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FRANCE Justice des mineurs : le pire n’est jamais sûr • Hôpital public : vers une crise sanitaire N°513 • samedi 10 janvier 2009 • 1,5€ DÉMOCRATIE EN DANGER Israël - palestine : la position du PS, p.8 I NTERNATIONAL Conflit Israëlo-Palestinien : communiqué du PS PORTRAIT Ivan Barnay

hebdo des socialistes janvier

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hebdo des socialistes janvier

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FRANCE ■ Justice des mineurs : le pire n’est jamais sûr • Hôpital public : vers une crise sanitaire

N°513 • samedi 10 janvier 2009 • 1,5€

DÉMOCRATIEEN

DANGER

Israël - palestine :la position du PS, p.8

■ INTERNATIONAL ■ Conflit Israëlo-Palestinien : communiqué du PS ■ PORTRAIT ■ Ivan Barnay

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L’HEBDO DES SOCIALISTES ■ 10 JANVIER 2009

L’hebdo des socialistes•10, rue de Solférino 75333 Paris Cedex 07 • Tél. : 01 45 56 78 61•Fax: 01 45 56 76 83(Pour obtenir vos correspondants, composez d’abord le 01 45 56 ou écrire à : [email protected]) DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Maurice Braud• RÉDACTRICE EN CHEF: Ariane Gil (78.61) • RÉDACTION: Bruno Tranchant (77.33). Damien Ranger (76.37), Ariane Vincent (76.20), Fanny Costes (76.32).

• SECRÉTAIRE DE RÉDACTION: Élisabeth Philippe (76.27) • MAQUETTE: Pascale Lecomte (79.44) et Joëlle Moreau (77.16) • PHOTO : Philippe Grangeaud (76.00).PHOTO DE COUVERTURE : AFP/DR • SECRÉTARIAT: Odile Fée (78.61) • COMPTABILITÉ : Michèle Boucher (79.04) • ABONNEMENT : Sabine Sebah (78-57)

• FLASHAGE ET IMPRESSION : PGE (94) Saint-Mandé • ROUTAGE: Inter Routage - 93300 Aubervilliers.N° commission paritaire : 0109 P 11 223 “L’hebdo des socialistes” est édité par Solfé Communications. Ce numéro a été tiré à 243 137 exemplaires.

Les rendez-vous ■ DU PARTI

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aGenDa Du ParTi■ Mercredi 14 janvierVœux à la presse à 11 h,« la Bellevilloise »,19/21 rue Boyer, Paris XXème

■ dimanche 1er févrierRéunion des secrétaires desection à La Mutualité,Paris, de 9 à 17 h

Dans le cadre des rencontres du secteur entreprises et à l'occasiondu week-end de la réunion nationale des secrétaires de section,Guillaume Bachelay, secrétaire national à la politique industrielle,auxentrepriseset auxNTIC,etPierre-AlainWeilldéléguénationalaux PME vous invitent à une réunion débat sur le thème:

LES PME FACE À LA CRISE

Les intervenants :– Guillaume Bachelay (SN)– Serge Bardy (conseillé régional pays de la Loire,commission action économique)

– Pierre-AlainWeill (DN)– Laurent Blaizac et les membres du GSE PME/commerces

Le vendredi 30 janvier 2009 à 18 h 3010 rue de Solferino 75007-Salle jean Popren

Inscription obligatoire : 01 45 56 78 86 ou à [email protected]

RENCONTRES SECTEUR ENTREPRISES

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■ ÉDITO

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Observons la petite mécanique sécuritaire conscien-cieusement mise en place par Nicolas Sarkozy enquelques mois : après la tentative de mettre en placeun fichier de police (EDVIGE) particulièrement intru-sif, la création de la rétention de sûreté pour suspi-cion de dangerosité éternelle, l’interpellation mus-clée d’un journaliste au petit matin, les perquisitionsde plusieurs rédactions, viendrait maintenant la sup-pression du juge d’instruction.Attention : ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est lavision de la République elle-même. Les réponses sécu-ritaires de la droite sont souvent inefficaces, maissurtout condamnables. Parce qu’elles en appellenttoujours à l’émotion plutôt qu’à la raison, parcequ’elles construisent une société de la peur de l’autreplutôt que du destin partagé, elles menacent grave-ment notre pacte républicain en n’offrant plus àchaque individu, quels que soient son origine, sonsexe ou son histoire, une égalité de devenir et unejuste place dans notre société.Aujourd’hui, Nicolas Sarkozy entend donner un tourde vis supplémentaire en s’attaquant aussi aux insti-tutions.La mise sous tutelle de la télévision publique, sonétranglement financier, indiquent clairement lanature des rapports que le pouvoir veut entreteniravec la presse et les médias.Dernier épisode en date en ce début 2009 : la volontéde couper la voix de l’opposition parlementaire, enlimitant son temps de parole et en éradiquant sondroit d’amendement.Face à ces attaques systématiques, face aux régres-sions spectaculaires auxquelles nous assistons, lamobilisation pour la préservation et la promotiondes libertés sera désormais l’une de nos principalespriorités.

Coup de froid sur les libertés

Actualités FranceJustice des mineurs : le pire n’est jamais sûr p.6Hôpital public : vers une crise sanitaire p.7InternationalConflit israëlo-palestinien : la position du PS p.8DossierMenaces sur les libertés publiques p.10PortraitIvan Barnay p.28

■ sommaire

Marie-Pierrede la Gontrie,Secrétaire nationalechargée des libertéspubliques

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Actualités ■ FRANCE

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LogementLe mensongede la loi Dalo

L 'article4de la loi sur ledroit aulogement opposable (Dalo)

est impossible à respecter, fauted'un dispositif à la hauteur, selonun document interne du Samusocial de Paris, révèle le quotidienLibération, le 6 janvier. Cet articleissu d'un amendement dudéputé socialiste Jean-Yves LeBouillonnec,et voté à l'unanimitéenmars 2007, estime que «toutepersonne accueillie dans unestructure d'hébergement d'ur-gence doit pouvoir y demeurer,dès qu'elle le souhaite, jusqu'à cequ'une orientation lui soit propo-sée». Inapplicable car il n'y a passuffisamment de places dites destabilisation. Les sans abris sontdonc voués à errer de centre d'ur-gence en centre d'urgence.

SantéLes complémentairesaugmentent

Les tarifs des complémen-taires santé ont augmenté

au 1er janvier. Car le gouverne-ment a fait voter dans la loi definancement de la sécuritésociale pour 2009, l'augmenta-

tion de la taxe sur les complé-mentaires, versée au fonds definancement de la CMU. Unehausse censée permettre deréduire la participation del'Assurance Maladie au finan-cement de ce fonds, mais dontle coût est directement réper-cuté sur les usagers. «Au-delàde cette augmentation, le Partisocialiste déplore toute la stra-tégie du gouvernement consis-tant à faire participer davan-tage les cotisations des com-plémentaires santé au finance-ment des dépenses de santé,au détriment de l'AssuranceMaladie et donc de la solidariténationale. »

MobilisationLe 29 janvier,ensemble pour ladéfense des salariés

L 'ensemble des syndicats fran-çais est tombé d'accord le

5 janvier sur une plateforme

revendicative commune pour lajournée de grèves et demanifes-tations qu'il organise le 29jan-vier. Une intersyndicale pour cla-mer le refus des salariés d'être« les premières victimes» de lacrise.Ils exigent notamment que lesaides publiques soient « condi-tionnées » à la préservation del'emploi et des salaires. Et récla-ment, au niveau de l'État et del'Union européenne, une poli-tique « coordonnée favorisantune relance économique» :relance par la consommation,politique de développement delogement social, investissementsciblés dans les infrastructures,équipements et services publics.

DémocratieCensure desstatistiques publiques

D epuis plusieurs mois, legouvernement bloque la

publication de statistiquesimportantes dans le domaine del'éducation, notamment L'Étatde l'école. Ou encore du rapportsur l'impact du Crédit ImpôtRecherche (CIR), bloqué depuisdécembre 2007. « En plein mou-vement dans les établissementsscolaires et universitaires, lepouvoir craint sans doute quene soient diffusés des chiffresqui contredisent ceux qu'ildonne,et sur lesquels il fonde sapolitique qui saccage notre sys-tème de formation », souligne lePS qui demande le respect del'indépendance des services sta-tistiques.

Page réalisée par Fanny Costes

53% des patrons de PME et de TPE se disent pessimistespour les perspectives à un an de leur entreprise, selon unsondage TNS-Sofres. Une dégradation qui se reflète parti-culièrement dans la situation du carnet de commande de l'entreprise : lespatrons de PME étaient 70% à la juger satisfaisante en mai dernier, ils nesont plus que 53% – soit un niveau similaire à celui observé dans les TPE.

