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INTELLIGENCE
ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
QUELS DĂFIS POUR LES ENTREPRISES ?
Le BCG est un cabinet international de conseil en management et le leader mondial du conseil en stratĂ©gie dâentreprise. Nous travaillons avec des clients de tous les secteurs partout dans le monde pour identifier ensemble les meilleures opportunitĂ©s, les aider Ă affronter leurs dĂ©fis et faire Ă©voluer leurs activitĂ©s. A travers une approche personnalisĂ©e, nous leur apportons notre vision de la dynamique des entreprises et des marchĂ©s ainsi que notre expertise Ă chaque niveau de leur organisation. Nous leur garantissons ainsi un avantage concurrentiel durable, des organisations plus performantes et des rĂ©sultats pĂ©rennes. FondĂ© en 1963, le BCG est une entreprise privĂ©e prĂ©sente dans 48 pays avec 85 bureaux. Plus dâinformations sur www.bcg.fr
En 2016, BCG a lancĂ© BCG GAMMA, une entitĂ© mondiale du BCG dĂ©diĂ©e Ă la Data Science et Ă lâIntelligence artificielle. BCG Gamma construit et dĂ©ploie des solutions algorithmiques innovantes Ă fort impact business pour les directions gĂ©nĂ©rales des entreprises sous la responsabilitĂ© de Sylvain Duranton, directeur associĂ© senior au BCG basĂ© Ă Paris.
The Boston Consulting Group (BCG)
Malakoff MĂ©dĂ©ric mĂšne depuis une dizaine dâannĂ©es une politique de partenariats et dâĂ©tudes sur les dĂ©terminants de la santĂ© et du bien-ĂȘtre au travail. En 2017, Malakoff MĂ©dĂ©ric va plus loin et crĂ©e le Comptoir mm de la nouvelle entreprise pour analyser et dĂ©crypter les mutations du travail et accompagner les entreprises qui placent lâhumain au cĆur de la stratĂ©gie. Tous les rĂ©sultats, les travaux de recherche, les tĂ©moignages, les bonnes pratiques⊠sont diffusĂ©s sur le site dĂ©diĂ©. Plus dâinformations sur www.lecomptoirmm.com #comptoirmm
Le comptoir MM de la nouvelle entreprise
Malakoff MĂ©dĂ©ric est un acteur majeur de la protection sociale complĂ©mentaire, qui exerce deux mĂ©tiers (chiffres au 31 dĂ©cembre 2016) : âș Lâassurance de personnes (santĂ©, prĂ©voyance, Ă©pargne retraite), avec 3,8 Mds⏠de chiffre dâaffaires rĂ©current, 4,9 MdsâŹ
de fonds propres et une marge de solvabilitĂ© supĂ©rieure Ă 2 fois lâexigence rĂ©glementaire SolvabilitĂ© 2. Malakoff MĂ©dĂ©ric assure la santĂ© et la prĂ©voyance de 212 000 entreprises, et couvre 4,8 millions de personnes au titre dâun contrat collectif et 1,8 million au titre dâun contrat individuel.
âș La gestion de la retraite complĂ©mentaire avec 10,8 Mds⏠de cotisations encaissĂ©es et 16,5 Mds⏠de prestations versĂ©es, une mission dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral menĂ©e pour le compte de lâAgirc-Arrco auprĂšs de 207 000 entreprises, 2,8 millions de salariĂ©s cotisants et 2,9 millions de retraitĂ©s.
Le Groupe Ă©tant paritaire, mutualiste et Ă but non lucratif, sa gouvernance garantit la prise en compte et la dĂ©fense des intĂ©rĂȘts des entreprises et des salariĂ©s. Plus dâinformations sur www.malakoffmederic.com
Malakoff Médéric
INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
QUELS DĂFIS POUR LES ENTREPRISES ?
mars 2018
5INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
résumé
20 ans se sont Ă©coulĂ©s entre la victoire de lâordinateur Deep Blue contre Garry Kasparov en 1997 et celle dâAlpha Go contre le champion du monde de go en 2017. Quelques mois plus tard, le systĂšme Alpha Zero de DeepMind devenait un champion des Ă©checs en moins de 24h, sans apprentissage humain supervisĂ©, sur la seule base du livre de rĂšgles du jeu dâĂ©checs. Lâimpressionnante progression des performances de lâIntelligence artificielle (IA)1 a suscitĂ© une effervescence croissante. La « 4Ăšme rĂ©volution industrielle », reposant sur la donnĂ©e, a dĂ©marrĂ© par la « rĂ©volution mobile » du digital et se poursuivrait par la « rĂ©volution cognitive » de lâIA.
Le dĂ©collage actuel de lâIA est le fruit de la convergence rĂ©cente de trois facteurs : technologiques (la disponibilitĂ© des donnĂ©es a explosĂ© et le rapport coĂ»t/performance des technologies pour les traiter sâest effondrĂ©, permettant lâessor du marchĂ© de lâIA), Ă©conomiques (lâIA est perçue comme un facteur de compĂ©titivitĂ©), et enfin humains (dans la continuitĂ© des usages digitaux, le grand public est aujourdâhui au contact de lâIA). 2018 sera lâannĂ©e du passage Ă lâĂ©chelle industrielle de lâIA. Tous les secteurs ont aujourdâhui intĂ©grĂ© cette perspective. Certaines entreprises visent un horizon de moins de 5 ans, malgrĂ© des disparitĂ©s fortes entre les organisations.
Le premier accueil spontanĂ© de lâIA est favorable dans la sociĂ©tĂ© et les entreprises. La perspective du salariĂ© « augmentĂ© », dont les capacitĂ©s dâaction seraient dĂ©multipliĂ©es par lâinteraction avec la machine, est aujourdâhui dans les esprits.
Cependant, dirigeants et salariĂ©s prennent progressivement conscience de lâampleur et de la complexitĂ© du dĂ©ploiement de ces technologies dans le monde du travail. Au-delĂ des enjeux technologiques et financiers, les questions sur lâimpact humain sont au cĆur des
1 Voir dĂ©finition proposĂ©e de lâIA en partie 1 du rapport
dĂ©bats. LâIA impactera toutes les dimensions du capital humain dans notre Ă©conomie : Ă©volution de la structure de lâemploi, de la nature des emplois, des organisations de travail, de la notion de responsabilitĂ©, des qualifications et compĂ©tencesâŠ
Dans lâensemble, les entreprises sont encore peu prĂ©parĂ©es Ă accompagner les transformations qui vont en dĂ©couler.
LâexpĂ©rience des entreprises les plus avancĂ©es rĂ©vĂšle lâampleur des dĂ©fis pour lâaction des dirigeants. Les Directions des Ressources Humaines (DRH), notamment, seront sollicitĂ©es pour permettre de concrĂ©tiser les opportunitĂ©s de lâIA en anticipant ses impacts humains : âș Lâurgence de comprendre les dĂ©fis de lâIA et
dâen faire un objet de discussion au sein des Ă©quipes de direction, mais aussi de dĂ©bat collectif et de dialogue social dans lâentreprise. Donner du sens Ă la transformation sera nĂ©cessaire pour dĂ©ployer une « IA pour tous », dans le respect du contrat social de chaque entreprise ;
âș Le besoin de crĂ©er la confiance avec les clients et les salariĂ©s, en mettant en place les conditions dâune Ă©thique de lâIA au quotidien, dans les comportements : sĂ©curitĂ© et transparence des algorithmes et des donnĂ©es seront bien plus quâun sujet de rĂšglementation ou de conformitĂ© ;
âș Le dĂ©fi dâune Ă©volution des compĂ©tences dâune ampleur inĂ©dite, par son volume, sa nature et la variĂ©tĂ© des fonctions et profils concernĂ©s ;
âș La nĂ©cessitĂ© dâanticiper et dâaccompagner lâĂ©volution des organisations de travail et de leur fonctionnement, quâil sâagisse des « activitĂ©s historiques » en transformation, ou des nouvelles activitĂ©s fondĂ©es sur lâIA qui pourraient ĂȘtre crĂ©Ă©es ;
6 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
âș La nĂ©cessitĂ© pour la fonction RH de se saisir elle-mĂȘme des opportunitĂ©s de lâIA : le « DRH augmentĂ© » devra prendre en compte la gĂ©nĂ©ralisation du binĂŽme homme-machine, et devra intĂ©grer lâapport des machines pour remplir efficacement son nouveau rĂŽle.
Les incertitudes sur le rythme de dĂ©ploiement des solutions dâIA ont pu ralentir lâimplication des DRH dans les premiĂšres Ă©tapes. Elles en renforcent aujourdâhui le besoin : le pilotage de cette (r)Ă©volution longue de lâIA sera complexe et lâanticipation clĂ©. Le rythme diffĂšrera par secteur, fonction, voire par entreprise, sans que des effets disruptifs puissent ĂȘtre exclus en cas dâemballement du calendrier, ou si un grand nombre de compartiments de lâentreprise Ă©taient touchĂ©s simultanĂ©ment.
Si lâentreprise sera le lieu essentiel de ces transformations, leur ampleur et leur impact sociĂ©tal nĂ©cessiteront une coordination avec toutes les parties prenantes. GĂ©rer les impacts de lâIA sur lâemploi, la formation initiale et continue et la protection sociale mobilisera pouvoirs publics, branches, filiĂšres et organisations patronales et syndicales. Ces acteurs ont commencĂ© Ă sâemparer du sujet, et les enseignements de notre Ă©tude peuvent contribuer Ă nourrir leur rĂ©flexion. Quatre chantiers sont dâores et dĂ©jĂ identifiĂ©s : âș La recherche des trajectoires dâemploi les
plus adaptĂ©es ; âș La formation et la requalification ; âș Le cadre juridique, Ă©thique et rĂšglementaire ; âș Lâaccompagnement des TPE / PME, qui devra
faire lâobjet dâune attention spĂ©cifique pour que ces entreprises ne deviennent pas des « dĂ©serts de lâIA ».
2 Voir la note méthodologique
Notons que la prĂ©sente Ă©tude a Ă©tĂ© menĂ©e en interrogeant des acteurs du secteur privĂ©, mais les conclusions sâappliquent Ă©galement Ă la sphĂšre publique.
Cette Ă©tude sur lâimpact du dĂ©ploiement des technologies dâIA sur le capital humain des entreprises est rĂ©alisĂ©e conjointement par Malakoff MĂ©dĂ©ric et The Boston Consulting Group2. Elle se base sur une Ă©tude quantitative menĂ©e par lâinstitut Harris auprĂšs de salariĂ©s, cadres et dirigeants entre novembre et dĂ©cembre 2017. Sauf mention contraire, les chiffres mentionnĂ©s dans ce document proviennent de cette Ă©tude. Une sĂ©rie dâentretiens qualitatifs a Ă©tĂ© menĂ©e en face Ă face auprĂšs de dirigeants de grandes entreprises de secteurs variĂ©s. En complĂ©ment, les derniers rapports nationaux et internationaux ont Ă©tĂ© mobilisĂ©s. LâĂ©tude a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e avec le soutien du Conservatoire National des Arts et MĂ©tiers (CNAM) et de lâObservatoire Social International (OSI). Le CNAM a rĂ©alisĂ© un Ă©tat des lieux de lâĂ©tat des technologies et de leur perception et interviewĂ© des experts acadĂ©miques. LâOSI a interviewĂ© les partenaires sociaux et reprĂ©sentants patronaux.
7INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
sommaire
1.1 Le marchĂ© de lâIA a aujourdâhui une rĂ©alitĂ© industrielle aprĂšs plus de 50 ans de travaux structurants 14
1.2 LâIA est perçue comme un facteur de compĂ©titivitĂ© dans tous les secteurs 17
1.3 LâIA fait partie aujourdâhui du quotidien personnel et professionnel, et sa perception est positive 18
1.4 La perception des bĂ©nĂ©fices de lâIA sâaccompagne de vigilance quant aux risques possibles 21
1.5 Lâimpact emploi de lâIA au niveau sociĂ©tal sera consĂ©quent mais est complexe Ă analyser 23
1.6 Vers le « collaborateur augmentĂ© » : une transformation profonde de lâemploi 25
1.7 Face Ă cette rĂ©alitĂ©, des niveaux de prĂ©paration contrastĂ©s et dans lâensemble modestes 27
1. UNE ACCĂLERATION SPECTACULAIRE DE LâIA, DONT LES CONSĂQUENCES SONT ENCORE PEU COMPRISES ET ANTICIPĂES
2.1 Le DRH partenaire du mĂ©tier pour mettre en place le cadre dâadoption de lâIA 33
2.1.1 PrĂ©parer dirigeants, collaborateurs et parties prenantes aux spĂ©cificitĂ©s de la transformation liĂ©e Ă lâIA pour en faciliter lâadoption 33
2.1.2 Garantir la qualitĂ© des emplois de demain dans un contexte dâinteraction homme-machine 332.1.3 Organiser une « tour de contrĂŽle » interne et externe sur les questions dâĂ©thique liĂ©es aux donnĂ©es
et aux algorithmes pour garantir la confiance 35
2.2 Le DRH garant des compĂ©tences, face au dĂ©fi de lâIA 37
2.2.1 Recruter et fidĂ©liser les nouveaux talents nĂ©cessaires Ă lâIA 372.2.2 Anticiper les Ă©volutions de lâemploi et des compĂ©tences, voire des identitĂ©s professionnelles, dans
lâentreprise â adapter les outils de formation pour faire face Ă une accĂ©lĂ©ration des volumes et une Ă©volution des contenus de formation 37
2.3 Le DRH stratĂšge pour anticiper et Ă©clairer les Ă©volutions de lâorganisation 40
2.3.1 Adapter les organisations et leur gouvernance à un nouvel équilibre entre centralisation et décentralisation des décisions 40
2.3.2 Accompagner les nouveaux modes de fonctionnement induits par lâIA, notamment transversalitĂ© et transparence 40
2.3.3 Accompagner des évolutions majeures dans le rÎle des managers aux différents niveaux 41
2.4 Le DRH animateur du dialogue social et sociĂ©tal pour garantir la responsabilitĂ© sociale de lâentreprise dans la mise en place de lâIA 42
2.5 Le DRH augmentĂ© pour faire de la DRH un laboratoire et un modĂšle du dĂ©ploiement de lâIA 48
2. DU COLLABORATEUR AUGMENTĂ AUX NOUVELLES ORGANISATIONS DE TRAVAIL, LES PRIORITĂS DâUN ACCOMPAGNEMENT RĂUSSI, Ă ADAPTER SELON LA TAILLE DE LâENTREPRISE
8 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
auteurs
MANUEL ZACKLADProfesseur en Sciences de lâInformation et de la Communication au CNAMDirecteur du laboratoire DICEN-IDF, Dispositifs dâInformation et de Communication Ă lâĂre du NumĂ©rique en Ile de France
JEAN KASPARVice-PrĂ©sident de lâOSI. Consultant en stratĂ©gies sociales
Cette Ă©tude a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e par Malakoff MĂ©dĂ©ric et le Boston Consulting Group, avec le soutien de Malakoff MĂ©dĂ©ric Innovation SantĂ© (MMIS), le Conservatoire National des Arts et MĂ©tiers et de lâObservatoire Social International :
DOMINIQUE BAILLYProspectiviste et expert en transformation sociale des organisations. Membre du Bureau de lâOSI, en charge du pilotage du projet stratĂ©gique
DAVID GIBLASDirecteur Innovation, Partenariats Santé, Digital et Data Malakoff Médé[email protected]
SYLVAIN DURANTONDirecteur Associé Senior au BCG [email protected]
AGNĂS AUDIERDirectrice AssociĂ©e au [email protected]
JEAN-MICHEL CAYEDirecteur Associé Senior au [email protected]
PIERRE-EMMANUEL BUFFARDPrincipal au [email protected]
JEAN-CHRISTOPHE GARDDirecteur Associé Senior au [email protected]
ANNE-SOPHIE GODONDirectrice de lâinnovation Malakoff MĂ©dĂ©[email protected]
MARC FARGEASResponsable veille, prospective et études stratégiques Malakoff Médé[email protected]
9INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
contributeurs
Les auteurs souhaitent remercier les personnes suivantes pour leur contribution Ă ce rapport :
Les auteurs remercient Ă©galement pour leur contribution importante au projet :
Gauthier Lalande, Data & AI product manager et Isabelle Mosneron-Dupin, chargée de mission, Malakoff Médéric ;
Augustin Saby et Lucie Robieux, consultants au BCG.
JACQUES ADOUEDirecteur Général des Ressources Humaines et Responsabilité Sociétale, Edenred
FABRICE ANGEIMembre du Bureau Confédéral, CGT
AGNĂS BENSOUSSANDirectrice des Ressources Humaines, General Electric France
RAPHAELLE BERTHOLONDĂ©lĂ©guĂ©e nationale confĂ©dĂ©rale Ă lâĂ©conomie, CFE-CGC
JEAN-SĂBASTIEN BLANCDirecteur des Ressources Humaines, Plastic Omnium
AUGUSTIN BOURGUIGNATSecrĂ©taire confĂ©dĂ©ral en charge de la politique industrielle, de la recherche et de lâinnovation, CFDT
BERTRAND BRAUNSCHWEIGDirecteur du centre de recherche Saclay - Ăle-de-France, INRIA
ETIENNE BUREAUDirecteur Stratégie et Innovation, Devoteam
ADRIEN CIPELVP Sales EMEA, Workfusion
BĂATRICE CLICQDĂ©lĂ©guĂ©e Centrale Adjointe Orange, Force OuvriĂšre
GODEFROY DE BENTZMANNPrésident, Syntec Numérique / Co-Président, Devoteam
CĂCILE DEJOUXProfesseur des UniversitĂ©s en Ressources Humaines, CNAM
JEAN-PHILIPPE DESBIOLLESVice-Président, IBM Watson
CHRISTOPHE DES DORIDESVP Alliances & Channels sales, FINALCAD
MICHEL ESTIMBREDirecteur Général Délégué, Malakoff Médéric
PHILIPP GERBERTSenior Partner AI@BCG initiative, BCG / fellow, BCG Henderson Institute
FRĂDĂRIQUE GIAVARINIDirectrice des Ressources Humaines, FNAC DARTY
SOPHIE GRUGIERDirectrice Ressources Humaines supply chain, Schneider Electric
ALEXIS MASSESecrĂ©taire confĂ©dĂ©ral en charge de lâIA, de la robotique et du numĂ©rique, CFDT
ALICE-ANNE MĂDARDDirectrice des Ressources Humaines, AĂ©roports de Paris
ODILE MENNETEAUDirectrice de Mission - Direction Générale des Affaires Sociales, MEDEF
DIDIER MOATĂDirecteur des Ressources Humaines, La Banque Postale
SOPHIE PĂNEProfesseur en Sciences de lâInformation et de la Communication, UniversitĂ© Paris Descartes / Directrice master Ed Tech
CATHERINE PERRETSecrétaire confédérale, CGT
SĂBASTIEN PIALLOUXDirecteur Data & IoT, SNCF
VICTOR PIETRIGAForce OuvriĂšre
CARLO PURASSANTAPrésident, Microsoft France
JEAN-BAPTISTE RUDELLEPrésident exécutif et Co-Fondateur, Criteo
ROLAND SCHARRERChief Technology and Innovation Officer, Axa
FRĂDĂRIC TRINELCo-fondateur et Co-PrĂ©sident, Ecovadis
ALEXANDRE VIROSVice-PrĂ©sident en charge du digital et du marketing, FNAC DARTY (aujourdâhui Directeur GĂ©nĂ©ral, OUI.sncf)
10 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
zoom
Parce quâil y a urgence Ă se prĂ©parer et Ă agir, 15 actions pour tous les DRH qui ne sont pas encore totalement impliquĂ©s dans les projets IA de leur organisation :
vademecum du DRH augmenté
15 actions Ă lancer maintenant !
