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Guy Collin, 2008-04-09
ÉQUILIBRES ENTRE PHASES D’UN MÊME
CORPS PUR
Thermochimie : chapitre 6
G = H - T S
Préambule
On vient de voir dans les chapitres précédents les définitions et les propriétés des principales fonctions thermodynamiques.
Après avoir appliqué ces résultats aux gaz, il convient d’en faire l’application aux systèmes physiques mettant en présence les autres phases.
Les phases solides, liquide et vapeur et les passages de l’une à l’autre, méritent une attention particulière.
Quelles sont les lois qui les gouvernent ?
G = H - T S
Aspect expérimental
L’étude du diagramme P, T pour un corps pur permet d’identifier des régions où l’on ne trouvera : qu’une seule phase pure (vapeur, liquide, solide 1, solide
2, ...), des régions où coexistent deux phases en équilibre.
L’application de la règle de la variance (voir plus loin), permet d’obtenir des informations sur le nombre de paramètres qu’il faut connaître pour préciser chacune de ces régions.
G = H - T S
La règle des phases
u est la variance. C est le nombre de constituant : ici il n’y a qu’un seul
corps pur : C = 1. j est le nombre de phases. Le nombre 2 tient compte de T et de P. S’il y a deux phases, u = 1. Il n’y a qu’un seul
paramètre ajustable, de telle sorte que si P est fixé, T l’est aussi automatiquement et inversement.
Si trois phases coexistent, la variance est nulle et toutes les conditions de température et de pression sont déterminées par le système (point invariant).
= C + 2
G = H - T S
Diagramme de phase P = (T)
température
pres
sion
vapeur
liquidesolide A
solide B
vaporisation
sublimation
fusion
point critique
Points triples
G = H - T S
sont l’énergie molaire d’une substance pure dans les phases 1 et 2. Généralement, ces deux grandeurs sont différentes et la phase
dans laquelle la valeur de G est la plus élevée se transforme dans l’autre phase de valeur G plus petite.
Il existe cependant des points du plan P, T où il y a équilibre entre deux phases.
Supposons qu’un point (Po,To) appartienne à la région d’équilibre. Les valeurs de l’énergie libre dans chacune des deux phases en
équilibre sont égales :
G1 (T,P) et
G2 (T,P)
G1 (To,Po) =
G2 (To,Po)
Conditions d’équilibre entre deux phases
G = H - T S
Conditions d’équilibre entre deux phases
Supposons qu’il existe un tel point et qu’il soit situé sur une courbe d’équilibre, de telle sorte qu’il existe un point (Po+ DPo,To+ DTo) pour lequel l’équilibre existe aussi.
G1 (To,Po) =
G2 (To,Po)
Lorsque P et T varient : dG1 = - S1 dT + V1 dP
dG2 = - S2 dT + V2 dP
Donc, d(G1 - G2) = 0
dPdT =
¾S2 -
¾S1
¾V 2 -
¾V1
G = H - T S
Dépt. des sciences fond., 2008-04-09
Équation de CLAPEYRON
Le changement de phase, la transformation d’une phase 1 en une phase 2, est un processus réversible.
Donc, S2
S1 =
L1,2
T
L1,2 est la chaleur latente de changement de phase.
dPdT =
¾S2 -
¾S1
¾V 2 - ¾V1
Þ dPdT =
¾S2 -
¾S1
¾V2 -
¾V1
=
¾L1,2
T (¾V2 -
¾V1)
G = H - T S
Dépt. des sciences fond., 2008-04-09
La loi de KIRCHOFF
La courbe d’équilibre se déduit par intégration de l’équation de CLAPEYRON.
La chaleur latente de changement de phase varie avec la température :
Si DT est petit :
L1,2 (T) =
L1,2 (To) + C o
P (T To)
¾L1,2 (T) =
¾L1,2 (To) + õ
ôôó
To
T
¾DCo
P dT
G = H - T S
Cas de la sublimation ou de la vaporisation
V(phase condensée) << V(vapeur) :
C’est la formule d’YOUNG.
De plus, ¾V2 =
RTP
dPdT »
¾L1,2
T¾V2
Si l’on intègre cette équation sur un intervalle suffisamment petit : Ln P = -
¾L1,2
RT + C
dPdT =
¾L1,2
P
RT2 et dLnP
dT =
¾L1,2
RT2
G = H - T S
Formule de KIRCHHOFF-RANKINE
Si au contraire DT est grand, on ne peut plus ignorer la variation de la chaleur latente avec T :
C’est la formule de KIRCHHOFF-RANKINE pour la vaporisation de l’eau.