53Le cHiFFre

AFP/Pius-UtomiEkpei

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EN IMAGE ■ Actualités

La démocratie gagne au GhanaL’élection présidentielle qui s’est tenue au Ghana fin décembre a été applaudiedans le monde entier. Les résultats définitifs, rendus publics le 4 janvier, ontconsacré la victoire du candidat de l’opposition John Atta-Mills. Représentant duCongrès national démocratique (NDC) – parti affilié à l’internationale socialiste–,il a battu le candidat du pouvoir Nana Akufo-Addo, en rassemblant 50,23% desvoix. Et a pris ses fonctions le 7 janvier. Outre la victoire de la gauche, le calmede l’élection et la participation de 72,91% ont démontré que ce pays du conti-nent africain avait épousé la démocratie.

L’imaGe De La semaineAFP/Pius-UtomiEkpei

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Actualités ■ FRANCE

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D urant sept mois, nousavons été membres dela commission Varinard

dont le but est de réformer l’or-donnance de 1945. Cela n’étaitpas sans risque car la révisionde la justice des mineurs,annoncée par Rachida Dati,s’inscrit dans un contexte idéo-logique marqué par le toutsécuritaire. Dès lors, la crainteétait de cautionner une poli-tique ultra-répressive à laquellenous n’adhérons pas.Nous nous élevons fortementcontre deux points :– La fixation à 12 ans de l’âgede la responsabilité pénaleest une mauvaise idée : encas de crime, il deviendraitpossible d’incarcérer unmineur à partir de 12 ans etnon plus 13. Certains rétor-queront que cela ne toucheraqu’une vingtaine de cas paran et que la commissionVarinard a recommandé vive-ment l’interdiction de l’empri-sonnement avant 14 ans pourles délits alors qu’il est actuel-lement possible. L’effet affi-ché est désastreux : une telle

mesure serait défavorableaux victimes qui se retrouve-raient privées d’enquêtepénale, puisque l’irresponsa-bilité est absolue pour lesmoins de 12 ans.– La création d’un tribunalcorrectionnel spécial compé-tent pour juger les dossiersmixtes (mettant en causemajeurs jusqu’à 19 ans et

mineurs de 16 à 18 ans) : celaest non seulement contraireau principe de spécificité de lajustice desmineurs,mais éga-lement irréalisable en raisondes moyens en personnels etlogistiques nécessaires.Hormis ces deux importantesréserves, le texte fait des pro-positions qui nous paraissentà ce jour raisonnables et effi-caces, notamment eu égard àla formulation des principesdirecteurs de la justice pénaledes mineurs :- La majorité pénale a étéfixée à 18 ans alors même quecertains demandaient 16 ans.- Le principe de la primauté del’éducatif sur le répressif a étémaintenu et, en ce sens, lafinalité éducative de touteréponse pénale à l’encontredu mineur est réaffirméeainsi que le caractère subsi-diaire de la peine.–Une graduation desmesuresapplicables est arrêtée.– La rapidité de la réponsepénale est encouragée.Le travail accompli par la com-mission sera-t-il effective-ment pris en compte pour larédaction d’un projet de loi àvenir, à moins que celui-ci nesoit déjà rédigé depuis long-temps !

Jean-Claude Peyronnet,sénateur de la Haute-Vienne etDominique Raimbourg, député

de Loire-Atlantique

La commission Varinard était chargée de réformerl’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs.Dominique Raimbourg, député PS de Loire-Atlantique,et Jean-Claude Peyronnet, sénateur socialiste de laHaute-Vienne, tous deux membres de cette commission,reviennent sur ce texte et expriment leur crainte dele voir instrumentalisé par la garde des Sceaux, acquiseau tout-sécuritaire et à l’ultra-répressif.

Justice des mineurs :le pire n’est jamais sûr

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Comment qualifieriez-vous lasituation de l'hôpital public, auregard des récents évènements?Les dernières semaines ont étémarquées par plusieurs événe-ments dramatiques à l’hôpital,sur lesquels nous avons réagirégulièrement, par un soutienaux familles et aux personnelsconcernés, la demande d’en-quêtes visant à établir toute lalumière sur ces drames, l’exi-gence d’une concertation de laministre avec les acteurs de lasanté. Nous ne devons pas ins-trumentaliser de tels dramesmais refusons tout autant quela ministre fasse porter la res-ponsabilité de ces événementsà des seules fautes indivi-duelles ou problèmes organisa-

tionnels, avant même deconnaître les résultats desenquêtes et en faisant commesi tout allait très bien dans lemeilleur des mondes. Les pro-blèmes ne datent malheureu-sement pas d’aujourd’hui.L’hôpital public vit une criseprofonde et le gouvernementprend le risque d’ajouter unecrise sanitaire à la crise écono-mique et sociale.

Quelle est la responsabilité de ladroite ?La crise de l’hôpital public est laconséquence de ses choix poli-tiques depuis 6 ans. En 2009,l’hôpital va finir l’annéecomme en 2008, avec un défi-cit deprèsd’unmilliardd’euros.

20000 emplois hospitalierssont menacés. La droite sembles’étonner des problèmes depermanence des soins alorsque c’est elle qui a supprimé lesobligations des médecins en lamatière avec la réforme Matteide 2003. Et le projet de loiBachelot va aggraver la situa-tion de l’hôpital. Il présente lerisquemajeur de dérive vers unhôpital « entreprise ».

Que faudrait-il faire pour amé-liorer cette situation ?Nous exigeons le retrait de ceprojet de loi et un dialogue réelavec les professionnels. Nousprendronsnous-mêmes l’initia-tive d’une concertation avectous les acteurs soucieux del’avenir de l’hôpital public etproposerons un plan de sauve-gardede l’hôpital.Des solutionsde gauche existent tant enmatière de financement (res-sources de la sécurité sociale,plan d’apurement de la dettedes hôpitaux, système de tarifi-cation tenant compte des mis-sions de service public…) qued’organisation de l’hôpital(démocratie sociale et locale,droits des malades, formationcontinue et reconnaissance dutravail des professionnels…)pour préserver cet outil si pré-cieux pour l’égal accès auxsoins dans notre pays.

Propos recueillis parFanny Costes

Une série de décès a relancé la polémique surles moyens de l’hôpital public.Manque de place,de personnel, les problèmes sont réels. Et commele rappelleMireille Le Corre, secrétaire nationaledu PS à la santé et à la sécurité sociale, les

mesures de réorganisation proposées par la droite vontdans le sens de la privatisation.Alors que l’exigence estd’assurer l’accès aux soins pour tous.

Hôpital public :vers une crise sanitaire

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Actualités ■ INTERNATIONAL

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L e Parti socialiste a tou-jours poursuivi une poli-tique pour une paix

durable au Proche-Orient fon-dée sur la création d’un Étatpalestinien viable et l’assu-rance de la sécurité pourl’État d’Israël, deux États quicoexistent et se reconnais-sent mutuellement.C’est au regard de cet objectifque le Parti Socialiste considèrequ’il n’existe pas de solutionmilitaire à cette situation maisseulement une solution poli-tique. Il condamne aujourd’huifermement l’intervention ter-restre israélienne en réponseaux tirs de roquettes du

Hamas sur le Sud d’Israël qu’ila toujours condamnés.Aujourd’hui, l’offensive mili-taire continue et fait des cen-taines de morts et de blessésdans la population civile àGaza, qui connaît une situa-tion humanitaire effroyable.Cette escalade de violencemet en danger toute larégion, et, au-delà, peut avoirdes répercussions jusquedans notre pays.Le Parti socialiste exige un ces-sez-le-feu immédiat, un cou-loir humanitaire, le retrait destroupes israéliennes hors deGaza, l’arrêt des tirs deroquette sur Israël et l’installa-

tion d’une force internationalede protection. Les socialistesdemandent au Président de laRépublique et au gouverne-ment français de porter auConseil de Sécurité de l’ONUde manière coordonnée avecl’Europe, l’exigence d’une réso-lution contraignante pour lesdeux parties sous peine desanctions.Le Parti socialiste considèreque c’est toute la commu-nauté internationale qui doitse mobiliser pour aider lesprotagonistes à trouver unesolution de paix durable dansla région.Au-delà, le Parti Socialiste sou-haite que l’action diploma-tique de la France puisse sedévelopper dans le cadreeuropéen et travailler avec lanouvelle administration amé-ricaine pour trouver ensembleune solution internationalepérenne au Proche-Orient.Le Parti Socialiste proposeune réunion exceptionnelledu Parti socialiste européen(PSE) pour aboutir à une posi-tion commune des socialistesdans toute l’Europe.

