. Prolongation
Principe
L'article 63 du Code de Procédure Pénale s'intéresse également à l'éventuelle prolongation de la
garde à vue en ces termes : « (...) la garde à vue peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-
quatre heures au plus, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République (...) »
Conditions cumulatives
Le Code de procédure pénale prévoit toutefois qu'une telle décision ne peut être prise que sous les
conditions cumulatives suivantes : « (...) si l'infraction que la personne est soupçonnée d'avoir commise
ou tenté de commettre est un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à
un an et si la prolongation de la mesure est l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs
mentionnés aux 1° à 6° de l'article 62-2. (...) qu'après présentation de la personne au procureur de la
République. Cette présentation peut être réalisée par l'utilisation d'un moyen de télécommunication
audiovisuelle (...) ».
La garde à vue de droit commun peut donc durer au total jusqu'à 48h.
C. Tableau récapitulatif
DUREE INITIALE PROLONGATION
- 24h
- Début du délai : l'interpellation
- Si garde-à-vue se rapportant à des faits ayant
déjà donné lieu à une telle mesure, les durées
précédentes s'imputent sur la nouvelle
- 24h
- Autorisation écrite du Procureur de la République
- Conditions requises :
- article 62-2 Code de Procédure Pénale
- peine encourue > 1 an
- présentation au Procureur
(avec possibilité d'y échapper avec une
décision écrite et motivée)
Les conditions cumulatives de la prolongation sont :
La peine maximale encourue par la personne poursuivie doit être au moins égale à une année
d’emprisonnement,
Remplir au moins un des « objectifs » visés à l’article 62-2 du code de procédure pénale,
Présentation de la personne au Procureur
Concernant la dernière condition, le texte prévoit une exception ainsi formulée : « (…) Elle peut
cependant, à titre exceptionnel, être accordée par une décision écrite et motivée, sans
présentation préalable ».
17
§2) Le régime dérogatoire
Le régime dérogatoire est prévu par l'application combinée des articles 706-73 et 706-88 et suivants
du Code de Procédure Pénale. Le premier fixe la liste exhaustive des infractions concernées par ce régime
spécial et le second en détermine les contours. Les infractions concernées par ce régime sont les suivantes
(article 706-73 du code de procédure pénale) :
« 1° Crime de meurtre commis en bande organisée prévu par le 8° de l'article 221-4 du code pénal ;
2° Crime de tortures et d'actes de barbarie commis en bande organisée prévu par l'article 222-4 du code
pénal ;
3° Crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-40 du code pénal ;
4° Crimes et délits d'enlèvement et de séquestration commis en bande organisée prévus par l'article 224-
5-2 du code pénal ;
5° Crimes et délits aggravés de traite des êtres humains prévus par les articles 225-4-2 à 225-4-7 du code
pénal ;
6° Crimes et délits aggravés de proxénétisme prévus par les articles 225-7 à 225-12 du code pénal ;
7° Crime de vol commis en bande organisée prévu par l'article 311-9 du code pénal ;
8° Crimes aggravés d'extorsion prévus par les articles 312-6 et 312-7 du code pénal ;
8° bis Délit d'escroquerie en bande organisée prévu par le dernier alinéa de l'article 313-2 du code pénal
;
9° Crime de destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en bande organisée prévu par
l'article 322-8 du code pénal ;
10° Crimes en matière de fausse monnaie prévus par les articles 442-1 et 442-2 du code pénal ;
11° Crimes et délits constituant des actes de terrorisme prévus par les articles 421-1 à 421-6 du code
pénal ;
12° Délits en matière d'armes et de produits explosifs commis en bande organisée, prévus par les articles
L. 2339-2, L. 2339-8, L. 2339-10, L. 2341-4, L. 2353-4 et L. 2353-5 du code de la défense ;
13° Délits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'un étranger en France commis en
bande organisée prévus par le quatrième alinéa du I de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2
novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
14° Délits de blanchiment prévus par les articles 324-1 et 324-2 du code pénal, ou de recel prévus par les
articles 321-1 et 321-2 du même code, du produit, des revenus, des choses provenant des infractions
mentionnées aux 1° à 13° ;
15° Délits d'association de malfaiteurs prévus par l'article 450-1 du code pénal, lorsqu'ils ont pour objet
la préparation de l'une des infractions mentionnées aux 1° à 14° et 17° ;
16° Délit de non-justification de ressources correspondant au train de vie, prévu par l'article 321-6-1 du
code pénal, lorsqu'il est en relation avec l'une des infractions mentionnées aux 1° à 15° et 17° ;
17° Crime de détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport commis en bande
organisée prévu par l'article 224-6-1 du code pénal ;
18° Crimes et délits punis de dix ans d'emprisonnement, contribuant à la prolifération des armes de
destruction massive et de leurs vecteurs entrant dans le champ d'application de l'article 706-167. »
18
A. Application du régime de droit commun
La durée initiale de 24 heures ainsi que sa première prolongation (24 heures également) prévues par
l'article 63 du code de procédure pénale susvisé s'appliquent également en matière dérogatoire.
Les articles 706-88 et 706-88-1 vont cependant venir ajouter une période supplémentaire.
B. Prolongations supplémentaires spécifiques
L'article 706-88 vient dans un premier temps préciser le régime applicable à toutes les infractions
visées à l'article 706-73 en matière de prolongation de garde-à-vue :
« (...) la garde à vue d'une personne peut, à titre exceptionnel, faire l'objet de deux prolongations
supplémentaires de vingt-quatre heures chacune.
Ces prolongations sont autorisées, par décision écrite et motivée, soit, à la requête du procureur de la
République, par le juge des libertés et de la détention, soit par le juge d'instruction.
La personne gardée à vue doit être présentée au magistrat qui statue sur la prolongation préalablement à
cette décision. La seconde prolongation peut toutefois, à titre exceptionnel, être autorisée sans
présentation préalable de la personne en raison des nécessités des investigations en cours ou à effectuer.
(...)
Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, si la durée prévisible des investigations restant à
réaliser à l'issue des premières quarante-huit heures de garde à vue le justifie, le juge des libertés et de la
détention ou le juge d'instruction peuvent décider, selon les modalités prévues au deuxième alinéa, que la
garde à vue fera l'objet d'une seule prolongation supplémentaire de quarante-huit heures. (...) »
L'article 706-88-1 du code de procédure pénale vient dans un second temps préciser une dérogation
supplémentaire possible dans le cas d'une infraction prévue au 11° de l'article 706-73 autrement dit en
matière de terrorisme :
« (...) le juge des libertés peut, à titre exceptionnel et selon les modalités prévues au deuxième
alinéa de l'article 706-88, décider que la garde à vue en cours d'une personne, se fondant sur l'une des
infractions visées au 11° de l'article 706-73, fera l'objet d'une prolongation supplémentaire de vingt-
quatre heures, renouvelable une fois. »
En résumé,
Une garde à vue concernant n’importe quelle infraction mentionnée à l’article 706-73 peut
durer jusqu'à 96h soit 4 jours (la durée légale prévue à l'article 63 du Code de Procédure Pénale
pouvant aller jusqu'à 48h auxquelles on ajoute les deux prolongations de 24h chacune prévues par
l'article 706-88).
Concernant les infractions de terrorisme, il faut ajouter à cette période de 96h une nouvelle
période de 24h renouvelable une fois ce qui porte au maximum la durée de la garde-à-vue à 6
jours. Il est à noter ici que toutes ces prolongations exceptionnelles sont décidées soit par le Juge
des Libertés et de la Détention (en cas d'enquête de flagrance ou préliminaire) soit par le Juge
d'Instruction (en cas d'information judiciaire), deux magistrats du siège.