LnP = -
¾L1,2 - D
¾C
o P To
RT + D¾C
oP
R Ln T + C
G = H - T S
Chaleurs latentes On appelle chaleur latente la quantité d’énergie qu’il faut
fournir à une quantité de matière pour effecteur son changement de phase sans changement de température.
La chaleur latente molaire de fusion est donc la quantité d’énergie qu’il faut fournir à une mole d’un solide pour le transformer en liquide.
On distingue ainsi les chaleurs latentes de : fusion, vaporisation, sublimation,...
Lfus,
Lvap,
Lsub
Notons que les processus de liquéfaction et de solidification dégagent de l’énergie.
G = H - T S
Quelques chaleurs latentes H (kJ/mol)
Substances Tfus (K) Tébul (K) fusion vaporisation
N2
Ar CH4
Xe Cl2
C9H20
CCl4
H2O
C6H6
63 83 89
161 172 220 250 273 278
77 87
112 166 239 424 350 373 353
0,71 1,17 0,96 2,30 6,40 15,5 2,68 5,85 10,03
5,56 6,52 9,20
12,62 20,40 37,62 29,7 47,2 34,7
G = H - T S
Relations empiriques
Le rapport des températures absolues auxquelles deux liquides A et B ont la même pression de vapeur est approximativement constant quand P varie
Soient T'A et T'B les températures des composés A et B ayant la même pression de vapeur P' .
Soient T"A et T"B les températures des composés A et B ayant la même pression de vapeur P" :
T 'A
T 'B
= T"
A
T"B
G = H - T S
Entropie de vaporisation
Appliquons la loi d’YOUNG :
LA et LB sont les chaleurs de changement de phase (vaporisation).
T'A, T'B, les températures relatives aux composés A et B.
En appliquant la loi empirique :LA
T 'A =
LB
T 'B
Ln P'P" =
¾LA
R T "A èççæ
ø÷÷ö
1 - T"AT 'A
=
¾LB
R T "B èççæ
ø÷÷ö
1 - T"BT 'B
G = H - T S
La loi de TROUTON
L’entropie de vaporisation doit être la même ou approximativement la même pour de nombreuses substances.
Si P = 1 atm, l’entropie de vaporisation, au point d’ébullition normal, est voisine de 87,8 J·K-1·mol-1.
C’est la loi de TROUTON.
Constituant Svap (J·K 1·mol
1)
eau ammoniac hydrogène
hélium
108,7 97,0 44,3 22
G = H - T S
Les métaux et la loi de TROUTON
1 000 2 000 3 000KTempérature d’ébullition
Cha
leur
de
vapo
risa
tion
100
200
300
400kJ/mol
HgCd
ZnCa
Pb Mn
Ag Al
Be
SiNi
FeSn
Cr
Au
pente = 88 J/K
G = H - T S
Les composés organiques et la loi de TROUTON
Liquides Tébul (C)
Hvap (J/mol)
Svap (J/mol/K)
hélium azote
butane naphtalène méthane
éther diéthylique cyclohexane
benzène chloroforme ammoniac méthanol
268,9 252,7 1,5 218
161,4 34,6 80,7 80,1 61,5 33,4 64,7
100 5 560
22 260 40 460 9 270
25 980 30 080 30 760 29 500 23 260 35 270
24 72 82 82 83 84 85 87 88 97
104
G = H - T S
Considérations supplémentaires sur les diagrammes de phase
Au voisinage du point triple, l’application de la loi de HESS donne :
Lsub =
Lfus +
Lvap
Cas de la fusion :
Les courbes de fusion ont une pente verticale positive. L’eau et le bismuth constituent deux exceptions.
èçæ
ø÷ödP
dT fusion = Lfus
T (¾
Vliq - ¾
Vsol)
¾
Comme
¾Vliq »
¾Vsol , è
çæ
ø÷ödP
dT fusion ® ¥
G = H - T S
Tfus de la glace vs pression
Pression (atm)
1 571 1055 1490 1848
Tfus(ºC) 0 5 10 15 20
Éléments eau zinc argent or palladium platine
Tsub(ºC) 0,00 419,505 960,8 1063,0 1552 1769
Éléments standard pour la graduation des thermomètres
La température de fusion est peu influencée par la pression.
