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INTRODUCTION Film « Le discours d’un roi » (discours, bégaiement, corps parlant, communication en temps de guerre, propagande, manipulation, rôle des médias,…) Epicom. Conscience naturelle Métacom. Théorie Métamétacom. Réflexion philosophique sur la théorie Macro-com. « Axe politique- organisation » Conscience politique naturelle Politique technique : « organiser les réseaux » Philosophie politique Enjeux politiques : qu’est-ce qu’une bonne organisation ? Méso-com. « Axe rhétorique- pragmatique » Conscience rhétorique naturelle Rhétorique technique : « tirer la chaîne » Philosophie de la rhétorique Enjeux éthiques : une communication rhétorique, manipulatrice est-elle bonne ? Micro-com. « Axe linguistique- logico- sémiotique » Conscience linguistico- logique naturelle Linguistique, mathématique du signal, sémiologie, logique : « décomposer la chaîne » Philosophie du langage Enjeux épistémologiques : qu’est-ce qu’une représentation vraie ? MESO-COMMUNICATION : L’EMPIRE RHETORIQUE A la base, le terme « rhétorique » est péjoratif. La rhétorique serait un « art de la tromperie ». Même si on la rejette, la rhétorique est présente dans notre société (Roland Barthes : « il n’y a pas d’époque plus rhétorique que la nôtre »). Les cours de rhétorique ont été officiellement supprimés. 1. NIVEAU EPICOMMUNICATIONNEL : D’UNE RHETORIQUE NATURELLE A UNE VERITABLE CONNAISSANCE METACOMMUNICATIONNELLE En Grèce antique, premières connaissances métacommunicationnelles approfondies. Il existe une conscience des effets de la parole. Ex : dans l’Iliade, Ménélas « parlait aisément », la parole de Nestor « coulait comme du miel » et Ulysse avait des dons de persuasion. La parole est décrite avec des métaphores (Ex : miel). Le pouvoir du discours est généralement attribué aux muses, c’est un don des dieux. Dans contexte, pas conscience « technique » du discours mais plutôt une « proto-technique » par imitation des pratiques oratoires. Cette

Introduction Aux Théories de La Communication - Synthèse (Partie 1)

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Introduction Aux Théories de La Communication - Synthèse (Partie 1)

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Page 1: Introduction Aux Théories de La Communication - Synthèse (Partie 1)

INTRODUCTION

Film « Le discours d’un roi » (discours, bégaiement, corps parlant, communication en temps de guerre, propagande, manipulation, rôle des médias,…)

Epicom.Conscience naturelle

Métacom.Théorie

Métamétacom.Réflexion philosophique sur la théorie

Macro-com.« Axe politique-organisation »

Conscience politique naturelle

Politique technique : « organiser les réseaux »

Philosophie politiqueEnjeux politiques : qu’est-ce qu’une bonne organisation ?

Méso-com.« Axe rhétorique-pragmatique »

Conscience rhétorique naturelle

Rhétorique technique : « tirer la chaîne »

Philosophie de la rhétoriqueEnjeux éthiques : une communication rhétorique, manipulatrice est-elle bonne ?

Micro-com.« Axe linguistique-logico-sémiotique »

Conscience linguistico-logique naturelle

Linguistique, mathématique du signal, sémiologie, logique : « décomposer la chaîne »

Philosophie du langageEnjeux épistémologiques : qu’est-ce qu’une représentation vraie ?

MESO-COMMUNICATION : L’EMPIRE RHETORIQUE

A la base, le terme « rhétorique » est péjoratif. La rhétorique serait un « art de la tromperie ». Même si on la rejette, la rhétorique est présente dans notre société (Roland Barthes : « il n’y a pas

d’époque plus rhétorique que la nôtre »). Les cours de rhétorique ont été officiellement supprimés.

1. NIVEAU EPICOMMUNICATIONNEL : D’UNE RHETORIQUE NATURELLE A UNE VERITABLE CONNAISSANCE METACOMMUNICATIONNELLE

En Grèce antique, premières connaissances métacommunicationnelles approfondies. Il existe une conscience des effets de la parole.Ex : dans l’Iliade, Ménélas « parlait aisément », la parole de Nestor « coulait comme du miel » et Ulysse avait des dons de persuasion.

La parole est décrite avec des métaphores (Ex : miel). Le pouvoir du discours est généralement attribué aux muses, c’est un don des dieux. Dans contexte, pas conscience « technique » du discours mais plutôt une « proto-technique » par imitation des pratiques oratoires. Cette « proto-technique » s’apparente au fait que l’on peut apprendre une langue par immersion, sans apprentissage technique. Dans ce contexte, on n’imagine pas de faire une « théorie du langage » pour un usage particulier.Certains ont des facilités pour l’oralité, mais c’est plutôt dû à l’expérience liée à la fonction qu’à une quelconque technique consciente.

Passage du savoir épicom. à métacom. = rhétorique. La naissance de la rhétorique est liée à :- Développement de la démocratie : Une voix vaut une voix. Passage d’une société hétéronome (= la loi vient d’ailleurs) à une société autonome (= la loi vient de soi). Naissances d’espaces de parole aux règles spécifiques (politique, juridique, épidictique) et aux enjeux importants (défendre sa propriété, faire passer une loi,…)- Développement de l’écriture alphabétique : rend visible la parole et permet à ceux qui savent écrire d’organiser le discours pour l’adapter au contexte. Apparition de manuels (technè).

Ces circonstances vont favoriser la constitution d’un savoir en réseau sur la façon de construire un discours efficace.

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1.1. Le contexte politique : la parole publique Rhétorique = organisation conscient du discours par un orateur ayant comme but d’assurer à son

message la réception la plus favorable possible auprès du public auquel il s’adresse.1.1.1. L’organisation traditionnelle : hétéronomie et holisme A l’époque, modèle d’organisation démocratique grec ≠ modèle d’organisation de la plupart des

sociétés traditionnelles. Les sociétés traditionnelles sont basées sur le holisme (= chacun a une fonction déterminée dans la société et s’y tient) et chaque individu est soumis au « tout » social. L’ordre de la société et du monde n’est pas déterminé par les hommes mais bien par les dieux.Ex : en Inde, les castes. Chaque personne doit exercer le rôle qui correspond à sa caste (au niveau profession, pratique des rites et mariage).Ex : En Egypte et en Perse. Même le pharaon, représentant des dieux, est soumis à l’ordre de la société.

Dans des sociétés comme celle-là, impossible que la démocratie se développe et on ne pense même pas que des hommes pourraient inventer un modèle d’organisation pareil.L’ordre du monde et les lois sont hétéronomes (= elles viennent de l’extérieur). Même les rois et les prêtres ne conçoivent pas leurs pouvoirs comme émanent d’eux même mais comme venant des dieux.

Ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas d’argumentation dans les sociétés traditionnelles. Il y a des conseils où se discutent les lois, mais on ne considère pas que la décision est prise par les hommes. L’argumentation porte sur la compréhension et l’interprétation de signes divins (rêves, divination, auspice), faites par les prêtes, les sages et les conseillers.Dans les sociétés traditionnelles, pas d’argumentation politique de façon autonome. Seul le roi prend des décisions, car il est le seul à avoir reçu le pouvoir des dieux.

Dans les sociétés traditionnelles, chaque individu est source d’un désordre potentiel, s’il prétend s’occuper d’abord de lui-même. L’ordre général de l’univers est plus important que l’ordre social, qui est plus important que l’ordre individuel.

