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DROIT ADMINISTRATIF II Cours de M. Michel ERPELDING Travaux dirigés de Mme Eva CHARTIER 5 e séance : La légalité des mesures de police administrative Documents : - Document n° 1 – CE, 28 juin 1918, Heyriès - Document n° 2 – CE, 28 février 1919, Dames Dol et Laurent - Document n° 3 – CE, 5 mars 1948, Marion - Document n° 4 – CE, 19 février 1909, Abbé Olivier - Document n° 5 – CE, 19 mai 1933, Benjamin - Document n° 6 – TC, 8 avril 1935, Action française - Document n° 7 – CE Ass., 22 juin 1951, Daudignac - Document n° 8 – CE, 9 juillet 2003, M. Lecomte - Document n° 9 – CE, ord. réf., 9 juillet 2001, Préfet du Loiret - Document n° 10 – CC, Décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008 - Document n° 11 – CE ord. réf., 26 août 2016, Ligue des droits de l’homme - Document n° 12 – CE, ord. réf., 13 novembre 2017, Dieudonné M’bala M’bala Exercice :

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DROIT ADMINISTRATIF II

Cours de M. Michel ERPELDING

Travaux dirigés de Mme Eva CHARTIER

5 e séance   : La légalité des mesures de police administrative

Documents :

- Document n° 1 – CE, 28 juin 1918, Heyriès

- Document n° 2 – CE, 28 février 1919, Dames Dol et Laurent

- Document n° 3 – CE, 5 mars 1948, Marion

- Document n° 4 – CE, 19 février 1909, Abbé Olivier

- Document n° 5 – CE, 19 mai 1933, Benjamin

- Document n° 6 – TC, 8 avril 1935, Action française

- Document n° 7 – CE Ass., 22 juin 1951, Daudignac

- Document n° 8 – CE, 9 juillet 2003, M. Lecomte

- Document n° 9 – CE, ord. réf., 9 juillet 2001, Préfet du Loiret

- Document n° 10 – CC, Décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008

- Document n° 11 – CE ord. réf., 26 août 2016, Ligue des droits de l’homme

- Document n° 12 – CE, ord. réf., 13 novembre 2017, Dieudonné M’bala M’bala

Exercice   : Commentaire du document n° 12. Rédigez entièrement l’introduction et les transitions entre les parties. Prévoyez un plan détaillé en deux parties, deux sous-parties, avec environ quatre idées par sous-partie.

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Document n° 1 – CE, 28 juin 1918, Heyriès

Vu la requête présentée par le sieur X..., ex-dessinateur civil de 2ème classe du génie militaire, demeurant à Nice, ladite requête enregistrée au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 5 juin 1917, et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler la décision en date du 22 octobre 1916, par laquelle le ministre de la Guerre l'a révoqué de ses fonctions ;

Vu le décret du 10 septembre 1914 ; le décret du 16 septembre 1914 ; Vu la loi constitutionnelle du 25 février 1875, article 3 ;

Considérant que, pour demander l'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision, en date du 22 octobre 1916, qui l'a révoqué de son emploi de dessinateur de deuxième classe du génie, le sieur X... soutient, d'une part, qu'il avait droit à la communication des pièces de son dossier, en vertu de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, dont l'application n'a pu être suspendue par le décret du 10 septembre 1914 ; d'autre part, que, en tous cas, les formalités prévues au décret du 16 septembre 1914 n'ont pas été observées ;

Sur le premier point :

Considérant que, par l'article 3 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875, le Président de la République est placé à la tête de l'Administration française et chargé d'assurer l'exécution des lois ; qu'il lui incombe, dès lors, de veiller à ce qu'à toute époque les services publics institués par les lois et règlements soient en état de fonctionner, et à ce que les difficultés résultant de la guerre n'en paralysent pas la marche ; qu'il lui appartenait, à la date du 10 septembre 1914, à laquelle est intervenu le décret dont la légalité est contestée, d'apprécier que la communication, prescrite par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, à tout fonctionnaire de son dossier préalablement à toute sanction disciplinaire, était, pendant la période des hostilités, de nature à empêcher dans un grand nombre de cas l'action disciplinaire de s'exercer et d'entraver le fonctionnement des diverses administrations nécessaires à la vie nationale. Qu'à raison des conditions dans lesquelles s'exerçaient, en fait, à cette époque, les pouvoirs publics, il avait la mission d'édicter lui-même les mesures indispensables pour l'exécution des services publics placés sous son autorité ;

Considérant, qu'en décidant, par le décret pris à la date sus-indiquée, que l'application de l'article 65 serait suspendue provisoirement pendant la durée de la guerre, avec faculté pour les intéressés de se pourvoir après la cessation des hostilités en révision des décisions qui auraient été ainsi prises à leur égard, le Président de la République n'a fait qu'user légalement des pouvoirs qu'il tient de l'article 3 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875, et qu'ainsi, la décision du ministre de la Guerre, rendue conformément aux dispositions dudit décret, n'est pas entachée d'excès de pouvoir ;

Sur le deuxième point :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision attaquée a été rendue sur le vu d'un rapport du chef du génie de Nice, et à la suite d'un interrogatoire auquel a été soumis le sieur X... et au cours duquel il lui était loisible de provoquer tout éclaircissement sur les griefs relevés contre lui, et de produire ses explications et ses moyens de défense ; qu'ainsi, il a été satisfait aux prescriptions du décret du 16 septembre 1914 ;

DECIDE : Article 1er : La requête susvisée du sieur X... est rejetée. Article 2 : Expédition ... Guerre.

Document n° 2 – CE, 28 février 1919, Dames Dol et LaurentVu la requête présentée par les dames Isabelle X... se disant fille publique, inscrite sur le registre de la police des moeurs, à Toulon Var , et Jeanne Y..., inscrite sur le même registre et demeurant dans la même ville, ladite requête enregistrée au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 31 juillet 1916 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler, pour excès de pouvoir, trois arrêtés, en date des 9 avril, 13 mai et 24 juin 1916, par lesquels le vice-amiral préfet maritime, gouverneur de Toulon a réglementé, dans cette ville, la police des moeurs ;

Vu la loi du 9 août 1849, articles 7 et 9 ; Vu la loi du 5 avril 1884, article 97 ; Vu les lois des 7-14 octobre 1790 et 24 mai 1872 ;

Considérant que par ses arrêtés en date des 9 avril, 13 mai et 24 juin 1916, le préfet maritime, gouverneur du camp retranché de Toulon, a interdit, d'une part, à tous propriétaires de cafés, bars et débits de boissons, de servir à boire à des filles, tant isolées qu'accompagnées et de les recevoir dans leurs établissements ; d'autre part, à toute fille isolée de racoler en dehors du quartier réservé et à toute femme ou fille de tenir un débit de boissons ou d'y être employée à un titre quelconque ; qu'il a prévu comme sanctions à ces arrêtés le dépôt au "violon" des filles par voie disciplinaire ainsi que leur expulsion du camp retranché de Toulon en cas de récidive et la fermeture au public des établissements où seraient constatées des infractions auxdits arrêtés ;

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Considérant que les dames Dol et Y..., se disant filles galantes, ont formé un recours tendant à l'annulation pour excès de pouvoir, des mesures énumérées ci-dessus comme prises en dehors des pouvoirs qui appartenaient au préfet maritime ;

Considérant que les limites des pouvoirs de police dont l'autorité publique dispose pour le maintien de l'ordre et de la sécurité, tant en vertu de la législation municipale, que de la loi du 9 août 1849, ne sauraient être les mêmes dans le temps de paix et pendant la période de guerre où les intérêts de la défense nationale donnent au principe de l'ordre public une extension plus grande et exigent pour la sécurité publique des mesures plus rigoureuses ; qu'il appartient au juge, sous le contrôle duquel s'exercent ces pouvoirs de police, de tenir compte, dans son appréciation, des nécessités provenant de l'état de guerre, selon les circonstances de temps et de lieu, la catégorie des individus visés et la nature des périls qu'il importe de prévenir ;

