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Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
Marie-Christine CAZALY
Maitrise des langages 2018
Sommaire Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
2 MC CAZALY CAPASH 2014
Sommaire
Introduction 5
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip7
A Lidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert lhypothegravese des deux voies de lecturehelliphelliphellip7
1 Mise en eacutevidence de deux voies de lecture par les recherches en neuropsychologiehelliphelliphelliphellip7
2 Le modegravele agrave deux voies de lecture Coltheart 1978helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip8
3 Evolution du modegravele agrave deux voies de lecturehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip10
31 Le modegravele DRC de Coltheart et al 2001
32 Le modegravele connexionniste CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)
4 Les diffeacuterents effets de lecturehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip13
41 Les effets de freacutequence
42 Les effets de lexicaliteacute
43 Les effets de reacutegulariteacute
B Meacutecanismes dapprentissage didentification du mot eacutecrit et de ses difficulteacuteshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip17
1 Modegraveles deacuteveloppementauxhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip17
11 Le modegravele en stades de Frith (1985)
12 Le modegravele agrave double fondation de Seymour (1997)
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique 22
3 La lecture par analogiehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip23
4 Comprendre certaines difficulteacutes didentification du mot eacutecrithelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip24
41 Lapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et complexiteacute
412 Effet de consistance
413 Theacuteorie de la granulariteacute
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
421 Leffet des voisins orthographiques
422 Leffet des voisins syllabiques
Sommaire Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
3 MC CAZALY CAPASH 2014
43 Les effets de familiariteacute
44 La situation du franccedilais langue seconde
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
452 La dyslexie phonologique
Reacutesumeacute Chapitre 1helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip31
Bibliographie
Introduction Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
4 MC CAZALY CAPASH 2014
Introduction
La lecture nrsquoest pas une activiteacute naturelle car le cerveau nrsquoest pas programmeacute pour lire
comme il peut lrsquoecirctre pour le langage oral Lrsquoeacutecrit est une invention de lrsquohomme tout comme
les activiteacutes de comptage et suppose qursquoil y ait apprentissage Certains chercheurs comme
Ludovic Ferrand ont qualifieacute la lecture de talent cognitif prodigieux automatique mais son
apprentissage peut devenir laborieux pour un certain nombre drsquoenfants Crsquoest le cas en
Nouvelle Caleacutedonie ougrave le nombre drsquoeacutelegraveves en difficulteacute de lecture repreacutesente plus de 20
de la population scolaire Parmi ceux-ci beaucoup ont des difficulteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit et nrsquoaccegravedent pas agrave une lecture fluide Le grand deacutefi de lrsquoeacutecole est alors de reacuteussir agrave
deacuteterminer ce qui peut ecirctre source de difficulteacute afin de concevoir des aides approprieacutees
Crsquoest notamment le rocircle des enseignants speacutecialiseacutes qui agrave partir drsquoinvestigations meneacutees
essaient drsquoen deacutegager des profils de lecteurs En effet plus lrsquoanalyse du profil de lecteur sera
fine plus les aides apporteacutees seront efficaces
Crsquoest pourquoi agrave travers la preacutesentation drsquoun ensemble de recherches les plus adapteacutees agrave la
lecture agrave voix haute cette eacutetude se proposera dans un premier temps de faire le point sur
les connaissances dont nous disposons sur les meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit pour
le lecteur expert Puis drsquoeacutetudier lrsquoapprentissage de ces meacutecanismes tels qursquoils se
deacuteveloppent chez lrsquoenfant Et enfin nous nous inteacuteresserons particuliegraverement aux
diffeacuterentes sources explicatives des difficulteacutes de reconnaissance du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
5 MC CAZALY CAPASH 2014
Chapitre 1 Les modegraveles theacuteoriques de lrsquoidentification du mot eacutecrit et de son apprentissage
Que sait-on de la lecture experte
La finaliteacute de la lecture est avant tout la compreacutehension de ce qui vient drsquoecirctre lu Pour Ecalle
et Magnan 2010 cette finaliteacute reacutesulte de deux composantes essentielles lrsquoidentification du
mot eacutecrit et la compreacutehension de phrases ou de textes Ainsi la reconnaissance des mots
eacutecrits conditionne toute lrsquoactiviteacute de lecture car elle est un preacutealable agrave la compreacutehension
Pour ecirctre efficaces les meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit doivent ecirctre automatiseacutes
Mais quels sont ces meacutecanismes Comment se traduisent-ils chez le lecteur expert Crsquoest
pourquoi avant de deacutecrire son apprentissage et ses difficulteacutes nous exposerons dans cette
premiegravere partie les theacuteories explicatives de la lecture experte
A Lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert Lrsquohypothegravese de deux
voies de lecture
1 Mise en eacutevidence de deux voies de lecture par les recherches en neuropsychologie
Deux voies de lecture ont eacuteteacute mises en eacutevidence par Marshall et Newcombe (19661973) agrave
partir de lrsquoanalyse des erreurs de patients ayant subi des leacutesions
Dans le cas de lrsquoalexie peacuteripheacuterique il existe des erreurs de substitution ou de
reacutearrangement des lettres APPLE qui est lu ABLE La personne change une ou plusieurs
lettres et commet une erreur de lecture Lrsquoalexie profonde correspond agrave des erreurs de
substitution seacutemantique Le patient remplace le mot laquo little raquo par un mot seacutemantiquement
correct comme laquo small raquo Enfin lrsquoalexie de surface qui srsquoexplique par des erreurs de lecture
de phonegravemes donc agrave une sur-reacutegularisation des mots lus telle que lsquolitersquo pour lsquolitrsquo Lrsquoalexie de
surface provoque de nombreux neacuteologismes au cours de la lecture
Ces observations deacutemontrent qursquoil existe certainement deux routes principales pour la
lecture Une qui conduit agrave une adresse phonologique et lrsquoautre agrave une adresse seacutemantique
les deux combineacutees permettent la prononciation du mot lu
Il existe diffeacuterentes cateacutegories de mots qui conduisent agrave lrsquoutilisation de voies diffeacuterentes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
6 MC CAZALY CAPASH 2014
- Les pseudo-mots comme laquo sabifo raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie drsquoassemblage
cest-agrave-dire la conversion de graphegravemes en phonegravemes
- Les mots irreacuteguliers comme laquo femme raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie
drsquoadressage cest-agrave-dire la reconnaissante visuelle immeacutediate du mot stockeacute dans le
lexique mental
- Les mots reacuteguliers comme laquo veacutelo raquo dont la lecture peut utiliser les deux voies
preacuteceacutedentes
Mais ces constats font deacutebat agrave propos de diffeacuterents facteurs qui peuvent intervenir lors de la
lecture tels que la freacutequence des mots lrsquoambiguumliteacute lrsquohomophonie ainsi que la concreacutetude
(mots plus ou moins concrets) Mais avant de srsquointeacuteresser agrave ces diffeacuterents facteurs il nous
semble essentiel de deacutecrire les modegraveles qui tentent de deacutecrire la lecture experte dont le
plus connu est le modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart 1978
2 Le modegravele agrave deux voies de lecture (Dual route model) Coltheart 1978
Les recherches portant sur la lecture experte ont largement deacutemontreacute lrsquoimportance des
proceacutedures drsquoidentification des mots eacutecrits isoleacutes Parmi ces recherches le modegravele agrave deux
voies de Coltheart (1978) srsquoest reacuteveacuteleacute tregraves fertile et a servi de point de reacutefeacuterence agrave de
nombreuses recherches dans le domaine de lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur
expert Drsquoapregraves ce modegravele pour lire un mot le lecteur expert peut utiliser deux
proceacutedures 1) La voie directe dite aussi orthographique lexicale ou drsquoadressage et 2) La
voie indirecte dite aussi phonologique sub-lexicale deacutecodage ou drsquoassemblage
Modegravele de la double-voie (Coltheart 1978)
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
7 MC CAZALY CAPASH 2014
La voie directe drsquoadressage permet de reacutecupeacuterer en meacutemoire la repreacutesentation
phonologique lexicale directement En quelque sorte le mot est reconnu drsquoembleacutee sans
avoir besoin de le deacutechiffrer Cette voie serait la plus utiliseacutee par le lecteur expert Elle est
eacutegalement la seule utilisable pour la lecture de mots irreacuteguliers Cette route est sensible agrave la
freacutequence des mots En effet plus un mot est freacutequent et plus vite il est reconnu et lu Les
mots freacutequents sont identifieacutes plus rapidement que les mots rares Cet effet de freacutequence
montre lrsquoexistence mecircme de la voie directe Elle est reacuteveacuteleacutee aussi par le fait qursquoil est
impossible de lire un mot nouveau ou pseudo-mot (mot qui nrsquoexiste pas) directement Le
lecteur est obligeacute drsquoassembler les phonegravemes et les graphegravemes afin drsquoaboutir agrave la
prononciation du mot
La voie indirecte drsquoassemblage megravene agrave lrsquoeacutelaboration de cette repreacutesentation phonologique
par assemblage des phonegravemes et des graphegravemes composant le mot Proceacutedure aussi
appeleacutee lsquomeacutediation phonologiquersquo Elle est principalement utiliseacutee par le lecteur expert pour
les mots nouveaux ou les pseudo-mots De plus elle preacutesente un effet de reacutegulariteacute Cest-agrave-
dire que les mots reacuteguliers sont mieux lus que les mots irreacuteguliers par le fait que la
correspondance des graphegravemes phonegravemes ne permet pas drsquoidentifier le mot irreacutegulier
comme laquo femme raquo correctement Il se produit alors une erreur de reacutegularisation qui aboutit
agrave la prononciation laquo fame raquo Cet effet de reacutegulariteacute deacutemontre la preacutesence de la voie indirecte
au cours de lrsquoidentification des mots eacutecrits Mais eacutegalement lrsquoeffet de lexicaliteacute cest-agrave-dire
la diffeacuterence entre la lecture de mots et de pseudo-mots ougrave les mots sont mieux lus que les
pseudo-mots montre que deux proceacutedures sont utiliseacutees
Dans ce modegravele agrave deux routes pour le lecteur expert lrsquoutilisation de la voie indirecte est
facultative alors que la voie directe plus rapide joue le premier rocircle Les deux voies
srsquoactivent en parallegravele Il est donc possible drsquoeacutevaluer lrsquoidentification des mots eacutecrits en
prononciation (agrave voix haute) en utilisant des tacircches avec effet de freacutequence de lexicaliteacute et
de reacutegulariteacute Dans ce cas on mesure les reacuteponses exactes ou inexactes ainsi que les temps
de latence des reacuteponses correctes
Ainsi le modegravele agrave deux voies est agrave lrsquoorigine de nombreuses recherches et a fait lrsquoobjet de
modeacutelisation informatique qui permet de rendre compte des diffeacuterents effets de lecture et
drsquoaffiner la compreacutehension du processus de lecture experte Le modegravele DRC en fait partie
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
8 MC CAZALY CAPASH 2014
3 Evolution du modegravele agrave deux routes de lecture
31 Le modegravele DRC (Modegravele agrave deux routes en cascade) de Coltheart Rastle Perry Langdon
et Ziegler (2001)
Dans les anneacutees 2000 le modegravele initial agrave deux routes de Coltheart (1978) agrave eacutevolueacute vers une
modeacutelisation par ordinateur Le modegravele agrave deux routes en cascade par Coltheart Rastle
Perry Langdon et Ziegler (2001) Le principe est le suivant
Lrsquoinformation se deacuteplace en cascade de niveau en niveau par activation systeacutematique drsquoun
niveau agrave lrsquoautre Par exemple lrsquoactivation de lrsquouniteacute lettres active agrave son tour les autres
niveaux Les uniteacutes interagissent par des connexions excitatrices ou inhibitrices qui se
reacutepandent de faccedilon progressive Trois routes composeacutees de diffeacuterents niveaux en interaction
constituent le modegravele DRC
- La route lexicale seacutemantique (non impleacutementeacutee)
- La route lexicale non seacutemantique
- Une route non lexicale (regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes)
Chaque niveau comporte soit des mots des lettres des phonegravemes ou des traits visuels Le
modegravele contient 26 lettres 43 phonegravemes et 7981 mots monosyllabiques
La route lexicale non seacutemantique fonctionne de la faccedilon suivante (Chaque niveau activant
le suivant) (-gt = activation)
Mot en preacutesentation -gt traits visuels correspondant -gt lettres -gt uniteacute orthographique -gt
uniteacute phonologique -gt phonegravemes correspondant
Les mots contenus dans le lexique orthographique par freacutequence drsquooccurrence pour les mots
les plus freacutequents sont plus rapidement activeacutes que les mots moins freacutequents
La route non lexicale fonctionne gracircce agrave des regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes
Ces regravegles ont eacuteteacute choisies uniquement de faccedilon statistique Cest-agrave-dire que pour un
graphegraveme donneacute crsquoest le phonegraveme le plus freacutequent qui lui et assigneacute La lecture est seacuterielle
lettres apregraves lettres et de gauche agrave droite
Performance du modegravele Sur les 7981 mots du modegravele 989 sont lus correctement les
erreurs portent sur les homographes heacuteteacuterophones (mots qui srsquoeacutecrivent pareils mais ne se
prononcent pas pareils) et sur des sur-reacutegularisations en prononciation Sur les 7000 non-
mots du modegravele 989 sont bien lus Le modegravele DRC simule correctement les effets repeacutereacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
9 MC CAZALY CAPASH 2014
pour des humains cest-agrave-dire les effets de freacutequence de reacutegulariteacute de pseudo
homophonie de freacutequence des pseudo-homophones de taille du voisinage pour les mots et
les non mots et de reacutepeacutetition DRC est aussi capable de simuler la dyslexie de surface et
phonologique Ces performances montrent bien la force de ce modegravele pour la
compreacutehension des meacutecanismes sous-jacents agrave lrsquoidentification des mots eacutecrits
Modegravele de la laquo DRC raquo par Coltheart et al (2001) Figure tireacutee de Ferrand (2007)
Limite du modegravele Le modegravele ne peut pas simuler les effets drsquoamorccedilage rapide avec
masquage et ne peut pas lire les mots de plus drsquoune syllabe Bien qursquoil soit adapteacute agrave des
langues alphabeacutetiques telles que lrsquoallemand (Ziegler Perry Coltheart 2000) et au franccedilais
(Ziegler Perry Coltheart 2003) langues contenant des voyelles il ne peut preacutetendre au
principe universel drsquoun codage phonologique dans la lecture silencieuse
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
10 MC CAZALY CAPASH 2014
Encore plus reacutecemment le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler
et Zorzi (2007 est capable de simuler beaucoup plus drsquoeffets et se montre encore plus puissant
et prometteur
32 Le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)
Ce modegravele est inteacuteressant dans le cadre de ce meacutemoire car il est capable de simuler un tregraves
grand nombre drsquoeffets observeacutes chez le lecteur humain en prononciation (agrave voix haute) Il est
tregraves deacutetailleacute mais tregraves complexe dans sa composition car sa structure est entiegraverement
connexionniste cest-agrave-dire qursquoil est composeacute de reacuteseaux drsquouniteacutes interconnecteacutees Les
auteurs de ce modegravele (Perry et al 2007) font lrsquohypothegravese qursquoil y a bien deux voies distinctes
de lecture
Il associe de faccedilon increacutementale drsquoautres modegraveles anteacuterieurs et en reprend les meilleurs
aspects le DRC de Coltheart et al (2001) preacutesenteacute dans la section preacuteceacutedente (31) pour la
voie de gauche lexicale et le modegravele CDP de Zorzi Houghton et Butterworth (1998) non
preacutesenteacute ici pour la voie de droite dite sous-lexicale
Le modegravele de Perry Ziegler et Zorzi (2007) CDP+ = synthegravese des modegraveles CDP et DRC
Scheacutema issu du cours Ndeg4 Collegravege de France ndash Stanislas DEHAENE ndash Meacutecanismes ceacutereacutebraux de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
11 MC CAZALY CAPASH 2014
La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux
niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui
nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en
entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer
gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de
preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de
neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC
Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de
mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes
et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme
de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-
syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-
syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement
attendue
Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain
La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)
reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix
haute
4 Les diffeacuterents effets de lecture
Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des
meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement
des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les
principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert
Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans
la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses
difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
12 MC CAZALY CAPASH 2014
Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture
agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)
Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)
Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC
Modegravele CDP+
Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)
Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence
+ +
Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)
Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots
+ +
Freacutequence X reacutegulariteacute
Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)
Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)
+ +
Consistance (mots)
Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis
- +
Consistance (non-mots)
Andrews amp Scarrat (1998)
La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes
- +
Longueur X reacutegulariteacute
Weekes (1997) Ziegler et al (2001)
Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle
+ +
Position de lrsquoirreacutegulariteacute
Rastle amp Coltheart (1999)
La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position
+ +
Voisinage Rime
Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes
- +
Amorccedilage Onset
Forster amp Davis (1991)
Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees
+ +
Avantage pseudo-homophonique
McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)
Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques
+ +
Dyslexie de surface
Patterson amp Behrmann (1997)
Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots
- +
Dyslexie phonologique
Derouesneacute amp Beauvois (1985)
Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement
+ +
Large bases de Donneacutees
Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)
Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems
- +
41 Les effets de freacutequence
La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute
linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
13 MC CAZALY CAPASH 2014
lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un
large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet
de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si
un mot est plus ou moins freacutequent
En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par
rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand
nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute
Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des
tacircches
- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)
- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)
- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)
- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)
- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)
De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le
franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse
en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la
route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui
ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la
voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere
Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font
lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation
orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et
seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite
que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe
42 Effet de lexicaliteacute
Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot
La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un
non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
14 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs
fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide
43 Effet de reacutegulariteacute
Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique
donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute
normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot
laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves
exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus
rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier
En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que
nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit
deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite
drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la
voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot
comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee
par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes
(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-
ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques
qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues
directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de
simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la
reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces
proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la
lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest
pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des
meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
15 MC CAZALY CAPASH 2014
B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit
Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est
lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau
Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce
qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour
ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave
une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart
drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en
stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)
1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale
thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet
Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement
inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese
que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental
Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit
srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants
Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith
(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la
lecture et de ses difficulteacutes
11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)
Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui
se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois
grandes eacutetapes
Le stade Logographique ou pictural
Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices
contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee
gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
16 MC CAZALY CAPASH 2014
montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot
ulteacuterieurement
La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas
pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par
lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale
sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce
stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture
Le stade Phonologique ou alphabeacutetique
Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion
graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et
dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite
de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon
explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et
les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir
inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes
analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple
lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la
fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place
de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets
de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court
Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes
complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand
nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par
rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la
complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase
alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave
des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet
de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement
mieux lus que les pseudo-mots
Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun
apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
17 MC CAZALY CAPASH 2014
enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses
travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale
Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant
Le stade orthographique
Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation
et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de
conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les
effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles
1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les
mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate
eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une
certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place
Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la
voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)
Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement
agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de
lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes
Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de
lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus
exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des
effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves
Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)
____________________________________________________________________________
Etape Lecture Ecriture
____________________________________________________________________________
1a logographique 1 (symbolique)
1b logographique 2 _____________ logographique 2
2a logographique 3 alphabeacutetique 1
2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2
3a orthographique 1 alphabeacutetique 3
3b orthographique 2 _____________ orthographique 2
____________________________________________________________________________
Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
18 MC CAZALY CAPASH 2014
de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser
preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-
monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)
Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)
bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence
CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence
Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la
lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005
Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture
mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de
Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de
lecture tout au long de lrsquoapprentissage
12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)
Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui
repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique
- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique
La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur
alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre
orthographique
La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant
sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le
processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement
Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui
lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre
clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
19 MC CAZALY CAPASH 2014
Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites
uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo
avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui
permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis
atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes
Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)
Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1
Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait
quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre
en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes
porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend
des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances
morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques
Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques
Les uns nourrissant les autres
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
20 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves
Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute
Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances
morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de
la lecture agrave lrsquoeacutecole
De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans
lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest
eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et
coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique
nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable
En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement
de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on
perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez
lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par
assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle
teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet
exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique
Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie
indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de
lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots
irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo
lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration
infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral
On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical
orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999
Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui
obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui
progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie
Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
32 MC CAZALY CAPASH 2014
Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo
Sommaire Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
2 MC CAZALY CAPASH 2014
Sommaire
Introduction 5
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip7
A Lidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert lhypothegravese des deux voies de lecturehelliphelliphellip7
1 Mise en eacutevidence de deux voies de lecture par les recherches en neuropsychologiehelliphelliphelliphellip7
2 Le modegravele agrave deux voies de lecture Coltheart 1978helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip8
3 Evolution du modegravele agrave deux voies de lecturehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip10
31 Le modegravele DRC de Coltheart et al 2001
32 Le modegravele connexionniste CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)
4 Les diffeacuterents effets de lecturehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip13
41 Les effets de freacutequence
42 Les effets de lexicaliteacute
43 Les effets de reacutegulariteacute
B Meacutecanismes dapprentissage didentification du mot eacutecrit et de ses difficulteacuteshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip17
1 Modegraveles deacuteveloppementauxhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip17
11 Le modegravele en stades de Frith (1985)
12 Le modegravele agrave double fondation de Seymour (1997)
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique 22
3 La lecture par analogiehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip23
4 Comprendre certaines difficulteacutes didentification du mot eacutecrithelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip24
41 Lapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et complexiteacute
412 Effet de consistance
413 Theacuteorie de la granulariteacute
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
421 Leffet des voisins orthographiques
422 Leffet des voisins syllabiques
Sommaire Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
3 MC CAZALY CAPASH 2014
43 Les effets de familiariteacute
44 La situation du franccedilais langue seconde
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
452 La dyslexie phonologique
Reacutesumeacute Chapitre 1helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip31
Bibliographie
Introduction Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
4 MC CAZALY CAPASH 2014
Introduction
La lecture nrsquoest pas une activiteacute naturelle car le cerveau nrsquoest pas programmeacute pour lire
comme il peut lrsquoecirctre pour le langage oral Lrsquoeacutecrit est une invention de lrsquohomme tout comme
les activiteacutes de comptage et suppose qursquoil y ait apprentissage Certains chercheurs comme
Ludovic Ferrand ont qualifieacute la lecture de talent cognitif prodigieux automatique mais son
apprentissage peut devenir laborieux pour un certain nombre drsquoenfants Crsquoest le cas en
Nouvelle Caleacutedonie ougrave le nombre drsquoeacutelegraveves en difficulteacute de lecture repreacutesente plus de 20
de la population scolaire Parmi ceux-ci beaucoup ont des difficulteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit et nrsquoaccegravedent pas agrave une lecture fluide Le grand deacutefi de lrsquoeacutecole est alors de reacuteussir agrave
deacuteterminer ce qui peut ecirctre source de difficulteacute afin de concevoir des aides approprieacutees
Crsquoest notamment le rocircle des enseignants speacutecialiseacutes qui agrave partir drsquoinvestigations meneacutees
essaient drsquoen deacutegager des profils de lecteurs En effet plus lrsquoanalyse du profil de lecteur sera
fine plus les aides apporteacutees seront efficaces
Crsquoest pourquoi agrave travers la preacutesentation drsquoun ensemble de recherches les plus adapteacutees agrave la
lecture agrave voix haute cette eacutetude se proposera dans un premier temps de faire le point sur
les connaissances dont nous disposons sur les meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit pour
le lecteur expert Puis drsquoeacutetudier lrsquoapprentissage de ces meacutecanismes tels qursquoils se
deacuteveloppent chez lrsquoenfant Et enfin nous nous inteacuteresserons particuliegraverement aux
diffeacuterentes sources explicatives des difficulteacutes de reconnaissance du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
5 MC CAZALY CAPASH 2014
Chapitre 1 Les modegraveles theacuteoriques de lrsquoidentification du mot eacutecrit et de son apprentissage
Que sait-on de la lecture experte
La finaliteacute de la lecture est avant tout la compreacutehension de ce qui vient drsquoecirctre lu Pour Ecalle
et Magnan 2010 cette finaliteacute reacutesulte de deux composantes essentielles lrsquoidentification du
mot eacutecrit et la compreacutehension de phrases ou de textes Ainsi la reconnaissance des mots
eacutecrits conditionne toute lrsquoactiviteacute de lecture car elle est un preacutealable agrave la compreacutehension
Pour ecirctre efficaces les meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit doivent ecirctre automatiseacutes
Mais quels sont ces meacutecanismes Comment se traduisent-ils chez le lecteur expert Crsquoest
pourquoi avant de deacutecrire son apprentissage et ses difficulteacutes nous exposerons dans cette
premiegravere partie les theacuteories explicatives de la lecture experte
A Lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert Lrsquohypothegravese de deux
voies de lecture
1 Mise en eacutevidence de deux voies de lecture par les recherches en neuropsychologie
Deux voies de lecture ont eacuteteacute mises en eacutevidence par Marshall et Newcombe (19661973) agrave
partir de lrsquoanalyse des erreurs de patients ayant subi des leacutesions
Dans le cas de lrsquoalexie peacuteripheacuterique il existe des erreurs de substitution ou de
reacutearrangement des lettres APPLE qui est lu ABLE La personne change une ou plusieurs
lettres et commet une erreur de lecture Lrsquoalexie profonde correspond agrave des erreurs de
substitution seacutemantique Le patient remplace le mot laquo little raquo par un mot seacutemantiquement
correct comme laquo small raquo Enfin lrsquoalexie de surface qui srsquoexplique par des erreurs de lecture
de phonegravemes donc agrave une sur-reacutegularisation des mots lus telle que lsquolitersquo pour lsquolitrsquo Lrsquoalexie de
surface provoque de nombreux neacuteologismes au cours de la lecture
Ces observations deacutemontrent qursquoil existe certainement deux routes principales pour la
lecture Une qui conduit agrave une adresse phonologique et lrsquoautre agrave une adresse seacutemantique
les deux combineacutees permettent la prononciation du mot lu
Il existe diffeacuterentes cateacutegories de mots qui conduisent agrave lrsquoutilisation de voies diffeacuterentes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
6 MC CAZALY CAPASH 2014
- Les pseudo-mots comme laquo sabifo raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie drsquoassemblage
cest-agrave-dire la conversion de graphegravemes en phonegravemes
- Les mots irreacuteguliers comme laquo femme raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie
drsquoadressage cest-agrave-dire la reconnaissante visuelle immeacutediate du mot stockeacute dans le
lexique mental
- Les mots reacuteguliers comme laquo veacutelo raquo dont la lecture peut utiliser les deux voies
preacuteceacutedentes
Mais ces constats font deacutebat agrave propos de diffeacuterents facteurs qui peuvent intervenir lors de la
lecture tels que la freacutequence des mots lrsquoambiguumliteacute lrsquohomophonie ainsi que la concreacutetude
(mots plus ou moins concrets) Mais avant de srsquointeacuteresser agrave ces diffeacuterents facteurs il nous
semble essentiel de deacutecrire les modegraveles qui tentent de deacutecrire la lecture experte dont le
plus connu est le modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart 1978
2 Le modegravele agrave deux voies de lecture (Dual route model) Coltheart 1978
Les recherches portant sur la lecture experte ont largement deacutemontreacute lrsquoimportance des
proceacutedures drsquoidentification des mots eacutecrits isoleacutes Parmi ces recherches le modegravele agrave deux
voies de Coltheart (1978) srsquoest reacuteveacuteleacute tregraves fertile et a servi de point de reacutefeacuterence agrave de
nombreuses recherches dans le domaine de lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur
expert Drsquoapregraves ce modegravele pour lire un mot le lecteur expert peut utiliser deux
proceacutedures 1) La voie directe dite aussi orthographique lexicale ou drsquoadressage et 2) La
voie indirecte dite aussi phonologique sub-lexicale deacutecodage ou drsquoassemblage
Modegravele de la double-voie (Coltheart 1978)
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
7 MC CAZALY CAPASH 2014
La voie directe drsquoadressage permet de reacutecupeacuterer en meacutemoire la repreacutesentation
phonologique lexicale directement En quelque sorte le mot est reconnu drsquoembleacutee sans
avoir besoin de le deacutechiffrer Cette voie serait la plus utiliseacutee par le lecteur expert Elle est
eacutegalement la seule utilisable pour la lecture de mots irreacuteguliers Cette route est sensible agrave la
freacutequence des mots En effet plus un mot est freacutequent et plus vite il est reconnu et lu Les
mots freacutequents sont identifieacutes plus rapidement que les mots rares Cet effet de freacutequence
montre lrsquoexistence mecircme de la voie directe Elle est reacuteveacuteleacutee aussi par le fait qursquoil est
impossible de lire un mot nouveau ou pseudo-mot (mot qui nrsquoexiste pas) directement Le
lecteur est obligeacute drsquoassembler les phonegravemes et les graphegravemes afin drsquoaboutir agrave la
prononciation du mot
La voie indirecte drsquoassemblage megravene agrave lrsquoeacutelaboration de cette repreacutesentation phonologique
par assemblage des phonegravemes et des graphegravemes composant le mot Proceacutedure aussi
appeleacutee lsquomeacutediation phonologiquersquo Elle est principalement utiliseacutee par le lecteur expert pour
les mots nouveaux ou les pseudo-mots De plus elle preacutesente un effet de reacutegulariteacute Cest-agrave-
dire que les mots reacuteguliers sont mieux lus que les mots irreacuteguliers par le fait que la
correspondance des graphegravemes phonegravemes ne permet pas drsquoidentifier le mot irreacutegulier
comme laquo femme raquo correctement Il se produit alors une erreur de reacutegularisation qui aboutit
agrave la prononciation laquo fame raquo Cet effet de reacutegulariteacute deacutemontre la preacutesence de la voie indirecte
au cours de lrsquoidentification des mots eacutecrits Mais eacutegalement lrsquoeffet de lexicaliteacute cest-agrave-dire
la diffeacuterence entre la lecture de mots et de pseudo-mots ougrave les mots sont mieux lus que les
pseudo-mots montre que deux proceacutedures sont utiliseacutees
Dans ce modegravele agrave deux routes pour le lecteur expert lrsquoutilisation de la voie indirecte est
facultative alors que la voie directe plus rapide joue le premier rocircle Les deux voies
srsquoactivent en parallegravele Il est donc possible drsquoeacutevaluer lrsquoidentification des mots eacutecrits en
prononciation (agrave voix haute) en utilisant des tacircches avec effet de freacutequence de lexicaliteacute et
de reacutegulariteacute Dans ce cas on mesure les reacuteponses exactes ou inexactes ainsi que les temps
de latence des reacuteponses correctes
Ainsi le modegravele agrave deux voies est agrave lrsquoorigine de nombreuses recherches et a fait lrsquoobjet de
modeacutelisation informatique qui permet de rendre compte des diffeacuterents effets de lecture et
drsquoaffiner la compreacutehension du processus de lecture experte Le modegravele DRC en fait partie
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
8 MC CAZALY CAPASH 2014
3 Evolution du modegravele agrave deux routes de lecture
31 Le modegravele DRC (Modegravele agrave deux routes en cascade) de Coltheart Rastle Perry Langdon
et Ziegler (2001)
Dans les anneacutees 2000 le modegravele initial agrave deux routes de Coltheart (1978) agrave eacutevolueacute vers une
modeacutelisation par ordinateur Le modegravele agrave deux routes en cascade par Coltheart Rastle
Perry Langdon et Ziegler (2001) Le principe est le suivant
Lrsquoinformation se deacuteplace en cascade de niveau en niveau par activation systeacutematique drsquoun
niveau agrave lrsquoautre Par exemple lrsquoactivation de lrsquouniteacute lettres active agrave son tour les autres
niveaux Les uniteacutes interagissent par des connexions excitatrices ou inhibitrices qui se
reacutepandent de faccedilon progressive Trois routes composeacutees de diffeacuterents niveaux en interaction
constituent le modegravele DRC
- La route lexicale seacutemantique (non impleacutementeacutee)
- La route lexicale non seacutemantique
- Une route non lexicale (regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes)
Chaque niveau comporte soit des mots des lettres des phonegravemes ou des traits visuels Le
modegravele contient 26 lettres 43 phonegravemes et 7981 mots monosyllabiques
La route lexicale non seacutemantique fonctionne de la faccedilon suivante (Chaque niveau activant
le suivant) (-gt = activation)
Mot en preacutesentation -gt traits visuels correspondant -gt lettres -gt uniteacute orthographique -gt
uniteacute phonologique -gt phonegravemes correspondant
Les mots contenus dans le lexique orthographique par freacutequence drsquooccurrence pour les mots
les plus freacutequents sont plus rapidement activeacutes que les mots moins freacutequents
La route non lexicale fonctionne gracircce agrave des regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes
Ces regravegles ont eacuteteacute choisies uniquement de faccedilon statistique Cest-agrave-dire que pour un
graphegraveme donneacute crsquoest le phonegraveme le plus freacutequent qui lui et assigneacute La lecture est seacuterielle
lettres apregraves lettres et de gauche agrave droite
Performance du modegravele Sur les 7981 mots du modegravele 989 sont lus correctement les
erreurs portent sur les homographes heacuteteacuterophones (mots qui srsquoeacutecrivent pareils mais ne se
prononcent pas pareils) et sur des sur-reacutegularisations en prononciation Sur les 7000 non-
mots du modegravele 989 sont bien lus Le modegravele DRC simule correctement les effets repeacutereacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
9 MC CAZALY CAPASH 2014
pour des humains cest-agrave-dire les effets de freacutequence de reacutegulariteacute de pseudo
homophonie de freacutequence des pseudo-homophones de taille du voisinage pour les mots et
les non mots et de reacutepeacutetition DRC est aussi capable de simuler la dyslexie de surface et
phonologique Ces performances montrent bien la force de ce modegravele pour la
compreacutehension des meacutecanismes sous-jacents agrave lrsquoidentification des mots eacutecrits
Modegravele de la laquo DRC raquo par Coltheart et al (2001) Figure tireacutee de Ferrand (2007)
Limite du modegravele Le modegravele ne peut pas simuler les effets drsquoamorccedilage rapide avec
masquage et ne peut pas lire les mots de plus drsquoune syllabe Bien qursquoil soit adapteacute agrave des
langues alphabeacutetiques telles que lrsquoallemand (Ziegler Perry Coltheart 2000) et au franccedilais
(Ziegler Perry Coltheart 2003) langues contenant des voyelles il ne peut preacutetendre au
principe universel drsquoun codage phonologique dans la lecture silencieuse
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
10 MC CAZALY CAPASH 2014
Encore plus reacutecemment le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler
et Zorzi (2007 est capable de simuler beaucoup plus drsquoeffets et se montre encore plus puissant
et prometteur
32 Le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)
Ce modegravele est inteacuteressant dans le cadre de ce meacutemoire car il est capable de simuler un tregraves
grand nombre drsquoeffets observeacutes chez le lecteur humain en prononciation (agrave voix haute) Il est
tregraves deacutetailleacute mais tregraves complexe dans sa composition car sa structure est entiegraverement
connexionniste cest-agrave-dire qursquoil est composeacute de reacuteseaux drsquouniteacutes interconnecteacutees Les
auteurs de ce modegravele (Perry et al 2007) font lrsquohypothegravese qursquoil y a bien deux voies distinctes
