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Page 1 sur 43 Introduction au Droit des Affaires Entrée en matière : Les divers sens du mot « droit » - Qu’est ce que le droit ? Le mot a plusieurs sens. Celui qui probablement vient le premier à l’esprit se relie à l’existence de règles qui canalisent l’activité des hommes en société. Dans cette perspective, l’image de forme ou de barrière apparaît assez vite. Souvent mal connu, souvent confondu, consciemment ou non avec la seule et pure Justice, le droit correspond en réalité à une nécessité inhérente à toute vie en société ; et, à mesure que les sciences de la société, les sciences sociales ont accru leur influence, son caractère scientifique s’est renforcé. Encore faut-il définir ce qu’il faut entendre par droit. Il y a des systèmes juridiques dans lesquels la signification du mot est unique, et où le mot droit ne sert à désigner que des règles gouvernant la vie des hommes en société. C’est le cas du droit anglais ou du droit japonais par exemple. Tel n’est pas le cas dans notre système. Le mot droit y désigne deux ensembles qui diffèrent profondément. Il y a premièrement le Droit avec une majuscule. C’est un ensemble de règles de conduite qui dans une société donnée et plus ou moins organisée régissent les rapports entre les hommes. A cet ensemble on applique l’expression « DROIT OBJECTIF ». Deuxièmement « les droits ». Les droits ce sont les prérogatives que le Droit avec un grand D ou le droit objectif reconnaît à un individu ou un groupe d’individus et dont ceux-ci peuvent se prévaloir dans leur relation avec les autres en invoquant, s’il y a lieu, la protection et l’aide des pouvoirs publics, nous dirons au sens large l’aide de la société : droit de propriété, droit de créance, droit de vote. A partir de cette explication on peut dégager d’autres définitions qui vous permettront la compréhension des phénomènes juridiques : le titulaire du droit qui bénéficie d’une prérogative et traditionnellement appelé le sujet, le sujet du droit ; d’où l’expression des droits subjectifs par laquelle on désigne ce type de droit. Notre cours se développera donc en deux chapitres : - Chapitre I : le droit objectif - Chapitre II: le droit subjectif

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Introduction au Droit des Affaires Entrée en matière : Les divers sens du mot « droit » - Qu’est ce que le droit ? Le mot a plusieurs sens. Celui qui probablement vient le premier à l’esprit se relie à l’existence de règles qui canalisent l’activité des hommes en société. Dans cette perspective, l’image de forme ou de barrière apparaît assez vite. Souvent mal connu, souvent confondu, consciemment ou non avec la seule et pure Justice, le droit correspond en réalité à une nécessité inhérente à toute vie en société ; et, à mesure que les sciences de la société, les sciences sociales ont accru leur influence, son caractère scientifique s’est renforcé. Encore faut-il définir ce qu’il faut entendre par droit. Il y a des systèmes juridiques dans lesquels la signification du mot est unique, et où le mot droit ne sert à désigner que des règles gouvernant la vie des hommes en société. C’est le cas du droit anglais ou du droit japonais par exemple. Tel n’est pas le cas dans notre système. Le mot droit y désigne deux ensembles qui diffèrent profondément. Il y a premièrement le Droit avec une majuscule. C’est un ensemble de règles de conduite qui dans une société donnée et plus ou moins organisée régissent les rapports entre les hommes. A cet ensemble on applique l’expression « DROIT OBJECTIF ». Deuxièmement « les droits ». Les droits ce sont les prérogatives que le Droit avec un grand D ou le droit objectif reconnaît à un individu ou un groupe d’individus et dont ceux-ci peuvent se prévaloir dans leur relation avec les autres en invoquant, s’il y a lieu, la protection et l’aide des pouvoirs publics, nous dirons au sens large l’aide de la société : droit de propriété, droit de créance, droit de vote. A partir de cette explication on peut dégager d’autres définitions qui vous permettront la compréhension des phénomènes juridiques : le titulaire du droit qui bénéficie d’une prérogative et traditionnellement appelé le sujet, le sujet du droit ; d’où l’expression des droits subjectifs par laquelle on désigne ce type de droit. Notre cours se développera donc en deux chapitres : - Chapitre I : le droit objectif - Chapitre II: le droit subjectif

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Chapitre I : Le droit objectif Section 1/ Généralités Si on envisage tout d’abord ce corps de règles plus ou moins homogène et plus ou moins stable que constitue le Droit une triple confrontation ou comparaison s’impose. Tout d’abord, il faut préciser ce que sont les règles de droit. En d’autres termes ce qui sera la spécificité des règles par rapport à d’autres règles de conduite et par rapport aux faits et aux individus. (paragraphe 1) Ensuite, il faudra dégager quels sont les fondements ou les finalités du droit (paragraphe 2). § 1 - Les règles du droit Surtout si l’on a dépassé le seuil de sociétés primitives, et surtout si l’on est marqué par la vision occidentale du droit, celui-ci ne peut être dissocié de l’idée de règles. L’approche du droit s’opère à travers et au moyen des règles qui lui servent de support. Néanmoins, cette relation entre les règles et le droit n’est qu’un point de départ. Il convient de situer les règles de droit par rapport aux autres règles régissant les sociétés humaines d’une part, et par rapport au comportement humain, d’autre part. A - Règles de droit et autres règles Aussi longtemps que Robinson vit en solitaire il n’a pas besoin de règles de droit. La nécessité de celle-ci n’apparaît que lorsque l’homme vit en groupe, or précisément cet « être sociable » comme dit Aristote incline à vivre en société et à être impliqué dans les rapports sociaux. Le sens de la civilisation voire du progrès répugne à ce que les relations des hommes soient gouvernées par la force et par l’arbitraire. Le droit fournit un certain nombre de règles de conduite destinées à faire régner tout à la fois l’ordre, le progrès et la justice. Chacune de ces finalités prises isolement peut bien évidemment susciter la critique car on ne peut s’entendre ni sur l’ordre, ni sur le progrès, ni sur la justice. Mais avant de choisir une philosophie et d’élucider les polémiques, il importe d’observer qu’il y a d’autres règles gouvernant la conduite des hommes en société et il peut être très difficile de les distinguer des règles de droit.

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B - Le droit et la religion Il y a des règles de droit qui n’ont pas beaucoup de relation avec les commandements religieux, ainsi en est il par exemple du code de la route. Il en est d’autre, au contraire, dont on perçoit les possibles rapports avec la religion, par exemple les règles qui gouvernent le mariage et le divorce. Dans certains pays et même dans le notre, la distinction des règles de droit et des commandements religieux peut être difficile. Il est cependant des préceptes qui par leur contenu s’accordent avec les impératifs de la religion, mais dont l’évangélisme est rebelle aux habituels canons du droit. Il y a par exemple une contradiction entre la légitime défense et le comportement consistant à tendre l’autre joue. Par contre, il y a des prescriptions qui sont inspirées par la loi religieuse, ne pas tuer, ne pas voler. Néanmoins il y a une différence entre la religion et le droit pour le niveau de la sanction. La sanction en matière de religion viendra de la divinité tandis que les règles de droit apportent dans leur sillage la sanction du groupe social. Ceci dit les influences entre les règles religieuses et les règles de droits sont évidentes. Ceci est vrai dans les pays de culture judéo-chrétienne et les pays musulmans, certains ayant adopté la « Charia » règle religieuse comme règle de société. C - Le droit et la morale Entre la morale et le droit les relations sont encore plus nettes : de très nombreuses règles de droit sont en effet empruntées à la morale. Ceci peut porter à considérer que le droit n’est pas autre chose que de la morale relayée et sanctionnée par le groupe social. Les relations morale/droit étant réciproques, on peut aussi estimer qu’en influençant les mœurs le droit peut rejaillir sur la morale, il y a d’ailleurs une morale civique. Pour classique qu’elle soit, la distinction du droit et de la morale est caractérisée par la diversité des critères et des opinions. 1/ Les sources du droit et de la morale sont différentes. Les préceptes de la morale résultent soit de la révélation divine, soit de la conscience qu’elle soit individuelle ou collective alors que le droit est issu de la volonté des gouvernants. A vrai dire, il est fréquent que les gouvernants s’inspirent des règles de la morale. Il ne faut donc pas exagérer la différence des sources du droit et de la morale. 2/ Les contenus de la morale et du droit sont différents. D’abord en raison de l’objet de la règle. Les domaines de la règle de droit et de la règle de morale ne se recouvrent pas. La morale se préoccupe des devoirs de l’homme, non seulement à l’égard des autres hommes mais aussi à l’égard de lui-même, voire de sa divinité. En ce sens le domaine de la morale est plus vaste que celui du droit. Inversement le droit formule des règles qui sont moralement neutres. (règles fiscales). Il peut formuler aussi des règles de nature à consolider des situations immorales (le voleur qui devient propriétaire après 30 ans de possession, la prescription, le PACS). Les objectifs de la règle de droit et de la règle de morale sont différents : la règle de morale tend à la perfection, elle est plus exigeante. Elle exige des devoirs de charité. Le droit lui est conçu pour la Masse. Il est conçu pour assurer l’ordre public, la paix civile. Il n’a pas à rechercher la perfection.