On préfère interroger les dieux plutôt que discuter entre hommes. Les devins ou les chamans savent interroger les dieux en interprétants des signes.Ex : en Afrique, les Peuls observent la robe des vaches et les Mossi tracent des traits dans le sable et font tomber des morceaux des noix de cola.

Ordalie : moyen de résoudre un conflit en se référant à un pouvoir surnaturelEx :- Chez les Tamala de Madagascar, l’accusé doit récupérer une pierre au fond d’un chaudron d’eau bouillant puis plonger sa main dans l’eau. S’il a des ampoules le lendemain, il est coupable.- On force l’accusé à boire un poison. S’il survit, il est innocent.- En cas de rivalité, on serre les mains des 2 personnes puis on passe un couteau tranchant entre elles. Celui qui saigne est coupable.Les sentences sont acceptées sans opposition, même pas les accusés qui se croient innocents. Ils se soumettent, pensant qu’ils ont agi à leur insu ou dans leur sommeil.

1.1.2. Naissance de l’espace démocratique : autonomie et rhétorique Naissance de la démocratie = Grèce ancienne, plus précisément Grèce de Périclès (5ème siècle ACN)

Apparition progressive de communauté où l’on publie des lois (Il a plu à la cité, il a plu au peuple,…). Les hommes se considèrent comme semblables et décident eux-mêmes des lois, de façon autonome. On est passé d’une vision hétéronome à une vision autonome de la société.

Processus de démocratisation en Grèce : assemblées de « citoyens-soldats » qui se considèrent comme égaux et vont exiger d’avoir, outre le partage de la terre et de la gloire, une participation effective aux décisions de la communauté. De + en + de gens les ont rejoints. La parole et la

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communication de ce groupe ont évoluées. Suite à de nombreuses transformations, cette assemblée guerrière devient l’ « agora ».Isonomie = placer le pouvoir au centre de la collectivité. La ville ne se centre pas sur un palais royal entouré de fortification, mais bien sur l’agora. C’est la ville qui se pare de murs, protégeant ses habitants.

Portique méridional = lieu destiné aux marchésBouleutérion = lieu où se réunit le Conseil des 500Agora = lieu où les citoyens vont débattre des affaires qui concernent leur cité

A l’époque, ce corps de citoyens = une partie importante du peuple, peu importe leur fonction et leur classe sociale, à l’exclusion des femmes et des esclaves.

Ecclésia = assemblée du peuple. Gère le pouvoir législatif, exécutif et judiciaire. Rassemblement de masse en plein air qui regroupe des citoyens volontaires d’au moins 20 ans. Se réunit au moins 40x par an sur la colline du Pnyx. Vote les points à l’ordre du jour en une journée de débats. Chacun peut intervenir et les décisions sont prises à la majorité. Démocratie directe (= chaque citoyen va aux assemblées et vote) (>< démocratie indirecte = élection de représentants).

Pnyx = esplanade semi-circulaire de 120m de diamètre, pouvant contenir 20000 personnes. Succède à l’Agora comme lieu de rassemblement. Communication de type « one to many ». Quorum (= nombre minimum de gens requis pour voter une loi) = 6000 représentants. La tribune des harangues, où les gens allaient s’exprimer, est un cube taillé dans le roc.

Dans ce contexte de prise de parole politique publique, premières réflexions sur le pouvoir de la parole.

1.1.3. De la pratique à la technique : le discours juridique Rhéteur = celui qui pratique la rhétorique (type de personne, pas métier). Ex : Périclès = bon rhéteur. Au départ, le rhéteur est simplement celui qui prend la parole en public. Mais certains capteur plus

facilement que d’autres leur auditoire. Il y a rhétorique dès que le discours cesse d’être spontané. Concrètement, la rhétorique nait dans un cadre juridique (lorsqu’on pratique les procès au lieu de

l’ordalie) plutôt que politique, à Syracuse plutôt qu’à Athènes. Elle nait, comme métalangage, grâce à des procès. Vers 485 ACN, Gélon et Hiéron, deux tyrans siciliens, opèrent des déportations et des transferts de population pour peupler Syracuse et lotir des mercenaires. Ils furent renversés par un soulèvement démocratique et cela donna lieu à de nombreux procès. Pour convaincre les grands jurys populaires, il fallait être éloquent.

Héliée = tribunal du peuple, lieu où l’on juge les accusés Les premiers professeurs de rhétorique : Empédocle d’Agrigente, Corax (le 1er à faire payer ses leçons)

et Tisias. Dès le 5ème siècle ACN, la rhétorique fait partie du cursus scolaire grec. La chute des tyrans symbolise le lien originel entre la rhétorique et la démocratie. La rhétorique

présuppose un droit égal à la parole pour tous (= iségoria) et un droit à la sanction de cette parole. Une des caractéristiques de la rhétorique est liée à son origine dans les pratiques des tribunaux :

l’adresse à une collectivité. Même si plus tard, on essayera d’adapter la rhétorique à toutes les productions de parole et à la littérature (y compris la poésie).

Le discours varie en fonction du public. Un public nombreux implique certaines stratégies pour mieux capter l’auditoire (grossissement, exagération, suspens,…). A Athènes, le discours est directement suivi du vote, sans discussion intermédiaire. Le rhéteur doit donc faire un long monologue. Rhétorique ≠ art du dialogue.Les philosophes critiqueront l’aspect « monologue face à la foule » de la rhétorique. Selon Platon, seul l’échange d’individu à individu permet de conduire à la vérité.

Comme les moyens de communication de masse ne sont pas ceux du dialogue, on a développé des « technè rhètorikè ». Le nombre appelle :

- Le grossissement- La longueur du discours (pour que chacun ait le temps de saisir les enjeux)- Les simplifications- L’emphase- La redondance

Pour le rhéteur, il est nécessaire :- D’être compris de tous, sans micro et malgré les parasitages de la communication.- De retenir l’attention, de surprendre et de fasciner.

La rhétorique attache de l’importance à la psychologie des foules. En groupe, on accepte les approximations, les mauvaises plaisanteries et les effets de manches que l’on n’accepterait pas seul. Effet de groupe, puissance de l’unanimisme, car on a peur de ne pas penser comme tout le monde. Donc, importance de l’irrationnel et du pathos dans la persuasion. Mais cette persuasion irrationnelle

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doit pouvoir être menée rationnellement par le rhéteur, qui doit connaître les ressorts des passions humaines. La moitié de la « Rhétorique » d’Aristote est consacrée à l’étude des passions.

La rhétorique n’a pas renoncé à la persuasion rationnelle (preuve, indice, enchaînement logique des arguments) et a développé une théorie de l’argumentation. En argumentant, le rhéteur montre qu’il attache de l’importance à l’adhésion intellectuelle de son public.Argumentation ≠ science et il faut adapter son argumentaire à son public, en fonction de ses croyances et de ses préjugés. Il faut simplifier et utiliser des exemples, comme ça le public n’a pas l’impression qu’on lui impose une conclusion et se sent content d’avoir trouvé tout seul. Il faut laisser le lecteur faire des déductions, car comme cela il se sent mieux disposé et intelligent.

1.1.4. Le discours épidictique = Discours d’éloge ou de blâme Lorsqu’on loue un héros, on renforce le sentiment civique et patriotique. La Grèce ancienne a pu

maintenir sa relative unité en partie grâce aux discours épidictiques.Ex : oraison funèbre prononcée par Périclès : en louant les soldats morts au combat, il incite les Athéniens à poursuivre le combat contre Sparte.

