35
Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre. _________________________________________________________________________________________ _________________________________ 38 II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre. La transformation martensitique conduit à l’apparition d’interfaces entre les deux phases austénite et martensite mais également entre les variantes de martensite apparaissant dans l’échantillon. De nombreux auteurs ont étudié le comportement de ces interfaces, afin de mieux comprendre les propriétés des alliages à mémoire de forme [16, 40, 51]. Dans notre étude, nous nous sommes attachés au comportement des interfaces lors d’essais superélastiques, dans le cas de polycristaux et de monocristaux. Les alliages étudiés appartiennent à la famille des alliages base Cuivre. Ce chapitre est divisé en trois parties : dans un premier temps, nous explorerons les diverses théories proposées pour expliquer le comportement des interfaces. Ensuite, nous parlerons de la stabilisation des interfaces. Enfin, une troisième partie sera consacrée au frottement intérieur, qui permet d’étudier l’amortissement des alliages à mémoire de forme.

II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________38

II- Comportement des interfaces dans

les alliages base-Cuivre.

La transformation martensitique conduit à l’apparition d’interfaces entre les deux phases

austénite et martensite mais également entre les variantes de martensite apparaissant dans

l’échantillon.

De nombreux auteurs ont étudié le comportement de ces interfaces, afin de mieux comprendre

les propriétés des alliages à mémoire de forme [16, 40, 51]. Dans notre étude, nous nous

sommes attachés au comportement des interfaces lors d’essais superélastiques, dans le cas de

polycristaux et de monocristaux. Les alliages étudiés appartiennent à la famille des alliages

base Cuivre.

Ce chapitre est divisé en trois parties : dans un premier temps, nous explorerons les diverses

théories proposées pour expliquer le comportement des interfaces. Ensuite, nous parlerons de

la stabilisation des interfaces. Enfin, une troisième partie sera consacrée au frottement

intérieur, qui permet d’étudier l’amortissement des alliages à mémoire de forme.

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________39

21- Comportement des interfaces pendant la transformation

martensitique induite pas la contrainte

211- Déformation par déplacement des interfaces

Nous avons vu dans le chapitre 1 que la transformation martensitique induite par la contrainte

conduit à une déformation de l’échantillon. Cette déformation s’opère par un mécanisme de

migration des interfaces intervariantes. Les interfaces se déplacent par glissement.

212- Transformation martensitique dans le cas de monocristaux

En appliquant une contrainte convenablement orientée sur un monocristal d’austénite, il est

possible d’obtenir une unique variante et deux interfaces austénite/martensite. Ensuite, quand

la transformation a totalement eu lieu, il ne reste plus qu’un monocristal de martensite. Le

front de transformation (que l’on peut confondre avec l’interface) est un plan invariant qui se

déplace et balaye la totalité du cristal (figure 212.1).

σ σmonocristal d’austénite monocristal d’austénite

déplacement del’interfaceausténite/martensite

Figure 212.1. Déplacement de l’interface dans un monocristal lors d’une

transformation induite par la contrainte.

Dans le cas d’un polycristal, l’extrémité des variantes est un plan bien délimité. Par contre,

dans le cas d’un monocristal, la présence de dislocations peut provoquer une diminution des

variantes à leurs extrémités (figure 212.2) : la condition de déformation du plan invariant n'est

alors plus respectée [24].

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________40

Figure 212.2. Représentation schématique des

variantes de martensite : martensite composée de

deux variantes dans un monocristal. 1 : matrice ; 2 :

martensite ; HH : interface (d’après [24]).

Saburi et al. [86] ont observé le front de transformation dans le cas d’un monocristal de

CuZnGa. Ils ont cherché à contrôler la transformation afin de forcer une unique interface à

croître. Sous l’effet d’un gradient de température, le front de transformation se propage et une

unique interface de déplace.

La figure 212.3 montre le front de transformation entre la phase mère et la phase

martensitique, et l’apparition de variantes de martensite sous forme d’un “ peigne ”.

Martensite austénite

Figure 212.3. Représentation schématique du front de transformation entre la phase mère et la

phase martensitique lors d’un gradient de température (d’après [86]).

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________41

213- Etude à l’état mixte

Une plaquette unique

Pendant la transformation, l'échantillon se trouve dans un état mixte pour lequel les deux

phases martensite et austénite cohabitent. Si on applique une contrainte, une ou plusieurs

aiguilles de même orientation cristallographique apparaissent. Ces plaquettes disparaissent

lors de la transformation inverse et l'échantillon retrouve sa forme initiale (figure 213.1).

x

x1

0

x2

x

x1

0

F

∆x(1) ∆x

austénite

x

x1

0

x

x1

0

(a) (d) (c) (d)

Figure 213.1. Représentation schématique des séquences de transformation : (a) austénite ; (b) germination et

croissance initiale ; (c) épaississement de la plaquette ; (d) apparition d’une nouvelle plaquette [50].

Position de l'interface à un instant donné

Afin d'étudier plus facilement le comportement des interfaces et l’interaction de ces interfaces

avec les défauts présents dans le matériau, Lovey et al. [49] ont effectué l'étude de

monocristaux de CuZnAl.

Page 5: II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre

Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________42

L'interaction des interfaces avec les défauts joue un rôle crucial dans la phénoménologie de la

transformation (monocristal avec une unique interface) : la présence de défauts empêche la

croissance d’une unique plaquette et la transformation se produit par germination successive

de nouvelles plaquettes. Dans un cas idéal, pour lequel il n’y a pas de défaut dans le cristal,

l’application d’une très faible contrainte permet l’apparition d’une variante qui peut alors

traverser tout le cristal sans s’arrêter. De même, l’énergie mise en jeu est très faible et, de

même, l’hystérésis est très faible ( une fraction de degrés).