1. Accompagner la prise en compte de lâIA, de ses enjeux et de ses impacts par les responsables de lâentreprise
2. Participer Ă la construction dâune pĂ©dagogie de lâIA pour lâensemble des collaborateurs, donner du sens Ă son dĂ©ploiement
3. Favoriser les approches pilotes et les expérimentations pour diminuer les appréhensions
4. Mettre en place les mécanismes, instances et comportements éthiques garantissant la bonne utilisation des données et algorithmes pour créer le cadre de confiance
Comme partenaire du mĂ©tier pour crĂ©er le cadre de dĂ©ploiement de lâIA (en appui)
5. Adapter la gestion de lâemploi et des compĂ©tences pour prendre en compte lâIA / mettre sous contrĂŽle les recrutements
6. Identifier les compĂ©tences nĂ©cessaires Ă la production dâIA, en sĂ©curiser le sourcing
7. IntĂ©grer des scĂ©narii de dĂ©veloppement de nouvelles activitĂ©s liĂ©es Ă lâIA dans votre entreprise
8. Anticiper lâeffort de requalification pour accompagner la transformation des emplois, repĂ©rer ou faire naĂźtre des formations adaptĂ©es Ă vos enjeux, revisiter votre processus de formation dans la perspective dâun dĂ©collage de lâIA dans votre entreprise
9. Identifier les enjeux dâidentitĂ©s professionnelles de votre organisation
comme garant des compétences (en responsabilité)
11INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
10. Faire entrer les machines et les donnĂ©es dans le champ du DRH, en lien avec les opĂ©rations, la DSI : sâimpliquer dans les pilotes existants pour Ă©clairer les rĂ©flexions sur les enjeux de lâIA
11. Faire ajouter un volet dâanalyse des impacts de lâIA sur le capital humain aux pilotes lancĂ©s ou en cours de lancement quand il nâexiste pas, y compris dans ses aspects de qualitĂ© de vie et santĂ© au travail
comme stratĂšge (en appui)
12. IntĂ©grer lâIA dans le dialogue social
13. Travailler avec les branches et les territoires pour participer Ă une gestion collective de la transformation
comme animateur du lien social et sociétal (en responsabilité)
14. Sâassurer que la DRH soit pilote de lâutilisation de lâIA dans ses propres modes de fonctionnement : recrutement, formation, mobilitĂ©âŠ
15. Mettre en place des évaluations des impacts emploi et compétences, mesurer les transferts de tùches
comme responsable de la fonction RH (en responsabilité)
13INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
Chapitre 1
UNE ACCĂLĂRATION SPECTACULAIRE DE LâIA, DONT LES CONSĂQUENCES SONT ENCORE PEU COMPRISES ET ANTICIPĂES
14 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
Il nâexiste pas de dĂ©finition univoque de lâIA. Nous reprenons dans cette Ă©tude la dĂ©finition de Marvin Lee Minsky (1927-2016), qui fait assez largement consensus, et positionne lâIA comme relevant dâun champ de lâinformatique dĂ©diĂ© à « la construction de programmes informatiques qui sâadonnent Ă des tĂąches qui sont, pour lâinstant, accomplies de façon plus satisfaisante par des ĂȘtres humains car elles demandent des processus mentaux de haut niveau tels que : lâapprentissage perceptuel, lâorganisation de la mĂ©moire et le raisonnement critique ».
IA
Reconnaissance de lâĂ©criture Reconnaissance dâimages et de vidĂ©os
Reconnaissance faciale Reconnaissance de la voix
Interface en langage naturel Traduction machine
Analyse de sentiments
Robotique physique Robotique logicielle Robotique systĂšmes complexes
Analytique descriptif Analytique prédictif Analytique prescriptif
1.1 Le marchĂ© de lâIA a aujourdâhui une rĂ©alitĂ© industrielle aprĂšs plus de 50 ans de travaux structurants
Le terme dâintelligence artificielle nâest pas nouveau : câest en 1956 que Mac Carthy et Minsky lâont proposĂ© dans le cadre de leurs recherches. Bertrand Braunschweig, de lâINRIA, rappelle que les technologies correspondantes ont suscitĂ© deux vagues dâintĂ©rĂȘt, dans les annĂ©es 60 puis 80. Ces phases ont Ă©tĂ© interrompues par ce que lâon a appelĂ© les « hivers de lâIA » : un premier hiver de 1974 Ă 1980 face aux limites technologiques, un second de 1987 Ă 1993, les premiĂšres applications industrielles autour des systĂšmes experts nâayant pas tenu leurs promesses.
3 « Data Age 2025 », IDC, avril 2017
Les technologies dĂ©veloppĂ©es durant ces deux premiĂšres phases sont toujours pour une part celles Ă lâorigine du dĂ©collage actuel, mais le contexte a considĂ©rablement Ă©voluĂ©.
Les données sont largement disponibles et accessibles.
âș Entre 2013 et 2016 le volume de donnĂ©es mondial aura Ă©tĂ© multipliĂ© par plus de 4, passant de 4 Ă 16 zettabits (milliers de milliards de gigabits), et devrait atteindre 163 zettabits en 20253 ;
15INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
âș Le volume de donnĂ©es crĂ©Ă© par seconde pourrait atteindre 60 000 gigaoctets en 2020 ; il Ă©tait de 100 gigaoctets par jour en 19924 ;
âș Le nombre dâutilisateurs connectĂ©s a triplĂ© de 2003 Ă 20155, et le nombre des objets connectĂ©s Ă©mettant de la donnĂ©e devrait atteindre 26 milliards en 20206.
La technologie a connu des progrĂšs exponentiels. Les limites qui expliquaient les dĂ©ceptions des « hivers » prĂ©cĂ©dents de lâIA ont reculĂ© Ă mesure que les performances technologiques sâaccroissaient et que les coĂ»ts baissaient : âș Essor des puissances de calcul, avec un coĂ»t
divisĂ© par 50 en 10 ans7 ; âș Essor du web, avec un coĂ»t de bande
passante divisĂ© par 40 en 10 ans8 ; âș Division par 10 en 10 ans du coĂ»t de stockage
des donnĂ©es9 ; âș Sur une base 1 en 2008, le rapport
performance / prix des robots industriels Ă©tait en 2013 de 20, et celui des capteurs de tout type de 50010.
La recherche progresse rapidement. Le nombre de publications sur lâIA a Ă©tĂ© multipliĂ© par 9 en une dĂ©cennie pour atteindre 20 000 publications en 201611, la Chine prenant la premiĂšre place du classement devant les Etats-Unis, avec plus de 6 000 publications.
Parmi les progrĂšs rĂ©cents, lâapprentissage automatique et notamment lâapprentissage profond (ou Deep Learning) est clĂ©. Ces nouveaux algorithmes sâappuyant sur des architectures neuronales empruntĂ©es Ă lâarchitecture du cerveau, permettent aux machines dâapprendre par elles-mĂȘmes en mode supervisĂ© ou semi-supervisĂ©.
4 EIU Market Data, IHS, Cisco VNI 2016, « Data never sleeps 5.0 », Domo, 20175 Id.6 Id.7 Blackblaze, Indeed.com, IDC Worldwide Big Data and Analytics Software Forecast 20178 Id.9 Id.10 Interview experts, analyse BCG11 Artificial Intelligence Index 2017, aiindex.org12 Id.13 https://rajpurkar.github.io/SQuAD-explorer/14 Worldwide semiannual big data and analytics spending guide, International Data Corporation (IDC), mars 2017
Dans plusieurs domaines, les rĂ©sultats obtenus par les machines sont dĂ©sormais Ă©gaux ou supĂ©rieurs Ă ceux des humains12 : lors de la compĂ©tition annuelle ImageNet, qui teste la reconnaissance des images, les machines ont surpassĂ© lâacuitĂ© humaine en 2015. De mĂȘme, des programmes talonnent les humains dans la reconnaissance vocale, avec plus de 90 % de phrases reconnues, y compris celles de longueur supĂ©rieure Ă 40 mots. En janvier 2018, des solutions dâintelligence artificielle de Microsoft et Alibaba ont rĂ©alisĂ© de meilleurs scores que les humains au test de lecture SQuAD de lâuniversitĂ© de Stanford13.
Majeures, ces avancĂ©es restent cependant le fait de machines spĂ©cialisĂ©es, dans des champs dĂ©limitĂ©s et indĂ©pendants, que lâon appelle dans le dĂ©bat public des IA « faibles ». Ce terme sâoppose Ă celui dâIA « forte », une machine qui serait capable dâappliquer de façon autonome de lâintelligence Ă tout type de problĂšme et de concurrencer lâesprit humain. Pour Manuel Zacklad du CNAM et Bertrand Braunschweig de lâINRIA, la peur dâune IA « forte » nâest pas dâactualitĂ© dans un horizon proche, et aucune preuve empirique ne dĂ©montre quâelle le soit un jour.
Le marchĂ© et les investissements se dĂ©veloppent. Le marchĂ© mondial des solutions de big data et analytics, estimĂ© Ă 150 milliards de dollars en 2016, pourrait atteindre 210 milliards Ă lâhorizon 202014. Complexe, lâĂ©cosystĂšme nâest pas stabilisĂ© et compte de nombreux acteurs : intĂ©grateurs, agrĂ©gateurs de donnĂ©es, fournisseurs de plateformes ou de solutions analytiquesâŠ
16 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
Les « GAFAM » amĂ©ricains15, auxquels sâassocie IBM, dominent le paysage de lâAI. Ces groupes sont les principaux acteurs des multiples rachats de start-ups dans le domaine de lâIA16, et investissent dans la recherche : la solution dâIA Watson dâIBM est soutenue par plus de 10 000 chercheurs par exemple, dont 800 en France. Facebook a rĂ©cemment annoncĂ© le doublement de taille de son laboratoire de recherche IA (FAIR) Ă Paris. Google a annoncĂ© que son troisiĂšme centre de recherche fondamentale sur lâIA serait basĂ© sur son campus parisien. Ces acteurs offrent en open source aux entreprises et aux partenaires des plateformes cloud proposant des solutions dâIA complĂštes, facilitant ainsi la diffusion de leurs produits. Ils sont talonnĂ©s de plus en plus par les acteurs chinois, en particulier les BATX17. En 2017, pour la premiĂšre fois, plus dâinvestissements dans le domaine de lâIA ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s en Chine quâaux Etats-Unis18.
15 GAFAM : Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft16 « The race for AI », CBInsights, juillet 201717 BATX : Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi18 « Top AI trends to watch in 2018 », CBIsights, 201819 « The state of artificial intelligence », CBInsights, 201720 https://franceisai.com/21 « The artificial intelligence rush », Serena Capital, 201722 La Tribune, 08/12/2017, « Intelligence artificielle : le nouvel Eldorado »
A lâautre extrĂ©mitĂ© du spectre, 5 milliards de dollars ont Ă©tĂ© investis mondialement dans des start-ups dâIA en 2016, contre 600 millions en 201219. Lâinitiative FranceisAI20 recensait plus de 250 startups spĂ©cialisĂ©es en IA Ă fin 2016 en France, et le fonds spĂ©cialisĂ© privĂ© Serena Capital liste 38 startups ayant levĂ© des fonds sur le sujet en 201621 pour un total de 118M⏠(+230 % en nombre, +70 % en valeur).
Les cas dâusage se rĂ©pandent. Ils sâinscrivent dans la continuitĂ© des cas dâusage de la transformation digitale des annĂ©es 2014-2018. Au fur et Ă mesure des progrĂšs, de nouveaux champs et cas dâusage sont identifiĂ©s, le coĂ»t ne reprĂ©sentant plus un obstacle : « Ă partir de 50 000 euros pour le traitement des mails entrants dans une grosse PME. Idem pour un modĂšle prĂ©dictif de maintenance industrielle... » pour Christophe Tricot, de Kynapse22.
Domaine Cas dâusages emblĂ©matiques
âș VĂ©hicules autonomes âș Diagnostics mĂ©dicaux par analyse dâimages âș SystĂšmes dâinspection (ex. dĂ©tection de dĂ©fauts)
Perception et vision par ordinateur
âș Assistants personnels (Google home, Alexa) âș Chatbots - service client, vente âș Analyse automatisĂ©e de documents, traductions
Langage naturel
âș Optimisation de la production âș Optimisation de la logistique (ex. entrepĂŽts) âș Centres de services partagĂ©s robotisĂ©s
Robotique
âș Personnalisation des offres et recommandations âș Analyse prĂ©dictive (ex. maintenance) âș PrĂ©vention et dĂ©tection de la fraude
Support à la décision
17INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
De nombreux secteurs ont Ă©tĂ© confrontĂ©s de longue date aux problĂ©matiques de robotisation et dâautomatisation. LâIA dĂ©multiplie les perspectives, en se combinant avec lâautomatisation de nouvelle gĂ©nĂ©ration, quâelle soit physique ou logicielle : la robotisation fournit le bras, lâIA le cerveau. Les bots rendent de vastes sources de donnĂ©es accessibles Ă lâIA et automatisent les tĂąches simples, lâIA apprend Ă imiter et amĂ©liorer les processus existants grĂące aux donnĂ©es de lâautomatisation.
On peut distinguer 4 logiques, non exclusives, dâadoption de lâIA : âș ProductivitĂ© : optimisation, efficacitĂ© des
processus (ex. traitement robotisé de factures) ;
âș Revenu : nouvelles offres, nouveaux produits et services (ex. vĂ©hicule autonome) ;
âș Relationnel : service, satisfaction client (ex. chatbots, personnalisation des offres) ;
âș DĂ©cisionnel : appui expert Ă la prise de dĂ©cision (ex. Ă©valuation des risques en banque-assurance) grĂące Ă une meilleure utilisation et analyse des donnĂ©es.
23 Illustration dâun cas concret mentionnĂ© par lâune des entreprises interviewĂ©es24 « Reshaping Business With Artificial Intelligence », MIT Sloan Management Review & BCG, automne 2017
Cet effet de lâIA comme facteur de compĂ©titivitĂ© est perçu par les dirigeants, qui citent dâabord la productivitĂ© (41 %), devant le relationnel client (28 %) et lâaccroissement du chiffre dâaffaires grĂące Ă lâinnovation et Ă la diversification des activitĂ©s (17 %).
A titre dâexemple, de premiers pilotes dâIA appliquĂ©s Ă des parties de processus de back office dans le secteur bancaire ont montrĂ© des gains possibles de 60 % des dĂ©lais de traitement, 70 % de la charge de saisie des donnĂ©es et de contrĂŽle et de 80 % des resaisies23.
Nos entretiens nâont pas immĂ©diatement mis en Ă©vidence de diffĂ©rence de calendrier de mise en Ćuvre entre les secteurs pour les grandes entreprises, rejoignant ainsi les Ă©tudes menĂ©es au niveau mondial sur le sujet24.
Les secteurs pour lesquels la donnĂ©e est au cĆur de lâactivitĂ© (tĂ©lĂ©communications, banque/finance, assurance), ainsi que les entreprises ayant dĂ©jĂ mis en Ćuvre une stratĂ©gie et une gouvernance de la donnĂ©e partent avec un temps dâavance dans leur rĂ©flexion IA, et a fortiori les « digital natives ».
1.2 LâIA est perçue comme un facteur de compĂ©titivitĂ© dans tous les secteurs
18 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
Les solutions dâIA sont de plus en plus prĂ©sentes dans le quotidien. Quelques annĂ©es aprĂšs lâassistant vocal Siri dâApple, les enceintes intelligentes comme Alexa dâAmazon et Google Home ont intĂ©grĂ© en 2017 le top 3 des cadeaux technologiques25. 74 % des salariĂ©s participant Ă notre enquĂȘte indiquent avoir dĂ©jĂ utilisĂ© dans leur vie personnelle des traducteurs automatiques, 63 % des applications dâoptimisation de trajet, 32 % des assistants virtuels et 19 % des solutions de reconnaissance faciale. Si les usages sont aussi nombreux, câest parce que les nouveaux produits et services, trĂšs convaincants, se sont inscrits dans la dynamique des innovations liĂ©es au digital, sans revendiquer, sauf exception, un contenu particulier en IA.
25 « Top 10 Cadeaux de Noël High-Tech 2017 », Institut GfK 20.11.17
En entreprise, lâIA est connue, mais une certaine confusion rĂšgne encore sur sa nature. Les Ÿ des dirigeants et 8 salariĂ©s sur 10 dĂ©clarent connaĂźtre lâIA. Revers de la mĂ©daille, seuls 12 % des dirigeants et 24 % des salariĂ©s indiquent savoir prĂ©cisĂ©ment de quoi il sâagit. Les managers se distinguent en Ă©tant 49 % Ă indiquer avoir une connaissance prĂ©cise de lâIA.
Le dĂ©veloppement de lâIA est dans lâensemble perçu positivement. Plus de 70 % des managers et des dirigeants considĂšrent lâIA positivement pour eux-mĂȘmes et leur travail. Plus de 75 % considĂšrent quâil sâagit dâune « bonne chose » pour leur entreprise. Ces pourcentages sont respectivement de 41 % et 46 % pour les salariĂ©s, dont un tiers ne se prononce pas sur ces questions.
1.3 LâIA fait partie aujourdâhui du quotidien personnel et professionnel, et sa perception est positive
Les secteurs ayant vĂ©cu une phase de robotisation physique, mĂȘme si celle-ci nâĂ©tait pas appuyĂ©e par de lâIA, ont le sentiment dâavoir accumulĂ© une expĂ©rience de lâinterface homme-machine sur laquelle sâappuyer dans cette
nouvelle phase. Ce sont souvent Ă©galement des secteurs ayant fait lâexpĂ©rience des efforts de productivitĂ© par le biais de lâautomatisation.
DIRIEZ-VOUS QUE LE DĂVELOPPEMENT DE LâINTELLIGENCE ARTIFICIELLE EST UNE TRĂS BONNE, ASSEZ BONNE, ASSEZ MAUVAISE OU TRĂS MAUVAISE CHOSEâŠ
Pour votre entreprise
Pour vous-mĂȘme, votre travail
Dirigeants Managers Salariés
TrĂšs bonne Bonne Ne sait pas
62 %
65 %
10 %
14 %
4 %
5 %
TOTAL
79 %
72 %
TOTAL TOTAL
48 %
53 %
22 %
24 %
10 %
8 %
34 %
37 %
7 %
9 %
29 %
32 %
70 %
77 % 46 %
41 %
5 %
4 %
19INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
Reflet de ces perceptions, plus de 70 % des dirigeants et managers se disent prĂȘts Ă travailler avec une IA, contre 44 % des salariĂ©s (dont 24 % ne se prononcent pas). Dirigeants et managers sont dâailleurs plus de 60 % Ă souhaiter que lâIA traite une partie de leurs tĂąches, contre 36 % des salariĂ©s (dont 21 % ne se prononcent pas).
La prudence domine quand la question est posĂ©e en tant que citoyen. 35 % des salariĂ©s sont optimistes quant ils envisagent lâimpact du dĂ©ploiement de lâIA dans la sociĂ©tĂ© française, contre 43 % pessimistes (et 22 % dâindiffĂ©rents). Les dirigeants rejoignent ce constat (43 %
26 « The Malicious Use of Artificial Intelligence », février 2018, https://maliciousaireport.com/
dâoptimistes contre 47 %), quand les managers sont plus volontaristes, avec 63 % dâoptimistes.
Cette prudence citoyenne est partagĂ©e par les experts universitaires et les ONG Ă lâorigine dâun rapport26 mettant en Ă©vidence les risques dâutilisation malveillante de lâIA : sĂ©curitĂ© des personnes, cybersĂ©curitĂ© et Ă©quilibre politique pourraient ĂȘtre menacĂ©s grĂące aux progrĂšs de lâIA par des attaques « particuliĂšrement efficaces, finement ciblĂ©es et difficiles Ă attribuer » dans les prochaines annĂ©es.
QUAND VOUS PENSEZ AU DĂVELOPPEMENT DE LâINTELLIGENCE ARTIFICIELLE DANS LA SOCIĂTĂ FRANĂAISE EN GĂNĂRAL, QUâEN DIRIEZ-VOUS EN TANT QUE CITOYEN ?
Enthousiaste Confiant Indifférent Sceptique Inquiet
Total Optimiste - 43 %
Total Pessimiste - 47 %
Total Optimiste - 63 %
Total Pessimiste - 24 %
Total Optimiste - 35 %
Total Pessimiste - 43 %
13 %
23 %
24 %
10 %
30 %
Dirigeants
20 %
11 %
13 %13 %
43 %
Managers
9 %
19 %
24 %
22 %
26 %
Salariés
DANS LES 5 ANS Ă VENIR, LE DĂVELOPPEMENT DE LâINTELLIGENCE ARTIFICIELLE VA-T-IL AU SEIN DE VOTRE ENTREPRISE PLUTĂT AMĂLIORER, PLUTĂT DĂGRADER OU NI AMĂLIORER NI DĂGRADER LES ITEMS SUIVANTS ?
Va plutÎt améliorer Va ni améliorer ni dégrader Va plutÎt dégrader Ne sait pas
La performance
30 %
29 %
27 %
29 %
30 %
19 %
14 %
15 %
10 %
8 %
37 %
32 %
29 %
31 %
27 %
14 %
25 %
29 %
30 %
35 %
8 %
6 %
6 %
6 %
5 %
16 %
12 %
9 %
9 %
9 %
44 %
43 %
42 %
37 %
35 %
32 %
39 %
43 %
48 %
51 %
3 %
4 %
2 %
1 %
1 %
11 %
5 %
6 %
2 %
2 %
49 %
34 %
28 %
36 %
22 %
37 %
57 %
64 %
61 %
75 %
La rapidité, la fiabilité de la prise de décision
Lâorganisation du travail, la maniĂšre de travailler
Lâorganisation de lâentreprise : fonctionnement, pilotage et gouvernance
Les pratiques managériales
Dirigeants Managers Salariés
2 %
2 % 1 %
1 %
2 %6 %
5 % 4 %
3 %
5 %
20 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
RĂ©duire les risques dâerreur
35 %
42 %
46 %
47 %
50 %
49 %
50 %
43 %
57 %
57 %
6 %
13 %
8 %
13 %
12 %
16 %
16 %
19 %
20 %
26 %
2 %
1 %
2 %
4 %
2 %
2 %
1 %
2 %
Dirigeants Managers Salariés
LE DĂVELOPPEMENT DE LâINTELLIGENCE ARTIFICIELLE PEUT ENGENDRER UN CERTAIN NOMBRE DE BĂNĂFICES DANS LE TRAVAIL DES SALARIĂS. LESQUELS SELON VOUS, DANS VOTRE ENTREPRISE ?