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3/ Les sanctions du droit et de la morale sont différentes. Les violations de la morale sont sanctionnées au niveau interne (sanction de la conscience). Les sanctions des violations du droit ont une origine externe et sont liées directement à l’autorité contraignante des pouvoirs publics. D - Le droit et la justice La puissance du droit et surtout le respect que lui porteront les sujets de droit dépendent assez largement des relations plus ou moins étroites qu’il entretient avec la justice. Un courant de pensée très ancien définit d’ailleurs le droit comme la science du juste. Néanmoins cette parenté profonde entre la justice et le droit s’accompagne d’hésitation. En effet, les attitudes du droit face à la justice sont diverses. On peut en distinguer trois : - La première est emprunte d’indifférence. Il existe en effet beaucoup de règles juridiques d’ordre technique et qui n’ont pas de relations avec la justice. Exemple : les règles de rédaction des actes d’état civil ou règles relatives à la publicité foncière. - La deuxième atteste au contraire l’existence de relations étroites. Il n’est pas rare que le droit prolongeant un besoin de justice apporte aux préceptes de la morale des précisions et des compléments rendus nécessaires par la vie en société. Ainsi en est il de la vente à un prix excessif ou de l’achat à un vil prix. Mais si l’on se contentait de ces formules trop de contrats de vente seraient exposés à des contestations. Voilà pourquoi le droit précise, par exemple, les conditions dans lesquelles un contrat de vente peut être attaqué. - La troisième attitude est en revanche le signe d’un conflit entre le droit et la justice. Ce conflit se manifeste chaque fois que le combat en faveur de la justice est contrarié par la nécessité de faire régner parallèlement l’ordre, la sécurité et la paix. Par exemple, lorsqu’une vente est passée à un prix trop bas, la justice voudrait que la vente soit annulée ou qu’un supplément de prix soit versé. Mais, le désir d’assurer la sécurité de transaction a conduit le droit à fixer des conditions ou des seuils au dessous desquels il refuse de servir les intérêts de la justice. E - Le droit et l’équité Le besoin de la sécurité peut éloigner le droit de la justice, or le recours à l’équité tend précisément par l’atténuation de ce que le droit, et surtout le droit écrit, peut avoir de trop rigide. « L’équité ne va contre ce qui est juste en soit mais contre ce qui est juste selon la Loi ». L’équité est en quelque sorte un recours au juge contre la Loi. Encore convient il d’observer que dans un grand nombre de cas c’est la Loi elle-même qui renvoie l’équité. Ainsi l’article 1135 du Code Civil dispose que « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la Loi donne à l’obligation d’après sa nature. » Autres exemples : Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les honoraires de son propre avocat et tous les autres frais, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer une somme qu’il détermine lui même (article 700 du NCPC). Dans d’autres cas le pouvoir d’équité reconnu au juge lui est attribué de façon moins explicite. Exemple : octroi de délai au débiteur malheureux (Art. 1244 alinéa 2), ou pouvoir modérateur du juge en matière de clause pénale (Art. 1152 alinéa 2).

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L’équité exerce un rôle important en droit des affaires pour lequel l’arbitrage est souvent utilisé. Qu’est-ce que l’arbitrage. C’est lorsque des personnes en conflit confient à des personnes privées et non à des tribunaux étatiques le soin de trancher leur litige car elles peuvent alors donner aux arbitres le pouvoir de décider non seulement d’après les règles du droit, mais aussi comme « en amiable compositeur » donc en équité. A travers l’amiable composition, on discerne peut être mieux qu’ailleurs l’influence originelle de l’équité sur le droit. § 2. Les divisions du droit Fondement des divisions La complexité croissante des rapports sociaux entraîne le développement des règles de droit et, par voie de conséquence, une division du droit en diverses branches liées à la spécialisation et au regroupement de règles relatives à des groupements sociaux similaires. Deux distinctions combinées forment le cadre le plus général : celle du droit national et du droit international, celle du droit public et du droit privé. Elles permettent de préciser l’objet du droit civil. A - Droit national et droit international Cette distinction procède de la division du monde humain en Etats. Le droit national ou interne est ainsi appelé parce que c’est le droit positif en vigueur dans un état déterminé ayant des sources et des sanctions propres à cet état réglementant les rapports sociaux qui se produisent à l’intérieur de cet état, sans qu’un élément ressortissant d’un autre état interviennent dans ces rapports. Mais il y a aussi des relations sociales internationales, soit entre les Etats, soit entre les individus. Elles font l’objet du droit international. Division du Droit International Le droit international comprend deux branches : a) Le droit international public . Il réglemente les rapports des états entre eux. Il a des sources supra nationale : les conventions ou traités internationaux, la coutume internationale, les principes généraux du droit reconnus par les nations civilisées. Il y a des sanctions spéciales ; mais celles-ci sont encore très imparfaites (tribunal international de La Haye pour la Yougoslavie, ARUSHA pour le Ruanda). On a pu se demander dans quelle mesure le droit international est vraiment un droit positif. b) Le droit international privé ; Il régit les rapports entre particuliers qui comportent un élément étranger : par exemple lorsqu’ils s’établissent entre des personnes de nationalités différentes (mariage d’une française et d’un italien), ou lorsque l’acte ou le fait générateur du rapport se situe dans un pays étranger (rapport entre l’auteur et la victime d’un accident automobile causé par un français en Suisse).

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De tels rapports suscitent des questions de conflits de loi, c’est à dire de détermination du droit national applicable à une situation juridique internationale entre particuliers. Le caractère international du droit international du droit international privé est contesté, du fait que les sources et les sanctions de ses règles sont, sauf exception, des sources et des sanctions nationales. Le droit international privé français trouve ses règles essentielles dans le Code Civil. B - Droit Public et Droit Privé D’après les conceptions classiques, le droit interne se divise en deux branches : - le droit public - le droit privé. Déjà les romains considéraient que les institutions juridiques se divisaient en deux grandes catégories nettement différenciées selon qu’elles étaient orientées vers les intérêts publics ou vers les intérêts privés. Le Droit Public et ses divisions Le droit public comprend l’ensemble des règles qui dans un état donné, président à l’organisation même de cet Etat et de celle qui gouverne à les rapports de l’Etat et de ses agents avec les particuliers. Le droit public se subdivise à son tour en plusieurs branches : - le droit constitutionnel qui détermine les règles relatives à la forme de l’Etat, à la constitution du gouvernement et du pouvoir public, - le droit administratif qui réglemente l’organisation des collectivités publiques (Etat Région, Département, Commune) et des services publics ainsi que leur rapport avec des particuliers, - le droit des finances publiques qui comprend les règles relatives aux ressources et aux dépenses de l’Etat et des autres collectivités publiques, - le droit pénal qui institue et aménage le droit de punir tel qu’il appartient à la société et tel qu’il est exercé en son nom par les organes qualifiés. Différence entre le droit public et le droit privé Traditionnellement, on relève les différences suivantes : 1/ Quant au but : le but du droit public est de donner satisfaction aux intérêts collectifs de la nation en organisant le gouvernement et celle-ci et la gestion du service public. Le but du droit privé est d’assurer au maximum la satisfaction des intérêts individuels.