Parfois, utilisation du blâme pour polémiquer contre une opinion commune.Ex : l’opinion générale pensait que les Athéniens, plus civilisés que les Spartes, étaient moins prêts qu’eux pour la guerre. Périclès a profité de son discours épidictique pour convaincre le peuple du contraire.

Discours épidictique = persuasion à long terme sur des problèmes qui ne requièrent pas de décision immédiate. Il ne persuade pas dans l’immédiat mais crée ou renforce une disposition permanente à agir ou un consensus face à certaines valeurs.

1.1.5. Conclusion 3 genres de discours : judiciaire, délibératif et épidictique Ces 3 genres ne recouvrent pas toutes les situations de communication et la rhétorique ne s’est pas

intéressée à d’autres genres de discours. Ces 3 genres, et surtout le judiciaire, sont le point de départ de la réflexion sur la communication.

Mais même lorsque les conditions politiques n’étaient plus vraiment ou plus du tout démocratiques, cette structure est restée… jusqu’à nous.

1.2. Le contexte médiologique : l’écriture alphabétique Médiologie = théorie des médiations techniques et institutionnelles de la culture La rhétorique est une discipline orale qui envisage la parole en tant que situation (prononcée à un

moment précis, par une personne précise, à un auditoire précis). Elle apparait au moment où l’écriture alphabétique s’installe définitivement en Grèce, au 5ème siècle ACN. Cependant, seule une minorité de la population sait écrire. Dans l’Antiquité, les échanges sociaux sont basés sur la parole et le stockage des informations en mémoire.

L’écriture va permettre la composition anticipée des discours. Comme les discours ont des enjeux réels et qu’ils peuvent être longs, il vaut mieux les préparer. Périclès est le premier à avoir prononcé un discours préparé. Apparition d’un nouveau métier : logographe (= écrire un discours qu’un autre prononcera).

L’écriture permet des possibilités de manipulation du discours (vérifier les énoncés, les placer côtes à côtes, les comparer,…). A partir de cette préparation écrite du discours, les « technè rhetorikè » vont se développer. Grâce à l’écriture, l’écrivain est libéré des contraintes temporelles du discours, qui doit dire son discours en une fois et ne peut revenir sur ses propos pour corriger ses erreurs. L’écriture est un facteur essentiel de la constitution des techniques. Elle prouve que la persuasion est due aux énoncés et non aux personnes.

Etape de spécialisation : des gens se sont faits « spécialistes du discours ». Si la démocratie athénienne offre à tous la possibilité de prendre la parole en public, seuls les professionnels se font entendre en pratique. La spécialisation suppose une réflexion sur les moyens de persuader et au minimum l’observation et la reproduction de ce qui marche.

Etape de l’abstraction (coïncide avec le développement de l’écriture) : on développe des techniques, des théories tirées des énoncés « qui marchent ». On n’improvise plus ses discours mais on les écrit ou on les faits écrire d’avance. Importance des logographes à Athènes, car on est censé accuser ou se défendre seul au tribunal.On sait désormais ce qu’il faut faire et ne pas faire pour persuader. Acte de naissance de la rhétorique = le fait qu’on puisse l’enseigner.

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Polémique à propos du don inné pour la parole persuasive : certains pensent que ce don n’est pas suffisant, d’autres pensent que la technique peut le perfectionner et d’autres encore pensent que l’enseignement peut bouleverser la hiérarchie naturelle.

On passe rapidement de l’enseignement oral à des manuels écrits (technè). Milieu du 5ème siècle ACN : critique des textes préparés et récités, le recours aux logographes est mal

vu. Fin du 4ème siècle ACN : on reproche à Démosthène ses discours trop préparés. Pour les Anciens, spontanéité et improvisation = orateur sincère. Discours préparé = soupçonné de mensonge. La méfiance envers les discours préparés s’amplifie au niveau de la critique savante, incapable de s’adapter aux réparties et à l’instantanéité de l’oral. Pour les rhéteurs, l’entrainement par écrit permet de rester maître de son discours jusque dans l’improvisation.

Sommet de l’art rhétorique = faire comme si on improvisait. Pour cela, il faut écrire comme on parle.

2. NIVEAU METACOMMUNICATIONNEL : LE RESEAU RHETORIQUE

2.1. Le réseau La rhétorique se constitue progressivement en réseau, à prendre comme un tout, même si :

- Elle n’est pas née entièrement constituée (rhétorique primitive, rhétorique ordonnée par Aristote, rhétorique développée sous la période hellénistique et romaine). Différences entre les époques de sa pratique et de son enseignement.- Elle n’est pas née d’un seul homme. Rivalités entre ≠ rhéteurs, entre ≠ écoles.

Néanmoins, forte unité à l’Antiquité, au Moyen-Âge et à la Renaissance, que l’on retrouve presque à l’époque moderne.

Dans la rhétorique antique, les termes se présentent en réseau, sous la forme d’une multiplicité de listes. Chacune décrit un secteur ou un aspect. Elles se superposent les unes sur les autres. La réunion de ces listes forme le système de la rhétorique antique.Depuis le 5ème siècle ACN, ce système a été construit et complété, particulièrement à l’époque hellénistique et à l’époque impériale. Il est rapidement devenu le centre de formation des élites.Ex : gravure de Nicostrate, inventrice de l’alphabet grec, devant la tour de la connaissance. La rhétorique est au premier étage car elle est à la base de la connaissance.

Pour dessiner la carte de la rhétorique, on n’est pas parti de Sirius (sorte de vision satellite de la géographie) mais des pratiques.Dans le réseau, certains noms ont changés d’une époque à l’autre, certains pôles se sont + développés que d’autres mais le réseau reste relativement constant au fil des époques. Cela est dû, entre autres, à :

- Grande cohérence de la théorie, transposable à des situations de discours ≠ qu’à l’origine- Conformisme au niveau de son enseignement (rhétorique = centre de l’enseignement chez les élites)

2.2. Ethos, pathos et logos La relation rhétorique lie un orateur et un auditoire par du langage.

Ethos (l’orateur) = force morale, caractère, vertus d’autoritéPathos (l’auditoire) = passions mises en mouvement par les proposLogos (le langage) = style et raison, figures et arguments, figuré et littéral.

Le logos est rationnel tandis que l’éthos et le pathos sont affectifs. Le rhéteur ne s’intéresse pas à ces 3 pôles de manière séparée, mais à la façon dont ils sont

considérés comme un tout pour amener à persuader.

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2.2.1. Ethos = Caractère que doit faire transparaître dans son discours l’orateur pour inspirer la confiance à son

auditoire. Même s’il a de bons arguments, il ne peut rien sans cette confiance. En publicité, on détermine le « public cible », puis l’orateur qui conviendrait le mieux à ce public. Il

faut que l’éthos de l’orateur convienne au public auquel il s’adresse.Ex : un gardien de but fait de la pub pour un téléviseur, un dentiste fait de la pub pour une brosse à dent, une infirmière fait de la pub pour des couches pour bébé

L’éthos fait autorité d’emblée, même avant que les arguments aient été évalués. En politique, les caricatures mettent en avant l’ethos des personnages publics. L’éthos sert aussi à

l’attaque et à la défense des personnages publics.Ex : campagne électorale pour Chirac et Mitterrand

Argument ad autoritatem : justifie une affirmation en se fondant que le prestige, la valeur, le respect moral et/ou intellectuel de son auteur. On donne du poids à une assertion en la rattachant à l’éthos d’un orateur.

