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Hiérarchisation et coordination des soins pour favoriser l’accessibilité et la continuité des soins publics en orthophonie et audiologie sur l’île de Montréal
Octobre 2014
Comité secteur public
Association québécoise des orthophonistes et audiologistes
Anne-Laure Gille, M.Sc. SLT, orthophoniste François Prévost, Ph.D., M.Sc., audiologiste
Justine Ratelle, M.P.A, audiologiste Judith Labonté, M.P.O, orthophoniste
Arno Bramann-Bernard, M.Sc., orthophoniste
2
Table des matières
Collaborations ................................................................................................................... 3
Introduction ....................................................................................................................... 4
L’offre de service en orthophonie et en audiologie .......................................................... 5
État actuel des rôles et des responsabilités des orthophonistes des audiologistes
dans les différentes catégories d’établissements ............................................................... 6
Problématique 1 : Offre de service limitée en première ligne .................................... 8
Problématique 2 : Modalités variables d’accès aux services en orthophonie
et en audiologie .............................................................................................................. 11
Problématique 3 : Le vieillissement de la population ................................................ 13
Répercussions actuelles : des listes et des délais d’attente importants ........................... 16
Conclusion ....................................................................................................................... 17
Références ................................................................................................................... 18
3
Collaborations L’Association québécoise des orthophonistes et audiologistes tient à souligner l’appui important de professionnels dans la réalisation de ce document. Mentionnons plus particulièrement :
- Marthyne Brazeau, audiologiste, chef du service d’audiologie et d’orthophonie du Centre hospitalier de l’Université de Montréal ;
- Anne-Marie Hurteau, audiologiste, chef de département d’orthophonie et d’audiologie de l’Hôpital de Montréal pour enfants ;
- Kathy Malas, orthophoniste, chef professionnel en orthophonie et audiologie du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine ;
- Nada Carlomusto, orthophoniste, chef professionnel en orthophonie et audiologie de l’Hôpital Maisonneuve Rosemont ;
- Audrey Hardy, audiologiste, Hôpital de Montréal pour Enfants ;
- Éric Begin, audiologiste, Hôpital Maisonneuve-Rosemont ;
- Ève Bargone-Fisette, orthophoniste, CLSC Hochelaga-Maisonneuve.
Nos remerciements vont également aux membres du conseil d’administration de l’Association québécoise des orthophonistes et audiologistes.
4
Introduction
Le système public de santé et des services sociaux contribue au développement social et économique du
Québec. Dans le contexte actuel, les dépenses ministérielles relatives à la santé et aux services sociaux
correspondent à près de la moitié du budget provincial (ministère des Finances et Économie, 2014).
Seule une utilisation judicieuse et efficiente des ressources financières et humaines permet d’assurer
l’accessibilité universelle à des services de santé et de services sociaux de qualité.
Des changements organisationnels importants s’opèrent depuis plusieurs années dans la gestion du
réseau public de la santé afin de s’adapter aux besoins populationnels évolutifs, notamment par
l’implantation de groupes de médecine familiale, de cliniques-réseau et la création des centres de santé
et de services sociaux (CSSS). La performance du travail de la main-d’œuvre du réseau, qui représente
6,6% de la population active au Québec (ministère de la Santé et des Services Sociaux, 2010), est au
cœur des transformations et des réorganisations.
L’Association québécoise des orthophonistes et audiologistes (AQOA) est préoccupée par diverses
problématiques dans l’organisation des services en orthophonie et en audiologie dans le réseau de la
santé et des services sociaux.
À travers ce rapport, l’AQOA présente une réflexion approfondie sur la hiérarchisation des services
offerts en orthophonie et en audiologie pour permettre, selon le mandat des différents établissements,
une meilleure accessibilité et continuité des services. L’AQOA fait part de recommandations concernant
la coordination et le partenariat des établissements selon une approche basée sur l’intervention précoce,
afin d’optimiser les services actuellement offerts.
5
L’offre de service en orthophonie et en audiologie
L’expertise du travail en orthophonie et en audiologie s’acquiert par une formation universitaire de
niveau maîtrise, l’expérience et de la formation continue. L’admission aux titres d’orthophonistes et
d’audiologistes est contrôlée par l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (OOAQ).
L’article 37 du projet de loi no. 90 (Assemblée nationale du Québec, 2002) confère aux audiologistes et
aux orthophonistes quatre activités réservées :
a) évaluer les troubles de l’audition dans le but de déterminer le plan de traitement et d’intervention
audiologiques ;
b) ajuster une aide auditive dans le cadre d’une intervention audiologique ;
c) procéder à l’évaluation fonctionnelle d’une personne lorsque cette évaluation est requise en
application d’une loi ;
d) évaluer les troubles du langage, de la parole et de la voix dans le but de déterminer le plan de
traitement et d’intervention orthophoniques.
L'article 37 du projet de loi no. 21 (Assemblée nationale du Québec, 2009) leur confère deux activités
réservées :
e) évaluer un élève handicapé ou en difficulté d’adaptation dans le cadre de la détermination d’un plan
d’intervention en application de la Loi sur l’instruction publique.
f) évaluer un enfant qui n’est pas encore admissible à l’éducation préscolaire et qui présente des indices
de retard de développement dans le but de déterminer des services de réadaptation et d’adaptation
répondant à ses besoins.
