Impact des barrages sur les populations du Mali - PREM Upper Niger_french (2).pdf · populations, ce barrage ne comportera que des avantages. Toute une série d’impacts directs

Impact des barrages sur les populations du Mali 1

Impact des barrages sur les populations du Mali

2 Impact des barrages sur les populations du Mali

La présente étude a vocation à démontrer que les décisions de gestion des

barrages, prises individuellement, dans le Niger supérieur ont de profondes

répercussions sur les avantages de distribution, environnementaux, économiques et

sociaux pour les populations dans différentes parties du bassin. L’on a déjà assisté

à une redistribution importante entre différents secteurs et communautés dans les

différents régions et pays. Lorsque l’on prend en compte un ou plusieurs projets

de barrages programmés, il y a lieu de s’attendre à ce que les impacts soient plus

marqués et amplifiés. Il s’ensuivrait d’importants changements du mode de vie et

des valeurs de la nature dans le delta intérieur du Niger. L’investissement dans les

politiques et les décisions de gestion relatives à l’infrastructure hydraulique doivent

prendre pleinement en compte ces faits afin de générer les meilleurs résultats pour

les populations du Mali, leurs moyens de subsistance et leur environnement.


Dans un proche avenir, il sera nécessaire de prendre plusieurs décisions concernant l’utilisation de l’eau du fleuve dans le bassin du Niger supérieur. Les principales décisions ont trait à la construction de quatre barrages prévus : Tossaye, Talo, Djenné et Fomi (qui sont passés en revue de manière détaillée dans le présent document). D’autres décisions concernent la gestion de l’eau, notamment l’extension du système d’irrigation existant dans l’Office du Niger (barrage de Markala).

Impact des barrages sur les populations du Mali

The Niger river and Inner Niger Delta

in West Africa

La présente brochure constitue une base pour la prise de décision relative à l’utilisation de l’eau du Niger supérieur. Elle ne dit pas ce qu’il y a lieu de faire ou de ne pas faire ; elle met seulement en évidence les faits concernant les coûts et les avantages, les gagnants et les perdants.

La présente brochure repose sur des travaux de recherche qui passent en revue les options de gestion de l’eau dans le Niger supérieur1. Elle porte, en particulier, sur les barrages de Sélingué et Markala au Mali, d’une part, et sur le barrage de Fomi dont la construction est prévue dans la partie orientale de la Guinée. La brochure présente les coûts et avantages des trois barrages, ainsi que les secteurs, régions et communautés dans les deux pays qui perdent ou gagnent. Nous ne tirons pas de conclusions sur les meilleures options de gestion de l’eau dans le Niger supérieur ; il appartient au lecteur de tirer ces conclusions. Les informations contenues dans la présente brochure visent à assurer une prise de décision mieux éclairée tout en étant pleinement conscient des conséquences.

Fleuve NigerDelta intérieur

1. Les informations de base et

les faits sont disponibles sur

www.wetlands.org/ind.


Résultats nets des barragesTous les barrages étudiés comportent des avantages pour des groupes donnés de populations et entraînent des coûts pour d’autres. Les populations en aval n’accusent que des pertes, du fait de ces barrages, même dans les cas où, en moyenne, le pays ou la région en tire parti. Le barrage de Fomi dont la construction est prévue en Guinée entraîne cependant beaucoup plus de coûts nets que d’avantages. Une fois de plus, pour certains groupes de populations, ce barrage ne comportera que des avantages.

Toute une série d’impacts directs et indirects des barrages ont été étudiés. Nous avons calculé les coûts de la construction des barrages, les coûts d’entretien, la production d’électricité et les recettes tirées des zones irriguées. Nous nous sommes penchés également sur les impacts plus indirects en amont et en aval par rapport à la baisse des niveaux d’eau.

Nous avons traduit tous ces gains et pertes en termes financiers sous forme de revenus bruts. La situation est la suivante pour les barrages existants de Markala (irrigation de l’Office du Niger) et de Sélingué, et le barrage de Fomi dont la construction est prévue. Le tableau ci-dessous présente les résultats finaux nets, lorsque l’on prend en compte tous les coûts et avantages.

Le tableau ci-dessous présente les résultats finaux ; le Tableau 1

pour l’ensemble de la région ; le Tableau 2 pour les populations, prises individuellement.

Tableau 1 : Avantages ou pertes annuels nets des barrages étudiés

(Mali et Guinée)

Tableau 2 : Avantages annuels connexes du fleuve par personne

Les Tableaux 1 et 2 montrent que les deux barrages existants comportent des avantages nets. Tel n’est pas le cas pour le barrage de Fomi en Guinée. Les coûts financiers ne sont compensés qu’en partie par les avantages (essentiellement l’électricité). Par ailleurs, les pertes indirectes pour la pêche, le bétail et la biodiversité en aval dépassent ces avantages.