19
C. Tableau récapitulatif
Infractions prévues à l'article
706-73, 1° à 10° et 12° à 18° du
Code de Procédure Pénale
Infractions prévues au 11° de
l'article 706-73 du Code de
Procédure Pénale
1ère prolongation 24h + 24h ou directement 48h
- Par le J.L.D ou le J.I
- Présentation devant ce magistrat
obligatoire pour la première
prolongation de 24h, pas pour la
seconde
IDEM
2ème prolongation
PAS DE 2ème PROLONGATION
POSSIBLE
24h + 24h
- Mêmes conditions que pour la
première prolongation
TOTAL 96h = 4 jours 144h = 6 jours
20
Section II GARDE À VUE DES MINEURS
La réglementation concernant la durée de la garde à vue des mineurs puise sa source dans l'article 4
de l'ordonnance du 2 février 1945. Il convient dans un premier temps d'observer les règles régissant la
durée initiale de la garde à vue (§1) avant de s'intéresser à celles traitant de la prolongation (§2).
§1) Durée initiale
L'ordonnance de 1945 distingue selon que le mineur se trouve dans une tranche d'âge comprise
entre 10 et 13 ans (A), ou entre 13 et 18 ans (B).
A. Mineur âgé de 10 à 13 ans
L'article 4, I° de l'ordonnance de février 1945 dispose que :
« Le mineur de treize ans ne peut être placé en garde à vue. Toutefois, à titre exceptionnel, le mineur de dix
à treize ans (...) peut, pour l'un des motifs prévus par l'article 62-2 du code de procédure pénale, être
retenu à la disposition d'un officier de police judiciaire avec l'accord préalable et sous le contrôle d'un
magistrat du ministère public ou d'un juge d'instruction spécialisés dans la protection de l'enfance ou d'un
juge des enfants, pour une durée que ce magistrat détermine et qui ne saurait excéder douze heures ».
B. Mineur âgé de 13 à 18 ans
La garde-à-vue d'un mineur ayant entre 13 et 16 ans peut durer 24h, le délai légal de droit commun.
§2) Prolongation
L'ordonnance de 1945 distingue selon que le mineur se trouve dans une tranche d'âge comprise
entre 10 et 13 ans (I), entre 13 et 16 ans (II) ou entre 16 et 18 ans (III).
En matière de garde-à-vue de mineurs, il n'existe pas de régime dérogatoire similaire à celui des
majeurs. Un cas seulement permet l'application exceptionnelle d'une partie de ce régime au mineur ayant
entre 16 et 18 ans.
A. Mineur âgé de 10 à 13 ans
L'article 4 I° de l'ordonnance de février 1945 dispose que :
« Cette retenue peut toutefois être prolongée à titre exceptionnel par décision motivée de ce
magistrat pour une durée qui ne saurait non plus excéder douze heures, après présentation devant lui du
mineur, sauf si les circonstances rendent cette présentation impossible ».
La garde à vue d'un mineur de 13 ans peut donc être prolongée une fois pour une période de 12h.
Par conséquent, la durée totale de la mesure peut atteindre 24 heures.
21
B. Mineur âgé de 13 à 16 ans
L'article 4 V° de l'ordonnance du 2 février 1945 dispose que :
« En cas de délit puni d'une peine inférieure à cinq ans d'emprisonnement, la garde à vue d'un
mineur âgé de treize à seize ans ne peut être prolongée.
Aucune mesure de garde à vue ne peut être prolongée sans présentation préalable du mineur au
procureur de la République ou au juge d'instruction du lieu d'exécution de la mesure ».
La prolongation de 24 heures de la garde à vue d’un mineur âgé de 13 et 16 ans est donc possible
sous réserve de deux conditions cumulatives :
Le mineur encourt une peine d’emprisonnement d’au moins 5 ans,
Le mineur doit être présenté au magistrat statuant sur la prolongation et ce sans aucune
dérogation possible.
C. Mineur âgé de 16 à 18 ans
Aucune disposition spécifique de l'article 4 de l'ordonnance du 2 février 1945 ne l'écartant, la
prolongation d'une garde à vue d'un mineur ayant entre 16 et 18 ans est possible et n'est soumise qu'à la
condition de présentation ci-dessus exposée.
L'article 4 VII° de l'ordonnance du 2 février 1945 dispose que :
« L'article 706-88 du code de procédure pénale, à l'exception de ses trois derniers alinéas, est
applicable au mineur de plus de seize ans lorsqu'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de
soupçonner qu'une ou plusieurs personnes majeures ont participé, comme auteurs ou complices, à la
commission de l'infraction ».
Dès lors, et seulement dans ce cas précis, le régime dérogatoire est applicable au mineur ayant entre
16 et 18 ans.
22
§3) Tableau récapitulatif
Age du mineur
Droit commun +
infractions de 706-73
Mineur auteur ou
complice
du majeur auteur d'une
infraction de 706-73, 11°
Durée totale
de garde à vue
10 – 13 ans
- 12h (Procureur, J.L.D ou
J.I)
- + 12h (prolongation)
- Décision écrite et
motivée
- Présentation devant lui
obligatoire sauf
circonstances
insurmontables
Pas de prolongation
supplémentaire possible
24h (1 jour)
13 – 16 ans
- 24h (Procureur, J.L.D ou
J.I)
- + 24h (prolongation)
- Peine encourue
supérieure ou égale à 5
ans
- Décision écrite et
motivée
- Présentation devant lui
obligatoire
Pas de prolongation
supplémentaire possible
48h (2 jours)
16 – 18 ans
- 24h (Procureur, J.L.D ou
J.I)
- + 24h (prolongation)
- Décision écrite et
motivée
- Présentation devant lui
obligatoire
- + 24h + 24h ou 48h
directement (706-88
alinéas 1 à 5)
- Mêmes conditions que
pour les majeurs (décision
par le J.L.D ou le J.I, etc.)
96h (4 jours)
23
Vu son caractère attentatoire aux libertés individuelles, la mise en œuvre de la garde à vue est
subordonnée à de strictes conditions énumérées ci-dessus dans la PARTIE I, mais elle est également
entourée de garanties (Chapitre I) et de droits (Chapitre II) qui seront l’objet de cette seconde partie.
Avant d’étudier les droits spécifiques au gardé à vue, il convient d’énumérer brièvement les
garanties qui entourent la procédure de garde à vue en elle-même.
Section I L’AVIS AU PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
L’article 62-3 du code de procédure pénale confère au Procureur de la République un pouvoir de
contrôle tant sur la mise en œuvre de la garde à vue que sur son déroulement.
Afin que ce dernier puisse exercer les prérogatives que lui confère ledit article, l’avis de placement doit
lui être notifié, par tout moyen, dès le début de la mesure selon l’article 63 alinéa du même code.
En effet, le renforcement des droits du gardé à vue par loi de réforme du 14 avril 2011 implique un
exercice effectif des prérogatives du procureur de la République, membre de l’autorité judiciaire en vertu
de l’article 65 et gardien de la liberté individuelle en vertu de l’article 66 de la Constitution.
Section II RESPECT DU DROIT A L’IMAGE ET A LA PRESOMPTION
D’INNOCENCE
§1) Le droit à l’image
A. Principe
L’article 9-1 du code civil institue le principe du respect à la vie privée. De ce principe la
jurisprudence a crée le droit à l’image de l’individu permettant à chacun de s’opposer à la
captation, fixation ou diffusion de son image, sans autorisation expresse et préalable.
L’officier de police judiciaire veille à ce que la personne appréhendée ne soit pas filmée ou
photographiée.
PARTIE II
GARANTIES ET DROITS DU GARDÉ À VUE
CHAPITRE I
LES GARANTIES ENCADRANT LA
PROCÉDURE DE GARDE À VUE
24
B. Exceptions
1. Gardé à vue majeur
Dispositif d’enregistrement obligatoire des interrogatoires
Les articles 64-1 et 116-1 du code de procédure pénale prévoient que les
interrogatoires des personnes placées en garde à vue ou mises en examen pour crime
devront faire l’objet d’un enregistrement audiovisuel, consultable en cas de
contestation sur la portée des déclarations recueillies par procès-verbal.