Lovey at al. ont déterminé l’interaction des interfaces avec les défauts par des mesures de

thermoélasticité intrinsèque (pour une transformation induite par la température) ou de

pseudoelasticité intrinsèque. Il s’agit de déterminer la position de l'interface en fonction de la

température ou de la contrainte (selon le type de transformation). La thermoélasticité

intrinsèque (pseudoélasticité intrinsèque dans le cas d’une martensite induite par la contrainte)

est donnée par le terme µ :

µ = dT

dx

σ

dans le cas d’une transformation thermique, (6)

µ = d

dx T

σ

dans le cas d’une transformation induite par une contrainte. (6’)

Afin d’effectuer ces mesures, l’échantillon a été placé sous un microscope optique et un

gradient de température (variable) lui a été appliqué. On a choisi un axe x (sur la surface de

l’échantillon) perpendiculaire à l’interface. On mesure la position de l’interface par rapport à

l’origine de cet axe, prise de façon arbitraire. La relation x(T) détermine le cycle d’hystérésis.

Dans le cas de la transformation induite par la contrainte, une température uniforme est

maintenue et on applique une contrainte. L’évolution du cycle d’hystérésis est également

suivie sous microscope optique.

Les figures 213.2 montrent l’évolution de la température ou de la contrainte (selon le type de

transformation) en fonction de l’allongement de l’éprouvette.

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_________________________________43

Inte

rfac

e po

sitio

n x

(a) (b)

Figures 213.2. Mesure de la position de l’interface en fonction de : (a) la température ; (b) la contrainte [4, 50].

Pseudoélasticité intrinsèque

Prenons le cas de la pseudoélasticité intrinsèque. La première plaquette apparaît à une position

x=x1. La contrainte τc nécessaire pour l’apparition de cette plaquette est :

τc=τo(1) +∆τn (7)

avec τo(1) la valeur de la contrainte à la position x1 quand les phases sont à l’équilibre

thermodynamique, énergies d’interface incluses. ∆τn dépend du processus de germination, de

la contrainte associée au changement de forme de la transformation et au frottement de

l’interface quand la plaquette “ traverse ” l’échantillon. A cet instant, si la contrainte appliquée

est constante, la plaquette s’épaissit jusqu’à une valeur ∆x. A cause de la pseudoélasticité

intrinsèque, la contrainte appliquée doit augmenter afin de forcer la croissance de la plaquette.

La relation entre la contrainte appliquée et l’épaississement de la plaquette est la suivante :

τc=τo(1) +1/2∆τh+∆τ(x) (8)

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________44

1/2∆τh est la contrainte nécessaire pour surmonter le frottement de l’interface et ∆τ(x) est

associée à la pseudoélasticité intrinsèque. Quand la contrainte appliquée augmente, une

nouvelle plaquette germe et croît à une position x=x2.

Lors de la décharge, les plaquettes disparaissent.

214- Influence des paramètres extérieurs sur la superélasticité

Nous avons vu dans le chapitre 1 que l’hystérésis mesurée entre la transformation

martensitique et la transformation inverse était la somme d’une énergie mécanique, d’une

énergie chimique, ainsi que d’une énergie de frottement [29]. La transformation martensitique,

exothermique, dissipe de l’énergie et la libère sous forme de chaleur.

La transformation est donc sensible aux paramètres extérieurs, tels que la température de

l’essai et la vitesse de variation de la déformation. Certains auteurs ont étudié l’effet

superélastique afin de déterminer l’influence de ces paramètres sur la transformation, dans le

cas du CuAlNi (Otsuka [68]), ou du CuZnAl (Van Humbeeck [99]).

Influence de la température

Nous avons également vu que la contrainte critique σc, nécessaire à l’induction de la

martensite, augmente linéairement avec la température selon la loi de Clausius-Clapeyron.

Otsuka et al. [68] ont également observé une augmentation de l’hystérésis en fonction de la

température, dans le cas de la transformation β1→β’ 1 du CuAlNi. Dans le cas d’autres

transformations (du type β’→α’, γ’→β″, etc...), ils ont trouvé une comportement linéaire de

l’hystérésis en fonction de 1/T (figure 214.1).

Pelegrina et al. [72] considèrent qu’une augmentation de la température induit une

augmentation de l’énergie libérée. Par conséquent, les contraintes augmentent avec la

température, ainsi que l’hystérésis [29, 68].

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_________________________________45

2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 4.5 5 6 7 8 9 10 11

01020

200

250

300

350

H(M

Pa)

1/T (x 10 K )-3 -1

β’ α’

β’’α’

β’

γ’ β’’

β β’

Figure 214.1. Mesure de l’hystérésis H en fonction de 1/T pour plusieurs transformation

dans le cas du CuZnAl [68].

Influence de la vitesse

La croissance des plaquettes est également contrôlée par la vitesse. Otsuka et al. [70] ont

observé une augmentation de l’hystérésis en fonction de la vitesse, toujours dans le cas du

CuAlNi (figure 214.2). Ils expliquent cette évolution par l’augmentation de la vitesse de

propagation des interfaces, vi, et par l’augmentation de la vitesse de germination de la

martensite, �N .

Les essais effectués par Van Humbeeck [99] sur le CuZnAl (figure 214.3) ont été conduits à

température ambiante, à l’air. L’échange entre l’échantillon et le milieu extérieur est donc très

important et explique la forme de ses courbes (lors de la décharge). Il a mesuré, non

l’hystérésis mais la surface de la boucle afin de mesurer l’énergie dissipée lors de la

transformation.

Van Humbeeck a émis l’hypothèse que l’évolution de l’hystérésis serait due au caractère

exothermique de la transformation martensitique et au caractère endothermique de la

transformation inverse.

Pour de faibles vitesses de déformation, la transformation peut être considérée comme

isotherme. La chaleur est évacuée facilement vers l’extérieur et la température de l’échantillon

est identique à celle du bain.

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_________________________________46

10-4 10-3 10-2 10-1 15

10

15

20

1/H

yste

resi

s (k

g/m

m )

x1

0

Strain Rate (min)

-2-1

2

-1

Figure 214.2. Mesure de 1/H en fonction de la vitesse de variation de la déformation pour

la transformation γ’ 1 →β″1 du CuAlNi [68].