Considérant qu'au cours de l'année 1916, les conditions dans lesquelles les agissements des filles publiques se sont multipliés à Toulon ont, à raison tant de la situation militaire de cette place forte que du passage incessant des troupes à destination ou en provenance de l'Orient, présenté un caractère tout particulier de gravité dont l'autorité publique avait le devoir de se préoccuper au point de vue tout à la fois du maintien de l'ordre, de l'hygiène et de la salubrité et aussi de la nécessité de prévenir le danger que présentaient pour la défense nationale la fréquentation d'un personnel suspect et les divulgations qui pouvaient en résulter ; qu'il est apparu que les mesures faisant l'objet du présent pourvoi s'imposaient pour sauvegarder d'une manière efficace tout à la fois la troupe et l'intérêt national ;

Considérant que si, dans ce but certaines restrictions ont dû être apportées à la liberté individuelle en ce qui concerne les filles et à la liberté du commerce en ce qui concerne les débitants qui les reçoivent, ces restrictions, dans les termes où elles sont formulées, n'excèdent pas la limite de celles que, dans les circonstances relatées, il appartenait au préfet maritime de prescrire ; qu'ainsi, en les édictant, le préfet maritime a fait un usage légitime des pouvoirs à lui conférés par la loi ;

DECIDE : Article 1er : La requête susvisée des dames Dol et Y... est rejetée. Article 2 : Expédition ... Guerre.

Document n° 3 – CE, 5 mars 1948, Marion

[…] Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 20 mai 1945, le maire et la plupart des conseillers municipaux de Saint-Valéry-sur-Somme ayant, devant l'imminence de l'invasion allemande, quitté le territoire de la commune, les requérants ont constitué sous le nom de "Comité des intérêts Valéricains" une municipalité de fait qui s'est chargée spontanément d'assurer le fonctionnement des services publics de l'administration de la ville ; que l'un des actes du Comité des intérêts valéricains, qui, selon ses allégations, se proposait d'éviter le pillage et d'assurer le ravitaillement de la population et la reprise de l'activité économique, a consisté à procéder à la réquisition et à la vente des denrées et marchandises constituant les stocks de divers magasins de la ville ;

Considérant que ces actes n'étaient pas étrangers à la compétence légale des autorités municipales ; que, dans la mesure où les circonstances exceptionnelles nées de l'invasion leur conféraient un caractère de nécessité et d'urgence, ils devaient, bien qu'émanant de l'autorité de fait substituée auxdites autorités, être regardés comme des actes administratifs ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il appartenait au conseil de préfecture, en vertu du décret du 5 mai 1934, de statuer sur l'action en garantie par laquelle les membres du Comité des intérêts valéricains demandaient à être couverts par la ville des condamnations civiles prononcées contre eux par les tribunaux judiciaires au profit de certains des commerçants lésés par celles des réquisitions qui revêtaient, dans les conditions sus-rappelées, le caractère d'actes administratifs; que, par suite, c'est à tort que le conseil de préfecture de Rouen a décliné sa compétence dans l'instance engagée, aux fins ci-dessus indiquées, par les membres du Comité des intérêts valéricains et que l'arrêté attaqué en date du 1er juillet 1941 doit être annulé ; […]

Document n° 4 – CE, 19 février 1909, Abbé Olivier

Vu la requête présentée pour : l'abbé Olivier, archipêtre de la cathédrale de Sens, l'abbé Gaillet, curé de la paroisse Saint-Maurice de Sens, l'abbé Vallet, curé de la paroisse Saint-Pierre, l'abbé Prieur, curé de la paroisse Saint-Pregts, l'abbé Laboise, curé de la paroisse Saint-Savinien, les sieurs Baudry-Croquet, Roy, Bourlet, Duchemin, Frissard, tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler un arrêté, en date du 5 janv. 1907, par lequel le maire de Sens (Yonne) a réglé les manifestations extérieures des cultes, notamment à l'occasion des convois funèbres ;

Ce faire, attendu : que si l'arrêté attaqué porte « qu'il y a lieu d'organiser le service des enterrements en prenant les mesures nécessaires pour assurer l'ordre public, ainsi que la liberté des funérailles », il a été rendu en

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conformité d'un voeu émis par le conseil municipal dans sa séance du 30 juin 1906 comme une conséquence de la séparation des Eglises et de l'Etat ; qu'aucun désordre ne s'était antérieurement produit sur le passage du clergé dans les convois funèbres; qu'ainsi le maire a usé des pouvoirs, qui lui sont conférés par l'art. 97 de la loi du 5 avr. 1884, dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été donnés; que l'art. 1er de l'arrêté, qui interdit « les processions, cortèges et toutes manifestations ou cérémonies extérieures se rapportant à une croyance ou à un culte », est, par la généralité de ses termes applicables même aux manifestations individuelles, contraire à l'art. 1er de la loi du 9. déc. 1905 ; qu'aux termes de l'art. 3 de l'arrêté, « lorsque les familles désireront que les représentants et servants des cultes accompagnent le convoi, ceux-ci pourront le faire, soit en habits sacerdotaux en prenant place avec les objets consacrés au culte dans une ou plusieurs voitures de deuil qui précèderont le corbillard ou le brancard, soit en vêtements de ville en suivant le convoi. Dans ce cas, les objets du culte seront transportés dans le corbillard ou sur le brancard» ; qu'en admettant par impossible qu'il appartienne à l'autorité municipale d'interdire le port des ornements sacerdotaux sur la voie publique, cette autorité n'a pas le pouvoir d'obliger le clergé à suivre le convoi et d'empêcher ainsi les familles de faire précéder par un ministre de leur religion le convoi funèbre de leurs parents, ainsi que le droit leur en a été reconnu au cours des travaux préparatoires de la loi du 28 déc. 1904 ; que la disposition de l'art. 3 de l'arrêté frappe surtout ceux qui ne peuvent payer des voitures de deuil ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'Intérieur,... tendant au rejet du recours, attendu qu'en prenant l'arrêté attaqué, le mairie de Sens n'a fait qu'user des pouvoirs de police qu'il tient de l'art. 97 de la loi du 5 avr. 1884 et de l'art. 27 de la loi du 9 déc. 1905 pour assurer le maintien dans la commune ;

Vu les observations présentées par le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Cultes,... tendant au rejet du recours, attendu : qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêté, de son objet et du considérant qui suit les visas que le maire de Sens a eu en vue d'assurer l'ordre public ; que, d'ailleurs, de sérieux motifs tirés de la nécessité d'assurer la tranquillité sur la voie publique pouvaient, dans la ville de Sens, justifier l'intervention de l'autorité municipale par voie d'arrêté de police réglementant les cortèges funèbres ; que l'art. 1 er de l'arrêté attaqué vise uniquement les manifestations collectives susceptibles de troubler l'ordre public ; que la réglementation édictée par l'art. 3, en usage dans diverses villes, peut légitimement être établie ou maintenue par l'autorité municipale dans l'intérêt de la tranquillité publique ;

Vu les lois des 5 avr. 1884, 15 nov. 1887, 28 déc. 1904, 9 déc.1905, 7-14 oct. 1790 et 24 mai 1872, art. 9 ;*1* Considérant que l'arrêté attaqué distingue, d'une part, «les processions, cortèges et toutes manifestations ou cérémonies extérieures se rapportant à une croyance ou à un culte», dont l'art. 1er prononce l'interdiction ; d'autre part, les convois funèbres qui sont réglementés par les art. 2 à 8 ;

En ce qui concerne l'art.1er de l'arrêté :*2* Cons. qu'en interdisant par cet article, qui reproduit les dispositions d'arrêtés antérieurs toujours en vigueur, les manifestations extérieures du culte consistant en processions, cortèges et cérémonies, le maire n'a fait qu'user des pouvoirs de police qui lui sont conférés, dans l'intérêt de l'ordre public, par l'art. 97 de la loi du 5 avr. 1884, auquel se réfère l'art. 27 de la loi du 9 déc. 1905 ;