Le Parti socialiste, depuis toujours, vise à la fois l’existence d’un état palestinienviable et la sécurité d’Israël. Aujourd’hui, la situation au Proche-Orient remet encause cet objectif et appelle une position franche du PS. Voici en intégralitéle communiqué de presse issu du bureau national du 6 janvier.

Conflit israëlo-palestinien :la position du PS

Le secrétaire général de la ligue arabe Amr Moussa rencontre le 5 janvier, à New York au siège del’ONU, le ministre des affaires étrangères de l’autorité palestinienne, sur la situation à Gaza.AF

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ÉthiopieLes ONG étrangèresne sont pasles bienvenues

Le Parlement éthiopien aadopté le 6 janvier une loi

restreignant les activités desONG étrangères. En vertu decette loi, toute organisationétrangère ou qui tire plus de10% de ses financements desource étrangère ne peut pluss'occuper de problèmes eth-niques, des droits de la femme,des droits des enfants et derèglement des conflits. Le butofficiel est d'améliorer la trans-parence des activités des ONGet de mieux défendre les droitset les intérêts des citoyenséthiopiens. Difficile à croirequand on sait que l'Éthiopie, oùprès de 40% de la populationvit en dessous du seuil de pau-vreté, est l'un des pays quireçoit le plus d'aide internatio-nale au monde.

Zimbabwe1732 morts du choléra

D 'épidémie de choléra conti-nue de tuer au Zimbabwe.

Alors qu'aucune issue n'a pourl'instant été trouvée face à lacrise politique, que l'inflation aatteint 231000000% sur l'an-née, la population vit dans desconditions déplorables. Selon ledernier bilan publié par lebureau de coordination desaffaires humanitaires de l'ONU,le choléra a fait au moins1732victimes depuis août 2007.

Et le scénario catastrophe se rap-proche: 60000 personnes pour-raient être atteintes dans lesmois à venir.

ChiliUn plan de relanceambitieux

Le Chili va engager un plan derelance de 4 milliards de dol-

lars, soit 2,8% de son produitintérieur brut, afin de pallier leseffets de la crise financière inter-nationale. LaPrésidente socialisteMichelle Bachelet a notammentannoncé de grands travaux d'in-frastructures avec une augmen-tation de 700 millions de dollarsde l'investissement public.Ce quipermettrait de créer près de100000 emplois directs et indi-rects à travers un programme demodernisation des routes et desprojets d'urbanisation. À partirde mars, une enveloppe men-suelle de 40000 pesos (63 dol-lars) en faveur de quelque

1700familles très défavoriséessera également attribuée. LeChili a été durement touché parla crise internationale avec lachute du cours du cuivre, métaldont il est le premier producteurmondial et qui représente 45%de ses exportations.

Inde/PakistanDes tensionsencore ravivées

D epuis les attentats deBombay fin novembre

2008, l'Inde et le Pakistanmènent une guerre des nerfs etdes communiqués officiels. Le 6janvier, le Premierministre indienManmohan Singh a notammentestimé avoir trouvé «suffisam-ment de preuves montrant que,vu la sophistication et la précisionmilitairedesattaquesdeBombay,elles avaient forcément reçu lesoutien de certaines agences offi-cielles au Pakistan ». Des accusa-tions qui ont provoqué l'ire de sonvoisin qui évoque une «offensivepropagandiste» menée contrelui.Toutefois, parler de risque deconflit n'est pas d'actualité,selon les experts.

Page réalisée par Fanny Costes

C’est le chiffre avancé dugigantesque plan derelance décidé parBarack Obama. Sansattendre son investiture,le 20 janvier prochain, leprésident élu s’est d’ores et déjà installé à Washington et défend son planauprès des élus du congrès. Ce plan, correspondant à 6,6% du PIB desÉtats-Unis, loin d’être approuvé par les républicaines, constitue pour lenouveau président démocrate le seul moyen « d’inverser » la tendance.

1 000 milliardsde dollars

Le cHiFFre

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Dossier � LIBERTÉS COLLECTIVES

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Dernier écran de fumée en date pour masquer l’ineffi-cacité de la politique économique et l’absence de poli-tique sociale de Nicolas Sarkozy : la suppression du juged’instruction.Mais au-delà du contexte, il y a le fait. Exitle juge d’instruction indépendant, l’ensemble desenquêtes judiciaires sera donc confié à un magistrat duparquet dépendant duministère de la Justice … donc dupouvoir. Ce changement sémantique fait évidemmentcraindre un renforcement de la mainmise du présidentde la République sur les enquêtes les plus sensibles. Et iln’est que le dernier témoignage d’une régressionconstante et lourde, et notamment depuis quelquesmois, des libertés publiques. Libertés individuelles biensûr, avec la tentation de créer un fichier Edvige,de géné-raliser les tests ADN, de restreindre au maximum lesdroits des immigrés, des délinquants, des détenus,maisaussi les libertés collectives. Peu à peu, Nicolas Sarkozy,plus omniprésident que jamais, cannibalise les contre-pouvoirs que sont la presse et la justice, dont l’indépen-dance est de plus en plus virtuelle, et tente de muselerl’opposition politique en affaiblissant ses moyens d’ac-tion. Sous les coups répétés de Nicolas Sarkozy, ladémocratie vacille. C’est l’objet de cet hebdo que dedénoncer les faits et d’alerter les militants, et par làl’opinion publique, sur les dangers qu’ils font peser surla République.

Ariane Gil

SommaireGrand témoin : Jean-Pierre Dubois, président de la Liguedes droits de l’homme : « De moins en moins de garan-ties contre les excès du pouvoir » p.12 à 14

Enquête : Comment Nicolas Sarkozy a mis la presse soussa coupe p.14 à 17

Analyse : les dysfonctionnements de la justice traduisentla fin de son indépendance p18 à 21

Interview : Jean-Pierre Bel et Jean-Marc Ayrault réagis-sent aux restrictions de pouvoirs de l’opposition parle-mentaire imposées par le pouvoir p.22 à 25

LIBERTÉS, SARKOZY DLIBERTÉS, SARKOZY D

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ZY DÉTRUIT VOTRE NOMZY DÉTRUIT VOTRE NOM

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Dossier � LIBERTÉS PUBLIQUES

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Les libertés semblent de plus en plusmenacées depuis quelques années. Qu’enest-il exactement ?Ce sentiment correspond à une réalité.Effectivement, il y a une régressionconstante des libertés publiques, maiselle est ancienne. Dès la fin des années1970, les lois Peyrefitte sur la sécurité etla liberté instauraient cet état. C’était ledébut de la crise sociale, et le pouvoir n’arien trouvé d’autre que la réponse sécuri-taire pour résoudre les problèmes des« classes dangereuses ».La gauche a ensuite abrogé l’essentiel decett loi, mais l’offensive sécuritaire arepris en 1986 avec Jacques Chirac etCharles Pasqua, quand la crise sociales’est aggravée.Par la suite, chaque fois que la gauche a

retrouvé le pouvoir elle n’est jamaisentièrement revenue sur les offensivessécuritaires qui avaient restreint leslibertés, d’où une dérive profonde sur lelong terme, au point que si nous reve-nions à l’état de la législation aumoment de l’élection de GeorgesPompidou nous aurions l’impression quel’extrême gauche aurait triomphé surbien des points essentiels.Pourtant le terrorisme était plus mena-çant à l’époque. Il y avait aussi plus decrimes de sang il y a une centaine d’an-nées que maintenant. Et pourtant… Toutcela sert de prétexte et entretient unecertaine psychose pour justifier unedominante sécuritaire. Finalement, noussommes deux fois perdants : sur le plansocial et par la régression de nos libertés.

Comment cela se traduit-il ?Lorsque j’étais étudiant en droit, lesgardes à vue étaient de 24h, 48h quandelles étaient prolongées. Aujourd’hui,selon les infractions, on peut se retrou-ver durant quatre jours ou même davan-tage cuisiné par la police et sans la moin-dre assistance. Il y a une régression dupouvoir des juges du siège par rapportau Parquet et du Parquet sur la police.Celle-ci fait de surcroît l’objet depuis2002, sous l’impulsion de NicolasSarkozy, d’un emploi quasiment milita-risé dans les quartiers pauvres, la policede proximité ayant été démantelée auprofit de ce qui va parfois jusqu’à de véri-tables opérations « commando ». On esttrès loin de ce que devrait être un emploi

« DE MOINS EN MOINS DE GACONTRE LESEXCÈS DU POUVOIR »Augmentation du nombre de gardes à vue,fichiers, descentes de police,mise sous silencede la presse et mise au pas de la justice et desparlementaires, Jean-Pierre Dubois,président de la Ligue des droits de l’homme,revient sur les atteintes aux libertéset aux contre-pouvoirs qui se développentsous la présidence Sarkozy.