de lecture
Il associe de faccedilon increacutementale drsquoautres modegraveles anteacuterieurs et en reprend les meilleurs
aspects le DRC de Coltheart et al (2001) preacutesenteacute dans la section preacuteceacutedente (31) pour la
voie de gauche lexicale et le modegravele CDP de Zorzi Houghton et Butterworth (1998) non
preacutesenteacute ici pour la voie de droite dite sous-lexicale
Le modegravele de Perry Ziegler et Zorzi (2007) CDP+ = synthegravese des modegraveles CDP et DRC
Scheacutema issu du cours Ndeg4 Collegravege de France ndash Stanislas DEHAENE ndash Meacutecanismes ceacutereacutebraux de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
11 MC CAZALY CAPASH 2014
La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux
niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui
nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en
entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer
gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de
preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de
neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC
Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de
mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes
et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme
de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-
syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-
syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement
attendue
Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain
La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)
reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix
haute
4 Les diffeacuterents effets de lecture
Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des
meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement
des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les
principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert
Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans
la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses
difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
12 MC CAZALY CAPASH 2014
Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture
agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)
Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)
Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC
Modegravele CDP+
Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)
Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence
+ +
Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)
Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots
+ +
Freacutequence X reacutegulariteacute
Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)
Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)
+ +
Consistance (mots)
Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis
- +
Consistance (non-mots)
Andrews amp Scarrat (1998)
La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes
- +
Longueur X reacutegulariteacute
Weekes (1997) Ziegler et al (2001)
Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle
+ +
Position de lrsquoirreacutegulariteacute
Rastle amp Coltheart (1999)
La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position
+ +
Voisinage Rime
Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes
- +
Amorccedilage Onset
Forster amp Davis (1991)
Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees
+ +
Avantage pseudo-homophonique
McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)
Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques
+ +
Dyslexie de surface
Patterson amp Behrmann (1997)
Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots
- +
Dyslexie phonologique
Derouesneacute amp Beauvois (1985)
Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement
+ +
Large bases de Donneacutees
Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)
Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems
- +
41 Les effets de freacutequence
La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute
linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
13 MC CAZALY CAPASH 2014
lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un
large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet
de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si
un mot est plus ou moins freacutequent
En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par
rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand
nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute
Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des
tacircches
- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)
- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)
- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)
- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)
- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)
De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le
franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse
en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la
route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui
ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la
voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere
Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font
lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation
orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et
seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite
que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe
42 Effet de lexicaliteacute
Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot
La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un
non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
14 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs
fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide
43 Effet de reacutegulariteacute
Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique
donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute
normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot
laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves
exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus
rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier
En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que
nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit
deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite
drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la
voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot
comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee
par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes
(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-
ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques
qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues
directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de
simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la
reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces
proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la
lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest
pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des
meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
15 MC CAZALY CAPASH 2014
B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit
Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est
lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau
Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce
qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour
ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave
une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart
drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en
stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)
1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale
thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet
Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement
inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese
que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental
Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit
srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants
Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith
(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la
lecture et de ses difficulteacutes
11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)
Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui
se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois
grandes eacutetapes
Le stade Logographique ou pictural
Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices
contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee
gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
16 MC CAZALY CAPASH 2014
montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot
ulteacuterieurement
La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas
pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par
lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale
sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce
stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture
Le stade Phonologique ou alphabeacutetique
Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion
graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et
dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite
de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon
explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et
les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir
inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes
analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple
lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la
fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place
de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets
de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court
Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes
complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand
nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par
rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la
complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase
alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave
des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet
de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement
mieux lus que les pseudo-mots
Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun
apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
17 MC CAZALY CAPASH 2014
enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses
travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale
Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant
Le stade orthographique
Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation
et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de
conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les
effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles
1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les
mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate
eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une
certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place
Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la
voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)
Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement
agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de
lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes
Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de
lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus
exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des
effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves
Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)
____________________________________________________________________________
Etape Lecture Ecriture
____________________________________________________________________________
1a logographique 1 (symbolique)
1b logographique 2 _____________ logographique 2
2a logographique 3 alphabeacutetique 1
2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2
3a orthographique 1 alphabeacutetique 3
3b orthographique 2 _____________ orthographique 2
____________________________________________________________________________
Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
18 MC CAZALY CAPASH 2014
de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser
preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-
monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)
Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)
bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence
CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence
Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la
lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005
Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture
mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de
Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de
lecture tout au long de lrsquoapprentissage
12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)
Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui
repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique
- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique
La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur
alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre
orthographique
La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant
sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le
processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement
Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui
lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre
clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
19 MC CAZALY CAPASH 2014
Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites
uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo
avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui
permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis
atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes
Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)
Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1
Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait
quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre
en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes
porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend
des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances
morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques
Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques
Les uns nourrissant les autres
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
20 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves
Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute
Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances
morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de
la lecture agrave lrsquoeacutecole
De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans
lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest
eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et
coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique
nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable
En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement
de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on
perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez
lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par
assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle
teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet
exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique
Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie
indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de
lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots
irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo
lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration
infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral
On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical
orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999
Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui
obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui
progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
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Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
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Bibliographie
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Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
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Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo
Sommaire Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
3 MC CAZALY CAPASH 2014
43 Les effets de familiariteacute
44 La situation du franccedilais langue seconde
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
452 La dyslexie phonologique
Reacutesumeacute Chapitre 1helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip31
Bibliographie
Introduction Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
4 MC CAZALY CAPASH 2014
Introduction
La lecture nrsquoest pas une activiteacute naturelle car le cerveau nrsquoest pas programmeacute pour lire
comme il peut lrsquoecirctre pour le langage oral Lrsquoeacutecrit est une invention de lrsquohomme tout comme
les activiteacutes de comptage et suppose qursquoil y ait apprentissage Certains chercheurs comme
Ludovic Ferrand ont qualifieacute la lecture de talent cognitif prodigieux automatique mais son
apprentissage peut devenir laborieux pour un certain nombre drsquoenfants Crsquoest le cas en
Nouvelle Caleacutedonie ougrave le nombre drsquoeacutelegraveves en difficulteacute de lecture repreacutesente plus de 20
de la population scolaire Parmi ceux-ci beaucoup ont des difficulteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit et nrsquoaccegravedent pas agrave une lecture fluide Le grand deacutefi de lrsquoeacutecole est alors de reacuteussir agrave
deacuteterminer ce qui peut ecirctre source de difficulteacute afin de concevoir des aides approprieacutees
Crsquoest notamment le rocircle des enseignants speacutecialiseacutes qui agrave partir drsquoinvestigations meneacutees
essaient drsquoen deacutegager des profils de lecteurs En effet plus lrsquoanalyse du profil de lecteur sera
fine plus les aides apporteacutees seront efficaces
Crsquoest pourquoi agrave travers la preacutesentation drsquoun ensemble de recherches les plus adapteacutees agrave la
lecture agrave voix haute cette eacutetude se proposera dans un premier temps de faire le point sur
les connaissances dont nous disposons sur les meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit pour
le lecteur expert Puis drsquoeacutetudier lrsquoapprentissage de ces meacutecanismes tels qursquoils se
deacuteveloppent chez lrsquoenfant Et enfin nous nous inteacuteresserons particuliegraverement aux
diffeacuterentes sources explicatives des difficulteacutes de reconnaissance du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
5 MC CAZALY CAPASH 2014
Chapitre 1 Les modegraveles theacuteoriques de lrsquoidentification du mot eacutecrit et de son apprentissage
Que sait-on de la lecture experte
La finaliteacute de la lecture est avant tout la compreacutehension de ce qui vient drsquoecirctre lu Pour Ecalle
et Magnan 2010 cette finaliteacute reacutesulte de deux composantes essentielles lrsquoidentification du
mot eacutecrit et la compreacutehension de phrases ou de textes Ainsi la reconnaissance des mots
eacutecrits conditionne toute lrsquoactiviteacute de lecture car elle est un preacutealable agrave la compreacutehension
Pour ecirctre efficaces les meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit doivent ecirctre automatiseacutes
Mais quels sont ces meacutecanismes Comment se traduisent-ils chez le lecteur expert Crsquoest
pourquoi avant de deacutecrire son apprentissage et ses difficulteacutes nous exposerons dans cette
premiegravere partie les theacuteories explicatives de la lecture experte
A Lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert Lrsquohypothegravese de deux
voies de lecture
1 Mise en eacutevidence de deux voies de lecture par les recherches en neuropsychologie
Deux voies de lecture ont eacuteteacute mises en eacutevidence par Marshall et Newcombe (19661973) agrave
partir de lrsquoanalyse des erreurs de patients ayant subi des leacutesions
Dans le cas de lrsquoalexie peacuteripheacuterique il existe des erreurs de substitution ou de
reacutearrangement des lettres APPLE qui est lu ABLE La personne change une ou plusieurs
lettres et commet une erreur de lecture Lrsquoalexie profonde correspond agrave des erreurs de
substitution seacutemantique Le patient remplace le mot laquo little raquo par un mot seacutemantiquement
correct comme laquo small raquo Enfin lrsquoalexie de surface qui srsquoexplique par des erreurs de lecture
de phonegravemes donc agrave une sur-reacutegularisation des mots lus telle que lsquolitersquo pour lsquolitrsquo Lrsquoalexie de
surface provoque de nombreux neacuteologismes au cours de la lecture
Ces observations deacutemontrent qursquoil existe certainement deux routes principales pour la
lecture Une qui conduit agrave une adresse phonologique et lrsquoautre agrave une adresse seacutemantique
les deux combineacutees permettent la prononciation du mot lu
Il existe diffeacuterentes cateacutegories de mots qui conduisent agrave lrsquoutilisation de voies diffeacuterentes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
6 MC CAZALY CAPASH 2014
- Les pseudo-mots comme laquo sabifo raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie drsquoassemblage
cest-agrave-dire la conversion de graphegravemes en phonegravemes
- Les mots irreacuteguliers comme laquo femme raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie
drsquoadressage cest-agrave-dire la reconnaissante visuelle immeacutediate du mot stockeacute dans le
lexique mental
- Les mots reacuteguliers comme laquo veacutelo raquo dont la lecture peut utiliser les deux voies
preacuteceacutedentes
Mais ces constats font deacutebat agrave propos de diffeacuterents facteurs qui peuvent intervenir lors de la
lecture tels que la freacutequence des mots lrsquoambiguumliteacute lrsquohomophonie ainsi que la concreacutetude
(mots plus ou moins concrets) Mais avant de srsquointeacuteresser agrave ces diffeacuterents facteurs il nous
semble essentiel de deacutecrire les modegraveles qui tentent de deacutecrire la lecture experte dont le
plus connu est le modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart 1978
2 Le modegravele agrave deux voies de lecture (Dual route model) Coltheart 1978
Les recherches portant sur la lecture experte ont largement deacutemontreacute lrsquoimportance des
proceacutedures drsquoidentification des mots eacutecrits isoleacutes Parmi ces recherches le modegravele agrave deux
voies de Coltheart (1978) srsquoest reacuteveacuteleacute tregraves fertile et a servi de point de reacutefeacuterence agrave de
nombreuses recherches dans le domaine de lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur
expert Drsquoapregraves ce modegravele pour lire un mot le lecteur expert peut utiliser deux
proceacutedures 1) La voie directe dite aussi orthographique lexicale ou drsquoadressage et 2) La
voie indirecte dite aussi phonologique sub-lexicale deacutecodage ou drsquoassemblage
Modegravele de la double-voie (Coltheart 1978)
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
7 MC CAZALY CAPASH 2014
La voie directe drsquoadressage permet de reacutecupeacuterer en meacutemoire la repreacutesentation
phonologique lexicale directement En quelque sorte le mot est reconnu drsquoembleacutee sans
avoir besoin de le deacutechiffrer Cette voie serait la plus utiliseacutee par le lecteur expert Elle est
eacutegalement la seule utilisable pour la lecture de mots irreacuteguliers Cette route est sensible agrave la
freacutequence des mots En effet plus un mot est freacutequent et plus vite il est reconnu et lu Les
mots freacutequents sont identifieacutes plus rapidement que les mots rares Cet effet de freacutequence
montre lrsquoexistence mecircme de la voie directe Elle est reacuteveacuteleacutee aussi par le fait qursquoil est
impossible de lire un mot nouveau ou pseudo-mot (mot qui nrsquoexiste pas) directement Le
lecteur est obligeacute drsquoassembler les phonegravemes et les graphegravemes afin drsquoaboutir agrave la
prononciation du mot
La voie indirecte drsquoassemblage megravene agrave lrsquoeacutelaboration de cette repreacutesentation phonologique
par assemblage des phonegravemes et des graphegravemes composant le mot Proceacutedure aussi
appeleacutee lsquomeacutediation phonologiquersquo Elle est principalement utiliseacutee par le lecteur expert pour
les mots nouveaux ou les pseudo-mots De plus elle preacutesente un effet de reacutegulariteacute Cest-agrave-
dire que les mots reacuteguliers sont mieux lus que les mots irreacuteguliers par le fait que la
correspondance des graphegravemes phonegravemes ne permet pas drsquoidentifier le mot irreacutegulier
comme laquo femme raquo correctement Il se produit alors une erreur de reacutegularisation qui aboutit
agrave la prononciation laquo fame raquo Cet effet de reacutegulariteacute deacutemontre la preacutesence de la voie indirecte
au cours de lrsquoidentification des mots eacutecrits Mais eacutegalement lrsquoeffet de lexicaliteacute cest-agrave-dire
la diffeacuterence entre la lecture de mots et de pseudo-mots ougrave les mots sont mieux lus que les
pseudo-mots montre que deux proceacutedures sont utiliseacutees
Dans ce modegravele agrave deux routes pour le lecteur expert lrsquoutilisation de la voie indirecte est
facultative alors que la voie directe plus rapide joue le premier rocircle Les deux voies
srsquoactivent en parallegravele Il est donc possible drsquoeacutevaluer lrsquoidentification des mots eacutecrits en
prononciation (agrave voix haute) en utilisant des tacircches avec effet de freacutequence de lexicaliteacute et
de reacutegulariteacute Dans ce cas on mesure les reacuteponses exactes ou inexactes ainsi que les temps
de latence des reacuteponses correctes
Ainsi le modegravele agrave deux voies est agrave lrsquoorigine de nombreuses recherches et a fait lrsquoobjet de
modeacutelisation informatique qui permet de rendre compte des diffeacuterents effets de lecture et
drsquoaffiner la compreacutehension du processus de lecture experte Le modegravele DRC en fait partie
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
8 MC CAZALY CAPASH 2014
3 Evolution du modegravele agrave deux routes de lecture
31 Le modegravele DRC (Modegravele agrave deux routes en cascade) de Coltheart Rastle Perry Langdon
et Ziegler (2001)
Dans les anneacutees 2000 le modegravele initial agrave deux routes de Coltheart (1978) agrave eacutevolueacute vers une
modeacutelisation par ordinateur Le modegravele agrave deux routes en cascade par Coltheart Rastle
Perry Langdon et Ziegler (2001) Le principe est le suivant
Lrsquoinformation se deacuteplace en cascade de niveau en niveau par activation systeacutematique drsquoun
niveau agrave lrsquoautre Par exemple lrsquoactivation de lrsquouniteacute lettres active agrave son tour les autres
niveaux Les uniteacutes interagissent par des connexions excitatrices ou inhibitrices qui se
reacutepandent de faccedilon progressive Trois routes composeacutees de diffeacuterents niveaux en interaction
constituent le modegravele DRC
- La route lexicale seacutemantique (non impleacutementeacutee)
- La route lexicale non seacutemantique
- Une route non lexicale (regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes)
Chaque niveau comporte soit des mots des lettres des phonegravemes ou des traits visuels Le
modegravele contient 26 lettres 43 phonegravemes et 7981 mots monosyllabiques
La route lexicale non seacutemantique fonctionne de la faccedilon suivante (Chaque niveau activant
le suivant) (-gt = activation)
Mot en preacutesentation -gt traits visuels correspondant -gt lettres -gt uniteacute orthographique -gt
uniteacute phonologique -gt phonegravemes correspondant
Les mots contenus dans le lexique orthographique par freacutequence drsquooccurrence pour les mots
les plus freacutequents sont plus rapidement activeacutes que les mots moins freacutequents
La route non lexicale fonctionne gracircce agrave des regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes
Ces regravegles ont eacuteteacute choisies uniquement de faccedilon statistique Cest-agrave-dire que pour un
graphegraveme donneacute crsquoest le phonegraveme le plus freacutequent qui lui et assigneacute La lecture est seacuterielle
lettres apregraves lettres et de gauche agrave droite
Performance du modegravele Sur les 7981 mots du modegravele 989 sont lus correctement les
erreurs portent sur les homographes heacuteteacuterophones (mots qui srsquoeacutecrivent pareils mais ne se
prononcent pas pareils) et sur des sur-reacutegularisations en prononciation Sur les 7000 non-
mots du modegravele 989 sont bien lus Le modegravele DRC simule correctement les effets repeacutereacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
9 MC CAZALY CAPASH 2014
pour des humains cest-agrave-dire les effets de freacutequence de reacutegulariteacute de pseudo
homophonie de freacutequence des pseudo-homophones de taille du voisinage pour les mots et
les non mots et de reacutepeacutetition DRC est aussi capable de simuler la dyslexie de surface et
phonologique Ces performances montrent bien la force de ce modegravele pour la
compreacutehension des meacutecanismes sous-jacents agrave lrsquoidentification des mots eacutecrits
Modegravele de la laquo DRC raquo par Coltheart et al (2001) Figure tireacutee de Ferrand (2007)
Limite du modegravele Le modegravele ne peut pas simuler les effets drsquoamorccedilage rapide avec
masquage et ne peut pas lire les mots de plus drsquoune syllabe Bien qursquoil soit adapteacute agrave des
langues alphabeacutetiques telles que lrsquoallemand (Ziegler Perry Coltheart 2000) et au franccedilais
(Ziegler Perry Coltheart 2003) langues contenant des voyelles il ne peut preacutetendre au
principe universel drsquoun codage phonologique dans la lecture silencieuse
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
10 MC CAZALY CAPASH 2014
Encore plus reacutecemment le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler
et Zorzi (2007 est capable de simuler beaucoup plus drsquoeffets et se montre encore plus puissant
et prometteur
32 Le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)
Ce modegravele est inteacuteressant dans le cadre de ce meacutemoire car il est capable de simuler un tregraves
grand nombre drsquoeffets observeacutes chez le lecteur humain en prononciation (agrave voix haute) Il est
tregraves deacutetailleacute mais tregraves complexe dans sa composition car sa structure est entiegraverement
connexionniste cest-agrave-dire qursquoil est composeacute de reacuteseaux drsquouniteacutes interconnecteacutees Les
auteurs de ce modegravele (Perry et al 2007) font lrsquohypothegravese qursquoil y a bien deux voies distinctes
de lecture
Il associe de faccedilon increacutementale drsquoautres modegraveles anteacuterieurs et en reprend les meilleurs
aspects le DRC de Coltheart et al (2001) preacutesenteacute dans la section preacuteceacutedente (31) pour la
voie de gauche lexicale et le modegravele CDP de Zorzi Houghton et Butterworth (1998) non
preacutesenteacute ici pour la voie de droite dite sous-lexicale
Le modegravele de Perry Ziegler et Zorzi (2007) CDP+ = synthegravese des modegraveles CDP et DRC
Scheacutema issu du cours Ndeg4 Collegravege de France ndash Stanislas DEHAENE ndash Meacutecanismes ceacutereacutebraux de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
11 MC CAZALY CAPASH 2014
La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux
niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui
nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en
entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer
gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de
preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de
neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC
Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de
mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes
et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme
de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-
syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-
syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement
attendue
Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain
La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)
reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix
haute
4 Les diffeacuterents effets de lecture
Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des
meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement
des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les
principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert
Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans
la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses
difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
12 MC CAZALY CAPASH 2014
Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture
agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)
Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)
Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC
Modegravele CDP+
Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)
Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence
+ +
Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)
Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots
+ +
Freacutequence X reacutegulariteacute
Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)
Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)
+ +
Consistance (mots)
Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis
- +
Consistance (non-mots)
Andrews amp Scarrat (1998)
La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes
- +
Longueur X reacutegulariteacute
Weekes (1997) Ziegler et al (2001)
Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle
+ +
Position de lrsquoirreacutegulariteacute
Rastle amp Coltheart (1999)
La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position
+ +
Voisinage Rime
Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes
- +
Amorccedilage Onset
Forster amp Davis (1991)
Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees
+ +
Avantage pseudo-homophonique
McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)
Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques
+ +
Dyslexie de surface
Patterson amp Behrmann (1997)
Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots
- +
Dyslexie phonologique
Derouesneacute amp Beauvois (1985)
Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement
+ +
Large bases de Donneacutees
Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)
Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems
- +
41 Les effets de freacutequence
La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute
linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
13 MC CAZALY CAPASH 2014
lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un
large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet
de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si
un mot est plus ou moins freacutequent
En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par
rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand
nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute
Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des
tacircches
- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)
- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)
- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)
- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)
- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)
De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le
franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse
en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la
route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui
ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la
voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere
Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font
lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation
orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et
seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite
que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe
42 Effet de lexicaliteacute
Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot
La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un
non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
14 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs
fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide
43 Effet de reacutegulariteacute
Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique
donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute
normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot
laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves
exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus
rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier
En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que
nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit
deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite
drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la
voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot
comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee
par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes
(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-
ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques
qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues
directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de
simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la
reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces
proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la
lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest
pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des
meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
15 MC CAZALY CAPASH 2014
B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit
Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est
lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau
Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce
qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour
ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave
une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart
drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en
stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)
1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale
thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet
Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement
inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese
que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental
Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit
srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants
Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith
(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la
lecture et de ses difficulteacutes
11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)
Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui
se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois
grandes eacutetapes
Le stade Logographique ou pictural
Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices
contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee
gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
16 MC CAZALY CAPASH 2014
montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot
ulteacuterieurement
La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas
pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par
lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale
sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce
stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture
Le stade Phonologique ou alphabeacutetique
Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion
graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et
dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite
de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon
explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et
les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir
inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes
analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple
lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la
fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place
de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets
de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court
Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes
complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand
nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par
rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la
complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase
alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave
des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet
de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement
mieux lus que les pseudo-mots
Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun
apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
17 MC CAZALY CAPASH 2014
enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses
travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale
Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant
Le stade orthographique
Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation
et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de
conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les
effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles
1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les
mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate
eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une
certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place
Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la
voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)
Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement
agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de
lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes
Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de
lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus
exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des
effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves
Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)
____________________________________________________________________________
Etape Lecture Ecriture
____________________________________________________________________________
1a logographique 1 (symbolique)
1b logographique 2 _____________ logographique 2
2a logographique 3 alphabeacutetique 1
2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2
3a orthographique 1 alphabeacutetique 3
3b orthographique 2 _____________ orthographique 2
____________________________________________________________________________
Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
18 MC CAZALY CAPASH 2014
de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser
preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-
monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)
Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)
bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence
CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence
Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la
lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005
Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture
mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de
Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de
lecture tout au long de lrsquoapprentissage
12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)
Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui
repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique
- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique
La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur
alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre
orthographique
La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant
sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le
processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement
Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui
lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre
clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
19 MC CAZALY CAPASH 2014
Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites
uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo
avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui
permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis
atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes
Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)
Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1
Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait
quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre
en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes
porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend
des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances
morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques
Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques
Les uns nourrissant les autres
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
20 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves
Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute
Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances
morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de
la lecture agrave lrsquoeacutecole
De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans
lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest
eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et
coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique
nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable
En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement
de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on
perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez
lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par
assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle
teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet
exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique
Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie
indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de
lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots
irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo
lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration
infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral
On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical
orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999
Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui
obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui
progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie
Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
32 MC CAZALY CAPASH 2014
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Introduction Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
4 MC CAZALY CAPASH 2014
Introduction
La lecture nrsquoest pas une activiteacute naturelle car le cerveau nrsquoest pas programmeacute pour lire
comme il peut lrsquoecirctre pour le langage oral Lrsquoeacutecrit est une invention de lrsquohomme tout comme
les activiteacutes de comptage et suppose qursquoil y ait apprentissage Certains chercheurs comme
Ludovic Ferrand ont qualifieacute la lecture de talent cognitif prodigieux automatique mais son
apprentissage peut devenir laborieux pour un certain nombre drsquoenfants Crsquoest le cas en
Nouvelle Caleacutedonie ougrave le nombre drsquoeacutelegraveves en difficulteacute de lecture repreacutesente plus de 20
de la population scolaire Parmi ceux-ci beaucoup ont des difficulteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit et nrsquoaccegravedent pas agrave une lecture fluide Le grand deacutefi de lrsquoeacutecole est alors de reacuteussir agrave
deacuteterminer ce qui peut ecirctre source de difficulteacute afin de concevoir des aides approprieacutees
Crsquoest notamment le rocircle des enseignants speacutecialiseacutes qui agrave partir drsquoinvestigations meneacutees
essaient drsquoen deacutegager des profils de lecteurs En effet plus lrsquoanalyse du profil de lecteur sera
fine plus les aides apporteacutees seront efficaces
Crsquoest pourquoi agrave travers la preacutesentation drsquoun ensemble de recherches les plus adapteacutees agrave la
lecture agrave voix haute cette eacutetude se proposera dans un premier temps de faire le point sur
les connaissances dont nous disposons sur les meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit pour
le lecteur expert Puis drsquoeacutetudier lrsquoapprentissage de ces meacutecanismes tels qursquoils se