Ex : « si c’est lui qui le dit, on peut le croire »Argument ad personam : on réfute une assertion en disqualifiant l’orateur

Ex : « s’il affirme cela, c’est qu’il a été payé pour » Un bon orateur doit se montrer :

- Sensé : capable de donner des conseils raisonnable et pertinents- Sincère : ne pas dissimuler ce qu’il pense ni ce qu’il sait- Sympathique : disposé à aider son auditoire

Si l’on parait SSS sans l’être réellement, gênant sur le plan de la morale (et c’est difficile de jouer un rôle en permanence). Si on est SSS mais qu’on ne parvient pas à paraître comme tel, gênant car on risque de ne pas pouvoir défendre sa cause.

L’éthos est lié à l’ « image de marque », à laquelle la publicité accorde beaucoup d’attention.2.2.2. Pathos = Ensemble des émotions, passions et sentiments que l’orateur doit susciter dans son auditoire, par

l’intermédiaire du discours. Pour persuader, il faut jouer sur la corde des passions pour créer un état d’esprit qui rendra le public

favorable à notre thèse. Les premiers rhéteurs avaient mis l’accent sur la dimension passionnelle de la persuasion. Gorgias

pensait que l’orateur pouvait s’emparer des âmes des auditeurs et les mener où bon lui semble. Psychagogie = technique pour s’emparer des âmes par le discours. Consiste à utiliser dans la prose

des procédés propres à la poésie (répétition, rythme, images). Au premier plan de cette technique, Gorgias mettait ce qui deviendra la théorie de l’élocutio. Selon lui, si le public appréciait l’esthétique du discours, il en approuverait le contenu sans vraiment y prêter attention.

En publicité, l’esthétique prime dans la plupart des cas. Il est vrai que la beauté séduit, mais il ne faut pas s’imaginer qu’elle est le seul moyen de remporter l’adhésion.

La rhétorique des Anciens s’intéresse à la psychologie des publics. Elle a développé une « psychologie des passions » et une « sociologie des caractères » des différents publics.

Aristote distingue 14 passions : amour, audace, bienveillance, calme, colère, compassion, crainte, émulation, envie, haine, honte, impudence, indignation et mépris.Selon lui, on ne voit pas les choses du même œil selon qu’on est animé par l’amour ou la haine, par la colère ou par le calme. Il faut tenir compte du sentiment ressenti par la foule et jouer avec.

Aristote distingue 6 publics cibles différents sont les mœurs varient : la jeunesse, l’homme fait, la vieillesse, les nobles, les riches et les puissants.Ex : la jeunesse : désirs ardents, changeant, enclin à la colère et l’emportement, avide de supériorité

Les rhéteurs ont toujours eu un intérêt pour l’appel aux passions. Ils savent qu’une argumentation purement intellectuelle remporte rarement l’adhésion.

Dans le monde chrétien, Saint Augustin convertissait les foules en utilisant l’appel aux passions, il suscitait la peur de l’Enfer et l’envie du Paradis.

Aujourd’hui encore, les publicitaires mettent en avant ces ressorts psychologiques qui poussent à passer à l’action.

Argument ad metam : argument qui fait appel à la peur.Ex : pub pour la sécurité routière, pub anti-tabac, affiche de propagande, menaces de Saint-Augustin, affaire des 300 couveuses volées durant la guerre du golfeArgument ad misericordiam : argument qui fait appel à la pitié, à la miséricordeEx : pub MSFArgument par la beauté

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Ex : peinture « Phryné devant ses juges », pub pour Wonderbra2.2.3. Logos = argumentation au sens strict (vocabulaire, figures de style, construction de phrase) Même si les croyances les plus solides reposent sur l’ethos et le pathos, la rhétorique s’est intéressée

aux moyens rationnels de convaincre un auditoire. Le rhéteur attache de l’importance à l’adhésion intellectuelle de son public.

Le discours doit démontrer, donc user soit de la déduction (de l’exemple vers la loi), soit de l’induction (de la loi vers l’exemple).

L’étude du logos va mener à une réflexion sur la logique du discours public, une étude de la logique-dialectique et une étude de la grammaire.

Grégory Bateson fait la différence entre le contenu de la communication (= logos) et la relation (= éthos et pathos)

2.3. Les 5 tâches de l’orateur Les Anciens ont établi la méthode standard pour arriver à persuader un public donné :

Inventio Recherche par l’orateur de tous les arguments et autres moyens de persuasion relatifs au thème de son discours

Dispositio Mise en ordre des arguments trouvés, d’où résultera l’organisation interne du discours, son plan

Elocutio Rédaction écrite du discours, son style, sa mise en formeMemoria Façon dont l’orateur doit mémoriser son discours pour pouvoir le restituer lors de

sa prononciationActio Prononciation effective du discours (effets de voix, de mimiques et de gestes)

Ces 5 tâches sont une analyse du langage en couches successives. Dans les faits, cette classification peut être modifiée car on peut trouver le plan avant d’avoir toutes les idées, on peut trouver une phrase choc avant d’avoir tous les arguments, etc.Ce plan s’applique à l’avocat, au publicitaire, au politicien et même à l’étudiant.

Actuellement, on n’enseigne plus la rhétorique, mais l’enseignement a gardé une mémoire de ces tâches à réaliser. Le plus souvent, la disposition est privilégiée par rapport aux autres tâches.

2.3.1. L’inventio = Rassembler son dossier, trouver ses arguments, anticiper les arguments de la partie adverse pour

pouvoir les réfuter, etc.2.3.2. La dispositio = Le plan du discours, la façon dont on agence les arguments Pour persuader, le discours doit suivre un certain ordre logique et avoir un début, un milieu et une

fin. Les Anciens se sont intéressés à la dispositio du discours judiciaire (mais pas à celle du discours délibératif et épidictique).

Plan en 4 parties :Exordecapter l’attention

- Fonction : rendre le public réceptif- Rendre le public attentif, bienveillant, docile- Moment crucial de la prise de contact

Narrationargumenter

- Fonction : instruire- Exposé des faits- Exposé en apparence objectif, mais qui est toujours orienté selon les besoins- 3 qualités : clarté, brièveté, crédibilité- Pour les narrations fausses, 3 conseils :

- Être plausible- Rattacher la fiction à quelque chose de vrai- Eviter les contradictions et les choses pouvant être réfutées par un témoin

Confirmationargumenter

- Moment de la preuve et de la réfutation- Confirmation = ensemble des preuves que l’on apporte- Réfutation = ensemble des objections que l’on porte aux arguments adverses

NB : narration et confirmation s’entremêlent parfois mais ce sont 2 tâches distinctes.NB : 2 théories s’opposent : commencer par les arguments les + forts et commencer par les arguments les + faibles. Si on commence par les + forts, le public lassé ne retient que les arguments faibles de la fin. Si on commence par les + faibles, le public sera dissipé quand on annoncera les forts.

Péroraison - Résume le discours

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appel aux passions

- Doit affecter le public pour qu’elle s’en souvienne au moment du vote- Moment privilégié du pathos qui agit par effet de contagion de l’orateur ému vers le public- Emploi de l’amplification

(+ Digression) Les 3 fonctions « plaire par l’ethos », « émouvoir par le pathos » et « instruire par le logos » peuvent

au besoin apparaitre à n’importe qu’elle étape. Pourquoi une dispositio ? Pour construire le discours, l’ordonner et lui donner une cohérence.2.3.3. L’élocutio = Mise en style du discours, rédaction proprement dite du discours (pas une élocution orale) On peut dire une même chose de plusieurs façons ≠ et chaque façon de dire aura un impact ≠. La rhétorique considère séparément le fond (= res) et la forme (= verba). En sémiologie

contemporaine, on appelle cela « autonomie de la sémiosphère » ou « coupure sémiotique » (entre la res et la verba).Ex : verre à moitié vide, verre à moitié pleinEx : deux tableaux comparatifs présentant les deux méthodes de traitement du cancer du poumon. L’un parle en termes de survie, l’autre en termes de mortalité.