ON VOIT SEDÉVELOPPER DESCOMPORTEMENTSTRÈS INQUIÉTANTS,DIGNES D’UN RÉGIMEAUTORITAIRE »«

Hugen/AFP

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républicain de la police, et la dégradationdu rapport entre celle-ci et les citoyensest considérable.Ce qui frappe l’opinion est qu’aujourd’hui,cela touche un public moins restreint. Onl’a vu avec l’affaire Vittorio de Filippis. Deplus en plus de gens se disent que toutest possible. On voit se développer descomportements très inquiétants, incom-patibles avec un État de droit. Il sera trèsdifficile de revenir en arrière. Aujourd’hui,quand on entre dans un commissariat,nous n’avons plus de garantie, plus la cer-titude, que nos droits seront respectés.Cela dépend du caractère du policier quevous avez en face de vous. Or, dans unedémocratie, la garantie des droits ne doitpas dépendre de la conception subjectiveque chaque policier ou gendarme se faitdes limites de ses pouvoirs.

Le pouvoir judiciaire est également mis aupas…Sarkozy s’est senti obligé de réagir par rap-

port à l’affaire De Filippis en demandantque « La procédure pénale respecte ladignité des personnes » : terrible aveu dece à quoi ont mené les « lois Sarkozy ».Sarkozy voudrait se servir de cette affairepour supprimer les juges d’instruction etconfier leurs pouvoirs au Parquet, lequelest non seulement toujours hiérarchisémais, depuis 2007, brutalement repris enmain par le pouvoir. On répondrait donc àun abus sécuritaire en remplaçant un jugeindépendant par un magistrat dépen-dant… Rappelons que Rachida Dati a toutdemême réuni en septembre 2007 les pro-cureurs pour leur dire « vous n’êtes pas làpour appliquer la loimais pour appliquer lapolitique du président élu à 53% ». Pourune ancienne magistrate, elle a compressédes données. Cela dit, sur le fond le sys-tème français est indéfendable : soit leParquet reste hiérarchisé mais il doit alorsêtre franchement séparé du Siège, soit –mais cela ouvrirait un risque de définitioncorporatiste de la politique pénale il

DE GARANTIES

Jean-Pierre Dubois estprésident de la Liguedes droits de l’hommefrançaise depuis le 5 juin2005, succédantà Michel Tubiana.Professeur de droit publicà l’Université de Paris XI,il a pour thèmesde prédilection la laïcitéet la mondialisation.

Hugen/AFP

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Dossier � LIBERTÉS PUBLIQUES

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devrait devenir indépendant duGouvernement.Bref,des réformes s’impo-sent, mais à l’opposé des actes et desintentions du pouvoir actuel.

La France est aujourd’hui 35e dans le clas-sement de reporters sans frontières sur laliberté de la presse. Comment a-t-on puen arriver là ?Si on passe les problèmes économiquesrencontrés et le phénomène de concen-tration, nous pouvons dénoncer la proxi-mité qui existe entre le pouvoir politiqueet les grands intérêts des entreprises quipossèdent les titres.Avec Chirac, c’était l’orientation politiquequi rapprochait les uns des autres, avecSarkozy, c’est directement la vie privée. Ilappelle Arnaud Lagardère son « frère »,et Bouygues a des liens particuliers etprivilégiés avec la famille Sarkozy… À unmoment donné, il est insupportable devoir se télescoper ainsi trois univers : lapolitique, l’entreprise et les médias. Onen arrive ainsi à ce que la publication deCécilia et de son amant débouche surl’éviction d’Alain Genestar, directeur de larédaction de Paris-Match, sur un simplecoup de fil du mari outragé à son amiactionnaire majoritaire Lagardère MêmeBush n’aurait pas osé le faire. Les amitiésindustrielles de Sarkozy se mélangentavec ses amitiés médiatiques, cela a uncôté très « Second Empire ».

L’opposition parlementaire est elle aussibâillonnée…L’an dernier, nous avons connu la plusgrande révision constitutionnelle depuis1962. Au vu des débats et de la réforme,le « Comité Balladur » avait proposé quesoit inscrite dans la Constitution la réa-lité du présidentialisme, mais NicolasSarkozy s’y est opposé… alors que jamaisun Président ne s’est autant mêlé detout dans l’action gouvernementale. Ensix mois, « l’hyperprésident » a réussi à

faire tomber dans une trappe toutes lesinstitutions : le Premier Ministre est fan-tomatique ; le Parlement s’essouffle,maugrée puis entérine ; les juges sontmis sous pression. Quant à l’augmenta-tion des pouvoirs du Parlement prévuepar la révision constitutionnelle, elle asurtout transféré du pouvoir de FrançoisFillon à Jean-François Copé (président dugroupe UMP à l’Assemblée nationalendlr). Une rivalité interne ne remplacepas un contre-pouvoir.Or l’équilibre essentiel en démocratie estmoins entre législatif et exécutif qu’en-tre le bloc gouvernement/majorité etl’opposition.Prenons l’exemple de l’Allemagne. Là-basle Parlement est un vrai contre-pouvoir,une commission d’enquête sur le gou-vernement peut être déclenchée parl’opposition. Les juges duTribunal consti-tutionnel fédéral y sont désignés par leParlement à une majorité qualifiée quiinterdit que la majorité puisse déciderseule – alors que les membres du Conseilconstitutionnel sont aujourd’hui dési-gnés par Messieurs Sarkozy, Accoyer etLarcher… Il y a bien dans la révision desavancées pour le Parlement,mais ils sontmenacés par les lois organiques en pré-paration, en particulier quant au droitd’amendement des parlementaires, cequi là encore restreint les droits de l’op-position.Globalement, nous notons une diminu-tion des garanties contre les excès depouvoir. On ne passe pas de la démocra-tie à la dictature d’un seul coup, on nepasse pas du blanc au noir instantané-ment, il y a des dégradés de gris. C’estcela qu’il faut arrêter dès que possible.

Propos recueillis par Stéphanie Platat

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Dans une France merveilleuse,la presse serait un piliersolide de la démocratie. Unpouvoir qui viendrait équili-brer les autres pouvoirs, poli-

tique et judiciaire. Mais nous sommes àSarkoland. Un pays où le président choi-sit ses intervieweurs, un pays où lagarde des Sceaux ne porte pas de bagueChaumet à 15 600 euros. Un paysaujourd’hui classé à la 35e place dans lerapport annuel de Reporters sans fron-tières, alors qu’il occupait encore le11e rang en 2002.

Il y a d’abord eu Alain Genestar, qui pouravoir publié les photos de CéciliaSarkozy en compagnie de son amantRichard Attias dans Paris Match a perdula direction de l’hebdomadaire. Puis lenon-vote de Cécilia que le Journal duDimanche a préféré taire après avoirreçu quelques coups de téléphone insis-tant sur le caractère privé de l’informa-tion. Puis le limogeage de JacquesEspérandieu patron de la rédaction duJDD, après la publication d’une inter-view « peu aimable » de François Fillon,et la non-publication d’un sondage

DÉLIT D’INFORMERAvec les journalistes,Nicolas Sarkozymanie la carotte et le bâton.Il engueule, il menace, il minaude, il conseille, il séduit… parfois lesmêmes ! Quelques-uns - trop peu - lui résistent.Un autre outil luipermet aujourd’hui de restreindre l’indépendance de la presse, parle biais, dans un premier temps,de la télévision publique : l’étranglerfinancièrement et intervenir sur les contenus éditoriaux. Enquête.

Auto-censure.Le Figaroefface labague deRachidaDati enUne. Pourne pasrelancer lapolémiquesur lesgoûts deluxe de laministre?