deacuteveloppent chez lrsquoenfant Et enfin nous nous inteacuteresserons particuliegraverement aux
diffeacuterentes sources explicatives des difficulteacutes de reconnaissance du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
5 MC CAZALY CAPASH 2014
Chapitre 1 Les modegraveles theacuteoriques de lrsquoidentification du mot eacutecrit et de son apprentissage
Que sait-on de la lecture experte
La finaliteacute de la lecture est avant tout la compreacutehension de ce qui vient drsquoecirctre lu Pour Ecalle
et Magnan 2010 cette finaliteacute reacutesulte de deux composantes essentielles lrsquoidentification du
mot eacutecrit et la compreacutehension de phrases ou de textes Ainsi la reconnaissance des mots
eacutecrits conditionne toute lrsquoactiviteacute de lecture car elle est un preacutealable agrave la compreacutehension
Pour ecirctre efficaces les meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit doivent ecirctre automatiseacutes
Mais quels sont ces meacutecanismes Comment se traduisent-ils chez le lecteur expert Crsquoest
pourquoi avant de deacutecrire son apprentissage et ses difficulteacutes nous exposerons dans cette
premiegravere partie les theacuteories explicatives de la lecture experte
A Lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert Lrsquohypothegravese de deux
voies de lecture
1 Mise en eacutevidence de deux voies de lecture par les recherches en neuropsychologie
Deux voies de lecture ont eacuteteacute mises en eacutevidence par Marshall et Newcombe (19661973) agrave
partir de lrsquoanalyse des erreurs de patients ayant subi des leacutesions
Dans le cas de lrsquoalexie peacuteripheacuterique il existe des erreurs de substitution ou de
reacutearrangement des lettres APPLE qui est lu ABLE La personne change une ou plusieurs
lettres et commet une erreur de lecture Lrsquoalexie profonde correspond agrave des erreurs de
substitution seacutemantique Le patient remplace le mot laquo little raquo par un mot seacutemantiquement
correct comme laquo small raquo Enfin lrsquoalexie de surface qui srsquoexplique par des erreurs de lecture
de phonegravemes donc agrave une sur-reacutegularisation des mots lus telle que lsquolitersquo pour lsquolitrsquo Lrsquoalexie de
surface provoque de nombreux neacuteologismes au cours de la lecture
Ces observations deacutemontrent qursquoil existe certainement deux routes principales pour la
lecture Une qui conduit agrave une adresse phonologique et lrsquoautre agrave une adresse seacutemantique
les deux combineacutees permettent la prononciation du mot lu
Il existe diffeacuterentes cateacutegories de mots qui conduisent agrave lrsquoutilisation de voies diffeacuterentes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
6 MC CAZALY CAPASH 2014
- Les pseudo-mots comme laquo sabifo raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie drsquoassemblage
cest-agrave-dire la conversion de graphegravemes en phonegravemes
- Les mots irreacuteguliers comme laquo femme raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie
drsquoadressage cest-agrave-dire la reconnaissante visuelle immeacutediate du mot stockeacute dans le
lexique mental
- Les mots reacuteguliers comme laquo veacutelo raquo dont la lecture peut utiliser les deux voies
preacuteceacutedentes
Mais ces constats font deacutebat agrave propos de diffeacuterents facteurs qui peuvent intervenir lors de la
lecture tels que la freacutequence des mots lrsquoambiguumliteacute lrsquohomophonie ainsi que la concreacutetude
(mots plus ou moins concrets) Mais avant de srsquointeacuteresser agrave ces diffeacuterents facteurs il nous
semble essentiel de deacutecrire les modegraveles qui tentent de deacutecrire la lecture experte dont le
plus connu est le modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart 1978
2 Le modegravele agrave deux voies de lecture (Dual route model) Coltheart 1978
Les recherches portant sur la lecture experte ont largement deacutemontreacute lrsquoimportance des
proceacutedures drsquoidentification des mots eacutecrits isoleacutes Parmi ces recherches le modegravele agrave deux
voies de Coltheart (1978) srsquoest reacuteveacuteleacute tregraves fertile et a servi de point de reacutefeacuterence agrave de
nombreuses recherches dans le domaine de lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur
expert Drsquoapregraves ce modegravele pour lire un mot le lecteur expert peut utiliser deux
proceacutedures 1) La voie directe dite aussi orthographique lexicale ou drsquoadressage et 2) La
voie indirecte dite aussi phonologique sub-lexicale deacutecodage ou drsquoassemblage
Modegravele de la double-voie (Coltheart 1978)
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
7 MC CAZALY CAPASH 2014
La voie directe drsquoadressage permet de reacutecupeacuterer en meacutemoire la repreacutesentation
phonologique lexicale directement En quelque sorte le mot est reconnu drsquoembleacutee sans
avoir besoin de le deacutechiffrer Cette voie serait la plus utiliseacutee par le lecteur expert Elle est
eacutegalement la seule utilisable pour la lecture de mots irreacuteguliers Cette route est sensible agrave la
freacutequence des mots En effet plus un mot est freacutequent et plus vite il est reconnu et lu Les
mots freacutequents sont identifieacutes plus rapidement que les mots rares Cet effet de freacutequence
montre lrsquoexistence mecircme de la voie directe Elle est reacuteveacuteleacutee aussi par le fait qursquoil est
impossible de lire un mot nouveau ou pseudo-mot (mot qui nrsquoexiste pas) directement Le
lecteur est obligeacute drsquoassembler les phonegravemes et les graphegravemes afin drsquoaboutir agrave la
prononciation du mot
La voie indirecte drsquoassemblage megravene agrave lrsquoeacutelaboration de cette repreacutesentation phonologique
par assemblage des phonegravemes et des graphegravemes composant le mot Proceacutedure aussi
appeleacutee lsquomeacutediation phonologiquersquo Elle est principalement utiliseacutee par le lecteur expert pour
les mots nouveaux ou les pseudo-mots De plus elle preacutesente un effet de reacutegulariteacute Cest-agrave-
dire que les mots reacuteguliers sont mieux lus que les mots irreacuteguliers par le fait que la
correspondance des graphegravemes phonegravemes ne permet pas drsquoidentifier le mot irreacutegulier
comme laquo femme raquo correctement Il se produit alors une erreur de reacutegularisation qui aboutit
agrave la prononciation laquo fame raquo Cet effet de reacutegulariteacute deacutemontre la preacutesence de la voie indirecte
au cours de lrsquoidentification des mots eacutecrits Mais eacutegalement lrsquoeffet de lexicaliteacute cest-agrave-dire
la diffeacuterence entre la lecture de mots et de pseudo-mots ougrave les mots sont mieux lus que les
pseudo-mots montre que deux proceacutedures sont utiliseacutees
Dans ce modegravele agrave deux routes pour le lecteur expert lrsquoutilisation de la voie indirecte est
facultative alors que la voie directe plus rapide joue le premier rocircle Les deux voies
srsquoactivent en parallegravele Il est donc possible drsquoeacutevaluer lrsquoidentification des mots eacutecrits en
prononciation (agrave voix haute) en utilisant des tacircches avec effet de freacutequence de lexicaliteacute et
de reacutegulariteacute Dans ce cas on mesure les reacuteponses exactes ou inexactes ainsi que les temps
de latence des reacuteponses correctes
Ainsi le modegravele agrave deux voies est agrave lrsquoorigine de nombreuses recherches et a fait lrsquoobjet de
modeacutelisation informatique qui permet de rendre compte des diffeacuterents effets de lecture et
drsquoaffiner la compreacutehension du processus de lecture experte Le modegravele DRC en fait partie
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
8 MC CAZALY CAPASH 2014
3 Evolution du modegravele agrave deux routes de lecture
31 Le modegravele DRC (Modegravele agrave deux routes en cascade) de Coltheart Rastle Perry Langdon
et Ziegler (2001)
Dans les anneacutees 2000 le modegravele initial agrave deux routes de Coltheart (1978) agrave eacutevolueacute vers une
modeacutelisation par ordinateur Le modegravele agrave deux routes en cascade par Coltheart Rastle
Perry Langdon et Ziegler (2001) Le principe est le suivant
Lrsquoinformation se deacuteplace en cascade de niveau en niveau par activation systeacutematique drsquoun
niveau agrave lrsquoautre Par exemple lrsquoactivation de lrsquouniteacute lettres active agrave son tour les autres
niveaux Les uniteacutes interagissent par des connexions excitatrices ou inhibitrices qui se
reacutepandent de faccedilon progressive Trois routes composeacutees de diffeacuterents niveaux en interaction
constituent le modegravele DRC
- La route lexicale seacutemantique (non impleacutementeacutee)
- La route lexicale non seacutemantique
- Une route non lexicale (regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes)
Chaque niveau comporte soit des mots des lettres des phonegravemes ou des traits visuels Le
modegravele contient 26 lettres 43 phonegravemes et 7981 mots monosyllabiques
La route lexicale non seacutemantique fonctionne de la faccedilon suivante (Chaque niveau activant
le suivant) (-gt = activation)
Mot en preacutesentation -gt traits visuels correspondant -gt lettres -gt uniteacute orthographique -gt
uniteacute phonologique -gt phonegravemes correspondant
Les mots contenus dans le lexique orthographique par freacutequence drsquooccurrence pour les mots
les plus freacutequents sont plus rapidement activeacutes que les mots moins freacutequents
La route non lexicale fonctionne gracircce agrave des regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes
Ces regravegles ont eacuteteacute choisies uniquement de faccedilon statistique Cest-agrave-dire que pour un
graphegraveme donneacute crsquoest le phonegraveme le plus freacutequent qui lui et assigneacute La lecture est seacuterielle
lettres apregraves lettres et de gauche agrave droite
Performance du modegravele Sur les 7981 mots du modegravele 989 sont lus correctement les
erreurs portent sur les homographes heacuteteacuterophones (mots qui srsquoeacutecrivent pareils mais ne se
prononcent pas pareils) et sur des sur-reacutegularisations en prononciation Sur les 7000 non-
mots du modegravele 989 sont bien lus Le modegravele DRC simule correctement les effets repeacutereacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
9 MC CAZALY CAPASH 2014
pour des humains cest-agrave-dire les effets de freacutequence de reacutegulariteacute de pseudo
homophonie de freacutequence des pseudo-homophones de taille du voisinage pour les mots et
les non mots et de reacutepeacutetition DRC est aussi capable de simuler la dyslexie de surface et
phonologique Ces performances montrent bien la force de ce modegravele pour la
compreacutehension des meacutecanismes sous-jacents agrave lrsquoidentification des mots eacutecrits
Modegravele de la laquo DRC raquo par Coltheart et al (2001) Figure tireacutee de Ferrand (2007)
Limite du modegravele Le modegravele ne peut pas simuler les effets drsquoamorccedilage rapide avec
masquage et ne peut pas lire les mots de plus drsquoune syllabe Bien qursquoil soit adapteacute agrave des
langues alphabeacutetiques telles que lrsquoallemand (Ziegler Perry Coltheart 2000) et au franccedilais
(Ziegler Perry Coltheart 2003) langues contenant des voyelles il ne peut preacutetendre au
principe universel drsquoun codage phonologique dans la lecture silencieuse
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
10 MC CAZALY CAPASH 2014
Encore plus reacutecemment le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler
et Zorzi (2007 est capable de simuler beaucoup plus drsquoeffets et se montre encore plus puissant
et prometteur
32 Le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)
Ce modegravele est inteacuteressant dans le cadre de ce meacutemoire car il est capable de simuler un tregraves
grand nombre drsquoeffets observeacutes chez le lecteur humain en prononciation (agrave voix haute) Il est
tregraves deacutetailleacute mais tregraves complexe dans sa composition car sa structure est entiegraverement
connexionniste cest-agrave-dire qursquoil est composeacute de reacuteseaux drsquouniteacutes interconnecteacutees Les
auteurs de ce modegravele (Perry et al 2007) font lrsquohypothegravese qursquoil y a bien deux voies distinctes
de lecture
Il associe de faccedilon increacutementale drsquoautres modegraveles anteacuterieurs et en reprend les meilleurs
aspects le DRC de Coltheart et al (2001) preacutesenteacute dans la section preacuteceacutedente (31) pour la
voie de gauche lexicale et le modegravele CDP de Zorzi Houghton et Butterworth (1998) non
preacutesenteacute ici pour la voie de droite dite sous-lexicale
Le modegravele de Perry Ziegler et Zorzi (2007) CDP+ = synthegravese des modegraveles CDP et DRC
Scheacutema issu du cours Ndeg4 Collegravege de France ndash Stanislas DEHAENE ndash Meacutecanismes ceacutereacutebraux de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
11 MC CAZALY CAPASH 2014
La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux
niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui
nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en
entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer
gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de
preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de
neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC
Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de
mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes
et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme
de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-
syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-
syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement
attendue
Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain
La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)
reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix
haute
4 Les diffeacuterents effets de lecture
Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des
meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement
des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les
principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert
Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans
la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses
difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
12 MC CAZALY CAPASH 2014
Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture
agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)
Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)
Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC
Modegravele CDP+
Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)
Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence
+ +
Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)
Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots
+ +
Freacutequence X reacutegulariteacute
Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)
Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)
+ +
Consistance (mots)
Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis
- +
Consistance (non-mots)
Andrews amp Scarrat (1998)
La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes
- +
Longueur X reacutegulariteacute
Weekes (1997) Ziegler et al (2001)
Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle
+ +
Position de lrsquoirreacutegulariteacute
Rastle amp Coltheart (1999)
La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position
+ +
Voisinage Rime
Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes
- +
Amorccedilage Onset
Forster amp Davis (1991)
Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees
+ +
Avantage pseudo-homophonique
McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)
Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques
+ +
Dyslexie de surface
Patterson amp Behrmann (1997)
Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots
- +
Dyslexie phonologique
Derouesneacute amp Beauvois (1985)
Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement
+ +
Large bases de Donneacutees
Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)
Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems
- +
41 Les effets de freacutequence
La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute
linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
13 MC CAZALY CAPASH 2014
lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un
large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet
de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si
un mot est plus ou moins freacutequent
En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par
rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand
nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute
Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des
tacircches
- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)
- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)
- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)
- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)
- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)
De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le
franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse
en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la
route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui
ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la
voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere
Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font
lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation
orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et
seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite
que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe
42 Effet de lexicaliteacute
Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot
La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un
non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
14 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs
fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide
43 Effet de reacutegulariteacute
Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique
donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute
normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot
laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves
exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus
rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier
En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que
nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit
deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite
drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la
voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot
comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee
par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes
(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-
ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques
qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues
directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de
simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la
reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces
proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la
lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest
pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des
meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
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B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit
Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est
lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau
Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce
qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour
ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave
une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart
drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en
stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)
1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale
thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet
Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement
inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese
que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental
Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit
srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants
Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith
(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la
lecture et de ses difficulteacutes
11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)
Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui
se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois
grandes eacutetapes
Le stade Logographique ou pictural
Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices
contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee
gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
16 MC CAZALY CAPASH 2014
montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot
ulteacuterieurement
La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas
pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par
lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale
sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce
stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture
Le stade Phonologique ou alphabeacutetique
Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion
graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et
dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite
de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon
explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et
les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir
inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes
analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple
lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la
fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place
de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets
de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court
Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes
complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand
nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par
rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la
complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase
alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave
des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet
de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement
mieux lus que les pseudo-mots
Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun
apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
17 MC CAZALY CAPASH 2014
enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses
travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale
Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant
Le stade orthographique
Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation
et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de
conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les
effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles
1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les
mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate
eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une
certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place
Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la
voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)
Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement
agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de
lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes
Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de
lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus
exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des
effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves
Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)
____________________________________________________________________________
Etape Lecture Ecriture
____________________________________________________________________________
1a logographique 1 (symbolique)
1b logographique 2 _____________ logographique 2
2a logographique 3 alphabeacutetique 1
2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2
3a orthographique 1 alphabeacutetique 3
3b orthographique 2 _____________ orthographique 2
____________________________________________________________________________
Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
18 MC CAZALY CAPASH 2014
de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser
preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-
monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)
Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)
bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence
CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence
Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la
lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005
Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture
mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de
Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de
lecture tout au long de lrsquoapprentissage
12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)
Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui
repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique
- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique
La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur
alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre
orthographique
La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant
sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le
processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement
Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui
lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre
clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
19 MC CAZALY CAPASH 2014
Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites
uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo
avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui
permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis
atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes
Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)
Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1
Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait
quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre
en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes
porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend
des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances
morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques
Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques
Les uns nourrissant les autres
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
20 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves
Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute
Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances
morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de
la lecture agrave lrsquoeacutecole
De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans
lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest
eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et
coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique
nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable
En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement
de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on
perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez
lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par
assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle
teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet
exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique
Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie
indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de
lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots
irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo
lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration
infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral
On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical
orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999
Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui
obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui
progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
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Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
32 MC CAZALY CAPASH 2014
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Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
5 MC CAZALY CAPASH 2014
Chapitre 1 Les modegraveles theacuteoriques de lrsquoidentification du mot eacutecrit et de son apprentissage
Que sait-on de la lecture experte
La finaliteacute de la lecture est avant tout la compreacutehension de ce qui vient drsquoecirctre lu Pour Ecalle
et Magnan 2010 cette finaliteacute reacutesulte de deux composantes essentielles lrsquoidentification du
mot eacutecrit et la compreacutehension de phrases ou de textes Ainsi la reconnaissance des mots
eacutecrits conditionne toute lrsquoactiviteacute de lecture car elle est un preacutealable agrave la compreacutehension
Pour ecirctre efficaces les meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit doivent ecirctre automatiseacutes
Mais quels sont ces meacutecanismes Comment se traduisent-ils chez le lecteur expert Crsquoest
pourquoi avant de deacutecrire son apprentissage et ses difficulteacutes nous exposerons dans cette
premiegravere partie les theacuteories explicatives de la lecture experte
A Lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert Lrsquohypothegravese de deux
voies de lecture
1 Mise en eacutevidence de deux voies de lecture par les recherches en neuropsychologie
Deux voies de lecture ont eacuteteacute mises en eacutevidence par Marshall et Newcombe (19661973) agrave
partir de lrsquoanalyse des erreurs de patients ayant subi des leacutesions
Dans le cas de lrsquoalexie peacuteripheacuterique il existe des erreurs de substitution ou de
reacutearrangement des lettres APPLE qui est lu ABLE La personne change une ou plusieurs
lettres et commet une erreur de lecture Lrsquoalexie profonde correspond agrave des erreurs de
substitution seacutemantique Le patient remplace le mot laquo little raquo par un mot seacutemantiquement
correct comme laquo small raquo Enfin lrsquoalexie de surface qui srsquoexplique par des erreurs de lecture
de phonegravemes donc agrave une sur-reacutegularisation des mots lus telle que lsquolitersquo pour lsquolitrsquo Lrsquoalexie de
surface provoque de nombreux neacuteologismes au cours de la lecture
Ces observations deacutemontrent qursquoil existe certainement deux routes principales pour la
lecture Une qui conduit agrave une adresse phonologique et lrsquoautre agrave une adresse seacutemantique
les deux combineacutees permettent la prononciation du mot lu
Il existe diffeacuterentes cateacutegories de mots qui conduisent agrave lrsquoutilisation de voies diffeacuterentes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
6 MC CAZALY CAPASH 2014
- Les pseudo-mots comme laquo sabifo raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie drsquoassemblage
cest-agrave-dire la conversion de graphegravemes en phonegravemes
- Les mots irreacuteguliers comme laquo femme raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie
drsquoadressage cest-agrave-dire la reconnaissante visuelle immeacutediate du mot stockeacute dans le
lexique mental
- Les mots reacuteguliers comme laquo veacutelo raquo dont la lecture peut utiliser les deux voies
preacuteceacutedentes
Mais ces constats font deacutebat agrave propos de diffeacuterents facteurs qui peuvent intervenir lors de la
lecture tels que la freacutequence des mots lrsquoambiguumliteacute lrsquohomophonie ainsi que la concreacutetude
(mots plus ou moins concrets) Mais avant de srsquointeacuteresser agrave ces diffeacuterents facteurs il nous
semble essentiel de deacutecrire les modegraveles qui tentent de deacutecrire la lecture experte dont le
plus connu est le modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart 1978
2 Le modegravele agrave deux voies de lecture (Dual route model) Coltheart 1978
Les recherches portant sur la lecture experte ont largement deacutemontreacute lrsquoimportance des
proceacutedures drsquoidentification des mots eacutecrits isoleacutes Parmi ces recherches le modegravele agrave deux
voies de Coltheart (1978) srsquoest reacuteveacuteleacute tregraves fertile et a servi de point de reacutefeacuterence agrave de
nombreuses recherches dans le domaine de lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur
expert Drsquoapregraves ce modegravele pour lire un mot le lecteur expert peut utiliser deux
proceacutedures 1) La voie directe dite aussi orthographique lexicale ou drsquoadressage et 2) La
voie indirecte dite aussi phonologique sub-lexicale deacutecodage ou drsquoassemblage
Modegravele de la double-voie (Coltheart 1978)
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
7 MC CAZALY CAPASH 2014
La voie directe drsquoadressage permet de reacutecupeacuterer en meacutemoire la repreacutesentation
phonologique lexicale directement En quelque sorte le mot est reconnu drsquoembleacutee sans
avoir besoin de le deacutechiffrer Cette voie serait la plus utiliseacutee par le lecteur expert Elle est
eacutegalement la seule utilisable pour la lecture de mots irreacuteguliers Cette route est sensible agrave la
freacutequence des mots En effet plus un mot est freacutequent et plus vite il est reconnu et lu Les
mots freacutequents sont identifieacutes plus rapidement que les mots rares Cet effet de freacutequence
montre lrsquoexistence mecircme de la voie directe Elle est reacuteveacuteleacutee aussi par le fait qursquoil est
impossible de lire un mot nouveau ou pseudo-mot (mot qui nrsquoexiste pas) directement Le
lecteur est obligeacute drsquoassembler les phonegravemes et les graphegravemes afin drsquoaboutir agrave la
prononciation du mot
La voie indirecte drsquoassemblage megravene agrave lrsquoeacutelaboration de cette repreacutesentation phonologique
par assemblage des phonegravemes et des graphegravemes composant le mot Proceacutedure aussi
appeleacutee lsquomeacutediation phonologiquersquo Elle est principalement utiliseacutee par le lecteur expert pour
les mots nouveaux ou les pseudo-mots De plus elle preacutesente un effet de reacutegulariteacute Cest-agrave-
dire que les mots reacuteguliers sont mieux lus que les mots irreacuteguliers par le fait que la
correspondance des graphegravemes phonegravemes ne permet pas drsquoidentifier le mot irreacutegulier
comme laquo femme raquo correctement Il se produit alors une erreur de reacutegularisation qui aboutit
agrave la prononciation laquo fame raquo Cet effet de reacutegulariteacute deacutemontre la preacutesence de la voie indirecte
au cours de lrsquoidentification des mots eacutecrits Mais eacutegalement lrsquoeffet de lexicaliteacute cest-agrave-dire
la diffeacuterence entre la lecture de mots et de pseudo-mots ougrave les mots sont mieux lus que les
pseudo-mots montre que deux proceacutedures sont utiliseacutees
Dans ce modegravele agrave deux routes pour le lecteur expert lrsquoutilisation de la voie indirecte est
facultative alors que la voie directe plus rapide joue le premier rocircle Les deux voies
srsquoactivent en parallegravele Il est donc possible drsquoeacutevaluer lrsquoidentification des mots eacutecrits en
prononciation (agrave voix haute) en utilisant des tacircches avec effet de freacutequence de lexicaliteacute et
de reacutegulariteacute Dans ce cas on mesure les reacuteponses exactes ou inexactes ainsi que les temps
de latence des reacuteponses correctes
Ainsi le modegravele agrave deux voies est agrave lrsquoorigine de nombreuses recherches et a fait lrsquoobjet de
modeacutelisation informatique qui permet de rendre compte des diffeacuterents effets de lecture et
drsquoaffiner la compreacutehension du processus de lecture experte Le modegravele DRC en fait partie
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
8 MC CAZALY CAPASH 2014
3 Evolution du modegravele agrave deux routes de lecture
31 Le modegravele DRC (Modegravele agrave deux routes en cascade) de Coltheart Rastle Perry Langdon
et Ziegler (2001)
Dans les anneacutees 2000 le modegravele initial agrave deux routes de Coltheart (1978) agrave eacutevolueacute vers une
modeacutelisation par ordinateur Le modegravele agrave deux routes en cascade par Coltheart Rastle
Perry Langdon et Ziegler (2001) Le principe est le suivant
Lrsquoinformation se deacuteplace en cascade de niveau en niveau par activation systeacutematique drsquoun
niveau agrave lrsquoautre Par exemple lrsquoactivation de lrsquouniteacute lettres active agrave son tour les autres
niveaux Les uniteacutes interagissent par des connexions excitatrices ou inhibitrices qui se
reacutepandent de faccedilon progressive Trois routes composeacutees de diffeacuterents niveaux en interaction
constituent le modegravele DRC
- La route lexicale seacutemantique (non impleacutementeacutee)
- La route lexicale non seacutemantique
- Une route non lexicale (regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes)
Chaque niveau comporte soit des mots des lettres des phonegravemes ou des traits visuels Le
modegravele contient 26 lettres 43 phonegravemes et 7981 mots monosyllabiques
La route lexicale non seacutemantique fonctionne de la faccedilon suivante (Chaque niveau activant
le suivant) (-gt = activation)
Mot en preacutesentation -gt traits visuels correspondant -gt lettres -gt uniteacute orthographique -gt
uniteacute phonologique -gt phonegravemes correspondant
Les mots contenus dans le lexique orthographique par freacutequence drsquooccurrence pour les mots
les plus freacutequents sont plus rapidement activeacutes que les mots moins freacutequents
La route non lexicale fonctionne gracircce agrave des regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes
Ces regravegles ont eacuteteacute choisies uniquement de faccedilon statistique Cest-agrave-dire que pour un
graphegraveme donneacute crsquoest le phonegraveme le plus freacutequent qui lui et assigneacute La lecture est seacuterielle
lettres apregraves lettres et de gauche agrave droite
Performance du modegravele Sur les 7981 mots du modegravele 989 sont lus correctement les
erreurs portent sur les homographes heacuteteacuterophones (mots qui srsquoeacutecrivent pareils mais ne se
prononcent pas pareils) et sur des sur-reacutegularisations en prononciation Sur les 7000 non-
mots du modegravele 989 sont bien lus Le modegravele DRC simule correctement les effets repeacutereacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
9 MC CAZALY CAPASH 2014
pour des humains cest-agrave-dire les effets de freacutequence de reacutegulariteacute de pseudo
homophonie de freacutequence des pseudo-homophones de taille du voisinage pour les mots et
les non mots et de reacutepeacutetition DRC est aussi capable de simuler la dyslexie de surface et
phonologique Ces performances montrent bien la force de ce modegravele pour la
compreacutehension des meacutecanismes sous-jacents agrave lrsquoidentification des mots eacutecrits
Modegravele de la laquo DRC raquo par Coltheart et al (2001) Figure tireacutee de Ferrand (2007)
Limite du modegravele Le modegravele ne peut pas simuler les effets drsquoamorccedilage rapide avec
masquage et ne peut pas lire les mots de plus drsquoune syllabe Bien qursquoil soit adapteacute agrave des
langues alphabeacutetiques telles que lrsquoallemand (Ziegler Perry Coltheart 2000) et au franccedilais
(Ziegler Perry Coltheart 2003) langues contenant des voyelles il ne peut preacutetendre au
principe universel drsquoun codage phonologique dans la lecture silencieuse
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
10 MC CAZALY CAPASH 2014
Encore plus reacutecemment le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler
et Zorzi (2007 est capable de simuler beaucoup plus drsquoeffets et se montre encore plus puissant
et prometteur
32 Le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)
Ce modegravele est inteacuteressant dans le cadre de ce meacutemoire car il est capable de simuler un tregraves
grand nombre drsquoeffets observeacutes chez le lecteur humain en prononciation (agrave voix haute) Il est
tregraves deacutetailleacute mais tregraves complexe dans sa composition car sa structure est entiegraverement
connexionniste cest-agrave-dire qursquoil est composeacute de reacuteseaux drsquouniteacutes interconnecteacutees Les
auteurs de ce modegravele (Perry et al 2007) font lrsquohypothegravese qursquoil y a bien deux voies distinctes
de lecture
Il associe de faccedilon increacutementale drsquoautres modegraveles anteacuterieurs et en reprend les meilleurs
aspects le DRC de Coltheart et al (2001) preacutesenteacute dans la section preacuteceacutedente (31) pour la
voie de gauche lexicale et le modegravele CDP de Zorzi Houghton et Butterworth (1998) non
preacutesenteacute ici pour la voie de droite dite sous-lexicale
Le modegravele de Perry Ziegler et Zorzi (2007) CDP+ = synthegravese des modegraveles CDP et DRC
Scheacutema issu du cours Ndeg4 Collegravege de France ndash Stanislas DEHAENE ndash Meacutecanismes ceacutereacutebraux de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
11 MC CAZALY CAPASH 2014
La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux
niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui
nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en
entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer
gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de
preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de
neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC
Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de
mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes
et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme
de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-
syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-
syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement
attendue
Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain
La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)
reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix
haute
4 Les diffeacuterents effets de lecture
Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des
meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement
des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les
principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert
Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans
la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses
difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
12 MC CAZALY CAPASH 2014
Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture
agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)
Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)
Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC
Modegravele CDP+
Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)
Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence
+ +
Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)
Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots
+ +
Freacutequence X reacutegulariteacute
Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)
Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)
+ +
Consistance (mots)
Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis
- +
Consistance (non-mots)
Andrews amp Scarrat (1998)
La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes
- +
Longueur X reacutegulariteacute
Weekes (1997) Ziegler et al (2001)
Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle
+ +
Position de lrsquoirreacutegulariteacute
Rastle amp Coltheart (1999)
La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position
+ +
Voisinage Rime
Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes
- +
Amorccedilage Onset
Forster amp Davis (1991)
Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees
+ +
Avantage pseudo-homophonique
McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)
Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques
+ +
Dyslexie de surface
Patterson amp Behrmann (1997)
Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots
- +
Dyslexie phonologique
Derouesneacute amp Beauvois (1985)
Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement
+ +
Large bases de Donneacutees
Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)
Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems
- +
41 Les effets de freacutequence
La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute
linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
13 MC CAZALY CAPASH 2014
lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un
large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet
de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si
un mot est plus ou moins freacutequent
En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par
rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand
nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute
Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des
tacircches
- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)
- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)
- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)
- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)
- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)
De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le
franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse
en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la
route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui
ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la
voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere
Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font
lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation
orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et
seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite
que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe
42 Effet de lexicaliteacute
Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot
La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un
non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
14 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs
fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide
43 Effet de reacutegulariteacute
Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique
donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute
normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot
laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves
exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus
rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier
En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que
nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit
deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite
drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la
voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot
comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee
par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes
(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-
ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques
qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues
directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de
simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la
reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces
proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la
lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest
pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des
meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
15 MC CAZALY CAPASH 2014
B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit
Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est
lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau
Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce
qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour
ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave
une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart
drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en
stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)
1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale
thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet
Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement
inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese
que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental
Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit
srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants
Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith
(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la
lecture et de ses difficulteacutes
11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)
Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui
se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois
grandes eacutetapes
Le stade Logographique ou pictural
Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices
contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee
gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
16 MC CAZALY CAPASH 2014
montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot
ulteacuterieurement
La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas
pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par
lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale
sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce
stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture
Le stade Phonologique ou alphabeacutetique
Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion
graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et
dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite
de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon
explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et
les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir
inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes
analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple
lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la
fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place
de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets
de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court
Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes
complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand
nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par
rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la
complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase
alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave
des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet
de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement
mieux lus que les pseudo-mots
Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun
apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
17 MC CAZALY CAPASH 2014
enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses
travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale
Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant
Le stade orthographique
Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation
et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de
conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les
effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles
1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les
mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate
eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une
certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place
Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la
voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)
Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement
agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de
lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes
Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de
lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus
exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des
effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves
Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)
____________________________________________________________________________
Etape Lecture Ecriture
____________________________________________________________________________
1a logographique 1 (symbolique)
1b logographique 2 _____________ logographique 2
2a logographique 3 alphabeacutetique 1
2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2
3a orthographique 1 alphabeacutetique 3
3b orthographique 2 _____________ orthographique 2
____________________________________________________________________________
Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
18 MC CAZALY CAPASH 2014
de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser
preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-
monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)
Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)
bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence
CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence
Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la
lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005
Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture
mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de
Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de
lecture tout au long de lrsquoapprentissage
12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)
Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui
repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique
- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique
La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur
alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre
orthographique
La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant
sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le
processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement
Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui
lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre
clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
19 MC CAZALY CAPASH 2014
Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites
uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo
avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui
permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis
atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes
Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)
Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1
Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait
quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre
en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes
porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend
des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances
morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques
Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques
Les uns nourrissant les autres
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
20 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves
Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute
Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances
morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de
la lecture agrave lrsquoeacutecole
De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans
lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest
eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et
coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique
nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable
En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement
de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on
perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez
lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par
assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle
teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet
exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique
Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie
indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de
lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots
irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo
lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration
infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral
On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical
orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999
Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui
obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui
progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie
Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
32 MC CAZALY CAPASH 2014
Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
6 MC CAZALY CAPASH 2014
- Les pseudo-mots comme laquo sabifo raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie drsquoassemblage
cest-agrave-dire la conversion de graphegravemes en phonegravemes
- Les mots irreacuteguliers comme laquo femme raquo qui ne peuvent ecirctre lus que par la voie
drsquoadressage cest-agrave-dire la reconnaissante visuelle immeacutediate du mot stockeacute dans le
lexique mental
- Les mots reacuteguliers comme laquo veacutelo raquo dont la lecture peut utiliser les deux voies
preacuteceacutedentes
Mais ces constats font deacutebat agrave propos de diffeacuterents facteurs qui peuvent intervenir lors de la
lecture tels que la freacutequence des mots lrsquoambiguumliteacute lrsquohomophonie ainsi que la concreacutetude
(mots plus ou moins concrets) Mais avant de srsquointeacuteresser agrave ces diffeacuterents facteurs il nous
semble essentiel de deacutecrire les modegraveles qui tentent de deacutecrire la lecture experte dont le
plus connu est le modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart 1978
2 Le modegravele agrave deux voies de lecture (Dual route model) Coltheart 1978
Les recherches portant sur la lecture experte ont largement deacutemontreacute lrsquoimportance des
proceacutedures drsquoidentification des mots eacutecrits isoleacutes Parmi ces recherches le modegravele agrave deux
voies de Coltheart (1978) srsquoest reacuteveacuteleacute tregraves fertile et a servi de point de reacutefeacuterence agrave de
nombreuses recherches dans le domaine de lrsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur
expert Drsquoapregraves ce modegravele pour lire un mot le lecteur expert peut utiliser deux
proceacutedures 1) La voie directe dite aussi orthographique lexicale ou drsquoadressage et 2) La
voie indirecte dite aussi phonologique sub-lexicale deacutecodage ou drsquoassemblage
Modegravele de la double-voie (Coltheart 1978)
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
7 MC CAZALY CAPASH 2014
La voie directe drsquoadressage permet de reacutecupeacuterer en meacutemoire la repreacutesentation
phonologique lexicale directement En quelque sorte le mot est reconnu drsquoembleacutee sans
avoir besoin de le deacutechiffrer Cette voie serait la plus utiliseacutee par le lecteur expert Elle est
eacutegalement la seule utilisable pour la lecture de mots irreacuteguliers Cette route est sensible agrave la
freacutequence des mots En effet plus un mot est freacutequent et plus vite il est reconnu et lu Les
mots freacutequents sont identifieacutes plus rapidement que les mots rares Cet effet de freacutequence
montre lrsquoexistence mecircme de la voie directe Elle est reacuteveacuteleacutee aussi par le fait qursquoil est
impossible de lire un mot nouveau ou pseudo-mot (mot qui nrsquoexiste pas) directement Le
lecteur est obligeacute drsquoassembler les phonegravemes et les graphegravemes afin drsquoaboutir agrave la
prononciation du mot
La voie indirecte drsquoassemblage megravene agrave lrsquoeacutelaboration de cette repreacutesentation phonologique
par assemblage des phonegravemes et des graphegravemes composant le mot Proceacutedure aussi
appeleacutee lsquomeacutediation phonologiquersquo Elle est principalement utiliseacutee par le lecteur expert pour
les mots nouveaux ou les pseudo-mots De plus elle preacutesente un effet de reacutegulariteacute Cest-agrave-
dire que les mots reacuteguliers sont mieux lus que les mots irreacuteguliers par le fait que la
correspondance des graphegravemes phonegravemes ne permet pas drsquoidentifier le mot irreacutegulier
comme laquo femme raquo correctement Il se produit alors une erreur de reacutegularisation qui aboutit
agrave la prononciation laquo fame raquo Cet effet de reacutegulariteacute deacutemontre la preacutesence de la voie indirecte
au cours de lrsquoidentification des mots eacutecrits Mais eacutegalement lrsquoeffet de lexicaliteacute cest-agrave-dire
la diffeacuterence entre la lecture de mots et de pseudo-mots ougrave les mots sont mieux lus que les
pseudo-mots montre que deux proceacutedures sont utiliseacutees
Dans ce modegravele agrave deux routes pour le lecteur expert lrsquoutilisation de la voie indirecte est
facultative alors que la voie directe plus rapide joue le premier rocircle Les deux voies
srsquoactivent en parallegravele Il est donc possible drsquoeacutevaluer lrsquoidentification des mots eacutecrits en
prononciation (agrave voix haute) en utilisant des tacircches avec effet de freacutequence de lexicaliteacute et
de reacutegulariteacute Dans ce cas on mesure les reacuteponses exactes ou inexactes ainsi que les temps
de latence des reacuteponses correctes
Ainsi le modegravele agrave deux voies est agrave lrsquoorigine de nombreuses recherches et a fait lrsquoobjet de
modeacutelisation informatique qui permet de rendre compte des diffeacuterents effets de lecture et
drsquoaffiner la compreacutehension du processus de lecture experte Le modegravele DRC en fait partie
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
8 MC CAZALY CAPASH 2014
3 Evolution du modegravele agrave deux routes de lecture
31 Le modegravele DRC (Modegravele agrave deux routes en cascade) de Coltheart Rastle Perry Langdon
et Ziegler (2001)
Dans les anneacutees 2000 le modegravele initial agrave deux routes de Coltheart (1978) agrave eacutevolueacute vers une
modeacutelisation par ordinateur Le modegravele agrave deux routes en cascade par Coltheart Rastle
Perry Langdon et Ziegler (2001) Le principe est le suivant
Lrsquoinformation se deacuteplace en cascade de niveau en niveau par activation systeacutematique drsquoun
niveau agrave lrsquoautre Par exemple lrsquoactivation de lrsquouniteacute lettres active agrave son tour les autres
niveaux Les uniteacutes interagissent par des connexions excitatrices ou inhibitrices qui se
reacutepandent de faccedilon progressive Trois routes composeacutees de diffeacuterents niveaux en interaction
constituent le modegravele DRC
- La route lexicale seacutemantique (non impleacutementeacutee)
- La route lexicale non seacutemantique
- Une route non lexicale (regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes)
Chaque niveau comporte soit des mots des lettres des phonegravemes ou des traits visuels Le
modegravele contient 26 lettres 43 phonegravemes et 7981 mots monosyllabiques
La route lexicale non seacutemantique fonctionne de la faccedilon suivante (Chaque niveau activant
le suivant) (-gt = activation)
Mot en preacutesentation -gt traits visuels correspondant -gt lettres -gt uniteacute orthographique -gt
uniteacute phonologique -gt phonegravemes correspondant
Les mots contenus dans le lexique orthographique par freacutequence drsquooccurrence pour les mots
les plus freacutequents sont plus rapidement activeacutes que les mots moins freacutequents
La route non lexicale fonctionne gracircce agrave des regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes
Ces regravegles ont eacuteteacute choisies uniquement de faccedilon statistique Cest-agrave-dire que pour un
graphegraveme donneacute crsquoest le phonegraveme le plus freacutequent qui lui et assigneacute La lecture est seacuterielle
lettres apregraves lettres et de gauche agrave droite
Performance du modegravele Sur les 7981 mots du modegravele 989 sont lus correctement les
erreurs portent sur les homographes heacuteteacuterophones (mots qui srsquoeacutecrivent pareils mais ne se
prononcent pas pareils) et sur des sur-reacutegularisations en prononciation Sur les 7000 non-
mots du modegravele 989 sont bien lus Le modegravele DRC simule correctement les effets repeacutereacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
9 MC CAZALY CAPASH 2014
pour des humains cest-agrave-dire les effets de freacutequence de reacutegulariteacute de pseudo
homophonie de freacutequence des pseudo-homophones de taille du voisinage pour les mots et
les non mots et de reacutepeacutetition DRC est aussi capable de simuler la dyslexie de surface et
phonologique Ces performances montrent bien la force de ce modegravele pour la
compreacutehension des meacutecanismes sous-jacents agrave lrsquoidentification des mots eacutecrits
Modegravele de la laquo DRC raquo par Coltheart et al (2001) Figure tireacutee de Ferrand (2007)
Limite du modegravele Le modegravele ne peut pas simuler les effets drsquoamorccedilage rapide avec
masquage et ne peut pas lire les mots de plus drsquoune syllabe Bien qursquoil soit adapteacute agrave des
langues alphabeacutetiques telles que lrsquoallemand (Ziegler Perry Coltheart 2000) et au franccedilais
(Ziegler Perry Coltheart 2003) langues contenant des voyelles il ne peut preacutetendre au
principe universel drsquoun codage phonologique dans la lecture silencieuse
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
10 MC CAZALY CAPASH 2014
Encore plus reacutecemment le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler
et Zorzi (2007 est capable de simuler beaucoup plus drsquoeffets et se montre encore plus puissant
et prometteur
32 Le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)
Ce modegravele est inteacuteressant dans le cadre de ce meacutemoire car il est capable de simuler un tregraves
grand nombre drsquoeffets observeacutes chez le lecteur humain en prononciation (agrave voix haute) Il est
tregraves deacutetailleacute mais tregraves complexe dans sa composition car sa structure est entiegraverement
connexionniste cest-agrave-dire qursquoil est composeacute de reacuteseaux drsquouniteacutes interconnecteacutees Les
auteurs de ce modegravele (Perry et al 2007) font lrsquohypothegravese qursquoil y a bien deux voies distinctes
de lecture
Il associe de faccedilon increacutementale drsquoautres modegraveles anteacuterieurs et en reprend les meilleurs
aspects le DRC de Coltheart et al (2001) preacutesenteacute dans la section preacuteceacutedente (31) pour la
voie de gauche lexicale et le modegravele CDP de Zorzi Houghton et Butterworth (1998) non
preacutesenteacute ici pour la voie de droite dite sous-lexicale
Le modegravele de Perry Ziegler et Zorzi (2007) CDP+ = synthegravese des modegraveles CDP et DRC
Scheacutema issu du cours Ndeg4 Collegravege de France ndash Stanislas DEHAENE ndash Meacutecanismes ceacutereacutebraux de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
11 MC CAZALY CAPASH 2014
La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux
niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui
nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en
entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer
gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de
preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de
neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC
Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de
mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes
et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme
de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-
syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-
syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement
attendue
Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain
La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)
reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix
haute
4 Les diffeacuterents effets de lecture
Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des
meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement
des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les
principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert
Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans
la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses
difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
12 MC CAZALY CAPASH 2014
Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture
agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)
Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)
Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC
Modegravele CDP+
Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)
Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence
+ +
Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)
Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots
+ +
Freacutequence X reacutegulariteacute
Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)
Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)
+ +
Consistance (mots)
Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis
- +
Consistance (non-mots)
Andrews amp Scarrat (1998)
La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes
- +
Longueur X reacutegulariteacute
Weekes (1997) Ziegler et al (2001)
Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle
+ +
Position de lrsquoirreacutegulariteacute
Rastle amp Coltheart (1999)
La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position
+ +
Voisinage Rime
Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes
- +
Amorccedilage Onset
Forster amp Davis (1991)
Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees
+ +
Avantage pseudo-homophonique
McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)
Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques
+ +
Dyslexie de surface
Patterson amp Behrmann (1997)
Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots
- +
Dyslexie phonologique
Derouesneacute amp Beauvois (1985)
Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement
+ +
Large bases de Donneacutees
Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)
Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems
- +
41 Les effets de freacutequence
La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute
linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
13 MC CAZALY CAPASH 2014
lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un
large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet
de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si
un mot est plus ou moins freacutequent
En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par
rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand
nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute
Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des
tacircches
- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)
- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)
- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)
- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)
- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)
De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le
franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse
en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la
route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui
ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la
voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere
Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font
lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation
orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et
seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite
que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe
42 Effet de lexicaliteacute
Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot
La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un
non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
14 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs
fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide
43 Effet de reacutegulariteacute
Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique
donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute
normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot
laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves
exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus
rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier
En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que
nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit
deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite
drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la
voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot
comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee
par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes
(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-
ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques
qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues
directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de
simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la
reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces
proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la
lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest
pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des
meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
15 MC CAZALY CAPASH 2014
B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit
Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est
lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau
Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce
qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour
ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave
une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart
drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en
stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)
1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale
thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet
Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement
inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese
que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental
Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit
srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants
Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith
(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la
lecture et de ses difficulteacutes
11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)
Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui
se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois
grandes eacutetapes
Le stade Logographique ou pictural
Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices
contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee
gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
16 MC CAZALY CAPASH 2014
montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot
ulteacuterieurement
La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas
pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par
lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale
sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce
stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture
Le stade Phonologique ou alphabeacutetique
Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion
graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et
dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite
de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon
explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et
les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir
inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes
analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple
lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la
fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place
de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets
de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court
Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes
complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand
nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par
rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la
complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase
alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave
des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet
de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement
mieux lus que les pseudo-mots
Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun
apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
17 MC CAZALY CAPASH 2014
enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses
travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale
Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant
Le stade orthographique
Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation
et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de
conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les
effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles
1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les
mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate
eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une
certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place
Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la
voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)
Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement
agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de
lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes
Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de
lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus
exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des
effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves
Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)
____________________________________________________________________________
Etape Lecture Ecriture
____________________________________________________________________________
1a logographique 1 (symbolique)
1b logographique 2 _____________ logographique 2
2a logographique 3 alphabeacutetique 1
2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2
3a orthographique 1 alphabeacutetique 3
3b orthographique 2 _____________ orthographique 2
____________________________________________________________________________
Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
18 MC CAZALY CAPASH 2014
de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser
preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-
monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)
Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)
bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence
CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence
Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la
lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005
Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture
mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de
Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de
lecture tout au long de lrsquoapprentissage
12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)
Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui
repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique
- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique
La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur
alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre
orthographique
La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant
sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le
processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement
Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui
lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre
clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
19 MC CAZALY CAPASH 2014
Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites
uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo
avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui
permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis
atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes
Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)
Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1
Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait
quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre
en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes
porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend
des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances
morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques
Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques
Les uns nourrissant les autres
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
20 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves
Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute
Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances
morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de
la lecture agrave lrsquoeacutecole
De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans
lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest
eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et
coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique
nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable
En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement
de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on
perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez
lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par
assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle
teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet
exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique
Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie
indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de
lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots
irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo
lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration
infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral
On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical
orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999
Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui
obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui
progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
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drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
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Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
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Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
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Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
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Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
7 MC CAZALY CAPASH 2014
La voie directe drsquoadressage permet de reacutecupeacuterer en meacutemoire la repreacutesentation
phonologique lexicale directement En quelque sorte le mot est reconnu drsquoembleacutee sans
avoir besoin de le deacutechiffrer Cette voie serait la plus utiliseacutee par le lecteur expert Elle est
eacutegalement la seule utilisable pour la lecture de mots irreacuteguliers Cette route est sensible agrave la
freacutequence des mots En effet plus un mot est freacutequent et plus vite il est reconnu et lu Les
mots freacutequents sont identifieacutes plus rapidement que les mots rares Cet effet de freacutequence
montre lrsquoexistence mecircme de la voie directe Elle est reacuteveacuteleacutee aussi par le fait qursquoil est
impossible de lire un mot nouveau ou pseudo-mot (mot qui nrsquoexiste pas) directement Le
lecteur est obligeacute drsquoassembler les phonegravemes et les graphegravemes afin drsquoaboutir agrave la
prononciation du mot
La voie indirecte drsquoassemblage megravene agrave lrsquoeacutelaboration de cette repreacutesentation phonologique
par assemblage des phonegravemes et des graphegravemes composant le mot Proceacutedure aussi
appeleacutee lsquomeacutediation phonologiquersquo Elle est principalement utiliseacutee par le lecteur expert pour
les mots nouveaux ou les pseudo-mots De plus elle preacutesente un effet de reacutegulariteacute Cest-agrave-
dire que les mots reacuteguliers sont mieux lus que les mots irreacuteguliers par le fait que la
correspondance des graphegravemes phonegravemes ne permet pas drsquoidentifier le mot irreacutegulier
comme laquo femme raquo correctement Il se produit alors une erreur de reacutegularisation qui aboutit
agrave la prononciation laquo fame raquo Cet effet de reacutegulariteacute deacutemontre la preacutesence de la voie indirecte
au cours de lrsquoidentification des mots eacutecrits Mais eacutegalement lrsquoeffet de lexicaliteacute cest-agrave-dire
la diffeacuterence entre la lecture de mots et de pseudo-mots ougrave les mots sont mieux lus que les
pseudo-mots montre que deux proceacutedures sont utiliseacutees
Dans ce modegravele agrave deux routes pour le lecteur expert lrsquoutilisation de la voie indirecte est
facultative alors que la voie directe plus rapide joue le premier rocircle Les deux voies
srsquoactivent en parallegravele Il est donc possible drsquoeacutevaluer lrsquoidentification des mots eacutecrits en
prononciation (agrave voix haute) en utilisant des tacircches avec effet de freacutequence de lexicaliteacute et
de reacutegulariteacute Dans ce cas on mesure les reacuteponses exactes ou inexactes ainsi que les temps
de latence des reacuteponses correctes
Ainsi le modegravele agrave deux voies est agrave lrsquoorigine de nombreuses recherches et a fait lrsquoobjet de
modeacutelisation informatique qui permet de rendre compte des diffeacuterents effets de lecture et
drsquoaffiner la compreacutehension du processus de lecture experte Le modegravele DRC en fait partie
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
8 MC CAZALY CAPASH 2014
3 Evolution du modegravele agrave deux routes de lecture
31 Le modegravele DRC (Modegravele agrave deux routes en cascade) de Coltheart Rastle Perry Langdon
et Ziegler (2001)
Dans les anneacutees 2000 le modegravele initial agrave deux routes de Coltheart (1978) agrave eacutevolueacute vers une
modeacutelisation par ordinateur Le modegravele agrave deux routes en cascade par Coltheart Rastle
Perry Langdon et Ziegler (2001) Le principe est le suivant
Lrsquoinformation se deacuteplace en cascade de niveau en niveau par activation systeacutematique drsquoun
niveau agrave lrsquoautre Par exemple lrsquoactivation de lrsquouniteacute lettres active agrave son tour les autres
niveaux Les uniteacutes interagissent par des connexions excitatrices ou inhibitrices qui se
reacutepandent de faccedilon progressive Trois routes composeacutees de diffeacuterents niveaux en interaction
constituent le modegravele DRC
- La route lexicale seacutemantique (non impleacutementeacutee)
- La route lexicale non seacutemantique
- Une route non lexicale (regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes)
Chaque niveau comporte soit des mots des lettres des phonegravemes ou des traits visuels Le
modegravele contient 26 lettres 43 phonegravemes et 7981 mots monosyllabiques
La route lexicale non seacutemantique fonctionne de la faccedilon suivante (Chaque niveau activant
le suivant) (-gt = activation)
Mot en preacutesentation -gt traits visuels correspondant -gt lettres -gt uniteacute orthographique -gt
uniteacute phonologique -gt phonegravemes correspondant
Les mots contenus dans le lexique orthographique par freacutequence drsquooccurrence pour les mots
les plus freacutequents sont plus rapidement activeacutes que les mots moins freacutequents
La route non lexicale fonctionne gracircce agrave des regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes
Ces regravegles ont eacuteteacute choisies uniquement de faccedilon statistique Cest-agrave-dire que pour un
graphegraveme donneacute crsquoest le phonegraveme le plus freacutequent qui lui et assigneacute La lecture est seacuterielle
lettres apregraves lettres et de gauche agrave droite
Performance du modegravele Sur les 7981 mots du modegravele 989 sont lus correctement les
erreurs portent sur les homographes heacuteteacuterophones (mots qui srsquoeacutecrivent pareils mais ne se
prononcent pas pareils) et sur des sur-reacutegularisations en prononciation Sur les 7000 non-
mots du modegravele 989 sont bien lus Le modegravele DRC simule correctement les effets repeacutereacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
9 MC CAZALY CAPASH 2014
pour des humains cest-agrave-dire les effets de freacutequence de reacutegulariteacute de pseudo
homophonie de freacutequence des pseudo-homophones de taille du voisinage pour les mots et
les non mots et de reacutepeacutetition DRC est aussi capable de simuler la dyslexie de surface et
phonologique Ces performances montrent bien la force de ce modegravele pour la
compreacutehension des meacutecanismes sous-jacents agrave lrsquoidentification des mots eacutecrits
Modegravele de la laquo DRC raquo par Coltheart et al (2001) Figure tireacutee de Ferrand (2007)
Limite du modegravele Le modegravele ne peut pas simuler les effets drsquoamorccedilage rapide avec
masquage et ne peut pas lire les mots de plus drsquoune syllabe Bien qursquoil soit adapteacute agrave des
langues alphabeacutetiques telles que lrsquoallemand (Ziegler Perry Coltheart 2000) et au franccedilais
(Ziegler Perry Coltheart 2003) langues contenant des voyelles il ne peut preacutetendre au
principe universel drsquoun codage phonologique dans la lecture silencieuse
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
10 MC CAZALY CAPASH 2014
Encore plus reacutecemment le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler
et Zorzi (2007 est capable de simuler beaucoup plus drsquoeffets et se montre encore plus puissant
et prometteur
32 Le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)
Ce modegravele est inteacuteressant dans le cadre de ce meacutemoire car il est capable de simuler un tregraves
grand nombre drsquoeffets observeacutes chez le lecteur humain en prononciation (agrave voix haute) Il est
tregraves deacutetailleacute mais tregraves complexe dans sa composition car sa structure est entiegraverement
connexionniste cest-agrave-dire qursquoil est composeacute de reacuteseaux drsquouniteacutes interconnecteacutees Les
auteurs de ce modegravele (Perry et al 2007) font lrsquohypothegravese qursquoil y a bien deux voies distinctes
de lecture
Il associe de faccedilon increacutementale drsquoautres modegraveles anteacuterieurs et en reprend les meilleurs
aspects le DRC de Coltheart et al (2001) preacutesenteacute dans la section preacuteceacutedente (31) pour la
voie de gauche lexicale et le modegravele CDP de Zorzi Houghton et Butterworth (1998) non
preacutesenteacute ici pour la voie de droite dite sous-lexicale
Le modegravele de Perry Ziegler et Zorzi (2007) CDP+ = synthegravese des modegraveles CDP et DRC
Scheacutema issu du cours Ndeg4 Collegravege de France ndash Stanislas DEHAENE ndash Meacutecanismes ceacutereacutebraux de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
11 MC CAZALY CAPASH 2014
La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux
niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui
nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en
entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer
gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de
preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de
neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC
Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de
mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes
et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme
de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-
syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-
syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement
attendue
Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain
La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)
reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix
haute
4 Les diffeacuterents effets de lecture
Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des
meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement
des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les
principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert
Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans
la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses
difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
12 MC CAZALY CAPASH 2014
Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture
agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)
Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)
Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC
Modegravele CDP+
Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)
Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence
+ +
Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)
Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots
+ +
Freacutequence X reacutegulariteacute
Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)
Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)
+ +
Consistance (mots)
Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis
- +
Consistance (non-mots)
Andrews amp Scarrat (1998)
La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes
- +
Longueur X reacutegulariteacute
Weekes (1997) Ziegler et al (2001)
Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle
+ +
Position de lrsquoirreacutegulariteacute
Rastle amp Coltheart (1999)
La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position
+ +
Voisinage Rime
Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes
- +
Amorccedilage Onset
Forster amp Davis (1991)
Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees
+ +
Avantage pseudo-homophonique
McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)
Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques
+ +
Dyslexie de surface
Patterson amp Behrmann (1997)
Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots
- +
Dyslexie phonologique
Derouesneacute amp Beauvois (1985)
Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement
+ +
Large bases de Donneacutees
Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)
Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems
- +
41 Les effets de freacutequence
La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute
linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
13 MC CAZALY CAPASH 2014
lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un
large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet
de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si
un mot est plus ou moins freacutequent
En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par
rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand
nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute
Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des
tacircches
- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)
- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)
- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)
- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)
- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)
De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le
franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse
en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la
route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui
ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la
voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere
Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font
lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation
orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et
seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite
que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe
42 Effet de lexicaliteacute
Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot
La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un
non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
14 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs
fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide
43 Effet de reacutegulariteacute
Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique
donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute
normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot
laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves
exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus
rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier
En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que
nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit
deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite
drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la
voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot
comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee
par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes
(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-
ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques
qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues
directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de
simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la
reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces
proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la
lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest
pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des
meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
15 MC CAZALY CAPASH 2014