Barrage de Sélingué 5 millions €

Barrage de Markala pour l’Office du Niger 22 millions €

Fomi – 35 millions €

Avantages tirés du fleuve sans les barrages 44 €

Barrage de Sélingué 48 €

Barrages de Sélingué et de Markala (OND) 68 €

Barrages de Sélingué, Markala et Fomi 52 €

Source : Zwarts et al (2005) le Niger – un lien vital. Riza, NL



Au fil des siècles, les populations d’Afrique de l’Ouest ont utilisé le fleuve Niger et le delta intérieur du Niger pour la pêche, le transport, l’agriculture et le pâturage des animaux. Dans la zone sèche du sahel occidental, l’eau de ce système fluvial était et demeure essentielle pour la vie.

Plus récemment, l’eau du fleuve a été utilisée également pour la production de l’hydroélectricité et l’irrigation de terres naguère sèches. Beaucoup de personnes tirent parti de ces infrastructures. Les zones irriguées assurent une production alimentaire stable et un approvisionnement sûr en électricité. Cependant, d’autres populations pâtissent lorsque le niveau d’eau baisse et que la superficie des plaines alluviales inondées diminue chaque année, du fait de ces utilisations. Par exemple, la pêche, la navigation et la zone d’inondation qui fournit le pâturage pour le bétail et assure l’agriculture dans le delta intérieur du Niger en pâtissent. De même, les richesses naturelles de ces zones sont affectées, lorsque des millions d’oiseaux aquatiques perdent leurs zones d’hivernage importantes.

Tableau 3 : Coûts ou avantages annuels des barrages pour plusieurs secteurs

au Mali et en Guinée

Barrage de

SélinguéBarrage de

l’Office du Niger (Markala)

Barrage de Fomi

Valeur pour :

l’agriculture 152,439.02 € 36,280,487.80 € 6,250,000.00 €

l’élevage 152,439.02 € 0.00 € – 1,981,707.32 €

la pêche – 4,268,292.68 € – 1,219,512.20 € – 9,146,341.46 €

la biodiversité – 457,317.07 € 0.00 € – 5,030,487.80 €

le transport 304,878.05 € – 152,439.02 € – 152,439.02 €

l’électricité 10,670,731.71 € 0.00 € 17,987,804.88 €

Avantages totaux 6,707,317.07 € 34,756,097.56 € 7,621,951.22 €

Coûts totaux 3,963,414.63 € 22,256,097.56 € 27,743,902.44 €

Valeur nette 2,743,902.44 € 12,500,000.00 € – 20,121,951.22 €

Secteurs : gagnants et perdant

Lorsque l’on passe en revue les différents secteurs, il va sans

dire que certains gagnent et que d’autres perdent, du fait de la

construction des barrages. La figure ci-dessous présente l’impact

des trois barrages séparément pour un secteur donné au niveau

national.

Différents secteurs dans des zones telles que le delta intérieur du

Niger reflètent également différents groupes ethniques. Les Bozo

et Somono sont des pêcheurs ; les Peulh sont des éleveurs, tandis

que les Marka, les Bambara et les Sonrai sont des agriculteurs.

Par conséquent, lorsqu’un secteur est durement touché, toute une

communauté en paie le tribut. Pour ces populations, changer de

profession revient en fait à abandonner leur culture.

‘Gagnants et perdants’



Régions : gagnantes et perdantesTous les barrages prélèvent une partie de l’eau précieuse dans cet environnement sec. Ceci est particulièrement vrai pour les barrages utilisés à des fins d’irrigation, notamment le barrage de Markala dans l’Office du Niger. Le graphique ci-dessous présente les débits d’eau et l’impact des barrages existants.

Sur une base annuelle, la perte de débit en aval provoquée par les barrages existants et prévus est assez limitée (11,6 %). Cependant, l’impact de cette quantité fixe est beaucoup plus élevé en saison sèche, lorsque jusqu’à 70 % du débit total de l’eau sont perdus. A l’heure actuelle, la quantité d’eau prélevée par les barrages de Markala et de Sélingué avec des débits faibles et élevés du fleuve Niger en saison des pluies s’élève respectivement à 30 % (faibles inondations) et seulement à 6 % (inondations importantes). L’impact de ce montant fixe est naturellement beaucoup plus élevé en saison sèche. Au cours de ces périodes, la réduction atteint 70 % du débit total.