La règle de convenance Le style d’un discours doit convenir au sujet, à l’orateur et au public visé.

- Au sujet : 3 stylesStyle But Employé dansNoble Emouvoir PéroraisonSimple Explique et informer Narration et confirmationAgréable Plaire Exorde

- A l’orateur : n’importe qui ne parle pas avec n’importe quel style- Au public : le style varie aussi en fonction du public. En outre, règle de clarté : utiliser un langage clair, bannir le jargon pédant. La clarté dépend du public. Parfois, il est bon de manquer de clarté par diplomatie ou pour éviter des problèmes : emploi d’une « obscurité contrôlée ».

- Point de vue fonctionnel de l’élocutio : Le rhéteur doit obtenir la collaboration du public et le guider. Selon Aristote, le rhéteur doit s’adapter à la situation et au public- Point de vue esthétique de l’élocutio : selon Gorgias, le rhéteur doit parler de façon esthétique. Ce courant de pensée se développe de + en +, en particulier lorsque :

- Les conditions originelles de l’invention de la rhétorique disparaîtront- Les discours juridiques et politiques perdront de l’importance au profit du discours épidictique

Plusieurs rhéteurs iront contre cette tendance car « le style pour le style », ce n’est pas de la rhétorique. Selon Cicéron, l’orateur doit maîtriser les 3 styles et bien les doser selon les circonstances.

Style au sens rhétorique ≠ style au sens poétique, car :- La rhétorique est écrite en prose- La poésie n’a pas pour but de convaincre, c’est un jeu sur le langage qui ne conviendrait pas à un discours rhétorique car il doit être compris immédiatement.

Donc, ne pas utiliser d’archaïsme, de néologismes et d’allégories ésotériques, mais plutôt des métaphores simples.Cependant, la prose n’est pas un vulgaire discours. Le rhéteur doit utiliser une langue correcte et belle. La rhétorique a créé une « esthétique de la prose ». Quintilien compare le langage utilisé par les rhéteurs à une arme.

Lien entre inventio, dispositio et elocutio Inventio (types d’arguments) Dispositio Elocutio (convenance)Ethos ↔ Exorde ↔ Style intermédiaire (plaire)Logos ↔ Narration et confirmation ↔ Style simple (démontrer)Pathos ↔ Péroraison ↔ Style élevé (émouvoir)

Les figures de style Leur fonction n’est pas de « faire poétique » mais bien de trouver le moyen de s’exprimer de façon frappante devant un public donné. La rhétorique prête attention à la façon de dire (lexis ou elocutio).Figures de mots : association entre 2 mots presqu’homophones. Très utilisé en pub, en politique et en humanitaire. Intraduisible littéralement d’une langue à l’autre.Ex : « Dior, j’adore », « cherchez l’éthique sous l’étiquette », « Dim moi tout »

- Calembour : rapprocher 2 mots semblables en apparence mais de sens différents. Il désarme l’adversaire plus qu’il convainc, mais il peut avoir un effet persuasif.

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Ex : « De 2 mots, je préfère le moindre », « Le France compte 36 millions de sujets, sans compter les sujets qui fâchent », « arme de distraction massive »- Métaphore : désigner une chose par le nom d’une autre chose qui lui ressemble. Joue sur le sens des mots. On peut insérer « comme » ou « semblable à » dans la phrase. Très utilisé en pub. Ex : « L’homme est un loup pour l’homme », « Jean est un lion », pub pour une crème antiride avec un ballon dégonflé et un ballon gonfléIl y a beaucoup de métaphores « clichés », qui ne parlent plus beaucoup. Les métaphores qui sont mortes et se sont installées dans la langue sont des catachrèses (Ex : pied de table, aile d’avion).- Métonymie : désigner un objet par le nom d’un autre ayant avec lui un lien habituel, désigner le tout pour la partieEx : « boire un verre », « mauvaise langue », « c’est un cerveau », pub Perrier avec les symboles de la Belgique, pub pour l’Espagne avec une guitare

Figures de pensée : elles ne dépendent pas des mots mais des idées- Allégorie : description ou récit dont on peut tirer, par analogie, un enseignement abstrait, souvent religieux ou moral.L’allégorie rhétorique doit être directement comprise, contrairement à l’allégorie religieuse qui requiert une interprétation.Ex : parabole du semeur, « Vous voici sur le vaisseau IHECS, bienvenue à bord »- Ironie : dire le contraire de ce que l’on veut dire (pour faire rire par le contraste entre les 2 sens)Indices au niveau vocal : ton de la voix, accent, exagération.Ex : « c’est une lumière »

La figure de style est envisagée comme un écart. Comparaison entre figure de style et geste : la figure de style est un geste, un mouvement, par rapport à un langage immobile. Champs de la rhétorique = étude de l’écart entre la rhétorique et un « degré zéro » de style.En général, lorsque l’auditoire perçoit la figure de style, c’est qu’elle est bien connue de tous et donc elle ne fait pas d’effet La figure de style fonctionne si elle en dit plus qu’en dirait le sens propre (Ex : la religion, c’est l’opium du peuple). Le slogan permet un gain sémantique.En rhétorique, il faut utiliser les figures de style avec précaution : elles ne doivent pas rendre le discours inefficace et elles doivent paraitre naturelles.

2.3.4. La memoria L’orateur doit paraître naturel et ne pas lire son texte. Il l’apprend de mémoire. Au début du 20ème

siècle, Freud apprenait ses conférences par cœur. Lié aux aspects médiologiques de l’antiquité : l’écriture est peu présente, donc la mémoire est une

compétence omniprésente. A l’époque, la mémoire sert dans tous les domaines et est indispensable. On peut améliorer l’aptitude naturelle grâce à une technique : naissance de la mnémotechnie. On

donne une place à la mémoire dans le processus de création du discours et on adapte des proto-méthodes de mémoire artificielle aux besoins des orateurs. Technique : se représenter mentalement une succession de lieux et y disposer des images qui permettront de se rappeler des éléments du discours. Lorsqu’on prononce le discours, on re-parcourt mentalement ces lieux.Développement importants de cette technique au Moyen-âge et à la Renaissance.La connaissance du discours permet de faciliter l’improvisation (résumer, détailler ou répéter un passage).Cette technique est à l’origine des théories scientifiques de la mémoire.

2.3.5. L’actio = Prononciation du discours En latin = actio, en grec = hypocrisis. A l’origine, l’hypocrisie désignait le jeu des acteurs au théâtre et

n’avait pas de connotation négative. L’acteur et le rhéteur doivent exprimer des sentiments pour communiquer leur discours.

L’action oratoire est un acte décisif, unique et irréversible où le discours est produit par le « corps parlant ». Le discours passe du corps de l’orateur au corps de l’auditeur. En outre, l’auditeur perçoit la voix et l’aspect du corps de l’orateur. L’orateur doit faire attention à ces impressions visuelles et auditives. Pas de moyen de persuasion plus efficace que la présence de l’orateur.