Les audiologistes évaluent les déficiences du système auditif, soit la baisse de sensibilité auditive, les
neuropathies de type dys-synchronie auditive, l’acouphène, l’hyperacousie et la fonction vestibulaire.
Plusieurs audiologistes travaillent dans un but diagnostique ayant comme objectif d’évaluer et d’émettre
des recommandations. Les interventions audiologiques, qui s'appuient sur une évaluation globale des
besoins, visent à réduire ou éliminer les situations de handicaps vécues par la personne ayant une
déficience auditive ou par les individus qui interagissent avec elle. Le recours à des aides techniques, des
stratégies de communication ou à des adaptations du milieu sont autant de moyens qui peuvent être
recommandés par l'audiologiste. L’utilisation de prothèses auditives, d’un implant à ancrage osseux,
d’un implant cochléaire, d’aides techniques de suppléance à l’audition (système par modulation de
fréquence, réveille-matin adapté, etc.) peut permettre une utilisation plus optimale des capacités
auditives. Une évaluation globale des besoins peut également mettre en lumière la nécessité d’un suivi
audiologique en réadaptation selon la sévérité des handicaps rapportés.
Les orthophonistes évaluent et interviennent sur les difficultés de langage oral et écrit, la parole, la voix
et la déglutition. L’orthophoniste évalue le langage en considérant le volet expressif soit la fluidité
verbale, la phonologie, la morphosyntaxe, le contenu et l’utilisation du langage ainsi que le volet réceptif
soit la compréhension des questions, des concepts, des consignes, la compréhension morphosyntaxique
et la pragmatique du langage. La coordination des mouvements de l’articulation et la langue, ainsi que
l’intégrité des structures du larynx peuvent également être évaluées en présence de difficultés praxiques,
de résonance ou de dysphagie. Plusieurs séances sont nécessaires pour établir une évaluation précise du
langage d’un individu et de ses problématiques. Un suivi à court terme est souvent effectué avant de
juger de la pertinence d’un suivi thérapeutique à long terme dans un centre de réadaptation.
6
État actuel des rôles et des responsabilités des orthophonistes des audiologistes dans les différentes catégories d’établissements
Le ministère de la Santé et des Services Sociaux (2008) a établi des balises claires sur le rôle et les
critères d’admissibilité des différents établissements liés à la déficience physique. Les établissements ont
établi des critères spécifiques par discipline afin d’appliquer ces normes. Les orthophonistes et les
audiologistes se sont soumis à ces politiques. Voici un aperçu des services offerts en orthophonie et en
audiologie sur l’île de Montréal1.
Première ligne
Les services de première ligne sont offerts par les centres locaux de services communautaires (CLSC) et
les Centres hospitaliers de soins généraux et spécialisés (CHSGS). Ces établissements sont le point de
contact direct et la porte d’entrée de la population, notamment des personnes vulnérables, dans le réseau
de la santé et des services sociaux. Aucune référence médicale n’est nécessaire. Les services sont
réalisés dans des infrastructures de base en lien avec des problématiques de santé de nature mineure,
mais à grande prévalence. Les interventions cliniques sont réalisées à court terme.
En audiologie, il n’existe aucune offre de service dans les CLSC. Les évaluations audiologiques
conventionnelles offertes à la population ayant une problématique simple sont réalisées dans les
CHSGS2
, généralement suite à une référence médicale, selon la politique de chaque
établissement.
En orthophonie, une évaluation du langage peut être réalisée en première ligne dans les CLSC3,
seulement dans le cadre du programme famille-enfance-jeunesse. Les interventions peuvent être
réalisées en groupe ou de façon individuelle. Les orthophonistes qui travaillent en première ligne
offrent une évaluation et, dans la mesure du possible, un suivi aux enfants ayant un retard de
langage réceptif et expressif de degré léger ou modéré. Les enfants ayant été évalués avec des
difficultés de langage sévères sont orientés vers la deuxième ligne. Les enfants ayant des besoins
spécialisés dans les problématiques développementale, communicationnelle et sociale sont
également orientés vers la deuxième ou troisième ligne pour une évaluation plus approfondie, les
services étant offerts au CLSC jusqu’à leur prise en charge. L’intervention précoce est
privilégiée, car elle permet souvent de faire la différence entre l’apparition et l’aggravation de
problèmes de communication. Ainsi, des services de dépistage peuvent être réalisés dans les
centres de la petite enfance et des solutions proposées pour les enfants souffrant d’une sous-
stimulation langagière.
Tant en audiologie qu'en orthophonie, il n'existe aucune offre de services publics de première ligne pour
la population adulte.