La réduction de la quantité d’eau disponible en aval dans le delta intérieur du Niger entraîne une réduction de la zone inondée des plaines alluviales. A son tour, ceci a un impact direct sur l’élevage, la riziculture et la pêche qui en sont tributaires. Les graphiques ci-dessous illustrent clairement cette corrélation directe pour la

Banankoro: 24,5 km3

SOTUBA (– 0,2 km3)

MARKALA (– 2,69 km3)

DJAKA

TOSSAYE

INNER NIGERDELTA

Koulkoro: 32,5 km3

Diré: 23,1 km3

Ké-Macina: 28,2 km3

Douna: 7,2 km3

Sélengué: 8,1 km3

TALO BANI

BALEFAYA

FOMI

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NIF

ING

BA

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SÉLENGUÉ (– 0,83 km3)

Figure 1 : Débit d’eau du système fluvial du Niger et impact des barrages. (Les lignes rouges représentent les barrages existants et les lignes en pointillés les barrages prévus)

So

urce : Zw

arts et al (20

05

) le Nig

er – un lien vital. Riza, N

L

Figure 1: Corrélation étroite entre l’eau et le commerce de poisson.



pêche, exprimée en poids de poisson vendu. D’autres secteurs dans le delta intérieur du Niger pourraient présenter une situation similaire.

Tableau 4 : Impact des barrages existants au Mali

Nom de la zone Superficie Population Evolution démographique (annuelle, dernières

décennies)

Impact des barrages

Mali (total) 1 240 000 8 810 911 2,43% Electricité supplémentaire et stableAccroissement de la production alimentaire

Perte de la biodiversité, de la navigation et de la production piscicole

Delta intérieur du Niger 30 000 km2 (inondés) 1 107 791 0,7% Baisse de la production de bétail, des prises de poisson, de la production agricole et de la navigation

Zone de Sélingué 13,5 km2 (irrigués) 123 535 2,96% Perte de terres agricoles et de pâturages (conséquence du lac de 50 km2) ; zones nouvellement irriguées et production piscicole

Office du Niger 740 km2 (irrigués) 270 289 5-10% Zones nouvellement irriguées


Le tableau ci-dessous présente l’impact des barrages existants sur les différentes régions. L’évolution de la population constitue un indicateur manifeste pour les régions qui gagnent ou perdent. Bien que la population malienne en général croisse à un rythme élevé, il va sans dire que la croissance démographique stagne pour ainsi dire dans le delta intérieur du Niger.


2. Les chiffres concernent

plusieurs dates au cours de

la dernière décennie ; selon la

disponibilité des données.

Impact des barrages sur différents secteurs dans différentes régionsLa présentation des secteurs qui gagnent et perdent ne reflète la vérité qu’en partie. Il en va de même pour les régions qui gagnent et perdent. Les trois tableaux ci-dessous présentent la ventilation de l’impact sur les secteurs dans chaque région, indiquant exactement celles qui gagnent et celles qui perdent2.

Selingué damLe barrage de Sélingué (1980) a été construit afin de produire de l’électricité, essentiellement pour Bamako (la capitale du Mali). Il existe également quelques activités d’irrigation et de pêche connexes. Par ailleurs, 13 500 personnes vivant dans la vallée du Sankarani ont perdu leurs maisons, terres de pâturage, vergers et autres terres agricoles.


Office du NigerL’Office du Niger est une zone agricole. Le barrage de Markala permet l’irrigation par gravité. Avec 74 000 ha, il constitue le principal projet d’irrigation en Afrique de l’Ouest et est primordial pour la production rizicole du Mali.

L’extension de la zone irriguée de l’Office du Niger est réalisable et peut être assurée grâce à de nouvelles mesures d’amélioration de l’efficacité de l’utilisation de l’eau du système. Cependant, l’accroissement du prélèvement d’eau dans le fleuve Niger aurait un impact négatif considérable sur le delta intérieur du Niger.

En raison du réservoir de Sélingué et de l’irrigation dans l’Office du Niger, le niveau d’eau dans le delta intérieur du Niger a baissé de 20 à 25 cm. Compte tenu de la baisse des niveaux d’eau, la zone inondée du delta intérieur du Niger a diminué de 900 km2. Le Tableau 5 en présente clairement l’impact. L’on s’attend également à ce que la baisse du niveau d’eau réduise de 62 % la superficie des champs de « bourgou » flottants. Outre sa valeur écologique,

Tableau 5 : Impact des barrages existants sur les zones étudiées

Inondé sans barrage

Impact des barrages sur le delta

intérieur du Niger

Impact des barrages sur

l’Office du Niger

Impact des barrages sur la zone de

Sélingué

Riz (tonnes) 99 200 – 13 200 + 333 078 + 6 000 / 7 500 t.