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2/ Quant au caractère : compte tenu de son but, le droit public sera essentiellement impératif, c’est-à-dire que les particuliers ne pourront déroger à ses prescriptions. Le droit privé laissera au contraire une large part à la volonté individuelle et la plupart de ses règles ne seront pas impératives, car, dit on, le meilleur moyen de donner satisfaction aux intérêts particuliers n’est-il pas de laisser la liberté aux individus. 3/ Quant à la sanction : Si les règles de droit privé sont méconnues, le particulier lésé s’adressera aux tribunaux et à la force sociale pour obtenir justice. La sanction du droit public est plus difficile à organiser car ici, l’Etat est en cause et il ne sera pas enclin à se condamner lui-même. C - Le droit privé et ses divisions Le droit privé est l’ensemble des règles qui gouvernent les rapports des particuliers entre eux ou avec les collectivités privées telles que les sociétés et les associations. C’est le droit civil qui constitue l’essentiel de ses règles. L’expression nous vient des romains chez qui elle désignait le droit des citoyens romains (de civis : le citoyen). Le droit privé s’identifiait ainsi au départ avec le droit civil qui régissait tous les rapports entre particulier puis un travail de désagrégation s’est poursuivi au cours des siècles en raison de besoins inhérents à certains rapports sociaux nécessitant des règles spéciales. 1/ Le Droit Commercial Ainsi a-t-on vu se développer le droit commercial, considéré selon les époques soit comme le droit applicable aux personnes qui ont la qualité de commerçant (conception subjective), soit comme le droit applicable aux opérations juridiques constituant des actes de commerce (conception objective) ; l’oscillation entre les deux conceptions et la combinaison de celles-ci ont laissé place à maintes querelles de frontières. A notre époque de remise en cause des catégories traditionnelles, le droit commercial peut en tant que tel, être menacé d’une double manière : on peut, tout d’abord être incité à l’absorber dans un ensemble plus vaste, celui d’un droit des affaires comprenant aussi des matières de droit fiscal, de droit pénal, de droit comptable, voire de droit du travail, de droit administratif, de droit international ; mais on peut aussi s’interroger sur le maintien de la distinction du droit civil et du droit commercial : qu’il s’agisse du droit des groupements - sociétés civiles ou sociétés commerciales - du droit des contrats ou encore des procédures destinées à satisfaire les créanciers (voies d’exécution, procédures de « faillite »). Les régimes juridiques institués par le droit civil et le droit commercial se sont, à notre époque, singulièrement rapprochés. Loin est le temps où l’on pouvait être tenté de dire du droit commercial, qu’il était le droit des villes, et du droit civil, qu’il était le droit des champs. Ajoutons que divers corps de règles du droit commercial ont acquis une cohérence propre, qui conduit à les étudier distinctement : droit maritime, droit des transports terrestres et aériens, droit des assurances, droit de la propriété industrielles (brevets, marques de fabrique, dessins et modèles), droit bancaire, etc.

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2/ Le droit du travail L’émancipation du droit commercial s’affirme à mesure que l’on cesse de n’y voir qu’un simple amalgame de lois relatives au commerce. L’émancipation du droit du travail par rapport au droit civil s’est manifestée d’une manière à certains égard comparable : ce droit regroupe les règles relatives aux rapports - individuels ou collectifs- entre les chefs d’entreprise et leurs salariés. Né au siècle dernier, au fil des victoires remportées par les mouvements sociaux, le droit du travail a cessé de n’être que le droit d’un contrat civil, le contrat de travail. Il s’est rapproché d’un droit des relations de travail au sein des entreprises, quelques-uns comme un corps de règles destinées à défendre les chefs d’entreprise contre les revendications de leurs salariés, contre les employeurs, qui semble l’emporter aujourd’hui dans l’esprit de nombre de spécialistes de la matière. 3/ Le droit civil, droit privé commun D’autres branches du droit ont, à notre époque, tendance à se développer, par exemple le droit rural, qui a pour objet les rapports naissant de l’exploitation de la terre. La doctrine classique rattache encore au droit privé la procédure civile (ou droit judiciaire privé) ensemble des règles d’après lesquelles les tribunaux jugent les litiges nés entre particuliers à propos de l’application du droit privé. En tenant compte des branches du droit privé qui ont conquis leur autonomie, on peut définir le droit civil comme étant la branche du droit qui régit les rapports privés, mais seulement en tant qu’ils n’ont rien de spécifiquement commercial, industriel, social ou rural et abstraction faite des règles de réalisation judiciaire du droit. Malgré les retranchements qu’il a subis, le droit civil conserve son aptitude originelle à régir tous les rapports d’ordre privé ; il est très souvent resté le droit privé commun, applicable à tous, sauf lorsque certains rapports sont régis par des dispositions particulières. 4/ Objet du droit civil La place du droit civil dans l’ensemble du droit étant fixée, il reste à préciser son contenu. Le droit civil a pour objet la réglementation des rapports de droit privé, c’est-à-dire des droits que les particuliers peuvent exercer dans leurs rapports entre eux et des obligations réciproques pesant sur eux. Il détermine : 1° quelles sont les personnes qui peuvent être titu laires de ces droits ou sujets de ces obligations ; 2° quels sont les droits privés reconnus à ces pers onnes et les obligations corrélatives ; 3° comment ces personnes acquièrent, transmettent o u perdent leurs droits ou leurs obligations; 4° comment sont sanctionnés ces rapports de droit p rivé. Il nous suffit, à ce stade de nos développements, d’esquisser le résumé des réponses que le droit civil apporte aux deux premières de ces questions, pour avoir un aperçu sur le contenu de ce droit.

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1 °/ Les personnes, sujets de droit. personnes phys iques et personnes morales Définition : Les personnes, ce sont les être susceptibles de devenir les sujets des droits : sujets actifs, s’ils en sont titulaires, par exemple le propriétaire, le créancier ; sujets passifs, si le droit est exercé contre eux, par exemple le débiteur, duquel le créancier peut exiger la prestation due. Le droit civil doit déterminer tout d’abord quelles peuvent être les personnes susceptibles d’être sujets des droits privés et dans quelle mesure elles le seront, quels peuvent être, à cet égard, leur état et leur capacité. Les personnes physiques, ce sont les être humains, en tant qu’individuellement ils sont sujets de droits. On sait que, dans notre droit moderne, il n’existe plus d’esclaves, c’est-à-dire d’êtres humains ne pouvant être qu’objets de droits et ne pouvant avoir recours à la protection juridique. Les personnes morales sont des groupements d’intérêts collectifs que le droit considère comme étant sujets de droit. L’homme n’a pas en effet que des besoins et des intérêts purement individuels. La vie en société le rattache nécessairement à des groupes. Or, pour marquer que, dans certains domaines, les intérêts collectifs doivent l’emporter sur les intérêts individuels, le droit considère que le sujet des droits n’est plus l’homme isolé, la personne physique, mais tel ou tel groupement d’intérêts collectifs, composé en général à la fois d’un groupe d’individus et d’un groupe de biens affectés à la satisfaction des intérêts poursuivis en commun. Le groupement est personnifié, traité comme une personne distincte des membres qui le composent. Ainsi, le droit public personnifie l’Etat, les communes, certains services publics. Le droit privé détermine à quels groupements ne se rattachant pas à l’organisation de l’Etat, il y a lieu de reconnaître la personnalité. Il en sera ainsi, par exemple, au sujet des sociétés, des associations, des fondations. 2°/ Etat et capacité des personnes 2.1. L’état d’une personne - le status du droit romain -, c’est la situation qu’elle occupe, aux yeux du droit, quant au point de savoir de quels droits elle peut être titulaire. On appelle plus particulièrement état civil sa situation relativement aux droits privés. Cette notion suppose que toutes les personnes n’ont pas la même aptitude à être titulaires de tous les droits. Ainsi, à Rome, on distinguait le status libertatis selon que l’individu était libre, affranchi ou esclave ; le status civitatis selon qu’il était citoyen, latin ou prérégrin ; le status familiae selon qu’il était sui juris ou sous la puissance d’autrui. Dans notre Ancien Droit, on distinguait l’état de noble, de clerc, de roturier. Le droit civil moderne, à base individualiste, a posé le principe de l’égalité des droits. Des distinctions sont cependant faites selon la nationalité, l’âge, le sexe, la situation de famille. Un intérêt majeur s’attache d’ailleurs à la situation de l’individu dans la famille : les droits et les obligations sont déterminées d’après la parenté (état de père, d’enfant, etc.) et d’après l’alliance (état de beau-père, de belle-fille, de beau-frère, etc.) ; ils varient selon que des personnes sont mariées (état d’époux) ou non ; et, parmi les personnes mariées, il faut distinguer celles entre qui est intervenue une séparation de corps, celle-ci affectant la situation juridique des époux.