46 %
42 %
43 %
45 %
45 %
43 %
44 %
41 %
47 %
44 %
20 %
20 %
23 %
22 %
22 %
24 %
23 %
26 %
22 %
25 %
8 %
6 %
8 %
9 %
8 %
8 %
6 %
6 %
7 %
7 %
Développer les compétences des salariés et leur en apprendre de
nouvelles
Réduire les tùches dangereuses / Améliorer la sécurité
AmĂ©liorer lâintĂ©rĂȘt des tĂąches, donner plus de valeur ajoutĂ©e au
travail
Offrir de nouvelles opportunités en termes de métier et de
parcours professionnels
AmĂ©liorer le bien-ĂȘtre / la qualitĂ© de vie des salariĂ©s
Permettre plus dâouverture sur lâextĂ©rieur et plus de collaboration
avec les partenaires
Renforcer la capacitĂ© dâadaptation, lâagilitĂ© des salariĂ©s
Diminuer la charge de travail
Donner plus dâautonomie aux salariĂ©s 28 %
27 %
31 %
29 %
29 %
27 %
29 %
31 %
33 %
37 %
8 %
11 %
7 %
8 %
8 %
9 %
7 %
11 %
10 %
10 %
28 %
24 %
29 %
31 %
29 %
29 %
27 %
26 %
27 %
28 %
Total Oui Total Oui Total Oui
83 %
77 %
62 %
66 %
65 %
62 %
60 %
54 %
55 %
41%
2%
1 %
2 %
2 %
4 %
2 %
1 %
2 %
69 %
69 %
67 %
67 %
67 %
67 %
67 %
66 %
62 %
66 %
37 %
37 %
38 %
38 %
36 %
Ne sait pas Oui tout Ă fait Oui plutĂŽt
⹠500 salariés et + (94 %)
⹠500 salariés et + (71%)
⹠500 salariés et + (77%)
⹠500 salariés et + (71 %)
⹠500 salariés et + (54%)
⹠Plus de 250 salariés (73 %)
âą Encadre + de 10 collaborateurs (71 %)
47 %
43 %
42 %
36 %
36 %
Les bĂ©nĂ©fices de lâIA pour lâentreprise et les salariĂ©s sont mis en avant par les dirigeants et managers. Une majoritĂ© de dirigeants estime que lâIA va plutĂŽt amĂ©liorer la performance de lâentreprise (75 % des dirigeants), la rapiditĂ© et fiabilitĂ© de la prise de dĂ©cision (61 %), lâorganisation/la maniĂšre de travailler (64 %), lâorganisation, le pilotage de lâentreprise (57 %). La perception des managers est plus rĂ©servĂ©e.
Une grande majoritĂ© des dirigeants estime que lâIA va Ă©galement engendrer des bĂ©nĂ©fices pour le travail des collaborateurs : rĂ©duction des risques dâerreur (83 % des dirigeants), montĂ©e
en compĂ©tences (77 %), rĂ©duction des taches dangereuses (62 %), amĂ©lioration de lâintĂ©rĂȘt des tĂąches et de la valeur ajoutĂ©e du travail (66 %), nouvelles opportunitĂ©s en termes de parcours professionnels (65 %), amĂ©lioration du bien-ĂȘtre et de la qualitĂ© de vie au travail des salariĂ©s (62 %).
Plus de 65 % des managers partagent cette vision positive. Les salariés sont plus réservés et ont du mal à se positionner sur ces effets.
21INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
Craintes sur lâemploi et le lien social. SalariĂ©s et dirigeants sont conscients des risques humains dont lâIA pourrait ĂȘtre porteuse : âș Le risque dâune dĂ©shumanisation du travail,
de perte du lien social (56 % des répondants salariés) ;
âș Les problĂšmes Ă©thiques (respect de la vie privĂ©e, protection des donnĂ©es personnelles, non-discrimination⊠pour 51 % des rĂ©pondants salariĂ©s) ;
âș La baisse des volumes de travail et dâemploi (50 %).
Pour les dirigeants, câest la crainte de gĂ©nĂ©rer plus de reporting et de contrĂŽle qui est le risque principal (70 %), devant la dĂ©shumanisation et le
volume du travail (57 %). Les managers partagent les risques sur le reporting et la dĂ©shumanisation du travail, et y ajoutent les questions dâĂ©thique (64 % pour les trois items).
Sâagissant de lâemploi dans leur organisation, 39 % des dirigeants ayant rĂ©pondu Ă notre enquĂȘte sont pessimistes quant Ă lâimpact de lâIA, contre 17 % qui estiment que lâeffet sera positif. Les proportions sont trĂšs similaires chez les salariĂ©s : 34 % contre 11 %.
Pour les dirigeants, les rĂ©ponses Ă cette question de lâimpact sur lâemploi varient sensiblement selon la taille de lâentreprise, ceux des plus petites Ă©tant les plus pessimistes.
LE DĂVELOPPEMENT DE LâINTELLIGENCE ARTIFICIELLE PEUT ENGENDRER DES RISQUES DANS LE TRAVAIL DES SALARIĂS. LESQUELS SELON VOUS, DANS VOTRE ENTREPRISE ?
Ne sait pas Oui tout Ă fait Oui plutĂŽt
Dirigeants Managers Salariés
Générer plus de reporting et de contrÎle
31 %
39 %
37 %
43 %
19 %
18 %
20 %
27 %
2 %
1 %
1 %
4 %
Déshumaniser le travail, créer une perte de lien social
Baisser le volume de travail, engendrer des suppressions de postes ou métiers
Soulever des problÚmes éthiques :respect de la vie privée, protection des données
personnelles, renforcement des discriminationsâŠ
4 %
1 %
1 %
2 %
70 %
57 %
57 %
50 %
Total Oui Total Oui Total Oui
42 %
37 %
39 %
44 %
22 %
24 %
25 %
20 %
7 %
6 %
5 %
8 % 64 %
64 %
61 %
64 % 31 %
28 %
31 %
34 %
20 %
22 %
25 %
14 %
28 %
26 %
24 %
31 % 48 %
56 %
50 %
51 %
6 %28 %41 %25 %
DANS LES 5 ANS Ă VENIR, COMMENT LE DĂVELOPPEMENT DE LâINTELLIGENCE ARTIFICIELLE VA-T-IL IMPACTER LâEMPLOI AU SEIN DE VOTRE ENTREPRISE ?
Dirigeants Managers Salariés
6 %2 %39 %42 %17 % 26 %34 %29 %11 %
Va plutÎt améliorer Va ni améliorer ni dégrader Va plutÎt dégrader Ne sait pas
2 %
1.4 La perception des bĂ©nĂ©fices de lâIA sâaccompagne de vigilance quant aux risques possibles
22 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
50-99 salariés 100-249 salariés 250-499 salariés 500 salariés et plus
19 %18 %17 %18 %
56 %59 %
41 %39 %
25 %23 %
42 %43 %
Va plutÎt dégraderVa ni améliorer ni dégraderVa plutÎt améliorer
IMPACT DE LâIA SUR LâEMPLOI EN FONCTION DE LA TAILLE DE LâENTREPRISE
Chiffres en proportion du nombre de dirigeants s'étant prononcés sur cette question
AU GLOBAL, DIRIEZ-VOUS QUE LE DĂVELOPPEMENT DE LâINTELLIGENCE ARTIFICIELLE DANS VOTRE ENTREPRISE VA AVOIR UN IMPACT TRĂS POSITIF, ASSEZ POSITIF, PLUTĂT NĂGATIF OU TRĂS NĂGATIF SUR LA SANTĂ DES SALARIĂS AU TRAVAIL ?
TrÚs positif Assez positif Ne sait pasPlutÎt négatif TrÚs négatif
Total Positif - 67 %
Total NĂ©gatif - 25 %
Total Positif - 70 %
Total NĂ©gatif - 20 %
Total Positif - 41 %
Total NĂ©gatif - 28 %
5 %
31 %
8 % 20 %
36 %17 %
10 %
6 %
14 %
53 %
4 %8 %
2 %
23 %63 %Dirigeants Managers Salariés
Impacts ambivalents sur la santé au travail. 67 % des dirigeants et 70 % des managers anticipent un impact plutÎt positif sur la santé au travail. Les salariés sont réservés : 41 % seulement voient un impact positif.
60 % des dirigeants (69 % des managers) estiment que lâIA va permettre de dĂ©velopper la prĂ©vention santĂ© grĂące aux objets connectĂ©s. 64 % (66 % des managers) pensent que lâIA risque dâengendrer de nouveaux risques psychologiques pour la santĂ©. Cette crainte est partagĂ©e par la moitiĂ© des salariĂ©s (jusquâĂ 56 % chez les 50 ans et +).
Importance des défis RH à relever. Pour 56 % des dirigeants (37 % des managers et 37 % des salariés), le 1er défi à relever en termes
de ressources humaines est de « repenser lâorganisation du travail, la rĂ©partition des tĂąches entre humains et IA ». Viennent ensuite pour les dirigeants la formation culturelle des collaborateurs (36 %) et la montĂ©e en compĂ©tences (35 %).
Les salariĂ©s citent ces dĂ©fis dans le mĂȘme ordre. A Ă©galitĂ© avec la montĂ©e en compĂ©tence, les managers sont 34 % Ă y ajouter « trouver les garanties Ă©thiques sur les usages de lâIA ».
En regard, 30 % des managers et 37 % des salariĂ©s se disent insuffisamment accompagnĂ©s. Pour Bertrand Braunschweig de lâINRIA, ce sont pourtant bien ces dĂ©fis quâil va falloir surmonter, sinon « le troisiĂšme hiver de lâIA pourrait ĂȘtre humain et social ».
23INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
EN TERMES DE MANAGEMENT ET DE RESSOURCES HUMAINES, QUELS SONT SELON VOUS LES 3 PRINCIPAUX DĂFIS Ă RELEVER POUR VOTRE ENTREPRISE AVEC LE DĂVELOPPEMENT DE LâINTELLIGENCE ARTIFICIELLE ?
Repenser lâorganisation du travail, la rĂ©partition des tĂąches entre les humains et les solutions dâIA
27 %
27 %
24 %
28 %
36 %
34 %
35 %
56 %
Dirigeants Managers Salariés
27 %
25 %
27 %
34 %
31 %
30 %
35 %
37 %
20 %
21 %
22 %
23 %
23 %
25 %
33 %
37 %
Recruter / fidéliser des salariés formés aux nouveaux métiers
Repenser le rĂŽle et les missions des managers
Imaginer, mettre en place dâautres modes de gestion prĂ©visionnelle de carriĂšre, dâemplois, et de
compétences
Trouver des moyens efficaces de contrĂŽle et les garanties Ă©thiques sur les usages de lâIA
Former culturellement les collaborateurs Ă travailler avec des solutions dâIA
Renouveler les modes de formation professionnelle : formation continue tout au long de la carriĂšre
Adapter et renforcer les compétences des salariés
1
2
3
1
2
3
1
2
3
39 %
50 %
45 %
11 %
10 %
12 %
2 %
3 %
4 %
PENSEZ-VOUS QUE LE DĂVELOPPEMENT DE LâIA DANS VOTRE ENTREPRISE VA IMPACTER LES SUJETS SUIVANTS DE SANTĂ AU TRAVAIL ?
Améliorer le pilotage des indicateurs de santé au travail
Développer la prévention et les actions de santé individuelles et collectives grùce
notamment Ă lâĂ©mergence des objets connectĂ©s
Diminuer les risques dâaccidents et les maladies professionnelles
Diminuer la pression psychologiques dans le travail
Engendrer de nouveaux risques psychologiques pour la santé
Dirigeants Managers Salariés
4 %
Ne sait pas Oui tout Ă fait Oui plutĂŽt
48 %
24 %
16 %
6 %
1 %
1 %
Total Oui
57 %
60 %
50 %
30 %
64 %
Total Oui Total Oui
38 %
44 %
49 %
44 %
20 %
26 %
20 %
21 %
6 %
5 %
7 %
7 %
40 %26 %6 %
65 %
69 %
70 %
58 %
66 %
3 %
2 %
1 %
1 % 35 %
24 %
16 %
7 %
25 %
27 %
36 %
35 %
10 %
8 %
25 %
28 % 43 %
46 %
31 %
51 %
Question non posée aux salariés
1.5 Lâimpact emploi de lâIA au niveau sociĂ©tal sera consĂ©quent mais est complexe Ă analyser
Le dĂ©bat sur le volume dâemplois concernĂ©s nâest pas tranchĂ©. Souvent citĂ©e, une Ă©tude de
27 « The future of employment: How susceptible are jobs to computerization? », C.B. Frey, M.A. Osborne, 2013
201327 estimait Ă 47 % la part des emplois aux Etats-Unis Ă risque Ă©levĂ© dâautomatisation.
24 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
Elle a depuis Ă©tĂ© complĂ©tĂ©e et relativisĂ©e par dâautres Ă©tudes (en particulier de lâOCDE28) : âș Automatiser une partie des tĂąches dâun emploi
nâamĂšne pas nĂ©cessairement Ă automatiser lâemploi lui-mĂȘme, une rĂ©allocation du temps peut avoir lieu
âș Toute tĂąche thĂ©oriquement automatisable nâest pas nĂ©cessairement automatisĂ©e dans les faits, dâautres facteurs entrant en jeu : faisabilitĂ© technique, contraintes rĂ©glementaires, acceptation sociale, rentabilitĂ© Ă©conomiqueâŠ
âș Plusieurs Ă©tudes rappellent Ă©galement que les pays les plus automatisĂ©s sont Ă©galement ceux ayant conservĂ© la plus forte base industrielle et les emplois correspondants
La proportion dâemplois menacĂ©s de substitution par la machine serait consĂ©quente mais moindre que les craintes initiales. Pour la France, le Conseil dâOrientation pour lâEmploi (COE)29 retient que « moins de 10 % des emplois existants prĂ©sentent un cumul de vulnĂ©rabilitĂ©s susceptibles de menacer leur existence dans un contexte dâautomatisation et de numĂ©risation ».
En regard des postes dĂ©truits, de nouveaux emplois pourraient ĂȘtre crĂ©Ă©s. La transformation digitale des entreprises sâest accompagnĂ©e du dĂ©veloppement de nouvelles activitĂ©s pour faire face aux risques dâ« ubĂ©risation ». Le mĂȘme type de dynamique va certainement voir le jour avec de nouvelles activitĂ©s fondĂ©es sur lâIA : âș Emplois directement liĂ©s Ă lâIA : mĂ©tiers liĂ©s Ă lâIA
en entreprises (ex. data scientists, analystes processus), mĂ©tiers de « production » dâIA (ex. concepteurs, intĂ©grateurs...) ;
âș Emplois permis par lâIA : liĂ©s aux nouveaux modes de fonctionnement induits par lâIA (« gĂ©nĂ©ralistes », « spĂ©cialistes de la relation humaine, de lâempathie30 »), liĂ©s Ă des technologies connexes (« designer de rĂ©alitĂ© augmentĂ©e31... ») et surtout emplois liĂ©s aux nouveaux produits et services que permettrait lâIA.
28 « The Risk of Automation for Jobs in OECD Countries », M. Arntz, T. Gregory, U. Zierahn, OCDE mai 201629 « Automatisation, numérisation et emploi », COE, 201730 « The Future of Professions », Richard Susskind, 201531 « Future proof yourself », Microsoft, 201632 OCDE : sur la période 1999-2010 dans 27 pays européens, impact du «Routine Replacing Technological change» chiffré à 9.6M emplois substitués, compensés par 21.1M de nouveaux emplois, pour un effet net positif de 11.6M emplois («Racing with or against the machine? Evidence from Europe», Gregory, Salomons et Zierahn, juillet 2016)33 « The new globalization : going beyond the rhetoric », BCG Henderson Institute, avril 2017
La force et la tradition de la France dans la formation dâexperts en mathĂ©matiques appliquĂ©es et dâingĂ©nieurs, la puissance de ses centres de recherche publique dans ce domaine, les enjeux de croissance des groupes internationaux français⊠sont autant de raisons de croire au dĂ©veloppement dâactivitĂ©s liĂ©es Ă lâIA. Lâaccompagnement RH de ces activitĂ©s, Ă la fois pour recruter et fidĂ©liser des talents, mais aussi pour intĂ©grer les activitĂ©s dans les traditions existantes, vont ĂȘtre des dĂ©fis majeurs, Ă rĂ©gler rapidement.
Lâanalyse des prĂ©cĂ©dentes rĂ©volutions industrielles, ou des dĂ©cennies rĂ©centes, montrent que les crĂ©ations dâemplois ont plus que compensĂ© les destructions liĂ©es Ă lâautomatisation32. Ces Ă©tudes nâayant pas de valeur prospective, le volume des emplois qui pourrait ĂȘtre crĂ©Ă© par la « quatriĂšme rĂ©volution industrielle » de lâIA reste incertain.
La maĂźtrise de lâIA jouera sur la compĂ©titivitĂ© Ă lâĂ©chelle internationale. Lâimpact de lâIA sur lâemploi doit sâanalyser au regard de scĂ©narios plus gĂ©nĂ©raux dâune globalisation qui change de nature sous lâeffet de plusieurs facteurs33 : diffĂ©renciation des attentes consommateurs, cycles plus courts, augmentation du coĂ»t du travail dans les pays Ă©mergents, contexte gĂ©opolitique, protectionnisme et barriĂšres douaniĂšres, variations du prix des matiĂšres premiĂšres, compĂ©titions sur les rĂ©glementations... LâIA permet une meilleure personnalisation des offres, un meilleur relationnel client et une meilleure productivitĂ© et sera un facteur de compĂ©titivitĂ© pour les pays qui sauront sâen saisir. Un scĂ©nario noir pour les pays de lâOCDE verrait la dĂ©localisation des emplois de service aprĂšs celle des emplois industriels, quand un scĂ©nario favorable permettrait la relocalisation dâactivitĂ©s y compris industrielles.
Au niveau sociĂ©tal, les scĂ©narios sont donc complexes, surtout en y ajoutant les incertitudes sur lâhorizon de temps dans lequel sâinscrivent ces impacts.
25INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
MĂȘme si les travaux sont encore partiels dans ce domaine, il est important de connaĂźtre lâĂ©tat de la rĂ©flexion, fondĂ©e Ă la fois sur les observations de la transformation digitale et sur les travaux parfois plus anciens sur lâintroduction de la robotique dans les organisations industrielles.
LâIA Ă©tend le domaine potentiel de lâinteraction homme-machine. Bien que les emplois moins qualifiĂ©s restent proportionnellement plus susceptibles dâautomatisation34, les emplois qualifiĂ©s sont de plus en plus concernĂ©s. Câest par exemple le cas dâemplois centrĂ©s sur des tĂąches cognitives rĂ©pĂ©titives (logiques de RPA, Robotics Process Automation), ou dâemplois dont la valeur tient Ă lâaccumulation dâexpĂ©rience (progressivement prise en charge par lâIA). Cette Ă©volution est majeure, et porteuse de consĂ©quences qui ne sont pas encore toutes perçues.
Pour les entreprises, lâenjeu quantitatif majeur serait la transformation des emplois : environ 50 % des emplois existants sont « susceptibles dâĂ©voluer de façon significative Ă trĂšs importante » (COE). Il est clair que derriĂšre les chiffres moyens se cachent des situations trĂšs contrastĂ©es, avec des impacts majeurs pour la plupart des organisations. Outre la logique « substitutive », Manuel Zacklad, du CNAM35, distingue les logiques « rationalisante » (dans laquelle le travail est pilotĂ© par les algorithmes) et « capacitante » (dans laquelle le collaborateur voit ses compĂ©tences accrues par lâappui de la machine).
Il nâexiste pas de consensus sur le scĂ©nario homme-machine du futur. Selon une enquĂȘte Teradata, si 21 % des rĂ©pondants estiment que lâIA remplacera les hommes pour un grand nombre ou la plupart des tĂąches en entreprise, 45% voient plutĂŽt se profiler un scĂ©nario de coexistence, chacun rĂ©alisant une partie des tĂąches. Enfin 29 % pensent quâhommes et
34 OCDE : emplois Ă fort risque dâautomatisation pour 40 % des travailleurs ayant un niveau infĂ©rieur au bac, contre 5 % pour les diplĂŽmĂ©s de lâenseignement universitaire (Etude OCDE « The Risk of Automation for Jobs in OECD Countries: A Comparative Analysis » Arntz M., Gregory T. et Zierahn U., 2016)35 « Intelligence Artificielle : reprĂ©sentations et impacts sociĂ©taux », Manuel Zacklad, CNAM, 2017
machines seront intĂ©grĂ©s, les capacitĂ©s du collaborateur humain sâen trouvant accrues.