B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit
Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est
lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau
Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce
qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour
ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave
une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart
drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en
stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)
1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale
thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet
Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement
inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese
que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental
Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit
srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants
Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith
(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la
lecture et de ses difficulteacutes
11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)
Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui
se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois
grandes eacutetapes
Le stade Logographique ou pictural
Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices
contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee
gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
16 MC CAZALY CAPASH 2014
montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot
ulteacuterieurement
La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas
pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par
lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale
sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce
stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture
Le stade Phonologique ou alphabeacutetique
Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion
graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et
dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite
de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon
explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et
les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir
inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes
analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple
lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la
fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place
de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets
de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court
Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes
complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand
nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par
rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la
complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase
alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave
des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet
de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement
mieux lus que les pseudo-mots
Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun
apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
17 MC CAZALY CAPASH 2014
enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses
travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale
Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant
Le stade orthographique
Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation
et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de
conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les
effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles
1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les
mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate
eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une
certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place
Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la
voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)
Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement
agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de
lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes
Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de
lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus
exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des
effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves
Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)
____________________________________________________________________________
Etape Lecture Ecriture
____________________________________________________________________________
1a logographique 1 (symbolique)
1b logographique 2 _____________ logographique 2
2a logographique 3 alphabeacutetique 1
2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2
3a orthographique 1 alphabeacutetique 3
3b orthographique 2 _____________ orthographique 2
____________________________________________________________________________
Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
18 MC CAZALY CAPASH 2014
de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser
preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-
monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)
Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)
bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence
CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence
Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la
lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005
Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture
mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de
Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de
lecture tout au long de lrsquoapprentissage
12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)
Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui
repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique
- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique
La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur
alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre
orthographique
La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant
sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le
processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement
Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui
lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre
clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
19 MC CAZALY CAPASH 2014
Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites
uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo
avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui
permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis
atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes
Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)
Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1
Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait
quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre
en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes
porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend
des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances
morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques
Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques
Les uns nourrissant les autres
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
20 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves
Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute
Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances
morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de
la lecture agrave lrsquoeacutecole
De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans
lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest
eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et
coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique
nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable
En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement
de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on
perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez
lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par
assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle
teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet
exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique
Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie
indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de
lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots
irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo
lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration
infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral
On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical
orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999
Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui
obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui
progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
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Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
32 MC CAZALY CAPASH 2014
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8 MC CAZALY CAPASH 2014
3 Evolution du modegravele agrave deux routes de lecture
31 Le modegravele DRC (Modegravele agrave deux routes en cascade) de Coltheart Rastle Perry Langdon
et Ziegler (2001)
Dans les anneacutees 2000 le modegravele initial agrave deux routes de Coltheart (1978) agrave eacutevolueacute vers une
modeacutelisation par ordinateur Le modegravele agrave deux routes en cascade par Coltheart Rastle
Perry Langdon et Ziegler (2001) Le principe est le suivant
Lrsquoinformation se deacuteplace en cascade de niveau en niveau par activation systeacutematique drsquoun
niveau agrave lrsquoautre Par exemple lrsquoactivation de lrsquouniteacute lettres active agrave son tour les autres
niveaux Les uniteacutes interagissent par des connexions excitatrices ou inhibitrices qui se
reacutepandent de faccedilon progressive Trois routes composeacutees de diffeacuterents niveaux en interaction
constituent le modegravele DRC
- La route lexicale seacutemantique (non impleacutementeacutee)
- La route lexicale non seacutemantique
- Une route non lexicale (regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes)
Chaque niveau comporte soit des mots des lettres des phonegravemes ou des traits visuels Le
modegravele contient 26 lettres 43 phonegravemes et 7981 mots monosyllabiques
La route lexicale non seacutemantique fonctionne de la faccedilon suivante (Chaque niveau activant
le suivant) (-gt = activation)
Mot en preacutesentation -gt traits visuels correspondant -gt lettres -gt uniteacute orthographique -gt
uniteacute phonologique -gt phonegravemes correspondant
Les mots contenus dans le lexique orthographique par freacutequence drsquooccurrence pour les mots
les plus freacutequents sont plus rapidement activeacutes que les mots moins freacutequents
La route non lexicale fonctionne gracircce agrave des regravegles de conversions graphegravemes -gt phonegravemes
Ces regravegles ont eacuteteacute choisies uniquement de faccedilon statistique Cest-agrave-dire que pour un
graphegraveme donneacute crsquoest le phonegraveme le plus freacutequent qui lui et assigneacute La lecture est seacuterielle
lettres apregraves lettres et de gauche agrave droite
Performance du modegravele Sur les 7981 mots du modegravele 989 sont lus correctement les
erreurs portent sur les homographes heacuteteacuterophones (mots qui srsquoeacutecrivent pareils mais ne se
prononcent pas pareils) et sur des sur-reacutegularisations en prononciation Sur les 7000 non-
mots du modegravele 989 sont bien lus Le modegravele DRC simule correctement les effets repeacutereacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
9 MC CAZALY CAPASH 2014
pour des humains cest-agrave-dire les effets de freacutequence de reacutegulariteacute de pseudo
homophonie de freacutequence des pseudo-homophones de taille du voisinage pour les mots et
les non mots et de reacutepeacutetition DRC est aussi capable de simuler la dyslexie de surface et
phonologique Ces performances montrent bien la force de ce modegravele pour la
compreacutehension des meacutecanismes sous-jacents agrave lrsquoidentification des mots eacutecrits
Modegravele de la laquo DRC raquo par Coltheart et al (2001) Figure tireacutee de Ferrand (2007)
Limite du modegravele Le modegravele ne peut pas simuler les effets drsquoamorccedilage rapide avec
masquage et ne peut pas lire les mots de plus drsquoune syllabe Bien qursquoil soit adapteacute agrave des
langues alphabeacutetiques telles que lrsquoallemand (Ziegler Perry Coltheart 2000) et au franccedilais
(Ziegler Perry Coltheart 2003) langues contenant des voyelles il ne peut preacutetendre au
principe universel drsquoun codage phonologique dans la lecture silencieuse
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
10 MC CAZALY CAPASH 2014
Encore plus reacutecemment le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler
et Zorzi (2007 est capable de simuler beaucoup plus drsquoeffets et se montre encore plus puissant
et prometteur
32 Le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)
Ce modegravele est inteacuteressant dans le cadre de ce meacutemoire car il est capable de simuler un tregraves
grand nombre drsquoeffets observeacutes chez le lecteur humain en prononciation (agrave voix haute) Il est
tregraves deacutetailleacute mais tregraves complexe dans sa composition car sa structure est entiegraverement
connexionniste cest-agrave-dire qursquoil est composeacute de reacuteseaux drsquouniteacutes interconnecteacutees Les
auteurs de ce modegravele (Perry et al 2007) font lrsquohypothegravese qursquoil y a bien deux voies distinctes
de lecture
Il associe de faccedilon increacutementale drsquoautres modegraveles anteacuterieurs et en reprend les meilleurs
aspects le DRC de Coltheart et al (2001) preacutesenteacute dans la section preacuteceacutedente (31) pour la
voie de gauche lexicale et le modegravele CDP de Zorzi Houghton et Butterworth (1998) non
preacutesenteacute ici pour la voie de droite dite sous-lexicale
Le modegravele de Perry Ziegler et Zorzi (2007) CDP+ = synthegravese des modegraveles CDP et DRC
Scheacutema issu du cours Ndeg4 Collegravege de France ndash Stanislas DEHAENE ndash Meacutecanismes ceacutereacutebraux de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
11 MC CAZALY CAPASH 2014
La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux
niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui
nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en
entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer
gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de
preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de
neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC
Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de
mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes
et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme
de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-
syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-
syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement
attendue
Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain
La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)
reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix
haute
4 Les diffeacuterents effets de lecture
Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des
meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement
des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les
principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert
Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans
la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses
difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
12 MC CAZALY CAPASH 2014
Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture
agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)
Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)
Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC
Modegravele CDP+
Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)
Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence
+ +
Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)
Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots
+ +
Freacutequence X reacutegulariteacute
Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)
Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)
+ +
Consistance (mots)
Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis
- +
Consistance (non-mots)
Andrews amp Scarrat (1998)
La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes
- +
Longueur X reacutegulariteacute
Weekes (1997) Ziegler et al (2001)
Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle
+ +
Position de lrsquoirreacutegulariteacute
Rastle amp Coltheart (1999)
La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position
+ +
Voisinage Rime
Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes
- +
Amorccedilage Onset
Forster amp Davis (1991)
Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees
+ +
Avantage pseudo-homophonique
McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)
Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques
+ +
Dyslexie de surface
Patterson amp Behrmann (1997)
Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots
- +
Dyslexie phonologique
Derouesneacute amp Beauvois (1985)
Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement
+ +
Large bases de Donneacutees
Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)
Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems
- +
41 Les effets de freacutequence
La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute
linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
13 MC CAZALY CAPASH 2014
lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un
large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet
de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si
un mot est plus ou moins freacutequent
En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par
rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand
nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute
Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des
tacircches
- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)
- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)
- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)
- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)
- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)
De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le
franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse
en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la
route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui
ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la
voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere
Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font
lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation
orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et
seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite
que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe
42 Effet de lexicaliteacute
Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot
La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un
non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
14 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs
fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide
43 Effet de reacutegulariteacute
Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique
donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute
normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot
laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves
exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus
rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier
En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que
nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit
deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite
drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la
voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot
comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee
par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes
(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-
ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques
qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues
directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de
simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la
reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces
proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la
lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest
pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des
meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
15 MC CAZALY CAPASH 2014
B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit
Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est
lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau
Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce
qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour
ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave
une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart
drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en
stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)
1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale
thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet
Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement
inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese
que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental
Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit
srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants
Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith
(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la
lecture et de ses difficulteacutes
11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)
Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui
se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois
grandes eacutetapes
Le stade Logographique ou pictural
Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices
contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee
gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
16 MC CAZALY CAPASH 2014
montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot
ulteacuterieurement
La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas
pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par
lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale
sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce
stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture
Le stade Phonologique ou alphabeacutetique
Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion
graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et
dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite
de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon
explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et
les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir
inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes
analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple
lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la
fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place
de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets
de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court
Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes
complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand
nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par
rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la
complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase
alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave
des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet
de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement
mieux lus que les pseudo-mots
Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun
apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
17 MC CAZALY CAPASH 2014
enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses
travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale
Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant
Le stade orthographique
Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation
et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de
conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les
effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles
1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les
mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate
eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une
certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place
Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la
voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)
Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement
agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de
lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes
Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de
lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus
exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des
effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves
Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)
____________________________________________________________________________
Etape Lecture Ecriture
____________________________________________________________________________
1a logographique 1 (symbolique)
1b logographique 2 _____________ logographique 2
2a logographique 3 alphabeacutetique 1
2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2
3a orthographique 1 alphabeacutetique 3
3b orthographique 2 _____________ orthographique 2
____________________________________________________________________________
Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
18 MC CAZALY CAPASH 2014
de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser
preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-
monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)
Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)
bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence
CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence
Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la
lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005
Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture
mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de
Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de
lecture tout au long de lrsquoapprentissage
12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)
Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui
repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique
- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique
La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur
alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre
orthographique
La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant
sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le
processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement
Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui
lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre
clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
19 MC CAZALY CAPASH 2014
Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites
uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo
avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui
permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis
atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes
Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)
Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1
Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait
quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre
en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes
porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend
des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances
morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques
Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques
Les uns nourrissant les autres
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
20 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves
Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute
Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances
morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de
la lecture agrave lrsquoeacutecole
De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans
lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest
eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et
coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique
nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable
En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement
de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on
perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez
lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par
assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle
teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet
exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique
Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie
indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de
lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots
irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo
lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration
infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral
On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical
orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999
Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui
obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui
progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
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Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
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Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
9 MC CAZALY CAPASH 2014
pour des humains cest-agrave-dire les effets de freacutequence de reacutegulariteacute de pseudo
homophonie de freacutequence des pseudo-homophones de taille du voisinage pour les mots et
les non mots et de reacutepeacutetition DRC est aussi capable de simuler la dyslexie de surface et
phonologique Ces performances montrent bien la force de ce modegravele pour la
compreacutehension des meacutecanismes sous-jacents agrave lrsquoidentification des mots eacutecrits
Modegravele de la laquo DRC raquo par Coltheart et al (2001) Figure tireacutee de Ferrand (2007)
Limite du modegravele Le modegravele ne peut pas simuler les effets drsquoamorccedilage rapide avec
masquage et ne peut pas lire les mots de plus drsquoune syllabe Bien qursquoil soit adapteacute agrave des
langues alphabeacutetiques telles que lrsquoallemand (Ziegler Perry Coltheart 2000) et au franccedilais
(Ziegler Perry Coltheart 2003) langues contenant des voyelles il ne peut preacutetendre au
principe universel drsquoun codage phonologique dans la lecture silencieuse
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
10 MC CAZALY CAPASH 2014
Encore plus reacutecemment le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler
et Zorzi (2007 est capable de simuler beaucoup plus drsquoeffets et se montre encore plus puissant
et prometteur
32 Le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)
Ce modegravele est inteacuteressant dans le cadre de ce meacutemoire car il est capable de simuler un tregraves
grand nombre drsquoeffets observeacutes chez le lecteur humain en prononciation (agrave voix haute) Il est
tregraves deacutetailleacute mais tregraves complexe dans sa composition car sa structure est entiegraverement
connexionniste cest-agrave-dire qursquoil est composeacute de reacuteseaux drsquouniteacutes interconnecteacutees Les
auteurs de ce modegravele (Perry et al 2007) font lrsquohypothegravese qursquoil y a bien deux voies distinctes
de lecture
Il associe de faccedilon increacutementale drsquoautres modegraveles anteacuterieurs et en reprend les meilleurs
aspects le DRC de Coltheart et al (2001) preacutesenteacute dans la section preacuteceacutedente (31) pour la
voie de gauche lexicale et le modegravele CDP de Zorzi Houghton et Butterworth (1998) non
preacutesenteacute ici pour la voie de droite dite sous-lexicale
Le modegravele de Perry Ziegler et Zorzi (2007) CDP+ = synthegravese des modegraveles CDP et DRC
Scheacutema issu du cours Ndeg4 Collegravege de France ndash Stanislas DEHAENE ndash Meacutecanismes ceacutereacutebraux de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
11 MC CAZALY CAPASH 2014
La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux
niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui
nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en
entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer
gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de
preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de
neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC
Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de
mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes
et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme
de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-
syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-
syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement
attendue
Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain
La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)
reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix
haute
4 Les diffeacuterents effets de lecture
Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des
meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement
des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les
principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert
Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans
la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses
difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
12 MC CAZALY CAPASH 2014
Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture
agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)
Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)
Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC
Modegravele CDP+
Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)
Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence
+ +
Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)
Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots
+ +
Freacutequence X reacutegulariteacute
Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)
Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)
+ +
Consistance (mots)
Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis
- +
Consistance (non-mots)
Andrews amp Scarrat (1998)
La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes
- +
Longueur X reacutegulariteacute
Weekes (1997) Ziegler et al (2001)
Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle
+ +
Position de lrsquoirreacutegulariteacute
Rastle amp Coltheart (1999)
La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position
+ +
Voisinage Rime
Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes
- +
Amorccedilage Onset
Forster amp Davis (1991)
Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees
+ +
Avantage pseudo-homophonique
McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)
Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques
+ +
Dyslexie de surface
Patterson amp Behrmann (1997)
Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots
- +
Dyslexie phonologique
Derouesneacute amp Beauvois (1985)
Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement
+ +
Large bases de Donneacutees
Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)
Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems
- +
41 Les effets de freacutequence
La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute
linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
13 MC CAZALY CAPASH 2014
lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un
large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet
de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si
un mot est plus ou moins freacutequent
En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par
rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand
nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute
Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des
tacircches
- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)
- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)
- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)
- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)
- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)
De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le
franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse
en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la
route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui
ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la
voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere
Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font
lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation
orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et
seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite
que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe
42 Effet de lexicaliteacute
Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot
La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un
non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
14 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs
fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide
43 Effet de reacutegulariteacute
Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique
donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute
normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot
laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves
exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus
rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier
En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que
nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit
deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite
drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la
voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot
comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee
par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes
(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-
ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques
qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues
directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de
simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la
reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces
proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la
lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest
pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des
meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
15 MC CAZALY CAPASH 2014
B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit
Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est
lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau
Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce
qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour
ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave
une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart
drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en
stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)
1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale
thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet
Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement
inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese
que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental
Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit
srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants
Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith
(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la
lecture et de ses difficulteacutes
11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)
Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui
se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois
grandes eacutetapes
Le stade Logographique ou pictural
Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices
contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee
gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
16 MC CAZALY CAPASH 2014
montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot
ulteacuterieurement
La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas
pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par
lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale
sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce
stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture
Le stade Phonologique ou alphabeacutetique
Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion
graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et
dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite
de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon
explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et
les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir
inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes
analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple
lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la
fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place
de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets
de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court
Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes
complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand
nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par
rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la
complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase
alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave
des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet
de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement
mieux lus que les pseudo-mots
Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun
apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
17 MC CAZALY CAPASH 2014
enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses
travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale
Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant
Le stade orthographique
Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation
et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de
conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les
effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles
1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les
mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate
eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une
certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place
Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la
voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)
Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement
agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de
lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes
Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de
lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus
exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des
effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves
Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)
____________________________________________________________________________
Etape Lecture Ecriture
____________________________________________________________________________
1a logographique 1 (symbolique)
1b logographique 2 _____________ logographique 2
2a logographique 3 alphabeacutetique 1
2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2
3a orthographique 1 alphabeacutetique 3
3b orthographique 2 _____________ orthographique 2
____________________________________________________________________________
Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
18 MC CAZALY CAPASH 2014
de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser
preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-
monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)
Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)
bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence
CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence
Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la
lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005
Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture
mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de
Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de
lecture tout au long de lrsquoapprentissage
12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)
Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui
repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique
- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique
La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur
alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre
orthographique
La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant
sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le
processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement
Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui
lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre
clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
19 MC CAZALY CAPASH 2014
Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites
uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo
avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui
permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis
atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes
Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)
Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1
Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait
quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre
en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes
porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend
des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances
morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques
Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques
Les uns nourrissant les autres
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
20 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves
Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute
Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances
morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de
la lecture agrave lrsquoeacutecole
De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans
lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest
eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et
coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique
nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable
En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement
de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on
perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez
lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par
assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle
teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet
exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique
Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie
indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de
lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots
irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo
lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration
infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral
On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical
orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999
Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui
obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui
progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
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10 MC CAZALY CAPASH 2014
Encore plus reacutecemment le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler
et Zorzi (2007 est capable de simuler beaucoup plus drsquoeffets et se montre encore plus puissant
et prometteur
32 Le modegravele connexionniste agrave deux processus CDP+ de Perry Ziegler et Zorzi (2007)
Ce modegravele est inteacuteressant dans le cadre de ce meacutemoire car il est capable de simuler un tregraves
grand nombre drsquoeffets observeacutes chez le lecteur humain en prononciation (agrave voix haute) Il est
tregraves deacutetailleacute mais tregraves complexe dans sa composition car sa structure est entiegraverement
connexionniste cest-agrave-dire qursquoil est composeacute de reacuteseaux drsquouniteacutes interconnecteacutees Les