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Mais, il n’existe plus de différences, dans la situation juridique des personnes, qui soient fondées sur la classe sociale à laquelle elles appartiennent, sur la religion et sur la race. Des considérations sociales peuvent toutefois aboutir à des conceptions hiérarchiques professionnelles ou autres, de nature à donner une importance accrue à l’état des personnes. La situation juridique des personnes tend notamment à être influencée par la profession. Dans le code civil quelques textes tiennent compte de l’appartenance professionnelle pour établir un régime particulier qui tranche avec le principe de l’égalité civile (par exemple, art. 1326, 1329, 1330, 2101-5°, 2271 et suiv.) et depuis longtemps la profession commerciale avait acquis son droit autonome. Le développement de l’organisation professionnelle a favorisé l’éclosion de règles de droit propres aux personnes exerçant une activité professionnelle ou même appartenant à une profession déterminée. Ainsi, il y a, en droit civil, des règles successorales propres à certains agriculteurs, commerçants et artisans, relatives à l’attribution préférentielles d’une exploitation (art. 832, mod. par divers textes de l’époque contemporaine) ; et le bail à ferme réglementé par le statuts du fermage (Ord. 17 octobre 1945 ; v. art. 790 et s. C. rural) déroge au droit commun du bail. D’une manière plus générale, il y a un statut professionnel variant selon les catégories ; son étude relève notamment du droit commercial et du droit du travail. 2.2. La capacité est l’aptitude d’une personne à être titulaire de droits et à les exercer. C’est là une conséquence de son état. D’après son état, selon qu’elle est nationale ou étrangère, majeure ou mineure, mariée ou non, elle aura une capacité ou des pouvoirs plus ou moins grands. On distingue d’ailleurs deux sortes de capacité : 2.2.1. la capacité de jouissance , qui est l’aptitude à être titulaire de tels ou tels droits ; ainsi, c’est en raison de son état de famille, qu’un époux peut réclamer des aliments à son conjoint, qu’un enfant sera l’héritier de son père et de sa mère, ainsi encore, l’on dira que certaines personnes morales, qui ne peuvent être propriétaires d’immeubles, sont frappées à cet égard d’une incapacité de jouissance. 2.2.2. la capacité d’exercice , qui est l’aptitude à pouvoir exercer soi-même et sans autorisation les droits dont on est titulaire ; selon son âge, une personne peut ou non exercer elle-même ses droits : ainsi sont frappés d’une incapacité d’exercice les individus qui n’ont pas atteint leur majorité, les mineurs de dix-huit ans, dont les droits doivent être exercés par leur représentant légal, père, mère ou tuteur ; les facultés intellectuelles peuvent aussi influer sur la capacité d’exercice : certains troubles mentaux justifient l’institution du régime de la curatelle, la personne à protéger ne pourra exercer certains droits et passer certains actes qu’avec l’autorisation d’un curateur ; la gravité des troubles mentaux peut entraîner la soumission de l’aliéné au régime de la tutelle, ses droits étant exercés par son représentant, un tuteur. 3°/ Les droits et obligations privés Le droit civil détermine quels sont les droits que nous avons à l’égard des autres personnes, c’est-à-dire les droits privés, et les obligations corrélatives.

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Les droits se répartissent en deux grandes catégories : 3.1. Il y a d’abord ceux qu’on appelle les droits extra-patrimoniaux , ceux qui n’ont pas de valeur pécuniaire. Ces droits comprennent les droits de la personnalité, tels le droit à la vie, à l’intégrité corporelle, à l’honneur, etc.., ainsi que les droits de famille, tels que les droits des époux, le droit d’autorité parentale. Leur étude relève de celle des « personnes » et c’est d’ailleurs ainsi que les rédacteurs du code civil ont intitulé le Livre I du Code. 3.2. Un deuxième groupe de droits est constitué par les droits patrimoniaux ; ceux-ci ont une valeur pécuniaire. Parmi ces droits, les uns portent sur une chose, sur une res, d’où l’appellation de droits réels, tel le droit de propriété. Le Code Civil leur a consacré le Livre II intitulé « Des Biens » et quelques textes du Livre III. A côté des droits réels, il y a une autre catégorie de droits patrimoniaux : les droits personnels ou droits de créance. Cette fois le droit ne s’exerce plus directement sur une chose, mais contre une personne. Ainsi, le prêteur peut contraindre l’emprunteur à restituer ce qui a été prêté, il peut donc exiger quelque chose d’autrui. Ce droit personnel ou de créance a un caractère particulier : il est un droit pour l’un (dans notre exemple, pour le prêteur), une obligation pour l’autre (obligation pour l’emprunteur de restituer ce qu’il a emprunté). C’est pourquoi ces droits sont aussi appelés obligations. Section 2 – Les sources du droit Pendant longtemps la codification est restée la source principale du droit objectif. (Le Code Napoléon a fêté son bicentenaire en 2004). Mais le parlement vote, à la suite des profondes modifications économiques, politiques, sociales, des lois, des règles nouvelles qui ne sont pas toujours intégrées dans les Codes. Mais la Loi n’est pas la seule source du droit, la Jurisprudence constitue incontestablement une source du de droit essentielle, même si elle est indirecte. Quant à la coutume, elle n’a pas complètement disparue, elle continue à être une source autonome du droit, notamment dans la réglementation professionnelle. Nous étudierons successivement : La Loi – § 1 La Jurisprudence – § 2 La Coutume - § 3 § 1 – La Loi et le règlement A – La loi et le règlement Dans les régimes politiques comportant des assemblées législatives, c’est à dire un Parlement, la loi est la règle de droit exprimée dans un texte voté par le Parlement. Pour entrer en vigueur, la loi doit être promulguée par le Gouvernement et publiée. Depuis le 1er juin 2004, les textes sont applicables en France le lendemain de leur publication, laquelle sera effectuée également sous forme électronique. Quant au règlement c’est une règle émanant d’une autorité administrative appartenant au pouvoir exécutif : décrets du Président de la République ou ceux du Premier Ministre, arrêtés ministériels, arrêtés préfectoraux, arrêtés des mairies…, etc.

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En France, depuis l’avènement de la Vème République, la loi est votée par le Parlement. Exceptionnellement, elle peut être approuvée par référendum. Aux termes de l’article 34 de la Constitution, la loi ne peut intervenir que dans certaines matières que cet article énumère. Toute matière ne figurant pas dans cette énumération et du ressort du règlement (art. 37 de la Constitution). Néanmoins, dans le domaine qui lui est propre, la loi conserve sa pleine souveraineté : il n’existe pas de recours judiciaire pour annuler une loi et nos tribunaux ne peuvent pas davantage refuser de l’appliquer en invoquant son inconstitutionnalité. La constitution de 1958 a cependant institué un organisme « Le Conseil constitutionnel », dont l’une des missions est de se prononcer sur la conformité d’une loi à la Constitution. Dans le domaine appartenant désormais au pouvoir réglementaire, un simple décret peut abroger ou modifier une loi existante. On a donc deux sortes de règlements. 1 – Il y a ceux qui sont pris en vue de l’application de la loi, pour en préciser les détails, qui restent, par conséquent, subordonnés à la loi. 2 – Il y a ceux qui sont pris dans le domaine qui appartient en propre au pouvoir exécutif. B – Hiérarchie des lois De façon simpliste, la hiérarchie des lois serait la suivante : - Traités internationaux - Constitution - Lois - Règlements. C - L’application de la loi La Loi, expression de la souveraineté nationale, ne s’applique en principe q’aux territoires soumis à celle-ci. Dans ce domaine, elle a force obligatoire, son application concrète suppose fréquemment son interprétation. Après l’entrée en vigueur de la Loi, le lendemain de leur publication, (laquelle est effectuée sous forme électronique, depuis juin 2004), nul ne peut s’y soustraire au motif que malgré leur publication, ou n’en avait pas connaissance. Bien sûr, la plupart des français ne lisent pas tous les matins le Journal officiel et ne pianotent pas sur leur ordinateur sur le site électronique du JO. Ils pourraient donc, de bonne foi, soutenir que la loi qu’on veut leur appliquer leur est totalement inconnue. Pourtant, personne ne peut invoquer son ignorance pour écarter l’application de la loi. C’est ce que l’on exprime par l’adage « nul n’est censé ignorer la Loi ». Cette règle est tout simplement imposée par des nécessités pratiques, sinon ce serait l’anarchie.