Lâinteraction avec lâIA verra lâĂ©mergence du « collaborateur augmentĂ© ». Celui-ci bĂ©nĂ©ficierait de lâappui expert de lâIA en proximitĂ©, et verrait la partie la plus rĂ©pĂ©titive et/ou pĂ©nible de ses tĂąches reprises par lâIA, lui permettant de se concentrer sur des tĂąches Ă plus forte valeur cognitive ou relationnelle. Il verrait son opĂ©rationnalitĂ© renforcĂ©e tout au long de sa carriĂšre, et bĂ©nĂ©ficierait grĂące Ă lâIA dâun appui Ă lâacquisition/au maintien de ses compĂ©tences.
Lâimpact pourrait ĂȘtre sensiblement diffĂ©rent selon les fonctions de lâentreprise :
âș Les fonctions de conception (au sens large : offres, produits et services, stratĂ©gie...) seraient majoritairement augmentĂ©es par lâIA ;
âș Pour les fonctions de production, dĂ©jĂ touchĂ©es depuis longtemps par lâautomatisation physique, lâIA permettrait dâaller beaucoup plus loin, y compris sur des tĂąches comme le codage, et donc de substituer des machines Ă une partie des Ă©quipes ; mais lâIA contribuerait Ă©galement Ă faire Ă©merger des collaborateurs augmentĂ©s. Cette Ă©volution est dĂ©jĂ Ă lâĆuvre dans les logiques de lâindustrie 4.0, au sein dâusines oĂč lâon combine toutes les technologies disponibles, et notamment celles reposant sur les donnĂ©es, pour viser lâautomatisation complĂšte et lâauto-optimisation continue. Elle est intĂ©grĂ©e dĂšs le dĂ©marrage de lâactivitĂ© dans les start-ups interrogĂ©es. Elle touchera â et câest un point majeur â directement au cours des prochaines annĂ©es les fonctions de production des entreprises de service intellectuel : juridique, comptable, conseilâŠ
1.6 Vers le « collaborateur augmentĂ© » : une transformation profonde de lâemploi
26 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
Traduction en impacts sur les emplois actuels : des emplois qui se transforment
âș Pour les mĂ©tiers de distribution/vente/relation client, un effet dâaugmentation des collaborateurs est anticipĂ©, permettant plus de temps de meilleure qualitĂ© passĂ© avec le client, et une relation enrichie et personnalisĂ©e grĂące aux conseils en temps rĂ©el de lâIA. Mais la substitution ne peut ĂȘtre exclue pour ces fonctions, selon :âą Les habitudes de consommation
(prĂ©fĂ©rence pour les canaux en ligne) ;âą LâacceptabilitĂ© sociale plus ou moins forte
et rapide du relationnel homme/machine ;⹠La capacité des organisations à faire
payer au client le relationnel créé, ou à en tirer un bénéfice en terme de fidélisation ;
âą La capacitĂ© Ă innover et crĂ©er, grĂące Ă lâIA mais pas uniquement, de nouveaux produits et services.
âș Pour les fonctions support enfin, lâeffet serait dâabord une automatisation renforcĂ©e avec
36 « Towards a Reskilling Revolution, A Future of Jobs for Allâ, World Economic Forum, Janvier 2018
des impacts directs sur les effectifs, mĂȘme si les collaborateurs employĂ©s en cible dans ces fonctions sâen trouveraient augmentĂ©s. Au sein de ces fonctions, le transactionnel, souvent regroupĂ© dans des centres de services partagĂ©s, serait une cible directe pour lâIA, quand les logiques de business partners (juridiques, RH, FinanceâŠ) sâen trouveraient renforcĂ©es. A titre dâexemple pour les Centres de Services, lâancien dirigeant du prestataire spĂ©cialisĂ© Infosys estimait quâĂ terme, lâIA permettra dâautomatiser 50 Ă 70 % des tĂąches rĂ©alisĂ©es.
Quâil sâagisse de lâĂ©volution des collaborateurs dont lâemploi disparaĂźtrait, ou de la capacitĂ© de ceux en interaction avec lâIA Ă adopter ce nouveau mode de fonctionnement, il sâagira selon les termes du World Economic Forum dâune « rĂ©volution de la requalification »36 Ă grande Ă©chelle.
Substitution potentielle Transformation profonde, « augmentation » Impact limité
Emplois susceptibles
dâautomatisation
Accompagnement vers de nouveaux
emplois
Ex. opérateur back-office
Emplois Ă faible VA rendus moins
pénibles
Risque ubérisation,
déqualification
Ex. ouvrier industrie de process
Emplois recentrés sur leur valeur
ajoutée
Compétences distinctives valorisables
Ex. contrĂŽleur financier
Emplois renforcés
Collaborateurs plus performants, plus pertinents, etc
Ex. conseiller clientĂšle, analyste
Emplois peu impactés
Apports IA ponctuels
Ex. artisan
Logique substitutive
Logique rationalisante Logique capacitante
Tùches restantes à forte valeur ajoutée
Tùches restantes à faible valeur ajoutée
Substituables
Augmentables
Pas dâimpactNature tĂąches
RĂ©pa
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27INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
LâIA nâest pas encore partout une prioritĂ©. Dans notre Ă©tude, seuls 20 % des dirigeants dĂ©clarent faire Ă lâheure actuelle de lâIA une prioritĂ© stratĂ©gique. Ce pourcentage monte Ă 37 % Ă un horizon de 5 ans.
Dans la majoritĂ© des organisations rencontrĂ©es durant les entretiens, des pilotes existent aujourdâhui. Ils sont la plupart du temps confiĂ©s aux structures existantes dâinnovation ou aux Directions data et/ou digital, rarement au sein des DSI, sans quâune feuille de route spĂ©cifique IA nâait Ă©tĂ© tracĂ©e pour lâentreprise. Dans la majoritĂ© des cas, la Direction des Ressources Humaines nâest pas encore partie prenante de la rĂ©flexion sur lâIA.
Des diffĂ©rences fortes existent en fonction de la taille et du pĂ©rimĂštre de lâentreprise. Sur la question de la prioritĂ© stratĂ©gique Ă 5 ans, 53 % des entreprises de plus de 250 salariĂ©s rĂ©pondent par lâaffirmative contre seulement 32 % des autres. Plusieurs de nos interlocuteurs mettent en lien ce chiffre avec la difficultĂ© pour les PME dâaccĂ©der aux compĂ©tences IA et prĂ©viennent contre le risque dâun « dĂ©sert de lâIA » pour les petites entreprises. Cette question de la prioritĂ© Ă 5 ans dĂ©pend Ă©galement du
pĂ©rimĂštre de lâentreprise, avec 13 points dâĂ©cart entre les entreprises internationales et celles uniquement françaises.
Ces rĂ©ponses dessinent en creux les Ă©carts qui pourraient rapidement se crĂ©er dans lâadoption de lâIA selon les types dâorganisation.
Au sein mĂȘme des organisations, les perceptions sont hĂ©tĂ©rogĂšnes. A la question de savoir si leur entreprise envisage dâutiliser lâIA dans les 5 ans, les salariĂ©s sont 41 % Ă ne pas se prononcer, signe de leur manque de visibilitĂ©. 28 % ne savent pas situer leur entreprise par rapport Ă la concurrence sur le sujet de lâIA.
On retrouve ces Ă©carts de perception entre dirigeants et managers : ces derniers sont 17 % Ă penser que leur entreprise est « en retard » sur le sujet de lâIA, contre 38 % des dirigeants.
Enfin, quel que soit le statut, la perception de lâIA est liĂ©e Ă lâĂąge, avec jusquâĂ 15 points dâĂ©cart entre moins de 35 ans et plus de 50 ans sur ces questions. Seuls 12 % des plus de 50 ans se sentent suffisamment accompagnĂ©s par leur entreprise sur le sujet, contre 41 % des moins de 25 ans.
Ă l'heure actuelle Dans les 5 ans Ă venir
53 %
27 %32 %
18 %
Moins de 250 salariés Plus de 250 salariés
DEGRĂ DE PRIORISATION DE LâIA EN FONCTION DE LA TAILLE DE LâENTREPRISE ET DE LâHORIZON DE TEMPS
DEGRĂ DE PRIORISATION DE LâIA EN FONCTION DU CARACTĂRE INTERNATIONAL DE LâENTREPRISE ET DE LâHORIZON DE TEMPS
+9 pts
+21 pts
+12 ptsPrioritĂ© donnĂ©e Ă lâIA
Ă l'heure actuelle Dans les 5 ans Ă venir
48 %
23 %
33 %
19 %
Entreprise en France uniquement Entreprise internationale
+15 pts
+11 ptsPrioritĂ© donnĂ©e Ă lâIA
+4 pts
1.7 face Ă cette rĂ©alitĂ©, des niveaux de prĂ©paration contrastĂ©s et dans lâensemble modestes
28 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
LâexpĂ©rimentation permet la prise de conscience des dĂ©fis. DiffĂ©rents profils de maturitĂ© apparaissent parmi les entreprises rencontrĂ©es, en fonction de leur degrĂ© de comprĂ©hension et dâadoption de lâIA.
Les « meneurs » et les « expérimentateurs » partagent 4 constats :
âș LâexpĂ©rimentation et la mise en Ćuvre de pilotes permettent de diminuer rapidement les craintes. Dans notre enquĂȘte, les salariĂ©s dĂ©clarant bĂ©nĂ©ficier dâun bon accompagnement par leur entreprise ont Ă 89 % une perception positive de lâIA, contre 46 % pour ceux qui estiment quâun tel accompagnement nâest « pas nĂ©cessaire » ;
âș Les dirigeants ont besoin de forger leurs convictions sur le sujet. Plus de 85 % des « meneurs » sont familiers de la logique « algorithmes â donnĂ©es â entraĂźnement », contre moins de 10 % des « passifs »37. Cette prise de conscience va le plus souvent de pair avec lâexistence dâune stratĂ©gie et dâune gouvernance de la donnĂ©e, ainsi quâavec un niveau plus Ă©levĂ© de sensibilisation Ă la cybersĂ©curitĂ© ;
37 « Reshaping Business With Artificial Intelligence », MIT Sloan Management Review & BCG, automne 2017
âș La mise en Ćuvre de lâIA est un projet de transformation. Facteurs humains, Ă©parpillement des tĂąches Ă automatiser, inadĂ©quation des systĂšmes dâinformation actuels font que mettre en Ćuvre lâIA Ă grande Ă©chelle nâest pas immĂ©diat et nĂ©cessite une adaptation du modĂšle opĂ©rationnel de lâorganisation ;
âș LâIA a un caractĂšre potentiellement disruptif sur lâorganisation et les business models. 78 % des entreprises utilisant dĂ©jĂ des solutions dâIA estiment que son impact sera fort, contre seulement 44 % pour la moyenne dâensemble. Les entreprises les plus avancĂ©es ont Ă©galement plus fortement conscience de la possibilitĂ© dâune disruption par un nouvel entrant utilisant ces technologies.
Adoption de lâIA
Com
préh
ensi
on d
e lâI
A
Investigateurs
Comprennent lâIA mais niveau dâadoption faible
Passifs
Pas dâadoption ni de rĂ©elle comprĂ©hension de lâIA
Expérimentateurs
Testent ou adoptent lâIA sans comprĂ©hension approfondie
Meneurs
Comprennent et adoptent lâIA dans leurs processus et offres
29INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
Au-delĂ des enjeux technologiques de cette phase de dĂ©marrage, lâexpĂ©rience des groupes les plus avancĂ©s montre que les enjeux humains seront les clĂ©s du succĂšs dâune adoption rĂ©ussie de lâIA. Celle-ci va se dĂ©ployer dans des organisations qui ne sont pas encore sorties de la vague digitale et nâont pas encore pris la mesure complĂšte des nouveaux enjeux de compĂ©tences et dâorganisation du travail. Compte tenu de lâampleur et de la complexitĂ© dâadaptation,
les Directions Générales et en particulier les Directions des Ressources Humaines vont devoir engager rapidement les travaux préparatoires pour accompagner ces évolutions.
PERCEPTION DE LâIA DANS LâENTREPRISE EN FONCTION DU NIVEAU DE CONNAISSANCE SUR LE SUJET*
PERCEPTION DE LâIA DANS LâENTREPRISE EN FONCTION DU SENTIMENT DâACCOMPAGNEMENT PAR LâENTREPRISE*
Connaissance de l'IA Pas de connaissance de l'IA
41 %24 %
59 %76 %
â 90 % de lâĂ©chantillon
â 10 % de lâĂ©chantillon
Perception
Suffisant Insuffisant Non nécessaire
46 %
25 %11 %
54 %
75 %89 %
â 40 % de lâĂ©chantillon â 40 % de
lâĂ©chantillon
â 20 % de lâĂ©chantillon
Perception
Connaissance de lâIA Accompagnement par lâentreprise sur lâIA
Positive NĂ©gativePositive NĂ©gative
* Chiffres portant uniquement sur les rĂ©pondants salariĂ©s sâĂ©tant prononcĂ©s sur leur perception de lâIA * Chiffres portant uniquement sur les rĂ©pondants salariĂ©s sâĂ©tant prononcĂ©s sur leur perception de lâIA
31INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
DU COLLABORATEUR AUGMENTĂ AUX NOUVELLES ORGANISATIONS DE TRAVAIL : LES PRIORITĂS DâUN ACCOMPAGNEMENT RĂUSSI, Ă ADAPTER SELON LA TAILLE DE LâENTREPRISE
Chapitre 2
32 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
Au travers de nos entretiens, deux grands types dâenjeux apparaissent :
âș Comprendre les spĂ©cificitĂ©s des transformations dues Ă lâIA pour chaque entreprise, en fonction Ă©galement de leur taille et de leur maturitĂ© sur le digital et la data, et prendre en compte lâampleur des ruptures envisagĂ©es. Le nombre dâactivitĂ©s touchĂ©es, lâampleur des changements dans le mĂ©tier et lâampleur des changements RH dĂ©pendront de chaque entreprise, et restent incertains : il faut savoir travailler en scĂ©narii, avec des invariants qui permettent de prendre des dĂ©cisions.
âș Anticiper, car la multiplicitĂ© des impacts va poser une question de cohĂ©rence dâensemble au niveau des sites, des entreprises, des branches, des territoires comme au niveau national : ampleur des mouvements en moyenne, guerre des talents qui se prĂ©pare sur certains profils, dĂ©sertification de certaines compĂ©tences en rĂ©gion, ampleur des restructurations sur des profils peu ou moyennement qualifiĂ©s⊠Les entreprises qui auront anticipĂ© seront celles qui profiteront de la transformation IA.
Ce niveau dâenjeu fait de lâIA un sujet de Direction GĂ©nĂ©rale, dont les DRH seront le bras armĂ©. Ces derniers prennent conscience du vaste chantier qui sâouvre pour leurs Ă©quipes : Ă©clairer les domaines respectifs des tĂąches humaines et des tĂąches de lâIA, mettre en place les garde-fous pour encadrer la collaboration homme-machine, renforcer les aspects relationnels des emplois impactĂ©s, mettre en place les indicateurs qui permettront de comprendre finement les impacts de la gĂ©nĂ©ralisation de lâIA dans le travail... Plus fondamentalement encore, il sâagira de donner du sens au dĂ©ploiement de lâIA : adapter la culture de lâentreprise, accompagner les Ă©volutions des identitĂ©s professionnelles, mais aussi rĂ©inventer lâexpression des salariĂ©s, notamment mais pas uniquement par le dialogue social, pour accompagner des formes dâorganisation plus plates, plus transparentes, moins hiĂ©rarchiques et plus coopĂ©ratives.
RĂ©pondre Ă ces enjeux suppose de lancer trĂšs vite un nombre important dâactions, dans des domaines variĂ©s. Nous en avons dressĂ© une premiĂšre liste, Ă adapter par organisation et selon la taille de lâentreprise, qui concerne toutes les facettes de lâactivitĂ© des DRH :
âș Le DRH partenaire du mĂ©tier, qui doit contribuer Ă faire comprendre les enjeux et Ă crĂ©er le cadre de confiance pour le dĂ©ploiement de lâIA. Le DRH nâest pas en responsabilitĂ©, mais doit ĂȘtre Ă©troitement associĂ© Ă toutes les initiatives (2.1) ;
âș Le DRH garant des compĂ©tences : les actions relatives Ă la formation, Ă la reconversion, au recrutement. Le DRH doit assurer sa mission dâaccompagner et adapter le capital humain de lâentreprise (2.2) ;
âș Le DRH stratĂšge qui doit, en lien avec le mĂ©tier, Ă©clairer et anticiper les transformations de lâorganisation (2.3) ;
âș Le DRH animateur du dialogue social, responsable du volet RH de la politique RSE de lâentreprise, acteur des travaux au niveau des branches professionnelles et des territoires (2.4) ;
âș Le « DRH augmentĂ© », qui doit assurer la transformation de la fonction RH, grĂące aux outils fournis par lâIA (2.5).
33INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
2.1.1 PrĂ©parer dirigeants, collaborateurs et parties prenantes aux spĂ©cificitĂ©s de la transformation liĂ©e Ă lâIA pour en faciliter lâadoption
Peu dâentreprises semblent pour lâinstant avoir pris le parti dâune sensibilisation large des collaborateurs aux enjeux de lâIA. Le Cigref notait dĂšs 201638 une initiative de la SociĂ©tĂ© GĂ©nĂ©rale en ce sens, et notre Ă©tude a mis en Ă©vidence quelques initiatives complĂ©mentaires, comme la mise en ligne par la SNCF dâarticles de sensibilisation sur le sujet.
Plusieurs phĂ©nomĂšnes se conjuguent : âș Des dirigeants encore mal Ă lâaise avec lâIA,
son champ et ses impacts ; âș Une communication large auprĂšs des salariĂ©s
qui nâa pas encore eu lieu, les entreprises Ă©tant dans lâincertitude quant aux dĂ©veloppements de leurs tests en cours. Pour lâun de nos interlocuteurs « tous mes clients sont en Ă©bullition sur le sujet mais aucun nâa encore communiquĂ© faute de visibilitĂ© » ;
âș Lâimplication encore limitĂ©e des Directions des Ressources Humaines dans les pilotes en cours ;
âș Un sujet qui nâest pas encore entrĂ© dans le champ de la nĂ©gociation sociale. Seuls quelques DRH, travaillant plutĂŽt sur des logiques de productivitĂ©, avaient entamĂ© un dialogue sur le sujet de lâIA lors de lâĂ©tude. La plupart estiment pourtant que par sa nature, lâIA fait partie des sujets sur lesquels la co-construction avec les partenaires sociaux sera capitale pour insuffler une vĂ©ritable dynamique dâaccompagnement du changement.
Le besoin de prĂ©paration porte sur la comprĂ©hension des nouvelles notions introduites par lâIA (apprentissage automatique, apprentissage profond, entraĂźnement, biais, explicabilitĂ©, etc.) mais Ă©galement sur les
38 « Gouvernance de lâIntelligence Artificielle dans les entreprises », CIGREF, 2016
nouveautĂ©s dans la façon de gĂ©rer les projets dans le domaine IA (agilitĂ©, faible distinction entre les phases build et run, maintenance des algorithmesâŠ). Il sâĂ©tend au besoin de crĂ©er une « culture de la donnĂ©e et de lâalgorithme » Ă tous les niveaux de lâorganisation, et recouvre Ă©galement la nĂ©cessitĂ© dâapprendre Ă faire confiance Ă lâalgorithme, pour intĂ©grer les apports cognitifs dâune IA dont les recommandations seront parfois perçues comme intrusives.
Les dirigeants sont 36 % Ă considĂ©rer que « former culturellement les collaborateurs Ă travailler avec des solutions dâIA » est un des principaux dĂ©fis humains de la transition (juste aprĂšs lâorganisation du travail). En regard, le dĂ©ficit dâalignement et dâinformation actuel est susceptible dâalimenter les inquiĂ©tudes des salariĂ©s.
La rĂ©ussite du dĂ©ploiement de lâIA passera par un dialogue ouvert sur ses bĂ©nĂ©fices, ses risques et ses conditions de dĂ©ploiement. Elle passera aussi par la capacitĂ© quâauront les organisations Ă donner du sens Ă cette transformation, au-delĂ de la seule dimension technologique.