Pour des vitesses de déformation plus élevées, la transformation peut être considérée comme

étant adiabatique. Lors de la transformation martensitique, la température de l’échantillon est

supérieure à la température de l’essai et la contrainte augmente. Par contre, lors de la

transformation inverse, la température de l’échantillon est inférieure à la température de

l’essai et la contrainte diminue. Il y a donc augmentation de la largeur de la boucle

d’hystérésis [25].

Ces auteurs n’ont pas observé d’évolution de la contrainte critique avec la vitesse de variation

de la déformation.

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_________________________________47

σ (MPa)

100

04 8 %

e

a

σ (MPa)

100

04 8 %

e

b

100e = 6.7x10 sec-3 -1

σ (MPa)

04 8 %

e

d

e = 3.3x10 sec-2 -1

e = 3.3x10 sec-5 -1

e = 1.3x10 sec-3 -1

σ (MPa)

100

04 8 %

e

c

. .

. .

Figure 214.3. Effet superélastique mesuré pour plusieurs vitesses de déformations, à température ambiante,

dans le cas du CuZnAl [99].

215- Effet caoutchoutique

Ahlers [1] a utilisé la remise en ordre à courte distance pour expliquer l’effet caoutchoutique.

Il a étudié l’effet caoutchoutique d’un alliage de CuZnAl lors d’une transformation CC à CFC.

Il a supposé que la déformation de la martensite, qui conduit le déplacement des interfaces

martensite/martensite, menait à l’apparition de nouvelles variantes de même structure, mais

possédant une énergie libre plus importante. Le mécanisme qui provoquait cette augmentation

d’énergie libre proviendrait d’une modification de l’ordre à courte distance et d’un

agencement de paires isolées d’atomes.

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_________________________________48

IM1 M2

M2

Ordre nnn Ordre nn

M1

P1

I

Ordre nnn Ordre nn

M1 M2F

M2

P2

1

nn

1 1

1 1

2

2

2

2

1 1

1 1

2

2

34

4

3

4

3

nnn

(a) (b)

Figure 215. (a) Structure CFC obtenue après déformation de Bain (modèle de Ahlers [1]). Deux paires

d’atomes, originaires de deux variantes de martensite, sont ordonnées de manière différente : nn (ordre 1) pour

la variante M1ou nnn (ordre2) pour la martensite M2. (b) Représentation schématique des deux variantes M1 et

M2 à l’équilibre (position P1) et lors du déplacement de l’interface I (position P2).

Deux variantes distinctes M1 et M2 possèdent des paires d’atomes ordonnées de manière

différente : nnn (seconds voisins) et nn (premiers voisins) (figure 215). Quand l’interface se

déplace, une partie de variante de martensite M1, correspondant au volume balayé par

l’interface, se transforme en variante de martensite M2 et ses paires d’atomes prennent l’ordre

nnn. Cependant, les autres paires d’atomes de la variante M2 ont gardé l’ordre nn. La variante

M2 possède donc des paires d’atomes hors d’équilibre. Il y a alors augmentation de l’énergie

libre et création d’une force de rappel qui tend à ramener l’interface à sa position initiale [1,

2].

22- Stabilisation des interfaces

221- Effet de la stabilisation

Toute diffusion apparaissant dans le matériau peut entraîner des perturbations de la

transformation, et principalement une stabilisation de la martensite, totale ou partielle. De

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________49

nombreux travaux ont été effectués pour mieux connaître les effets de ces perturbations et

remonter à leurs causes [53, 91].

Une stabilisation de la martensite, lors d’un vieillissement de la martensite, a pour

conséquence directe :

¾ une augmentation des températures de transformation inverse As et Af (figure221) [57],

¾ une diminution de la quantité de martensite transformée lors de la transformation inverse

[92],

¾ une diminution de l'amortissement par rapport à une martensite non stabilisée.

Dans le cas d’une stabilisation totale, l’échantillon demeure martensitique, même pour des

températures largement supérieures à la température de transformation Ms.

102 103 104 105 106

Aging Time, t/s

(553, 308) (553, 293)

(453,323)

(453, 313)

(T , T )q a

0

5

10

15

20

∆As

/K

Figure 221. Effet de la stabilisation sur la température de transformation

As (∆As : variation de la température As) dans le cas du CuZnAl, avec

Tq température de trempe et Ta température du revenu (d’après [54]).

Tan et al. [96]. ont étudié l’effet d’un vieillissement en martensite (pour T<Ms) dans le cas du

CuZnAl par des mesures de résistivité électrique. Ils trouvent que la résistivité électrique

augmente avec le temps de revenu et en déduisent que la quantité de martensite stabilisée

augmente avec le temps du vieillissement. La transformation n’existe plus pour des temps

assez longs.

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_________________________________50

222- Cause du phénomène de stabilisation

La complexité de la microstructure (joints de grain, dislocations, précipités, impuretés...)

influence les propriétés macroscopiques et rend difficile toute théorie.

Cependant, trois hypothèses ont été avancées afin d'expliquer le phénomène de stabilisation

[35, 91]. Il serait dû à :

¾ un piégeage des interfaces entre les variantes par les lacunes de trempe en sursaturation,

¾ une remise en ordre de la martensite, ce qui est directement lié à la présence de lacunes en

sursaturation (la mise en ordre est contrôlée par la migration des lacunes),

¾ une modification de la structure des fautes d'empilement de la martensite par condensation

des lacunes de trempe.

Cependant, la troisième cause, proposée par Scarsbrook et al. [91] est restée longtemps

controversée et a été rejetée. En effet, des expériences ont démontré qu'il n'y a pas de

différences de fautes d'empilement entre une martensite stabilisée et une martensite non

stabilisée. Cependant les deux premières causes énumérées ci-dessus ne sont pas suffisantes

pour expliquer la stabilisation.

Delaey et al. [26] ont alors suggéré que la stabilisation pouvait être également due à une

déviation du plan d'habitat de la martensite.

Blocage par les lacunes

Nous venons de voir que la stabilisation est essentiellement due à la quantité de lacunes de

trempe en présence dans la solution solide.

