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Henri de Lubac. Aspects Du Bouddhisme

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Henri de Lubac. Aspects Du Bouddhisme

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Page 1: Henri de Lubac. Aspects Du Bouddhisme

Antoine Guillaumont

Henri de Lubac. Aspects du BouddhismeIn: Revue de l'histoire des religions, tome 141 n°2, 1952. pp. 242-245.

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Guillaumont Antoine. Henri de Lubac. Aspects du Bouddhisme. In: Revue de l'histoire des religions, tome 141 n°2, 1952. pp.242-245.

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A ce point de vue, les fouilles de 'Ay ont été d'une rare fécondité. L'exégète ne peut se dispenser d'en tenir compte ; l'historien des religions appréciera vivement la découverte du sanctuaire ; enfin, une lumière plus vive a été projetée sur la civilisation archaïque de Palestine. Et nous ne pouvons mieux conclure ce compte rendu qu'en citant M. R. Dussaud :

« Par leur qualité, leur ampleur, leur abondance et leur variété, les trouvailes de 'Ay l'emportent sur les découvertes relatives au IIIe millénaire, qui ont été faites dans le même temps, à Megiddo, à Beth-Shan et à Jéricho. C'est dire leur exceptionnel intérêt1. »

Pierre Amiet.

Henri de Luba.c, Aspects du Bouddhisme. Éditions du Seuil, Paris, 1951, petit in-8° de 200 p. L'auteur de ce beau livre ne prétend pas faire œuvre de « spécial

iste » (avant-propos p. 8) ; il est connu surtout comme l'un des meilleurs connaisseurs de l'histoire de la pensée chrétienne et l'un de ses plus profonds interprètes. Chargé pendant vingt ans de l'enseignement de l'histoire des religions à la Faculté de Théologie de Lyon, il a été amené à s'intéresser, avec une sympathie croissante, à la pensée bouddhique et à considérer les rapports doctrinaux du christianisme et du bouddhisme ; en 1937 déjà, dans un article très remarqué des Recherches de science religieuse (t. XXVII, p. 336-351), le P. de L. avait confronté quelques textes alexandrins et bouddhiques. Le présent livre, qui met en œuvre une riche documentation, utilisée avec une méthode prudente et surtout un don de pénétration des doctrines tout à fait remarquable, se situe dans la même ligne de recherche, qu'il prolonge, et tente, sur trois points particuliers, une confrontation entre bouddhisme et christianisme.

L'ouvrage se compose de trois essais. Le premier est une étude de La charité bouddhique dans ses rapports avec la charité chrétienne. Analysant cette notion avec finesse et sympathie, le P. de L. montre d'abord que la charité bouddhique n'est pas seulement une vertu négative et qu'elle ne se réduit pas au précepte de ne pas nuire, Vahimsa ; elle est maitri, c'est-à-dire bienveillance ; celle-ci doit se traduire en acte, en dana ; l'auteur insiste sur le développement des activités charitables des monastères bouddhiques, surtout dans le Mahayana ; et ces activités ne procèdent pas d'un altruisme superficiel ; elles doivent être inspirées par la karuna, la compassion. Ce sentiment naît de l'intuition fondamentale du Bouddhisme, celle de la douleur universelle ; le moine doit tendre non seulement à sa libération personnelle, mais à la libération universelle ; cet enseignement, mis au second plan dans le Petit Véhicule, s'est

l) Ibid., p. п.