2.1.2 Garantir la qualitĂ© des emplois de demain dans un contexte dâinteraction homme-machine
Dans une vision positive de lâIA, un des Directeurs des Ressources Humaines rencontrĂ© estime que la machine va paradoxalement « remettre de lâhumain dans le travail » : suppression de tĂąches pĂ©nibles ou rĂ©pĂ©titives, recentrage sur les aspects relationnels et Ă valeur ajoutĂ©e du travail, plus grande autonomie dans la dĂ©cision⊠Par analogie avec les prĂ©cĂ©dentes rĂ©volutions industrielles, « la disparition des liftiers et des pools de secrĂ©taires » et « lâimpact de lâarrivĂ©e de la micro-informatique sur les services comptables » sont Ă©voquĂ©s sans nostalgie.
2.1 Le DRH partenaire du mĂ©tier pour mettre en place le cadre dâadoption de lâIA
34 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
Mais cette vision positive nâest pas une donnĂ©e : elle dĂ©pend de la façon dont lâIA se dĂ©ploiera dans les organisations et des scĂ©narios dâinteraction entre lâhomme et la machine, qui ne sont encore que partiellement instruits.
Le rapport homme/machine nâest pas nouveau. Ce qui est nouveau, câest que jusque-lĂ lâhomme maĂźtrisait et conduisait la machine. Avec lâIA, on entre dans une nouvelle phase de la relation homme-machine, dans laquelle cette rĂ©partition nâest plus Ă©vidente : dans certains cas, la machine dicte les gestes et les tĂąches Ă accomplir (par exemple pour les opĂ©rateurs de picking dans les entrepĂŽts). Le contenu et lâorganisation du travail sâen trouvent modifiĂ©s, avec de possibles consĂ©quences : individualisation renforcĂ©e, perte des savoir faire, dĂ©veloppement du micro-contrĂŽle...
Trois risques pour la qualité des emplois seront à prendre en compte :
Le risque de la polarisation des tĂąches, qui verrait les emplois transformĂ©s par lâIA se rĂ©partir fortement entre emplois Ă trĂšs forte ou Ă trĂšs faible valeur ajoutĂ©e : âș Pour une partie des emplois, la prise en
charge dâune partie des tĂąches par lâIA ne sera pas synonyme dâaugmentation pour le collaborateur, mais de complexification des tĂąches restantes. Celles-ci pourraient aussi ĂȘtre cantonnĂ©es Ă des opĂ©rations de contrĂŽle ne prĂ©sentant pas plus dâintĂ©rĂȘt que les prĂ©cĂ©dentes ;
âș LâIA pourrait rĂ©duire lâaspect distinctif et valorisant des compĂ©tences et contribuer Ă une dĂ©qualification de certains opĂ©rateurs. En accĂ©lĂ©rant la montĂ©e en compĂ©tences, par exemple en facilitant la formation et la prise de poste dâun ouvrier sur une ligne ou dâun analyste, en les assistant dans la comprĂ©hension des modalitĂ©s de rĂ©alisation des tĂąches, lâIA les rend aussi paradoxalement plus facilement remplaçables ;
âș A lâextrĂȘme, par la flexibilitĂ© quâelle permet, lâIA pourrait ĂȘtre un des facteurs contribuant Ă la montĂ©e constatĂ©e des formes dâemplois prĂ©caires, CDD ou free-lance par exemple. Sans quâil soit possible de faire un lien de
39 Freelancing in America 2017, Edelman intelligence, septembre 201740 Professeur en Sciences de lâInformation et de Communication, UniversitĂ© Paris Descartes, Directrice du master Ed Tech
cause Ă effet, une Ă©tude rĂ©alisĂ©e en 2017 aux Etats-Unis39 montre que les travailleurs en free-lance anticipent plus que les autres un impact de lâIA et de lâautomatisation dans leur secteur (66 % contre 34 % pour les autres salariĂ©s). 58 % pensent que leur travail sera fortement ou totalement rĂ©alisĂ© par des machines dans les 20 ans Ă venir, contre 19 % des autres salariĂ©s.
Lâimpact incertain de lâIA en termes de QualitĂ© de Vie et SantĂ© au Travail. La durĂ©e et lâĂ©chelle des pilotes dâIA rĂ©alisĂ©s ne permettent pas de tirer de conclusions dĂšs maintenant sur les impacts de lâIA dans ce domaine, cependant nos interlocuteurs pressentent un certain nombre dâĂ©volutions.
Le binĂŽme robot / IA devrait contribuer Ă rĂ©duire la pĂ©nibilitĂ© de nombreux emplois et la rĂ©pĂ©titivitĂ© des tĂąches, donc les syndromes associĂ©s, dont les troubles musculo-squelettiques (TMS). Les ergonomes notent cependant que lâinteraction avec une machine peut conduire Ă lâĂ©mergence de nouveaux gestes rĂ©pĂ©titifs.
Lâimpact sur les risques psycho-sociaux (RPS) est moins clair : positif pour les emplois rĂ©ellement augmentĂ©s, il serait plus incertain pour les emplois Ă faible valeur ajoutĂ©e, dont les tĂąches restantes ne gagneraient pas en intĂ©rĂȘt et devraient ĂȘtre rĂ©alisĂ©s au rythme accru imposĂ© par lâIA et sous le « contrĂŽle » de celle-ci. Sophie PĂšne40 rappelle en particulier lâimportance dâassocier les opĂ©rateurs au paramĂ©trage des solutions dâIA qui conditionnent leur activitĂ© sous peine dâoccasionner des situations de souffrance professionnelle. Enfin, la poursuite des progrĂšs de la technologie pourrait accroĂźtre encore la zone de substituabilitĂ© et conduire une portion des salariĂ©s Ă vivre dans lâanxiĂ©tĂ© dâĂȘtre « les prochains Ă disparaĂźtre ».
Le risque sur lâengagement des salariĂ©s dâune interaction homme-machine mal pensĂ©e. La dĂ©shumanisation des relations de travail est le premier risque perçu par les salariĂ©s participant Ă notre Ă©tude (56 % des salariĂ©s interrogĂ©s). Cette dĂ©shumanisation pourrait prendre plusieurs formes : dĂ©qualification, appauvrissement des
35INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
interactions sociales⊠Elle peut aussi rĂ©sulter dâun sentiment de dĂ©responsabilisation : lâIA pose en effet la question de lâautonomie de lâacteur humain et de sa lĂ©gitimitĂ© Ă prendre des dĂ©cisions. A mesure que se multiplieront les champs oĂč lâIA prendra ou suggĂšrera une dĂ©cision, la pression grandira sur lâopĂ©rateur pour se conformer Ă cette prĂ©conisation. DĂ©finir prĂ©cisĂ©ment les champs de responsabilitĂ© sera clĂ©, de mĂȘme que donner aux collaborateurs les clĂ©s de fonctionnement de cette interface revue avec la machine. Cela supposera quâils aient les compĂ©tences transversales, analytiques et relationnelles leur permettant cette prise de recul.
Risque dâisolement, moindre autonomie, responsabilitĂ© plus floue : on retrouve lĂ certains des principaux facteurs pouvant conduire au dĂ©sengagement des salariĂ©s. Mal accompagnĂ©e ou mal utilisĂ©e, lâIA pourrait renforcer ce phĂ©nomĂšne. Comme le note Sophie PĂšne en sâappuyant sur sa rencontre avec Gregory Renard, co-fondateur dâxBrain, « tout lâenjeu est dâavoir le courage de supprimer des postes pour rĂ©inventer des mĂ©tiers augmentĂ©s, en travaillant sur la pĂ©riode de transition » et en associant les salariĂ©s Ă ce travail.
Ces inquiĂ©tudes sont autant dâobstacles potentiels au dĂ©ploiement de lâIA dans les entreprises et Ă lâefficacitĂ© du collectif. Mieux comprendre et mesurer les risques est clĂ© pour les DRH qui devront les anticiper. Lâinclusion des Ă©quipes de la RH dans les pilotes en cours ou futurs est une des clĂ©s pour ce faire, ainsi que lâadaptation des indicateurs de la fonction RH pour bien cerner le phĂ©nomĂšne. Au-delĂ , une rĂ©flexion sur la place de la machine et les conditions de son interface avec les collaborateurs sâimpose.
2.1.3 Organiser une « tour de contrĂŽle » interne et externe sur les questions dâĂ©thique liĂ©es aux donnĂ©es et aux algorithmes pour garantir la confiance
41 Dietterich, Thomas G. and Horvitz, Eric J., Rise of Concerns about AI: Reflections and Directions, Communications of the ACM, octobre 201542 « Big Data and Trust Consumer Survey » et « BCG Big Data and Trust Enterprise Survey », BCG, 2015
Les principaux risques posĂ©s par lâIA Ă court terme sont Ă©thiques. DĂšs 2015, cinq risques de court terme Ă©taient identifiĂ©s pour les solutions dâIA41, en lien avec les consĂ©quences que ces technologies peuvent avoir sur lâhumain : âș Le fonctionnement des logiciels dâIA, avec les
risques de bugs et dâopacitĂ© pouvant gĂ©nĂ©rer des fonctionnements imprĂ©vus
âș La cybersĂ©curitĂ© et la protection des donnĂ©es âș « Lâapprenti sorcier », ou la tentation de
donner la capacitĂ© aux systĂšmes dâIA de comprendre ce que veulent les utilisateurs au lieu dâinterprĂ©ter littĂ©ralement leurs ordres
âș Lâautonomie partagĂ©e, câest-Ă -dire la nĂ©cessitĂ© dâassurer une coopĂ©ration fluide des systĂšmes dâIA avec les utilisateurs de façon que ceux-ci puissent toujours reprendre le contrĂŽle en cas de besoin
âș Les impacts socio-Ă©conomiques de lâIA, pour quâelle soit bĂ©nĂ©fique pour lâensemble de la sociĂ©tĂ©
La sensibilitĂ© individuelle aux usages des donnĂ©es augmente, et nuit Ă la confiance en lâIA. Une Ă©tude de 201542 mettait en Ă©vidence deux tendances sur la protection des donnĂ©es personnelles : une dĂ©gradation du niveau de confiance des citoyens (86 % des personnes interrogĂ©es dĂ©claraient devoir prendre des prĂ©cautions pour protĂ©ger leurs donnĂ©es en 2015, contre 83 % deux ans plus tĂŽt), et un niveau de mĂ©fiance Ă©levĂ© dans toutes les tranches dâĂąge mĂȘme si un effet de gĂ©nĂ©ration existe (91 % de mĂ©fiance pour les plus de 60 ans, mais 79 % pour les 18-24 ans, tranche dâĂąge pour laquelle ce taux connait la plus forte progression).
Plusieurs cas rĂ©cents trĂšs mĂ©diatisĂ©s sont venus renforcer ces interrogations du grand public : le piratage, tardivement rĂ©vĂ©lĂ©, des donnĂ©es personnelles de 57 millions dâutilisateurs dâUber par exemple, ou bien les avertissements de la CNIL en dĂ©cembre 2017 Ă lâencontre de fabricants de jouets connectĂ©s susceptibles de collecter des donnĂ©es des enfants Ă lâinsu de leur famille. En entreprise, notre enquĂȘte rĂ©vĂšle que les problĂšmes Ă©thiques sont pour les salariĂ©s le deuxiĂšme risque de lâIA (pour 51 % dâentre eux).
36 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
LâĂ©thique de lâIA est entrĂ©e dans le champ du dĂ©bat public et de premiĂšres rĂ©ponses ont Ă©tĂ© apportĂ©es. Comme le remarque Laurence Devillers, « LâIA porte en elle les biais de ses concepteurs »43. Trois grands types dâenjeux font actuellement lâobjet dâun dĂ©bat citoyen, auquel les entreprises ne pourront rester Ă©trangĂšres : lâĂ©thique de la responsabilitĂ© (responsabilitĂ© des dĂ©cisions des algorithmes financiers par exemple), la protection de la vie privĂ©e et des libertĂ©s (face Ă la diffusion des systĂšmes de reconnaissance faciale par exemple, ou Ă la multiplication des Ă©missions de donnĂ©es par les objets du quotidien) et la transparence de la dĂ©cision (non-discrimination et caractĂšre explicable de dĂ©cisions telles que lâembauche, lâattribution dâun prĂȘt ou la dĂ©termination dâune prime dâassurance).
Face au dĂ©ficit de confiance, les acteurs de lâIA ont tentĂ© dâapporter des rĂ©ponses. Les « GAFAMI » (GAFAM plus IBM) sont par exemple Ă lâorigine du « partenariat pour lâIA au bĂ©nĂ©fice des individus et de la sociĂ©tĂ© »44. Sây ajoutent plusieurs initiatives visant Ă utiliser la technologie elle-mĂȘme pour plus de transparence : projet X.AI (« Explainable AI ») de la DARPA, projet Michelangelo dâUber pour la visualisation des donnĂ©es⊠En France, lâINRIA propose la crĂ©ation de Transalgo, plateforme pour le dĂ©veloppement de la transparence et de la responsabilitĂ© des systĂšmes algorithmiques. Des comitĂ©s dâĂ©thique voient le jour, comme la Commission de rĂ©flexion sur lâĂ©thique de la recherche en sciences et technologies du numĂ©rique (Cerna) de lâalliance Allistene, dont une publication rĂ©cente porte sur lâ « Ethique de la recherche en apprentissage machine », ou lâinitiative Ethik IA sur les algorithmes en santĂ© lancĂ©e par la chaire SantĂ© de Sciences Po Paris.
Les pouvoirs publics, en Europe en particulier, se sont saisis du sujet. Depuis 1995, de la Directive sur la protection des donnĂ©es jusquâau RĂšglement gĂ©nĂ©ral sur la protection des donnĂ©es qui sera mis en oeuvre en mai 2018, 3 vagues de rĂšglementation sur la protection et la localisation de la donnĂ©e se sont succĂ©dĂ©es.
43 « Des robots et des hommes », Laurence Devillers, Plon 201744 https://www.partnershiponai.org/
Concilier efficacitĂ© du cadre Ă©thique et souplesse est un exercice dĂ©licat. Comme le remarque Isabelle Falque-Pierrotin, PrĂ©sidente de la CNIL, nous sommes « face Ă des objets technologiques extrĂȘmement Ă©volutifs quâon ne peut pas analyser une fois pour toutes ». Un Ă©quilibre est Ă trouver entre le cadre de confiance Ă crĂ©er pour faciliter lâadoption des solutions dâIA et la souplesse nĂ©cessaire pour bĂ©nĂ©ficier des avantages de ces solutions en termes de nouveaux produits et services et de meilleure compĂ©titivitĂ©.
La CNIL, dans son rapport de dĂ©cembre 2017, retient les principes clĂ©s de loyautĂ© et de vigilance / rĂ©flexivitĂ© et formule 6 recommandations opĂ©rationnelles : former Ă lâĂ©thique, rendre les systĂšmes algorithmiques comprĂ©hensibles, travailler le design des systĂšmes algorithmiques pour y intĂ©grer responsabilitĂ© et explicabilitĂ©, constituer une plateforme nationale dâaudit des algorithmes, encourager la recherche sur lâIA Ă©thique et renforcer la fonction Ă©thique au sein des entreprises.
Pour les entreprises, la complexitĂ© sera de donner une rĂ©alitĂ© au quotidien Ă cette Ă©thique. Une approche par le biais de processus de conformitĂ© et de vĂ©rification a posteriori pourrait sâavĂ©rer artificielle et complexe. Le dĂ©fi leur semble de sâassurer que les implications de lâIA sont comprises par les collaborateurs et intĂ©grĂ©es dans leur activitĂ©. Selon les cultures dâentreprise, mettre en Ćuvre cette Ă©thique de responsabilitĂ© sera plus ou moins naturel et aisĂ©.
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LâentrĂ©e dans lâĂšre digitale, couplĂ©e Ă la globalisation et Ă lâĂ©volution des attentes des collaborateurs, marquait la nĂ©cessitĂ© pour les entreprises de gĂ©rer leurs talents. Lâirruption de lâIA va renforcer et accĂ©lĂ©rer cette nĂ©cessitĂ© : de plus en plus, les entreprises vont devoir dĂ©velopper des stratĂ©gies innovantes pour attirer les talents les plus crĂ©atifs et ceux disposant des compĂ©tences les plus pointues dans les nouveaux domaines technologiques. Elles vont devoir sâadapter rapidement pour affronter le choc des compĂ©tences que provoquera la transformation de la plupart des emplois. Accompagner ce contexte de transformation permanente va requĂ©rir un leadership agile et adaptatif qui, dans de nombreuses entreprises, passera par des Ă©volutions consĂ©quentes dans la façon de gĂ©rer et dĂ©velopper les leaders : mise en place de parcours experts, promesse employeur attractive, parcours de dĂ©veloppement expĂ©rientiels⊠seront autant de prĂ©requis dans cette transition.
2.2.1 Recruter et fidĂ©liser les nouveaux talents nĂ©cessaires Ă lâIA
ConcrĂ©tiser les promesses de lâintelligence artificielle suppose de disposer des ressources adĂ©quates. Pour les interlocuteurs de notre panel, ce sujet arrive parmi les prioritĂ©s mais figure aussi au rang des sources dâinquiĂ©tude : la plupart dĂ©crivent un marchĂ© en tension pour les ressources expertes.
Lâintelligence artificielle requiert plusieurs types de compĂ©tences spĂ©cifiques : dâabord celles liĂ©es Ă la donnĂ©e, data scientists, data analysts et data engineers au premier chef, mais aussi spĂ©cialistes des plateformes. Ces compĂ©tences sont celles nĂ©cessaires au dĂ©veloppement et Ă la mise en Ćuvre de nouveaux algorithmes. Mais pour donner vie Ă lâIA dans lâorganisation, des compĂ©tences dâarchitecture et dâintĂ©gration de systĂšmes sont Ă©galement nĂ©cessaires, ainsi que des compĂ©tences en cybersĂ©curitĂ©, en ingĂ©nierie des processus.
Le dĂ©collage Ă©tant simultanĂ© chez lâensemble des acteurs et la discipline encore relativement
jeune, les ressources sont rares. Les grands groupes se retrouvent en concurrence directe avec dâun cĂŽtĂ© les start-ups du domaine et leurs riches perspectives, de lâautre lâattrait et les moyens des leaders du secteur, au premier chef les GAFAMI.
Dans une Ă©tude de 2017, « The Quant Crunch: How The Demand For Data Science Skills Is Disrupting The Job Market », IBM mettait en Ă©vidence la croissance rapide des besoins de compĂ©tences en data science & analytics au rythme de 15 % annuels, ajoutant que 80 % des postes proposĂ©s requĂ©raient une expĂ©rience professionnelle dâau moins 3 ans : le calendrier jouera contre ceux qui partiront trop tard.
Il est donc urgent pour les entreprises de dĂ©velopper une stratĂ©gie spĂ©cifique en la matiĂšre : identifier leurs besoins, identifier les viviers de talents qui leur sont accessibles et dĂ©velopper les logiques de recrutement spĂ©cifiques pour attirer ces nouvelles populations : partenariats avec les Ă©tablissements ou filiĂšres de formation, environnements de travail adaptĂ©s, valorisation de leurs compĂ©tences propres souvent distinctes de celles des parcours traditionnels, perspectives de dĂ©veloppement⊠sont autant dâĂ©lĂ©ments dâun cocktail dĂ©licat pour ne pas se priver de ces ressources.
2.2.2 Anticiper les Ă©volutions de lâemploi et des compĂ©tences, voire des identitĂ©s professionnelles, dans lâentreprise â adapter les outils de formation pour faire face Ă une accĂ©lĂ©ration des volumes et une Ă©volution des contenus de formation
Plus mĂȘme que lâĂ©volution des volumes dâemploi, câest le fait que la plus grande proportion des emplois en entreprise sera profondĂ©ment transformĂ©e qui prĂ©occupe nos interlocuteurs, et en particulier les Directeurs des Ressources Humaines.
2.2 Le DRH garant des compĂ©tences, face au dĂ©fi de lâiA
38 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
En ce qui concerne lâĂ©volution des volumes dâemploi au niveau de lâentreprise, les interlocuteurs rencontrĂ©s ont dans lâensemble une approche pragmatique : âș Suite aux nombreuses analyses des deux
derniĂšres annĂ©es, une majoritĂ© anticipe un effet de lâIA sur le volume dâemploi, que la plupart sâavouent encore incapables de quantifier ;
âș Les rĂ©pondants Ă©voquent la nĂ©cessitĂ© dâanalyses dâimpact Ă grande Ă©chelle pour Ă©clairer les fonctions ou les tĂąches que lâintelligence artificielle serait susceptible dâeffectuer Ă court et moyen terme. Mais peu semblent avoir effectivement lancĂ© un tel exercice, Ă la diffĂ©rence de leurs homologues nord-amĂ©ricains ;
âș La perception des Directeurs des Ressources Humaines concernĂ©s Ă ce stade est que lâeffet de lâIA sur lâemploi sâintĂšgrera dans la courbe de productivitĂ© de lâentreprise et sera gĂ©rable sâil est correctement anticipĂ© ;
âș Ce volontarisme est cependant tributaire de deux conditions : que le calendrier dâimpact de lâIA ne sâaccĂ©lĂšre pas, et que lâentreprise ne soit pas touchĂ©e simultanĂ©ment dans ses diffĂ©rentes fonctions ;
âș Les rĂ©ponses envisagĂ©es varient selon la situation, le contexte de marchĂ© et le contrat social spĂ©cifique des entreprises rencontrĂ©es : accompagnement social, absorption par la croissance, redĂ©ploiement des effectifsâŠ
âș Les leviers Ă©voquĂ©s par nos interlocuteurs, issus en majoritĂ© de grands groupes, seraient moins pertinents pour des TPE / PME. Comme sur le volet des « talents de lâIA », ces entreprises seraient probablement plus vulnĂ©rables Ă des Ă©volutions fortes de lâemploi entraĂźnĂ©es par lâIA.