G = H - T S
Cas de la sublimation et de la vaporisation
Vliq et
Vsol <<
Vgaz
De la même manière,T
P
èçæ
ø÷ödP
dT sub =
¾Lsub
T (¾
Vgaz - ¾
Vsol) »
¾Lsub
T ¾
Vgaz
èçæ
ø÷ödP
dT vap =
¾Lsub
T (¾
Vgaz - ¾
Vliq) »
¾Lvap
T ¾
Vgaz
Comme Lsub >
Lvap
èçæ
ø÷ödP
dT sub > èçæ
ø÷ödP
dT vap
G = H - T S
Sublimation de la glace
Pression (mm de
Hg) 4,579 3,01 1,946 1,238 0,28 0,029
Tsub(ºC) 0 5 10 15 30 50
G = H - T S
Cas de la polymorphie
C’est la propriété que peuvent avoir des solides d’exister sous différentes formes cristallines.
Chaque changement de structure est appelé une transformation allotropique.
L’application de la règle des phases montre que la variance u est telle que :
u = C + 2 - = 1 + 2 - 2 = 1 Si la température est fixé, la pression l’est automatiquement Si la pression n’est pas un facteur à considérer, la
température est invariable et fixée par le système durant tout le temps du changement de phase.
G = H - T S
Transformations allotropiques de quelques composés
Composés Changement de phase T (C)
NH4NO3
tétragonal -rhombique -rhombique -rhombique -rhombique trigonal
trigonal cubique
17 32,1 84,2
125,2 AgI hexagonal cubique 146,5
Tl(NO3) 2 rhombique trigonal trigonal cubique
80 142,5
G = H - T S
Des points triples de l’eau
Point Phases en équilibre* T (ºC) P (atm)
B C E F D G H I J
I III I II V VI VI II I
III V II III VI VII VII VI II
liquide liquide
III V
liquide liquide
VIII IX IX
22,0 17,0 34,7 24,3 + 0,16 + 81,6 0
100 100
2 115 3 530 2 170 3 510 6 380 22 400 20 000 3 000 4 000
* Voir figures suivantes.
G = H - T S
T (°C)
Pre
ssio
n
vapeur
glace I
liquide
218 atm
point critique
374
4,6 mm de Hg
0,0098
liquide
I
II III
V
AB
C
D
E
F
-60 -30 0Température (°C)
4
8
12
Pression, 103 atm
Le diagramme P, T de l’eau
G = H - T S
Le diagramme P, T de l’eau
J
10
30
20
Pression (103 atm)
I
liquide
VII
VIII
IX II
IV¯
VI
V¯
¬ III
GH
DI
Température (°C) -120 -80 - 40 0 40 80
G = H - T S
Diagramme P,T du nitrate d’ammonium
Nitrate d’ammonium
l
VI
V III
IV a-rhombique II
rhombohédrique
I cubique
4000
8 000
12 000P
ress
ion
(kg/
cm2 )
-40 0 +40 80 120 160
Température (°C)
G = H - T S
Diagramme P, T du soufre
B (95,5 °C; 1 atm)
soufre ß,rhombique
liquide
gaz
soufre a,monoclinique
Température
Pre
ssio
n (é
chel
le lo
g.)
C (119,3 °C; 1 atm)
(114,5 °C; 1 atm) E
F (151 °C; 1288 atm)
A
D
G = H - T S
Cas des cristaux liquides
Ces phases sont en quelque sorte intermédiaires en la phase cristalline et la phase liquide puisqu’elles ont des propriétés qui appartiennent pour certaines à la phase liquide et pour d’autres à la phase solide.
solide liquide
températuretempérature
de fusiontempérature de transition
cristal liquide
• Cristal liquide :
• phase homogène, anisotrope,
• propriété de biréfringence.
G = H - T S
Quelques cristaux liquides
Température T (C) deConstituant
transition fusion
benzoate de cholestéryleazoxyanisoleazoxyphénol
acide p-méthoxycinnamique
145,5118,3134,5169
178,5135,9168,1185
A. Bruylants, J.C. Jungers et J. Verhulst, "Chimie généralethéorique", Dunod, Paris (1961).
G = H - T S
Dépt. des sciences fond., 2008-04-09
Divers cas de cristaux liquides Les propriétés résultent d’arrangements très particuliers des
molécules les unes par rapport aux autres. Dans un liquide ordinaire, les molécules sont orientées au hasard; nématique les molécules ont tendance à s’aligner selon leur grand
axe dans une direction privilégiée; smectique il y a une tendance à former des films de molécules
alignées dans une direction; cholestérique, les molécules sont alignées dans des plans (films)
parallèles dont les orientations successives se déplacent d’un angle constant.