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Cette règle en engendre une autre, le principe de la non rétroactivité des lois. Selon l’article 2 du Code Civil « la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif ». La non rétroactivité des lois n’est cependant pas inscrite dans la constitution de 1958, ce principe de non rétroactivité ne s’applique donc pas au législateur. … qui ne se prive pas de rédiger des lois rétroactives, notamment dans le domaine fiscal. Le principe de non rétroactivité s’impose cependant aux autorités qui exercent un pouvoir réglementaire. § 2 - La Jurisprudence On appelle ainsi les décisions des tribunaux. Mais lorsqu’un tribunal est appelé à rendre un jugement, il doit appliquer la loi qui s’impose à lui. En conséquence, le jugement ne devrait pas créer la règle de droit, mais plutôt l’appliquer. Pourquoi alors considérer la Jurisprudence comme une source de droit ? Tout simplement parce que la loi ne suffit pas toujours pour trouver une solution à un conflit. La loi emploi quelquefois des termes dont le sens n’est pas clair. Elle a quelquefois aussi des contours très imprécis. Il arrive surtout que la loi n’ait rien prévu pour résoudre la litige qui fait l’objet du procès. En conséquence, quand des difficultés identiques naissent, les tribunaux vont se conformer aux solutions choisies par leurs prédécesseurs. Les motifs en sont la nécessité, l’uniformisation des décisions pour les justiciables, qui ainsi ne sont pas soumis à l’arbitraire ou à des décisions contraires sur des litiges identiques. Il faut, d’ailleurs, pour comprendre ce phénomène, tenir compte de la hiérarchie des tribunaux. Il existe, en effet, des tribunaux de première instance qui jugent l’affaire tout d’abord, puis des Cours d’Appel, qui peuvent être appelées à juger la même affaire une deuxième fois et au sommet, se trouvent la Cour de Cassation dont la mission et de casser les décisions qui lui paraissent mal rendues ou de les approuver si elle estime que la solution est justifiée en Droit. Quand la Cour de Cassation a pris position sur une question de droit, en précisant le sens d’un terme ou d’une disposition, par exemple, les tribunaux de première instance et les Cours d’Appel tendent à s’y conformer, afin d’éviter la cassation de leurs décisions. (Vous devez vous conformer et apprendre le tableau de l’organisation judiciaire française joint). § 3 - La Coutume La place de la coutume est aujourd’hui très réduite à la suite de l’énorme travail de codification opéré. Mais le Droit Commercial, le Droit Rural, le Droit du Travail, connaissent encore de nombreux usages et coutumes. La coutume est obligatoire, mais ce caractère est susceptible de degrés. Certaines coutumes ont un caractère local ou régional (autorisation de la corrida malgré des textes contraires du Code Pénal).

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Certaines coutumes sont néanmoins considérées par le commun des mortels comme des règles obligatoires auxquelles ont ne saurait déroger : ex. l’enfant légitime doit porter le nom du mari de sa mère qui, très généralement… est son père. Aucune loi ne l’impose, pourtant cette coutume est obligatoire. Par ailleurs, certains articles de loi renvoient expressément à la coutume. Ex : art. 1135 du Code Civil : « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ». La coutume bien que marginale reste donc bien une source de Droit.

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Chapitre II : Les droits subjectifs Les droits subjectifs sont des prérogatives, les sphères d’activités qui sont reconnues aux individus par le Droit Objectif et dont ils vont jouir sous la protection des pouvoirs publics. Dans l’étude très générale qui va être faite des droits subjectifs, nous nous préoccuperons de leur classification, en traitant d’ailleurs en même temps de la classification des choses qui peuvent être l’objet de certains droits. Section 1/ La classification des droits § 1 - Droits Patrimoniaux, Droits Extrapatrimoniaux A - Droits Patrimoniaux Certains droits ont une valeur pécuniaire, il est de leur nature d’être appréciables en argent. On les appelle les droits patrimoniaux, car dans la conception classique du patrimoine, celui-ci ne comprend que des droits d’ordre économique. Il en est ainsi par exemple du droit de propriété ou du droit de créance, tel le droit pour le bailleur de recevoir un loyer pour la chose loué. Les droits patrimoniaux constituent des biens. Ce mot peut être pris dans deux sens : dans un sens étroit et matériel (une maison, un tableau,), dans un sens plus abstrait, ce sont les droits divers permettant de se procurer le bénéfice des choses, droit de propriété, droit de créance, etc… Etant appréciables en argent, les droits patrimoniaux ont une valeur d’échange : ils sont cessibles à un nouveau titulaire. Le moyen le plus utile de se service d’une chose est souvent de la céder ou de l’échanger. Ils sont transmissibles aux héritiers. Ils sont saisissables par les créanciers. B - Les droits extrapatrimoniaux Certains droits n’ont aucune valeur pécuniaire, du moins envisagés en eux mêmes et quant à leur objet direct. Ainsi comme le droit de se faire reconnaître comme l’enfant d’une personne, le droit d’un auteur littéraire de décider si son œuvre sera ou non publiée. On appelle ces droits extrapatrimoniaux par opposition aux droits patrimoniaux, dont l’objet direct est d’assurer la protection d’un intérêt pécuniaire.

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Parmi les droits extrapatrimoniaux, on trouve les droits de la personnalité, les droits de la famille. L’organisation de la famille, le droit des époux, ceux attachés à la filiation. A la différence des droits patrimoniaux, les droits extrapatrimoniaux sont incessible, intransmissibles, insaisissables, imprescriptibles. § 2 - Division des droits patrimoniaux Les droits patrimoniaux se répartissent en trois grandes catégories. Les droits réels, les droits personnels ou droits de créances, et les droits intellectuels. A/ Les droits réels et droits personnels. Droit réel : Le droit réel est celui qui donne à la personne un pouvoir direct et immédiat sur une chose, pouvoir qui s’exerce sans l’entremise d’un autre individu : le propriétaire d’une maison l’habite ou la loue, l’usufruitier d’un domaine en perçoit les fruits, sans avoir à s’adresser à une personne quelconque. Le droit réel comporte seulement deux éléments : la personne sujet actif du droit et la chose objet du droit. 1 - Droits réels principaux : droit de propriété : Ils ont leur utilité en eux-mêmes et traduisent la nécessité où est l’homme pour vivre, de se servir des choses et de les consommer. Le plus important de ces droits est le droit de propriété, qui est le droit le plus complet que l’homme puisse exercer sur une chose. Il comprend : - l’usage (usus) de la chose, - le droit d’en tirer les fruits et produits (fructas), - le droit d’en disposer, soit matériellement en la consommant, en la transformant ou en la détruisant, soit juridiquement, en cédant le droit que l’on a sur elle (vente, donation) en la grevant de droits réels (servitudes, hypothèques…) (abusus). 2 – Démembrements de la propriété Parmi le droit réel on range encore les démembrements de la propriété ou droits réels qui sont attachés à des choses propriété d’autrui. Ces droits réels sont appelé « démembrements de la propriété », en ce qu’ils confèrent à leur titulaire une partie seulement des prérogatives attachées au droit de propriété.

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Ce sera par exemple : l’usufruit ou droit d’user et de jouir de la chose dont un autre appelé nue propriétaire à la propriété. L’usufruit est un droit viager qui prend fin, au plus tard, au jour du décès du titulaire. La servitude est une charge établie sur un immeuble (dit fonds servant) pour l’utilité d’un autre immeuble (dit fonds dominant) : par exemple, une servitude de passage donnant à son titulaire le droit de passer sur le terrain d’autrui lorsque son fonds n’a pas d’accès à la voie publique. b) Droits personnels ou droits de créance Le droit personnel ou droit de créance est le droit qu’à une personne appelée créancier, d’exiger une certaine prestation d’une autre personne appelée débiteur. Il comporte trois éléments : le créancier, sujet actif du droit, le débiteur, sujet passif, et la prestation, objet du droit. Ce droit, appelé droit de créance, par rapport au sujet actif, se nomme OBLIGATION ou DETTE, si on l’envisage du côté du sujet passif. Les obligations se divisent en trois grandes classes : 1°/ L’obligation de donner par laquelle le débiteur s’engage à transférer au créancier un droit réel, notamment la propriété sur une chose lui appartenant (par exemple, l’obligation assurée par le vendeur ou par le donateur). 2°/ L’obligation de faire, par laquelle le débiteur s’engage à un fait (obligation de peindre, de faire un plan pour l’architecte, de construire pour l’entrepreneur). 3°/ L’obligation de na pas faire, par laquelle le d ébiteur s’engage à une abstention (un vendeur de fonds de commerce s’engage vis à vis de l’acquéreur à ne pas ouvrir dans la ville un établissement de même nature. B/ Comparaison du droit réel et du droit personnel 1/ Les droits personnels sont en nombre illimités, les contractants pouvant grâce au principe de la liberté aménager leurs rapports juridiques, créer de nouveaux rapports non prévus par la Loi. Les droits personnels sont le produit de l’imagination des hommes. Les droits réels sont en nombre limité : la loi détermine les droits réels et il ne peut y avoir d’autres droits réels ; (propriété – usufruit – servitude). 2/ Le droit réel s’exerçant directement sur la chose est absolu, en ce sens qu’il peut être opposé par son titulaire à toutes autres personnes. Tout individu est tenu de laisser le titulaire exercer son pouvoir sur la chose (propriété). Le droit personnel est relatif : il n’établit de rapports qui entre le créancier et le débiteur, c’est seulement du débiteur que le créancier peut exiger la prestation, objet du droit. 3/ Le droit réel comporte le droit de suite : le titulaire d’un droit réel quelconque peut suivre en quelques mains qu’elle passe la chose qui lui appartient ou qui est grevée d’un droit en sa faveur. Ce n’est pas le cas pour les droits personnels.