La transformation des emplois induite par lâIA et lâĂ©volution des compĂ©tences qui en dĂ©coule sont vus comme le dĂ©fi majeur du dĂ©ploiement de ces technologies, nĂ©cessitant une adaptation et un renforcement de la traditionnelle « Gestion PrĂ©visionnelle de lâEmploi et des CompĂ©tences » pour en faire une vĂ©ritable GSEC, « Gestion StratĂ©gique de lâEmploi et des CompĂ©tences » Ă mĂȘme de rĂ©pondre aux besoins mĂ©tier des entreprises :
45 « Dancing with Robots: Human Skills for Computerized Work », Frank Levy & Richard Murnane, Third Way, 2013
âș En regard du chiffre moyen de 50 % du total des emplois profondĂ©ment transformĂ©s retenu par le Conseil dâOrientation pour lâEmploi, nos interlocuteurs estiment que dans les entreprises, et en particulier dans les grands groupes, la trĂšs grande majoritĂ© des emplois sera impactĂ©e ;
âș Le dĂ©fi sera de deux ordres : dĂ©velopper les compĂ©tences â qui ne seront pas seulement techniques - des collaborateurs pour leur permettre de fonctionner efficacement avec lâIA, et faire Ă©voluer les recrutements futurs pour quâils intĂšgrent ces nouvelles compĂ©tences ;
âș A cela sâajoutera un impĂ©ratif de requalification et adaptation pour une partie des collaborateurs. Dâabord ceux dont le poste disparaĂźtrait, et pour qui des parcours de transferts vers de nouveaux postes seraient nĂ©cessaires (par exemple pour accompagner des populations de back office vers des rĂŽles en lien avec la clientĂšle). Mais Ă©galement ceux dont le profil et les capacitĂ©s ne correspondraient plus au poste transformĂ© par lâIA, crainte exprimĂ©e par plusieurs de nos interlocuteurs.
LâĂ©mergence de lâIA va accĂ©lĂ©rer la sophistication tendancielle des compĂ©tences requises par le marchĂ© de lâemploi mise en Ă©vidence en 2013 par Levy et Murnane45 dans « Dancing with robots » : importance croissante des compĂ©tences interpersonnelles et analytiques, au dĂ©triment des compĂ©tences cognitives et manuelles : âș Les emplois « augmentĂ©s » en interaction
avec lâIA se reposeront sur lâIA pour une partie croissante des compĂ©tences techniques et des connaissances associĂ©es ;
âș Inversement, lâefficacitĂ© de lâinteraction avec lâIA et de la prise de dĂ©cision associĂ©e supposeront des compĂ©tences analytiques et de rĂ©solution de problĂšmes renforcĂ©es (curiositĂ© intellectuelle, esprit dâinitiative, persĂ©vĂ©rance, crĂ©ativitĂ©âŠ) ;
âș Pour la majoritĂ© des mĂ©tiers augmentĂ©s, le temps libĂ©rĂ© par lâIA entraĂźnera un renforcement des aspects relationnels de lâemploi, nĂ©cessitant des compĂ©tences transversales et interpersonnelles Ă©galement renforcĂ©es (communication, capacitĂ© Ă mener
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un groupe / un projet, collaboration, Ă©couteâŠ), mais aussi capacitĂ© Ă sâadapter et Ă Ă©voluer.
Pour la plupart des DRH rencontrĂ©s, ces Ă©volutions supposent une inflexion dans les budgets de formation et de dĂ©veloppement. Mais sâils reconnaissent que les entreprises auront probablement un rĂŽle majeur, ils estiment Ă©galement que le systĂšme Ă©ducatif français dans son ensemble se retrouve face Ă ses dĂ©fis : âș Acquisition de connaissances et travail
individuel valorisés, alors que le besoin portera sur des compétences plus relationnelles et comportementales ;
âș Performance contrastĂ©e en ce qui concerne la maĂźtrise des fondamentaux, reflĂ©tĂ©e dans les classements internationaux de type PISA, rendant plus complexe le dĂ©veloppement ultĂ©rieur de compĂ©tences analytiques et de rĂ©solution de problĂšmes ;
âș Proportion de jeunes quittant le systĂšme sans diplĂŽme, posant la question de leur employabilitĂ© dans un contexte de sophistication des compĂ©tences requises ;
âș Limites dans lâacquisition dâune culture technologique, quâil sâagisse de compĂ©tences informatiques de base ou de sensibilisation Ă lâimportance et Ă la gestion de la donnĂ©e.
Le sujet des compĂ©tences mĂ©tier pose question Ă nos interlocuteurs. La plupart des rĂ©pondants font de la maĂźtrise des compĂ©tences mĂ©tier un Ă©lĂ©ment clĂ© dâune relation « Ă©quilibrĂ©e » entre lâhomme et la machine, permettant Ă lâhumain de garder du recul sur les situations et la responsabilitĂ© dâune prise de dĂ©cision efficace. Mais dans un contexte oĂč la machine va progressivement absorber une grande part de la connaissance mĂ©tier et du raisonnement voire du geste associĂ©s, quatre risques apparaissent : âș La possibilitĂ© dâun flou grandissant sur la prise
de dĂ©cision, lâopĂ©rateur humain « nâosant » pas aller contre une proposition de la machine, mĂȘme dans un cas complexe ;
âș Une complexitĂ© grandissante pour dĂ©velopper et maintenir les compĂ©tences mĂ©tier des opĂ©rateurs, pouvant conduire Ă un appauvrissement de lâinteraction, et Ă la marge crĂ©er un risque. SchĂ©matiquement, ce dilemme est celui des avions autonomes : si le pilote ne pilote plus, quelle est sa capacitĂ© à « reprendre la main » au moment oĂč cela sâavĂšrerait nĂ©cessaire ?
âș Une obsolescence plus rapide des compĂ©tences mĂ©tier, mettant lâaccent sur la nĂ©cessitĂ© de se former de façon continue au long de la vie
âș La disparition des postes de stagiaires, assistants ou analystes qui permettaient un apprentissage progressif du mĂ©tier (par exemple dans les mĂ©tiers du corporate banking, les cabinets dâavocatsâŠ)
Seules les organisations disposant des bonnes compĂ©tences pourront faire de lâIA un facteur de compĂ©titivitĂ©.
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2.3.1 Adapter les organisations et leur gouvernance à un nouvel équilibre entre centralisation et décentralisation des décisions
La premiĂšre logique de lâIA est la centralisation. Le besoin de disposer de donnĂ©es fiables et en quantitĂ© va de pair avec une gouvernance renforcĂ©e de ces donnĂ©es et une stratĂ©gie de cybersĂ©curitĂ© Ă lâĂ©chelle de lâorganisation. La sĂ©lection des algorithmes appropriĂ©s relĂšve de choix stratĂ©giques et dâun haut niveau dâexpertise IA qui sont le fait du plus haut niveau de lâorganisation : les mĂ©tiers gĂšrent ensuite lâintĂ©gration de ces algorithmes dans leurs processus mĂ©tier.
Cependant, le dĂ©ploiement des solutions dâIA a aussi un effet dĂ©centralisateur. A lâintĂ©rieur de lâorganisation, comme le soulignent plusieurs de nos interlocuteurs, « le niveau de dĂ©cision pourrait baisser dâun ou plusieurs crans » : encadrĂ©e par les algorithmes sĂ©lectionnĂ©s, la dĂ©cision peut ĂȘtre renvoyĂ©e Ă des niveaux plus locaux de lâorganisation.
Plus largement, pour 60 % des dirigeants interrogĂ©s, lâIA va permettre une plus grande ouverture sur lâextĂ©rieur et plus de collaboration avec les partenaires, ce qui multipliera les moments et les lieux de dĂ©cision : les donnĂ©es seront Ă©changĂ©es de façon continue au sein de lâĂ©cosystĂšme selon des systĂšmes de rĂšgles prĂ©dĂ©finies. La voiture autonome par exemple, rĂ©organise le modĂšle collaboratif dans le secteur automobile : aux partenariats bilatĂ©raux classiques succĂšdent des Ă©cosystĂšmes regroupant les constructeurs, leurs sous-traitants, les fournisseurs dâapplications et de lâinternet des objets, les plateformes dâapplications, les acteurs du logiciel et ceux de la connectivitĂ©.
Les Ă©volutions technologiques donnent de la crĂ©dibilitĂ© Ă cette tendance dĂ©centralisatrice : les logiques de blockchain permettent une confiance collective dans une donnĂ©e partagĂ©e, et 2017 a vu Ă©merger des solutions dâentraĂźnement collectif
dâalgorithmes (par exemple Federated Learning de Google) permettant Ă des organisations de se partager cette fonction et son contrĂŽle.
Câest la forme mĂȘme des organisations qui pourrait ĂȘtre remise en cause. LâIA prendra en charge un nombre croissant de dĂ©cisions mĂ©tier et organisationnelles. La question de la prise de dĂ©cision, de sa responsabilitĂ© et du niveau adĂ©quat pour la porter sera donc rouverte dans les organisations, avec de profondes consĂ©quences sur leur gouvernance.
Lâentreprise du XXĂšme siĂšcle Ă©tait construite sur des processus, succession dâactivitĂ©s permettant lâobtention dâun rĂ©sultat avec un certain niveau de qualitĂ©. Pour certains de nos interlocuteurs, les organisations de demain pourraient ĂȘtre structurĂ©es par la donnĂ©e, lâIA permettant lâobtention dâun rĂ©sultat directement Ă partir de celle-ci. Dans la logique des mouvements de fond Ă lâĆuvre depuis plusieurs annĂ©es (organisations plus plates, relations de travail moins hiĂ©rarchiques, demande dâautonomie et de sens des Ă©quipes, automatisation voire disparition de certains processusâŠ), le dĂ©ploiement de lâIA supposera de repenser lâorganisation et non simplement de chercher Ă amĂ©liorer par la technologie les processus actuels.
2.3.2 Accompagner les nouveaux modes de fonctionnement induits par lâIA, notamment transversalitĂ© et transparence
LâIA crĂ©e un niveau de transparence inĂ©dit dans lâorganisation. Elle permet lâexploitation de nombreuses donnĂ©es jusquâici en parties inertes, et la mise Ă disposition de ces donnĂ©es Ă lâensemble des acteurs dâune organisation pour appuyer leurs dĂ©cisions. Elle nĂ©cessite une gouvernance de ces donnĂ©es traversant lâorganisation. LâIA est un facteur de partage vertical, en donnant Ă chaque niveau la visibilitĂ© sur lâensemble des activitĂ©s des diffĂ©rents niveaux de lâorganisation, et horizontal en agrĂ©geant les donnĂ©es des diffĂ©rentes entitĂ©s de lâorganisation.
2.3 Le DRH stratĂšge pour anticiper et Ă©clairer les Ă©volutions de lâorganisation
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La transparence induite par lâIA sâĂ©tend Ă la prise de dĂ©cision. LâIA est le reflet et le rĂ©vĂ©lateur des critĂšres de la prise de dĂ©cision humaine. Elle peut aussi bien permettre de sâaffranchir de certains biais cognitifs pour rationaliser des dĂ©cisions que reflĂ©ter ces biais et les amplifier, comme dans le cas des dĂ©cisions de recrutement par exemple. Sur ces sujets, lâIA questionne les processus de dĂ©cision mis en place et force Ă revoir certaines convictions par lâefficacitĂ© des algorithmes, sans pouvoir nĂ©anmoins lâexpliquer totalement.
Elle peut aussi faire Ă©merger de nouvelles logiques de pouvoir, et modifie les logiques de diffusion de lâinformation et de reporting.
Ces sujets sont complexes et méritent réflexion et adaptation des processus internes. Ils ne seront pas sans conséquence sur le rÎle, voire les profils des managers.
2.3.3 Accompagner des évolutions majeures dans le rÎle des managers aux différents niveaux
Le management de premiĂšre ligne perd son rĂŽle de sachant. Pour 66 % des managers interrogĂ©s (et 41 % des dirigeants), lâIA donnera plus dâautonomie aux Ă©quipes dans la prise de dĂ©cision (nous parlons ici dâune autonomie assistĂ©e par lâIA). « Cette nouvelle autonomie implique une Ă©volution assez drastique des pratiques managĂ©riales qui nâest pas sans soulever des difficultĂ©s », selon Manuel Zacklad46. La transparence permise par lâIA rĂ©duit le besoin de contrĂŽle. En cela, le dĂ©ploiement de lâIA vient remettre en cause le rĂŽle « classique » du management de proximitĂ©, et renforcer lâĂ©mergence en cours du manager agile. Celui-ci dĂ©veloppe une nouvelle posture dâentraĂźneur/coach/ressource pour lâĂ©quipe, en animant le collectif, en donnant du sens, en pilotant la performance, en accompagnant le changement et les transformations organisationnelles et en sâattachant au dĂ©veloppement des collaborateurs. Plus riche humainement, cette posture suppose de nouvelles compĂ©tences et
46 « Intelligence Artificielle : reprĂ©sentations et impacts sociĂ©taux », Manuel Zacklad, CNAM, 201747 CĂ©cile Dejoux, « Learning Lab human change », Cnam; article « Un manager augmentĂ© avec lâintelligence artificielle, câest possible » 10 dĂ©cembre 2017, LâOpinion
surtout un Ă©tat dâesprit diffĂ©rent : « nous ne chercherons plus que des managers capables de dĂ©lĂ©guer » selon un des Directeurs des Ressources Humaines rencontrĂ©.
LâIA enlĂšvera au manager une partie de ses tĂąches de classement, dâorganisation, de contrĂŽle, de curation, de planification, de gestion de projet et dâanalyse. En regard, dĂ©velopper un manager augmentĂ© suppose le dĂ©veloppement de nouvelles compĂ©tences managĂ©riales stratĂ©giques : des compĂ©tences numĂ©riques, des compĂ©tences dâagilitĂ©, des compĂ©tences de design thinking, pour innover au quotidien et penser diffĂ©remment, ainsi que des compĂ©tences dâinteraction avec lâIA47.
Le management intermĂ©diaire pourrait ĂȘtre le frein de la transformation. La transparence et la transversalitĂ© induites par lâIA viennent bousculer le rĂŽle du management intermĂ©diaire comme organisateur de la transversalitĂ© et responsable de la performance sur un pĂ©rimĂštre. En termes plus directs, lâIA a le potentiel pour remettre en cause des silos organisationnels et faire Ă©voluer des situations de pouvoir : « comme pour lâintroduction du Lean management, câest de ce niveau de lâorganisation que pourraient venir les rĂ©sistances » pour lâun de nos interlocuteurs.
Le dĂ©ploiement de lâIA ne pourra sâeffectuer dans de bonnes conditions sans un accompagnement des managers, Ă la fois pour leur permettre dâapprĂ©hender le phĂ©nomĂšne et dâaccompagner leurs Ă©quipes, mais Ă©galement pour leur permettre dâĂ©voluer eux-mĂȘmes et dâadopter leur posture dans ce nouveau contexte.
42 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
Un enseignement notable de nos entretiens est que les entreprises estiment avoir un rĂŽle central Ă jouer dans la gestion de la transition pour permettre le dĂ©ploiement de lâIA dans de bonnes conditions. Ce positionnement renvoie Ă la fois Ă la nĂ©cessitĂ© de maintenir le contrat social Ă lâĂ©chelle de lâorganisation (alignement avec les valeurs et la culture dâentreprise, conditions dâadhĂ©sion des personnels au dĂ©ploiement de lâIA), et Ă lâimpĂ©ratif de cohĂ©rence avec les politiques de responsabilitĂ© sociale et environnementale.
Cependant, lâampleur et la complexitĂ© des dĂ©fis rendront nĂ©cessaire la recherche de solutions Ă une Ă©chelle plus large (typiquement les territoires ou les branches professionnelles) avec des interlocuteurs comme les partenaires sociaux, les branches et les pouvoirs publics. Cette concertation sera dâautant plus nĂ©cessaire que le rythme de dĂ©ploiement de lâIA sera rapide. Lâimplication des entreprises sur la transformation de lâenvironnement (rĂ©glementaire, formation initiale, formation continueâŠ), Ă lâĂ©chelle nationale, dans les branches et dans les territoires, accompagnera les efforts des pouvoirs publics pour conduire, avec les bons retours « terrain », la nĂ©cessaire transition Ă©conomique et sociale induite par la gĂ©nĂ©ralisation des technologies dâIA. Modifier le cadre rĂ©glementaire suppose en effet une bonne comprĂ©hension de ce qui se passe dans la rĂ©alitĂ©, comprĂ©hension quâon ne peut complĂštement anticiper vu la nouveautĂ© des sujets.
Autre enseignement-clĂ© : les partenaires sociaux sont en train de se mettre en ordre de bataille pour construire leur vision et participer activement au dĂ©bat sur la diffusion de lâIA, dans ses dimensions Ă©conomique, sociale, sociĂ©tale, avec une vision par branche et par secteur. Ils commencent Ă construire des bases de faits et dâexpĂ©riences, Ă©vitant lâĂ©cueil dâune posture purement dĂ©fensive, ce qui devrait nourrir le dĂ©bat public sur lâĂ©volution du fonctionnement du marchĂ© du travail. Quelques points communs
paraissent les rassembler, quâil sâagisse des reprĂ©sentants de salariĂ©s ou du patronat : âș Ils considĂšrent que le sujet est majeur, et
lâapprĂ©hendent comme un des aspects du « digital » plutĂŽt que sĂ©parĂ©ment ;
âș Ils estiment quâil faut surmonter des peurs lĂ©gitimes en impulsant une dĂ©marche positive qui mette en Ă©vidence les opportunitĂ©s sans Ă©vacuer les risques : lâIA va arriver, il faut travailler sur les moyens dâĂ©viter que cette arrivĂ©e ne crĂ©e des risques ou une pression supplĂ©mentaire sur les Ă©quipes. En regard, les syndicats de salariĂ©s pointent le faible niveau dâinformation actuel des collaborateurs ;
âș Pour eux, dans le cadre du dĂ©bat (encore Ă ouvrir) sur le partage des gains de productivitĂ© associĂ©s Ă lâIA vont inĂ©vitablement ĂȘtre abordĂ©s des sujets comme la sĂ©curisation des parcours professionnels, voire la rĂ©duction du temps de travail ;
âș Ils lient de façon directe les sujets de transformation digitale et de rĂ©forme de la formation professionnelle, voire de lâassurance chĂŽmage. Le calendrier de nĂ©gociation national accĂ©lĂšre sans doute la prise de conscience. Ils soulignent en particulier lâimportance dâavoir des budgets formation Ă la hauteur ;
âș Ils sont vigilants quant aux incertitudes sur le dĂ©veloppement des nouvelles formes de travail (free-lance, indĂ©pendance, contrats courtsâŠ) que pourrait favoriser lâIA ;
âș Ils soulignent la nĂ©cessitĂ© dâune GSEC permettant dâanticiper les impacts ;
âș Certains syndicats de salariĂ©s sâorganisent pour aider leurs reprĂ©sentants dans les branches et le CAC40 Ă avoir des bases de faits pour nourrir le dialogue.
Les entretiens que nous avons eus avec les partenaires sociaux rejoignent les constats dâune conception plus stratĂ©gique de la fonction RH pour aborder le plus en amont possible le dĂ©ploiement de lâIA. Ils posent Ă©galement la question dâune gouvernance dâentreprise
2.4 Le DRH animateur du dialogue social et sociĂ©tal pour garantir la responsabilitĂ© de lâentreprise dans la mise en place de lâIA
43INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
plus participative et de lâĂ©volution du rĂŽle des managers pour accompagner la transformation. Le dialogue social sâen trouverait lui aussi modifiĂ© et Ă©voluerait vers un rĂŽle plus stratĂ©gique, pour contribuer directement Ă une gestion des mutations combinant progrĂšs Ă©conomique et social, dans une logique de coresponsabilitĂ© entre direction et reprĂ©sentants du personnel. Par ailleurs, les acteurs du dialogue social ne se limiteront plus aux acteurs traditionnels : Direction, syndicats et reprĂ©sentants du personnel. Il faudra dialoguer avec dâautres acteurs comme les sous-traitants, les fournisseurs, les clients, les pouvoirs publics, les collectivitĂ©s territoriales, les Ă©coles, etc⊠Pour Jean Kaspar48, nous passerions ainsi, progressivement, de la notion de dialogue social Ă celle dâun « dialogue sociĂ©tal ».