En ce qui concerne, les art. 2 à 8 de l'arrêté :*3* Cons., que, si le maire est chargé par l'art. 97 de la loi du 5 avr. 1884 du maintien de l'ordre dans la commune, il doit concilier l'accomplissement de sa mission avec le respect des libertés garanties par les lois ; qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre un arrêté rendu par application de l'art. 97, précité, non seulement de rechercher si cet arrêté porte sur un objet compris dans les attributions de l'autorité municipale, mais encore d'apprécier, suivant les circonstances de la cause, si le maire n'a pas, dans l'espèce, fait de ses pouvoirs un usage non autorisé par la loi ;*4* Cons. que l'art. 1er de la loi du 9 déc. 1905 garantit la liberté de conscience et le libre exercice des cultes, sous les seules restrictions édictées dans l'intérêt de l'ordre public, et que l'art. 2 de la loi du 15 nov. 1887 interdit aux maires d'établir des prescriptions particulières applicables aux funérailles en distinguant d'après leur caractère civil ou religieux ; qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi du 9 déc. 1905 et de ceux de la loi du 28 déc. 1904 sur les pompes funèbres que l'intention manifeste du législateur a été, spécialement en ce qui concerne les funérailles, de respecter autant que possible les habitudes et les traditions locales et de n'y porter atteinte que dans la mesure strictement nécessaire au maintien de l'ordre ;*5* Cons. qu'il résulte de l'instruction que, dans la ville de Sens, aucun motif tiré de la nécessité de maintenir l'ordre sur la voie publique ne pouvait être invoqué par le maire pour lui permettre de réglementer, dans les conditions fixées par son arrêté, les convois funèbres, et notamment d'interdire aux membres du clergé, revêtus de leurs habits sacerdotaux, d'accompagner à pied ces convois conformément à la tradition locale ; qu'il est au contraire établi par les pièces jointes au dossier, spécialement par la délibération du conseil municipal du 30 juin 1906 visée par l'arrêté attaqué, que les dispositions dont il s'agit ont été dictées, par des considérations étrangères à l'objet, en vue duquel l'autorité municipale a été chargée de régler le service des inhumations ; qu'ainsi lesdites dispositions sont entachées d'excès de pouvoir (Les art. 2, 3, 4, 6, 7 et 8 de l'arrêté du maire de Sens, en date du 5 janv. 1907, sont annulés. Rejet du surplus des conclusions du recours).(2e esp. : Req. 25.947 - MM. Pichat, rapp. ; Chardenet, c. du g. ; Me Clappier, av.).

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Vu la requête présentée pour : l'abbé Olivier, Gaillet, Vallet, Prieur, Laboise, curés des diverses paroisses de Sens, et pour les sieurs Baudry-Croquet, Roy, Bourlet, Duchemin et Frissard, ladite requête,... tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler un arrêté, en date du 1er sept. 1906, par lequel le maire de Sens (Yonne) a interdit sur la voie publique « toutes manifestations religieuses et notamment celles qui ont eu lieu jusqu'à présent à l'occasion des enterrements » ;

Vu les lois des 5 avr. 1884, 9 déc. 1905, 7-14 oct. 1790, 24 mai 1872, art. 9, et 17 avr. 1906, art. 4 ;*6* Considérant que, par les dispositions de l'arrêté du 1er Sept. 1906, déférées au Conseil d'Etat, le maire de Sens avait interdit toutes manifestations religieuses, sur la voie publique à l'occasion des enterrements ; que, depuis l'introduction du recours, un nouvel arrêté municipal, en date du 5 janv. 1907, a réglementé les convois funèbres et déterminé notamment les conditions dans lesquelles le clergé pourrait y participer ; que cet arrêté a eu nécessairement pour effet de rapporter les dispositions de l'arrêté du 1 er sept. 1906 déférées au Conseil d'Etat ; que, dès lors, le recours est devenu sans objet ;... (Il n'y a lieu de statuer sur le recours des sieurs Olivier et autres ; les sieurs Olivier et autres ne supporteront pas les droits d'enregistrement).

Document n° 5 – CE, 19 mai 1933, Benjamin

Vu les requêtes et les mémoires ampliatifs présentés pour le sieur Benjamin Y... , homme de lettres, demeurant ... et pour le Syndicat d'initiative de Nevers Nièvre représenté par son président en exercice, lesdites requêtes et lesdits mémoires enregistrés au Secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 28 avril, 5 mai et 16 décembre 1930 tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler deux arrêtés du maire de Nevers en date des 24 février et 11 mars 1930 interdisant une conférence littéraire ;

Vu la requête présentée pour la Société des gens de lettres, représentée par son délégué général agissant au nom du Comité en exercice, tendant aux mêmes fins que les requêtes précédentes par les mêmes moyens ; Vu les lois des 30 juin 1881 et 28 mars 1907 ; Vu la loi du 5 avril 1884 ; Vu les lois des 7-14 octobre 1790 et 24 mai 1872 ;

Considérant que les requêtes susvisées, dirigées contre deux arrêtés du maire de Nevers interdisant deux conférences, présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;

En ce qui concerne l'intervention de la Société des gens de lettres : Considérant que la Société des gens de lettres a intérêt à l'annulation des arrêtés attaqués ; que, dès lors, son intervention est recevable ;

Sur la légalité des décisions attaquées : Considérant que, s'il incombe au maire, en vertu de l'article 97 de la loi du 5 avril 1884, de prendre les mesures qu'exige le maintien de l'ordre, il doit concilier l'exercice de ses pouvoirs avec le respect de la liberté de réunion garantie par les lois des 30 juin 1881 et 28 mars 1907;

Considérant que, pour interdire les conférences du sieur René X..., figurant au programme de galas littéraires organisés par le Syndicat d'initiative de Nevers, et qui présentaient toutes deux le caractère de conférences publiques, le maire s'est fondé sur ce que la venue du sieur René X... à Nevers était de nature à troubler l'ordre public ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'éventualité de troubles, alléguée par le maire de Nevers, ne présentait pas un degré de gravité tel qu'il n'ait pu, sans interdire la conférence, maintenir l'ordre en édictant les mesures de police qu'il lui appartenait de prendre ; que, dès lors, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen tiré du détournement de pouvoir, les requérants sont fondés à soutenir que les arrêtés attaqués sont entachés d'excès de pouvoir ; […]

Document n° 6 – TC, 8 avril 1935, Action française

Vu l'arrêté, en date du 20 décembre 1934, par lequel le préfet du département de Seine-et-Oise a élevé le conflit d'attributions dans l'instance suivie devant le tribunal de première instance de Versailles entre la Société du journal L'Action française et M. X... ; Vu les lois des 16-24 août 1790, 16 fructidor an III, pluviôse an VIII, 29 juillet 1881 et 5 avril 1884 ;

Considérant que l'instance engagée par la société du journal L'Action française contre X... devant la justice de paix du canton nord de Versailles a pour but la réparation du préjudice causé par la saisie du journal L'Action française, opérée dans la matinée du 7 février 1934 sur les ordres du préfet de police chez les dépositaires de ce journal à Paris et dans le département de la Seine ;

Considérant que la saisie des journaux est réglée par la loi du 29 juillet 1881 ; que s'il appartient aux maires et à Paris au préfet de police de prendre les mesures nécessaires pour assurer le maintien du bon ordre et la sûreté

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publique, ces attributions ne comportent pas le pouvoir de pratiquer, par voie de mesures préventives, la saisie d'un journal sans qu'il soit justifié que cette saisie, ordonnée d'une façon aussi générale que celle qui résulte du dossier partout où le journal sera mis en vente, tant à Paris qu'en banlieue, ait été indispensable pour assurer le maintien ou le rétablissement de l'ordre public ; que la mesure incriminée n'a ainsi constitué dans l'espèce qu'une voie de fait entraînant pour l'instance actuellement pendante devant le tribunal de Versailles la compétence de l'autorité judiciaire ;

Considérant, toutefois, que le tribunal n'a pu sans excès de pouvoir condamner le préfet aux dépens en raison du rejet de son déclinatoire, ce fonctionnaire ayant agi non comme partie en cause, mais comme représentant de la puissance publique ;

DECIDE : Article 1er : L'arrêté de conflit pris par le préfet de Seine-et-Oise, le 20 décembre 1934, est annulé. Article 2 : La disposition du jugement du tribunal civil de Versailles en date du 14 décembre 1934, qui a condamné le préfet de Seine-et-Oise aux dépens de l'incident est considérée comme non avenue.