Exception à l’exception
Sont exclus du dispositif d’enregistrement audiovisuel obligatoire :
les interrogatoires des personnes placées en garde à vue pour des crimes
mentionnés à l’article 706-73 et aux titres Ier et II du livre IV du code pénal ;
les interrogatoires menés en dehors des locaux de police ou de gendarmerie ;
les interrogatoires qui n’ont pu faire l’objet d’un enregistrement en raison
d’une impossibilité technique ;
les interrogatoires des personnes désignées nommément par décision écrite du
procureur de la République, versée au dossier, en fonction des nécessités de
l’enquête, lorsque le nombre de personnes gardées à vue devant être
simultanément interrogées, dans le cadre de la même procédure ou de
procédures distinctes, fait obstacle à l’enregistrement de tous les
interrogatoires.
2. Gardé à vue mineur
L'article 4 VI° alinéa 1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 rend obligatoire
l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires des mineurs placés en garde à vue.
Les cas de consultation de ces enregistrements sont strictement prévus par loi.
L’article 64-1 et 116-1 du code de procédure pénale prévoient que le fait, pour toute
personne, de diffuser illégalement un tel enregistrement constitue un délit puni d’une peine
d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
25
§2) La présomption d’innocence
Le respect de la présomption d’innocence est un principe prévu par une pluralité de textes tels que
l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’article 6-2 de la Convention
européenne des droits de l’homme et l’article 9-1 du code civil.
En application de ce principe, le gardé à vue est présumé innocent tant que sa culpabilité n’a pas été
établie. Par conséquent, il ne doit pas être présenté comme coupable tant qu’un jugement définitif
établissant sa culpabilité n’a pas été rendu.
§3) Fouilles et respect de la dignité humaine
La garde à vue doit, selon l’article 63-5 du code de procédure pénale, s’exécuter dans des conditions
assurant le respect de la dignité humaine de la personne gardée à vue. Ce principe s’applique tout au long
des diverses étapes qui la compose, notamment au cours des fouilles et investigations corporelles menées
par l’officier de police judiciaire sur la personne du gardé à vue.
A. Fouille simple
Il s’agit de la fouille par palpation ou utilisation de moyens de détection électronique prévue par
l’article 63-6 du code de procédure pénale dont l’objet est de s’assurer que la personne gardée à vue ne
détient aucun objet dangereux pour elle-même ou pour autrui.
B. Fouille intégrale
L’article 63-7 alinéa 1 du code de procédure pénale prévoit la possibilité d’effectuer une fouille
intégrale du gardé à vue lorsque la fouille simple est irréalisable. Cette dernière doit obligatoirement être
réalisée par un officier de police judiciaire du même sexe que le gardé à vue et dans un endroit fermé.
C. Investigations corporelles internes
L’article 63-7 alinéa 2 du code de procédure pénale prévoit la possibilité de mettre en œuvre des
investigations corporelles internes lorsqu’elles sont rendues indispensables par les nécessités de l’enquête.
Ces dernières ne sont réalisables que par un médecin requis à cet effet.
§4) Application du code de déontologie
Tout au long de la garde à vue les officiers de police judiciaire doivent appliquer et respecter le
code de déontologie de la police nationale, plus spécifiquement ses articles 7 et 10.
A. Non-discrimination
L’article 7 alinéa 3 dispose que l’officier de police judiciaire « a le respect absolu des
personnes, quelles que soient leur nationalité ou leur origine, leur condition sociale ou leurs
convictions politiques, religieuses ou philosophiques ».
26
B. Protection du gardé à vue
L’article 10 alinéa 1er
dispose que « Toute personne appréhendée est placée sous la responsabilité
et la protection de la police ; elle ne doit subir, de la part des fonctionnaires de police ou de tiers, aucune
violence ni aucun traitement inhumain ou dégradant ».
§5) Contrôle des locaux de garde à vue
Afin d’améliorer les conditions matérielles de garde à vue, notamment l’état des locaux où ces
mesures privatives de libertés sont subies, des nombreux projets de mise en conformité avec les règles
élémentaires de sécurité et de respect de la dignité humaine ont été lancés par les ministères de l’intérieur et
de la défense.
Parallèlement, et toujours dans un but d’amélioration des conditions matérielles, un droit voir une
obligation de visite et de contrôle des locaux a été conféré a certaines personnes.
A. Par le procureur de la République
L’article 41 alinéa 3 du code de procédure pénale prévoit l’obligation pour le procureur de la
République de visiter au moins une fois par trimestre les locaux de garde à vue.
Ce contrôle se matérialise par l’apposition de mentions sur un registre spécial tenu au parquet et
répertoriant le nombre ainsi que la fréquence des contrôles effectués dans les différents locaux de garde à
vue.
B. Par les parlementaires
L’article 719 du code de procédure pénale prévoit que les parlementaires, notamment les
commissions d’enquête, sont compétents pour visiter à tout moment les locaux de garde à vue.
§6) Elaboration et contrôle d’un registre de garde à vue
L’article 65 du code de procédure pénale prévoit la tenue d’un registre spécial de garde à vue sur
lequel doivent apparaître « les mentions et émargements prévus par le premier alinéa de l’article 64, en
ce qui concerne les dates et heures de début et de fin de garde à vue et la durée des interrogatoires et des
repos séparant ces interrogatoires».
Ce registre fait apparaître la synthèse de chaque déroulement de garde à vue de tous les individus
interpellés. Il est contrôlable a posteriori et à tout moment par le procureur de la République.
27
Il convient d’examiner d’abord la notification immédiate des droits du gardé à vue (Section I) puis
d’étudier en détail ces droits et leur modalité d’exercice (Section II).
Section I NOTIFICATION IMMÉDIATE DES DROITS DU GARDÉ À VUE
§1) Principe
L’article 63-1 du code de procédure pénale alinéa 1er
prévoit que « la personne placée en garde à
vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un
agent de police judiciaire, dans une langue qu'elle comprend, le cas échéant au moyen de formulaires
écrits».
§2) Modalités d’exercice
A. Quand ?
Selon l’article 63-1 alinéa 1er
du code de procédure pénale, les droits du gardé à vue doivent lui être
notifiés dès son placement en garde à vue.
La Cour de cassation, dans une jurisprudence constante, a jugé que tout retard dans la mise en
œuvre de cette obligation, non justifié par une circonstance insurmontable, porte nécessairement atteinte
aux intérêts de la personne concernée (Cass.Crim 14 décembre 1999 n°99-84.148).
CHAPITRE II
LES DROITS DU GARDÉ À VUE
LES DROITS DU GARDE A VUE
Objet de la notification immédiate
-Droit d’être informé du placement en garde à vue ainsi que de la durée de la mesure et de la ou des
prolongations possibles (article 63-1 alinéa 2 1° CPP).
-Droit d’être informé de la nature et de la date présumée de l’infraction (article 63-1 alinéa 3 2°
CPP).
-Le droit de faire prévenir un proche et son employeur (article 63-2 CPP).
-Le droit à un examen médical (article 63-3 CPP).
-Le droit, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions ou
de garder le silence lors des auditions et confrontations (article 63-1 alinéa 8 3° CPP).
-Le droit au respect de sa dignité pendant la garde à vue (article 63-5 CPP).
-Le droit d’être informé des suites de la procédure (article 63-8 CPP).
-Le droit d’être assisté par un avocat dès le début de la garde à vue (articles 63-3-1 à 63-4-3 CPP).
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B. Par qui ?
L’officier de police judiciaire, ou l’agent sous le contrôle de ce dernier, procède à la notification
des droits mentionnés à l’article 63-1.