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C – Les Droits intellectuels La pratique moderne a fait apparaître de nouveaux droits à caractère économique, appréciables en argent et qui ne sont ni des droits réels ni des droits personnels. Ce sont des droits qu’on appelle droits intellectuels : tels les droits des auteurs, écrivains ou artistes sur leurs œuvres, les droits des inventeurs sur leurs découvertes, le droit des commerçants sur les marques, etc…. Section 2/ La classification des choses § 1 - Généralités L’article 516 du Code Civil pose le principe général de la distinction de tous les biens en meubles et immeubles. En gros, les meubles sont les biens qui comportent un déplacement possible d’un lieu à un autre, alors que les immeubles ont une situation fixe. Intérêts de la distinction. Ces intérêts sont considérables. 1/ L’aliénation des immeubles n’est pas régie par les mêmes règles que celles des meubles. Les aliénations immobilières et la constitution de droits réels immobiliers sont soumises à la publicité. Pour les meubles, au contraire, il n’y a pas, en principe, de publicité, celle-ci se heurterait à d’énormes difficultés, voire à une impossibilité. 2/ Les immeubles sont susceptibles d’hypothèque. La raison en est que le régime hypothécaire implique une publicité. 3/ En matière immobilière, la possession est nettement distincte de la propriété, le fait qu’une personne possède une maison n’implique pas qu’elle en soit propriétaire. En matière de meuble, la possession instantanée vaut titre (art. 2279 du Code Civil). 4/ Si une contestation s’élève à l’occasion d’un immeuble, elle doit être jugée par le tribunal du lieu de la situation de l’immeuble. Au contraire, les meubles n’ayant pas de situation fixe � tribunal du domicile du défendeur. § 2 - Les immeubles Art. 517 du Code Civil : � immeuble par nature � immeuble par destination

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1/ Immeuble par nature le sol et tout ce qui adhère au sol. (le sol et le sous-sol, le fonds de terre avec les mines et carrières qui y sont contenues) ce qui est fixé au sol : végétaux sont immeubles tant qu’ils adhèrent au sol, toute construction adhérente au sol est immeuble 2/ Les immeubles par destination Ce sont des choses mobilières dont la lois fait fictivement des immeubles en raison du lien qui les unit à l’immeuble par nature dont ils constituent l’accessoire. Exemple : outillage industriel – glaces – ascenseurs. Cette fiction a pour but de rendre plus étroit le lien qui attache ces objets à l’immeuble et d’empêcher qu’ils n’en soient séparés au détriment du propriétaire. § 3 - Les meubles La situation juridique des meubles est plus simple que pour les immeubles (il n’y a pas meubles par destination). Le Code Civil (art. 527) distingue les meubles par leur nature. Il s’agit des choses mobilières corporelles, et des meubles par détermination de la loi, meubles incorporels. Exemple : Droit de créances – rentes – droits intellectuels – fonds de commerce, etc…. Section 3 / L’obligation, droit patrimonial § 1 – Généralités

Définition de l’obligation L’obligation ou droit personnel est un lien de droit entre deux personnes en vertu duquel l’une d’elles, le créancier, peut exiger de l’autre, le débiteur, une prestation ou une abstention (obligation de faire ou de ne pas faire). L’obligation ainsi définie désigne le rapport obligatoire qui existe entre le créancier et le débiteur. Les obligations sont extrêmement variées. Ainsi, les lois et les juristes ont-ils dû établir entre elles certaines classifications. La classification la plus intéressante est basée sur l’objet. On distingue traditionnellement les obligations de donner, de faire et de ne pas faire. L’article 1101 du Code Civil reproduit cette distinction à propos de la définition du contrat. L’obligation de donner et celle de faire ont pour objet une prestation positive, l’obligation de ne pas faire a pour objet une abstention.

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§ 2 – Obligation de résultat et de moyen Une autre distinction a été proposée par une partie de la doctrine et a été accueillie par la jurisprudence, c’est celle qui oppose les obligations de résultat et les obligations de moyens.

1/ L’obligation de résultat est celle qui a pour objet un résultat défini. Exemples : l’acheteur s’engage à payer le prix, la SNCF à conduire le voyageur sain et sauf à destination à une heure déterminée. Le débiteur dans cette hypothèse n’a exécuté son obligation que si ce résultat est atteint. Cette précision est importante pour constater l’inexécution et les conséquence qu’elle entraîne quant à la responsabilité.

2/ L’obligation de moyens que certains auteurs appellent obligation de prudence et de diligence, est celle par laquelle le débiteur n’est tenu à rien de plus que de mettre au service du créancier les moyens dont il dispose, de se montrer prudent et diligent, de faire de son mieux, mais s’il est tenu de poursuivre un résultat, il n’est pas tenu de l’atteindre. Exemple : le médecin ne s’engage pas à guérir le malade, mais seulement à lui donner des soins consciencieux, attentifs, conformes aux données acquises de la science. Cette distinction a une importance capital quant à la charge de la preuve de la faute : l’inexécution d’une obligation de résultat, permet de présumer la faute de débiteur, alors que celle-ci doit, en principe, être prouvée par le créancier dans les obligations de moyens. Caractère patrimonial de l’obligation D’après la conception classique de notre Droit, l’obligation ou plus exactement le droit de créance est un droit patrimonial. Ce droit a, en effet, pour but de permettre la satisfaction des besoins économiques du créancier au moyen de la prestation que doit lui fournir le débiteur. Si celui-ci ne s’exécute pas volontairement, le créancier peut l’y contraindre par des voies de droit. Si l’exécution forcée en nature ou la contrainte par corps n’est pas ou n’est plus possible, le créancier se payera par équivalent sur les biens de son débiteur en les faisant saisir et vendre à son profit. Le patrimoine répond des dettes. On dit que le créancier a un droit de gage général sur le patrimoine du débiteur. Le droit personnel est donc un élément actif du patrimoine du créancier et un élément passif du patrimoine du débiteur. Comparons le droit de créance qui est un droit personnel et le droit réel Le droit de créance présente de grandes différences avec le droit réel, autre droit à caractère patrimonial. 1/ Le droit réel ne comporte qu’un sujet actif, le titulaire du droit, qui exerce un pouvoir direct et immédiat sur la chose objet de son droit (droit de propriété). Le droit de créance comporte, nous venons de le voir, un sujet passif, le débiteur, et un sujet actif, le créancier et la prestation, objet du rapport juridique.

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2/ Le droit réel s’exerçant directement sur la chose est absolu, c’est à dire opposable à tous, le droit de créance est relatif, c’est à dire que la prestation ne peut être exigée que du débiteur. 3/ Le droit réel, en conséquence de son caractère absolu, emporte droit de suite (son titulaire peut prétendre à l’exercice de son pouvoir). Maintenant que vous avez compris ce qu’est une obligation, un droit personnel, nous allons aborder la théorie générale des contrats.