Document n° 7 – CE Ass., 22 juin 1951, Daudignac

Requêtes du sieur Daudignac, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté en date du 25 octobre 1948, par lequel le maire de Montauban a soumis à autorisation l'exercice de la photographie sur la voie publique et d'un arrêté en date du 2 mars 1949, par lequel le maire de Montauban a soumis à autorisation préalable l'exercice de la profession de photographe sur la voie publique ;

Vu la loi des 2-17 mars 1791 ; la loi du 5 avril 1884 ; les lois du 30 décembre 1906 et du 16 juillet 1912 ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 ; […]

Sur la légalité de l'arrêté du maire de Montauban en date du 2 mars 1949 :*4* Cons. que, par cet arrêté, le maire a soumis à une autorisation, dont les conditions étaient fixées par l'acte attaqué, l'exercice, même temporaire, de la profession de photographe sur la voie publique ; qu'il est constant qu'il a entendu viser ainsi notamment la profession dite de photographe-filmeur ;

*5* Cons. que les opérations réalisées par ces photographes n'ont pas le caractère de ventes au déballage, soumises à autorisation spéciale du maire par la loi du 30 décembre 1906 ; qu'en admettant même qu'elles soient faites par des personnes ayant la qualité de marchand ambulant au sens de l'article ler de la loi du 16 juillet 1912, le maire, qui tient de l'article 97 de la loi du 5 avril 1884 le pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour remédier aux inconvénients que ce mode d'exercice de la profession de photographe peut présenter pour la circulation et l'ordre public,- notamment en défendant à ceux qui s'y livrent de photographier les passants contre leur volonté ou en interdisant, en cas de nécessité, l'exercice de cette profession dans certaines rues ou à certaines heures, - ne saurait, sans méconnaître la loi précitée du 16 juillet 1912 et porter atteinte à la liberté de l'industrie et du commerce garantie par la loi, subordonner l'exercice de ladite profession à la délivrance d'une autorisation ; que dès lors, le sieur Daudignac est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'excès de pouvoir ; […]

Document n° 8 – CE, 9 juillet 2003, Lecomte

[…] Considérant qu’en jugeant que l’arrêté du maire de Prades en date du 30 mai 1996 réglementant notamment la mendicité comportait des dispositions limitées à la période estivale et applicables seulement à certaines voies du centre de l’agglomération et aux abords de certaines grandes surfaces, que ces mesures n’excédaient pas celles que le maire pouvait légalement édicter pour assurer préventivement, en période d’afflux touristique, la sécurité, la commodité et la tranquillité nécessaires aux usagers des voies publiques et que les restrictions imposées, compte tenu de leur limitation dans le temps et dans l’espace, ne soumettent pas les personnes concernées à des contraintes excessives autres que celles qu’impose le respect des objectifs poursuivis, la cour a suffisamment motivé son arrêt ;

Considérant qu’en jugeant que l’arrêté du maire de Prades n’interdit les actes de mendicité que durant la période estivale, du mardi au dimanche, de 9 heures à 20 heures, et dans une zone limitée au centre ville et aux abords de deux grandes surfaces, la cour n’a pas dénaturé les termes de cet arrêté ; qu’elle a pu en déduire, par une exacte qualification juridique des faits et sans erreur de droit, que le maire avait pris une mesure d’interdiction légalement justifiée par les nécessités de l’ordre public ;

Considérant que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la cour aurait méconnu les stipulations des articles 3 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en annulant le jugement du tribunal administratif de Montpellier et en rejetant leur demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 30 mai 1996 ; […].

Document n° 9 - CE, ord. réf., 9 juillet 2001, Préfet du Loiret

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Vu, enregistré le 5 juillet 2001, le recours présenté par le préfet du Loiret tendant à ce que le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1° annule l'ordonnance du 22 juin 2001 du président du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'elle n'a pas entièrement fait droit à sa demande de suspension de l'arrêté du maire d'Orléans du 15 juin 2001 réglementant la circulation des mineurs de moins de 13 ans ;

2° suspende l'exécution de l'ensemble des dispositions de l'arrêté du 15 juin 2001 du maire d'Orléans ; le préfet du Loiret soutient que l'ordonnance est entachée d'irrégularité dans la mesure où elle a omis de répondre au moyen tiré de l'inexactitude matérielle du motif de l'arrêté relatif à la part des mineurs dans la délinquance ; que, contrairement à ce qu'énonce l'arrêté municipal, il n'est pas établi que les mineurs de 13 ans menacent gravement la tranquillité publique ; que les statistiques font au contraire apparaître une très faible participation des mineurs à la délinquance ; que l'arrêté attaqué porte une atteinte excessive à la liberté de circulation ; qu'à cet égard, il vise non un comportement ou un mode d'utilisation de la voie publique, mais une catégorie de la population ; qu'il ne saurait légalement être fondé sur un motif tiré de la protection des mineurs, sous peine de porter atteinte au libre exercice de l'autorité parentale ; que l'article 2 de l'arrêté prévoyant une mesure d'exécution d'office est également illégal alors surtout que cette exécution suppose une vérification préalable de l'âge des mineurs et donc un contrôle ou un relevé d'identité ; que, l'arrêté portant sur la période du 15 juin au 15 septembre 2001, sa suspension présente un caractère d'urgence ;

Vu l'ordonnance attaquée, ensemble l'arrêté du maire d'Orléans en date du 15 juin 2001 ;

Vu, enregistré le 6 juillet 2001, le mémoire présenté pour la ville d'Orléans représentée par son maire en exercice qui conclut d'une part au rejet de l'appel du préfet du Loiret et d'autre part, par voie d'appel incident, à l'annulation de l'ordonnance du 22 juin 2001 du président du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'elle a suspendu les effets de l'arrêté municipal du 15 juin 2001 dans le secteur situé entre la rue de Bourgogne et la Loire ; la ville d'Orléans conclut également à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 15 000 F au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

Elle soutient que l'ordonnance attaquée par le préfet est suffisamment motivée ; que la réalité de l'importance de la délinquance juvénile dans les trois secteurs pour lesquels l'ordonnance a admis la légalité de l'arrêté municipal est établie ; que le nombre des actes de délinquance commis par les mineurs est en augmentation et que la part des mineurs dans la délinquance s'accroît ; que l'arrêté municipal n'a pas un caractère illégalement discriminatoire ; que ni la liberté de circulation ni le principe de l'autorité parentale n'excluent que l'autorité compétente réglemente la circulation des mineurs au titre de la police administrative pour les prévenir contre eux-mêmes dès lors que la mesure satisfait à l'exigence de proportionnalité ; que ni l'intervention du juge des enfants ni celle du parquet ne sont exclusives de l'exercice d'un pouvoir de police administrative ; que d'ailleurs l'article 2 de l'arrêté municipal comporte une articulation avec les pouvoirs du procureur de la République et du juge des enfants ; qu'en ce qui concerne l'article 2 de l'arrêté municipal, il est conforme au régime de l'exécution forcée ; que la reconduite au domicile des mineurs de moins de 13 ans n'est prévue qu'en cas d'urgence ; que l'appréciation par le juge administratif de la légalité d'un acte administratif ne dépend pas des conditions de son exécution ; que l'arrêté municipal n'est contraire à aucune disposition relative aux contrôles d'identité ; que s'agissant du secteur situé entre la rue de Bourgogne et la Loire, pour lequel l'ordonnance du 22 juin 2001 a suspendu l'arrêté municipal, la délinquance y est très importante et expose les jeunes mineurs à des dangers ; que c'est à tort que l'ordonnance attaquée a retenu qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de cette partie de l'arrêté ; [...]