1 Inclusion: CLSC, centres hospitaliers, centres de réadaptation.
2 Exemples : Hôpital Maisonneuve-Rosemont, Hôpital St. Mary.
3 Exemples : CSSS Ahuntsic-Montréal-Nord 2), CSSS St-Léonard St-Michel 3) CSSS Cœur de l’île 4) Pointe de l’île-
Mercier-Est 5) Clinique communautaire Pointe St-Charles 6) CSSS Lucille-Teasdale (CLSC Rosemont, Mercier Ouest,
Hochelaga) 7) CSSS Jeanne-Mance 8) CSSS de la Montagne.
7
Deuxième ligne
L'offre de services de deuxième ligne est généralement assurée par les centres de réadaptation. Ces
services sont offerts aux personnes ayant des problématiques sévères ou complexes, requérant une
équipe interdisciplinaire, et dont le suivi à moyen ou long terme est nécessaire. Une évaluation et une
référence d’un professionnel, orthophoniste ou audiologiste, sont généralement nécessaires pour
l’admissibilité.
En audiologie, les personnes de tous âges qui présentent des difficultés d’intégration sociale,
scolaire ou professionnelle ou des situations de handicaps liées à une déficience auditive
permanente congénitale ou acquise, un acouphène ou de l’hyperacousie sont généralement
suivies sur l’île de Montréal à l’Institut Raymond-Dewar et au Centre MAB-Mackay. Certains
centres hospitaliers, par exemple le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM),
proposent des services de réadaptation précoce, soit dans l'attente d'un suivi à long terme en
centre de réadaptation ou lorsqu'une équipe interdisciplinaire n'est pas requise.
En orthophonie, une prise en charge thérapeutique est offerte aux personnes ayant des difficultés
communicationnelles importantes dans différents centres de réadaptation, selon l’âge et le type
de problématique associée. Les enfants qui présentent un retard sévère de langage reçoivent un
suivi en orthophonie au Centre de réadaptation Marie Enfant, à l’Institut Raymond-Dewar ou au
Centre de réadaptation MAB-Mackay. Les enfants qui présentent une déficience intellectuelle ou
un trouble envahissant du développement entraînant des difficultés de communication sont suivis
au Centre de réadaptation en déficience intellectuelle et trouble envahissant du développement
(CRDI-TED) de Montréal ou au CRDI Myriam. Les adultes ayant subi une atteinte neurologique
par une maladie, un traumatisme ou un accident vasculaire cérébral peuvent être suivis à
l’Institut de réadaptation Gingras-Lindsay de Montréal (IRGLM), à l’Hôpital de réadaptation
Villa-Médica ou aux centres de réadaptation Constance-Lethbrige et Lucie-Bruneau. Toutefois,
les critères spécifiques de chaque établissement, parfois restrictifs, ne permettent pas l’accès à
tous les patients nécessitant une prise en charge. Un guichet unique permettrait l'orientation des
personnes au centre désigné.
Troisième ligne
L'offre de services de troisième ligne est assurée par les centres hospitaliers universitaires. Le mandat de
ces établissements est d’offrir à la population qui réside sur le Réseau universitaire intégré de services
(RUIS) auquel elle est rattachée des services spécialisés et surspécialisés. Le travail des orthophonistes
et des audiologistes requiert une expertise de pointe, soit en raison de problématiques de santé
complexes ou rares, ou parce que les interventions cliniques offertes sont spécialisées. Les patients ayant
une déficience du système auditif ou un déficit communicationnel significatif qui requièrent des
interventions thérapeutiques à moyen ou long terme sont transférés en deuxième ligne.
En audiologie et en orthophonie, des services de troisième ligne sont offerts à la population
pédiatrique au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine et à l’Hôpital de Montréal pour
enfants et les services pour la population adulte au CHUM, au Centre universitaire de santé
McGill (CUSM) et à l’Hôpital général juif Sir Mortimer B. Davis.
8
Problématique 1 : Offre de service limitée en première ligne Les soins offerts à la population s’organisent dans un réseau de services. Malgré une organisation
hiérarchique des services, les dysfonctionnements engendrés par le manque de services de première
ligne contraignent les professionnels orthophonistes et audiologistes, qui ont à cœur la communication
de leurs patients, à pallier les services non offerts préalablement. En effet, les établissements dont le
mandat est d'offrir des soins de deuxième et troisième ligne reçoivent directement des patients n’ayant
pas bénéficié de services de première ligne.
La réalité en audiologie
Actuellement, aucun plan d'accès ne régit l'offre de service en audiologie, tant pour la population
adulte que pédiatrique. L’organisation actuelle du réseau oblige les audiologistes des CHSGS à
effectuer des évaluations de première ligne auprès des patients, généralement suite à une
référence médicale. L’accessibilité à un médecin de famille est souvent nécessaire pour
bénéficier d'une évaluation audiologique, mais n’est souvent pas directement possible pour la
population générale. Considérant les difficultés actuelles de la population à avoir accès à un
médecin, les services dont bénéficient les personnes avec une déficience auditive sont très limités.