Production piscicole (tonnes)

54 000 - 133 000

– 4 100 0 + 4 000 t.

Cheptel bovin 1 260 000 – 60 000 + 99 000 – (negative, unknown)

Nombre d’oiseaux qui y séjournent en hiver

3 000 000 - 4 000 000

Impact négatif (réduction de la

reproduction pouvant atteindre 4 %)

+ 595,155 + 20,000


le bourgou est indispensable comme aire de croissance pour les alevins et comme pâturage pour le bétail.

Dans leur lieu d’implantation, l’impact de ces barrages est essentiellement positif, en particulier pour le barrage de Markala dont l’unique but consiste à créer de nouvelles terres agricoles. Il en va de même pour le barrage de Sélingué dont la fourniture d’énergie constitue l’objectif principal. Même certaines populations d’oiseaux aquatiques sont à présent tributaires de terres humides connexes nouvellement créées. Cependant, le delta intérieur du Niger et son million d’habitants sont perdants sur tous les plans.


Tableau 6 : Impacts supplémentaires du barrage de Fomi sur les différents secteurs dans les zones étudiée

IND sans barrage

Impact du barrage de Fomi sur le

delta intérieur du Niger

Impact du barrage de

Fomi sur l’Office du

Niger


Fomi sur la zone de

Sélingué


Fomi sur la zone de

Fomi

Riz (tonnes) 99 200 – 34 000 0 0 -


54 000 - 133 000

– 8 500 0 0 + 4000 t.

Bétail 1 260 000– 24 000/

48 0000 0 -

Biodiversité (oiseaux aquatiques)

3 000 000 - 4 000 000

Impact négatif : perte de 60 % des principaux

habitats (Bourgou) ; disparition de

populations.

0 0 ?

Barrage de FomiLa construction du barrage de Fomi en Guinée est prévue essentiellement pour la production d’électricité. De même, le lac du barrage créera probablement des opportunités pour la production piscicole. Les zones périphériques du lac pourraient être adaptées ou non à l’élevage bovin et à d’autres types d’élevage et pour l’agriculture et pourraient offrir des opportunités pour les oiseaux aquatiques. L’impact négatif sur les zones en aval (essentiellement au Mali) est cependant considérable.

Figure 3 : Impact du barrage de Fomi sur la zone inondée du delta

intérieur du Niger : (les zones rouges ne seront plus inondées)


Les niveaux d’eau dans le delta intérieur du Niger baisseront de nouveau de 45 cm si le barrage de Fomi était construit. La zone inondée sera davantage réduite de 1 400 km2. Avec le barrage de Fomi, la saison opérationnelle du fleuve Niger, pour les grands bateaux, serait réduite en raison de la période de disponibilité plus courte des eaux profondes. Le Tableau 6 présente l’impact escompté du barrage sur les secteurs dans les différentes régions.

Si le barrage de Fomi était construit, l’impact sur les populations qui dépendent de la pêche, de la production rizicole ou de l’élevage dans le delta intérieur du Niger serait catastrophique. Le barrage de Fomi pourrait également entraîner une réduction importante des populations d’espèces tant résidentes que migratoires d’oiseaux aquatiques. Les dernières colonies nicheuses importantes de cormorans, d’ibis, de hérons et d’aigrettes en Afrique de l’Ouest seraient poussées jusqu’à leurs derniers retranchements.


Tableau 6 : Impacts supplémentaires du barrage de Fomi sur les différents secteurs dans les zones étudiée

IND sans barrage

Impact du barrage de Fomi sur le

delta intérieur du Niger


Fomi sur l’Office du

Niger


Fomi sur la zone de

Sélingué


Fomi sur la zone de

Fomi

Riz (tonnes) 99 200 – 34 000 0 0 -


54 000 - 133 000

– 8 500 0 0 + 4000 t.

Bétail 1 260 000– 24 000/

48 0000 0 -

Biodiversité (oiseaux aquatiques)

3 000 000 - 4 000 000

Impact négatif : perte de 60 % des principaux

habitats (Bourgou) ; disparition de

populations.

0 0 ?

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Publié par : Wetlands International

Financement : Ministère Néerlandais des affaires étrangères

Sources d’informations : Leo Zwarts (RIZA),

Pieter van Beukering (IVN), Bakary Koné (Wetlands

International), Eddy Wymenga (A&W)

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Conception : Coen Mulder

Photo : Leo Zwarts

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