Chaque orateur a sa tâche préférée. Pour Démosthène, l’actio, pour Aristote, le logos. L’actio correspond ± au langage non-verbal. Les Anciens avaient conscience de l’importance du non-

verbal dans la communication. Aristote : « comme au théâtre, le texte compte moins que la façon dont on le dit ». S’il insiste sur

l’importance de l’actio, il n’en développe toutefois pas la technique. Ce sera probablement fait par

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son disciple Théophraste, mais on en a perdu le texte. Premier texte à propos de l’actio : « Rhétorique à Hérennius ».

Cicéron et Quintilien insistent aussi sur l’importance de l’actio. Cicéron dit que la force qui est dans l’actio agit sur les masses. Quintilien insiste sur la conviction du ton et dit même qu’ « un discours médiocre mis en valeur par l’actio produit plus d’effet qu’un excellent discours sans actio ».

Les Anciens conseillaient de développer des moyens « audio-visuels » durant l’actio (montrer l’accusé en tenue négligée, montrer ses parents et ses enfants, montrer l’arme du crime ensanglantée, montrer les blessures,…). Cela est efficace car cela place le public en face des faits. Une image en dit + qu’un long discours. On retrouve encore cette technique actuellement, mais avec + de moyens.

L’actio est si importante que les orateurs cherchaient à améliorer leurs dispositions physiques naturelles.Ex : Démosthène exerçait sa prononciation et sa respiration, apprenait à contrôler ses gestes,…

Pour l’actio, les technè rhètorikè écrites ne suffisent pas, il faut montrer par l’exemple. Dans certains manuels, on retrouve des typologies et des descriptions concernant la voix et le geste. Il y a aussi l’iconographie.

2.3.5.1. La voix Quintilien : il s’intéresse à la nature de la voix et à son entrainement indispensable. Il reprend les 4

qualités du style qu’il adapte à la voix :- Correction (de l’élocution)- Clarté (articulation et ponctuation)- Elégance- Convenance (accord entre voix et mouvements)

Il a conscience que, par la voix, on peut exprimer toute une palette d’émotions.2.3.5.2. Le geste Quintilien : il décrit le corps selon la méthode de l’ecphrasis (description détaillée) en allant de la tête

aux pieds. Il montre l’expressivité propre à chaque partie du corps.La tête (visage et yeux) : Les masques de théâtre sont inspirés des expressions du visage. En latin, persona = masque. L’étude de la physionomie (ensemble des traits du visage) intéressa Le Brun (étude des passions de l’âme) et Aubert.Le reste du corps : aussi étudie par les anciens. Le corps sera étudié à travers le développement des arts plastiques du Moyen-Age à la Renaissance (Ex : Léonard de Vinci). Etude des pieds (trahissent nos émotions) et des mains.Les mains : capables de faire une multitude de mouvements. Sans elle, l’action serait paralysée. Elles sont une langue universelle. Montaigne rejoint Quintilien sur le fait que les mains puissent exprimer beaucoup de choses. Chirologie = science de la main. Buwler fait la ≠ entre la chirologie (= connaissance pure du langage des mains) et la chironomie (= conseils de rhétorique appliquée à la façon de communiquer efficacement avec les mains).

2.3.5.3. Actualité de l’actio 1er bouleversement de l’actio : invention du micro. La théorie de l’actio est liée au fait que l’auditeur

s’adresse à un public nombreux et a développé une éloquence du corps proche du théâtre. Avant, les orateurs parlaient fort. L’actio des discours d’avant-guerre nous parait forcée, cela est dû au fait que les orateurs n’étaient pas accoutumés au micro. Le micro permet de parler à des milliers de gens sans crier. Il impose une transformation de l’actio rhétorique classique.

2ème bouleversement de l’actio : invention de la TV. Avant, les orateurs faisaient des grands gestes. En TV, l’orateur est toujours proche de son auditeur, même s’ils sont des millions. Nécessité d’un apprentissage de ces nouvelles façons de parler en public. Certains l’ont appris à leurs dépens (Ex : De Gaulle était trop théâtral, Nixon a perdu les élections présidentielles américaines face à Kennedy en 1960 car il faisait moins bonne figure que son concurrent en TV. Au contraire, Hitler essayait ses poses dans le studio de son photographe.)

3. NIVEAU META-METACOMMUNICATIONNEL : UNE METARHETORIQUE PHILOSOPHIQUE

3.1. La rhétorique : une pratique mensongère anti-démocratique ? Naissance d’un savoir méta-métacommunicationnel : débats sur l’utilité, la légitimité, les méthodes,

les fins, les origines et l’évolution de la rhétorique. Débats argumentés et philosophiques. Ces questions méta-rhétoriques sont l’axe central du développement de la philosophie en Occident. La philosophie cherche des alternatives aux problèmes moraux, politiques et épistémologiques liés en grande partie à la rhétorique.

4 critiques sont faites à la rhétorique :

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- La rhétorique est mensongère : Avant, parole assertorique d’un devin ou d’un roi qui parle au nom des dieux. Après, groupe d’hommes aux opinions multiples qui s’accordent sur base de débat contradictoire. Cette conscience de la contradiction fut expérimentée dans les tribunaux. Une thèse et une antithèse, mais une seule est vraie. Dans de nombreux cas, il est difficile de trancher entre les deux. Plutôt que de se fier aux dieux, on se fie à la décision de la foule. La rhétorique va donc donner des armes pour persuader les foules. Elle ne joue pas sur la vérité mais sur la persuasion. Elle autorise donc le mensonge. Cicéron : « un art qui repose sur le mensonge ». Cela va à l’encontre du sentiment naturel « pré-rhétorique » qui pense que celui qui s’exprime spontanément n’a qu’une seule parole.- La rhétorique est anti-démocratique : dans un procès,

- Soit un des 2 avocats est meilleur que l’autre. Le meilleur fait passer la mauvaise cause, la justice est bafouée et la démocratie n’en est pas vraiment une.- Soit les 2 avocats sont du même niveau. On n’arrive pas à trancher. Remise en cause de l’utilité de l’institution judiciaire démocratique.

Idem pour nos systèmes judiciaires : gagne celui qui peut se payer le meilleur avocat.Idem pour nos débats politiques : gagne celui qui peut se payer la meilleure campagne électorale.Idem pour la publicité : seules les grandes entreprises peuvent faire une bonne pub à grande échelle.La rhétorique ne peut naître que dans une démocratie mais elle corrompt cette démocratie. Nouveau rapport de force : pas la force physique, mais la force de parole.- La rhétorique est inutile : on peut très bien persuader sans la rhétorique et elle ne persuade pas toujours. Certaines personnes ignorent la rhétorique et arrivent très bien à convaincre. Certains orateurs n’arrivent pas toujours à convaincre, il y a des cas désespérés. Peut-on vraiment distinguer le spécialiste du non-spécialiste ?- La rhétorique est faite de fioriture : la rhétorique est parfois vue comme « art de bien parler pour ne rien dire ». On se moque des orateurs qui préparent de longs et beaux discours mais ne savent pas quoi dire instantanément dans telle situation. Opposition entre rhétorique et style spontané qui va droit au but sans fioritures.Il y aurait un « degré zéro » du style, + efficace et + moral que les discours préparés. Vérité et fioriture sont incompatibles. Cette critique rejoint la 1ère critique, car il faut une adéquation entre le fond et la forme. Le vrai n’a pas besoin de fioritures, au contraire du faux.

3.2. Les sophistes : priorité à la communication Les sophistes ont eu une influence sur la conception générale du langage plus que sur l’élaboration

des tèchnè rhètorikè. Ils ont constaté l’ambiguïté du langage : on peut dire tout et son contraire. Le langage est largement indépendant du « réel ». Le discours a un pouvoir d’influence et de persuasion.