En audiologie, l’absence de services de première ligne en pédiatrie dans le réseau public de santé
sur l’île de Montréal engendre une pression sur les établissements de troisième ligne, qui sont les
seuls à en offrir4. Tous les patients de 18 ans et moins doivent se présenter dans ces hôpitaux, peu
importe le motif de consultation, car aucun établissement de première ligne n’offre ce type de
service5. Les établissements de troisième ligne contournent leur mandat et pallient l’absence de
ressources de première ligne en pédiatrie. Les enfants présentant une problématique temporaire
et à prévalence élevée, comme la présence d’otite moyenne séreuse, devraient avoir l’opportunité
de recevoir une évaluation auditive en première ligne. Toutefois, comme ils sont jugés non
prioritaires par les établissements de troisième ligne, les enfants ont de la difficulté à obtenir les
services dont ils ont besoin.
En palliant l’absence de services de première ligne, et compte tenu que ces services ne sont
généralement pas priorisés par les établissements, les listes d'attente en pédiatrie et pour la
clientèle adulte s'en voient indûment allongées (se référer à la section « Répercussions
actuelles : des listes et des délais d’attente importants »). De plus, à l’égard de la population
générale, l’absence d’audiologistes dans les CLSC diminue considérablement l’offre de service
aux personnes vulnérables, dont les personnes âgées, diminuant ainsi le potentiel de maintien à
domicile.
4 Hormis l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, qui offre des services de première ligne en audiologie
5 Exceptions: Le CHUM et l’Hôpital général juif Sir. Mortimer B. Davis offrent des services d’orthophonie et d’audiologie
aux patients âgés de 16 ans et plus.
9
La réalité en orthophonie
Le plan d’accès en orthophonie rédigé par l’Agence de la santé et des services sociaux (ASSS,
2009) de Montréal pour les enfants de cinq ans et moins est actuellement peu respecté. La
contribution de l’ASSS dans l’organisation des services a établi des balises claires mais leur
application est quasi-inexistante. Par exemple, les services offerts pour une évaluation
pédiatrique dans les CLSC ou dans les CHSGS se dédoublent. Un plan d’accès similaire a été
rédigé pour la région de Québec (CSSS de la Vieille-Capitale, 2013) et montre une applicabilité
particulièrement efficace. Toutefois, la population montréalaise étant multiethnique, cela entraîne
différentes réalités dont l’allophonie (langue maternelle qui n’est pas le français ou l’anglais), le
multilinguisme, la défavorisation sociale, et des pratiques culturelles différentes, qui rendent
difficile la transposition directe de ce modèle. D’après une étude de l’ASSS de Montréal
(L’intervention de première ligne à Montréal auprès des personnes immigrantes : estimé des
ressources nécessaires pour une intervention adéquate, 2007), une intervention auprès d’une
personne immigrante est plus longue de 40% et ce sont les Montréalais d’immigration récente
(moins de 10 ans) dont la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais, qui ont le plus besoin
de services adaptés, tant sur le plan culturel que linguistique.
Les orthophonistes œuvrant en première ligne auprès de la population pédiatrique ne peuvent
réaliser entièrement les tâches requises pour répondre à leur mandat, en raison de la charge de
travail trop élevée. Il est actuellement difficile de répondre aux besoins des enfants identifiés.
Aussi, les enfants en attente d’une évaluation globale de développement (très souvent jusqu’à 2
ans d’attente), ayant par exemple une hypothèse d’un trouble envahissant du développement,
doivent recevoir des services d’orthophonie au CLSC jusqu’à leur prise en charge par le CRDI.
La majorité des services offerts se substituent à ceux qui devraient pouvoir être assumés par un
autre établissement, ce qui empêche les orthophonistes du programme 0-5 ans du CLSC d’offrir
les services qui répondent à leur mandat. Par conséquent, les orthophonistes de première ligne ne
peuvent pas offrir des interventions précoces auprès des enfants ciblés à risque ou présentant un
trouble léger à modéré lors d’un dépistage ou d’une évaluation. Par exemple, un enfant identifié
comme ayant un retard d’acquisition du langage léger pourrait, grâce aux interventions précoces
en orthophonie, rejoindre le développement attendu. Toutefois, sans prise en charge précoce, les
difficultés de cet enfant perdurent et risquent grandement de s’aggraver.
Il n’existe pas de services orthophoniques publics de proximité en première ligne pour les adultes
ayant des besoins orthophoniques plus chroniques. En effet, tout comme dans le cas de
l’audiologie, les CSSS et leurs points de contact en communauté, les CLSC, n’offrent pas de
services en orthophonie à la population adulte (ASSS de Montréal - État de situation sur les
services d’orthophonie et la main-d’œuvre, 2007), des services sont pourtant offerts en
ergothérapie, en physiothérapie et en nutrition. Ainsi, alors qu’un usager atteint d’une affection
aigüe est traité en urgence dans un CHSGS et ainsi rapidement vu en orthophonie interne, celui
atteint d’une maladie chronique (démence, maladie de Parkinson, sclérose en plaques, aphasie
progressive primaire, etc.), en plus de devoir obtenir une référence de son médecin afin
d’amorcer le processus d’intervention, doit souvent attendre longtemps avant d’être vu par
l’orthophoniste du CHSGS, faute d’effectifs (ASSS de Montréal - État de situation sur les
services en orthophonie et la main-d’œuvre, 2007). En outre, plusieurs usagers ne pourront avoir
accès à des services en externe à leur sortie d’un CHSGS. Par exemple, si un patient, après une
10
consultation en première ligne et un passage en réadaptation, a besoin de services continus et de
suivis périodiques vu la nature chronique et/ou évolutive de sa maladie, il devra souvent s’en
remettre à un rendez-vous de suivi annuel, ou même à aucun rendez-vous. Ainsi, nombre de
patients devront se tourner vers les cliniques privées. Ceux n’ayant pas les moyens de le faire
seront privés de services, les CLSC n’offrant pas de services de cette nature.