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 2131-6 du Code général des collectivités territoriales, telles qu'elles résultent de la loi du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives, et reproduites aux articles L. 554-1 et L. 554-3 du Code de justice administrative, lorsqu'il défère au tribunal administratif un acte qu'il estime contraire à la légalité : « Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué [...]. Lorsque l'acte attaqué est de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle, le président du tribunal administratif [...] en prononce la suspension dans les quarante-huit heures. La décision relative à la suspension est susceptible d'appel devant le Conseil d'Etat dans la quinzaine de sa notification. En ce cas, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat [...] statue dans un délai de quarante-huit heures » ;

Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, le préfet du Loiret a demandé au président du tribunal administratif d'Orléans de suspendre l'exécution de l'arrêté du 15 juin 2001 par lequel le maire d'Orléans a interdit, pour la période du 15 juin au 15 septembre 2001, la circulation dans quatre secteurs délimités de cette ville, entre 23 heures et 6 heures, des mineurs de moins de 13 ans non accompagnés d'une personne majeure ; que, par l'article 1er de son ordonnance du 22 juin 2001, le président du tribunal administratif, statuant en référé, a suspendu l'exécution de l'arrêté du 15 juin en tant qu'il concernait le quatrième secteur délimité par l'arrêté et, par l'article 2, a rejeté les conclusions de suspension relatives aux trois autres secteurs ; que le préfet du Loiret fait appel de l'article 2 de cette ordonnance et demande la suspension de l'ensemble des dispositions de l'arrêté

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municipal ; que par voie d'appel incident, la commune d'Orléans demande l'annulation de l'article 1 er de l'ordonnance du 22 juin 2001 et le rejet de l'ensemble des conclusions de suspension présentées par le préfet ;

Considérant que, selon son article 1er, l'arrêté du maire d'Orléans est applicable du 15 juin au 15 septembre 2001, de 23 heures à 6 heures, dans une partie limitée de territoire de la commune et vise les mineurs de moins de 13 ans non accompagnés d'une personne majeure ; que, selon l'article 2, un mineur en infraction avec ces dispositions pourra « en cas d'urgence [...] être reconduit à son domicile par les agents de la police nationale ou de la police municipale », lesquels « informeront sans délai le procureur de la République de tous les faits susceptibles de donner lieu à l'engagement de poursuites ou à la saisine du juge des enfants » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier ainsi que de l'audience tenue par le juge des référés du Conseil d'Etat qu'en édictant ces dispositions le maire a entendu essentiellement contribuer à la protection des mineurs de moins de 13 ans contre les dangers auxquels ils sont tout particulièrement exposés aux heures et dans les lieux mentionnés à l'article 1er, et qui tiennent tant au risque d'être personnellement victimes d'actes de violence qu'à celui d'être mêlés, incités ou accoutumés à de tels actes ;

Considérant que ni l'article 371-2 du Code civil selon lequel la santé, la sécurité et la moralité de l'enfant sont confiées par la loi à ses père et mère, qui ont à son égard, droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation, ni les articles 375 à 375-8 du même code selon lesquels l'autorité judiciaire peut, en cas de carence des parents, et si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur sont en danger, prononcer des mesures d'assistance éducative, ni, enfin, les pouvoirs généraux que les services de police peuvent exercer en tous lieux vis-à-vis des mineurs, ne font obstacle à ce que, pour contribuer à la protection des mineurs, le maire fasse usage, en fonction de circonstances locales particulières, des pouvoirs de police générale qu'il tient des articles L. 2212-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales ;

Considérant toutefois que la légalité de mesures restreignant à cette fin la liberté de circulation des mineurs est subordonnée à la double condition qu'elles soient justifiées par l'existence de risques particuliers dans les secteurs pour lesquels elles sont édictées et qu'elles soient adaptées par leur contenu à l'objectif de protection pris en compte ;

En ce qui concerne l'appel principal du préfet du Loiret : Considérant que les trois premiers secteurs délimités par l'arrêté municipal du 15 juin 2001 demeurent caractérisés -ainsi que l'avait constaté le « contrat local de sécurité de l'agglomération orléanaise » signé le 22 mai 2000 par le représentant de l'Etat et les maires des communes intéressées, qui les avait qualifiés de « sensibles » - par un taux de délinquance particulièrement élevé ; que, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus l'arrêté du 15 juin 2001 a pour objectif principal la protection des mineurs de moins de 13 ans, le fait qu'il ne serait pas établi que la délinquance imputable spécifiquement à ces mineurs serait plus élevée dans ces secteurs est sans incidence sur la légalité de l'arrêté ; que les mesures prévues à l'article 1er sont adaptées aux circonstances et ne sont pas excessives par rapport aux fins poursuivies ; que les dispositions de l'article 2 ne méconnaissent par elles-mêmes ni les dispositions du Code de procédure pénale relatives aux contrôles d'identité ni, dès lors qu'elles ne sont applicables qu'en cas d'urgence, les règles de l'exécution forcée ; qu'elles peuvent permettre, indépendamment de l'information, qu'elles prévoient, de l'autorité judiciaire, d'appeler l'attention des parents sur les risques de toute nature que leurs enfants encourent en circulant la nuit dans ces secteurs ; qu'à cet égard elles poursuivent les mêmes fins que l'action confiée aux « correspondants de nuit » recrutés par la commune d'Orléans et chargés par elle de mener, dans ces quartiers, une action de sensibilisation des enfants et des familles distincte de l'activité des services de police ;

Considérant que de ce qui précède il résulte que le préfet du Loiret n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son article 2, l'ordonnance attaquée - qui est suffisamment motivée - a rejeté ses conclusions tendant à la suspension de celles des dispositions de l'arrêté du 15 juin 2001 qui sont relatives aux secteurs définis aux annexes I, II et III ; [rejet]

Document n° 10 – CE ord. réf., 26 août 2016, Ligue des droits de l’homme

Vu les procédures suivantes :I - La Ligue des droits de l’homme, M. Hervé Lavisse et M. Henri Rossi, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’ordonner la suspension de l’exécution des dispositions du 4.3 de l’article 4 de l’arrêté du 5 août 2016 du maire de la commune de Villeneuve-Loubet portant règlement de police, de sécurité et d'exploitation des plages concédées par l'Etat à la commune de Villeneuve-Loubet. Par une ordonnance n° 1603508 et 1603523 du 22 août 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes.

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 23 et 25 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Ligue des droits de l’homme, M. Hervé Lavisse et M. Henri Rossi, demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

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1°) d'annuler cette ordonnance ;2°) de faire droit à leur demande de première instance ;3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :- ils sont recevables à solliciter la suspension de l’exécution de l’arrêté contesté ;- la condition d’urgence est remplie dès lors que, d’une part, l’arrêté préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation des requérants ainsi qu’aux intérêts qu’ils entendent défendre, d’autre part, l’appel a été formé dans les plus brefs délais et, enfin, l’arrêté contesté a vocation à produire ses effets jusqu’au 15 septembre 2016 ;- l’arrêté contesté porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifester ses convictions religieuses, à la liberté de se vêtir dans l’espace public et à la liberté d’aller et de venir ;- il ne repose sur aucun fondement juridique pertinent;- la restriction apportée aux libertés n’est pas justifiée par des circonstances particulières locales.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 24 et 25 août 2016, le maire de la commune de Villeneuve-Loubet conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d’urgence n’est pas remplie et que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

II - L’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l’article L.  521-2 du code de justice administrative, d’ordonner la suspension de l’exécution du 4.3 de l’article 4.3 du même arrêté du 5 août 2016 du maire de la commune de Villeneuve-Loubet. Par une ordonnance n° 1603508 et 1603523 du 22 août 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Par une requête enregistrée le 24 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : [mêmes demandes que sous la requête précédente, même réponse du maire] […]

Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, lorsqu’est constituée une situation d’urgence particulière, justifiant qu’il se prononce dans de brefs délais, le juge des référés peut ordonner toute mesure nécessaire à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale.