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favorable à Sarkozy. On pourrait ajouterla tentative de transformer l’AFP enagence de presse gouvernementale for-cée de publier les communiqués del’UMP. La voix de son maître…

Bilan inquiétant« Nous avons noté une augmentationdu nombre de nos communicationsfaites sur la France, explique Elsa Vidal,responsable de la zone Europe pourReporters sans frontières, c’est sympto-matique des rapports tendus entre lepouvoir judiciaire et politique et les jour-nalistes. » Augmentation des perquisi-tions, des convocations,des gardes à vueet des mises en examen, depuis 2006, laFrance détient le record européen ennombre d’interventions policières oujudiciaires, avec cinq perquisitions,4 mises en examen et six convocationsde journalistes. Pour 2008, le bilan chif-fré fait état de 5 journalistes interpellés.La réforme de l’audiovisuel public vientnoircir ce bilan déjà inquiétant de lasituation de la presse en France.Cette loisent le retour à l’ORTF avec la nomina-tion et la révocation des présidents de

l’audiovisuel public par le président him-self, et le financement des chaînespresque exclusivement assuré par l’État.En moins d’un an, les experts de la com-mission Copé ont rebranché la lignerouge Elysée-Esplanade Henri de France.« Dans les faits, Nicolas Sarkozy metl’audiovisuel sous sa coupe, expliqueMaryse Frichard,SNJ France 2,c’est le faitdu prince, si le président de FranceTélévisions plaît il reste, s’il déplaît auprésident de la République, on s’ensépare. » La crainte de diffuser des pro-grammes qui plairont au Château estgrande… la tentation d’éteindre le posteitou. Carla Bruni à toutes les sauces,Zorro et Thierry la fronde en accessprime time. « Ils ont ajouté dans lafeuille de route de FranceTélévisions desobjectifs de contenus éditoriaux,explique Carole Petit-Donnet du SNJ deFrance 3, c’est une manière d’intervenirsur les programmes. »Cette réforme de l’audiovisuel est sym-bolique de cette ambition de « tenir,voire occulter la vérité » comme le sou-ligne ElsaVidal. Au quotidien, les journa-listes ressentent cette pression d’en-haut. Antoine Guiral est journaliste poli-tique à Libération. Il suit l’Elysée depuis2002 et a donc connu l’époque Chirac,distant avec la presse, et Sarkozy hyperprésent. « Il espérait nous séduire pour

IL A DIT…*Le 8 janvier aux vœux à lapresse alors que la situationfinancière de Libération est

toujours problématique, en réponse àLaurent Joffrin qui l’interrogeait sur l’ins-tauration d’une « monarchie élective » etl’éventuel remaniement.« Le terme sursis pour les ministres, je nevous retournerai pas le compliment, moi jesuis toujours très sensible aux gens ensituation fragile. Vous devez savoir ce quec’est que de travailler dans des conditionséconomiques difficiles »… Une menace ?en tout cas une manière de rabaisser l’in-terlocuteur.

IL A DIT…*Invité de France 3 le 30 juin2008, au sujet de la directionde France Télévisions.

« Quand on est invité on a le droit que lesgens vous disent bonjour ou alors on n’estpas dans le service public. Les manifes-tants c’est une chose… c’est incroyable etgrave…ça va changer (…) Cette maisonn’est pas tenue »

Manifestationdes employésdel’audiovisuelpublic.Avec la finde la pub,ils craignentles pressionsde l’Élysée.

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nous neutraliser, pour lui les journalistessont des parts de marché ». La tactiquedu copinage et le miroir aux alouettesde la fonction. « Au début j’appréciais cecontact direct,mais la pression qu’il metsur les journalistes est un gros revers à lamédaille. »

Coups de pressionSarkozy lit tout et a souvent quelquechose à redire. « Il m’est arrivé souventd’avoir des commentaires désagréables,d’être pris à partie publiquement, d’avoirdes regards intimidants », déploreAntoine Guiral. Pour un Conseil desministres délocalisé à Strasbourg, Libéfait un papier sur les psychoses du prési-dent : « Il a déboulé avec Fillon en gueu-lant, ses gardes du corps en étaientpresque gênés. » Dernier coup d’éclat, lavisite à l’ONU en septembre du coupleprésidentiel. Antoine Guiral rapportel’après-midi de shopping, « il a pété les

plombs, c’était à un tel niveau de ridiculeque j’ai décidé d’arrêter de faire ce genrede papiers quand ce n’était pas indispen-sable.» La pression peut être plus insi-dieuse en se manifestant par des appelsaux patrons de presse et égalementamis. « Il fait passer le message à tonpatron, revient Antoine Guiral. À Libé, jene me sens pas fragilisé, mais je sensqu’il ne faudrait pas non plus que lesremarques soient trop nombreuses.Journaliste dans une autre publication,c’est clair, tu sautes ». A qui le tour ?

Stéphanie Platat

IL A DIT…*Frédéric Lefebvre, l’un desporte-parole de l’UMP : « Il esttemps que l’équipe de Patrick

de Carolis se mette au travail sur lecontenu ».

tionyés

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ntns.

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SARKOZYPARTOUT,JUSTICENULLE PART

Devenu président,l’ancien avocat Nicolas Sarkozy,règle ses comptes avec la justice.Son objectif : la mettre au pas. Etpour arriver à ses fins, il peut comp-ter sur le zèle de sa garde desSceaux.Rétention de sûreté, crimi-nalisation de la psychiatrie, suppres-sion des juges d’instruction, lesréformes qui compromettent l’indé-pendance de la justice s’enchaînentet menacent également les libertésdes citoyens.

Au début de l’année 2007, leParlement adoptait la loi ditede « rétention de sûreté ». Untexte qui, selon le syndicat dela magistrature, viole « les

principes fondamentaux du droit pénal etles engagements internationaux de laFrance ». Cette loi prévoit d’appliquer àdes personnes ayant purgé leur peine,unemesure privative de liberté sans duréeprévisible, sans pour autant qu’un nou-veau crime ou délit ait été commis,au pré-texte d’une « dangerosité » aux contoursaléatoires. Avec ce texte, toujours selon lesyndicat, c’est la notion de « criminel né »du XIXe siècle qui refait surface, effaçantd’un trait 150 ans d’évolution du droitpénal et de la société tout entière.Cette loi, une des premières de l’arsenalDati, donne le ton : l’exécutif veut trans-former le pouvoir judiciaire « en profon-deur », en le mettant à la botte de la

politique sécuritaire souhaitée parNicolas Sarkozy. De plus, en opérant unamalgame dangereux entre sanctionpénale et « sanction » thérapeutique,entre culpabilité et maladie, cette loiinduit la criminalisation de la psychiatrieet la psychiatrisation de la délinquance,en laissant supposer qu’existerait un lienentre pathologie mentale et criminalité.La criminalisation des « fous » est d’ail-leurs une des obsessions de Sarkozy etde son gouvernement. Le 2 décembredernier, après le meurtre d’un étudiantpar un malade échappé d’un hôpital psy-chiatrique, à Grenoble, le chef de l’État aannoncé une série de mesures : réformede l’hospitalisation d’office (un textesera présenté au printemps 2009), créa-tion de 200 chambres d’isolement et de4 unités de 40 places pour malades diffi-ciles. Une pétition signée par 12 000 pro-fessionnels dénonce la « criminalisation

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de la psychiatrie » et demande à nou-veau plus de moyens.« En 2008, la France a fêté à sa manièrele 60e anniversaire de la Déclaration uni-verselle des droits de l’homme : empile-ment de lois sécuritaires, banalisation dufichage, de la vidéosurveillance, de la bio-métrie, multiplication des poursuitespour offense au chef de l’État… », résumele secrétaire national du PS à la justice,André Vallini. Le député de l’Isère voitdans le système Dati « une mise en causedes contre-pouvoirs », avec une multipli-cation des perquisitions chez les avocats,des procédures contre les journalistes,ainsi que des pressions sur les juges.

Fichage

À l’automne 2007, la garde des Sceauxs’est attelée à la réforme de la carte judi-ciaire. Avec la fermeture de près de 200

tribunaux d’instance, c’est la justice deproximité qui est la plus touchée, celledes gens modestes, de la France des can-tons et des banlieues. C’est la justice dusurendettement, des loyers impayés, despensions alimentaires, des tutelles, celledes consommateurs. Les usagers sontdésormais obligés de faire une cinquan-taine de kilomètres pour se rendre au tri-bunal. Cette nouvelle carte judiciairecrée de fait des déserts judiciaires.Pourtant, dans certaines régions, il auraitfallu construire de nouveaux tribunaux.Notamment dans les banlieues.

Au mois d’octobre, après une visite de la gardedes Sceaux, le directeur de Fleury-Mérogis expli-quait à l’AFP que, pour cause de rénovation, seules2 800 des 3 200 places que compte la prisonétaient disponibles. Ce jour-là, 3907 détenus yétaient incarcérés. Dans son numéro de janvier2009, l’hebdomadaire électronique Arpenter leChamp pénal constate, de janvier à décembre2008, une hausse de 10 % des détenus en sur-nombre. Au 1er décembre, 63 619 personnesétaient détenues en France, alors que les prisonsfrançaises n’ont une capacité d’accueil que de49 702 places.C’est donc près de 14 000 personnes, souvent enattente de jugement, qui doivent dormir sur desmatelas disposés à même le sol, dans des cellulesdéjà occupées par plusieurs détenus. Cette situa-tion, qui entraîne une insécurité très importanteet permanente des détenus et du personnel péni-tentiaire, est strictement contre-productive : laprison devient une école de la violence et de l’ab-sence de droit où les plus faibles doivent acheterla protection des plus forts. Aujourd’hui, l’incarcé-ration rend des criminels encore plus criminels.Une débâcle du gouvernement dans sa luttecontre la délinquance.