Au final, câest la question dâune nouvelle approche de lâentreprise qui est posĂ©e dans ces entretiens, sujet dĂ©passant bien sĂ»r la question de la transformation digitale et IA : Ă lâheure de lâIA, lâentreprise pourrait encore moins ĂȘtre vue comme un simple lieu de production dâun produit ou dâun service, ou encore plus simplement comme un lieu de production de richesses. Avec lâIA, qui conduit Ă faire de lâintelligence le moteur de lâefficacitĂ©, lâentreprise deviendrait un lieu dâintelligences et de crĂ©ativitĂ©s multiples (artificielles et humaines) pour produire un bien ou un service et donc de la richesse. Dans une telle perspective, la place de lâhumain dans la recherche de lâefficacitĂ© et de la performance devient encore plus centrale et stratĂ©gique.
Quatre chantiers sont dâores et dĂ©jĂ nĂ©cessaires :
La recherche des trajectoires dâemploi les plus adaptĂ©es, par catĂ©gorie dâemploi, avec les parties prenantes : salariĂ©s eux-mĂȘmes, organisations syndicales, branches, fournisseurs, etc... LâĂ©chelon local sera dans certains cas la maille la plus pertinente pour imaginer et mettre en Ćuvre des scĂ©narios dâĂ©volution des personnels. Par exemple, la mutualisation de certaines compĂ©tences, au sein des branches ou des filiĂšres, au niveau national et local, peut ĂȘtre une voie prometteuse pour faciliter lâaccĂšs Ă des compĂ©tences rares.
48 Vice-Président OSI
Les travaux prospectifs sur lâĂ©volution des emplois (nationalement, par bassin dâemploi ou par secteur) sont encore embryonnaires et restent le fait dâinitiatives Ă©parses qui commencent Ă se structurer. Ces travaux gagneraient Ă ĂȘtre dĂ©veloppĂ©s, partagĂ©s et dĂ©battus entre lâensemble des parties prenantes afin dâamĂ©liorer leur robustesse et dâenvisager les pistes dâaction Ă mettre en Ćuvre. Les travaux comparables menĂ©s Ă lâĂ©tranger pourraient utilement ĂȘtre exploitĂ©s, par exemple en lien avec la ConfĂ©dĂ©ration EuropĂ©enne des syndicats. Lâimplication des grandes entreprises sera clĂ© pour structurer ce type de dĂ©marche.
La formation et la requalification des collaborateurs. Les politiques de formation professionnelle doivent accompagner lâintroduction des nouvelles technologies, dont lâIA, dans les organisations. Compte tenu des enjeux et des volumes, il est clĂ© dâavoir structurĂ© et financĂ© une offre de formation efficace qui maximise les chances de reconversion de tous les salariĂ©s (et travailleurs indĂ©pendants). La partie pĂ©dagogique des formations va ĂȘtre complexe, et mĂ©ritera des ajustements permanents en fonction des Ă©volutions et des utilisations de lâIA. Lâimplication des entreprises, au-delĂ de leur rĂŽle institutionnel dans la gestion de la formation professionnelle, sera clĂ© pour garantir lâemployabilitĂ© de chacun.
Par ailleurs, lâampleur des enjeux de formation va poser en termes renouvelĂ©s la question des responsabilitĂ©s respectives des individus, des entreprises et de la collectivitĂ© pour choisir et financer la formation tout au long de la vie.
Le cadre juridique et rĂšglementaire sur lequel viendraient sâappuyer les politiques dâĂ©thique des entreprises. PosĂ© par les rĂšglements europĂ©ens en matiĂšre dâusage des donnĂ©es, ce cadre devra ĂȘtre complĂ©tĂ© pour permettre de rĂ©guler sans brider.
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INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
Quelques verbatims des entretiens avec les partenaires sociaux
LâIA est une rĂ©alitĂ© que nos fĂ©dĂ©rations gĂšrent dĂ©jĂ , en particulier dans les secteurs de lâautomobile, des banques ou des assurances. Elle fait dĂ©jĂ lâobjet dâune rĂ©flexion.
LâIA, la robotique et le numĂ©rique nous obligent Ă redĂ©finir lâentreprise. Quâest-ce que lâentreprise du futur, le syndicat du futur et les relations sociales du futur ?
Notre rĂ©flexion se dĂ©veloppe Ă partir de notre expĂ©rience au sein de secteurs dĂ©jĂ fortement affectĂ©s par le dĂ©veloppement de lâIA (banques, entrepĂŽts, plates-formes, transports notamment) et sous lâangle des impacts sur lâemploi, les conditions de travail, les repositionnements professionnels et la formation.
Il est important dâimaginer une GPEC de grande ampleur, pour faire face Ă une triple Ă©volution : lâĂ©mergence de nouveaux emplois ; la transformation massive dâemplois existants ; la suppression dâemplois et la nĂ©cessitĂ© de requalifier des salariĂ©s.
Poursuivre lâinstruction des sujets liĂ©s Ă lâIA, se prĂ©parer au dĂ©bat collectif
Nous devons Ă©viter deux Ă©cueils : celui de la « fascination technologique » et celui de la « peur technologique ». Nous devons aborder toutes les dimensions du changement et imaginer des rĂ©ponses. Cela nĂ©cessite une implication de lâensemble des acteurs de la sociĂ©tĂ©. La technologie est neutre, ce qui ne lâest pas câest son utilisation et ce que lâon en fait. Il faut donc pouvoir dĂ©battre.
privilĂ©gier une posture a priori dâouverture et
dâaccueil de lâIA, vue comme levier de progrĂšs
et refuser une attitude défensive, nourrie par la
peur du changement
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45INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
Nous sommes ouverts au dialogue, partants pour participer Ă un travail collectif aboutissant Ă un constat partagĂ© sur les consĂ©quences - Ă©conomiques, sociales, culturelles - des mutations liĂ©es Ă lâIA et sur les pistes dâaction Ă envisager.
La diffusion de lâIA sâimpose aux entreprises si elles veulent affronter lâavenir dâune façon positive. Cette idĂ©e est plus importante que de se laisser enfermer dans le sentiment de dĂ©fiance ou dâinquiĂ©tude.
Lâimpact sur lâemploi et sur la croissance est difficile Ă prĂ©voir. Cependant, il faut sortir du discours mĂ©diatique et anxiogĂšne sur la destruction dâemploi et focaliser le dĂ©bat sur les opportunitĂ©s de lâIA et la maniĂšre de les saisir.
Ce dialogue collectif doit embrasser largement lâensemble des thĂ©matiques en lien avec le fonctionnement du marchĂ© du travail, par exemple celle de lâapprentissage et de la formation professionnelle.
Favoriser le dialogue pour dĂ©passer la peur quâinspire la diffusion de lâIA
Pour lâinstant, la question de lâadoption de lâIA, de la robotique et du numĂ©rique est essentiellement abordĂ©e sous lâangle de la concurrence internationale, de la volontĂ© de conquĂ©rir de nouvelles parts de marchĂ© et de la productivitĂ©. Les questions liĂ©es au capital humain - politiques de formation, dĂ©roulements de carriĂšre, promotions, Ă©volution des politiques salariales et des qualifications, transformation du travail et de son organisation â sont absentes du dĂ©bat.
Le sens des transformations apparaĂźt essentiellement sous lâangle de la performance Ă©conomique et de la productivitĂ© et insuffisamment comme lâoccasion dâun saut qualitatif global, dâun point de vue Ă©conomique, organisationnel, social et humain.
Considérer les enjeux humains, sociaux et sociétaux dans le débat collectif
La parole des salariĂ©s doit ĂȘtre libĂ©rĂ©e et entendue sur lâensemble des dimensions que soulĂšve lâadoption de lâIA. Il faut imaginer un espace dâintervention des salariĂ©s et de leurs reprĂ©sentants dans les processus de prise de dĂ©cisions, dans lâĂ©laboration des choix stratĂ©giques.
Faire une place aux salariés dans le dialogue
sur lâadoption de lâIA
46 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
Bien sĂ»r, les entreprises ne sont pas en charge de la rĂ©gulation. Mais il est clĂ© quâelles alimentent les pouvoirs publics avec des analyses et des comparaisons internationales de qualitĂ© qui permettent de prendre les meilleures dĂ©cisions possibles, adaptĂ©es Ă un monde ouvert avec une compĂ©tition rĂ©glementaire entre les pays.
Lâaccompagnement des TPE / PME devra faire lâobjet dâune attention spĂ©cifique, par les pouvoirs publics mais aussi le tissu Ă©conomique. Notre Ă©tude montre lâĂ©cart qui existe dĂšs aujourdâhui entre grands groupes et petites et moyennes entreprises sur le sujet de lâIA : moindre comprĂ©hension du sujet et des enjeux, moindre prioritĂ© accordĂ©e, prĂ©paration plus limitĂ©e. Sont bien sĂ»r concernĂ©es des TPE / PME industrielles, mais aussi des entreprises de services, Ă lâexception des entreprises « digital native » qui sont positionnĂ©es sur le digital et/ou lâIA. Par exemple, les cabinets dâavocats pourraient ĂȘtre rapidement impactĂ©s par lâIA.
Cet Ă©cart entre grands groupes et TPE / PME est susceptible de sâaggraver avec le temps, par manque dâaccĂšs Ă la formation et aux ressources ou encore de moyens pour suivre la course aux talents⊠Lâabsence de DRH et de DSI nâaide bien sĂ»r pas.
Les plus grandes entreprises, bien au-delĂ du seul CAC40, peuvent jouer un rĂŽle dâaccompagnement de leurs sous-traitants et fournisseurs, voire de leurs clients, en leur donnant accĂšs Ă de lâinformation, de lâexpertise, ou encore des outils. Sur ce sujet, il nây pas en France de « track record » exceptionnel, mais lâampleur des enjeux pourraient conduire Ă revisiter ce chantier complexe, probablement par filiĂšre.
En complĂ©ment les actions des fĂ©dĂ©rations professionnelles et pouvoirs publics au sens large, câest-Ă -dire y compris collectivitĂ©s locales, rĂ©seaux consulaires, BPI⊠devraient rapidement investiguer les moyens dâaccompagner les entreprises de toute taille, en sâappuyant si possible sur les outils existants. Sâil ne faut pas tomber dans le piĂšge de reporter sur la puissance publique la responsabilitĂ© de lâadaptation technologique des entreprises, la complexitĂ© et
49 « AccĂ©lĂ©rer la transformation numĂ©rique de lâĂ©conomie française », MEDEF, mars 201750 https://www.bpifrance.fr/A-la-une/Actualites/Evaluez-votre-maturite-digitale-avec-le-Digitalometre-!-39135
la technicitĂ© des sujets liĂ©s Ă lâIA peuvent rendre nĂ©cessaire un accompagnement.
Plusieurs expĂ©riences ou rĂ©flexions mĂ©ritent attention. Ainsi, le MEDEF considĂšre que la situation renforce la nĂ©cessitĂ© du dialogue social territorial et local (dialogue dĂ©centralisĂ©) pour construire les rĂ©ponses nĂ©cessaires. Lâorganisation patronale avait en 2017, dans ses propositions pour la digitalisation de lâĂ©conomie française49, proposĂ© dâaccompagner 100.000 TPE PME et ETI dans leur transformation grĂące au programme MĂ©tamorphose, visant sensibilisation, formation, accompagnement et financement. Parmi les initiatives existantes, la Bpifrance propose son DigitalomĂštre50, diagnostic de maturitĂ© digitale sâadressant plus particuliĂšrement aux PME et entrepreneurs, qui nâest pas ciblĂ© spĂ©cifiquement sur lâIA.
47INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
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La plupart des enjeux et recommandations mis en avant dans ce rapport seront communs Ă lâensemble des entreprises sans distinction de taille, mais les TPE / PME, voire parfois les ETI, seront confrontĂ©es Ă des difficultĂ©s spĂ©cifiques pour les mettre en Ćuvre.
La nĂ©cessitĂ© de sensibiliser dirigeants et collaborateurs aux enjeux de lâIA, de façon Ă ne pas se faire distancer par des concurrents plus rapides Ă intĂ©grer la puissance de lâIA dans leurs opĂ©rations sâimposera Ă tous. Il en va de mĂȘme de la rĂ©flexion sur les questions Ă©thiques liĂ©es Ă lâutilisation des algorithmes.
Cependant, les effets de taille soulĂšvent plusieurs dĂ©fis spĂ©cifiques aux TPE / PME et pourraient susciter des difficultĂ©s majeures, encore plus aigĂŒes que celles rencontrĂ©es au cours de la rĂ©volution numĂ©rique ces derniĂšres annĂ©es : la nĂ©cessitĂ© par exemple de disposer dâune politique de la donnĂ©e et de bases de donnĂ©es larges et variĂ©es, ou la capacitĂ© Ă attirer et retenir les talents de lâIA. Par ailleurs, en dĂ©pit de la baisse du coĂ»t des technologies dâIA, il se peut Ă©galement que les TPE / PME aient du mal Ă financer leur dĂ©ploiement.
Nous sommes aujourdâhui dans la situation oĂč des structures collectives (centres de formation, de partage de technologiesâŠ) demandent quâon leur dĂ©finisse des objectifs et plans dâaction. Mais personne nâa commencĂ© Ă agrĂ©ger et formaliser les besoins. Une mobilisation rapide est nĂ©cessaire pour enclencher les phases de sensibilisation voire de pilotes.
Si les TPE / PME « digital natives » seront prĂ©parĂ©es pour tirer le meilleur parti des technologies dâIA, lâenjeu est dâaider toutes les autres Ă les adopter au bon rythme. Une mobilisation Ă diffĂ©rents niveaux sâimposera : âș Dans les grands groupes, avec leurs fournisseurs et sous-traitants,
et au sein de chaque filiĂšre dans son ensemble ; âș Au niveau des branches professionnelles, notamment pour dĂ©finir
les besoins RH et les enjeux de formation initiale et continue ; âș Au niveau des territoires avec la mobilisation des collectivitĂ©s
locales et des réseaux consulaires.
Ces approches devront Ă©galement intĂ©grer les pĂŽles de compĂ©titivitĂ©, les Centres techniques industriels, et les autres structures dĂ©diĂ©es Ă la recherche et Ă lâinnovation ou Ă la compĂ©titivitĂ©.
La question de lâadoption de lâIA au sein des TPE / PME françaises est en soi un sujet de rĂ©flexion collective dâune grande complexitĂ© : il serait lĂ©gitime que cette question fasse lâobjet dâune instruction approfondie et dâun dĂ©bat public Ă la hauteur des risques et des opportunitĂ©s en jeu.
un enjeu national
Ă©viter le « dĂ©sert de lâIA » dans les TPE/PME
48 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
La fonction Ressources Humaines est par excellence une fonction utilisant de nombreuses donnĂ©es, notamment celles des collaborateurs, et ces donnĂ©es sont souvent sous-utilisĂ©es ou peu accessibles. Aussi, lâensemble de la fonction RH pourrait voir son mode de fonctionnement profondĂ©ment modifiĂ© par lâIA. Si lâeffet de substitution risque dâĂȘtre significatif pour les tĂąches administratives des Centres de Service PartagĂ©s, le rĂŽle des RH dans lâaccompagnement des Ă©quipes, des dirigeants aux Ă©quipes de terrain, sera renforcĂ© (rĂŽle de business partner).
Lâenjeu pour la fonction RH est que lâapport de lâIA permette de mieux accompagner les dirigeants et les collaborateurs (par exemple pour avoir le bon collaborateur au bon endroit au bon moment), et dâautre part de dĂ©gager du temps pour sâoccuper de chacun grĂące Ă lâautomatisation de tĂąches Ă faible valeur ajoutĂ©e.
La gestion et le dĂ©veloppement des talents bĂ©nĂ©ficieront de lâIA sur lâensemble du cycle : âș Meilleure comprĂ©hension des facteurs clĂ©s de
succĂšs dans un emploi donnĂ© et capacitĂ© Ă prĂ©dire la probabilitĂ© de succĂšs Ă terme dâun candidat dans un emploi
âș Optimisation du processus de recrutement grĂące au tri prĂ©alable des CV
âș Meilleure apprĂ©hension de la diversitĂ© grĂące Ă une analyse plus fine des donnĂ©es, et suppression des biais cognitifs dans les processus dâentretiens grĂące Ă une programmation adĂ©quate de lâIA
âș Meilleure rĂ©tention des talents clĂ©s grĂące Ă des indicateurs prĂ©dictifs
LâIA, par le biais par exemple de chatbots conversationnels, pourra faciliter lâaccĂšs de chaque collaborateur Ă une information personnalisĂ©e.
51 Professeur des Universités en Ressources Humaines, CNAM
Dans le domaine de la formation, lâIA devrait avoir un double apport : une meilleure personnalisation des parcours de dĂ©veloppement, et probablement Ă terme de nouveaux canaux de formation, comme le montre le dĂ©veloppement dans lâIA des « Edtechs », les start-ups du secteur de lâĂ©ducation.
LâIA aura Ă©galement un impact sur lâefficacitĂ© organisationnelle, que ce soit en rendant plus efficaces les outils de gestion prĂ©visionnelle de lâemploi, ou en permettant une meilleure anticipation de lâallocation emplois-ressources.
Enfin, lâIA permettra une meilleure exploitation et un meilleur partage des donnĂ©es RH, au bĂ©nĂ©fice des dĂ©cideurs et des managers. CĂ©cile Dejoux51 cite lâexemple de lâabsentĂ©isme, dont le lien avec la qualitĂ© de vie au travail pourra ĂȘtre beaucoup plus finement analysĂ©.
Saisir les opportunitĂ©s offertes par lâIA permettrait Ă la fonction RH dâen mesurer les dĂ©fis : Ă©valuation de la rĂ©partition des tĂąches entre lâhomme et la machine, fonctionnement de lâinteraction, montĂ©e en compĂ©tences⊠Autant de domaines sur lesquels les DRH auront Ă rĂ©flĂ©chir Ă lâĂ©chelle de lâentreprise et pour lesquels ils pourraient ĂȘtre pilotes.
2.5 Le DRH augmentĂ© pour faire de la DRH un laboratoire et un modĂšle du dĂ©ploiement de lâIA
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INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
Impact de lâIA sur le fonctionnement des administrations publiques
En France, lâarrivĂ©e Ă maturitĂ© des technologies dâIA coĂŻncide avec le lancement dâun nouveau programme de modernisation de lâaction publique, dont les orientations (nature des chantiers, sĂ©quence, calendrier, gouvernance) font lâobjet dâun large dĂ©bat politique et technique. Lâambition dâun tel programme est dâapporter un service public de qualitĂ© aux citoyens, dans une enveloppe de coĂ»ts globalement en diminution, tout en amĂ©liorant lâadhĂ©sion des agents (condition de travail, parcours de carriĂšre, sens des missions). Les technologies dâIA, dans ce contexte, pourrait constituer un formidable moteur de modernisation de lâaction publique. Lâenjeu est double :
Comme dans le secteur privĂ©, lâIA ouvre de multiples possibilitĂ©s de fournir certains services publics, soit de plus grande qualitĂ© (par exemple grĂące Ă la dimension prĂ©dictive de lâIA qui peut permettre un ciblage pertinent), ou Ă un meilleur coĂ»t (gains dâefficience). Son intĂ©gration mĂ©rite donc dâĂȘtre examinĂ©e sĂ©rieusement.
Du point de vue RH, en tant quâemployeurs, les managers et responsables RH de la fonction publique ont un devoir dâexemplaritĂ© par rapport Ă leurs homologues du secteur privĂ© ; ils sont ainsi en charge de faciliter et dâaccompagner lâadoption de lâIA par les agents publics.
Les multiples possibilitĂ©s quâouvre lâIA pour les services publics
Les technologies dâIA sont pertinentes pour dĂ©livrer de nombreux types de services publics, dans lâensemble des secteurs (services rĂ©galiens,
52 Joël Tito (2017) Rapport « Destination unknown: exploring the impact of artificial intelligence on government », Centre for Public Impact
santĂ©, Ă©ducation, infrastructures etc.). Par ailleurs, en prenant un angle transversal (et non plus sectoriel), les technologies dâIA peuvent ĂȘtre utilisĂ©es Ă chaque Ă©tape du processus de production de lâaction publique, de lâidentification des attentes des citoyens, Ă la production de lâaction menĂ©e (gestion de dossiers, intervention sur le terrain etc.) et Ă lâĂ©valuation (incluant la communication avec les citoyens, de maniĂšre personnalisĂ©e ou ciblĂ©e par segment). A titre dâillustration, les technologies dâIA permettent52 :
âș Lâautomatisation des tĂąches administratives rĂ©pĂ©titives, dont la gestion est centrale dans plusieurs types dâadministrations ; impĂŽts, prestations sociales, assurance maladie, dĂ©livrance de permis et titres de sĂ©jours etc.