2. Des arrêtés du maire de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) du 20 juin 2014 puis du 18 juillet 2016 ont réglementé l’usage des plages concédées à la commune par l’Etat. Ces arrêtés ont été abrogés et remplacés par un nouvel arrêté du 5 août 2016 qui comporte un nouvel article 4.3 aux termes duquel : « Sur l’ensemble des secteurs de plage de la commune, l’accès à la baignade est interdit, du 15 juin au 15 septembre inclus, à toute personne ne disposant pas d’une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et du principe de laïcité, et respectant les règles d’hygiène et de sécurité des baignades adaptées au domaine public maritime. Le port de vêtements, pendant la baignade, ayant une connotation contraire aux principes mentionnés ci-avant est strictement interdit sur les plages de la commune ». Ainsi que l’ont confirmé les débats qui ont eu lieu au cours de l’audience publique, ces dispositions ont entendu interdire le port de tenues qui manifestent de manière ostensible une appartenance religieuse lors de la baignade et, en conséquence, sur les plages qui donnent accès à celle-ci.

3. Deux requêtes ont été présentées devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice pour demander, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de ces dispositions de l’article 4.3 de l’arrêté du maire de Villeneuve-Loubet. La première de ces requêtes a été introduite par la Ligue des droits de l’homme, M. Hervé Lavisse et M. Henri Rossi, la seconde par l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France. Par une ordonnance du 22 août 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant en formation collégiale de trois juges des référés, a rejeté ces deux requêtes. La Ligue des droits de l’homme, M. Hervé Lavisse et M. Henri Rossi, d’une part, l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France, d’autre part, font appel de cette ordonnance par deux requêtes qui présentent à juger les mêmes questions et qu’il y a lieu de joindre.

4. En vertu de l’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales, le maire est chargé, sous le contrôle administratif du préfet, de la police municipale qui, selon l’article L. 2212-2 de ce code, « a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques  ». L’article L. 2213-23 dispose en outre que : « Le maire exerce la police des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage avec des

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engins de plage et des engins non immatriculés…Le maire réglemente l’utilisation des aménagements réalisés pour la pratique de ces activités. Il pourvoit d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours. Le maire délimite une ou plusieurs zones surveillées dans les parties du littoral présentant une garantie suffisante pour la sécurité des baignades et des activités mentionnées ci-dessus. Il détermine des périodes de surveillance… ».

5. Si le maire est chargé par les dispositions citées au point 4 du maintien de l’ordre dans la commune, il doit concilier l’accomplissement de sa mission avec le respect des libertés garanties par les lois. Il en résulte que les mesures de police que le maire d’une commune du littoral édicte en vue de réglementer l’accès à la plage et la pratique de la baignade doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées au regard des seules nécessités de l’ordre public, telles qu’elles découlent des circonstances de temps et de lieu, et compte tenu des exigences qu’impliquent le bon accès au rivage, la sécurité de la baignade ainsi que l’hygiène et la décence sur la plage. Il n’appartient pas au maire de se fonder sur d’autres considérations et les restrictions qu’il apporte aux libertés doivent être justifiées par des risques avérés d’atteinte à l’ordre public.

6. Il ne résulte pas de l’instruction que des risques de trouble à l’ordre public aient résulté, sur les plages de la commune de Villeneuve-Loubet, de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes. S’il a été fait état au cours de l’audience publique du port sur les plages de la commune de tenues de la nature de celles que l’article 4.3 de l’arrêté litigieux entend prohiber, aucun élément produit devant le juge des référés ne permet de retenir que de tels risques en auraient résulté. En l’absence de tels risques, l’émotion et les inquiétudes résultant des attentats terroristes, et notamment de celui commis à Nice le 14 juillet dernier, ne sauraient suffire à justifier légalement la mesure d’interdiction contestée. Dans ces conditions, le maire ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs de police, édicter des dispositions qui interdisent l’accès à la plage et la baignade alors qu’elles ne reposent ni sur des risques avérés de troubles à l’ordre public ni, par ailleurs, sur des motifs d’hygiène ou de décence. L’arrêté litigieux a ainsi porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle. Les conséquences de l’application de telles dispositions sont en l’espèce constitutives d’une situation d’urgence qui justifie que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Il y a donc lieu d’annuler l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 22 août 2016 et d’ordonner la suspension de l’exécution de l’article 4.3 de l’arrêté du maire de Villeneuve-Loubet en date du 5 août 2016. […]

Document n° 11 – CC, Décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008

[…]

1. Considérant que les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pour cause de trouble mental ; qu'ils contestent notamment la conformité à la Constitution de ses articles 1er, 3 et 13 ; que les députés critiquent en outre les dispositions de son article 12, et les sénateurs celles de son article 4 ; […]

En ce qui concerne le grief tiré de l'atteinte aux articles 9 de la Déclaration de 1789 et 66 de la Constitution :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la Déclaration de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi » ; que l'article 66 de la Constitution dispose que : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ;

12. Considérant que la rétention de sûreté et la surveillance de sûreté ne sont pas des mesures répressives ; que, dès lors, le grief tiré de la violation de la présomption d'innocence est inopérant ;

13. Considérant que la rétention de sûreté et la surveillance de sûreté doivent respecter le principe, résultant des articles 9 de la Déclaration de 1789 et 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire ; qu'il incombe en effet au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, ainsi que la liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à l'autorité judiciaire ; que les atteintes portées à l'exercice de ces libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à l'objectif de prévention poursuivi ;

- Quant à l'adéquation :14. Considérant qu'en vertu du quatrième alinéa de l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, le

placement de la personne en centre socio-médico-judiciaire de sûreté est destiné à permettre, au moyen d'une prise en charge médicale, sociale et psychologique qui lui est proposée de façon permanente, la

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fin de cette mesure ; qu'en effet, la rétention de sûreté est réservée aux personnes qui présentent une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu'elles souffrent d'un trouble grave de la personnalité ; qu'eu égard à la privation totale de liberté qui résulte de la rétention, la définition du champ d'application de cette mesure doit être en adéquation avec l'existence d'un tel trouble de la personnalité ;

15. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, ne peuvent faire l'objet d'une mesure de rétention de sûreté que les personnes qui ont été « condamnées à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour les crimes, commis sur une victime mineure, d'assassinat ou de meurtre, de torture ou actes de barbarie, de viol, d'enlèvement ou de séquestration » ; que cet article ajoute qu'il « en est de même pour les crimes, commis sur une victime majeure, d'assassinat ou de meurtre aggravé, de torture ou actes de barbarie aggravés, de viol aggravé, d'enlèvement ou de séquestration aggravé, prévus par les articles 221-2, 221-3, 221-4, 222-2, 222-3, 222-4, 222-5, 222-6, 222-24, 222-25, 222-26, 224-2, 224-3 et 224-5-2 du code pénal » ; qu'eu égard à l'extrême gravité des crimes visés et à l'importance de la peine prononcée par la cour d'assises, le champ d'application de la rétention de sûreté apparaît en adéquation avec sa finalité ;

16. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 706-53-14 du code de procédure pénale : « La situation des personnes mentionnées à l'article 706-53-13 est examinée, au moins un an avant la date prévue pour leur libération, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue par l'article 763-10, afin d'évaluer leur dangerosité.A cette fin, la commission demande le placement de la personne, pour une durée d'au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues aux fins d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'une expertise médicale réalisée par deux experts » ; que ces dispositions constituent des garanties adaptées pour réserver la rétention de sûreté aux seules personnes particulièrement dangereuses parce qu'elles souffrent d'un trouble grave de la personnalité ;

- Quant à la nécessité :17. Considérant, en premier lieu, qu'eu égard à la gravité de l'atteinte qu'elle porte à la liberté individuelle,

la rétention de sûreté ne saurait constituer une mesure nécessaire que si aucune mesure moins attentatoire à cette liberté ne peut suffisamment prévenir la commission d'actes portant gravement atteinte à l'intégrité des personnes ;