Les difficultés à trancher au tribunal se retrouvent aussi dans la vraie vie. Difficile de dire si « Jean a tué/ Jean n’a pas tué » mais aussi de dire si « Les dieux existent/Les dieux n’existent pas ».

Les sophistes mettent en avant l’indécidabilité du langage. Gorgias, dans « Le non-être ou de la nature » défend 3 thèses :

- Rien n’existe.- Même si quelque chose existe, ce n’est pas appréhensible.- Même si c’est appréhensible, ce n’est pas exprimable et communicable à autrui.

La 3ème thèse = critique du langage : il y a une différence entre le langage et le réel (Cf. coupure sémiotique).Les sophistes préfèrent s’intéresser à l’efficacité du « dire » (la communication) plutôt qu’à la vérité du « dit » (l’information). Ils privilégient l’éthos et le pathos.

Les philosophes les critiquent car ils privilégient la communication à l’information. De plus, les sophistes sont généralement des professeurs qui prétendaient enseigner l’excellence (aretè) en échange d’un gros salaire. Cela étonne les gens que l’excellence soit « enseignable » et que l’excellence soit l’art du langage persuasif.

Quand les rhéteurs proposent à leurs élèves d’apprendre à parler, ils prétendent replacer une compétence naturelle par un enseignement artificiel.

3.3. Les philosophes : priorité à l’information Les philosophes s’opposent aux sophistes et critiquent la rhétorique. La philosophe ne conçoit pas

qu’il soit légitime de persuader quelqu’un de quelque chose qui n’est pas la vérité. Les philosophes vivent à l’écart de la cité, en école ou académie. Ils recherchent la vérité, mais une

vérité qui ne dépend pas des combats de l’ « agôn » (combat verbal qui se tient sur la place publique). Selon eux, on peut avoir raison contre tous.Platon n’a jamais digéré que son maître Socrate ait été condamné par la majorité à boire la ciguë.

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Pour Platon, il faut toujours penser en dehors de l’ « agôn ». En général, on parle en visant notre contradicteur plutôt que l’objet de notre discours.

Pour se centrer sur l’objet, les philosophes s’organisaient en petit groupe (école), ce qui favorisait la communication. Ensuite, il ne fallait pas convaincre une foule mais des individus intéressés par la recherche de la vérité. Selon eux, la rhétorique profite de la crédulité et de la passivité de la foule. Ils ont essayé de constituer un « espace intersubjectif d’échanges ». Pas de combat mais une « dialectique coopérative » dans le but de rechercher la vérité.

Sycophante : délateur professionnel Les philosophes n’ont pas de contraintes temporelles (pas de vote en fin de séance, pas de clepsydre)

donc ils peuvent reporter presque indéfiniment le moment de la décision. Ils cherchent une vérité atemporelle.

Ils croient à un logos « vrai » grâce à l’écriture. Ils font partie des élites écrivantes et cherchent à écrire un texte qui puisse être vrai pour n’importe qui, n’importe quand et n’importe où. Cela demande un vrai travail d’ascèse (discipline volontaire du corps et de l'esprit cherchant à tendre vers une perfection) et d’abstraction. La géométrie et les mathématiques vont aider le philosophe dans sa quête d’une vérité indépendante de l’agôn. Persuasion de la rhétorique >< démonstration des mathématiques. Les philosophes essayeront de supprimer les contradictions.

Platon : La rhétorique n’est permise que si on la met au service exclusif de la vérité découverte par le philosophe. La critique de la rhétorique est une critique de la démocratie qui l’a rendue possible.Aristote : La rhétorique est inévitable dans l’espace de la cité, il faut donc l’étudier. Il a écrit un traité de rhétorique, donc la rhétorique doit l’essentiel de ses acquis aux travaux des philosophes. Il veut cependant contenir la rhétorique, lui donner des limite et favoriser d’autres formes de communication (dialoguée, scientifique, narrative,…).

3.4. Conclusion : actualité du débat entre sophistes et philosophes L’antagonisme entre sophistes et philosophes a des raisons scientifiques et épistémologiques (relatif

à la connaissance d’une chose). Il tient aussi d’une rivalité entre professeurs se disputant l’éducation des enfants.Même si la rhétorique a été critiquée, elle a connu un succès dans sa pratique.L’obligation de moralité défendue par les philosophes est généralement acceptée par les rhéteurs.

Aujourd’hui, certains pensent qu’il y a une différence entre information (journalisme) et communication (publicité, RP).

Igniacio Ramonet : La TV cherche plus à faire participer le public à l’évènement qu’à expliquer et analyser l’évènement. La communication domine l’information. Le JT est structuré comme une fiction et vise à distraire le public.

L’information demande un effort et la communication joue sur la corde du sensible. Edwy Plenel : « l’information dérange, la communication arrange ».

Aujourd’hui, la distinction s’immisce dans les structures institutionnelles. Dans l’enseignement, on veut séparer les formations et les diplômes car l’information et la communication ont une déontologie et des buts différents.

Journalisme ≈ recherche de la vérité des philosophes. RP, pub ≈ communication des sophistes. Mais pas d’information sans communication, pas de logos sans éthos et pathos.

4. UNE RHETORIQUE DE MASSE ?

4.1. « Le monde est incroyablement plein d’ancienne rhétorique » La rhétorique a servi, depuis la seconde moitié du 20ème siècle, à développer les théories de la

communication. Elle a donné naissance à la sociologie, à la psychologie et à des recherches sur le langage et l’écriture (linguistique, philologie, logique, philosophie du langage,…). Elle a dominé l’éducation en Occident.

Barthes : La rhétorique a régné en Occident de Gorgias à Napoléon III. Elle donne accès à une « sur-civilisation », celle de l’Occident historique et géographique. La rhétorique d’Aristote a survécu jusqu’à notre culture de masse.

4.2. Le contexte politique, culturel et médiologique de la naissance des sciences de la communication. Modèle hypodermique de la communication Le contexte moderne de la communication

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Cadre politique, social et culturel Durant la 1ère guerre mondiale, on a pris conscience que les moyens de diffusion de l’information

avaient un rôle fondamental dans la « gestion gouvernementale des opinions ». Les populations ont été soumises à la propagande.Durant l’entre deux-guerres, ascension des stratégies de propagande des puissances de l’Axe (Allemagne-Japon-Italie) et de l’URSS.

Deux ouvrages : « Propaganda Techniques in the World War » de Lasswell et « Le viol des foules par la propagande politique » de Tchakhotine.

Certaines élites manipuleront par les médias à la demande des états, des partis et des pouvoirs publics mais aussi à la demande des industriels pour faire de la publicité commerciale.

Grâce à la gestion gouvernementale des opinions et à la publicité commerciale, développement des sciences de la communication.

Découverte de l’influence de l’industrie culturelle sur les opinions. En 1938, Orson Welles prouve la toute-puissance des médias en lisant « La guerre des mondes » de H.G. Wells à la radio. Il fait croire aux auditeurs que les martiens ont envahi la terre.