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Les Contrats Définition du contrat : « Le contrat, dit l’article 1101 du Code Civil, est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à donner, à faire ou ne pas faire quelque chose. » Il résulte de cet article que le contrat est une convention, c’est à dire un acte juridique, formé par l’accord de deux ou plusieurs volontés individuelles. Le trait caractéristique du contrat est l’accord de deux volontés Cet accord de volontés présente trois caractères : 1°/ il est l’œuvre de volontés également libres, 2°/ il détermine librement entre les parties au con trat les effets du rapport de droit établi, la volonté des parties est souveraine, elle tient lieu de loi (art. 1134 al. 1) c’est le principe dit de l’autonomie de la volonté. , 3°/ en revanche, l’accord des volontés ne produit p as d’effets à l’égard des tiers, l’individu ne pouvant être lié, en dehors de la loi, que par sa volonté (effet relatif). Ces trois caractères ont subi de graves altérations en raison des transformations économiques et sociales. L’autonomie de la volonté ne peut plus être absolue, elle est de plus en plus souvent limitée dans un sens social. Je reviens à l’article 1101. Il résulte de cet article 1101 que la volonté des individus ne peut faire naître une obligation que si elle prend la forme d’une convention, d’un accord entre celui s’oblige, le débiteur et celui envers qui il s’oblige, le créancier. En principe donc, un acte juridique unilatéral émanant d’une seule volonté ne devrait pas faire naître d’obligation. C’est la question de l’engagement unilatéral de volonté. Section 1/ L’engagement unilatéral de volonté § 1 - La théorie de l’engagement unilatéral Les rédacteurs du Code Civil, suivant en cela la tradition romaine n’ont pas non plus envisagé la création volontaire d’obligations autrement que par un accord entre créancier et débiteur. Pourtant, il est possible de s’engager unilatéralement, et nous rencontrerons plusieurs cas où l’engagement unilatéral est une source véritable d’obligations.

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L’engagement unilatéral est l’acte juridique qui crée une obligation à la charge d’une personne par sa seule volonté. On ne doit pas confondre l’engagement unilatéral avec le contrat unilatéral. Celui-ci est une convention, un accord produisant des obligations à la charge d’une seule des parties, il est unilatéral dans ses effets, mais bilatéral ou plurilatéral dans sa formation. Au contraire, l’engagement unilatéral résulte d’une volonté isolée, il est unilatéral dans sa formation comme dans ses effets. Il est assez fréquent que la volonté d’une seule personne produise des conséquences juridiques ; les actes unilatéraux sont nombreux : le testament, l’émancipation, la reconnaissance d’un enfant naturel, la confirmation d’un acte nul. Mais ces divers actes, à la différence de l’engagement unilatéral ne créent généralement pas d’obligation. § 2 - L’engagement unilatéral dans notre droit posi tif Les principales hypothèses dans lesquelles on rencontre l’engagement unilatéral dans notre Droit sont : l’offre de contracter, la promesse de récompense, la stipulation pour autrui, les titres négociables et les fondations.

L’offre de contracter L’offre de contracter, ou pollicitation, est l’engagement unilatéral d’une personne à l’égard d’une autre en vue de la passation d’un contrat. Le retrait de l’offre est possible tant qu’elle n’est pas parvenue au destinataire. En effet, n’étant pas lié tant que n’est pas intervenue l’acceptation, le pollicitant demeure libre de retirer son offre. Toutefois, si elle a été accompagnée d’un délai d’acceptation, l’offre ne peut pas être révoquée avant l’expiration de ce délai. On décide d’ailleurs que toute offre comporte implicitement un délai raisonnable pour accepter. Cela prouve bien, quoiqu’on en dise, que l’engagement unilatéral est une véritable source d’obligation : le pollicitant s’est lié par sa seule offre. Mais contrairement à ce que le voudrait la logique, il est jugé que l’acceptation de l’offre par le destinataire ne rétroagit pas, les obligations ne naissent à la charge du pollicitant que le jour de cette acceptation. Par suite, le décès ou l’incapacité du pollicitant survenant avant celle-ci rendent l’offre caduque.

La promesse de récompense La promesse de récompense n’est qu’une offre particulière, généralement faite au public, à une personne indéterminée. S’il s’agit d’un objet perdu, l’auteur de la promesse ne peut plus la rétracter à partir du moment où les recherches pour retrouver cet objet sont entreprises.

La stipulation pour autrui La stipulation pour autrui est l’opération par laquelle une personne, le promettant, convient avec une autre personne, le stipulant, qu’elle exécutera une prestation au profit d’un tiers, le bénéficiaire. Ce dernier sera ainsi rendu créancier par un engagement auquel il demeure étranger, l’engagement unilatéral du promettant. Sans doute ce dernier prend son engagement en présence du stipulant, mais au profit d’un tiers qui n’intervient pas encore.

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Section 2/ Les contrats Sous section 1 – Généralités C’est normalement par le seul accord des volontés que le contrat engendre un droit personnel, une obligation : « le seul consentement oblige ». Il en était déjà sous l’empire du droit canonique au Moyen Age. « On lie les bœufs par les cornes et les hommes par les paroles » écrivait LOYSEL. Au contraire, en des temps plus anciens, le contrat était entouré d’un certain formalisme. On remettait un rameau d’arbre, ou une motte de gazon, ou même une boucle de cheveux. Souvent la présence d’un notaire ou d’un voisin était requise. La paumée aussi était usitée, qui consistait pour les parties à se frapper la main afin de manifester leur accord ; elle est encore pratiquée à la campagne de nos jours. De même, à toujours lieu, lors de la conclusion du mariage, l’échange d’un anneau, dont l’usage remonte à une époque fort lointaine. § 1 – Le principe de la liberté des contrats « La volonté est la mère des contrats », avait dit un juriste byzantin, qui répondait au nom de STEPHANE. Et une partie peut toujours, après la naissance de son droit, renoncer à l’application d’une loi, fût-elle d’ordre public (C. Cass 27 octobre 1975). L’article 1134 Code Civil pose le principe de l’autonomie de la volonté : « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Les individus théoriquement pourraient donc faire tous contrats et seraient liés par leurs stipulations. Encore conviendrait-il d’observer que si les dispositions légales simplement interprétatives de volonté peuvent être écartées par les contractants, les dispositions impératives, au contraire, s’imposent à ceux-ci, notamment celles concernant l’ordre public et les bonnes mœurs, et que si le contrat fait la loi des parties du moins il n’a pas normalement d’effet à l’égard d’autres personnes. Mais ce principe de l’autonomie de la volonté a perdu beaucoup de son prestige d’antan. Un contrat n’est pas nécessairement juste ; il peut consacrer l’asservissement de l’homme par l’homme, l’écrasement du faible par le fort ; or le Droit ne doit pas être au service de la volonté, quelle qu’elle soit. Ainsi que l’a dit IHERING, juriste allemand du XIXe siècle, on ne peut admettre l’exploitation d’autrui sous le voile du contrat. La loi du 10 janvier 1978 a réglementé les clauses abusives dans les contrats. Est réputée telle celle ayant pour objet ou pour effet de constater l’adhésion du consommateur à des stipulations ne figurant pas sur l’écrit par lui signé. D’autre part, l’individu est maintenant subordonné à l’Etat, les intérêts particuliers sont soumis à l’intérêt de la collectivité, au bien commun. La notion d’ordre public s’est considérablement développée, et on l’étend chaque fois que le demandent les besoins sociaux. La législation et les règlements corporatifs et syndicaux ne laissent plus à la volonté des parties qu’un champ de plus en plus restreint ; on s’oriente vers le contrat dirigé ou imposé. La conclusion d’un contrat d’assurance est obligatoire pour les automobilistes. En cas d’expropriation, le propriétaire ne peut opposer un refus. La loi, en outre, limite la liberté de choisir son contractant : à l’expiration des baux, les locataires sont maintenus en jouissance, souvent contre le gré des propriétaires : le fermier a un droit de préemption qui lui permet de se substituer à l’acquéreur du bien affermé ; si jusqu’alors le malade peut choisir son médecin, une tendance opposée apparaît.

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Enfin, au nom des nécessités sociales, il arrive que la loi modifie les effets de contrats antérieurement conclus. Le respect de la parole donnée appelle, certes, en règle générale l’exécution des clauses consenties, mais les parties n’ont contracté qu’en considération d’avantage et de sacrifices réciproques, appréciés d’après les circonstances et éléments à l’époque de la convention. Si des changements se produisent ensuite et qu’un injuste déséquilibre survienne, l’équité commande à la loi et éventuellement au juge d’intervenir. Cette théorie de l’imprévision qui permet de modifier les conséquences d’un contrat lorsque les conditions économiques, imprévisibles au moment de sa formation, rendent trop onéreuses les obligations de l’une des parties à, de fait, rencontré la faveur du législateur. La jurisprudence administrative l’a également appliquée ; cette théorie, par contre, est restée jusqu’alors ignorée des tribunaux judiciaires. § 2 - Classification des contrats Diverses classifications ont été proposées. Suivant les conditions de forme requises pour leur validité, on distingue les contrats consensuels, solennels et réels. D’après leurs conditions de fond, on classe les contrats de gré à gré, et d’adhésion, et en contrats individuels, et collectifs. En considérant la durée d’exécution, on oppose les contrats instantanés aux contrats successifs. Selon les conventions y contenues, il est des contrats synallagmatiques et unilatéraux et des contrats à titre onéreux et à titre gratuit.