auteurs de ce modegravele (Perry et al 2007) font lrsquohypothegravese qursquoil y a bien deux voies distinctes
de lecture
Il associe de faccedilon increacutementale drsquoautres modegraveles anteacuterieurs et en reprend les meilleurs
aspects le DRC de Coltheart et al (2001) preacutesenteacute dans la section preacuteceacutedente (31) pour la
voie de gauche lexicale et le modegravele CDP de Zorzi Houghton et Butterworth (1998) non
preacutesenteacute ici pour la voie de droite dite sous-lexicale
Le modegravele de Perry Ziegler et Zorzi (2007) CDP+ = synthegravese des modegraveles CDP et DRC
Scheacutema issu du cours Ndeg4 Collegravege de France ndash Stanislas DEHAENE ndash Meacutecanismes ceacutereacutebraux de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
11 MC CAZALY CAPASH 2014
La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux
niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui
nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en
entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer
gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de
preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de
neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC
Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de
mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes
et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme
de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-
syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-
syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement
attendue
Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain
La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)
reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix
haute
4 Les diffeacuterents effets de lecture
Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des
meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement
des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les
principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert
Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans
la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses
difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
12 MC CAZALY CAPASH 2014
Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture
agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)
Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)
Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC
Modegravele CDP+
Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)
Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence
+ +
Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)
Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots
+ +
Freacutequence X reacutegulariteacute
Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)
Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)
+ +
Consistance (mots)
Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis
- +
Consistance (non-mots)
Andrews amp Scarrat (1998)
La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes
- +
Longueur X reacutegulariteacute
Weekes (1997) Ziegler et al (2001)
Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle
+ +
Position de lrsquoirreacutegulariteacute
Rastle amp Coltheart (1999)
La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position
+ +
Voisinage Rime
Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes
- +
Amorccedilage Onset
Forster amp Davis (1991)
Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees
+ +
Avantage pseudo-homophonique
McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)
Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques
+ +
Dyslexie de surface
Patterson amp Behrmann (1997)
Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots
- +
Dyslexie phonologique
Derouesneacute amp Beauvois (1985)
Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement
+ +
Large bases de Donneacutees
Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)
Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems
- +
41 Les effets de freacutequence
La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute
linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
13 MC CAZALY CAPASH 2014
lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un
large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet
de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si
un mot est plus ou moins freacutequent
En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par
rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand
nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute
Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des
tacircches
- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)
- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)
- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)
- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)
- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)
De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le
franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse
en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la
route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui
ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la
voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere
Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font
lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation
orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et
seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite
que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe
42 Effet de lexicaliteacute
Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot
La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un
non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
14 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs
fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide
43 Effet de reacutegulariteacute
Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique
donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute
normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot
laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves
exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus
rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier
En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que
nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit
deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite
drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la
voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot
comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee
par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes
(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-
ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques
qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues
directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de
simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la
reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces
proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la
lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest
pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des
meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
15 MC CAZALY CAPASH 2014
B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit
Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est
lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau
Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce
qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour
ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave
une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart
drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en
stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)
1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale
thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet
Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement
inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese
que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental
Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit
srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants
Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith
(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la
lecture et de ses difficulteacutes
11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)
Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui
se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois
grandes eacutetapes
Le stade Logographique ou pictural
Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices
contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee
gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
16 MC CAZALY CAPASH 2014
montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot
ulteacuterieurement
La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas
pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par
lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale
sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce
stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture
Le stade Phonologique ou alphabeacutetique
Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion
graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et
dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite
de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon
explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et
les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir
inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes
analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple
lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la
fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place
de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets
de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court
Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes
complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand
nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par
rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la
complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase
alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave
des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet
de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement
mieux lus que les pseudo-mots
Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun
apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
17 MC CAZALY CAPASH 2014
enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses
travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale
Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant
Le stade orthographique
Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation
et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de
conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les
effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles
1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les
mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate
eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une
certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place
Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la
voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)
Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement
agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de
lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes
Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de
lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus
exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des
effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves
Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)
____________________________________________________________________________
Etape Lecture Ecriture
____________________________________________________________________________
1a logographique 1 (symbolique)
1b logographique 2 _____________ logographique 2
2a logographique 3 alphabeacutetique 1
2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2
3a orthographique 1 alphabeacutetique 3
3b orthographique 2 _____________ orthographique 2
____________________________________________________________________________
Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
18 MC CAZALY CAPASH 2014
de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser
preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-
monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)
Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)
bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence
CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence
Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la
lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005
Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture
mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de
Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de
lecture tout au long de lrsquoapprentissage
12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)
Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui
repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique
- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique
La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur
alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre
orthographique
La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant
sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le
processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement
Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui
lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre
clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
19 MC CAZALY CAPASH 2014
Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites
uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo
avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui
permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis
atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes
Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)
Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1
Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait
quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre
en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes
porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend
des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances
morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques
Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques
Les uns nourrissant les autres
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
20 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves
Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute
Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances
morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de
la lecture agrave lrsquoeacutecole
De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans
lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest
eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et
coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique
nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable
En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement
de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on
perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez
lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par
assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle
teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet
exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique
Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie
indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de
lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots
irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo
lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration
infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral
On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical
orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999
Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui
obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui
progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
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Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
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Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
11 MC CAZALY CAPASH 2014
La voie sous-lexicale (de droite) comprend un systegraveme de phonologie assembleacutee agrave deux
niveaux et une meacutemoire tampon pour les graphegravemes le buffer grapheacutemique qui
nrsquoapparaissait pas dans le modegravele CDP de Zorzi et al (1998) Les graphegravemes des mots en
entreacutee sont extraits traiteacutes et recodeacutes lettre par lettre de faccedilon seacuterielle pour reconstituer
gracircce agrave la centration sur les voyelles la structure syllabique du mot Les eacutetapes de
preacutetraitement visuel sont programmeacutees sur ordinateur et facilitent le travail des reacuteseaux de
neurones du modegravele La voix lexicale fonctionne comme le modegravele DRC
Ce modegravele est tregraves prometteur dans le sens ougrave il est capable de lire un tregraves grand nombre de
mots et de pseudo-mots drsquoune syllabe et la comparaison entre les temps de reacuteaction simuleacutes
et les temps de reacuteaction observeacutes montrent une grande similitude Par contre le problegraveme
de ce modegravele tient principalement au fait que le modegravele ne lit que des mots mono-
syllabiques en anglais alors que le franccedilais ou lrsquoanglais comportent des mots pluri-
syllabiques Lrsquoextension agrave drsquoautres langues alphabeacutetiques comme le franccedilais est eacutegalement
attendue
Mais quels sont les diffeacuterents effets que lrsquoon peut observer chez le lecteur humain
La section suivante preacutesente ces diffeacuterents effets agrave partir du tableau de Perry et al (2007)
reprenant les tests expeacuterimentaux de reacutefeacuterence par les principaux modegraveles de lecture agrave voix
haute
4 Les diffeacuterents effets de lecture
Lrsquoeacutetude des diffeacuterents effets de lecture revecirct un rocircle important dans la compreacutehension des
meacutecanismes de lecture du lecteur expert et en difficulteacute ainsi que pour le deacuteveloppement
des processus drsquoidentification du mot eacutecrit Crsquoest pourquoi nous preacutesentons ci-apregraves les
principaux effets de lecture observeacutes chez le lecteur expert
Drsquoautres effets plus speacutecifiques comme par exemple lrsquoeffet de consistance seront vus dans
la partie B - Apprentissage des meacutecanismes drsquoidentification des mots eacutecrits et de ses
difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
12 MC CAZALY CAPASH 2014
Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture
agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)
Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)
Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC
Modegravele CDP+
Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)
Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence
+ +
Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)
Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots
+ +
Freacutequence X reacutegulariteacute
Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)
Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)
+ +
Consistance (mots)
Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis
- +
Consistance (non-mots)
Andrews amp Scarrat (1998)
La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes
- +
Longueur X reacutegulariteacute
Weekes (1997) Ziegler et al (2001)
Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle
+ +
Position de lrsquoirreacutegulariteacute
Rastle amp Coltheart (1999)
La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position
+ +
Voisinage Rime
Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes
- +
Amorccedilage Onset
Forster amp Davis (1991)
Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees
+ +
Avantage pseudo-homophonique
McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)
Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques
+ +
Dyslexie de surface
Patterson amp Behrmann (1997)
Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots
- +
Dyslexie phonologique
Derouesneacute amp Beauvois (1985)
Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement
+ +
Large bases de Donneacutees
Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)
Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems
- +
41 Les effets de freacutequence
La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute
linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
13 MC CAZALY CAPASH 2014
lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un
large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet
de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si
un mot est plus ou moins freacutequent
En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par
rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand
nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute
Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des
tacircches
- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)
- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)
- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)
- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)
- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)
De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le
franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse
en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la
route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui
ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la
voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere
Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font
lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation
orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et
seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite
que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe
42 Effet de lexicaliteacute
Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot
La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un
non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
14 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs
fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide
43 Effet de reacutegulariteacute
Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique
donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute
normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot
laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves
exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus
rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier
En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que
nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit
deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite
drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la
voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot
comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee
par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes
(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-
ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques
qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues
directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de
simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la
reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces
proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la
lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest
pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des
meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
15 MC CAZALY CAPASH 2014
B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit
Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est
lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau
Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce
qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour
ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave
une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart
drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en
stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)
1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale
thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet
Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement
inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese
que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental
Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit
srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants
Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith
(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la
lecture et de ses difficulteacutes
11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)
Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui
se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois
grandes eacutetapes
Le stade Logographique ou pictural
Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices
contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee
gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
16 MC CAZALY CAPASH 2014
montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot
ulteacuterieurement
La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas
pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par
lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale
sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce
stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture
Le stade Phonologique ou alphabeacutetique
Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion
graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et
dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite
de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon
explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et
les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir
inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes
analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple
lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la
fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place
de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets
de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court
Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes
complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand
nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par
rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la
complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase
alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave
des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet
de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement
mieux lus que les pseudo-mots
Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun
apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
17 MC CAZALY CAPASH 2014
enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses
travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale
Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant
Le stade orthographique
Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation
et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de
conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les
effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles
1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les
mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate
eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une
certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place
Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la
voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)
Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement
agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de
lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes
Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de
lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus
exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des
effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves
Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)
____________________________________________________________________________
Etape Lecture Ecriture
____________________________________________________________________________
1a logographique 1 (symbolique)
1b logographique 2 _____________ logographique 2
2a logographique 3 alphabeacutetique 1
2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2
3a orthographique 1 alphabeacutetique 3
3b orthographique 2 _____________ orthographique 2
____________________________________________________________________________
Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
18 MC CAZALY CAPASH 2014
de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser
preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-
monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)
Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)
bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence
CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence
Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la
lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005
Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture
mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de
Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de
lecture tout au long de lrsquoapprentissage
12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)
Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui
repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique
- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique
La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur
alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre
orthographique
La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant
sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le
processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement
Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui
lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre
clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
19 MC CAZALY CAPASH 2014
Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites
uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo
avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui
permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis
atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes
Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)
Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1
Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait
quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre
en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes
porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend
des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances
morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques
Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques
Les uns nourrissant les autres
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
20 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves
Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute
Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances
morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de
la lecture agrave lrsquoeacutecole
De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans
lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest
eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et
coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique
nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable
En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement
de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on
perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez
lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par
assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle
teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet
exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique
Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie
indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de
lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots
irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo
lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration
infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral
On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical
orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999
Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui
obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui
progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
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Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
32 MC CAZALY CAPASH 2014
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Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
12 MC CAZALY CAPASH 2014
Liste des effets expeacuterimentaux simuleacutes (+) ou non simuleacutes(-) par les principaux modegraveles de lecture
agrave voix haute DRC (Coltheart et al 2001) et CDP+ (Perry et al 2007) Drsquoapregraves Ziegler et Zorzi (2007)
Tableau issu du livre de LFerrand 2007 Psychologie cognitive de la lecture (p290)
Effets Expeacuteriences Description Modegravele DRC
Modegravele CDP+
Freacutequence Jared (2002 Exp 2) Weekes (1997)
Les mots de haute freacutequence prononceacutes plus rapidement correctement que les mots de basse freacutequence
+ +
Lexicaliteacute McCann amp Besner (1987) Weekes (1997)
Les mots sont prononceacutes plus rapidement mieux que les non-mots
+ +
Freacutequence X reacutegulariteacute
Paap amp Noel (1991) Jared (2002 Exp 2)
Les mots irreacuteguliers sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots reacuteguliers Pas drsquointeraction avec la freacutequence (selon Jared 2002)
+ +
Consistance (mots)
Jared (2002 Exp 1) Les mots inconsistants sont prononceacutes plus lentement moins bien que les mots consistants La taille de lrsquoeffet deacutepend du taux amisennemis
- +
Consistance (non-mots)
Andrews amp Scarrat (1998)
La prononciation des non-mots montre des effets graduels de la consistance les gens nrsquoutilisent pas toujours les correspondances graphegravemes-phonegravemes les plus communes
- +
Longueur X reacutegulariteacute
Weekes (1997) Ziegler et al (2001)
Les latences de prononciation augmentent lineacuteairement avec chaque lettre additionnelle
+ +
Position de lrsquoirreacutegulariteacute
Rastle amp Coltheart (1999)
La taille de lrsquoeffet de reacutegulariteacute est plus grande pour les mots avec une irreacutegulariteacute en position initiale (ex Chef) qursquoen seconde ou troisiegraveme position
+ +
Voisinage Rime
Ziegler et al (2001) Les mots avec beaucoup de voisins-rimes sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que ceux ayant peu de voisins-rimes
- +
Amorccedilage Onset
Forster amp Davis (1991)
Les mots preacuteceacutedeacutes par une amorce partageant lrsquoattaque sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des mots preacuteceacutedeacutes par des amorces non relieacutees
+ +
Avantage pseudo-homophonique
McCann amp Besner (1987) Reynolds amp Besner (2005)
Les non-mots se prononccedilant comme des mots reacuteels (eg bloo) sont prononceacutes plus rapidementcorrectement que des controcircles orthographiques
+ +
Dyslexie de surface
Patterson amp Behrmann (1997)
Patient MP trouble speacutecifique de la prononciation de mots irreacuteguliers moduleacute par le taux de consistance des mots
- +
Dyslexie phonologique
Derouesneacute amp Beauvois (1985)
Patient LB Trouble speacutecifique de la prononciation de non-mots reacuteduit lorsque les non-mots sont des pseudo-homophones similaires orthographiquement
+ +
Large bases de Donneacutees
Spieler amp Balota (1997) Balota amp Spieler (1998)
Les latences de prononciation du modegravele subissent une reacutegression sur la moyenne des latences de chaque item pris dans les larges bases de donneacutees contenant plusieurs milliers drsquoitems
- +
41 Les effets de freacutequence
La deacutefinition geacuteneacuterale de la freacutequence correspond au nombre de fois ougrave une uniteacute
linguistique apparait dans un eacutenonceacute En lecture elle signifie le nombre de fois qursquoun
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
13 MC CAZALY CAPASH 2014
lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un
large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet
de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si
un mot est plus ou moins freacutequent
En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par
rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand
nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute
Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des
tacircches
- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)
- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)
- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)
- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)
- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)
De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le
franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse
en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la
route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui
ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la
voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere
Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font
lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation
orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et
seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite
que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe
42 Effet de lexicaliteacute
Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot
La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un
non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
14 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs
fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide
43 Effet de reacutegulariteacute
Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique
donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute
normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot
laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves
exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus
rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier
En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que
nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit
deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite
drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la
voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot
comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee
par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes
(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-
ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques
qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues
directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de
simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la
reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces
proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la
lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest
pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des
meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
15 MC CAZALY CAPASH 2014
B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit
Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est
lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau
Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce
qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour
ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave
une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart
drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en
stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)
1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale
thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet
Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement
inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese
que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental
Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit
srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants
Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith
(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la
lecture et de ses difficulteacutes
11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)
Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui
se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois
grandes eacutetapes
Le stade Logographique ou pictural
Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices
contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee
gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
16 MC CAZALY CAPASH 2014
montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot
ulteacuterieurement
La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas
pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par
lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale
sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce
stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture
Le stade Phonologique ou alphabeacutetique
Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion
graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et
dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite
de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon
explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et
les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir
inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes
analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple
lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la
fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place
de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets
de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court
Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes
complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand
nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par
rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la
complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase
alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave
des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet
de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement
mieux lus que les pseudo-mots
Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun
apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
17 MC CAZALY CAPASH 2014
enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses
travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale
Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant
Le stade orthographique
Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation
et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de
conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les
effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles
1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les
mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate
eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une
certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place
Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la
voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)
Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement
agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de
lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes
Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de
lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus
exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des
effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves
Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)
____________________________________________________________________________
Etape Lecture Ecriture
____________________________________________________________________________
1a logographique 1 (symbolique)
1b logographique 2 _____________ logographique 2
2a logographique 3 alphabeacutetique 1
2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2
3a orthographique 1 alphabeacutetique 3
3b orthographique 2 _____________ orthographique 2
____________________________________________________________________________
Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
18 MC CAZALY CAPASH 2014
de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser
preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-
monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)
Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)
bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence
CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence
Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la
lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005
Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture
mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de
Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de
lecture tout au long de lrsquoapprentissage
12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)
Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui
repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique
- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique
La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur
alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre
orthographique
La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant
sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le
processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement
Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui
lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre
clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
19 MC CAZALY CAPASH 2014
Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites
uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo
avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui
permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis
atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes
Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)
Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1
Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait
quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre
en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes
porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend
des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances
morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques
Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques
Les uns nourrissant les autres
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
20 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves
Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute
Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances
morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de
la lecture agrave lrsquoeacutecole
De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans
lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest
eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et
coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique
nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable
En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement
de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on
perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez
lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par
assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle
teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet
exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique
Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie
indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de
lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots
irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo
lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration
infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral
On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical
orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999
Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui
obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui
progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie
Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
32 MC CAZALY CAPASH 2014
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Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
13 MC CAZALY CAPASH 2014
lecteur a rencontreacute un mot donneacute La freacutequence des mots en franccedilais est contenue dans un
large corpus LEXIQUE (New Pallier Ferrand amp Matos 2001) Cette base de donneacutees permet