La différence d'énergie de formation des lacunes entre la phase β (E=0.65eV) et la martensite

(1.3 eV) laisse clairement penser que la sursaturation en lacunes est plus importante pour la

phase martensitique que pour la phase austénitique (pour une concentration en lacunes

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________51

donnée). Ces lacunes se condensent (ou s'amassent) au niveau des interfaces : les interfaces se

bloquent et il y a stabilisation [15, 91].

Mantel [53] a mis en évidence l’importance de la vitesse de balayage en température sur le

blocage des interfaces par les lacunes, par des essais de résistivité électrique, de mesures

d’enthalpie et d’émission acoustique. Il a étudié la progression de la transformation inverse,

dans le cas d’alliages de CuZnAl, pour une même vitesse de chauffage moyenne lors de

chauffage avec des échelons de température différents. Chaque échelon conduit à un

déplacement des interfaces. Il a trouvé le résultat suivant : la stabilisation est plus importante

lorsque les échelons de température sont faibles que pour des grands échelons.

Morin [59] a observé des résultats similaires par des études de frottement intérieur. Il a

proposé l’explication suivante : les lacunes s'amassent dans les régions correspondant aux

positions extrêmes du volume balayé par l'interface. Ces interfaces s'ancrent à l'une des

positions extrêmes quand la condensation de lacunes est suffisante : il y a diminution de

l'amortissement (et augmentation du module).

Mise en ordre

Le paramètre d’ordre à longue distance peut être défini par la probabilité d’occupation des

sites par les atomes en négligeant les arrangements atomiques à courte distance. Mantel [53] a

étudié l’influence des lacunes sur la remise en ordre de la martensite.

La concentration de lacunes en sursaturation, produites par la transformation ou retenues lors

de la trempe, favorise un réarrangement atomique à longue distance en agissant directement

sur la mobilité des atomes [7, 76].

Lors de la transformation martensitique, la martensite hérite de l’ordre de la phase mère.

Janssen et al. [35] ont étudié la remise en ordre de la martensite dans le cas d’alliages de

CuZnAl, vieillis à une température TB>Ms pendant un temps tB.

Lors du vieillissement, il se produit une lente remise en ordre à courte distance [48, 100]. La

martensite se réordonne en un nouvel ordre que certains auteurs ont qualifiés d’Ordre X [25,

58].

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________52

Moreau [58] a émis cette hypothèse dans le cadre de son étude de la transformation β1→α’ 1

du CuAlBe et a supposé qu’on pouvait l’appliquer à la transformation β1→β’ 1. En se basant

sur la théorie d’Ahlers [1] sur l’effet caoutchoutique, il a considéré la remise en ordre des

paires d’atomes de martensite et surtout la permutation des paires d’atomes Cu-Al et/ou Cu-

Be comme l’une des causes de la stabilisation de la martensite.

Il a étudié particulièrement le vieillissement sous contrainte de la martensite. Pour cela, il a

maintenu sous contrainte (déformé à 10%) un monocristal de CuAlBe avec une température

de transformation Ms=-95°C pendant 24 heures à 75°C. Quand il relâche la contrainte, une

déformation résiduelle de la maille d’austénite apparaît. Par contre, quand le vieillissement

s’effectue à température ambiante, la déformation résiduelle est très faible. Il y aurait donc un

effet de la température sur la stabilisation de la martensite (phénomène thermiquement activé).

Lorsque la transformation inverse s’opère, l’austénite hérite du nouvel ordre de la martensite,

différent de celui qui existait avant la transformation martensitique (figure 222.1).

β1 β’ 1

σ

diffusion

βx β’ x

σ

diffusion

Ordre DO3

Figure 222.1. Mécanisme d’héritage de

l’ordre dans le CuAlBe [58].

Lorsque que l’austénite subit un vieillissement (sans contrainte), elle retrouve son ordre initial

avant vieillissement.

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_________________________________53

L’hypothèse de la remise en ordre à courte distance de Ahlers [1] est reprise également par

Marukawa et al. [54] qui a mesuré l’évolution des températures de transformation Ms et As en

fonction de la température de trempe Tq sur un échantillon de CuZnAl ordonné B2 (figure

222.2). La diminution des températures de transformation ne peut être seulement due à une

remise en ordre à longue distance. Il émet donc l’hypothèse que la stabilisation a son origine

dans le changement d’énergie libre entre les deux phases, dont la contribution la plus

importante est la remise en ordre à courte distance.

350 400 450 500 550 600270

280

290

300

310

320

330

340

As MsM

s, A

s /K

Tq /K

Figure 222.2. Mesure des températures de

transformation Ms et As en fonction de la

température de trempe Tq sur un échantillon

ordonné B2 [54].

Déviation du plan d’habitat

La microstructure de la martensite stabilisée, comme les relations cristallographiques existant

entre les différentes variantes de martensite et la phase mère, ne correspondent pas exactement

aux conditions d’invariance du plan d’habitat. Il y aurait donc déviation du plan d’habitat en

plus du phénomène de piégeage des interfaces par les lacunes et de la remise en ordre.

Le réarrangement atomique, dû à la remise en ordre, provoque une modification des

paramètres du réseau de la martensite (ceci après vieillissement) et entraîne une déviation du

plan d'habitat. Il y a diminution de la distorsion orthorhombique et l'angle β se rapproche de

90°C. On obtient une augmentation de la compacité. Après la stabilisation, les paramètres du

réseau deviennent quasi constants [26].

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________54

223- Eviter le phénomène de stabilisation

Après le traitement thermique d’homogénéisation, la trempe provoque l'apparition de lacunes

en sursaturation. Un vieillissement en phase β, juste après trempe, permet d’éliminer ces

lacunes et d’effectuer une remise en ordre qui retarde la stabilisation.

23- Amortissement

231- Généralités

L’amortissement dans les alliages à mémoire de forme a été étudié par des mesures de

frottement intérieur.

On applique une contrainte ou une déformation sinusoïdale et on mesure la dissipation de

l'énergie lors d'une période. On définit les coefficients suivants :

¾ le facteur de qualité Q-1,

¾ l’angle de déphasage ϕ entre la contrainte et la déformation,

¾ le décrément logarithmique des oscillations δ,

δ = π.Q-1 = π.tan ϕ = 1/n ln (Ao/An) = ½ ∆W/W (9)

avec Ao et An l’amplitude des oscillations 1 et (n+1), ∆W, l'énergie dissipée lors d'un cycle et

W l'énergie totale élastique (lors d'un cycle).