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largement épanoui dans le Mahayana ; pour l'illustrer, le P. de L. cite quelques très beaux textes, particulièrement d'Asanga et de Santideva, où l'on a l'impression de reconnaître des accents chrétiens. On comprend aisément que des orientalistes, et parmi les plus grands comme Burnouf, aient fait de la charité la vertu fondamentale du Bouddhisme. Le P. de L. pense cependant qu'il y a entre charité chrétienne et « charité » bouddhique des différences radicales. Selon la charité chrétienne, le prochain est aimé pour lui- même et en lui-même, ce dont il ne saurait être question dans le Bouddhisme où la notion de personne reste faible ; la « charité » bouddhique est surtout compassion ; elle s'adresse à la misère du prochain plus qu'au prochain lui-même ; la charité chrétienne authentique ne saurait naître de la pitié (sur ce point les fines remarques du P. de L. rejoignent de profondes analyses de M. Scheler ; cf. L'homme du ressentiment) ; elle s'adresse à l'homme même.. La tendresse bouddhique est d'autant plus élevée qu'elle est moins individuelle, plus abstraite ; le but suprême est de « faire cesser la douleur » ; la charité reste donc dans le Bouddhisme une vertu provisoire ; elle relève de Г « ordre mondain », tandis que la charité chrétienne a une valeur absolue ; elle procède de Dieu même dont elle est l'essence, et la vie éternelle ne saurait se concevoir sans elle : « la charité ne passera pas » (I Corinth. 13, 13). Aussi, tandis que la charité bouddhique appartient à un enseignement exotérique (elle n'existe pas sur le plan de la vérité absolue), dans le christianisme la charité est l'objet de la révélation la plus haute.

La seconde étude, intitulée Deux arbres cosmiques, a un tout autre caractère. Le P. de L., d'une façon pour le moins inattendue, commente un motif architectural bouddhique — le pilier gauche du torana nord donnant accès au stupa de Sanchi, qui représente sous le triple symbolisme d'un homme, d'un arbre et d'un pilier, le Bouddha, pilier cosmique et arbre de vie, — à l'aide d'un texte chrétien, un passage d'un homélie sur la Pâque qui figure parmi les spuria de saint Jean Chrysostome ; dans ce texte, la croix est assimilée à un arbre, puis à un pilier cosmique, puis, en un symbolisme totalisant, au crucifié lui-même. Le P. de L. étudie ces deux représentations dans leurs traditions respectives et montre qu'elles se rattachent en définitive à un thème extrêmement ancien, presque partout attesté. Il est curieux de voir comment le bouddhisme et le christianisme ont, chacun de son côté, repris ce thème d'une façon profondément originale et très différente. Dans le bouddhisme, l'arbre finit par l'emporter sur celui qui médite à son ombre, le Bouddha ; au contraire, c'est le Christ qui donne tout son prix à la croix. De plus, l'arbre du bouddhisme, le figuier de la bodhi, est surtout un centre dans l'espace, tandis que la croix est surtout un événement dans le temps : ces formules, que nous empruntons au P. de L., touchent à des différences radicales de structure entre bouddhisme et christianisme.

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Cette étude est suivie d'une note sur le symbolisme comparé de Vart bouddhique et de Vart chrétien primitif : le P. de L. montre que ce trait curieux de l'art bouddhique qu'est l'absence de figuration du Bouddha (fait pour lequel il suit l'explication proposée par P. Mus, pour qui cette absence de figuration est un procédé pour figurer la transcendance du Bouddha) a son parallèle dans l'art chrétien primitif ; les premières images de Jésus apparaissent en effet tardivement ; dans les premiers siècles, on recourt à des symboles pour représenter le Christ (agneau, bon pasteur, Orphée, ou personnages de l'A. T. pris flgurativement).

La troisième étude a pour titre Les apparences diverses du Christ et du Bouddha et elle tente un rapprochement entre une doctrine formulée dans certains textes chrétiens, surtout d'origine alexandrine, et la doctrine du Trikâya bouddhique. Le P. de L., reprenant et développant ici les considérations faites dans l'article rappelé au début de ce compte rendu, écarte pour le moment le problème des rapports historiques et s'attache à mettre en évidence l'analogie des doctrines. Il y a, en effet, une ressemblance frappante entre les textes bouddhiques qui exposent les différents aspects que revêt le Bouddha selon les diverses catégories d'êtres et leur degré spirituel et les textes d'Origène sur les différents aspects du Christ chez les anges et chez les hommes ; il y a, selon cet auteur, comme une « économie » dans les manifestations du Verbe ; on reconnaît là la doctrine origénienne des èmvoiai, des « . visées » diverses que les différentes âmes ont du Logos selon le degré auquel elles sont parvenues ; cette doctrine a exercé une grande influence sur la tradition chrétienne, particulièrement par saint Grégoire de Nysse et saint Bernard ; le P. de L. expose ses attaches gnostiques et ses sources philoniennes et paléo-testamentaires (cf. les différents goûts qu'aurait présentés la manne, figure des nourritures variées qu'est le Logos selon la capacité des âmes). Or, le bouddhisme, surtout dans le Mahayana, connaît une doctrine tout à fait analogue, relative aux trois corps du Bouddha ; le sambhogakâya, sorte de « corps de gloire », apparaît différemment aux sujets voyants selon leur qualité. Il y a, corrélativement, une analogie curieuse entre le « mensonge pédagogique » ou « économique » chez Origène et la doctrine bouddhique selon laquelle les buddha savent proportionner leur enseignement aux forces de chacun. La théorie bouddhique du dharma essentiel qui est par delà l'enseignement littéral présente aussi des analogies avec la doctrine chrétienne du Logos éternel, que l'on atteint en dépassant les « logoi » particuliers dissimulés sous la lettre. Mais la différence, sur ce point, est que dans le christianisme l'affirmation triomphe ; on n'aboutit pas, au terme, à une vacuité, mais à une parole éternelle et substantielle. In prin- cipio erat Verbum.