En somme, les établissements actuels s’éloignent du mandat établi par le plan d’accès aux services pour
les personnes ayant une déficience (ministère de la Santé et des Services Sociaux, 2008) en tentant de
pallier la lacune de services qui devraient être offerts ailleurs dans le réseau. Une offre trop limitée de
services de première ligne en orthophonie et en audiologie se répercute par une diminution de
l’accessibilité des clientèles ayant des besoins courants. Comme le nombre de postes est limité en
première ligne et que les professionnels en place ne peuvent assumer la tâche entière, le réseau entier
doit en assumer les répercussions.
Par ailleurs, en réponse aux exercices d'optimisation et de rationalisation exigés des établissements,
ceux-ci se voient obligés de restreindre leur offre de service sans mesurer l’impact de ces décisions sur
l’ensemble du réseau. Il n'est pas rare de voir un établissement fermer sa porte à une population clinique
et même l'orienter vers un autre établissement, sans même qu'il y ait eu concertation entre les deux.
Orientation ministérielle compromise du plan stratégique 2010-2015
ENJEU 5 : L’ATTRACTION, LA RÉTENTION ET LA CONTRIBUTION OPTIMALE DES RESSOURCES HUMAINES
Orientation 5.1 : Équilibre entre l’offre et la demande et un plan de main-d’œuvre annuel.
Axe d’intervention : disponibilité et utilisation optimale de la main-d’œuvre du réseau.
Pistes de solutions possibles
Créer une offre de service en audiologie sans référence médicale.
Identifier quel établissement devrait avoir le mandat d’effectuer des évaluations en audiologie
pédiatrique en première ligne.
Évaluer l’application du plan d’accès en orthophonie effectué en 2009 sur l’île de Montréal (Agence
de la santé et des services sociaux de Montréal, 2009) et faire les modifications nécessaires pour une
application efficace.
Limiter l’intervention des orthophonistes des CLSC au mandat de première ligne par rapport aux
CHSGS.
Favoriser le partenariat entre les établissements ayant des mandats différents pour diminuer les bris
de services, soit établir un corridor continu de services, de façon à ce que les délais n’imposent pas
des réévaluations fréquentes, coûteuses en temps.
Envisager l’ajout de postes cliniques en orthophonie et audiologie afin de répondre à la demande
réelle.
En orthophonie, faire appel à des techniciens (agents de correction du langage) sous supervision
d’un orthophoniste pour poursuivre l’intervention des patients ayant une maladie chronique
(population adulte).
11
Problématique 2 : Modalités variables d’accès aux services en orthophonie et en audiologie
Le choix des critères de priorité utilisés dans le traitement des requêtes est défini par chaque
établissement. Une grande variabilité existe dans la hiérarchisation des priorités entre les différents
établissements de la région de Montréal ayant un même mandat. Les critères qui définissent les
politiques sectorielles varient selon :
- les axes médicaux de l'établissement ;
- le lieu de résidence de la personne référée ;
- l’âge ;
- le motif de consultation.
L’ensemble des orthophonistes et des audiologistes qui travaillent dans un centre hospitalier (de
première ou troisième ligne) réalisent des évaluations suite à la réception d’une demande de consultation
effectuée par un médecin. Le médecin à l’origine de la requête représente, par sa spécialité clinique et
son lieu de pratique, un critère de décision dans la hiérarchisation des priorités d’accès. Par exemple, les
médecins qui travaillent à l’intérieur d’un CHSGS où se situe le service d’orthophonie et d’audiologie
peuvent voir leur demande de consultation priorisée devant celle des médecins qui travaillent hors de
l’établissement. De plus, certains services d’orthophonie et d’audiologie acceptent seulement les
requêtes des médecins affiliés à l'établissement, par exemple, le service pédiatrique d’orthophonie de
l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont ou le département d'orthophonie et d’audiologie du CUSM. Par
conséquent, les personnes référées par des médecins travaillant hors des CHSGS, par exemple ceux
exerçant dans un groupe de médecine familiale ou dans une clinique-réseau, ont plus de difficulté à
avoir accès aux services en orthophonie et en audiologie.
Certains centres hospitaliers établissent des critères de priorité selon le lieu de résidence. Par exemple,
l'Hôpital de Montréal pour enfants priorise les requêtes de la clientèle du territoire de Montréal, peu
importe le motif de consultation. Ainsi, les patients dont le lieu de résidence est hors de l’île de Montréal
ne sont pas priorisés, même s’ils doivent avoir recours à des services spécialisés.