G = H - T S
Les mélanges de composés énantiomères
Les énantiomères sont des paires d’isomères qui se ressemblent comme un objet et son image dans un miroir : ils ne sont pas superposables. Exemples :
D
C
H
ClBr
D
C
H
ClBrN
Br
Cl
H
N
Br
Cl
H
Cas du méthane trisubstitué ou tétrasubstitué, …
Cas de l’ammoniac di et trisubstitué, ...
G = H - T S
Quelques cas particuliers
À l’état solide, le cas le plus fréquemment observé est le mélange racémique : il est constitué de cristaux contenant chacun un mélange équimoléculaire de composés et de son image. Les deux composés sont présents dans la maille élémentaire.
Dans le conglomérat, chacun des deux énantiomères est insoluble dans la phase cristalline de l’autre (tartrate double d’ammonium et de sodium, PASTEUR, 1860).
Le mélange pseudoracémique correspond à une paire d’énantiomères solubles en toutes proportions l’un dans l’autre (camphre).
Il existe aussi des cas de solubilité partielle l’un dans l’autre.
G = H - T S
La supraconductivité
Plusieurs métaux montrent une résistance électrique qui décroît lentement avec la décroissance de la température.
Brutalement, à de faibles températures appelée températures critiques, cette résistance disparaît : cas de Hg à 4,20 K :
résistance du mercure(échelle arbitraire)
4,0 4,1 4,2 4,3 4,4 4,5 Température (K)
1
2
3
4
G = H - T S
Effet du champ magnétique sur la température critique
Élément Tcrit (K)Champ magnétique
critique (tesla)
Al 1,19 0,0099
Pb 7,18 0,0803
Hg 4,15 0,0411
Sn 3,72 0,0306
La supraconductivité n’apparaît qu’à basse température.
G = H - T S
Supraconductivité et champ magnétique
Cette température critique décroît lorsque le matériau est soumis à un champ magnétique croissant.
Bo(T) = Bo
1
T
TC
2
Bo
0
TC
État supra con-
ducteur
état normal
Champcritique
La zone de supraconductivité (zone située sous la demi-portion de
parabole) est très limitée.
G = H - T S
La théorie et la pratique En 1956, trois américains , BARDEEN, COOPER et J. R.
SCHRIEFFER (mieux connus sous l’acronyme BCS) proposent une explication théorique satisfaisante de la supraconductivité.
Cette théorie n’a aucune valeur prédictive. En 1954, B. MATTHIAS, découvre qu’un alliage de formule
Nb3Sn montre une température critique d’apparition de la supraconductivité de 18,5 K.
Il étudie un vaste programme d’étude des alliages. Il montre que plusieurs de ceux-ci dont la valence se situe autour de 5 sont supraconducteurs : le meilleur d’entre eux, Nb3(Al2Ge) est supraconducteur à 21 K.
G = H - T S
Divers alliages étudiés par MATTHIAS
5
10
15
20TC Alliages
divers
*
*
***
*
** ***
* **
**
*
**
* **
****
*
*
La région hachurée représente 50
mesures expérimentales.
2 3 4 5 6 7Valence des composés étudiés
G = H - T S Progression récente des
températures critiques observées
Année Composés Tcrit (K)
1971 PbMo6S8 14,4
1986 La1,8Sr0,2CuO4 38
1987 Yba2Cu3O7 93
1988 (Bi ou Pb)2Sr2Ca2Cu3O10 110
1991 Tl1,6Ba2Ca2Cu3O10 128
1993 HgBa2Ca2Cu3O8 138
note : << 1
G = H - T S
Conclusion
Les corps purs peuvent exister sous la forme de diverses phases solides, sous la forme liquide et sous la forme gazeuse.
Chaque région du diagramme P, T est séparée par des courbes de changement de phase qui ont la particularité de se rejoindre trois par trois en un point triple invariant.
Les formules d’YOUNG et de KIRCHOFF-RANKINE sont des exemples d’équation de ces courbes.
G = H - T S
Un corps pur solide peut exister sous différentes formes (cas de la polymorphie).
Certains de ces solides présentent des propriétés particulières de supraconductivité à basse température.
Rappel : d’autres ont des propriétés magnétiques,... Finalement, dans des cas particuliers, la courbe de fusion
laisse place à des phénomènes caractérisés par des cristaux liquides, formes condensées intermédiaires entre la forme solide et la forme liquide.
Conclusion