L'étude du frottement intérieur conduit à une meilleure compréhension de la relation existant

entre la microstructure (incluant les défauts) et d’autres propriétés fonctionnelles des alliages à

mémoire de forme (pseudoélasticité, effet mémoire de sens, effet mémoire double sens).

En effet, les alliages à mémoire de forme présentent de fortes valeurs d'amortissement, reliées

à la présence d’interfaces entre les variantes (en phase martensitique), ainsi que d’interfaces

entre la phase austénitique et la phase martensitique (pendant la transformation

martensitique). Ces interfaces peuvent se déplacer sous l’action d’une contrainte ou d’une

variation de la température [65].

Dans des expériences à haute fréquence (kHz), l’amortissement peut être également dû à la

présence de dislocations.

Page 18: II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre

Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________55

On note trois étapes dans l’évolution du frottement intérieur d’un polycristal en fonction de la

température, à basse fréquence (Hz) (figure 231b) :

¾ première étape : à basse température, la valeur de l'amortissement est assez élevée (de

l’ordre de 10-2). L’échantillon se trouve en phase martensitique et possède un grand nombre

d'interfaces intervariantes.

¾ deuxième étape : pendant la transformation martensitique, un maximum d'amortissement

est observé. On se trouve dans l'état mixte, avec un grand nombre d'interfaces entre la

phase austénitique et la phase martensitique puis en phase martensitique.

¾ troisième étape : à haute température, en absence d'interfaces, l'amortissement est très

faible.

Parallèlement, le module passe par un minimum pendant la transformation martensitique.

Dans le cas d’échantillon monovariant, l’amortissement en phase martensitique passe

également par les trois mêmes étapes (figure 231a). On observe également un maximum plus

étroit et moins élevé. De surcroît, la valeur de l’amortissement de la martensite est nettement

inférieur à celle l’amortissement d’un polycristal martensitique. En absence d’interfaces, le

frottement de la martensite est donc très faible. Il semble donc que l’amortissement à 1Hz ne

soit pas dû aux dislocations présentes dans l’échantillon [62].

Une diminution de la mobilité des interfaces entraîne une diminution du frottement intérieur.

Dans sa thèse, Delorme [27] a étudié le frottement intérieur d’alliages du type Fer-Nickel. Il a

démontré que l’arrêt du chauffage (ou du refroidissement) dans le domaine de transformation

conduisait à une chute de l’amortissement. Mercier et al. [56] ont trouvé des résultats

identiques dans des alliages TiNi. Van Humbeeck [98], quant à lui, a étudié la décroissance de

l’amortissement en fonction du temps sur des alliages à base-Cuivre, à température constante,

mais après un arrêt des oscillations.

Page 19: II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre

Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________56

L'amortissement est généralement fonction de la composition de l’alliage et de l’histoire de

l’échantillon. Pour cette raison, il s’avère difficile de comparer les mesures d’un auteur à

l’autre. Il est relié aux défauts de structures (lacunes, dislocations), présents dans la phase

martensitique, et à la concentration de ces différents types de défauts.

δ/10-2

- ∆TT

10

5

0100 200 300

T(K)

-.1

0

-.5

δ/10-2 - ∆T

T

10

5

0100 200 300

T(K)

-.2

-.1

0

.1

δ =3.6x10m-2

15

20

25

(a) (b)

Figure 231. Amortissement et module en fonction de la température dans le cas du CuZnAl : (a) pour un

monocristal, (b) pour un polycristal (�T = 1°C/min, ε =1.1x10-4, f = 1Hz) (d’après [60]).

Page 20: II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre

Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________57

232- Les différents modèles

L’amortissement, notamment dans les alliages à mémoire de forme, dépend de paramètres

externes, tels que la vitesse de balayage en température, �T , l'amplitude σo et la fréquence f

des oscillations [103]. Différents modèles ont été définis afin de mieux prendre en compte

l’influence de ces différents paramètres sur l’amortissement, pendant la transformation

martensitique ou en phase martensitique. Le frottement intérieur peut s’exprimer en fonction

de la contrainte oscillante appliquée, σ=σo sinωt, et de la composante anélasticité dεan

irréversible, présente pendant un cycle. ω est la pulsation (ω=2πf) et G le module élastique. La

fréquence utilisée est de l’ordre du Hz.

δσ

σ ε( )TG

do

an= ∫2 (10)

Cette composante anélastique provient de la déformation de réseau et prend la forme

suivante :

d kn

tdtanε

∂∂

= (11)

avec k une constante, n la fraction volumique de martensite.

Belko et Postnikov [9, 80] ont été les premiers à déterminer l’influence de divers paramètres

sur le frottement intérieur pendant la transformation martensitique du CoNi, ainsi que sur le

pic de transformation. Leurs résultats montrent que le frottement intérieur associé à la

transformation martensitique augmente avec la vitesse en température �T et augmente

également quand la fréquence diminue.

Ils en ont déduit que le frottement intérieur est proportionnel à la quantité de martensite

transformée par unité de température ∂∂n

T.

En vue de ces considérations, ils ont déterminé la valeur du frottement intérieur :

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________58

δω

∂∂

=Gba

kT

n

TT

2

� (12)

avec, b, une constante, a, la déformation de transformation, G, le module de cisaillement, ω,

la fréquence angulaire.

On remarque la dépendance du frottement intérieur envers la température.

Delorme et Gobin [27] ont repris cette étude et sont partis d'expériences de plasticité de

transformation, sur un alliage Fer-Nickel-Chrome, afin de déterminer l'expression de la

déformation de transformation dεp :

d k dnpε σ= (13)

Selon eux, dεan obéit à la même loi et augmente donc de façon linéaire avec la fraction

volumique transformée et la contrainte appliquée.