L’âge des patients est souvent considéré comme un critère dans le traitement prioritaire des requêtes.
Dans certains hôpitaux pédiatriques, plus les enfants sont jeunes, plus la priorité est élevée. Les enfants
d'âge scolaire sont ainsi désavantagés et doivent attendre plus longtemps avant de recevoir des services.
De même, dans certains hôpitaux desservant une population adulte, l’accessibilité peut être meilleure
pour les patients actifs sur le marché du travail, au détriment de la clientèle aînée et vieillissante.
Le motif de consultation sert également à prioriser les patients dans le tri des requêtes. Les patients dont
l’état de santé est le plus lourd sont souvent priorisés dans les services d’orthophonie et d’audiologie. En
d’autres mots, plus la déficience rapportée est importante ou préjudiciable, plus les patients sont vus
rapidement. Les patients en bonne santé ou ayant des pathologies légères sont souvent pénalisés, car les
services de première ligne ne sont pas assez développés pour répondre aux besoins de cette clientèle.
En somme, dans un contexte où les ressources humaines et financières sont nécessairement limitées pour
l’ensemble des établissements du réseau de santé et des services sociaux, un tri prioritaire des requêtes
s’impose dans la gestion des listes d’attente. Parallèlement, puisque l’organisation des services est
différente selon les établissements en fonction de leur cadre administratif, et qu’il n’y a pas de
concertation entre les acteurs du réseau de santé et des services sociaux, l’efficience du continuum de
soins est compromise.
12
Orientation ministérielle compromise du plan stratégique 2010-2015
ENJEU 2 : LA PRIMAUTÉ DES SERVICES DE PREMIÈRE LIGNE DANS UNE PERSPECTIVE D’INTÉGRATION ET DE
HIÉRARCHISATION DES SERVICES.
Orientation 2.2 : Assurer un suivi interdisciplinaire et continu des clientèles ayant des besoins
particuliers.
Axe d’intervention : Personnes ayant une déficience et leur famille.
ENJEU 3 : UN DÉLAI RAISONNABLE POUR L’ACCÈS AUX SERVICES
Orientation 3.1 : Assurer l’accès aux services dans les délais acceptables.
Axe d’intervention : Services sociaux et de réadaptation.
ENJEU 4 : LA QUALITÉ DES SERVICES ET L’INNOVATION
Orientation 4.1 : Assurer la qualité et la sécurité des soins et des services.
Axe d’intervention : Démarche intégrée de qualité
Pistes de solutions possibles
Poser des critères de hiérarchisation similaires pour les établissements d’une même ligne de services
dans la gestion prioritaire des requêtes de consultation et s’assurer de les faire respecter.
Définir les mandats de chaque établissement et les services offerts pour les clientèles desservies en
orthophonie et en audiologie, à l'intention de la table de concertation des responsables en
orthophonie et en audiologie.
Offrir un guichet unique dans la réception des requêtes de première ligne en orthophonie et en
audiologie.
Indiquer une date d’entrée unique dans le réseau public de la santé.
Informer par écrit le patient et le référent de la décision rendue concernant l’admissibilité de la
demande. La réponse devrait comprendre notamment le moment réel où commenceront les services
en orthophonie et en audiologie.
Baliser les interventions selon les données probantes.
13
Problématique 3 : Le vieillissement de la population
La proportion des 65 ans ou plus, qui représentait 14,6 % de la population totale en 2008, en constituera
28 % en 2056 (Institut de la statistique du Québec, 2012). Les situations de handicap vécues par les
personnes âgées sont souvent peu visibles. De plus, les services offerts par les professions
d’orthophoniste et d’audiologiste dans ce domaine sont souvent méconnus. Ainsi, il est difficile de
répondre adéquatement aux besoins de cette population.
Les besoins en audiologie
L’Organisation mondiale de la santé (Surdité et déficience auditive, 2014) estime qu’au-dessus
de 65 ans, une personne sur trois est atteinte d’une perte auditive affectant sa qualité de vie. Des
données américaines abondent en ce sens (par exemple, Lin et al., 2011), estimant que la
prévalence de la surdité atteint 26,8 % des personnes de 65 à 69 ans, augmentant à 55 pour les
70-79 ans et à plus de 79 % des personnes de 80 ans et plus. Les conséquences de la perte
auditive sont multiples, incluant les difficultés à communiquer avec son entourage, la difficulté à
comprendre la parole ou à réagir face à son environnement sonore. La surdité peut également
conduire à l’isolation sociale et à la stigmatisation. La surdité a également été identifiée comme
facteur de risque important dans le développement de déficit cognitif tel que la démence (Lin et
al., 2011). En effet, plus une personne présente un niveau de surdité important, plus elle a de
chances de développer une démence. La surdité est également liée à un risque accru de chute
(Lin & Ferrucci, 2012), à une augmentation du risque d’être hospitalisé (Genther et al., 2013) et à
une augmentation de la mortalité (Fisher et al., 2014). Une prise en charge audiologique précoce
permettrait d’éviter ou de retarder ces problématiques, ce qui réduirait certains coûts du système
public de santé. Le vieillissement étant la première cause de perte auditive dans le monde, il est
concevable de prévoir que la demande pour des services audiologiques ne fera qu’augmenter au
cours des prochaines années avec le vieillissement de la population du Québec. Il est important
d’agir en amont afin de dépister de manière efficace la surdité et ainsi prévenir la progression du
trouble. Il est essentiel d’offrir à la population les services et les outils nécessaires pour pallier
efficacement les situations de handicap vécues par les patients.