âș Les analyses prĂ©dictives, favorisant les politiques et actions opĂ©rationnelles de prĂ©vention (lutte contre certaines pathologies ; lutte contre la rĂ©cidive, maintenance et logistique), la personnalisation des services ou de la communication, une focalisation plus efficace de lâaction publique sur les zones/segments les plus prioritaires. Par exemple, le FBI et les forces de polices des villes de Los Angeles, de Chicago et de New-York exploitent depuis plusieurs annĂ©es des technologies IA (« PredPol », « CrimScan ») pour identifier en temps rĂ©el les lieux oĂč les actes de dĂ©linquance sont les plus susceptibles de survenir.
Les analyses prĂ©dictives permettent Ă©galement dâaboutir Ă une action plus fiable (que celle rĂ©sultant de traitements manuels)
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51INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
Ă travers : une plus grande exhaustivitĂ© des donnĂ©es exploitĂ©es et la possible Ă©limination des biais cognitifs, une capacitĂ© qui sâavĂšre utile par exemple dans le champ de la justice pour mieux prĂ©venir la rĂ©cidive et ainsi limiter la population carcĂ©rale (mĂ©thode utilisĂ©e aux Etats-Unis en Arizona, au New-Jersey, Ă Chicago et Pittsburg, validĂ©e par des travaux universitaires Ă Harvard et Ă lâUniversitĂ© de Pennsylvanie).
Les analyses prédictives sont évidemment centrales pour améliorer diagnostic et traitements médicaux, aux échelles locales (établissements) et nationale (surveillance sanitaire).
âș La dĂ©tection dâanomalies, pertinentes par exemple pour identifier des dysfonctionnements opĂ©rationnels (inadĂ©quation entre procĂ©dures et rĂ©sultats), ou bien sĂ»r des fraudes (protection sociale, fiscalitĂ©).
La collecte, le traitement et lâanalyse dâimages, utiles par exemple dans la gestion du trafic routier et dans les activitĂ©s de police (exploitation dâimages vidĂ©o). Sont Ă©galement concernĂ©es de nombreuses missions dâinspections dâinstallations techniques ou de bĂątiments.
âș Le traitement du langage (« natural language processing ») qui peut servir dans lâinterface avec les citoyens-bĂ©nĂ©ficiaires, pour comprendre leurs besoins/attentes et leur Ă©valuation du service fourni avec par exemple des analyses fondĂ©es sur les donnĂ©es des rĂ©seaux sociaux ou des conversations tĂ©lĂ©phoniques (le gouvernement britannique entend systĂ©matiser cette approche) ; il peut aussi servir dans le cadre dâactivitĂ©s de surveillance ou dâidentification (biomĂ©trique).
Lâenjeu de rapiditĂ© dâanticipation et dâadoption de lâIA se pose avec autant dâacuitĂ© â si ce nâest davantage â dans le secteur public que
53 La lĂ©gitimitĂ© de lâaction de lâEtat repose au moins autant sur la qualitĂ© de lâaction publique que sur celle du systĂšme de reprĂ©sentation collective Ă travers le modĂšle Ă©lectoral (Rothstein B., 2009)54 Sources : DGAFP-DREES-INSEE : « Chiffres clĂ©s de la fonction publique, 2015 »
dans un environnement concurrentiel privĂ© : lâimmobilisme ou la lenteur de dĂ©marrage peut faire peser diffĂ©rents risques â par exemple Ă©thiques, juridiques â Ă la collectivitĂ©. Elle peut en particulier participer Ă saper la lĂ©gitimitĂ© de lâaction de lâEtat53 sâil se laisse distancer involontairement par lâoffre dâacteurs privĂ©s comme Google ou Facebook, ou mĂȘme associatifs comme la Khan Academy dans le secteur Ă©ducatif, avec, potentiellement, des rĂ©percussions majeures sur la cohĂ©sion sociale.
Notons que si beaucoup dâapplications de lâIA venant du secteur privĂ© peuvent inspirer le secteur public, lâadoption de lâIA par les acteurs publics soulĂšve diffĂ©rentes questions qui se posent aux acteurs publics de maniĂšre spĂ©cifique, comme la neutralitĂ© des algorithmes en alignement avec le mandat public, et bien sĂ»r tout le champ de la rĂ©gulation des donnĂ©es, privĂ©es et publiques.
Du point de vue RH
Lâaction Ă mener est pour une large partie similaire Ă celle que sâapprĂȘtent Ă mener les DRH du secteur privĂ©, avec cependant des spĂ©cificitĂ©s comme la nĂ©cessitĂ© dâaccompagner la transition Ă trĂšs large Ă©chelle (pour rappel, la fonction publique française emploie 5.5 M de fonctionnaires54 : lâadministration (1.1 M), lâĂ©ducation (1.1 M) et la santĂ© (0.8 M) reprĂ©sentent les contingents les plus nombreux). Compte tenu du caractĂšre massif de lâimpact IA sur les sujets RH, les DRH du secteur public devraient sâinvestir, sans dĂ©lai, dans diffĂ©rents chantiers, dont les plus prioritaires parmi les sujets listĂ©s pour le privĂ© dans ce rapport sont sans doute :
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âș 1er axe - La prĂ©paration de lâadoption de lâIA Ă large Ă©chelle, ce qui repose sur la sensibilisation des agents :
aux usages de lâIA et Ă lâĂ©volution des mĂ©tiers : cette sensibilisation devra sâattacher en particulier Ă rassurer les agents sur la conservation du sens de leurs missions dans ce nouveau contexte technologique. La diffusion des technologies IA doit aller dans le sens dâune modernisation du service public et dâune augmentation de sa qualitĂ© : ces technologies dĂ©chargeront les agents de tĂąches rĂ©pĂ©titives et impersonnelles et leur permettront de se consacrer Ă la dĂ©livrance de services plus complexes et personnalisĂ©s, Ă©ventuellement en interface directe avec les usagers, particuliers comme entreprises. Ceci est dâautant plus important que lâon sait que le traitement des situations particuliĂšres complexes, dans lesquelles plusieurs domaines administratifs voire lĂ©gislatifs se croisent, embouteillent les administrations.
aux enjeux de lâIA - techniques, humains, Ă©thiques â dont certains sont particuliĂšrement aigus pour les organisations publiques, notamment : transparence et acceptabilitĂ© des modĂšles de dĂ©cision et dâaction dont lâEtat est redevable pour assurer lâĂ©galitĂ© de traitement entre agents et citoyens, protection des donnĂ©es personnelles etc. Lâenjeu est de rendre les algorithmes compatibles avec les choix et valeurs collectifs (principes dâefficacitĂ© et/ou dâĂ©thique).
âș 2Ăšme axe - Lâaccompagnement de lâĂ©volution des compĂ©tences nĂ©cessaires, sur le fondement dâune GPEC prenant en compte la survenue de lâIA.
Une GPEC devrait ĂȘtre conduite rapidement, par secteur et par fonction, selon diffĂ©rents scĂ©narios (notamment sur le rythme de montĂ©e en maturitĂ© de diverses technologies dâIA). Cet exercice permettrait de calibrer les politiques de formation et requalification, de mobilitĂ© (sectorielle/gĂ©ographique), de rĂ©tention et de recrutement des agents. En particulier, cette GPEC permettrait dâidentifier quelles
rĂ©gions seraient massivement touchĂ©es par les impacts de lâIA et ainsi de prioriser les actions dâaccompagnement spĂ©cifiques pour Ă©viter des effets nĂ©gatifs. Des actions au niveau de bassins dâemploi, a minima entre employeurs publics et parapublics, devraient ĂȘtre imaginĂ©es.
Les efforts formation et requalification sâannoncent massifs et coĂ»teux eu Ă©gard aux conclusions des derniĂšres estimations de lâimpact de lâIA sur le volume et la nature des emplois. Il est prĂ©visible, par exemple, que les besoins dâemplois de « back-end » (gestion administrative) dĂ©croissent au profit de ceux de « front-end », en interface avec les usagers. En dĂ©pit de ce constat, lâinvestissement dans la formation est bienfondĂ© dans la mesure oĂč :âą Une large partie des agents sont sous
statut, inclus dans les effectifs de maniĂšre durable ;
âą Les agents disposent dâune large palette de talents et dâexpertises, souvent sous-estimĂ©e et sous-exploitĂ©e dans la rĂ©alisation de leurs missions quotidiennes et qui peuvent ĂȘtre mis au service de nouvelles missions avec un effort moyen de formation ;
âą La reformation participe de la qualitĂ© du service rendu autant que du sens de la mission des agents (car elle est un levier dâengagement et de motivation).
La politique de formation â requalification devrait faire lâobjet dâune attention importante pour dĂ©finir : son contenu (technique, types de compĂ©tences Ă dĂ©velopper), les cibles dâagents prioritaires, son calendrier de dĂ©ploiement, ses moyens, lâĂ©quilibre entre prestataires externes et internes etc.
Par ailleurs, le recrutement et la rĂ©tention des talents nĂ©cessaires Ă la production dâIA nĂ©cessitent un effort spĂ©cifique, dans un contexte : âą De raretĂ© de ces talents ; âą DâattractivitĂ© RH moyenne du secteur
public (toutes fonctions confondues) ; âą De grande fragmentation des
organisations.
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En effet, lâattraction et la fidĂ©lisation des talents les plus pointus en matiĂšre dâIA repose largement sur la qualitĂ© des projets proposĂ©s, qui elle-mĂȘme dĂ©pend de plusieurs critĂšres : techniques (ambition des attentes), organisationnels (rapiditĂ© des boucles de test et de dĂ©cision, fluiditĂ©/qualitĂ© de la coordination entre les diffĂ©rentes parties prenantes, adaptabilitĂ© des dispositions contractuelles dans un cas de recours Ă des sous-traitants etc.), financiers (volume et pĂ©rennitĂ© des investissements). Le secteur public est, sauf quelques exceptions rares, trĂšs en retrait dans sa capacitĂ© de gestion de tels profils, comparĂ©s Ă dâautres environnements (entreprises dont le modĂšle opĂ©rationnel est centrĂ© sur les donnĂ©es, et bien sĂ»r start-ups). La puissance publique ne pourra gagner la guerre des talents IA sans un travail approfondi sur sa politique RH.
âș 3Ăšme axe â Lâaccompagnement de lâĂ©volution des organisations et des pratiques managĂ©riales.
La diffusion des technologies dâIA devrait redessiner les organisations : pĂ©rimĂštre des organisations, structure des organigrammes, probable expansion du recours Ă des prestataires externes sur certaines fonctions mais possibilitĂ© dâinternationalisation sur dâautres, modĂšles de coopĂ©ration internes et externes. Pour les DRH, lâenjeu est dâanticiper et dâaccompagner lâĂ©volution des organisations et des modes de travail.
Par ailleurs, la formation et lâappui aux manageurs intermĂ©diaires est un chantier en
tant que tel, dans un contexte oĂč leur rĂŽle sera largement redĂ©fini, au profit des tĂąches de coordination des Ă©quipes et de « garde-fou » Ă©thique.
âș 4Ăšme axe - Le test et le dĂ©ploiement dâoutils IA au service dâune plus grande efficacitĂ© des services RH.
Ici, lâenjeu consiste Ă exploiter lâIA pour rĂ©aliser les gains de productivitĂ© sur les tĂąches les plus rĂ©pĂ©titives ou celles requĂ©rant le traitement dâun large nombre de donnĂ©es personnelles ou collectives, par exemple lâadministration de la paie, des mobilitĂ©s / dĂ©tachements, lâaide Ă la gestion de carriĂšres sur la base des donnĂ©es personnelles etc.
Ces diffĂ©rents chantiers devraient faire lâobjet dâun dialogue rapide, ouvert, approfondi (câest-Ă -dire technique, structurĂ© par problĂ©matiques comme les politiques de formation et de requalification, les nouvelles organisations du travail etc.) avec les organisations syndicales. Il est par ailleurs important que les DRH soient impliquĂ©es trĂšs en amont dans lâensemble des expĂ©rimentations dâutilisation de lâIA dans la sphĂšre publique, et que ces expĂ©rimentations intĂšgrent une dimension RH (compĂ©tences, identitĂ© professionnelle, organisation, cultureâŠ).
54 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CAPITAL HUMAIN
glossaire
Agent cognitif Logiciel qui agit de façon autonome et intelligente.
Algorithme Description dâune suite finie et non ambigĂŒe dâĂ©tapes ou dâinstructions permettant dâobtenir un rĂ©sultat Ă partir de donnĂ©es fournies en entrĂ©e.
Algorithme adaptatif Algorithme capable de modifier ses rĂ©ponses ou les donnĂ©es traitĂ©es en fonction de lâĂ©volution de son environnement (par opposition Ă un algorithme dĂ©terministe) : deux exĂ©cutions du mĂȘme algorithme adaptatif peuvent donner des choix diffĂ©rents.
Analyse et exploration de données, « data mining » Extraction de connaissances à partir de données.
Analyse prĂ©dictive Type dâanalyse statistique extrayant lâinformation des donnĂ©es pour extrapoler des tendances futures.
API, « Application Programming Interface », interface de programmation applicative
Ensemble normalisĂ© de mĂ©thodes et fonctions par lequel un logiciel offre des services Ă dâautres logiciels. Permet lâassemblage de briques de diffĂ©rents logiciels.
Apprentissage machine, ou « apprentissage automatique », « machine learning »
Techniques et algorithmes fournissant des capacitĂ©s dâapprentissage aux ordinateurs. Branche de lâintelligence artificielle, fondĂ©e sur des mĂ©thodes dâapprentissage et dâacquisition automatique de nouvelles connaissances par les ordinateurs. Il peut ĂȘtre supervisĂ© (utilisation de donnĂ©es dĂ©jĂ Ă©tiquetĂ©es) ou non supervisĂ© (lâalgorithme apprend Ă partir de donnĂ©es brutes et Ă©labore sa propre classification, qui peut Ă©voluer vers nâimporte quel Ă©tat final).
Apprentissage profond, « deep learning »
SystĂšme dâapprentissage et de classification, fondĂ© sur des « rĂ©seaux de neurones artificiels » numĂ©riques, utilisĂ© par exemple pour la reconnaissance visuelle et vocale.
« Big data » (données massives)
Conjonction entre les immenses volumes de donnĂ©es devenus difficilement traitables Ă lâheure du numĂ©rique et les nouvelles techniques permettant dâanalyser ces donnĂ©es et dâen tirer des corrĂ©lations.
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Chatbot ou bot conversationnel
Un bot est un logiciel chargĂ© dâeffectuer automatiquement une tĂąche spĂ©cifique. Un chatbot est un robot conversationnel programmĂ© pour simuler une conversation en langage naturel.
GSEC Gestion StratĂ©gique de lâEmploi et des CompĂ©tences, approche par laquelle une organisation bĂątit une vue prospective de ses besoins afin dâanticiper au mieux leur Ă©volution sans perturber le corps social.
Intelligence artificielle (IA) ThĂ©ories et techniques « consistant Ă faire faire Ă des machines ce que lâhomme ferait moyennant une certaine intelligence » (Marvin Minsky). On distingue IA faible (IA capable de simuler lâintelligence humaine pour une tĂąche bien dĂ©terminĂ©e) et IA forte (IA gĂ©nĂ©rique et autonome qui pourrait appliquer ses capacitĂ©s Ă nâimporte quel problĂšme, de façon similaire Ă lâintelligence humaine).
RĂ©seaux neuronaux Technique dâanalyse de donnĂ©es reposant sur un programme composĂ© dâalgorithmes reliĂ©s Ă la maniĂšre du cerveau humain. Ces rĂ©seaux sont notamment au cĆur des techniques de deep learning.
SystĂšme expert SystĂšme permettant de rĂ©soudre des problĂšmes en sâappuyant sur un ensemble de rĂšgles prĂ©alablement enregistrĂ©es dans une base de connaissances et relatives Ă un domaine restreint. Lorsque le systĂšme ne dispose pas de rĂšgles concernant le cas Ă traiter, il est inopĂ©rant. Les systĂšmes experts ont fait leurs preuves dans des domaines trĂšs ciblĂ©s oĂč les bases de connaissance suffisent Ă traiter tous les cas possibles.
Test de Turing ProposĂ© par le mathĂ©maticien britannique Alan Turing en 1950, il est destinĂ© Ă Ă©valuer lâintelligence dâune machine ou dâun systĂšme en Ă©prouvant sa capacitĂ© Ă tenir une conversation en langage naturel. Un opĂ©rateur humain fait face de façon anonyme Ă un autre humain et Ă une machine ; il doit dĂ©terminer, Ă travers des Ă©changes textuels, lequel de ses interlocuteurs est la machine.
Traitement automatique du langage naturel
A mi-chemin entre lâinformatique et la linguistique, les applications de traitement automatique du langage naturel dĂ©signent la capacitĂ© des machines Ă reconnaĂźtre le langage humain, quâil soit Ă©crit ou oral.
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note méthodologique
Cette Ă©tude sur lâimpact du dĂ©ploiement des technologies dâIA sur le capital humain des entreprises est rĂ©alisĂ©e conjointement par Malakoff MĂ©dĂ©ric et The Boston Consulting Group. Elle repose sur trois approches apportant des perspectives complĂ©mentaires : une Ă©tude quantitative, des entretiens qualitatifs en face Ă face et lâanalyse des rapports rĂ©cents sur le sujet. LâĂ©tude a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e avec le soutien du Conservatoire National des Arts et MĂ©tiers (CNAM) et de lâObservatoire Social International (OSI).
Lâanalyse de rapports sur le sujet du dĂ©ploiement de lâIA couvre plus de 60 documents publics, français et internationaux, sur la pĂ©riode 2013-2017. Ces rapports sont de diverses natures : organisations publiques (ministĂšres, agences, Parlement, organisations syndicales, organismes de rechercheâŠ) et privĂ©es (entreprises, cabinets de conseil, analystesâŠ), presse, travaux universitaires (articles ou ouvrages) et entretiens dâexperts.
En complément, le CNAM a réalisé un état des lieux des technologies et de leur perception.
Les entretiens qualitatifs ont Ă©tĂ© menĂ©s entre novembre 2017 et janvier 2018. La liste des organisations et personnes rencontrĂ©es figure sous lâintitulĂ© « contributeurs » dans cette note.
Sâagissant des entreprises, le panel couvre une variĂ©tĂ© de secteurs Ă©conomiques et de maturitĂ© sur le sujet de lâIA. Il comprend des grandes entreprises et des start-ups, reprĂ©sentĂ©es par des dirigeants de diverses fonctions, avec une prĂ©dominante Ressources Humaines pour plus de la moitiĂ© dâentre eux.
Le CNAM a interviewĂ© des experts acadĂ©miques. LâOSI a interviewĂ© un panel de partenaires sociaux et reprĂ©sentants patronaux.
LâenquĂȘte quantitative a Ă©tĂ© menĂ©e par lâinstitut Harris entre novembre et dĂ©cembre 2017. Sauf mention contraire, les chiffres mentionnĂ©s dans ce document proviennent de cette Ă©tude. Trois populations ont Ă©tĂ© interrogĂ©es :
Volet Salariés/Managers
Echantillon de 988 salariĂ©s et 512 managers, reprĂ©sentatif de la population active française salariĂ©e du secteur privĂ©, travaillant dans des entreprises dâau moins 50 salariĂ©s.Pour les managers, 60% encadrent moins de 10 personnes, 30% entre 10 et 50 personnes et 10% plus de 50 personnes.La reprĂ©sentativitĂ© de lâĂ©chantillon a Ă©tĂ© assurĂ©e par la mĂ©thode des quotas : par un redressement sur les variables de sexe, Ăąge, profession de lâinterviewĂ©, secteur dâactivitĂ© et taille de lâentreprise, aprĂšs stratification par rĂ©gion. Mode de recueil : questionnaire auto administrĂ© en ligne (CAWI)
Volet Dirigeants
Echantillon de 252 personnes, reprĂ©sentatif des dirigeants dâentreprises entreprises dâau moins 50 salariĂ©s. LâĂ©chantillon comprend 63% de DRH, 25% de profils Direction GĂ©nĂ©rale et DSI et 12% de profils variĂ©s (DAF, Directeur Commercial, etcâŠ)La reprĂ©sentativitĂ© de lâĂ©chantillon a Ă©tĂ© assurĂ©e par la mĂ©thode des quotas : par un redressement portant sur les variables de secteur dâactivitĂ© et taille de lâentreprise, aprĂšs stratification par rĂ©gion.Recueil : par tĂ©lĂ©phone (CATI), du 28 novembre au 19 dĂ©cembre 2017.