C. Comment ?
L’article 63-1 alinéas 3 et 4 du code de procédure pénale dispose que :
« Les informations mentionnées au premier alinéa doivent être communiquées à la personne gardée
à vue dans une langue qu'elle comprend, le cas échéant au moyen de formulaires écrits.
Si cette personne est atteinte de surdité et qu'elle ne sait ni lire ni écrire, elle doit être assistée par
un interprète en langue des signes ou par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode
permettant de communiquer avec des sourds. Il peut également être recouru à tout dispositif technique
permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité ».
1. Gardé à vue en état d’ivresse
Lorsque l’officier de police judiciaire constate l’état avancé d’ébriété du gardé à vue,
empêchant ce dernier de comprendre la portée des droits qui doivent lui être notifiés et
de les exercer utilement, l’officier doit placer le gardé à vue en cellule de dégrisement
et différer la notification de ses droits. Il s’agit alors d’une circonstance insurmontable
justifiant le report de la notification des droits.
2. Gardé à vue ne comprenant pas le français
Ses droits lui seront notifiés par un interprète dûment requis à cette fin qui pourra, si
besoin, y procéder par téléphone ou visioconférence.
Le cas échéant, le gardé à vue pourra être informé de ses droits par un formulaire. La
remise d’un formulaire constitue une information immédiate mais ne saurait valoir
notification des droits.
3. Gardé à vue atteint de surdité
Il devra être assisté « par un interprète en langue des signes ou par toute personne
qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec les
sourds ».
Un procès-verbal contenant la mention de la notification des droits sera alors dument rempli et
émargé par le gardé à vue. En cas de refus d’émarger par le gardé à vue, il en sera fait mention.
En plus de ces droits, le gardé à vue peut demander à manger, à pouvoir dormir et à aller aux
toilettes.
Concernant le droit à s’alimenter durant la garde à vue, il convient de respecter le régime alimentaire du
gardé à vue imposé par sa religion, c’est ce qu’a affirmé la Cour européenne des droits de l’homme dans
un arrêt du 7 décembre 2010 Jakóbski c. Pologne où le pays fut condamné pour violation de la liberté de
religion prévue à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme.
29
Section II LES DROITS DU GARDÉ À VUE
Il sera fait étude des différents droits du gardé à vue et de leur exercice.
§1) LE DROIT D’ÊTRE INFORMÉ DU PLACEMENT EN GARDE À
VUE, DE LA DURÉE DE LA MESURE ET DES
PROLONGATIONS POSSIBLES
La personne arrêtée doit être informée de son placement en garde à vue ainsi que de la durée de la
mesure par l’officier de police judiciaire. En cas de prolongation de celle-ci, le gardé à vue doit également
en être informé.
§2) LE DROIT D’ÊTRE INFORMÉ DE LA NATURE ET DE LA DATE
PRESUMÉE DE L’INFRACTION A L’ORIGINE DU PLACEMENT
EN GARDE À VUE
L’article 63-1 alinéa 3 du code de procédure pénale précise que le gardé à vue est informé « de la
nature et de la date présumée de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de
commettre ».
A. Nature de l’infraction
Les informations obligatoirement livrées
au gardé à vue
Les informations qui n’ont pas besoin
d’être portées à la connaissance du gardé
à vue
La qualification juridique de l’infraction ou
des infractions présumées
Le détail des faits reprochés
Toutes modifications de la qualification des
faits par le procureur de la République
Les articles définissant ou réprimant
l’infraction ou les infractions.
Il peut seulement être fait référence à des
catégories génériques d’infractions.
Une circonstance aggravante découverte au
cours de la garde à vue et qui a une incidence
sur le régime de la garde à vue (Cass.Crim,
10 nov. 2009 n°09-84.702)
Une circonstance aggravante découverte au
cours de la garde à vue sans incidence sur le
régime de la garde à vue
B. Date présumée de l’infraction
Une date imprécise notifiée lors de l’information sur la nature de l’infraction ne saurait faire grief à
la personne, dès lors qu’elle résulte des éléments de la procédure au moment du placement.
En effet, la date est appréciée en fonction des éléments de l’enquête à ce stade. Par conséquent, le
gardé à vue ne pourra pas en reprocher l’imprécision.
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§3) LE DROIT DE FAIRE PRÉVENIR UN PROCHE OU SON
EMPLOYEUR
Le principe est le droit de prévenir un proche et son employeur (A). Cependant, ce principe souffre
de dérogations (B).
A. Principe
1. Délai
L’article 63-2 alinéa 3 du code de procédure pénale dispose que : « les diligences incombant aux
enquêteurs en application du premier alinéa doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures
à compter du moment où la personne a formulé la demande ».
Le délai sera donc de trois heures à compter de la demande du gardé à vue. Ce dernier devra alors
communiquer les coordonnées des personnes qu’il souhaite faire appeler ou, à défaut, tous les
renseignements qu’il détient. Les enquêteurs ont seulement à leur charge une obligation de moyen.
2. Les tiers avisés
Le droit de faire prévenir un proche et son employeur dépend de la qualité même de la personne
gardée à vue.
Ainsi, le gardé à vue pourra faire prévenir des personnes différentes selon qu’il fait l’objet d’une
mesure de protection juridique, qu’il est mineur ou encore qu’il est de nationalité étrangère.
Personnes que le gardé à vue peut faire prévenir
La procédure classique (article 63-2
alinéa 1er
CPP)
-un proche (une personne avec laquelle il vit
habituellement ; ou un de ses parents en ligne directe ;
ou un de ses frères et sœurs).
-et son employeur.
L’officier de police judiciaire va vérifier les liens
unissant le gardé à vue et la personne qu’il va appeler.
En cas de doute, il préviendra le procureur de la
République.
Les personnes faisant l’objet d’une
mesure de protection juridique
(article 63-2 alinéa 1er
CPP)
-un proche (même définition)
-ou son tuteur ;
-et son employeur.
Les personnes mineures -Les parents ;
-ou le tuteur ;
-ou la personne ou le service auquel est confié le mineur
-et, son employeur.
Les personnes de nationalité
étrangère (article 63-2 alinéa 1er
CPP)
-un proche (même définition)
-et son employeur
-et les autorités consulaires de son pays. .
31
B. Dérogation
Trois cas particuliers sont envisagés. D’abord, les nécessités de l’enquête (1), ensuite, les
circonstances insurmontables (2) et, enfin, la spécificité propre aux mineurs (3).
1. Les nécessités de l’enquête
L’officier de police judiciaire peut considérer qu’il est préférable de rejeter la demande de la
personne gardée à vue en raison de nécessités de l’enquête (risque de nuire au bon déroulement de
l’enquête, risque de dépérissement des preuves ou encore en cas d’incertitude sur la qualité du tiers à
appeler).
Il va alors en avertir le procureur de la République qui accèdera ou non à cette demande. Sa
décision n’a pas besoin d’être écrite ou motivée mais doit être transcrite à la procédure.
2. Les circonstances insurmontables
L’article 63-2 alinéa 3 du code de procédure pénale prévoit qu’en cas de circonstances
insurmontables, par exemple une coupure de réseau électrique ou téléphonique, il est possible de déroger
au délai de 3 heures. Ceci sera alors inscrit dans le procès-verbal.
3. Spécificité propre aux mineurs
Le procureur de la République peur retarder le délai de 3 heures lorsque, par exemple, les parents
pourraient être complices des faits reprochés. Cependant, il ne peut pas dépasser 24 heures ou 12 heures
s’il n’y a pas de prolongation
§4) LE DROIT À UN EXAMEN MÉDICAL
L’article 63-1 alinéas 4 et 6 du code de procédure pénale dispose que la personne placée en garde à
vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire, ou sous le contrôle de celui-ci, par un
agent de police judiciaire « du fait qu’elle bénéficie […] du droit d’être examinée par un médecin,
conformément à l’article 63-3 »
Le médecin est désigné par le procureur de la République ou par l’officier de police judiciaire
parmi une liste. Si la garde à vue se prolonge, le gardé à vue pourra demander un second examen médical.