La fraction volumique de la phase transformée par unité de température peut s'écrire de la

façon suivante :

∂∂

∂∂

n

t

n

TT= � (14)

On émet l'hypothèse que la fraction volumique par unité de température de martensite formée

dans la direction de la contrainte, ∂∂n

T, est constante lors d'une oscillation. On obtient alors le

résultat suivant :

δ πω

= Gkdn

dT

T�(15)

Dans le cas de forces motrices assez faibles, une déformation de cisaillement, proportionnelle

au taux de volume transformé, apparaîtrait pendant la transformation. Dans ce cas, la

contrainte oscillante activerait certains systèmes de glissement, alors privilégiés, et

favoriserait la croissance de certaines variantes de martensite. On observe, dans ce cas, une

Page 22: II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre

Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________59

déformation plastique macroscopique dans le sens de la contrainte appliquée. On peut alors

déterminer l'expression de k :

kG

t

t=α ε( )2

∆(16)

avec α, la fraction de variantes orientées par la contrainte, ∆Gt, la force motrice moyenne de la

transformation.

Le modèle de Delorme laisse toutefois quelques doutes, notamment par l'existence de

différence entre les résultats expérimentaux et la théorie. En effet, la théorie proposée n'est

valable que si on peut négliger l'effet de la contrainte oscillante appliquée. D'autres études ont

tenté de palier ces difficultés en présentant de nouveaux modèles et Delorme a développé une

nouvelle théorie qui prenait en compte l'influence de la contrainte sur le frottement intérieur.

Selon eux, la contrainte appliquée, σo, ne contribue à la transformation que dans le cas où sa

direction correspond à la direction des variantes transformées. Il en résulte que la déformation

anélastique, dεan, est indépendante de la contrainte σo.

d kdnanε = (17)

Ce qui donne finalement l'expression suivante :

δ∂∂ ωσ

= 4Gkn

T

T

o

(18)

Dejonghe et al [22] ont poursuivi cette étude en considérant que la fraction volumique

transformée par unité de temps dépendait également de la contrainte. Le frottement intérieur

ne se résume pas, selon eux, à un unique terme dépendant de la vitesse �T et de la fréquence.

En effet, quand on annule �T , le frottement intérieur diminue mais ne s’annule pas. On devrait

donc obtenir une relation du type :

δ = α �T +β (19)

α et β sont des valeurs positives et quand �T s’annule, il ne reste que le second terme : β.

On considère à présent l’influence de la contrainte que le taux de martensite transformée et

l'équation n° 14 devient alors :

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________60

dn

dt

n

TT

n= +∂∂

∂∂σ

σ�

� (20)

Le matériau pourrait alors se transformer sous l'action de la contrainte oscillante. De plus, on

considère également la martensite formée pendant une oscillation.

A l'expression de δ donnée par Delorme s'ajoute le terme dépendant de la contrainte et

l'expression du frottement intérieur devient alors :

δ π∂∂ ω π

σ∂∂σ

σσ

= + −

. . .

k Gn

T

T no

c

o

2

31

3

(21)

avec k une constante, σc, la contrainte critique nécessaire pour faire bouger les interfaces, σo,

l'amplitude des oscillations (contrainte dynamique appliquée).

Si la contrainte oscillante devient très supérieure à la contrainte critique, le terme en contrainte

s’annule et on retrouve la formulation de Delorme. Pour des mesures de températures

constantes, on obtient alors un faible pic d'amortissement dont la hauteur dépend de la

contrainte oscillante σo.

Bidaux et al. [12] ont développé un autre modèle en se basant sur la loi de Clausius-

Clapeyron. Leur modèle redéfinit le rôle de la contrainte oscillante sur la transformation et se

base sur son influence sur le taux de martensite transformée. On trouve donc l'équation

suivante :

∂∂

∂∂

α σn

t

n

TT= +( � . � ) (22)

avec α (αε

=v

S

t

∆), le facteur de Clausius-Clapeyron, v le volume molaire et ∆S le changement

d'entropie de la transformation.

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________61

Q-1

Tr

Q-1

PT

Q-1

int

Mf Ms

Figure 232. Représentation schématique de l’amortissement et du module en fonction

de la température [102].

Stoiber et al. [94, 95] ont étudié les effets de la microstructure et notamment de la taille des

grains, ainsi que ceux de l'effet mémoire double sens sur le frottement intérieur. Selon eux, le

maximum d'amortissement dépend entièrement de la microstructure et décroît avec la taille

des grains. De même l'effet mémoire double sens a pour effet de diminuer le maximum du pic

et de l'élargir.

On retrouve dans chaque théorie le terme en contrainte et le terme en �T

f. Cependant

l’amortissement dépend également de la microstructure du matériau étudié. Morin [61] a alors

décomposé le frottement intérieur en trois parties :

δ = δ1 + δ2 + δ3 (23)

¾ δ1 ne dépend pas de la vitesse de balayage ni du nombre d'oscillations.

¾ δ2 diminue avec les oscillations. Un maximum léger apparaît lors de la transformation.

¾ δ3 dépend de la vitesse de balayage dans la zone de transformation et vérifie le modèle de

Delorme.

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________62

Bidaux et al. [12] ont repris cette théorie avec des termes légèrement différents et considèrent

la décomposition suivante (figure 232) [74, 75] :

δ δ δ δtot Tr PT= + + int (24)

La contribution δint , dite "intrinsèque", correspond à l'amortissement généré par les deux

phases en présence et peut s'écrire en fonction de l'amortissement intrinsèque de la phase

mère,δaust, et de la phase martensitique δmart. Elle dépend donc seulement de la microstructure

de chaque phase.

On a donc :

δ δ δint ( )= + −V Vmart aust1 (25)

V étant la fraction volumique de la phase martensitique.

Il faut noter que l'amortissement intrinsèque de la phase mère est en général inférieur à celui

de la phase martensitique. On explique ce phénomène de la façon suivante : selon Van

Humbeeck [102], les dislocations seraient plus mobiles dans la phase martensitique que dans

la phase austénitique, ce qui conduirait à un amortissement plus important. Cependant, cette

hypothèse ne se vérifie pas dans le cas de monocristaux. Morin et al. [63] ont alors suggéré

que le fort amortissement viendrait des interfaces. Néanmoins, l'amortissement est également

dépendant de la présence de défauts dans la phase martensitique et de la mobilité de ceux-ci

(problèmes d'ancrage).