de connaicirctre la freacutequence drsquooccurrence de la plupart des mots du franccedilais donc de savoir si
un mot est plus ou moins freacutequent
En lecture lrsquoeffet de freacutequence signifie que plus un mot est freacutequent plus vite il est lu par
rapport agrave un mot peu freacutequent On suppose que le lecteur a rencontreacute ce mot un grand
nombre de fois et qursquoil le reacutecupegravere beaucoup plus vite qursquoun mot moins souvent rencontreacute
Cet effet de freacutequence est robuste et deacutemontreacute par un grand nombre de recherches sur des
tacircches
- de deacutecision lexicale (Allen Mc Neal amp Kvak 1992 par exemple)
- drsquoidentification perceptive (Grainger amp Jacob 1990)
- de prononciation (Andrews amp Heathcote 2001)
- drsquoenregistrement des mouvements des yeux (Inhoff amp Rayner 1986)
- de cateacutegorisation seacutemantique (Andrews amp Heathcote 2001)
De plus cet effet de freacutequence a eacuteteacute constateacute pour plusieurs langues dont lrsquoanglais le
franccedilais lrsquoheacutebreu le chinois lrsquoespagnol le serbo-croate et reacuteveacuteleacute pour la lecture silencieuse
en deacutecision lexicale Il est par contre sous estimeacute pour la lecture en prononciation car la
route non lexicale utilise des regravegles de correspondances graphegravemes-phonegravemes qui
ralentissent la lecture Il sera donc amoindri pour les langues qui utilisent principalement la
voie non lexicale comme le Serbo-Croate (Frost et al 1987) langue tregraves reacuteguliegravere
Dans le modegravele agrave Traitement Parallegravele Distribueacute Seidenberg amp McClelland (1989) font
lrsquohypothegravese qursquoagrave chaque fois que le lecteur rencontre un mot sa repreacutesentation
orthographique est renforceacutee Par voie de conseacutequence les autres uniteacutes phonologiques et
seacutemantiques sont eacutegalement renforceacutees Les mots les plus freacutequents sont donc lus plus vite
que les mots moins freacutequents Cette explication est eacutegalement valable pour lrsquoorthographe
42 Effet de lexicaliteacute
Lrsquoeffet de lexicaliteacute srsquoexplique par le fait qursquoun mot sera lu plus rapidement qursquoun non-mot
La logique sous-jacente correspond agrave lrsquohypothegravese des deux voies de lecture En effet un
non-mot ne peut ecirctre lu que par la voie indirecte cest-agrave-dire par assemblage des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
14 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs
fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide
43 Effet de reacutegulariteacute
Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique
donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute
normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot
laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves
exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus
rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier
En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que
nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit
deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite
drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la
voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot
comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee
par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes
(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-
ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques
qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues
directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de
simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la
reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces
proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la
lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest
pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des
meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
15 MC CAZALY CAPASH 2014
B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit
Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est
lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau
Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce
qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour
ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave
une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart
drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en
stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)
1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale
thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet
Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement
inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese
que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental
Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit
srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants
Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith
(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la
lecture et de ses difficulteacutes
11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)
Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui
se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois
grandes eacutetapes
Le stade Logographique ou pictural
Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices
contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee
gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
16 MC CAZALY CAPASH 2014
montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot
ulteacuterieurement
La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas
pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par
lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale
sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce
stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture
Le stade Phonologique ou alphabeacutetique
Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion
graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et
dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite
de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon
explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et
les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir
inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes
analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple
lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la
fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place
de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets
de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court
Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes
complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand
nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par
rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la
complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase
alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave
des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet
de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement
mieux lus que les pseudo-mots
Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun
apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
17 MC CAZALY CAPASH 2014
enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses
travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale
Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant
Le stade orthographique
Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation
et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de
conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les
effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles
1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les
mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate
eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une
certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place
Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la
voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)
Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement
agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de
lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes
Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de
lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus
exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des
effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves
Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)
____________________________________________________________________________
Etape Lecture Ecriture
____________________________________________________________________________
1a logographique 1 (symbolique)
1b logographique 2 _____________ logographique 2
2a logographique 3 alphabeacutetique 1
2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2
3a orthographique 1 alphabeacutetique 3
3b orthographique 2 _____________ orthographique 2
____________________________________________________________________________
Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
18 MC CAZALY CAPASH 2014
de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser
preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-
monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)
Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)
bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence
CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence
Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la
lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005
Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture
mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de
Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de
lecture tout au long de lrsquoapprentissage
12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)
Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui
repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique
- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique
La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur
alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre
orthographique
La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant
sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le
processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement
Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui
lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre
clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
19 MC CAZALY CAPASH 2014
Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites
uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo
avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui
permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis
atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes
Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)
Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1
Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait
quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre
en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes
porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend
des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances
morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques
Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques
Les uns nourrissant les autres
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
20 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves
Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute
Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances
morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de
la lecture agrave lrsquoeacutecole
De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans
lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest
eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et
coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique
nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable
En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement
de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on
perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez
lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par
assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle
teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet
exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique
Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie
indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de
lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots
irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo
lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration
infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral
On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical
orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999
Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui
obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui
progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
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Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
32 MC CAZALY CAPASH 2014
Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
14 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegravemes-phonegravemes et sa lecture sera plus lente qursquoun mot qui a eacuteteacute rencontreacute plusieurs
fois (freacutequent) qui lui sera lu par la voie directe beaucoup plus rapide
43 Effet de reacutegulariteacute
Un mot reacutegulier est un mot qui peut ecirctre lu par assemblage graphegravemes-phonegravemes classique
donc totalement deacutecodeacute A lrsquoinverse un mot irreacutegulier qui ne peut ecirctre deacutecodeacute
normalement car certains graphegravemes doit ecirctre lu diffeacuteremment Crsquoest le cas pour le mot
laquo oignon raquo ougrave le graphegraveme laquo oi raquo correspond au phonegraveme laquo o raquo conversion tregraves
exceptionnelle Lrsquoeffet de reacutegulariteacute indique alors qursquoun mot reacutegulier sera lu plus
rapidement et mieux qursquoun mot irreacutegulier
En reacutesumeacute les principaux modegraveles drsquoidentification du mot eacutecrit chez le lecteur expert que
nous venons drsquoexposer tentent de retracer le deacuteroulement du processus drsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit Le premier correspond au modegravele agrave double voie de Coltheart 1978 qui deacutecrit
deux proceacutedures distinctes et parallegraveles Cest-agrave-dire drsquoune part la voie indirecte dite
drsquoassemblage permettant de deacutecoder les mots nouveaux et les non-mots et drsquoautre part la
voie directe dite drsquoadressage qui permet lrsquoaccession et la reacutecupeacuteration directe drsquoun mot
comme crsquoest le cas pour la lecture de mots irreacuteguliers Elle repreacutesente la voie la plus utiliseacutee
par le lecteur expert Le second type de modegravele correspond aux modegraveles connexionnistes
(DRC CDP+) souvent modeacuteliseacutes par informatique qui deacutecrivent une seule proceacutedure Celle-
ci fonctionne par distribution sur deux axes des uniteacutes phonologiques et orthographiques
qui en fin de compte permet la lecture de tous les mots Ces modeacutelisations sont issues
directement du modegravele agrave double voie de Coltheart et permettent de rendre compte et de
simuler diffeacuterents effets de lecture constateacutes chez le lecteur expert tels que la freacutequence la
reacutegulariteacute et la lexicaliteacute pour les plus robustes Ces effets repreacutesentent la marque de ces
proceacutedures Mecircme si ces modegraveles sont tregraves prometteurs quant agrave la compreacutehension de la
lecture experte ils ne deacutecrivent pas comment se mettent en place ces processus Crsquoest
pourquoi nous exposerons dans cette seconde partie theacuteorique lrsquoapprentissage des
meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant et de ses difficulteacutes
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
15 MC CAZALY CAPASH 2014
B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit
Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est
lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau
Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce
qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour
ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave
une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart
drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en
stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)
1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale
thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet
Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement
inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese
que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental
Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit
srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants
Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith
(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la
lecture et de ses difficulteacutes
11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)
Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui
se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois
grandes eacutetapes
Le stade Logographique ou pictural
Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices
contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee
gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
16 MC CAZALY CAPASH 2014
montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot
ulteacuterieurement
La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas
pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par
lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale
sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce
stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture
Le stade Phonologique ou alphabeacutetique
Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion
graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et
dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite
de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon
explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et
les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir
inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes
analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple
lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la
fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place
de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets
de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court
Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes
complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand
nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par
rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la
complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase
alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave
des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet
de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement
mieux lus que les pseudo-mots
Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun
apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
17 MC CAZALY CAPASH 2014
enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses
travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale
Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant
Le stade orthographique
Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation
et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de
conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les
effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles
1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les
mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate
eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une
certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place
Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la
voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)
Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement
agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de
lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes
Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de
lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus
exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des
effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves
Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)
____________________________________________________________________________
Etape Lecture Ecriture
____________________________________________________________________________
1a logographique 1 (symbolique)
1b logographique 2 _____________ logographique 2
2a logographique 3 alphabeacutetique 1
2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2
3a orthographique 1 alphabeacutetique 3
3b orthographique 2 _____________ orthographique 2
____________________________________________________________________________
Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
18 MC CAZALY CAPASH 2014
de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser
preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-
monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)
Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)
bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence
CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence
Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la
lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005
Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture
mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de
Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de
lecture tout au long de lrsquoapprentissage
12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)
Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui
repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique
- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique
La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur
alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre
orthographique
La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant
sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le
processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement
Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui
lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre
clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
19 MC CAZALY CAPASH 2014
Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites
uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo
avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui
permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis
atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes
Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)
Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1
Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait
quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre
en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes
porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend
des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances
morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques
Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques
Les uns nourrissant les autres
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
20 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves
Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute
Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances
morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de
la lecture agrave lrsquoeacutecole
De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans
lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest
eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et
coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique
nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable
En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement
de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on
perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez
lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par
assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle
teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet
exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique
Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie
indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de
lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots
irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo
lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration
infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral
On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical
orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999
Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui
obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui
progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
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32 MC CAZALY CAPASH 2014
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Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
15 MC CAZALY CAPASH 2014
B Meacutecanismes drsquoapprentissage drsquoidentification du mot eacutecrit
Mais que sait-on de lrsquoapprentissage des proceacutedures drsquoidentification du mot eacutecrit Le mot est
lrsquouniteacute de base de lrsquoeacutecrit et se situe au cœur des processus de bas et de haut niveau
Lrsquoidentification du mot eacutecrit suppose que le lecteur eacutetablisse une correspondance entre ce
qursquoil voit un mot eacutecrit et sa repreacutesentation mentale pour aboutir agrave sa compreacutehension Pour
ecirctre efficace un certain nombre de proceacutedures doivent ecirctre automatiseacutees afin drsquoaboutir agrave
une lecture experte Les meacutethodes drsquoapprentissage de la lecture srsquoappuient pour la plupart
drsquoentre elles sur une conception deacuteveloppementale de lrsquoapprentissage notamment celle en
stades dont le modegravele le plus connue est celui drsquoUta FRITH (1985)
1 Modegraveles deacuteveloppementaux Les modegraveles deacuteveloppementaux ont permis drsquoinfirmer lrsquohypothegravese de la lecture globale
thegravese qui agrave un moment donneacute eacutetait largement reacutepandue chez les enseignants En effet
Bruce McCandliss (2006) a pu deacutemontrer que les modegraveles stadistes sont directement
inspireacutes du modegravele agrave deux voies de lecture de Coltheart (1978) qui prennent pour hypothegravese
que le lecteur expert utilise bien deux routes distinctes pour acceacuteder au lexique mental
Une question fondamentale de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit
srsquoest poseacutee agrave partir de lrsquoobservation des erreurs commises par des lecteurs apprenants
Parmi ces modegraveles le scheacutema de reacutefeacuterence reste encore aujourdrsquohui le modegravele drsquoUta Frith
(1985) car il permet de comprendre le fonctionnement normal de lrsquoapprentissage de la
lecture et de ses difficulteacutes
11 Le modegravele en stades de FRITH (1985)
Le modegravele de FRITH (1985) deacutecrit des stades drsquoapprentissage qui ne sont pas diviseacutes mais qui
se recouvrent dans le temps Selon ce modegravele lrsquoapprentissage de la lecture procegravede en trois
grandes eacutetapes
Le stade Logographique ou pictural
Il srsquoagit en fait drsquoune pseudo-lecture sur la base de traits graphiques saillants et drsquoindices
contextuels Par exemple le logo caracteacuteristique de laquo Coca Cola raquo est reconnu drsquoembleacutee
gracircce agrave quelques traits particuliers ou mecircme la couleur (rouge ici) Gouch et Juel (1989) ont
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
16 MC CAZALY CAPASH 2014
montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot
ulteacuterieurement
La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas
pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par
lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale
sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce
stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture
Le stade Phonologique ou alphabeacutetique
Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion
graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et
dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite
de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon
explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et
les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir
inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes
analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple
lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la
fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place
de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets
de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court
Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes
complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand
nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par
rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la
complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase
alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave
des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet
de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement
mieux lus que les pseudo-mots
Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun
apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
17 MC CAZALY CAPASH 2014
enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses
travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale
Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant
Le stade orthographique
Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation
et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de
conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les
effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles
1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les
mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate
eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une
certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place
Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la
voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)
Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement
agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de
lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes
Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de
lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus
exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des
effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves
Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)
____________________________________________________________________________
Etape Lecture Ecriture
____________________________________________________________________________
1a logographique 1 (symbolique)
1b logographique 2 _____________ logographique 2
2a logographique 3 alphabeacutetique 1
2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2
3a orthographique 1 alphabeacutetique 3
3b orthographique 2 _____________ orthographique 2
____________________________________________________________________________
Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
18 MC CAZALY CAPASH 2014
de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser
preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-
monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)
Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)
bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence
CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence
Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la
lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005
Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture
mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de
Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de
lecture tout au long de lrsquoapprentissage
12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)
Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui
repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique
- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique
La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur
alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre
orthographique
La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant
sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le
processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement
Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui
lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre
clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
19 MC CAZALY CAPASH 2014
Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites
uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo
avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui
permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis
atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes
Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)
Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1
Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait
quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre
en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes
porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend
des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances
morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques
Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques
Les uns nourrissant les autres
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
20 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves
Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute
Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances
morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de
la lecture agrave lrsquoeacutecole
De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans
lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest
eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et
coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique
nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable
En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement
de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on
perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez
lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par
assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle
teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet
exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique
Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie
indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de
lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots
irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo
lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration
infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral
On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical
orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999
Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui
obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui
progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
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Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
32 MC CAZALY CAPASH 2014
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Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
16 MC CAZALY CAPASH 2014
montreacute qursquoun indice visuel associeacute agrave un mot permet la reconnaissance de ce mot
ulteacuterieurement
La base de cette lecture est variable et ne peut ecirctre geacuteneacuteraliseacutee Lrsquoordre des lettres nrsquoest pas
pertinent La reconnaissance du mot se fait sans traitement linguistique mais plutocirct par
lrsquoutilisation drsquoun systegraveme seacutemantique pictural (Morton 1990) La reconnaissance est globale
sous forme de devinette de par cœur et se montre peu eacuteconomique et surtout limiteacutee Ce
stade nrsquoest pas non plus preacutedictif drsquoun bon apprentissage de la lecture
Le stade Phonologique ou alphabeacutetique
Ce stade correspond agrave la mise en place et agrave lrsquoutilisation progressive de la voie de conversion
graphegravemes-phonegravemes (meacutediation phonologique) ougrave lrsquoordre des lettres est pertinent et
dans le mecircme temps agrave lrsquoeacutemergence de la conscience phonologique essentielle agrave la reacuteussite
de cet apprentissage La conscience phonologique crsquoest agrave dire comprendre de faccedilon
explicite que la parole se deacutecompose en uniteacutes plus petites que sont les mots les syllabes et
les phonegravemes La conscience phonologique est fortement reacuteduite chez les illettreacutes voir
inexistante Morais Cary Alegria et Bertelson (1979) ont pu montrer sur des adultes
analphabegravetes que la manipulation des sons du langage eacutetait difficile comme par exemple
lrsquoajout ou la suppression de syllabes ou de phonegravemes La conscience phonologique est agrave la
fois cause et conseacutequence de lrsquoapprentissage de la lecture autrement dit de la mise en place
de la voie phonologique Cette eacutetape alphabeacutetique se caracteacuterise eacutegalement par des effets
de longueur des mots cest-agrave-dire qursquoun mot long est plus difficilement lu qursquoun mot court
Cet effet diminue au cours de lrsquoapprentissage Il est eacutegalement constateacute que les syllabes
complexes ralentissent consideacuterablement le deacutecodage car elles sont composeacutees drsquoun grand
nombre de phonegravemes Par exemple le mot laquo strict raquo est particuliegraverement difficile agrave lire par
rapport au mot laquo bol raquo qui ne comprend que 3 phonegravemes La longueur des mots et la
complexiteacute des syllabes sont sources de difficulteacute pour les lecteurs apprenants La phase
alphabeacutetique est sensible agrave la reacutegulariteacute des mots et la lecture des mots irreacuteguliers conduit agrave
des erreurs de reacutegularisation (par exemple laquo femme raquo lu laquo fame raquo Mais il nrsquoy a pas drsquoeffet
de freacutequence ni de lexicaliteacute Cest-agrave-dire que les mots courants ne sont pas forceacutement
mieux lus que les pseudo-mots
Enfin cette voie phonologique qui neacutecessite de connaicirctre lrsquoalphabet doit faire lrsquoobjet drsquoun
apprentissage explicite ougrave toutes les correspondances graphegravemes-phonegravemes doivent ecirctre
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
17 MC CAZALY CAPASH 2014
enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses
travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale
Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant
Le stade orthographique
Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation
et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de
conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les
effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles
1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les
mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate
eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une
certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place
Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la
voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)
Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement
agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de
lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes
Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de
lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus
exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des
effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves
Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)
____________________________________________________________________________
Etape Lecture Ecriture
____________________________________________________________________________
1a logographique 1 (symbolique)
1b logographique 2 _____________ logographique 2
2a logographique 3 alphabeacutetique 1
2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2
3a orthographique 1 alphabeacutetique 3
3b orthographique 2 _____________ orthographique 2
____________________________________________________________________________
Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
18 MC CAZALY CAPASH 2014
de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser
preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-
monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)
Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)
bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence
CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence
Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la
lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005
Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture
mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de
Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de
lecture tout au long de lrsquoapprentissage
12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)
Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui
repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique
- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique
La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur
alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre
orthographique
La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant
sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le
processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement
Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui
lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre
clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
19 MC CAZALY CAPASH 2014
Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites
uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo
avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui
permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis
atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes
Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)
Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1
Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait
quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre
en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes
porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend
des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances
morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques
Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques
Les uns nourrissant les autres
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
20 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves
Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute
Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances
morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de
la lecture agrave lrsquoeacutecole
De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans
lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest
eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et
coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique
nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable
En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement
de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on
perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez
lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par
assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle
teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet
exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique
Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie
indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de
lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots
irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo
lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration
infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral
On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical
orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999
Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui
obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui
progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie
Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
32 MC CAZALY CAPASH 2014
Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
17 MC CAZALY CAPASH 2014
enseigneacutees apprises Bruce McCandliss chercheur ameacutericain a pu deacutemontrer gracircce agrave ses
travaux drsquoimagerie fonctionnelle lrsquoinefficaciteacute drsquoun enseignement par une meacutethode globale
Cette eacutetape est donc cruciale et preacutedictive du niveau de lecture de lrsquoenfant
Le stade orthographique
Le stade orthographique est la phase de lrsquoaccegraves agrave lrsquoexpertise en lecture agrave lrsquoautomatisation
et correspond agrave la reconnaissance directe des mots ou des morphegravemes sans neacutecessiteacute de
conversion grapho-phoneacutemique Lrsquoeffet de reacutegulariteacute est alors moins important mais les
effets de freacutequence et de lexicaliteacute sont constateacutes (voir expeacuterience de Sprenger-Charolles
1992 ci-dessous) Cest-agrave-dire qursquoagrave cette eacutetape les mots freacutequents sont mieux lus que les
mots rares et les mots sont lus plus rapidement et mieux que les non-mots On constate
eacutegalement la disparition de lrsquoeffet de longueur des mots Crsquoest eacutegalement la phase ougrave une
certaine expertise de lecture des bi-grammes des preacutefixes et des suffixes se met en place
Ce modegravele deacutecrit le deacuteveloppement progressif des deux voies de lecture des mots eacutecrits la
voie indirecte et la voie directe deacutecrit dans le modegravele agrave deux voies de Coltheart (1978)
Comme le deacutemontre ce graphique lrsquoinstallation des deux voies de lecture conduit eacutegalement
agrave lrsquoapprentissage de lrsquoorthographe ougrave lrsquoattention se porte petit agrave petit sur des groupes de
lettres qui sont porteurs de sens les morphegravemes
Lrsquoexpeacuterience de Sprenger-Charolles en 1992 exposeacutee ci-dessous montre cette eacutevolution de
lrsquoinstallation des deux voies de lecture et le deacuteroulement de lrsquoapprentissage et plus
exactement le passage du stade alphabeacutetique au stade orthographique Lrsquoapparition des
effets de lexicaliteacute et de freacutequence montre le passage au stade orthographique des eacutelegraveves
Tableau 2 Modegravele en six eacutetapes des habileteacutes en lecture et en eacutecriture (Frith 1986)
____________________________________________________________________________
Etape Lecture Ecriture
____________________________________________________________________________
1a logographique 1 (symbolique)
1b logographique 2 _____________ logographique 2
2a logographique 3 alphabeacutetique 1
2b alphabeacutetique 2 _____________ alphabeacutetique 2
3a orthographique 1 alphabeacutetique 3
3b orthographique 2 _____________ orthographique 2
____________________________________________________________________________
Note 1 signifie un tregraves faible niveau dexpertise 2 et 3 une expertise de plus en plus importante
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
18 MC CAZALY CAPASH 2014
de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser
preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-
monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)
Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)
bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence
CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence
Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la
lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005
Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture
mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de
Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de
lecture tout au long de lrsquoapprentissage
12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)
Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui
repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique
- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique
La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur
alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre
orthographique
La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant
sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le
processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement
Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui
lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre
clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
19 MC CAZALY CAPASH 2014
Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites
uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo
avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui
permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis
atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes
Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)
Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1
Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait
quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre
en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes
porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend
des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances
morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques
Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques
Les uns nourrissant les autres
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
20 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves
Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute
Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances
morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de
la lecture agrave lrsquoeacutecole
De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans
lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest
eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et
coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique
nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable
En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement
de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on
perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez
lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par
assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle
teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet
exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique
Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie
indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de
lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots
irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo
lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration
infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral
On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical
orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999
Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui
obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui
progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
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Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
32 MC CAZALY CAPASH 2014
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Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
18 MC CAZALY CAPASH 2014
de CE1 puisque contrairement aux enfants de CP les enfants de CE1 commencent agrave utiliser
preacutefeacuterentiellement la voie orthographique deacutemontreacutee par les mots mieux lus que les non-
monts (effet de lexicaliteacute) et mieux lus que les mots irreacuteguliers (effet de freacutequence)
Les stades alphabeacutetique amp orthographique expeacuterience princeps de Sprenger-Charolles (1992)
bull sujets enfants de CP et CE1 bull tacircche lire agrave voix haute diffeacuterents items linguistiques eacutecrits bull mateacuteriel listes drsquoitems dans lesquelles on fait varier - la lexicaliteacute mots versus non-mots - la freacutequence mots freacutequents versus mots rares - la reacutegulariteacute mots reacuteguliers versus mots irreacuteguliers (par exemple porte versus pays) bull Points observeacutes exactitude de la lecture (erreurs) et le temps de latence des reacuteponses bull reacutesultats CP Effet important de la reacutegulariteacute des mots Pas drsquoeffet de la lexicaliteacute ni de la freacutequence
CE1 baisse de lrsquoeffet de reacutegulariteacute Apparition drsquoeffets de lexicaliteacute et de freacutequence
Le modegravele en stade de Frith (1985) est agrave lrsquoorigine de nombreux tests drsquoeacutevaluation de la
lecture tels que le LMC-R de Khomsi 1999 ou lrsquoEVALEC de Sprenger-Charolles et al 2005
Enfin ce modegravele en stades repreacutesente bien le cocircteacute explicite de lrsquoapprentissage de la lecture
mais son architecture est seacutequentielle et peu dynamique Le modegravele agrave double fondation de
Seymour (19901997) ajoute lrsquohypothegravese drsquoune certaine interactiviteacute des processus de
lecture tout au long de lrsquoapprentissage
12 Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de SEYMOUR (1997)
Selon Seymour lrsquoidentification du mot eacutecrit se fait agrave partir de deux processeurs (qui
repreacutesentent la double fondation) interagissant avec la conscience linguistique
- le processeur logographique et le processeur alphabeacutetique
La mise en correspondance de lrsquooral et de lrsquoeacutecrit les interactions entre le processeur
alphabeacutetique et la conscience linguistique permettent de faire eacutemerger le cadre
orthographique
La conscience linguistique deacutefinit toutes les connaissances linguistiques du lecteur apprenant
sur les diffeacuterentes dimensions du mot telles que la phonologie la morphologie etc Le
processeur alphabeacutetique alimente la conscience linguistique et inversement
Toutes ces interactions permettent la construction progressive du cadre orthographique qui
lui-mecircme continue agrave alimenter la conscience linguistique Ce modegravele fait donc apparaicirctre
clairement le cocircteacute dynamique de lrsquoapprentissage de la lecture
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
19 MC CAZALY CAPASH 2014
Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites
uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo
avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui
permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis
atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes
Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)
Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1
Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait
quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre
en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes
porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend
des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances
morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques
Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques
Les uns nourrissant les autres
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
20 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves
Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute
Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances
morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de
la lecture agrave lrsquoeacutecole
De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans
lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest
eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et
coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique
nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable
En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement
de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on
perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez
lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par
assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle
teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet
exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique
Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie
indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de
lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots
irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo
lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration
infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral
On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical
orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999
Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui
obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui
progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
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Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
32 MC CAZALY CAPASH 2014
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Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
19 MC CAZALY CAPASH 2014
Le cadre orthographique se construit peu agrave peu en commenccedilant par le stockage de petites
uniteacutes orthographiques comme la syllabe (noyau) par exemple le laquo peau raquo de laquo chapeau raquo
avec une certaine importance de la rime des mots Puis atteint un niveau intermeacutediaire qui
permet de lire des mots agrave deux syllabes des homophones ou quelques mots irreacuteguliers puis
atteint le stade eacutevolueacute vers le CE2 qui permet de lire des mots de plus longs et complexes
Le modegravele agrave laquo double fondation raquo de Seymour (1997)
Scheacutema issu du cours de Carine Royer 2012 ndash Master EERBEP UE1
Drsquoapregraves ce modegravele le cadre morphologique qui commence en eacutecriture des mots apparait
quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute A ce stade lrsquoenfant va prendre
en compte la morphologie des mots crsquoest dire qursquoil est capable de repeacuterer des morphegravemes
porteurs de sens comme par exemple comprendre que la fleuriste est quelqursquoun qui vend
des fleurs car il reconnait le morphegraveme laquo fleur raquo dans le mot laquo fleuriste raquo Ces connaissances
morphologiques sont drsquoailleurs maintenant utiliseacutees pour aider les dyslexiques
Tous les cadres se construisent en interaction constante avec les connaissances linguistiques
Les uns nourrissant les autres
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
20 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves
Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute
Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances
morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de
la lecture agrave lrsquoeacutecole
De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans
lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest
eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et
coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique
nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable
En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement
de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on
perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez
lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par
assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle
teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet
exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique
Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie
indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de
lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots
irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo
lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration
infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral
On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical
orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999
Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui
obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui
progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
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Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
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Bibliographie
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Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
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Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
20 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais la principale critique de ce modegravele porte sur le cadre morphologique qui drsquoapregraves
Seymour apparait uniquement quand le cadre orthographique est suffisamment deacuteveloppeacute
Or les recherches actuelles montrent que les enfants ont des connaissances
morphologiques tregraves tocirct qui peuvent ecirctre utiliseacutes plus preacutecocement dans lrsquoenseignement de
la lecture agrave lrsquoeacutecole
De plus les recherches nrsquoont pas pu deacutemontrer le rocircle du processeur logographique dans
lrsquoapprentissage de la lecture et donc au deacuteveloppement du cadre orthographique Crsquoest
eacutegalement le cas pour le modegravele de Frith Par contre les eacutetudes de Masonheimer et
coll1984 in Sprenger-Charolles et Coleacute 2003 montrent que le processeur logographique
nrsquoest pas obligatoire ni geacuteneacuteralisable
En reacutesumeacute ces modegraveles en stades nous permettent de mieux comprendre le deacuteroulement
de lrsquoapprentissage des meacutecanismes drsquoidentification du mot eacutecrit chez lrsquoenfant En effet on
perccediloit un peu plus lrsquoimportance de chaque proceacutedure pour lire un mot En effet chez
lrsquoapprenti lecteur la proceacutedure indirecte permet de deacutecoder les mots nouveaux par
assemblage des graphegravemes et des phonegravemes Mais il est essentiel de comprendre son rocircle
teacutenu dans le deacuteveloppement du lexique orthographique Crsquoest pourquoi nous continuons cet
exposeacute par le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage dans ce deacuteveloppement
2 Le rocircle preacutepondeacuterant du deacutecodage pour la construction du lexique orthographique
Beaucoup drsquoeacutetudes ont deacutemontreacute lrsquoimportance de la proceacutedure phonologique (voie
indirecte) pour le deacuteveloppement du capital orthographique En effet cette voie permet de
lire tous les mots reacuteguliers mais aussi en partie les mots irreacuteguliers La lecture des mots
irreacuteguliers aboutit agrave des erreurs de reacutegularisation comme par exemple le mot laquo aquarium raquo
lu laquo acarium raquo Ces erreurs peuvent ecirctre rectifieacutees par le lecteur par la reacutecupeacuteration
infeacuterentielle drsquoun mot ressemblant dans le lexique oral
On sait eacutegalement que la lecture reacutepeacuteteacutee drsquoun mot permet de lrsquoinscrire dans le capital lexical
orthographique et de le lire ulteacuterieurement rapidement par la voie directe Share 1999
Une eacutetude longitudinale de Byrne amp al 1992 fait clairement apparaitre que les lecteurs qui
obtiennent au commencement de bons reacutesultats en lecture de pseudo-mots sont ceux qui
progressent le plus par la suite en lecture de mots reacuteguliers et irreacuteguliers
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
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Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie
Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
32 MC CAZALY CAPASH 2014
Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
21 MC CAZALY CAPASH 2014
Une autre eacutetude agrave partir du franccedilais de Sprenger-Charolles amp al 1998b indique que les
lecteurs apprenants qui font un grand nombre drsquoerreurs de reacutegularisation sur les mots
irreacuteguliers eacutetaient ceux qui obtenaient le plus de reacuteponses correctes et inversement En
effet ces enfants utilisent essentiellement au deacutebut de lrsquoapprentissage la voie indirecte
pour acceacuteder aux mots Cette eacutetude met donc en relief le rocircle crucial de la bonne maicirctrise du
deacutecodage pour lrsquoapprentissage de la lecture En effet le lecteur apprenant augmente petit agrave
petit son capital lexical orthographique gracircce agrave lrsquoutilisation du deacutecodage Cet aspect va agrave
lrsquoencontre de stades seacutequentiels ougrave le passage est deacutetermineacute par lrsquoacquisition complegravete du
stade anteacuterieur Le modegravele de Seymour se montre plus pertinent quant aux interactions
constantes entre le processeur alphabeacutetique et lrsquoaugmentation du capital lexical Ces
recherches montrent bien lrsquoabsolue neacutecessiteacute drsquoapprentissage des regravegles de conversions
graphegravemes-phonegravemes
Mais dans la construction de cette voie de lecture un autre proceacutedeacute est essentiel agrave
lrsquoeacutelaboration de ce lexique orthographique aussi bien pour lrsquoeacutecriture que pour la lecture Il
srsquoagit de lrsquohypothegravese de Goswani (1999) qui deacutecrit la lecture par analogie proceacutedeacute fortement
solliciteacute par les enseignants pour lrsquoapprentissage de la lecture
3 La lecture par analogie
Goswani 1999 a deacuteveloppeacute lrsquohypothegravese de la lecture par analogie lors de lrsquoapprentissage de
la lecture et de lrsquoeacutecriture Cest-agrave-dire lrsquoutilisation de la rime pour lire et eacutecrire En effet la
rime repreacutesente lrsquouniteacute naturelle la plus facile dans le deacuteveloppement de la conscience
phonologique De fait le lecteur apprenant commence par utiliser des uniteacutes larges comme
la syllabe pour eacutecrire ou lire un autre mot Par exemple le laquoteau raquo de chacircteau
Puis dans un second temps il sera capable de segmenter les rimes pour eacutetablir une
correspondance entre la rime et sa repreacutesentation orthographique (le laquo eau raquo de chacircteau
pour eacutecrire laquo racircteau raquo Cette capaciteacute agrave segmenter les rimes se reacutevegravele ecirctre le moteur dans le
deacuteveloppement du capital lexical orthographique car il permet agrave lrsquoapprenti lecteur drsquoecirctre de
plus en plus compeacutetent pour lire ou eacutecrire les mots En effet il y a une veacuteritable reacuteciprociteacute
entre la lecture et lrsquoeacutecriture car par exemple apregraves avoir eacutecrit le mot racircteau par analogie
avec le laquo eau raquo de chacircteau lrsquoenfant sera capable de reconnaicirctre le laquo eau raquo dans nrsquoimporte
quel autre mot
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie
Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
32 MC CAZALY CAPASH 2014
Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
22 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoeffet moteur de la structuration progressive des repreacutesentations phonologiques les plus
larges aux plus petites est le contraire de la construction du cadre orthographique du
modegravele agrave double fondation de Seymour 1997
En reacutesumeacute lrsquoapprentissage la lecture deacutepend de la mise en place de proceacutedures de lecture
et pour devenir lecteur habile lrsquoenfant doit posseacuteder des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit en eacutelaborant notamment lors de lrsquoapprentissage un assembleur phonologique
efficace qui permet de lire tout ce qui peut ecirctre compris oralement Cela suppose qursquoil
puisse faire des connexions entre les mots eacutecrits et leur signification stockeacutee en meacutemoire
Ces connexions sont possibles car les graphegravemes simples ou complexes correspondent agrave des
phonegravemes ou agrave des syllabes Mais on constate drsquoeacutenormes diffeacuterences individuelles quant agrave
lrsquoapprentissage de la lecture entre les enfants Il y a ceux qui nrsquoeacuteprouvent pas de difficulteacute
particuliegraveres et ceux pour qui cet apprentissage est probleacutematique En conseacutequence la
compreacutehension de certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit est essentielle drsquoautant
que ces difficulteacutes peuvent aussi concerner des eacutelegraveves de cycle 3 Crsquoest pourquoi nous
essaierons drsquoeffectuer une revue des diffeacuterents apports de chercheurs nous permettant de
mieux appreacutehender les difficulteacutes qursquoeacuteprouvent certains eacutelegraveves
4 Comprendre certaines difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit
La litteacuterature et les recherches dans lrsquoanalyse et la compreacutehension des difficulteacutes
drsquoidentifications du mot eacutecrit sont nombreuses Mais parmi celles-ci les eacutetudes
comparatives entre diffeacuterentes langues alphabeacutetiques apportent un eacuteclairage nouveau et
peuvent fournir des informations essentielles agrave la compreacutehension de certaines difficulteacutes de
lecture
41 Lrsquoapport des eacutetudes inter-langues
411 Transparence et Complexiteacute
Beaucoup de langues utilisent le systegraveme alphabeacutetique cest-agrave-dire qursquoelles sont baseacutees sur
un alphabet pourtant on constate des grandes diffeacuterences dans les codes grapho-
phonologiques de ces langues Lrsquoanglais et le franccedilais ont un systegraveme de conversion
graphegravemes-phonegravemes ou phonegravemes-graphegravemes complexe et peu transparent Par exemple
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie
Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
32 MC CAZALY CAPASH 2014
Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
23 MC CAZALY CAPASH 2014
en franccedilais la rime laquo ille raquo se lit diffeacuteremment dans laquo bille raquo ou dans laquo ville raquo En anglais la
rime laquo ave raquo se prononce diffeacuteremment dans laquo save raquo et laquo have raquo
Par contre lrsquoitalien et lrsquoallemand ont un systegraveme de conversion graphegravemes-phonegravemes
beaucoup plus simple Cest-agrave-dire que chaque graphegraveme a pour correspondance un
phonegraveme et un seul (dans la plupart des cas) On dit alors que ces langues sont soit
transparente reacuteguliegravere (italien et allemand) soit opaques ou irreacuteguliegraveres (anglais franccedilais)
Lrsquoapprentissage de la lecture suivant ces langues est par conseacutequence plus ou moins aiseacute Le
manque de transparence de la langue anglaise provoque des difficulteacutes drsquoapprentissage pour
les enfants anglais beaucoup plus que pour les enfants italiens qui ont agrave apprendre agrave lire
dans une langue dite reacuteguliegravere
Seymour et al 2003 ont preacutesenteacute une eacutetude qui consistait agrave veacuterifier le pourcentage de mots
correctement lus agrave la fin de la premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture Les reacutesultats
sont les suivants 1deg Allemand 98 - 2deg Franccedilais 79 - 3deg Anglais 34 Il nrsquoy a pas de
diffeacuterences dues agrave lrsquoacircge de deacutebut drsquoinstruction sur la lecture des mots et des pseudo-mots
mais la diffeacuterence est due au degreacute de transparence des diffeacuterents codes orthographiques
Drsquoapregraves Van den Bosch Content Daelemans et Gelder 1994 le degreacute drsquoopaciteacute drsquoun
systegraveme orthographique se mesure suivant trois critegraveres 1) La complexiteacute des
correspondances entre les graphegravemes et les phonegravemes 2) la diversiteacute des graphegravemes et la
complexiteacute qursquoil y a agrave les segmenter au sein drsquoun mot 3) lrsquoeacutetendue avec laquelle
lrsquoinformation morphologique et syntaxique est repreacutesenteacutee au niveau de lrsquoorthographe mais
non de la phonologie
En franccedilais drsquoapregraves Goetry 2002 pour la lecture des mots freacutequents on constate 130
graphegravemes pour 35 phonegravemes et dans une langue plus transparente comme le neacuteerlandais
il y a 35 graphegravemes pour 35 phonegravemes
Le franccedilais preacutesente un code relativement transparent pour la lecture mais relativement
opaque pour lrsquoeacutecriture Mais malgreacute tout il existe de nombreuses ambiguiumlteacutes qui peuvent
consideacuterablement gecircner lrsquoapprentissage En effet comment lire laquo ch raquo dans laquo hacher raquo et
dans laquo orchideacutee raquo En eacutecriture comment transcrire e ai eacute erhellip Ces ambiguiumlteacutes peuvent
ecirctre partiellement compenseacutees par lrsquointervention drsquoautres reacutegulariteacutes notamment de type
morphologique Par exemple laquo baigne raquo et laquo baignoire raquo Lrsquoenfant doit eacutegalement faire face
au fait que le mecircme graphegraveme (-s-) ne correspond pas toujours au mecircme phonegraveme (bise
mis anse) et inversement le mecircme phonegraveme ne se reacutealise pas toujours avec le mecircme
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
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Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie
Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
32 MC CAZALY CAPASH 2014
Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
24 MC CAZALY CAPASH 2014
graphegraveme (o se transcrit par o au eau hellip) Ces ambiguiumlteacutes font lrsquoobjet de nombreuses
recherches donc celles de Ziegler et al (1997) sur les effets de consistances orthographiques
412 Effet de consistance
Ziegler et al 1997 lors de recherches agrave partir du franccedilais ont pu mettre en eacutevidence un effet
dit de consistance orthographique la consistance et agrave lrsquoopposeacute lrsquoinconsistance
Lrsquoobservation des rimes montre que certaines sont consistantes comme le yb qui srsquoeacutecrit
toujours ndashube (tube cube) et drsquoautres inconsistantes comme la rime am qui peut srsquoeacutecrire
de plusieurs faccedilons (dame flamme acircme femme) En lecture lrsquoambiguiumlteacute de certains mots
inconsistants peut provoquer des erreurs de lecture et surtout un fort ralentissement
drsquoaccegraves agrave la prononciation ce qui le cas de beaucoup de mots irreacuteguliers En conclusion les
temps de lecture sont plus longs pour les mots inconsistants que pour les mots consistants
Ziegler et al 1996 montrent eacutegalement que le franccedilais est relativement consistant sur le
mode lecture (876) et tregraves inconsistant dans le mode eacutecriture (791)
Mais Ziegler et Al 2005 ont deacuteveloppeacute une nouvelle theacuteorie pour tenter drsquoexpliquer les
difficulteacutes drsquoapprentissage de lecture plus importantes pour les enfants anglais par rapport agrave
drsquoautres enfants des pays europeacuteens la theacuteorie de la granulariteacute
413 Theacuteorie de la granulariteacute (Ziegler et Goswani 2005)
Pour ces auteurs deux eacuteleacutements peuvent expliquer ces difficulteacutes la taille des uniteacutes
orthographiques et leur reacutegulariteacute En effet les uniteacutes de petites tailles telles que les
phonegravemes et les graphegravemes sont plus ou moins reacuteguliegraveres suivant les langues
Dans le cas drsquoune langue tregraves reacuteguliegravere comme lrsquoallemand ces petites uniteacutes le sont aussi
(crsquoest-agrave-dire que les graphegravemes correspondent exactement aux phonegravemes) et reacuteduisent
alors consideacuterablement le nombre de correspondances agrave apprendre (50 environ pour
lrsquoallemand) Mais dans le cas drsquoune langue tregraves irreacuteguliegravere comme lrsquoanglais ou un peu moins
comme le franccedilais les petites uniteacutes ont des correspondances beaucoup moins reacuteguliegraveres
donc beaucoup plus nombreuses et leurs apprentissages deviennent tregraves difficiles Crsquoest
pourquoi les enfants anglais ne peuvent pas deacutecoder les mots en utilisant ces petites uniteacutes
et sont obligeacutes drsquoutiliser les uniteacutes beaucoup grandes comme les rimes les syllabes ou les
mots En anglais le nombre de correspondances se monte agrave environ 500 ce qui a pour
conseacutequence un ralentissement des meacutecanismes de lrsquoidentification du mot eacutecrit
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
25 MC CAZALY CAPASH 2014
Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie
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Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo
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Cette theacuteorie de la granulariteacute appeleacutee aussi theacuteorie du grain linguistique pourrait
permettre de comprendre pourquoi les enfants anglais sont ceux qui deacutecodent le moins
bien en fin de premiegravere anneacutee drsquoapprentissage de la lecture
En reacutesumeacute les uniteacutes telles que la syllabes jouent un rocircle preacutepondeacuterant dans lrsquoapprentissage
de la lecture dans une langue relativement irreacuteguliegravere comme le franccedilais Mais dans le cas de
lrsquoeffet de freacutequence elle peut ecirctre source drsquoerreurs comme nous allons le voir maintenant
en eacutetudiant les effets de la freacutequence du voisinage des mots agrave lire
42 Les effets de la freacutequence du voisinage orthographique et syllabique
Effets drsquoinhibition des voisins orthographiques et syllabiques
421 Lrsquoeffet des voisins orthographiques
Le voisin orthographique est un mot qui partage toutes les lettres drsquoun mot agrave lire sauf une
lettre positionneacutee agrave la mecircme place Par exemple le mot chapeau est un voisin
orthographique du mot laquo chameau raquo ougrave seul la lettre laquo m raquo est changeacutee par laquo P raquo
Drsquoapregraves le modegravele agrave activation interactive de McClelland et Rumelhart 1981 lrsquoidentification
drsquoun mot eacutecrit se reacutefegravere agrave lrsquoactivation de sa repreacutesentation mais aussi de ses voisins
orthographiques et met en jeu un processus drsquoinhibition reacuteciproque En effet plus les mots
se ressemblent sur le plan orthographique plus le degreacute drsquoactivation de ces mots augmente
De plus les mots freacutequents ont des degreacutes drsquoactivation plus robustes que les mots de basse
freacutequence En conseacutequence les voisins orthographiques plus freacutequents que le mot cible
seront plus fortement activeacutes que le mot agrave lire et vont inhiber la reconnaissance de ce mot
rendant sa lecture plus difficile et plus lente
422 Lrsquoeffet des voisins syllabiques
Un voisin syllabique est un mot qui partage une syllabe avec le mot agrave lire comme par
exemple laquo bateau raquo et laquo bataille raquo
De faccedilon eacutequivalente les voisins syllabiques freacutequents drsquoun mot cible jouent un rocircle
inhibiteur sur la lecture de ce mot ou plus exactement le nombre de voisins syllabiques
plus freacutequent que le mot agrave lire exerce un effet inhibiteur sur le mot cible Dans notre
exemple tous les mots courants de deux syllabes commenccedilant par laquo ba raquo produisent alors
un effet de compeacutetition entre les mots voisins qui partagent la mecircme syllabe surtout en
deacutebut de mot Ce niveau de compeacutetition deacutepend du degreacute de freacutequence du mot agrave lire et des
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie
Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
32 MC CAZALY CAPASH 2014
Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo
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26 MC CAZALY CAPASH 2014
mots voisins En conseacutequence la prononciation de ce mot peut ecirctre erroneacutee lorsque celui-ci
nrsquoest pas freacutequent
Mais un autre effet semble tout aussi essentiel pour tenter drsquoexpliquer des erreurs de
lecture de mots peu freacutequents il srsquoagit de lrsquoeffet de familiariteacute des mots
43 Les effets de familiariteacute
Les bases de donneacutees de la freacutequence lexicale sont baseacutees sur les eacutecrits et non pas sur la
parole Or il est incontestable que certains mots freacutequents ne sont pas familiers des enfants
Crsquoest encore plus vrai pour ceux issus de milieux deacutefavoriseacutes ou quand le franccedilais est la
langue de scolarisation ou langue seconde En effet le veacutecu de chacun de ces enfants est agrave
lrsquoorigine des mots qui leur sont familiers Le lieu de vie deacutetermine eacutegalement la familiariteacute
des mots Par exemple la laquo muregravene raquo est un mot familier pour un enfant de Nouvelle
Caleacutedonie et beaucoup drsquoenfants connaissent ce poisson dangereux pourtant le mot
nrsquoexiste pas dans le dictionnaire de windows On peut alors comprendre que les mots
freacutequents issus de lrsquoeacutecrit ne sont pas forceacutement familiers pour les enfants qui apprennent agrave
lire Les travaux de Gernsbacher 1984 ont eacutetabli qursquoun mot familier (surtout de basse
freacutequence) pour une personne ne le sera pas forceacutement pour une autre personne (exemple
le mot laquo eacutetayage raquo plus familier pour un enseignant que pour drsquoautres corps de meacutetier)
Cette recherche indique donc que lrsquoeffet de familiariteacute prend plus drsquoimportance que lrsquoeffet
de freacutequence dans la lecture de mots eacutecrits chez le lecteur deacutebutant
Mais une autre situation particuliegravere est agrave prendre en compte dans la compreacutehension des
difficulteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit il srsquoagit du franccedilais en tant que langue de
scolarisation ou langue seconde Sans entrer dans le deacutetail des recherches existantes qui
sont peu nombreuses il est tout de mecircme inteacuteressant de citer une recherche qui eacuteclaire un
peu cette situation particuliegravere
44 La situation du franccedilais langue seconde
Les travaux de Geva amp Siegel 2000 eacutevoquent la situation drsquoapprentissage de la lecture dans
un milieu bilingue En effet le degreacute de complexiteacute de chacune des deux langues est
importante surtout si la langue seconde a un code orthographique plus reacuteguliegravere que la
premiegravere Geva et Siegel preacutecisent que lrsquoapprentissage de la lecture sera faciliteacute dans le cas
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drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
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Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie
Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
32 MC CAZALY CAPASH 2014
Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
27 MC CAZALY CAPASH 2014
drsquoune langue seconde reacuteguliegravere mecircme si lrsquoenfant a des compeacutetences linguistiques
insuffisamment deacuteveloppeacutees dans la langue seconde
De mecircme lors drsquoune eacutetude drsquoenfants de la communauteacute franccedilaise de Belgique placeacutes dans
un contexte drsquoimmersion en neacuteerlandais Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky
Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 avaient pour objectif de deacuteterminer srsquoil y avait une
influence de la langue seconde sur le deacuteveloppement des habileteacutes drsquoidentification du mot
eacutecrit dans chacune des langues (franccedilais et neacuteerlandais) apprises par ces enfants
Ils ont montreacute que lrsquoapprentissage de la lecture dans une langue seconde reacuteguliegravere comme
le neacuteerlandais facilite lrsquoapprentissage des processus de lecture en franccedilais Cet effet positif a
lieu uniquement si la langue premiegravere est moins reacuteguliegravere que la seconde Il serait donc
preacutefeacuterable drsquoapprendre agrave lire dans une des deux langues la plus reacuteguliegravere Les compeacutetences
acquises dans cette langue sont transfeacuterables agrave la premiegravere
Les reacutesultats de cette recherche sont inteacuteressants car lrsquoeacutepreuve de lecture des pseudo-mots
permet drsquoeacutevaluer si lrsquoenfant est performant dans sa capaciteacute agrave utiliser ou non la voie
indirecte drsquoassemblage puisqursquoil est impossible de les lire par la voie directe (mots jamais
rencontreacutes ne faisant donc pas partie du capital lexical orthographique de lrsquoenfant) Les
enfants qui ont appris agrave lire en neacuteerlandais ont donc mis en place une proceacutedure indirecte
dans cette langue presque aussi facilement que les enfants ne parlant que le neacuteerlandais
malgreacute lrsquoinsuffisance de deacuteveloppement des compeacutetences linguistiques dans cette langue
Simplement les auteurs de cette recherche montrent qursquoil srsquoeffectue un certain
ralentissement drsquoapprentissage des habiliteacutes drsquoidentification du mot eacutecrit la premiegravere anneacutee
mais qui neacuteanmoins aboutit agrave la mise en place de cette proceacutedure lors de la deuxiegraveme anneacutee
drsquoapprentissage Par contre la lecture de mots indique que les enfants apprenant agrave lire en
neacuteerlandais ont plus de mal que les monolingues agrave deacutevelopper la proceacutedure drsquoadressage
cest-agrave-dire la voie directe Les auteurs eacutemettent lrsquohypothegravese que cette difficulteacute provient du
manque de vocabulaire dans cette langue seconde (le neacuteerlandais) difficulteacute corroboreacutee par
un effet de freacutequence moins marqueacute que celui constateacute dans les autres groupes eacutevalueacutes
(enfants monolingues franccedilais ou neacuteerlandais) Le manque de vocabulaire provoque un
ralentissement de la lecture puisque les enfants ne peuvent reacutecupeacuterer le mot directement
en meacutemoire lexical
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie
Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
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Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
28 MC CAZALY CAPASH 2014
Mais les auteurs nuancent ces conclusions en disant que
laquo Ces constats optimistes doivent toutefois ecirctre nuanceacutes car bien qursquoils ne soient pas moins bons que les enfants francophones les enfants du groupe drsquoimmersion ayant appris agrave lire drsquoabord en neacuteerlandais ont plus de difficulteacutes que les deux autres groupes francophones agrave traiter les graphegravemes speacutecifiques du franccedilais raquo Philippe Mousty Katia Lecocq Reacutegine Kolinsky Joseacute Morais amp Jesus Alegria 2007 httpwwwenseignementbedownloadphpdo_id=5113ampdo_check=)
Toutes ces recherches que nous venons drsquoexposer concernent des difficulteacutes pour lrsquoapprenti
lecteur tout venant mais certains enfants ont plus de difficulteacute encore pour apprendre agrave lire
Il srsquoagit des enfants ayant un trouble speacutecifique du langage eacutecrit les dyslexiques
45 La dyslexie
451 La dyslexie de surface
La dyslexie de surface ou morpheacutemique (les mots) se deacutefinie par un dysfonctionnement de la
voie directe Elle renvoie agrave une lecture lente des mots mais aussi des pseudo-mots avec la
preacutesence de nombreuses erreurs de reacutegularisation sur les mots irreacuteguliers Dans ce cas la
lecture srsquoeffectue par la voie drsquoassemblage qui nrsquoest pas encore tout agrave fait efficiente Pour
Frith 1978 elle serait le reacutesultat drsquoun blocage au niveau de la proceacutedure alphabeacutetique qui
entraverait lrsquoaccession au stade orthographique
452 La dyslexie phonologique
Ce trouble est tregraves caracteacuteriseacute par des difficulteacutes drsquoordre phonologique dominantes En effet
la lecture des mots rares et des pseudo-mots est difficile et deacutecoule toujours drsquoapregraves le
modegravele stadiste de Frith 1978 drsquoune difficulteacute agrave acceacuteder agrave la proceacutedure alphabeacutetique
drsquoassemblage
Les hypothegraveses sur lrsquoorigine des troubles de lrsquoapprentissage de la lecture sont nombreuses et
J ALEGRIA et PMOUSTY 2004 dans un article intituleacute laquo Les troubles phonologiques et
meacutetaphonologiques chez lenfant dyslexique raquo se sont inteacuteresseacutes plus particuliegraverement agrave
lrsquohypothegravese phonologique (Snowling 2000) Cest-agrave-dire que les difficulteacutes drsquoapprentissage
de la lecture prendraient leurs origines dans le traitement phonologique et constituerait le
deacuteficit laquo source raquo de la dyslexie En effet lrsquoensemble des enfants dyslexiques ont des
troubles qui portent sur un ou plusieurs aspects de la phonologie non speacutecifiques agrave
lrsquoapprentissage de la lecture telles que la deacutenomination drsquoimages et la fluiditeacute verbale
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie
Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
32 MC CAZALY CAPASH 2014
Jamet E (1997) Lecture et reacuteussite scolaire Paris Dunod Jacquier-Roux M Valdois S amp Zorman M (2005) ODEDYS Outil de deacutepistage des dyslexies Grenoble Laboratoire Cogni-Sciences Khomsi A (1999) Epreuve deacutevaluation de la compeacutetence en lecture Paris ECPA Khomsi A (1997) ECS III Evaluation des compeacutetences scolaires au cycle III Paris ECPA httpwwwecpafrorthophonietestaspid=1623 Lecocq K Mousty P Kolinsky R Goetry V Morais J Alegria J (2006) Eacutevaluation de programmes drsquoimmersion en Communauteacute franccedilaise une eacutetude longitudinale comparative du deacuteveloppement de compeacutetences linguistiques drsquoenfants francophones immergeacutes en neacuteerlandais ndash Universiteacute libre de Bruxelles wwwenseignementbedownloadphpdo_id=1906ampdo_check= Mousty P Leybaert J Alegria J Content A amp Morais J (1994) BELEC une batterie deacutevaluation du langage eacutecrit et de ses troubles In J Greacutegoire amp B Pieacuterart (eacuteds) Evaluer les troubles de la lecture Les nouveaux modegraveles theacuteoriques et leurs implications diagnostiques Bruxelles De Boeck National Reading Panel (2000) Teaching children to read An evidence-based Assesment of the scientific Research literature on reading and its implications for reading instruction httpwwwnationalreadingpanelorgPublicationspublicationshtm Ramus F (2008) Les troubles drsquoapprentissage de la lecture Les synergies et partenariats creacuteeacutes lrsquoapport de lrsquointernet De Boeck Supeacuterieur Perspectives en Education et formation Chapitre 9 P 171 agrave 192 Sprenger-Charolles L (1994) Lacquisition de la lecture en franccedilais eacutetude longitudinale de la premiegravere agrave la seconde anneacutee du primaire LAnneacutee psychologique Anneacutee 1994 Volume 94 Numeacutero 4 p 553 ndash 574 Sprenger-Charolles L et Serniclaes W (2003) Acquisition de la lecture et de lrsquoeacutecriture et dyslexie Revue de litteacuterature Revue franccedilaise de linguistique appliqueacutee 20031 - Vol VIII pages 63 agrave 90 - ISSN 1386- Van Grunderbeeck N (1998) Les difficulteacutes en lecture diagnostic et pistes drsquointervention Gaeacutetan Morin Perseacutee Portail de revues scientifiques en sciences humaines wwwperseefr Cairn Revues de sciences humaines et sociales en texte inteacutegral wwwcairninfo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
29 MC CAZALY CAPASH 2014
Lrsquoempan faible en meacutemoire de travail phonologique agrave des reacutepercussions neacutegatives sur les
reacuteussites futures de lrsquoenfant dans un grand nombre drsquoactiviteacutes cognitives speacutecialement en
lecture (traitements de lrsquoinformation reacuteduites difficulteacutes dans le traitement de phrases et
dans lrsquoassemblage phonologique intervenant dans lrsquoidentification des mots eacutecrits)
Mais drsquoapregraves les recherches en Imagerie ceacutereacutebrale notamment celles de Stanislas DEHAENE
(chair de psychologie cognitive expeacuterimentale au collegravegue de France) la dyslexie serait une
anomalie preacutecoce et geacuteneacuteralement drsquoorigine geacuteneacutetique Pour DEHAENE 2003 laquo la
reconversion neuronale raquo pourrait eacutetayer lrsquohypothegravese phonologique Les acquisitions
culturelles ne sont possibles que dans la mesure ougrave elles srsquoinscrivent dans les possibiliteacutes de
notre organisation ceacutereacutebrale en reconvertissant agrave un autre usage des preacutedispositions
ceacutereacutebrales deacutejagrave preacutesentes (Dehaene 2003 2008) Dans son cours sur les meacutecanismes
ceacutereacutebraux (Collegravege de France page 302) Stanislas DEHAENE explique
laquo Dans le cas de la lecture trois grands ensembles de circuits ceacutereacutebraux sont mis en jeu Les
reacuteseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin drsquoidentifier la chaicircne de
caractegraveres mdash ce sont ces circuits qui sont aujourdrsquohui les mieux connus sur le plan ceacutereacutebral
et auxquels le modegravele du recyclage neuronal srsquoapplique le plus directement Viennent
ensuite la conversion des caractegraveres eacutecrits en une repreacutesentation phonologique et en
parallegravele lrsquoaccegraves au lexique et au sens des mots et des phrases Chacun de ces reacuteseaux se
met en place avec lrsquoapprentissage de la lecture deacutepend en partie de lrsquoorganisation de
lrsquoeacutecriture et de lrsquoorthographe de la langue et peut fait lrsquoobjet de deacuteficits cognitifs chez
lrsquoadulte comme chez lrsquoenfant raquo
Mais eacutegalement lrsquohypothegravese drsquoun continuum deacutecrite par Ramus (2005) qui donne une
origine geacuteneacutetique agrave la dyslexie selon laquelle les diffeacuterents troubles constateacutes sont
expliciteacutes par des anomalies morphologiques En effet on constate que les aides baseacutees sur
la recherche de morphegravemes connus dans un mot facilite lrsquoaccegraves agrave lrsquoidentification du mot chez
lrsquoenfant dyslexique par exemple le fait de reconnaitre le mot laquo fleur raquo dans le mot
laquo fleuriste raquo permet drsquoacceacuteder agrave lrsquoidentification du mot laquo fleuriste raquo
Chapitre 1 Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
30 MC CAZALY CAPASH 2014
Reacutesumeacute de la partie theacuteorique
Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
31 MC CAZALY CAPASH 2014
Bibliographie
Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie
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Nous avons vu dans un premier temps drsquoun point de vue theacuteorique comment le lecteur
expert proceacutedait pour identifier les mots agrave la lumiegravere de modegraveles robustes puis dans un
deuxiegraveme temps comment se deacuteroulait lrsquoinstallation des meacutecanismes drsquoidentification du
mot eacutecrit et des difficulteacutes qui pouvaient en deacutecouler Les travaux que nous avons citeacutes ont
clairement deacutemontreacute que le lecteur utilise deux voies pour reconnaicirctre un mot cest-agrave-dire
la voie drsquoassemblage qui permet de deacutecoder tous les mots et la voie drsquoadressage qui permet
drsquoacceacuteder directement au mot De plus les eacutetudes inter-langues (europeacuteennes) donnent un
eacuteclairage particulier sur certaines difficulteacutes drsquoapprentissage que rencontrent les enfants En
effet plus une langue est irreacuteguliegravere plus lrsquoapprentissage sera long et difficile Cela
srsquoexplique par lrsquoanalyse de diffeacuterents effets Parmi ceux-ci nous avons choisi en rapport
avec lrsquoobjet de notre eacutetude les effets de transparence de consistance de lrsquoinfluence des
voisins orthographiques et syllabiques ainsi que lrsquoeffet de familiariteacute Cependant comme
notre eacutetude porte sur des enfants originaires de Nouvelle Caleacutedonie ougrave la langue franccedilaise
est soit premiegravere soit langue de scolarisation nous avons preacutesenteacute des travaux deacutecrivant
lrsquoapprentissage de la lecture drsquoenfants en immersion dans la langue franccedilaise Ces travaux
montrent que si la langue drsquoapprentissage est plus transparente que la langue premiegravere
lrsquoapprentissage en sera faciliteacute Enfin les troubles speacutecifiques de la langue eacutecrite nous ont
paru neacutecessaires agrave la preacutesentation des difficulteacutes rencontreacutes par certains enfants
Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
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Bibliographie
Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie
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Bibliographie Identification du mot eacutecrit et de son apprentissage
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Bibliographie
Alegria J et Mousty P (2004) Les troubles phonologiques et meacutetaphonologiques chez lrsquoenfant dyslexlique Enfance Ndeg 3 P 259 agrave 271 Bonin P Collay S et Fayol M (2008) La consistance orthographique en production verbale eacutecrite une bregraveve synthegravese Lrsquoanneacutee Psychologique 108- P 517 agrave 546 Dehaene S (2007) Les Neurones de la lecture Paris Odile Jacob Dehaene S (2011) Apprendre agrave lire ndash Des sciences cognitives agrave la salle de classe Odile Jacob Sciences Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 1 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-08-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 4 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-01-29-09h30htm| Dehaene S (2007) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses perturbations - Collegravege de France Cours Ndeg 6 httpwwwcollege-de-francefrsitestanislas-dehaene|m=course|q=stanislas-dehaenecourse-2006-2007htm|p=stanislas-dehaenecourse-2007-02-12-09h30htm| Delahaie M Sprenger-Charolles L Serniclaes W (2007) Effet de lexicaliteacute chez les faibles et tregraves faibles lecteurs comparativement agrave des normolecteurs de mecircme acircge et de mecircme niveau de lecture Lrsquoanneacutee psychologique 107 P361 agrave 396 Ecalle J (2010) Lrsquoeacutevaluation de la lecture et des compeacutetences associeacutees Revue Franccedilaise de linguistique appliqueacutee 151 P105 agrave 129 Ecalle J et Magnan A (2010) Lrsquoapprentissage de la lecture et ses difficulteacutes Paris Dunod Ferrand L (2007) Psychologie cognitive de la lecture Reconnaissance des mots eacutecrits chez lrsquoadulte Ouvertures psychologiques De Boeck Gombert JE Coleacute P Valdois S Goigoux R Mousty P et Fayol M (2002) Enseigner la lecture au cycle 2 Nathan Peacutedagogie
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