A. La demande
Initiative D’office
Du gardé à vue
L’article 63-3 CPP dispose que tout gardé
à vue peut demander à être examiné par un
médecin
Des proches
Si l’examen médical n’est pas réclamé,
il peut être demandé par un membre
de la famille du gardé à vue.
(article 63-3 alinéa 3)
Un examen médical de la personne
placée en garde à vue peut également
être demandé d’office, à tout moment,
par le procureur de la République ou
l’officier de police judiciaire.
(article 63-3 alinéa 2)
32
B. Contenu de l’examen médical et délai d’intervention
Lors de l’examen médical, le médecin va :
-juger de l’aptitude au maintien en garde à vue et ;
-faire toutes constatations utiles (constat de blessures,…).
Selon l’article 63-3 du code de procédure pénale, « sauf décision contraire du médecin, l'examen
médical doit être pratiqué à l'abri du regard et de toute écoute extérieurs afin de permettre le respect de
la dignité et du secret professionnel ».
Cet examen est réalisé dans les locaux des services d’enquête ou, à défaut, au sein d’un établissement
hospitalier ou d’une structure médicale. Le certificat médical sera alors rajouté dans le dossier.
Le délai de trois heures commence à courir à compter du moment où la demande a été faite. Comme
pour le droit de faire prévenir un proche et son employeur, il est possible de déroger à ce délai en cas de
circonstance insurmontable.
C. Cas particuliers
Il existe deux cas particuliers concernant l’examen médical : le cas des personnes poursuivies pour
faits de criminalité organisée ou de terrorisme (1) et les mineurs (2).
1. Les faits de criminalité organisée
L’article 706-88 alinéa 4 du code de procédure pénale fixe le régime de l’examen
médical pour les personnes contre qui on reproche des faits de criminalité organisée ou
de terrorisme.
Cet article dispose que : « lorsque la première prolongation est décidée, la personne
gardée à vue est examinée par un médecin désigné par le procureur de la République,
le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire. Le médecin délivre un certificat
médical par lequel il doit notamment se prononcer sur l'aptitude au maintien en garde
à vue, qui est versé au dossier. La personne est avisée par l'officier de police
judiciaire du droit de demander un nouvel examen médical. Ces examens médicaux
sont de droit ».
2. Les mineurs
Selon l’article 4 III de l’ordonnance du 2 février 1945, lorsque le mineur a moins de
16 ans, le procureur de la République désigne un médecin pour l’examiner.
S’il a plus de 16 ans, l’officier de police judiciaire doit informer les représentants
légaux du mineur, au courant de la garde à vue, de leur faculté de demander un
examen médical.
33
§5) LE DROIT DE FAIRE DES DECLARATIONS, DE REPONDRE
AUX QUESTIONS OU DE GARDER LE SILENCE
Le droit de faire des déclarations et de répondre aux questions ne pose pas véritablement de
difficultés.
En revanche, l’information faite au gardé à vue immédiatement après le début de la garde à vue du
droit de se taire est une nouveauté. Le droit de se taire peut être exercé par la personne mise en garde à
vue à tout moment.
Par trois arrêts en date du 19 octobre 2010 (n°10-82.306, 10-82.902, 10-85.051) la Chambre
criminelle de la Cour de cassation a rappelé que le gardé à vue devait, sauf circonstances particulières,
être informé de son droit de se taire dès le début de la garde à vue. Ces circonstances dites particulières
doivent être justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances de l’espèce et non pas à
l’infraction reprochée à la personne. Autrement dit, le retard dans la notification du droit de se taire ne
doit pas être lié à l’infraction à l’origine de la mesure de garde à vue, mais à des circonstances extérieures
à la procédure.
§6) LE DROIT AU RESPECT DE SA DIGNITÉ
La personne gardée à vue doit pouvoir disposer, selon l’article 63-6 alinéa 2 du code de procédure
pénale, au cours de son audition, « des objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de
sa dignité » (vêtements, lunettes,…).
Concernant les mesures de sécurité strictement nécessaires qui seront imposées au gardé à vue telles
que les fouilles et investigations corporelles internes il convient d’opérer un renvoi au §3, Section,
Chapitre I, Partie II.
§7) LE DROIT D’ÊTRE INFORMÉ DES SUITES DE LA
PROCÉDURE
Le gardé à vue doit être informé des suites de la procédure.
Deux issues sont alors possibles :
- Soit, la personne gardée à vue est remise en liberté à l’issue de sa garde à vue. Dans ce cas,
elle est informée de la décision du procureur de la République sur l’action publique. A
défaut de décision par le procureur de la République, elle est informé qu’elle a la
possibilité, à l’issu d’un délai de 6 mois, de questionner le procureur de la République par
lettre recommandée avec avis de réception.
- Soit, la personne gardée à vue est déférée devant un magistrat.
34
§8) LE DROIT D’ÊTRE ASSISTÉ PAR UN AVOCAT DÈS LE DÉBUT
DE LA GARDE À VUE
D’après l’article 63-3-1 du code de procédure pénale, la personne gardée à vue peut demander
à être assistée par un avocat, dès le début de la mesure.
Le gardé à vue aura alors le droit à un entretien avec son avocat. De plus, son avocat pourra assister
aux auditions et aux confrontations. Le gardé à vue est également informé de ce droit à être assisté
d’un avocat à chaque prolongation de sa garde à vue.
Les officiers sont là aussi tenus à une obligation de moyen. Par conséquent, s’ils n’arrivent
pas à joindre l’avocat demandé par la personne mise en garde à vue, ils demanderont au gardé à vue
de désigner un autre avocat et, le cas échéant, ils lui proposeront un avocat commis d’office. En
revanche, si c’est la famille du gardé à vue qui désigne l’avocat, les officiers de police judiciaire
devront alors impérativement demander au gardé à vue de confirmer cette nomination.
Enfin, l’intervention de l’avocat peut être différée pour des raisons impérieuses sur décision
du procureur de la République ou du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention.
Une étude approfondie de ce droit sera réalisée dans la Partie III du présent guide.