La contribution δPT est associée à la transformation de phase et ne dépend donc pas de la

vitesse de la température �T .

Selon Dejonghe et al. [22], δPT correspond à un maximum de mobilité des interfaces lors de

la transformation et donc à un maximum de fraction volumique transformée par unité de

contrainte, ∂

∂σn

T( ). Pour une température constante ou pour une fréquence très élevée, le

terme "transitoire" s'annule et il ne reste que la contribution qui dépend de l'amplitude.

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________63

δPT correspondrait au maximum d'amortissement rencontré lors d'une mesure en isotherme.

La contribution δTr, terme transitoire, est la contribution la plus importante du frottement

intérieur. Il dépend de la vitesse de balayage �T , de la fréquence f et de l’amplitude σ0 des

oscillations. De plus, il n’existe que lors du chauffage ou du refroidissement.

D'autres modèles, pour des études de frottement intérieur à haute fréquence, ont été proposés

mais nous ne les développeront pas ici :

¾ celui de Mercier et Melton [55] suggère un mécanisme de dislocations, qui tient compte de

l'effet de l'anisotropie sur l'énergie élastique des dislocations (pour de faibles fréquences);

¾ celui de Koshimizu [43, 44] a déterminé l'expression du frottement intérieur par une

approximation de Landau (calculs théoriques) (pour des fréquences de l’ordre du kHz).

¾ celui de Kustov [46, 47] sépare δPT en deux termes : l'un dépendant de l'amplitude, l'autre

indépendant de l'amplitude (mesures effectuées à des fréquences de l'ordre de 100kHz).

233- Les principaux résultats en frottement intérieur

Deux types de mesures de frottement intérieur ont été effectuées : des mesures à basse

fréquence (de l’ordre du Hz) et des mesures à de hautes fréquences (de l’ordre du kHz).

Dans un premier temps, nous allons étudier les résultats obtenus lors d’essais à basse

fréquence.

Influence de la vitesse de la température

Le maximum d’amortissement, associé à la transformation martensitique et mesuré à de

faibles fréquences, dépend de la vitesse de balayage en température. Le pic observé est

d’autant plus important que cette vitesse est grande (figure 233.1) [32].

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________64

Figure 233.1. Evolution du maximum d’amortissement en fonction de la vitesse de

balayage en température dans le cas du CuZnAl (ε =4x10-4, f =5Hz) (d’après

[32]).

Cependant, Van Humbeeck et al. [98] ont observé que l’amortissement du CuZnAl décroissait

quand on arrêtait les oscillations pendant la transformation martensitique. Ils ont mesuré

l'amortissement en fonction du temps à une vitesse�T nulle, pour des fréquences comprises

entre 5 et 80Hz. Ils ont alors noté que l’amortissement passe par un maximum avant de

décroître (figure 233.2).

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________65

Figure 233.2. Amortissement en fonction du temps à �T = 0 pour différentes

températures (ε = 2.4x10-4, f =40Hz) (d’après [98]).

Selon Morin et al. [64]. La décroissance enregistrée par le frottement intérieur semblerait due

à un phénomène de migration des défauts ponctuels (lacunes) et de piégeages des interfaces

martensite/martensite par ces défauts qui s’accumuleraient le long des interfaces [109].

Néanmoins, le frottement intérieur peut être restauré par un début de chauffage ou

refroidissement. De même, lorsque l’on effectue un arrêt des cycles de déformation, ou alors

quand l’amplitude des oscillations est modifiée, le frottement intérieur est restauré (figures

233.3 et 233.4) [56, 60].

Page 29: II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre

Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________66

Figure 233.3. Restauration de

l’amortissement après une variation de la

déformation (T= 20°C, ε = 2.4x 10-4 puis

9.6x10-4, f = 40Hz) (d’après [98]).

Figure 233.4. Restauration de l’amortissement après un arrêt

des oscillations (T= 20°C, ε = 2.4x 10-4, f = 40Hz) (d’après

[98]).

TK

K T-1 -1

ln t 320 300 280 260

3.0 3.5

10

5

Figure 233.5. Temps pour lequel le maximum

d’amortissement est atteint en fonction de 1/T (ε = 2.4x

10-4, f = 40Hz) (d’après [98]).

Van Humbeeck a trouvé un comportement linéaire (en échelle logarithmique) du temps pour

lequel le maximum d’amortissement est atteint en fonction de l’inverse de la température

(figure 233.5). Plus la température est élevée, plus la vitesse de diffusion des lacunes est

importante. Par conséquent la stabilisation est plus rapide.

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________67

Influence de l’amplitude des oscillations

L’amortissement du CuZnAl dépend étroitement de l’amplitude des oscillations.

Van Humbeeck et al. [98] ont mesuré l’amortissement en fonction du temps et pour plusieurs

valeurs de déformation (figure 233.6). Le temps pour lequel l’amortissement atteint sa valeur

maximale est reporté en fonction de l’amplitude de déformation (figure 233.7). Ils ont trouvé

un comportement linéaire du temps en fonction de la déformation. Le processus d’ancrage

s’atténue quand l’amplitude augmente et le temps nécessaire pour la stabilisation est plus

long.

η

1 2 3 4 5 ks2 0.6x10-4

1.2x10-4

2.4x10-4

4

4.8x10-4

e = 9.6x10-4

6

102

t0

t ks

6

4

2

2 4 6 8 ex104

Figure 233.6. Mesure de l’amortissement du CuZnAl

en fonction de la température et pour plusieurs

valeurs d’amplitude (T= 20°C, f = 40Hz) (d’après

[98]).

Figure 233.7. Temps pour lequel le maximum de

l’amortissement est atteint en fonction de l’amplitude

e (T= 20°C, f= 40Hz) (d’après [98]).

Influence de la fréquence

Dans le cas des résultats présentés ci-dessous, on voit nettement une dépendance du

frottement intérieur vis-à-vis de la fréquence (figure 233.8).