Les besoins en orthophonie
Plus de 20 % des adultes de 60 ans et plus souffrent d’un trouble de santé mentale ou
neurologique (Organisation mondiale de la santé - Santé mentale et vieillissement, 2014).
Certains troubles comme les maladies d’Alzheimer et de Parkinson sont susceptibles d’entraver
le contrôle musculaire des muscles de la parole et de la déglutition et d’entraîner une aspiration
(de liquide ou nourriture) pouvant mener à de graves maladies pulmonaires ou au décès.
Certaines conditions engendrent également des atteintes neurologiques touchant le langage
(aphasies) qui restreignent considérablement la capacité à comprendre ou à s’exprimer du patient
et qui, par conséquent, diminuent ses relations sociales. En chiffres, ce sont 10 % des personnes
de plus de 65 ans qui souffrent de démence. Par ailleurs, environ 60 % des personnes ayant subi
un accident vasculaire cérébral (AVC) souffrent d’un trouble de langage ou de parole (Weinfeld,
1981) et ce taux augmente avec l’âge (Dickey et al., 2010). Sans inclure la prévalence de
l’aphasie liée aux traumatismes cranio-cérébral (TCC) et les troubles orthophoniques présents
dans les maladies dégénératives, la prévalence de l’aphasie suite à un AVC se situe entre 0,1 et
0,4 %. De plus, celle-ci augmente avec le taux de survie aux AVC, lequel est en augmentation
14
(Code & Petheram, 2011). En ce qui concerne la maladie de Parkinson, 60 % des personnes
atteintes souffrent de dysarthrie, sans compter la dysphagie et les difficultés
communicationnelles liées aux déficits cognitifs (Mlcoch, 1992).
Ainsi, les aînés présentent des besoins particuliers qui devraient davantage être considérés par le
système de santé; maintenir de bonnes habiletés de communication améliorerait grandement leur
autonomie. La réadaptation offerte par les orthophonistes est essentielle chez les adultes pour
leur permettre de conserver des acquis plus longtemps, donc de jouir d’une meilleure qualité de
vie. Il est important d’agir en amont afin de dépister de manière efficace les troubles de langage
causés par des atteintes neurologiques afin de prévenir la progression des troubles ainsi que de
donner les outils nécessaires aux patients afin que ceux-ci puissent pallier efficacement les
situations de handicap.
Le constat actuel des services offerts en orthophonie et audiologie
L’offre de services en place est très déficitaire et l’accès à ces services est souvent laborieux.
Actuellement, les services en orthophonie et en audiologie sont disponibles dans les centres hospitaliers
généralement suite à une référence médicale. Il n’existe aucun service dans les CLSC pour favoriser le
maintien à domicile. Les personnes âgées en perte d’autonomie sont contraintes de se déplacer
jusqu’aux centres hospitaliers grâce à leur famille ou à un transport adapté, ce qui est un second obstacle.
Par exemple, une personne âgée qui désire consulter un audiologiste ou orthophoniste à l’Hôpital
général de Montréal (HGM), doit d’abord obtenir une référence d’un médecin généraliste vers un
médecin oto-rhino-laryngologiste (ORL) affilié à l’HGM avant d’être référée. Ce processus implique
plusieurs consultations avant de pouvoir bénéficier de ces services. Cette organisation des soins est
particulièrement compliquée pour les personnes âgées et les étapes sont difficiles à surmonter lorsque la
personne présente une problématique de santé complexe, surtout si elle ne bénéficie pas du support de
proches (mobilité, difficultés cognitives).
Orientation ministérielle compromise du plan stratégique 2010-2015
ENJEU 2 : LA PRIMAUTÉ DES SERVICES DE PREMIÈRE LIGNE DANS UNE PERSPECTIVE D’INTÉGRATION ET DE
HIÉRARCHISATION DES SERVICES
Orientation 2.3 : Répondre aux besoins d’une population vieillissante.
Axes d’interventions : Réseaux de services intégrés. Adaptation de services.
Orientation 2.4 : Favoriser le soutien à domicile des personnes ayant des incapacités.
Axe d’intervention : Services de soutien à domicile
Pistes de solutions possibles
Implanter une offre de services qui correspond aux besoins de cette population :
o déterminer une première ligne d’intervention pour cette clientèle (CLSC ou autre);
o définir les établissements responsables d’offrir des services dans les centres d’hébergement
et de soins de longue durée (CHSLD) et à domicile (ex. : programme aînés).
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Favoriser un continuum de services : liens directs entre les CLSC et les centres de réadaptation.
Proposer une offre de service particulière à domicile et en CHSLD pour répondre aux besoins afin
d’améliorer la qualité de vie et réduire la perte d’autonomie des personnes âgées considérant leurs
besoins particuliers.