35
§1) Tableau récapitulatif : les principaux droits du gardé à vue MAJEUR
ASSISTANCE DE
L’AVOCAT
INTERVENTION
DU
MEDECIN
AVIS AUX
TIERS
CONTENU
REPORT
DROIT
COMMUN
Crimes
(enregistrement
audiovisuel,
Art 64-1)
Délits punis d’une
peine
d’emprisonnement
Entretien
confidentiel
(30 min par 24h)
(Art 63-4)
+
Consultation
de
pièces du
dossier
(Art 63-4-1)
+
Assistance aux
auditions et
confrontations
(Art 63-4-2)
+
Délai de
carence de 2 h
(sauf nécessités
de l’enquête)
(Art 63-4-2 al 1
et 3)
+
Droit de poser
des questions
et de faire
des
observations
(Art 63-4-3 al 2
et 3)
Consultation
des pièces et/ou
assistance
pendant les actes
Durée de 24h :
12h (procureur de
la république ou
le juge
d’instruction)
+
si délit ≥ 5
ans, prolongation
de 12 h (juge des
libertés et de la
détention)
Décision écrite
et motivée
Critère : raisons
impérieuses
Art 63-4-2 al. 4 à
6
Examen médical
▫à l’initiative du gardé-
à-vue par 24h
▫ d’office à tout
moment par l’officier
de police judiciaire, le
procureur de la
république ou le juge
d’instruction
▫ à défaut, à l’initiative
d’un membre de la
famille
Art 63-3
Délai de 3h à compter
de la demande
Dérogation en cas de
circonstances
insurmontables
Personnes
averties :
▫ un proche
▫ ou un parent
en ligne
directe
▫ ou son frère ou
sa soeur
▫ ou son tuteur
ou curateur
+
employeur
+
autorités
consulaires
Délai de 3h à
compter de la
demande
Obligation de
moyens de
l’officier de
police judiciaire
Dérogation au
délai de 3h en cas
de nécessités de
l’enquête ou de
circonstances
insurmontables
REGIME
DEROGATOIRE
Art 706-73
Entretien
confidentiel
et/ou
consultation des
pièces et/ou
assistance
pendant les actes
Durée de 24h
(procureur de la
République ou
juge
Garde-à-vue ≤ 48 h :
droit commun
Garde-à-vue de 48 à
96 h :
▫ examen
d’office à la 1ère
prolongation
(=48ème h)
▫ 2nd examen à
l’initiative du gardé-à-
vue
CHAPITRE III
TABLEAUX RECAPITULATIFS
36
d’instruction)
+
24 h (juge des
libertés et de la
détention
ou juge
d’instruction)
+
24 h (pareil)
(stupéfiants &
terrorisme)
Décision écrite
et motivée
Critère : raisons
impérieuses
Art 706-88 al. 6 et
7
Art 706-88 al 4
Garde-à-vue ≥ 96 h :
▫ examen
d’office à chaque
prolongation
▫ à l’initiative de la
personne à tout
moment
Art 706-88-1 al
3
37
§2) Tableau récapitulatif : les principaux droits du gardé à vue MINEUR
ASSISTANCE
DE L’AVOCAT
Article 4 IV de l’ordonnance de 1945
INTERVENTION
DU MEDECIN
Article 4 III de
l’ordonnance de
1945 et
article 63-3 CPP
AVIS AUX
TIERS
Article 4 II de
l’ordonnance de
1945 et
article 63-2 CPP
DÉSIGNATION
CONTENU
=pareil que
pour le majeur
REPORT
Mineurs
10 à 13 ans
Par le mineur
ou ses
représentants
légaux.
A défaut, d’office
par l’officier de
police judiciaire,
le procureur de la
République ou le
juge d’instruction
Entretien
confidentiel
(30 minutes
par 24h)
(Art 63-4)
+
Consultation
de pièces du
dossier
(Art 63-4-1)
+
Assistance aux
auditions et
aux
confrontations
(Art 63-4-2)
+
Délai de
carence de 2 h,
(sauf
nécessités de
l’enquête)
(Art 63-4-2 al
1 et 3)
+
Droit de poser
des questions
et de faire des
observations
(Art 63-4-3 al
2 et 3)
Consultation
des pièces
et/ou
assistance
pendant les
actes
Durée de
24h :
12h
(procureur de
la République
ou juge
d’instruction)
+
si délit ≥
5 ans,
prolongation
de 12h ( juge
des libertés et
de la
détention)
Décision
écrite et
motivée
Examen médical
d’office à chaque
période
Personnes
averties :
parents ou
tuteur ou
personne ou
service auquel
le mineur est
confié
+ éventuellement
Employeur
+
autorités
consulaires
Avis
obligatoire au
représentant
légal dès le
début de la
garde-à-vue
Délai de 3 h à
compter de la
demande
Report
possible du
délai de 3h par
le procureur
de la
République
(sans dépasser
12h ou 24h si
prolongation)
Mineurs
13 à16 ans
(
Par le mineur ou
ses représentants
légaux
Mineurs
16 à 18 ans
Examen médical
▫à l’initiative du
gardé-à-vue par 24h
▫ d’office, à tout
moment, par
l’officier de police
judiciaire, le
procureur de la
République ou le
juge d’instruction
▫ à défaut, à
l’initiative du
représentant légal
38
Parmi les droits du gardé à vue se trouve le droit à l'assistance effective d'un avocat. Celui-ci
constitue l'essence même de la défense du gardé à vue. La réforme a joué un rôle crucial en la matière
puisqu'elle vient proclamer le droit à l'assistance effective d'un avocat. Par conséquent, elle assure au
gardé à vue une réelle défense de ses droits. L'article 63-3-1 du code de procédure pénal met à la charge
des officiers ou agents de police judiciaire le devoir d'accomplir toutes diligences nécessaires afin de
rendre effective la mise en œuvre de ce droit.
L’avocat assiste son client dès le début de la mesure de garde à vue (Section I). Il est présent
pendant les interrogatoires (Section II) et les auditions (Section III).
Section I LA PRÉSENCE DE L’AVOCAT DÈS LE DÉBUT DE LA GARDE
À VUE
§1) Droit commun
A. Le délai de carence
Le gardé à vue bénéficie, au regard de l’article 53-4 du code de procédure pénale, du droit d’être
assisté d’un avocat dès le début de sa garde à vue. Ce droit se matérialise tout d’abord par la possibilité
offerte à la personne appréhendée de s’entretenir avec un avocat pendant une durée de 30 minutes.
Le facteur temps qui imposerait que cette assistance soit effective « dès le début » de la mesure
privative de liberté, engendre des problèmes d’ordre organisationnels. C’est la raison pour laquelle un
délai de carence est prévu (1). De plus, ce principe souffre d’exceptions (2)
1. Le principe : délai de carence de 2h
Un délai d’attente de 2 heures est prévu, par l’article 63-4-2 du code de procédure pénale, lorsque
l’avocat ne s’est pas / ou n’a pas la possibilité de se présenter, dès le début de la mesure de garde à vue,
aux locaux où son client est retenu.
Certaines règles régissent ce délai dit de carence (voir le tableau ci-dessous) :
PARTIE III
L’ASSISTANCE EFFECTIVE DE L’AVOCAT
CHAPITRE I
MISE EN ŒUVRE DE L’ASSISTANCE
EFFECTIVE DE L’AVOCAT
39
2. Les exceptions au respect du délai de carence de 2h
L’article 63-4-2 du code de procédure pénale prévoit la possibilité de déroger au délai d’attente de
deux heures, et ainsi débuter immédiatement l’audition du gardé à vue.
Cette exception est subordonnée à certaines conditions :
B. Le report de l’intervention de l’avocat
Dans certaines situations, l’intervention de l’avocat peut être reportée. Ce report est subordonné à
certaines conditions (1) permettant sa mise en œuvre (2).
1. Les conditions du report de l’intervention de l’avocat
La mesure doit être justifiée par :
Des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête,
OU
Pour permettre le bon déroulement d’investigations urgentes tendant au recueil ou à la
conservation des preuves
OU
Pour prévenir une atteinte imminente aux personnes
Cas d’une extrême gravité
Pendant ce délai, les officiers ou les agents de police judiciaire ne peuvent pas commencer les
auditions mais ils sont autorisés à questionner la personne sur son identité (état civil et adresse
uniquement),
Le délai doit être également respecté lorsque la personne qui aurait renoncé à être assisté lors de
la notification de ses droits déciderait par la suite l’intervention d’un avocat (même principe
lorsqu’un nouvel avocat aurait été désigné à la suite d’un conflit d’intérêt),
Ce délai commence à courir dès que l’avocat (ou bâtonnier) concerné a été avisé,
L’heure à laquelle ce délai débute doit être mentionnée sur un procès verbal,
Ce délai est valable que pour le pour le premier interrogatoire,
Une fois les 2h dépassées, les officiers ou agents de police judiciaire peuvent procéder à l’audition.
Il faut que les nécessités de l’enquête le permettent,
L’officier de police judiciaire doit transmettre une demande au procureur de la République qui
devra écrire et motiver sa décision de faire débuter l’audition sans délai. (Le procureur peut
donner sa décision ultérieurement mais les OPJ ou les APJ devront acter cette autorisation à la
procédure).
40
2. La mise en œuvre du report
Le procureur de la République décide de cette mesure sur demande des OPJ. Sa décision doit être
écrite et motivée.