18. Considérant qu'en application des articles 706-53-13 et 706-53-14 du code de procédure pénale, la rétention de sûreté ne peut être décidée qu'« à titre exceptionnel » à l'égard d'une personne condamnée à une longue peine pour des faits d'une particulière gravité et si la cour d'assises a expressément prévu dans sa décision de condamnation qu'elle pourra faire l'objet à la fin de sa peine d'un réexamen de sa situation en vue d'une éventuelle rétention de sûreté ; que la dangerosité de cette personne est appréciée à l'expiration de la peine, au moyen d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'une expertise médicale réalisée par deux experts ; qu'en vertu de l'article 706-53-14 du code de procédure pénale, cette mesure ne peut être ordonnée que si la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, qui propose celle-ci, et la juridiction régionale de la rétention de sûreté, qui en décide, estiment que « les obligations résultant de l'inscription dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, ainsi que les obligations résultant d'une injonction de soins ou d'un placement sous surveillance électronique mobile, susceptibles d'être prononcées dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire ou d'une surveillance judiciaire, apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des crimes mentionnés à l'article 706-53-13 » et que « cette rétention constitue ainsi l'unique moyen de prévenir la commission, dont la probabilité est très élevée, de ces infractions » ; que ces dispositions garantissent que la juridiction régionale de la rétention de sûreté ne pourra ordonner une mesure de rétention de sûreté qu'en cas de stricte nécessité ;

19. Considérant, en deuxième lieu, que le maintien d'une personne condamnée, au-delà du temps d'expiration de sa peine, dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté afin qu'elle bénéficie d'une prise en charge médicale, sociale et psychologique doit être d'une rigueur nécessaire ; qu'il en est ainsi lorsque ce condamné a pu, pendant l'exécution de sa peine, bénéficier de soins ou d'une prise en charge destinés à atténuer sa dangerosité mais que ceux-ci n'ont pu produire des résultats suffisants, en raison soit de l'état de l'intéressé soit de son refus de se soigner ;

20. Considérant que le III de l'article 1er de la loi déférée insère dans le code de procédure pénale un article 717-1 A qui prévoit que, dans l'année qui suit sa condamnation définitive, la personne condamnée dans les conditions précitées est placée, pour une durée d'au moins six semaines, dans un service spécialisé permettant de déterminer les modalités de la prise en charge sociale et sanitaire et de définir un « parcours d'exécution de la peine individualisé » incluant, si nécessaire, des soins psychiatriques ; que le V de ce même article complète l'article 717-1 du même code, par un alinéa aux termes duquel : « Deux ans avant la date prévue pour la libération d'un condamné susceptible de relever des dispositions de l'article 706-53-13, celui-ci est convoqué par le juge de l'application des peines auprès duquel il justifie des suites données au suivi médical et psychologique adapté qui a pu lui être proposé en application des deuxième et troisième alinéas du présent article. Au vu de ce bilan, le juge de l'application des peines lui propose, le cas échéant, de suivre un traitement dans un établissement pénitentiaire spécialisé » ; qu'aux termes de l'article 706-53-14 : « La situation des personnes mentionnées à l'article 706-53-13 est

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examinée, au moins un an avant la date prévue pour leur libération, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté - À cette fin, la commission demande le placement de la personne, pour une durée d'au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues aux fins d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'une expertise médicale réalisée par deux experts » ;

21. Considérant que le respect de ces dispositions garantit que la rétention de sûreté n'a pu être évitée par des soins et une prise en charge pendant l'exécution de la peine ; qu'il appartiendra, dès lors, à la juridiction régionale de la rétention de sûreté de vérifier que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l'exécution de sa peine, de la prise en charge et des soins adaptés au trouble de la personnalité dont elle souffre ; que, sous cette réserve, la rétention de sûreté applicable aux personnes condamnées postérieurement à la publication de la loi déférée est nécessaire au but poursuivi ;

- Quant à la proportionnalité :22. Considérant que la rétention de sûreté ne peut être prononcée que sur avis favorable de la commission

pluridisciplinaire des mesures de sûreté, par une juridiction composée de trois magistrats de la cour d'appel ; qu'elle est décidée après un débat contradictoire et, si le condamné le demande, public ; que le condamné est assisté d'un avocat choisi par lui ou, à défaut, commis d'office ; que, passé un délai de trois mois après que la décision de rétention de sûreté est devenue définitive, la personne placée en rétention de sûreté peut demander qu'il soit mis fin à cette mesure ; qu'en outre, il y est mis fin d'office si la juridiction régionale de la rétention de sûreté n'a pas statué sur la demande dans un délai de trois mois ; que les décisions de cette juridiction peuvent être contestées devant la Juridiction nationale de la rétention de sûreté dont les décisions peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation ; qu'enfin, aux termes de l'article 706-53-18 du code de procédure pénale : « La juridiction régionale de la rétention de sûreté ordonne d'office qu'il soit immédiatement mis fin à la rétention de sûreté dès lors que les conditions prévues. . . Ne sont plus remplies » ; qu'il ressort de ces dispositions que l'autorité judiciaire conserve la possibilité d'interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de la personne retenue, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient ; que, dès lors, le législateur a assorti la procédure de placement en rétention de sûreté de garanties propres à assurer la conciliation qui lui incombe entre, d'une part, la liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à l'autorité judiciaire et, d'autre part, l'objectif de prévention de la récidive poursuivi ;

23. Considérant qu'en application de l'article 706-53-16 du code de procédure pénale, la décision de rétention de sûreté est valable pour une durée d'un an mais peut être renouvelée, après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, selon les modalités prévues par l'article 706-53-15 et pour la même durée, dès lors que les conditions fixées par l'article 706-53-14 sont remplies ; qu'en vertu de l'avant-dernier alinéa de l'article 723-37 du code de procédure pénale, le placement en surveillance de sûreté peut également être renouvelé pour une même durée ; que le nombre de renouvellements n'est pas limité ; qu'il ressort de ces dispositions que le renouvellement de la mesure ne pourra être décidé que si, à la date du renouvellement, et au vu, selon le cas, de l'évaluation pluridisciplinaire ou de l'expertise médicale réalisée en vue d'une éventuelle prolongation de la mesure, celle-ci constitue l'unique moyen de prévenir la commission des crimes visés à l'article 706-53-13 du code de procédure pénale ; qu'ainsi, afin que la mesure conserve son caractère strictement nécessaire, le législateur a entendu qu'il soit régulièrement tenu compte de l'évolution de la personne et du fait qu'elle se soumet durablement aux soins qui lui sont proposés ; que, dès lors, le grief tiré de ce que le renouvellement de la mesure sans limitation de durée est disproportionné doit être écarté ; […]

Document n° 12 – CE, ord. réf., 13 novembre 2017, Dieudonné M’Bala M’Bala

Vu la procédure suivante :

La société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M'Bala M'Bala ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du 18 septembre 2017 par laquelle le maire de la commune de Marseille a annulé le contrat de location de la salle « Le Dôme » pour le spectacle de M. Dieudonné M'Bala M'Bala intitulé « Dieudonné dans la guerre » prévu le 19 novembre 2017 dans cette commune et, d'autre part, d'enjoindre au maire de permettre le déroulement de ce spectacle dans la salle du Dôme à Marseille. Par une ordonnance n° 1708148 du 19 octobre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a fait droit à cette demande.