On pense que les médias ont une influence directe sur les populations :

Pour être plus précis, on se représente les masses comme un ensemble d’individus atomisés :

Théories psychologiques de l’époque : - Psychologie des foules (Le Bon) : la foule est un être simple, plus simple que les individus qui la composent. Elle est hypnotisée par un meneur.- Behaviourisme (Pavlov et Watson) : cette théorie utilise de modèle « stimulus – réponse ». Watson limite la psychologie à l’étude des comportements objectivement observables et rend compte de ceux-ci en termes de réaction physiologiques à des stimuli. A l’époque, on pense qu’on peut modeler un homme à sa guise grâce au milieu et à des stimuli.Ex : conditionner un bébé à avoir peur des animaux à poils

Modèle hypodermique de la communication Selon Lasswell, les médias agissent sur le public comme une aiguille hypodermique, avec une puissance quasi-immédiate. Selon Gorgias, la rhétorique fait le même effet sur l’âme que la drogue fait sur le corps.Dans cette vision instrumentale de la communication, il faut faire bon usage de l’instrument.Platon : la rhétorique est une arme, il ne faut s’en servir pour se défendre, mais pas pour tuer des gens. Les philosophes : la rhétorique est trop dangereuse que pour être utilisée par n’importe qui, elle doit être utilisée par les philosophes, détenteurs de la vérité.L’orateur doit être un homme de bien.Saint Augustin : la rhétorique est un instrument qui peut faire le bien et le mal. Il s’en sert pour convertir les foules.

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On retrouve cette analogie entre la rhétorique et l’arme dans les représentations anciennes (Ex : Hercule tenant ses adversaires par des chaîne, dithyrambe de Platon sur la rhétorique) et dans la propagande (Ex : dithyrambe de Lasswell sur la propagande).Dithyrambe : louange enthousiaste voire excessive.

Comment faire pour que la rhétorique ne tombe pas entre de mauvaises mains ? On la présente comme un outil qui permet d’avoir raison en toute circonstance, d’arriver au sommet,…Ex : les « Méthodes de Négociations » que l’on trouve dans le commerce

Les médias sont tout-puissants. On retrouve cela dans les textes de l’entre deux-guerres.Ex : Edward Bernays parle de la toute-puissance des médias et de la manipulation des foules.Ex : Lasswell considère que la propagande est acceptable si elle peut servir la démocratie et susciter l’adhésion des masses.

Les Etats-Unis n’ont jamais rejeté la rhétorique. Elle a connu son apogée entre 1750 et 1850 et est encore enseignée aujourd’hui. Cet enseignement prépare aux fonctions dirigeantes de la société. Speech department = département où l’on enseigne la communication oral.Grâce à cet intérêt pour la rhétorique, les Etats-Unis réaliseront beaucoup d’études sur la communication de masse.

4.3. Hovland : une nouvelle rhétorique scientifique La nouvelle rhétorique scientifique de Hovland reprendra jusque dans les détails la rhétorique

antique. Etude dans les forces armées : on montrait aux troupes des films sur les causes de la guerre contre

l’Allemagne et le Japon.Présentation des effets de 2 façons différentes :

- On présente l’avis opposé puis on le réfute en présentant l’avis que l’on soutient.Ex : « Si on ne fait pas la guerre… Donc faites la guerre ! »- On présente l’avis que l’on soutient.Ex : « Faites la guerre ! »

Les 2 façons ont presque le même effet, si ce n’est que la 1ère façon marche mieux pour les + éduqués et la 2ème façon marche mieux pour les – éduqués. Cependant, les personnes ayant été confrontés à la 1ère façon sont + résistants aux effets d’une communication qui prend l’avis contraire.Cela rappelle les questions des Anciens : quel argument employer ? Dans quel ordre ?

Réflexion et expérience sur ethos, pathos et logos :Ethos : si le communicateur est respecté, la communication est + persuasive.Pathos : pour renforcer la réception d’un message, il ne faut pas trop solliciter la peur (Ex : conférence sur l’hygiène dentaire).Logos : suite de la réflexion sur les 2 façons de présenter un message + réflexion sur l’ordre des arguments.

Les études menées par Hovland essayent d’isoler les différents paramètres des situations de communication. Avantage de ces études : expériences systématiques, isolement des éléments à étudier. Inconvénient de ces études : expériences difficilement transposables à d’autres cas.Elles ne donnent pas de « recette magique », le communicateur doit avoir un bon feeling en fonction de la situation de communication.

4.4. Lasswell : qui dit quoi, par quel canal, à qui et avec quel effet ? Lasswell rejoint les schémas rhétoriques anciens concernant la composition d’un message. 2 innovations de Lasswell :

- Modèle hypodermique de la communication - Qui dit quoi, par quel canal, à qui et avec quel effet ?

Son modèle de composition d’un message a eu du succès grâce à :o Son utilité pratique. Chaque personne ayant un message à faire passer a avantage à se servir de

ce modèle.o Sa forme, qui reprend la façon de penser la communication de la rhétorique. C’est une

transposition d’un modèle antique inventée par Quintilien pour l’inventio : « Qui ? Quoi ? Où ? Avec l’aide de quoi ? Pourquoi ? Comment ? Quand ? »

o Il permet d’organiser les études en communication. Il donne à la sociologie des média au cadre conceptuel général.

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= Ethos = Logos = PathosSi l’on compare le schéma de Lasswell à celui de la rhétorique, on remarque 2 éléments nouveaux : le média et l’effet.Concernant le média, les rhéteurs ne se posaient par la question, leur seul média étant leur corps.Concernant l’effet, les rhéteurs cherchaient aussi les effets (comment toucher le public dans le but de…). Lasswell en a fait un point particulier dans son schéma car les élites intellectuelles de l’époque étaient particulièrement sensibles à ce point.

o Il est proche du modèle du behaviourisme (Stimulus-Réponse) et on peut faire un parallèle entre les 2. Il permet de faire des études vues à travers le modèle de la « piqûre hypodermique » (relations directes ou de cause à effet entre un message et un comportement du récepteur).

o Il est un outil efficace pour les industriels qui veulent influencer les consommateurs et pour les pouvoirs publics et les partis qui veulent influencer l’opinion publique

o Sa parenté avec le modèle mathématique de la communication de Shannon et Weaver.

4.5. Les limites du modèle linéaire hypodermique : « the two-step flow of communication » 2 études suggèreront un modèle beaucoup moins direct de l’influence des médias sur le public. On

remet en cause la toute-puissance des médias.1ère étude : « The people’s choice » de Lazarfeld : mesure de l’influence des médias sur des électeurs2ème étude : « Personal influence » de Lazarfeld et Katz : analyse du comportement des consommateurs de la mode et des loisirsRésultats : importance du « groupe primaire » où le rôle des « leaders d’opinion » est décisif.

Théorie du two-step flow : 1er pallier : personnes bien informées car directement exposées aux médias2ème pallier : personnes moins informées et dépendantes des autres pour obtenir l’information

Ce schéma est + précis car il montre l’importance des leaders d’opinions (gros ronds) par rapport aux individus (petits ronds) :

Cette théorie renverse 2 préjugés :- La représentation d’une masse amorphe- La représentation d’un individu solitaire, matraqué par la propagandeLe schéma de Lasswell avait atomisé le public, celui du two-step flow le refaçonne. La communication moderne n’instaure pas la masse et ce sont des relais qui assurent la diffusion des messages auprès des individus. Cette théorie met en évidence le rôle des relations en face-à-face dans la formation des opinions individuelles.Remise en cause de la toute-puissance des médias

Aristote avait déjà remis en cause la toute-puissance de la rhétorique, qu’il ne considérait que comme « l’art de chercher ce qu’une argumentation peut avoir de persuasif ».

A partir des années 60, on se désintéresse des modèles linéaires de la communication pour s’intéresser aux modèles circulaires de la communication.