En orthophonie, faire appel à des techniciens (agents de correction du langage) sous supervision
d’un orthophoniste pour poursuivre l’intervention intensive suite au congé de la prise en charge en
réadaptation.
Offrir des suivis dans les CLSC après l’intervention en centre de réadaptation pour les personnes
atteintes de maladies chroniques.
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Répercussions actuelles : des listes et des délais d’attente importants
Les délais d’attente dans le réseau de la santé et des services sociaux sont souvent déraisonnables et
l’offre de services est très limitée, entrainant des situations non éthiques. Par exemple, un enfant
diagnostiqué d’un problème auditif doit attendre deux ans avant une prise en charge en audiologie au
Centre de réadaptation en déficience physique Le Bouclier. De même, un enfant diagnostiqué avec un
trouble envahissant du développement se voit attendre deux ans avant une prise en charge en
orthophonie. La réalité actuelle des établissements diffère considérablement des cibles établies selon les
données probantes et des lignes directrices ministérielles (ministère de la Santé et des Services Sociaux,
2008).
En première ligne, le début des services doit s’effectuer à l’intérieur de 30 jours pour une demande de
consultation urgente. Étant donné que chaque établissement établit sa propre définition d’urgence, ce
critère n’est pas appliqué uniformément. L’augmentation des délais d’attente risque fortement de
compromettre le potentiel de rééducation des usagers ainsi que d’avoir des conséquences négatives sur
le développement de la santé du patient, car un potentiel de récupération est perdu. La nécessité de la
prise en charge précoce est connue, mais pas toujours appliquée.
Afin de s’arrimer à ces lignes directrices ministérielles, certaines stratégies ont été mises en place, soit
offrir des services de groupe plutôt que des interventions individualisées ou débuter les services dans
une autre discipline que l’orthophonie ou l’audiologie (ex.: service en ergothérapie en centre de
réadaptation).
Tant en audiologie qu’en orthophonie, l’offre de service est limitée par les délais d’attente. Par exemple,
en orthophonie au Centre de réadaptation Marie Enfant, le nombre de séances en modalité individuelle
est limité à huit par enfant présentant un trouble sévère, peu importe les besoins de l’enfant, dans le but
d’offrir un minimum de services à un plus grand nombre d’enfants. Pour la population adulte, les
patients en clinique externe atteints d’AVC ne sont suivis que durant la période aigüe et souvent de
façon trop peu intensive faute d’effectifs, limitant le potentiel de récupération du patient. Ceci est
d’autant plus vrai en clinique externe, où l’intensité des thérapies est typiquement moins élevée. Or, les
métadonnées récentes indiquent clairement que l’intensité thérapeutique est le facteur capital dans le
degré de récupération suite à un AVC (Bhogal et al., 2003; Brady et al., 2012; Cherney et al., 2008;
Robey & Schultz, 1998). Une part importante des données indique même que trop peu d’intensité
empêche des améliorations significatives autres que celles apportées par la récupération spontanée. Avec
le bassin de personnes âgées qui est voué à augmenter considérablement dans les prochaines décennies,
un manque d’effectifs portera encore davantage préjudice à la récupération des patients dans la période
critique des mois suivant l’accident.
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Conclusion
L’AQOA propose à l’ASSS de Montréal de se prononcer sur l’efficacité et l’efficience des processus
d’accès et de trajectoire des soins dans le réseau public, notamment en ce qui concerne les trois
problématiques précédemment mentionnées, soit le manque ou l’absence de services d’orthophonie et
d’audiologie en première ligne, l’accès aux services en orthophonie et audiologie étant long et limité et
le manque de services offerts à la population vieillissante.
Le mandat de l’ASSS, décrit dans le document ministériel, est d’assurer aux personnes ayant une
déficience un accès aux services dont elles ont besoin dans des délais raisonnables, en plus d’optimiser
et d’harmoniser les processus, la gestion de l’accès aux services et l’organisation des services. Nous
pensons qu’il est nécessaire d’accroître l’efficience du réseau en coordonnant mieux les actions
cliniques, par une hiérarchisation des services tout en assurant la continuité des services entre les
différents paliers de soins. D’autre part, les ressources devraient être déterminées selon une approche
populationnelle. Il est nécessaire de renforcer les services aux personnes âgées afin d’améliorer leur
autonomie.
Nous suggérons également que la « table de concertation des responsables en orthophonie et
audiologie » soit activement impliquée dans cette démarche. La mobilisation de tous les acteurs
concernés est nécessaire pour établir un processus d’accessibilité et de continuité efficace et réellement
applicable.
Nous recommandons à l’ASSS :
- d’effectuer un plan stratégique montréalais en audiologie qui permettrait une meilleure
accessibilité, et ce, tant pour la population adulte que pédiatrique ;
- d’effectuer un plan d’action montréalais en orthophonie pour la population adulte ;
- d’évaluer l’application du plan stratégique montréalais en orthophonie pédiatrique réalisé en
2009 (ASSS de Montréal, 2009).
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