A défaut d’avoir transmis son autorisation écrite, les OPJ pourront acter cette autorisation à la
procédure mais le procureur devra transmettre sa décision au plus vite.
§2) Régime dérogatoire
Il existe des situations où l’intervention de l’avocat dès le début de la garde à vue se trouve
compromise.
Cette dérogation s’applique uniquement en présence de certaines infractions (A). Il conviendra donc
dans un premier temps d’en déterminer le champ d’application puis d’en étudier la mise en œuvre (B).
A. Les infractions visées
Ce régime dérogatoire, interdisant la présence immédiate de l’avocat dès le début de la garde à vue,
n’est applicable qu’en présence des infractions prévues à l’article 706-73 du code de procédure pénale :
crime de meurtre commis en bande organisée prévu par l’article 221-4 du code pénal.
crime de tortures et d’actes de barbarie commis en bande organisée prévu par l’article
222-4 du code pénal.
crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-40 du code
pénal.
crimes et délits d’enlèvement et de séquestration commis en bande organisée prévus
par l’article 224-5-2 du code pénal.
crimes et délits aggravés de traite des êtres humains prévus par les articles 225-4-2 à
225-4-7 du code pénal.
crimes et délits aggravés de proxénétisme prévus par les articles 225-7 à 225-12 du
code pénal.
crime de vol commis en bande organisée prévu par l’article 311-9 du code pénal.
crimes aggravés d’extorsion prévus par les articles 312-6 à 312-7 du code pénal.
Le report ne vise que la consultation des pièces et la présence de l’avocat au
cours des auditions (l’entretien de 30 minutes n’est pas concerné par ce report)
La durée du report ne peut être que de 12 heures à compter du début de la mesure.
Ce report peut être prolongé sur décision du juge des libertés et de la détention saisi
par le procureur de la République :
La prolongation ne doit viser que les crimes et délits punis
d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à 5 ans.
Le renouvèlement ne sera que de 12 heures également.
Le gardé à vue doit être informé et cela doit être précisé dans le procès verbal.
41
crimes de destruction, dégradation et détérioration d’un bien commis en bande
organisée prévu par l’article 322-8 du code pénal.
crime en matière de fausse monnaie prévus par les articles 442-1 à 442-2 du code
pénal.
crimes et délits constituants des actes de terrorisme prévus par les articles 421-1 à 426-
6 du code pénal.
délits en matière d’armes et de produits explosifs commis en bande organisée prévus
par les articles L2339-2, L2339-8, L2339-10, L2341-4, L2353-4, 2353-5 du code de la
défense.
délit d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irrégulier d’un étranger en France
commis en bande organisée.
délits de blanchiment prévus par les articles 324-1 et 324-2 du code pénal ou de recel
prévus par les articles 321-1 et 321-2 de produit, revenus et choses provenant des
infractions mentionnées précédemment.
délits d’association de malfaiteurs prévus par l’article 450-1 du code pénal, lorsqu’ils
ont pour objet la préparation de l’une des infractions mentionnées précédemment.
délit de non justification de ressources correspondant au train de vie, prévu par
l’article 321-6-1 du code pénal, lorsqu’il est en relation avec l’une des infractions
mentionnées précédemment.
B. Mise en œuvre
Le procureur de la République décide de cette mesure sur demande des officiers de police judiciaire
et sa décision doit être écrite et motivée.
A défaut d’avoir transmis son autorisation écrite, les officiers pourront acter cette autorisation à la
procédure mais le procureur devra transmettre sa décision au plus vite.
Le report dans le régime dérogatoire vise l’entretien de 30 minutes.
La durée du report ne peut être que de 24 heures.
La durée peut être prolongée de 24 heures (soit 48h) sur décision du juge des libertés et
de la détention (comme en droit commun)
Pour les infractions de terrorisme ou de trafic de stupéfiants, la
durée peut être prolongée de 24 heures à nouveau soit 72 h au
total.
Le gardé à vue doit être informé et cela doit être précisé dans un procès verbal.
Il n’y a donc pas d’obligation d’informer l’avocat que la personne souhaite bénéficier de
son assistance.
Cependant, la présence de l’avocat est simplement reportée ce qui signifie qu’une fois le
terme du report expiré, l’avocat pourra assister aux auditions ultérieures (à charge pour
les OPJ ou APJ d’en informer l’avocat)
42
Section II L’ACCÈS AU DOSSIER
En avant propos, il convient de noter que le conseil constitutionnel, saisi par la voie d’une
question prioritaire de constitutionnalité, a considéré dans diverses décisions en date du 18 novembre
2011 (décision n°2011-191/194/195/196/197) que les dispositions relatives à l’accès de certaines pièces
du dossier du client par son avocat n’étaient pas contraires aux droits et libertés garantis par la
constitution.
§1) Consultation des pièces de la procédure
Depuis la réforme de la garde à vue, l’avocat peut désormais avoir accès au dossier de son client.
Cependant, le code de procédure pénale prévoit l’accès à une liste limitative de pièces (A) ainsi que
l’éventuel report de cette consultation (B).
A. Liste limitative de pièces consultables
L’avocat peut prendre connaissance de certaines pièces dès son arrivée mais l’article 63-4-1 du code
de procédure pénale prévoit une liste limitative :
Procès verbaux de placement en garde à vue et des droits y étant attachés,
Certificat médical,
Procès verbaux d’audition et confrontation de la personne,
Procès verbaux des auditions et confrontation de la personne établis antérieurement au
placement en garde à vue si cette personne a déjà fait l’objet d’une précédente garde à
vue.
B. Report de l’accès au dossier
Le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention peuvent décider, sous
réserve de motivations, de reporter l’accès aux procès verbaux d’audition et de confrontation.
Le report de l’assistance effective de l’avocat s’accompagne fréquemment d’un report à l’accès au
dossier.
§2) Mise en œuvre
A. Principe
L’avocat a le choix de prendre connaissance des pièces avant ou après l’entretien de
30 minutes.
L’avocat n’a pas la possibilité de se procurer une copie des pièces de la procédure
mais il peut prendre des notes.
43
B. Exceptions
Il existe des cas ou l’accès au dossier par l’avocat est limité au stade de l’enquête ou de
l’instruction dans le but de préserver le bon déroulement des investigations. Cette exception est rappelée
par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (arrêt Svipsta c/. Lettonie du 17
février 2001). La cour précise cependant que l’avocat devra être en possession des pièces « qui revêtent
une importance essentielle pour contester efficacement la légalité de la mesure privative de liberté ».
Section III LA PRÉSENCE DE L’AVOCAT AUX AUDITIONS
En avant propos, il convient de noter que la décision du conseil constitutionnel du 18 novembre
2011 est venue préciser que les règles relatives à l’intervention de l’avocat pendant les auditions « ne
méconnaissent ni les droits de la défense ni aucun autre droit ou libertés que la Constitution garantit ».
§1) L’avocat et le gardé à vue
La présence de l’avocat pendant les auditions concerne aussi bien les majeurs (A) que les mineurs
gardés à vue (B).
A. L’assistance des majeurs gardés à vue
L’avocat peut poser des questions à l’issue de l’audition ou de la confrontation.
L’OPJ ou l’APJ peut s’opposer aux questions s’il estime qu’elles sont nuisibles à
l’enquête : son refus devra être mentionné dans le procès verbal.
L’avocat peut relire le PV mais ne le signe pas.
Il peut également joindre des observations écrites qui seront annexées à la procédure.
B. L’assistance des mineurs gardés à vue
La mise en œuvre de l’assistance de l’avocat pour les mineurs gardés à vue est identique à celle des
majeurs placés en garde à vue que ce soit pour les infractions de droit commun ou les infractions prévues
par l’article 706-73 du code de procédure pénale.