Haouriki [32] a mesuré l’amortissement en fonction du temps pour plusieurs fréquences de

0.1 à 7Hz. Il a trouvé une évolution du maximum d’amortissement avec la fréquence, ainsi

qu’une évolution du temps pour lequel ce maximum est atteint. Il a émis l’hypothèse d’un

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________68

piégeage des interfaces par des lacunes. Ce piégeage serait proportionnel au nombre

d’oscillations du pendule ; il existerait alors un balayage des lacunes par les interfaces.

.5

0

-.5

-1

7Hz

2Hz

5Hz

1Hz

0.5Hz

0.1Hz

7Hz

1Hz

9

8

7

6

5

4

3

2

1

02 4 6 8 10 12 14 16 18 20

temps en ks

T=253Kε=4x10-4

TgΦ

x 1

02

Figure 233.8. Influence de la fréquence sur l’amortissement et le module du

CuZnAl mesurés en fonction du temps à température constante (T = -20°C, ε =

4x10-4) (d’après [32]).

Influence de la déformation nominale

L’application d’une déformation nominale superposée aux oscillations a été étudiée par

Haouriki [32] pendant la transformation inverse d’un alliage CuZnAl (figure 233.9). Il a

observé une brusque augmentation de l’amortissement, ainsi qu’une diminution du module. Il

a expliqué ce comportement par une croissance de certaines variantes au détriment d’autres

variantes, ce qui provoquerait un déblocage des interfaces piégées par les lacunes. Après

quelques minutes de mesures, les lacunes piégeraient à nouveau les interfaces.

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________69

Figure 233.9. Effet d’une déformation nominale superposée aux oscillations pendant la

transformation inverse pour un alliage de CuZnAl à une température de 323K (ε =4x10-4,

f=0.05Hz, �T =0.15K/min) [32].

Résultats au kHz

Certains auteurs [44, 106] ont montré que le frottement intérieur mesuré à haute fréquence ne

dépendait ni de la fréquence des oscillations, ni de la vitesse de la température. Cependant,

l’amplitude des oscillations reste, même à haute fréquence, un facteur très influent sur la

valeur du frottement intérieur.

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________70

COOLING RATE 20K/MIN

TEMPERATURE(K)

FR

EQ

UE

NC

Y(H

Z)

INT

ER

NA

L F

RIC

TIO

N

X 1

000

1

2

3

4

1: STRAIN AMP. 2.7x10

2: - - 9.5x10

3: - - 2.9x10

4: - - 9.5x10

-5

-6

-6

-7

4000

3898

3694

3796

3592

3490

7.0

5.6

4.2

2.8

1.4

0.0210 242 274 306 338 370

Figure 233.10. Mesure de l’amortissement et du module sur de CuZnAl en fonction du

temps et pour plusieurs valeurs d’amplitude (et pour de hautes fréquences) [44]).

Figure 233.11. Mesure de l’amortissement en fonction de l’amplitude sur du CuZnAl

(pour des fréquences de l’ordre du khz) (d’après [42]).

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________71

L’effet de l’amplitude a été étudié par Koshimizu [44] et par Dejonghe [21] pour des

fréquences de l’ordre du kHz. Ils ont mesuré l’amortissement en fonction de la température

pour plusieurs déformation (entre 10-7 et 10-4) (figure 233.10) et ont défini trois domaines

d’amplitude (figure 233.11) et expliquent l’évolution de l’amortissement en fonction de

l’amplitude par des mouvements de dislocations [20]:

¾ pour de très faibles amplitudes, on a un désancrage des dislocations (domaine C).

¾ à amplitude intermédiaire : on a une interaction entre les dislocations et les points d'ancrage

(domaine B). L’amortissement reste relativement stable.

¾ pour de fortes amplitudes, les interfaces intervariantes peuvent se déplacer :

l’amortissement augmente (domaine A).

24- Conclusion

De nombreuses études ont été effectuées afin de mieux cerner le comportement des interfaces

et leur influence sur les propriétés des alliages à mémoire de forme.

La transformation martensitique s’opère par déplacement des interfaces entre la martensite et

l’austénite. Deux types de transformation sont possibles : une transformation thermique, avec

des variantes autoaccommodantes, et une transformation induite par une contrainte, pour

laquelle la croissance des variantes est orientée. Certaines expériences ont été alors effectuées

sur des monocristaux, dans lesquels il n’existe plus qu’une unique variante et une unique

interface que l’on peut plus aisément étudier.

De nombreux auteurs ont étudié la stabilisation des interfaces. Trois causes principales ont été

mises en évidence pour expliquer ce phénomène : un piégeage des interfaces par les lacunes,

une remise en ordre de la martensite et une déviation du plan d’habitat.

La stabilisation des interfaces peut être étudiée par des essais de frottement intérieur.

L’amortissement a été mesuré lors de la transformation martensitique ou en fonction du temps

en phase martensitique, pour plusieurs matériaux et en particulier pour le CuZnAl. L’accent a

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Chap II- Comportement des interfaces dans les alliages base-Cuivre._________________________________________________________________________________________

_________________________________72

été mis sur l’interaction qui pouvait exister entre les défauts ponctuels (lacunes) et les

interfaces en mouvement. Ces études ont permis de corréler la quantité de lacunes de trempe

avec la stabilisation, plus ou moins rapide, de la martensite.

Le frottement intérieur peut être restauré, soit en appliquant une variation de température ou

de déformation, soit en arrêtant les oscillations pendant un temps donné.

De nombreux modèles, exposés dans ce chapitre, ont été élaborés afin de rendre compte de

l’influence de différents paramètres, tels la fréquence, la température et l’amplitude des

oscillations.

Malgré les différentes interprétations proposées pour expliquer la stabilisation des interfaces,

il plane toujours un doute quant à la cause réelle de ce phénomène. Notre travail a

principalement constitué en une réflexion sur le déplacement des interfaces pendant la

transformation martensitique sous contrainte et l’interaction des interfaces avec les défauts

existant dans le matériau.