Corentin Segalen

Surpopulation des prisons :la honte de la République

Jean-Philippe

Ksiazck/AFP

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Pour Arnaud Montebourg, députésocialiste, le bouleversement du mondejudiciaire et du fonctionnement de lajustice, qui restreint directement laliberté des citoyens, est très préoccu-pant. À commencer par la « manie dufichage », devenu selon lui « un vérita-ble réflexe politique » : « L’affaireEdvige n’était que la partie émergée del’iceberg, sans même parler des testsADN. » Des propos confirmés par AlexTürk, président de la Commission natio-nale informatique et liberté (Cnil) :

depuis le 11 septembre 2001, la constitu-tion de fichiers a considérablementaugmenté. Les gouvernements, obsédéspar une logique sécuritaire, ont multi-plié les recours aux fichiers de police.« On ne s’interroge pas assez sur ledevenir de ces fameux fichiers, sou-ligne-t-il. D’une manière générale, lesgouvernements ont tendance à croireque les fichiers sont une réponse auxmaux de la société. Pourtant, le vraidanger vient aujourd’hui du fait que lesgouvernements ne se donnent pas les

Le 28 novembre dernier, lejournaliste et ex-directeur dela publication de Libération,Vittorio de Filippis a étéarrêté chez lui de façon trèsmusclée. Quelques semainesaprès cet événement large-ment médiatisé, il témoignede la proximité grandissanteentre le pouvoir politique etle judiciaire.

« La France est le paysd’Europe où la mise en exa-men des journalistes est, deloin, la plus fréquente. Il seraittemps de sedemander pour-quoi. Dans monaffaire, au mo-ment même demon interpella-tion, la ministrede la Justice ainsique celle del’Intérieur ontexpliqué que laprocédure était

tout à fait normale. Là encore,on peut se demander pour-quoi un pouvoir qui est indé-pendant d’un autre a plusaccès à un dossier que le pou-voir judiciaire.Enquoi RachidaDati avait connaissance destenants et des aboutissantsde mon dossier d’instruc-tion ? Cette question meparaît légitime. Comment lesresponsables politiques peu-vent émettre un avis alorsmême que la justice agitd’une manière indépendantepar rapport au pouvoir exécu-

tif. Enfin, en ce qui concerne lechevalier blanc qu’est NicolasSarkozy, à titre personnelmais aussi civique et citoyen,je m’étonne que le Présidentpuisse s’émouvoir demon cas,ce qui me paraît indécentdans le pays qui est le nôtre.Le Président a donné l’impres-sion de récupérer cette affairepour revenir sur la questionde la liberté des juges d’ins-tructionqui avait été soulevéeà la suite de l’affaire Outreau.Est-ce que, finalement, dansl’affaire de Filippis, on n’a pas

voulu se faire un journa-liste lambda et récupé-rer l’histoire après ?Aujourd’hui, dans notrepays, on voit bien que lamuraille de Chine quiexiste encore entrel’exécutif et le pouvoirjudicaire devient per-méable. »

Propos recueillispar Ariane Vincent

« Une perméabilité nouvelle entre le politique et le judiciaire »Vittorio de Filippis, ex-directeur de la publication de Libération.

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moyens de financer la maintenancenécessaire à la multiplication, de cesfichiers. À trop vouloir utiliser les techno-logies nouvelles, on en oublie de proté-ger les libertés des citoyens. »

Juges d’instructionDernière attaque en date contre l’indé-pendance de la justice, la volonté du chefde l’État de supprimer la fonction dujuge d’instruction. Une mesure jugée làencore dangereuse par les syndicatsmais aussi par la gauche. Pour Benoît

Hamon,porte-parole du PS, « si on confieau Parquet les enquêtes les plus sensi-bles, sachant que le Parquet dépend duministère de la Justice, et donc du pou-voir, tout ça menace gravement l’indé-pendance de la justice ». Pour AndréVallini, « le président de la République adu mal à supporter ce qui ne lui est passoumis », et la justice n’était pas suffi-samment obéissante, à ses yeux. La voilàmise au pas.

Ariane Vincent

Àpeine installé au minis-tère de l’Intérieur, Nicolas

Sarkozy, appliquant desméthodes importées directe-ment des États-Unis, fit entrerles forces de l’ordre dans laculture du chiffre. Les résul-tats allaient dorénavantconditionner l’avancementdes policiers. Mais quand l’in-terpellation d’un consomma-teur ou d’un petit dealer demarijuana équivaut à celle,bien plus longue et compli-quée à mettre en oeuvre, d’ungros trafiquant, on peut s’in-terroger sur le bien-fondéd’une telle culture du résultat.Dans Libération, au mois dedécembre, un responsable dusyndicat des officiers de laPolice nationale tranchait :« Les statistiques ne reflè-tent, ni l’investissement despoliciers, ni la dangerosité desinterpellés, ni les quantités deproduits saisis, et surtout, nila nocivité de l’infraction pourla société. Et c’est bien là toutle problème de nos chiffres, ilsne sont pas en adéquation

avec la réalité de la luttecontre la délinquance ».Élu président de laRépublique, Nicolas Sarkozydécida qu’il allait faire entrer

l’ensemble de l’État dans laculture du chiffre, que lesministres seraient notés etpénalisés faute de résultat.

Corentin Segalen

CULTURE DU CHIFFRE DANS LA POLICE

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En quoi la limitation du droit d’amendementest une atteinte fondamentale au pouvoir del’opposition ?Jean-Marc Ayrault : Le président de laRépublique n’aime pas les contre-pouvoirs.Avec la réintroduction du crédit global (soit un« délai global » de discussion d’un texte à l’is-sue duquel des « amendements déposés parles membres du Parlement » seraient « misaux voix sans discussion » ndlr), c’est le gou-vernement qui décidera du temps dont dis-pose l’opposition sur chaque projet pourdéfendre son point de vue. Si cette dispositionétait en vigueur, il n’y aurait pas eu de grandsdébats sur l’audiovisuel, sur les OGM ou sur leCPE pour prendre des exemples récents. Maispas davantage sur le PACS ou les 35 heures. Àl’époque, je rappelle que nous avons totale-ment assumé le débat et que sur la réductiondu temps de travail, l’urgence n’avait même

UNE OPPOSITION BÂ

La révision dela Constitution,adoptée de jus-tesse en juillet,devait, à encroire NicolasSarkozy,accroître lesprérogativesdu Parlement.En réalité, elleva bâillonnerl’opposition.Examiné à par-tir du 13 janvier,un projet de loiorganiqueréformant laprocédurelégislative quidécoule direc-tement decette révision,prévoit en effetde limiter ledroit d’amen-dement,notammentpar l’instaura-tion d’un « cré-dit-temps »pour réduire ladurée desdébats.Unevéritableatteinte à ladémocratiepour Jean-MarcAyrault etJean-Pierre Bel,respectivementprésidentdu groupesocialiste àl’Assembléenationaleet au Sénat.

Jean-Marc Ayrault

Jean-Pierre Bel

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pas été exigée(1) alors que c’est aujourd’hui systé-matique sur tous les textes.Jean-Pierre Bel : Le pouvoir législatif, c’est le pou-voir d’amender, c’est-à-dire de proposer unemodification de la loi et d’en discuter devantl’opinion publique. Y renoncer, c’est revenir auTribunat du Premier Empire,de l’anVIII (1799),quiapprouvait les lois sans pouvoir les discuter. Il estfrappant de constater que la droite, qui disait enréformant la Constitution,vouloir donner plus dedroits au Parlement, a pour seule ambition delimiter le temps d’expression parlementaire.

La droite défend ce projet en disant qu’il« ouvre simplement des possibilités » et qu’ilest « prématuré d’en tirer des conclusions ».Faut-il croire que cette procédure d’examen sim-plifié ne sera utilisée qu’en dernier recours etremplacera le très controversé article 49-3?J-P B. : La loi organique ouvre en effet une possi-

ON BÂILLONNÉE

Droits de l’opposition :mises en causesà répétition

Le processus de reconnaissancedont l’opposition a fait l’objet enFrance, depuis 1958, a été engagépar touches successives, et non parl’établissement d’un véritable statut.Longtemps, la principale préoccupa-tion de nos gouvernants a été degarantir le consensus sur le régimelui-même. Et pour la droite, de s’op-poser à toute espèce de change-ment incarné par la gauche parle-mentaire.