Cette rapide analyse fera, nous l'espérons, soupçonner la richesse d'aperçus de ce livre. L'auteur, disions-nous, ne prétend

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pas faire œuvre de spécialiste ; en réalité, il fallait bien, pour un tel travail, la connaissance de « spécialiste » qu'a l'auteur de la pensée chrétienne et l'on ne peut être à ce point spécialiste également du christianisme et du bouddhisme ; du moins il s'est largement et profondément informé sur ce dernier et nous ne doutons pas que ce livre trouvera audience aussi bien auprès des spécialistes des religions de l'Extrême-Orient qu'auprès des historiens de la pensée chrétienne.

A. Guillaumont.

Louis Gardet, La pensée religieuse ď Avicenne ( Ibn Sïnâ) (Études de philosophie médiévale, XLI). Paris, Librairie Philosophique, J. Vrin, 1951, in-8°, 235 p., plus 2 p. d'Errata et Addenda. M. Louis Gardet dont nous avons présenté ici-même un important

ouvrage, écrit en collaboration avec le P. Anawati, n'est en aucune façon un historien. Sa position philosophique étayée par une option de foi est même aux antipodes de la recherche d'histoire des idées telle que nous la concevons avec son refus de dépasser le domaine de la relativité dans lequel les penseurs déterminés par un certain nombre de facteurs progressivement tirés au clair par le travail de l'historien se mesurent avec les énigmes que le monde extérieur et le monde intérieur reposent constamment à l'entendement humain livré à ses propres ressources. Néanmoins le livre que nous avons sous les yeux est précieux et enrichissant pour l'historien. Il l'est d'abord en raison de sa documentation solide1. Il l'est encore plus parce qu'il analyse magistralement les principaux aspects d'un problème qui est un problème d'histoire.

Un esprit puissant, nourri de nombreux apports littéraires, scientifiques et religieux de la Grèce, de l'Arabie et de l'Iran, est placé au confluent de plusieurs courants d'idées venus de l'hellénisme et de l'Islam, lui-même tissu de tendances multiples. Comment assimile-t-il ces apports ? Comment réagit-il devant ce qui est contraire à son mode de penser ? Comment vit-il la religion dans laquelle il est né et mort ? Quelle est la nature de la synthèse dont il a enrichi le patrimoine de sa sphère de culture ? Voilà quelques questions que l'historien peut poser en face de l'œuvre immense ď Abu 'AH IbnSînà, Avicenne du moyen âge latin, dont le millénaire de naissance a suscité de nombreux travaux parmi lesquels ceux de langue française ne sont pas les plus négligeables.

Ibn Sïnà est héritier comme les autres philosophes musulmans du triple courant platonicien, aristotélicien et néoplatonicien. Est-ce

1) On aurait aimé voir citer p. 113, n. 2 (où lire kâmil), H. H. Schaeder, Die islamische Lehre vom vollkommenen Menschen, Z. D. M. G., 79, 1925, 192-267, et p. 126, n. 2 ; L. Strauss, Quelques remarques sur la science politique de Maïmo- nide et de Fârâbî, R. E. J., 100 bis, 1936, 1-37.