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 6 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Marseille demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

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2°) de rejeter la demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative par la société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M' Bala M'Bala ;

3°) de mettre à la charge de la société Les Productions de la Plume et de M. Dieudonné M'Bala M'Bala la somme de 4 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :- la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que les circonstances de l'espèce ne justifient pas l'intervention du juge des référés dans le délai de quarante-huit heures prévu à l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;- l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est entachée d'une erreur de droit en ce que celui-ci a déduit de l'atteinte à une liberté fondamentale la condition d'urgence ;- il n'est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale dès lors que le maire de Marseille a résilié pour un motif d'intérêt général un contrat portant occupation du domaine public, par nature précaire et révocable et que le risque de trouble à l'ordre public justifiait en tout état de cause cette décision, le spectacle litigieux portant atteinte à la dignité humaine et incitant à la haine et à la discrimination raciales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2017, la société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M'Bala M'Bala concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 € soit mise à la charge de la commune de Marseille. Ils font valoir que la condition d'urgence est remplie et qu'il est porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que constituent la liberté d'expression, la liberté du travail, composante de la liberté du commerce et de l'industrie, et la liberté de réunion alors que le risque de trouble à l'ordre public n'est pas avéré. […]

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »

2. Il résulte de l'instruction que la commune de Marseille, qui gère en régie la salle de spectacle du Dôme, d'une capacité de 5 000 personnes, lui appartenant, a conclu le 21 avril 2017 avec la société Les Productions de la Plume un contrat de mise à disposition de cette salle en vue de la tenue du spectacle « Dieudonné dans la guerre » de M. Dieudonné M'Bala M'Bala prévu le 19 novembre 2017, dans le cadre d'une tournée organisée pour ce spectacle dans différentes villes de France. Par un communiqué de presse du 13 septembre 2017, il a été annoncé que « La Ville de Marseille n'accueillera pas le spectacle de Dieudonné ». Par un courrier du 18 septembre 2017, le maire de Marseille a informé la société Les Productions de la Plume de sa décision de résilier unilatéralement le contrat de location de la salle du Dôme du 21 avril 2017, compte tenu des risques de troubles à l'ordre public qu'est susceptible d'engendrer la tenue de ce spectacle. Par une ordonnance n° 1708148 du 19 octobre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a, d'une part, suspendu l'exécution de la décision du 18 septembre 2017 et, d'autre part, enjoint au maire de la commune de Marseille de respecter la convention de location de la salle du Dôme et de laisser s'y dérouler, le 19 novembre 2017, le spectacle « Dieudonné dans la guerre ». La commune de Marseille relève appel de cette ordonnance.

3. La commune de Marseille fait valoir en premier lieu qu'elle s'est bornée à résilier unilatéralement le contrat de mise à disposition de la salle pour un motif d'intérêt général.

4. Toutefois, il ressort des éléments du dossier, ainsi que l'a relevé le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, que le maire de Marseille, après avoir annoncé dans un communiqué de presse du 13 septembre 2017 que le spectacle « Dieudonné dans la guerre » prévu le 19 novembre 2017 dans la salle de spectacle du Dôme n'aurait pas lieu compte tenu des « réelles menaces à l'ordre public » liées à sa tenue, s'est notamment fondé sur ce motif pour résilier le contrat de location signé le 21 avril 2017. Le maire de Marseille a ainsi entendu faire usage, d'une part, des prérogatives qu'il tient de sa qualité de gestionnaire du domaine public et, d'autre part, des pouvoirs de police administrative qui lui sont conférés. Dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard tant à la date de la résiliation du contrat qu'aux motifs qui en constituent le fondement, la décision du 18 septembre 2017 a eu pour objet et pour effet d'interdire la tenue du spectacle et doit être regardée comme une mesure de police.

Sur la condition d'urgence : 5. La commune de Marseille conteste l'existence de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour la société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M'Bala M'Bala de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Elle soutient en outre que les intéressés ont délibérément contribué à créer la situation d'urgence

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dont ils se prévalent en ne formant leur recours qu'un mois après que le maire de Marseille les a informés de la résiliation du contrat de location.

6. La condition d'urgence posée par l'article L. 521-2 du code de justice administrative s'apprécie objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce. En particulier, le requérant qui saisit le juge des référés sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative doit justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. Lorsqu'un requérant fonde son action, non sur la procédure de suspension régie par l'article L. 521-1 du même code, mais sur la procédure particulière instituée par l'article L. 521-2, il lui appartient de justifier de circonstances caractérisant une situation d'urgence qui implique, sous réserve que les autres conditions posées par cette disposition soient remplies, qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans les quarante-huit heures.

7. En l'espèce, la société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M'Bala M'Bala font valoir que la seule annonce de la décision du maire de Marseille a provoqué une interruption des réservations pour le spectacle programmé le 19 novembre 2017 et était de nature à faire ainsi obstacle, dès sa prise d'effet, à la vente du plus grand nombre possible des places de la salle louée pour cette date. Ils établissent également qu'à la date de la décision litigieuse, aucune autre salle équivalente n'était disponible à Marseille ou aux environs pour accueillir le spectacle à la même date, de sorte que cette décision entraînait l'annulation du spectacle. Il résulte enfin de l'instruction qu'à ce jour, compte tenu de la suspension ordonnée par le juge des référés, environ 3 000 places ont déjà été achetées. Par suite, la condition d'urgence particulière requise par l'article L. 521-2 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie, sans que la commune de Marseille puisse utilement se prévaloir de la circonstance qu'une autre salle située à Marseille, d'une capacité sensiblement inférieure à celle du Dôme, se soit très récemment libérée.

Sur l'atteinte grave et manifestement illégale : 8. L'exercice de la liberté d'expression est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il appartient aux autorités chargées de la police administrative de prendre les mesures nécessaires à l'exercice de la liberté de réunion. Les atteintes portées, pour des exigences d'ordre public, à l'exercice de ces libertés fondamentales doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées.

9. Il résulte de l'instruction que pour justifier sa décision, le maire de Marseille évoque la circonstance que l'annonce de la programmation de ce spectacle a engendré « une profonde émotion parmi les Marseillais et au-delà, de nombreuses réactions de nature à créer de réelle menaces de trouble à l'ordre public », qu'elle « ne veut pas être confrontée sur le parvis du Dôme, ni à l'intérieur de celui-ci, à de violentes réactions et manifestations susceptibles de se produire du fait des tensions provoquées par la tenue même de ce spectacle » et que « Marseille ne peut donc pas accepter un spectacle qui, au prétexte d'humour divise, fracture et oppose [...] proposé par un homme déjà condamné pour incitation à la haine raciale et antisémitisme ».

10. Toutefois, ainsi que l'a d'ailleurs relevé le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, il ne résulte ni des pièces du dossier ni des échanges tenus au cours de l'audience publique que le spectacle « Dieudonné dans la guerre », qui a déjà été donné à plusieurs reprises à Paris au mois de juillet 2017, ainsi que les 7, 14 et 28 octobre 2017 à Metz, Strasbourg et Grenoble, y aurait suscité, en raison de son contenu, des troubles à l'ordre public, ni qu'il ait donné lieu à des plaintes ou des condamnations pénales. Si la commune fait valoir que l'affiche du spectacle revêtirait une connotation antisémite, une telle critique n'est, à la supposer fondée, pas de nature, à elle seule et en l'absence de toute référence au contenu du spectacle, à justifier une mesure d'interdiction de celui-ci. La commune n'établit pas davantage le risque de troubles à l'ordre public en se référant à une vidéo de M. Dieudonné M'Bala M'Bala publiée sur internet le 4 juillet 2007 et relative au décès de Mme Simone Veil ainsi qu'à une nouvelle chanson intitulée « c'est mon choa » dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elles seraient reprises dans le spectacle ni en invoquant diverses condamnations pénales prononcées contre M. Dieudonné M'Bala M'Bala ou des poursuites dont il fait l'objet devant le juge pénal pour d'autres faits, qui sont sans rapport avec le spectacle programmé. En outre, si elle fait état de nombreuses protestations et d'une vive émotion suscitées par la tenue de ce spectacle, elle ne produit en ce sens qu'un communiqué de presse qui n'évoque pas même l'éventualité d'une manifestation de protestation. Enfin, si un risque de désordre ne peut être complètement exclu, il ne résulte pas de l'instruction que le maire de Marseille ne pourrait y faire face par de simples mesures de sécurité.

11. Il suit de là que la décision du 18 septembre 2017, en interdisant la tenue du spectacle à Marseille, constitue une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'expression.

12. Il résulte de ce qui précède que la commune de Marseille n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a suspendu l'exécution de la décision de résiliation du 18 septembre 2017. Sa requête, doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Marseille le versement à la société Les Productions de la Plume et à M. Dieudonné M'Bala M'Bala de la somme de 1 000 € chacun au titre de ces dispositions. […]

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