1958-1973La mise en cause des droits de l’op-position se manifeste, sous le régimegaulliste, par une véritable mainmisesur les médias. Au moment où legénéral opère son retour en politique(1958), l’unique chaîne de télévision(RTF, future ORTF), placée sous lecontrôle de l’État, augmente progres-sivement son audience et pénètre lesmasses.De Gaulle saisit très vite l’impact de cenouveau média et profite de l’aubainepour en faire un outil de communica-tion du pouvoir. Censures, réglementa-tions, commandes d’émission nourris-sent le quotidien des Français. Tout estbon pour étouffer l’opposition et mag-nifier la « geste » gaullienne, en incul-quant au grand public la « politique degrandeur » poursuivie par le présidentde la République.« Jamais on n’avait assisté, sauf sousPétain - et il n’y avait pas de télévi-sion ! - à un tel abus de propagande,à un tel détournement », résumePierre Viansson-Ponté, dans sonouvrage La République Gaullienne.

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bilité et les règlements des assemblées, encours de modification, peuvent l’ignorer.Autant alors les supprimer. Si elles sont créées,nous ne nous faisons aucune illusion, ces facul-tés deviendront l’instrument privilégié de larégulation du temps législatif, toujours insuffi-sant pour le gouvernement, en plus du 49-3,procédure destinée moins à discipliner la majo-rité qu’à faire taire l’opposition.J-M A. : Pourquoi le gouvernement prendrait-ille risque d’une bataille parlementaire pour unedisposition qu’il n’a pas l’intention d’utiliser ?Par ailleurs l’application du 49-3 n’a pas étésupprimée en juillet dernier. Simplement limi-tée.

Pour autant est-ce une méthode saine pour ladémocratie que de déposer plusieurs milliersd’amendements avec pour seul objectif deralentir les débats ?J-M A. : L’objectif n’est pas de « ralentir lesdébats » mais d’en ouvrir la possibilité. Lesamendements donnent droit à un temps deparole pendant lequel nous défendons nospositions. La droite agite le fantasme de l’obs-truction. Qu’en est-il vraiment ? Sur 1 450textes adoptés depuis 30 ans, seuls 7 ontdépassé les 100 heures de discussion. Et quatrefois ce fut à l’initiative de la droite.Honnêtement, 77 heures pour défendre l’indé-pendance de la presse, c’était vraiment trop ?J-P B. : Cequi n’est pas sain,c’est d’ignorer tota-lement dans les débats parlementaires le pointde vue de l’opposition lorsqu’elle fait des pro-positions constructives.C’est d’abord le gouver-nement, par ses méthodes expéditives, ensuitela majorité,par son refus de délibérer pour alleraussi vite que le souhaite le gouvernement, quicréent l’obstruction.C’est le seul moyen de pro-cédure à notre disposition pour en appeler àl’opinion publique, comme nous l’a montré labataille du CPE en 2006.

Le Parti socialiste s’engageait à supprimer l’ar-ticle 49-3 dans son projet présidentiel. Quellessolutions aurait proposé un gouvernementsocialiste face à une opposition de droite

1974-1980Si le sort de l’opposition s’est amélioréau fil du temps, la question de ses droitsn’a été posée qu’après 1974, à la faveurdes questions au gouvernement et de lasaisine du Conseil constitutionnel.Feignant de renforcer l’opposition enlui conférant un statut sur le modèlebritannique, Giscard d’Estaing (1974-1981), confronté à une crise écono-mique sans précédent depuis 1929,impose progressivement un contrôleaccru de l’Élysée sur le gouvernementet les médias. Il favorise, en particulier,la création de FR3, la chaîne desrégions, qu’il s’empresse de placerdans le giron d’un État censeur.En 1980, ce même Giscard s’attire lesfoudres de la gauche et du Syndicat dela magistrature en décidant une grâcecollective. Ce droit lui permet surtoutde fausser le cours de la justice, endispensant un policier coupable deviolences à l’égard d’un Maghrébin del’exécution d’une peine de deux ans,dont quatre mois fermes. Une atteintegrave à la séparation des pouvoirs quilaisse planer une « lourde menace surla démocratie tout entière », selonl’opposition sommée de se taire.

2002-2007En dépit du caractère singulier de saréélection à la présidentielle de 2002- plus de 82 % des suffragesexprimés -, qui aurait dû l’inciter àmener une politique d’union nationale,Chirac se contente de renouer avecla pratique présidentialiste enreproduisant le schéma passé. Aussitôtréélu, il met en place un gouvernementde droite dont il sera le véritablehomme fort jusqu’aux électionslégislatives du 16 juin, et qui pourradiriger le pays sans l’assentimentdu Parlement.

Bruno Tranchant

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usant des mêmes batailles d’amendements ?J-P B. : Dans mon rapport sur les institutions,effectué pour la campagne présidentielle de2007, je proposais en effet, dans un cadre diffé-rent de celui de la révision constitutionnelle dejuillet 2008, non seulement de réserver le 49-3aux seules lois de finances,mais de supprimer levote bloqué, de limiter le nombre de textes dis-cutés en urgence ou d’encadrer le recours auxordonnances, bref, de passer du parlementa-risme rationnalisé, c’est-à-dire bridé, à un équili-bre entre gouvernement et parlement. Celaaurait signifié négocier et discuter avec l’opposi-tion, en lui laissant toute possibilité de s’expri-mer mais non de bloquer la discussion législa-tive.J-M A. : Ne croyons pas que nous défendons cesprincipes de manière opportuniste parce quenous sommes minoritaires, même si les jeux derôles ne sont pas toujours absents. En effet,quand Debré a voulu réintroduire le crédit glo-bal, Accoyer s’y est opposé avant d’en devenir -aujourd’hui - l’ardent promoteur. Ce « crédit »existe dans d’autres pays et a même fonctionnéchez nous sous la IVe République, mais nousétions alors dans un régime parlementaire.Aujourd’hui, pris dans l’ensemble institutionnel,cette mesure est un verrou supplémentaire pourmuseler toute contestation, y compris celle quipeut parfois venir des rangs de l’UMP.

La droite ne se contente plus de voter ce qu’elleveut quand elle veut. Il faut que ça aille tou-jours plus vite. Pourquoi ce grand train desréformes est-il nuisible à la démocratie ?J-P B. : Le débat sur la réforme de l’audiovisuelest significatif de la volonté de Sarkozy d’antici-

per les réformes avant même qu’elles ne soientvotées. Ainsi, la publicité a été supprimée, le soir,dans l’audiovisuel public, avant même que ladiscussion législative ne s’engage au Sénat. Lafrénésie de réformes est globalement contre-productive. On l’a vu avec le service minimum àl’école. Devant les maires de France, Sarkozy aété obligé de désavouer cette réforme, inappli-cable. Ce que nous disions au Sénat !J-M A. : Le temps dans lequel vit Sarkozy, c’estcelui des annonces. Chaque jour un message etune image. Il présente ce déferlement commeune conséquence de la nécessité d’agir vite.Mais ce tourbillon médiatique n’est pas syno-nyme d’action. Dans un rapport, la majorité duSénat dresse elle-même « un constat mitigé »pour l’année parlementaire 2007-2008 avec untaux moyen de mise en œuvre de 24,6% ! Engros, on veut contraindre les parlementaires àaller vite alors que le pouvoir réglementaireprend tout son temps. Le temps politique deNicolas Sarkozy c’est celui du marketing poli-tique des « spin doctors ». Nous voulons luiimposer le temps parlementaire qui est celuide la libre confrontation, de l’analyse, de lacontre-expertise, c’est-à-dire le temps de ladémocratie.

Le seul outil qu’il va rester à l’opposition va êtrel’opinion publique. Ne doit-on pas craindre uneradicalisation des mouvements sociaux, deve-nant le dernier rempart face à la politique gou-vernementale ?J-P B. : Le Parlement est le seul lieu du débatdémocratique. La crise économique et socialepeut devenir politique et morale si les souffrancesde nos concitoyens ne sont pas allégées et si larelance par la consommation et l’investissementn’est pas massive.Mais si la droite s’entête à ajou-terde la criseà la crise, les Françaisne se laisserontpas faire et le feront savoir, y compris par desmanifestations démocratiques, relayant le dis-cours de l’opposition parlementaire.

Propos recueillis par Damien Ranger1. La déclaration d’urgence par le gouvernement a poureffet de supprimer la seconde lecture dans les deuxchambres.