§2) L’avocat et la victime
La victime bénéficie, selon l’article 63-4-5 du code de procédure pénale, du droit d’être assistée par
un avocat lorsqu’elle devra se confronter à la personne gardée à vue.
Les règles relatives à l’assistance par l’avocat de la victime sont :
La victime devra être informée de ce droit d’assistance avant la confrontation.
Ce droit ne vise que les cas ou la victime doit se confronter au gardé à vue.
44
Ce droit intervient peut intervenir au cours de l’enquête ou au cours de l’instruction et
même si la victime ne s’est pas constituée partie civile.
L’avocat peut demander la consultation des procès verbaux d’audition de la victime.
Comme pour l’audition classique, l’OPJ ou l’APJ peut s’opposer aux questions de
l’avocat s’il estime qu’elles peuvent nuire au déroulement de l’enquête (refus
mentionné dans le PV).
L’avocat pourra relire le PV mais ne le signe pas.
Il pourra soumettre des observations écrites qui seront annexées à la procédure.
Toutes les nouvelles règles applicables aux gardes à vue décrite ci-dessus ont entrainé un
bouleversement sans précédent pour les différents barreaux de France. Les avocats ont dû s’adapter au
nouveau régime applicable afin de garantir au mieux les intérêts de leurs clients et de satisfaire aux
nouvelles exigences légales.
Le droit du gardé à vue à l’assistance effective d’un avocat implique nécessairement la réalisation
d’un processus de désignation de l’avocat. Cela se matérialise notamment par l'information fait à ce
dernier de la demande d'assistance formulée par le gardé à vue. Elle doit être effectuée sans délais et par
tous moyens.
Section I LA DÉSIGNATION
Il convient de distinguer deux situations en la matière. L'avocat désigné peut en effet, être un
avocat choisi ou bien commis d'office.
§1) L’avocat choisi
A. L’avocat choisi par le gardé à vue
Le gardé à vue peut désigner l'avocat de son choix.
Il incombe alors aux officiers de police judiciaire de regrouper les éléments d'identification auprès
de la personne gardée à vue afin de le contacter.
Cependant si ces derniers ne parviennent pas, par tous moyens, à joindre l'avocat ainsi désigné, le
gardé à vue devra alors opter pour la désignation d'un autre avocat soit de son choix soit commis
d’office.
B. L’avocat choisi par la famille du gardé à vue
En ce qui concerne « l’avocat choisi » une situation particulière est à souligner.
CHAPITRE II
L’IMPACT SUR LA PROFESSION D’AVOCAT
45
La famille du gardé à vue peut procéder, à sa place, au choix d'un avocat. Cependant cette situation
fait naître, à l'égard des officiers de police judiciaire, une obligation supplémentaire. Ces derniers doivent
alors obtenir la confirmation par le gardé à vue du choix effectué par sa famille, excepté en matière de
représentation légale des mineurs où cette règle est d'ordre impératif.
§2) L’avocat commis d’office
Le gardé à vue peut également s'en remettre à la désignation d'un avocat commis d'office.
A. L’information de l’avocat
Les officiers de polices judiciaires ont alors pour obligation de contacter le bâtonnier ou le service
de permanence du barreau. Celui-ci est organisé en vue d'assurer la continuité du droit à l'assistance d'un
avocat. Ainsi, l'avocat de permanence assurera la défense du gardé à vue. Dans cette hypothèse
l'obligation à la charge des officiers de police judiciaire de joindre l'avocat peut être satisfait par le simple
fait de laisser un message sur répondeur.
Les officiers de police judiciaire ont l'obligation d'assurer une information effective de l’avocat
commis d’office. Ce dernier doit être informé de la nature de l’infraction et de la date. Cette information
ne peut être réalisée que par communication téléphonique directe ou en personne après son arrivée dans
les locaux de garde à vue.
Afin de justifier du respect de leurs obligations les officiers de police judiciaire ont l'obligation de faire
acte de toutes les diligences effectuées.
B. Le conflit d’intérêt
La désignation de l'avocat peut susciter de nombreuses difficultés.
En effet, si la désignation donne lieu à un conflit d'intérêt, l'avocat est tenu de demander à ce qu'un
confrère soit désigné à sa place. Cependant, l'initiative de cette demande peut également émaner du
procureur de la République ou des officiers de police judiciaire. Ils en font alors part à l'avocat
initialement désigné puis, informe le bâtonnier de la nécessité d'une nouvelle désignation.
La réforme de la garde à vue vient renforcer les droits du gardé à vue en lui permettant d'être
également assisté d'un avocat lors de chaque interrogatoire. Ces nouvelles dispositions ont donné lieu à
un accroissement du rôle de l’avocat dans la procédure. Par conséquent sa rétribution a également
nécessairement était réformée.
Section II LA RÉMUNERATION DE L’AVOCAT
A la suite d'une concertation des représentants du Conseil National des Barreaux, le garde des
Sceaux a adressé le 14 avril 2011 une lettre au président du CNB précisant le nouveau barème de
rétribution des avocats et la contribution financière de l'Etat.
§1) La rétribution de l’avocat en matière de garde à vue
Il convient de préciser en premier lieu, que l’étude développée dans ce paragraphe portera
essentiellement sur les avocats commis d'office.
46
En effet, pour les avocats choisis, la libéralité de leur profession leur laisse une grande liberté dans
la détermination du montant de leurs honoraires.
Jusqu'à la réforme, le paiement était de 61 euros Hors-taxes pour une intervention se limitant à une
demi-heure d'assistance. La Chancellerie a annoncé le jeudi 14 avril, avoir fixé le niveau de rémunération
des avocats.
Rétribution de l'avocat commis d'office de
la victime
Tarif Hors-taxes
Lors d'une confrontation 150 euros
Le Conseil National des Barreaux et la Chancellerie évaluent à trois heures la durée d'intervention
effective d'un avocat par garde à vue. Cette durée comprend l'examen du dossier, l'entretien préalable et
l'assistance aux auditions. Au cours d'une permanence, l'avocat peut donc assister plusieurs personnes
mises en garde à vue. La Chancellerie a établi un forfait de 300 euros correspondant à 100 euros H.T.
Le budget consacré à l'intervention de l'avocat a considérablement augmenté depuis la réforme
puisqu'il est évalué désormais à 100 millions d'euros. Par ailleurs, le Parlement envisage l'instauration de
mécanismes de paiement reposant sur la solidarité entre les justiciables. Néanmoins pour l'heure, la taxe
de 35 euros instaurée le 1er octobre 2011 et devant être payée par les justiciables a été supprimé. Celle-ci
avait pour objectif de financer l'augmentation de l'aide juridictionnelle. Par conséquent, il convient de
garder à l'esprit que la réflexion concernant les systèmes de financement reste entière. Des modifications
ou nouveautés restent par conséquent à prévoir.
Rétr
Rétribution de l'avocat commis d'office
du gardé à vue
Tarif Hors-taxes
Intervention se limitant à la première demi-
heure de garde à vue
61 euros
Assistance avec présence aux auditions
300 euros
En cas de prolongation de la garde à vue au-
delà de 24h
150 euros
47
§2) L’aide juridictionnelle
L'aide juridictionnelle permet aux personnes, ayant de modestes revenus, de bénéficier d'une prise
en charge par l'Etat des honoraires d'avocat et frais de justice. Pour cela le justiciable doit répondre de
certaines conditions de ressources.
Conditions de ressources:
Aide juridictionnelle totale Ressources mensuelles inférieures à 929
euros
Aide juridictionnelle partielle Ressources mensuelles entre 929 euros et
1393 euros
Le budget de l'aide juridictionnelle consacré à la présence de l'avocat en garde à vue s'élevait à 15
millions d'euros avant l'entrée en vigueur de la réforme. Or depuis celle-ci, les crédits attribués à l'aide
juridictionnelle ont largement augmenté puisque le budget est désormais estimé à hauteur de 312 millions
d'euros.