77 HEURESPOUR DÉFENDREL’INDÉPENDANCEDE LA PRESSE,C’ÉTAITVRAIMENTTROP ? »«

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Le facteurBesancenot

F ace à un capitalismemalade et chancelant,devant l’incapacité des

gouvernements successifs àrassembler et avancer, DenisPingaud estime qu’OlivierBesancenot, leader duNouveauParti anticapitaliste, fait figured’homme providentiel. L’auteurdécrypte les raisons du succèsdu facteur rouge. Habile, lejeune révolutionnaire saitmanier les médias et les idéeset sait se faire comprendre detous. Des qualités qui pour-raient lui garantir un potentielélectoral « impressionnant »selon Pingaud.Oui, mais. La France a la têtedans les étoiles et les piedssur terre. Elle « préfère lesactes aux promesses, lavolonté à la contrainte, la soli-darité à la compétition »,estime Denis Pingaud. Etmême si Besancenot a réussi

à séduire, son isolationnisme,son manque de stratégie etson refus d’accéder au pouvoirlaissent au PS un champ d’ac-tion à exploiter, et vite ! C. C.Denis Pingaud, L’Effet Besancenot,éditions du Seuil, 2008, 153 pages,16euros.

Alchimie d’un couple

L a vie à deux rassure. Elleest aussi une source d’in-quiétudes : « (…) le cou-

ple est une énigme, une fragi-lité. L’amour se confond à lahaine, l’affection à la lassi-tude, et ce pacte vieuxcomme le monde relève à lafois de la comédie et dudrame. » Frédéric Pajak parson récit et Lea Lund par sesdessins nous racontent desétapes d’une vie de couple.« Lea Lund et moi vivonsensemble depuis plus devingt-cinq ans. En voyageant,nous avons souvent dessinéles mêmes lieux sans jamais y

plonger les mêmes yeux. »L’auteur ironise : « Elle aimesortir, j’aime rentrer. Elle aimeles garçons, j’aime les filles.Elle aime nager, j’aime couler.Elle aime se distraire, j’aime lelabeur. Elle aime les quartiersoù tout le monde se connaît,j’aime être anonyme dans lafoule. »Une fois cette vraie (re)connaissance réciproque obte-nue, la crainte pour chacun estde voir l’autre mourir ou de lelaisser seul, désemparé. J.C.Frédéric Pajak, Lea Lund, L’Étrangebeauté du monde, Noir sur Blanc,272 pages, 29 euros.

Le verbese fait pierre

Parfois, lire le «Goncourt»ressemble presque àune obligation. Il faut

l’avoir lu pour en parler dans lesdîners en ville, pour faire mined’avoir un avis. Mais le prixGoncourt 2008 n’est pas seule-ment un sujet de discussionpour faux lettrés et vrais mon-dains. Syngué Sabour (Pierre depatience) de l’écrivain franco-afghan Atiq Rahimi est un vraiet beau roman. Le monologued’une femme afghane qui seconfie à son mari dans lecoma, corps mourant réduitau silence et peut-être àl’écoute. Elle lui déverse pêle-mêle ses désirs, ses frustra-tions, sa haine. Des mots quitraduisent aussi la réalité dela condition féminine. Des

L’HEBDO DES SOCIALISTES � 10 JANVIER 2009

Culture � À LIRE,À VOIR

LIVRES

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À LIRE,À VOIR � Culture

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Andreottiau peigne fin

J ’ai conscience d’être detaillemoyenne,mais je saisaussi ne pas être entouré

de géants», aimait à répéterGiulio Andreotti,membre, et cejusqu’aux années 1990, de tousles gouvernements italiensdepuis 1948, vingt-cinq foisministre et sept fois présidentdu Conseil. Prix du jury du der-nier Festival de Cannes, Il Divo brosse le portrait de cet homme depouvoir qui n’a cédé sur rien pour arriver à ses fins, « le mal estnécessaire pour arriver au bien» dit-il d’ailleurs au prêtre qui leconfesse. L’histoire d’unhomme fasciné par les arcanes dupouvoiret par les réseaux qui réussira à sortir blanchi de toutes lesaffaires pour lesquelles il a été accusé. Un film à charge extrême-ment bien ficelé qui atteste, après Gomorra, de la vigueur retrou-vée du cinéma politique transalpin. A. V.Il Divo de Paolo Sorrentino avecTioni Servillo,Anna Bonaiuto,Giulio Bosetti… 1h40.

Pages réalisées par Chloé Costes, Jacques Goulet, Elisabeth Philippe et Ariane Vincent

mots comme un cri. L’écriturede Rahimi est épurée, conciseet minérale. Émaillée d’unlyrisme qui confine à la litanieou à la prière. Un dénuementpoétique qui fait parfois pen-ser la langue de MargueriteDuras, notamment dans LaDouleur. On aimerait voir cetexte éminemment théâtralporté à la scène. E.P.

Atiq Rahimi, Syngué sabour, Pierrede patience, P.O.L, 154 pages, 15 euros.

La déceptiondes Pragois

En 1957, un jeune universi-taire anglais s’installe àPrague. Il épouse une

Tchèque et il observe les tra-vers du communisme policier.Il est sous le charme dePrague, une ville sublime. Lecouple se délite gentiment,leurs amis vieillissent, cer-tains meurent, la femme s’enva à Londres. L’homme assis-

tera seul à la révolution develours. Il a tenu un journaldont il aimerait qu’une ver-sion abrégée paraisse un jour.La liberté tant espérée par lesPragois mais pour laquelle ilsne se sont pas battus leur aété donnée, et pourtant unedéception demeure : la popu-lation cultivée de Prague vou-lait la démocratie, elle a eu lecapitalisme. Ce merveilleuxroman ne se réduit pas à cettelecture politique, mais, detous les livres de TeciaWerbowski, c’est sans doutele plus politique. Et cettedimension n’est pas moinsintéressante que d’autres :nos amours, les rapports entreles humains et les chats,l’éternelle étrangeté d’au-trui... Un pur délice. J.G.

Tecia Werbowski, Ich bin Prager,Les Allusifs, 112 pages, 12 euros.Traduit du polonais par ElisabethVanWilder.

FILM

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Portrait � IVAN BARNAY

L’HEBDO DES SOCIALISTES ■ 10 JANVIER 2009

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«Il ne faut surtout pas baisser lesbras ». Ivan Barnay, fonction-naire à la région Rhône-Alpes le

répète comme pour s’en convaincre.Face à la casse sociale à l’œuvre, devantle désengagement de l’État dans des secteurspourtant essentiels comme la santé et l’éduca-tion, ce quadra et père de deuxenfants a décidé de lutter. Voilàenvirondeuxansqu’il a adhéré auParti socialiste.Seul parti selon lui,capable de s’opposer à la poli-tique dévastatrice de NicolasSarkozy.Pourtant, il devrait davan-tage «monter au créneau» : « Lerôle du PS aujourd’hui c’est àchaque proposition lancée par ladroite d’annoncer une contre-pro-position qui ne sera évidemment pas mise enœuvre,mais qui redonnerait au PSune crédibilitéqu’il a un peu perdue.»Cet engagement n’est pas le premier pour Ivan.Il est entré dans la fonction publique via unposte obtenu dans une association de quartierde Vernaison (Rhône). Et dans la famille, le sensdu collectif est primordial. Son père,aujourd’hui décédé, était salarié à la SNCF et atoujours été syndiqué. Aujourd’hui, installéavec sa famille à Vaulx-en-Velin depuis 1999, ilne cache pourtant pas ses inquiétudes pourl’avenir. « Je crains des services de l’État à plu-sieurs vitesses. C’est le chemin que l’on prendactuellement. Les domaines comme l’éducationdoivent impérativement rester dans le secteur

public afin de maintenir une égalité detraitement entre les différentes couchesde la population », clame-t-il.Dernièrement il s’est largement mobi-lisé contre les attaques faites à lamater-

nelle et les atteintes « scandaleuses» de XavierDarcos aux RASED. Pas forcément pour ses

enfants qui ont cinq et septans, mais pour le bien-être detous. Dans ce combat, il veutprouver au gouvernement qu’ilse trompe de chemin : «C’estdans des moments commeceux que nous vivons que nousavons besoin de bras tendus etd’une solidarité à l’œuvre.Pourtant nos dirigeants ne l’en-tendent pas de cette oreille.

Agir dans des associations, des collectifs, dessections socialistes permet de construire la soli-darité et de mieux vivre ensemble. C’est l’unedes réponses à la casse orchestrée par la droite.Prouver que le collectif fonctionne et apporte àla population». Car les réponses actuelles necorrespondent pas à l’idée qu’il se fait de lasociété française et de ses valeurs. Quand lelibéralisme remplace la liberté, l’individualismela fraternité, et les privilèges l’égalité, Ivanavoue sa colère. Et s’insurge encore : «Avant,nos anciens se battaient pour obtenir desdroits. Aujourd’hui, on se bat pour les sauvegar-der. C’est très grave. La tentation du recul est deplus en plus nette».

Fanny Costes

Combatif et collectif

Avant, nosanciens se battaientpour obtenir des

droits. Aujourd’hui,on se bat pour les

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