• Contrats consensuels, solennels et réels Les contrats consensuels se forment valablement en l’absence de toute formalité ; l’accord des volontés suffit, manifesté d’une façon quelconque. Le contrat, dans notre Droit, est en principe consensuel ; les obligations sont créées par la seule volonté des parties. Ce n’est qu’exceptionnellement que certains contrats sont solennels ou réels. Diverses formalités, bien que non exigées pour la validité du contrat consensuel, sont néanmoins prescrites. L’enregistrement donne aux actes sous seing privé une date certaine, et le défaut de cette formalité fait encourir des amendes fiscale. Les actes constitutifs ou translatifs de droits réels portant sur les immeubles doivent être publiés au bureau de la conservation des hypothèques pour être opposables aux tiers. Les parties peuvent convenir de rédiger un acte authentique ou sous seing privé ; le contrat consensuel s’est cependant formé immédiatement, dès avant cette rédaction. Outre l’accord des volontés, les contrats solennels exigent pour leur validité une forme spéciale ; à défaut de celle-ci ils n’existent pas. Les rédacteurs du Code Civil ont prévu quatre contrats solennels, pour lesquels s’impose la rédaction d’un acte notarié : le contrat de mariage, la donation, la constitution d’hypothèque et la subrogation conventionnelle consentie par le débiteur. Depuis le Code Civil, des textes prescrivent un écrit, pouvant être d’ailleurs sous seing privé, pour la cession d’un brevet d’invention, les contrats d’édition, d’apprentissage, de société commerciale…. S’agissant d’un contrat réel, indépendamment de l’accord des parties, la remise de la chose, objet du contrat, est indispensable pour sa formation. La dépossession du propriétaire est de l’essence de ce contrat. Les contrats réels sont : le prêt à usage, celui de la consommation, le dépôt, le gage, le don manuel.

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• Contrats de gré à gré et d’adhésion

La doctrine n’envisage le contrat que comme un accord de deux parties traitant à égalité, de gré à gré. Mais dans la pratique, la possibilité de libre discussion est souvent absente : des règlements administratifs régissent les activités des sociétés nationalisées (soc. nat. Des chemins de fers français, électricité de France) ; un débat n’est pas possible dans les adjudications. De nombreux produits sont vendus à des tarifs imposés par le fabricant ; les grandes surfaces fixent des prix que leurs visiteurs ne peuvent discuter ; les conditions d’un contrat d’assurance ne sauraient non plus être débattues ; dans ces différents cas, les auteurs parlent de contrats d’adhésion. La loi doit spécialement contrôler ces contrats. Mais, même dans le contrat dit de gré à gré, l’égalité économique ou psychologique est difficilement réalisable ; le plus fort ou le plus rusé tentera d’imposer sa volonté. La sollicitude du législateur est donc toujours plus ou moins désirable pour protéger les faibles.

• Contrats individuels et collectifs Le contrat individuel est celui ne liant que les personnes ayant donné leur accord, tandis que le contrat collectif, contrairement au principe de l’effet relatif des conventions, lie des individus, sans que leur consentement soit intervenu. Ainsi, dans le but de réaliser les travaux d’intérêt commun, les propriétaires fonciers sont groupés en associations syndicales qui, à la majorité, passent des contrats engageant la minorité. De même les conventions collectives imposent à divers employeurs et salariés toutes les conditions du travail. On peut aussi mentionner les contrats-types, tels que ceux des baux ruraux faits par des commissions départementales et s’appliquant d’autorité aux propriétaires et fermiers n’ayant pas rédigé un bail. Il convient d’ajouter que ceux qui préfèrent en établir un, doivent se conformer aux règles impératives du statut du fermage, et reproduire ainsi fidèlement les clauses des contrats-types sur tous les points essentiels.

• Contrats instantanés et successifs Le contrat instantané est celui s’exécutant en un seul instant, alors que l’exécution d’un contrat successif s’étend dans un certain laps de temps. Le bail est un contrat créant des rapports juridiques qui se prolongent, et même souvent se perpétuent. Il est tout de même interdit de faire des baux de plus de quatre vingt dix neuf ans. De même on ne peut engager des services à vie.

• Contrats synallagmatiques et unilatéraux Le contrat est synallagmatique ou bilatéral quand les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres. Il est unilatéral, lorsqu’une ou plusieurs personnes sont tenues à l’égard d’une ou plusieurs autres , sans que de la part de ces dernières il y ait une obligation. L’on ne doit pas confondre le contrat unilatéral et l’engagement unilatéral ; le premier est unilatéral dans son exécution, mais n’en est pas moins bilatéral dans sa formation, tandis que le second est unilatéral même dans sa formation.

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Un contrat quoique unilatéral à l’origine peut faire naître ultérieurement une obligation à la charge du créancier ; on l’appelle alors contrat synallagmatique imparfait. Il en est ainsi du dépôt, qui ne suppose par lui-même d’obligation qu’à l’encontre de la personne tenue de restituer la chose (le débiteur). Mais si cette personne fait des dépenses pour conserver celle-ci, la partie à qui la restitution est due (le créancier) devra les lui rembourser. Les contrats synallagmatiques et unilatéraux, constatés par actes sous seing privé, obéissent, pour la preuve à des règles différentes : les premiers doivent être rédigés en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct, tandis que les seconds sont assujettis à l’exigence du « bon pour » avec indication en toutes lettres de la somme ou quantité. En raison de la réciprocité et de l’interdépendance des obligations nées du contrat synallagmatique, celui-ci comporte des effets qui sont étrangers au contrat unilatéral : si l’un des contractants refuse d’exécuter son obligation, l’autre peut, ou l’y contraindre ou demander la résolution du contrat. Un événement de force majeure empêchant une partie d’effectuer sa prestation, l’autre sera déchargée de sa propre obligation. Enfin un contractant a le droit de ne pas remplir ses engagements, si l’autre ne tient pas les siens.

• Contrats à titre onéreux et à titre gratuit Les contrats à titre onéreux supposent une réciprocité d’avantages : vente, échange. Ces contrats se subdivisent en contrats commutatifs et aléatoires . Avec les premiers, l’avantage de chacune des parties peut être évalué au moment de la conclusion de l’accord (vente). Avec les seconds, cet avantage dépend d’un événement incertain (constitution de rente viagère). Dans les contrats à titre gratuit, l’un des contractants assure à l’autre un profit sans contrepartie (donation). Une variété particulière de contrats à titre gratuit est représentée par les contrats de bienfaisance, dans lesquels un service est rendu en l’absence de toute rémunération : prêt d’argent sans intérêt, prestation gratuite de travail, hébergement sans loyer. La distinction des contrats à titre onéreux et gratuit offre de nombreux intérêts : les libéralités sont soumises à une réglementation protectrice du patrimoine ; la considération de la personne est primordiale dans les contrats à titre gratuit ; ceux-ci sont atteints plus facilement que les autres par l’action paulienne des créanciers ; la responsabilité du contractant dont l’acte est désintéressé est appréciée moins sévèrement que celle de la personne ayant reçu un avantage ; un donateur, à la différence d’un vendeur, n’est pas tenu à garantie : « A automobile donnée on ne soulève pas le capot ».

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Sous-Section 2 – Conditions de formation des contra ts en général Les conditions requises pour la validité des contrats en général sont relatives au consentement, à l’objet et à la cause. La sanction de leur inobservation est la nullité du contrat. § 1 - Le consentement Sous § 1 – Existence du consentement Dans la langue du Droit, le consentement est l’accord de deux ou plusieurs volontés. Il suppose donc l’existence de volontés individuelles et la rencontre de celles-ci. Nous avons à étudier la nature du consentement, le moment et le lieu de formation du contrat et la représentation. A – Nature du consentement L’efficacité de la volonté suppose son existence réelle (volonté interne), et sa manifestation extérieure (déclaration de volonté). Parmi les sources des obligations, indépendamment de l’engagement unilatéral dans lequel une personne s’oblige par sa seule volonté, le contrat suppose un accord de deux ou plusieurs personnes. Celui-ci se réalise instantanément ou après un certain délai. Il est instantanée si les personnes sont en présence ou s’entendent par téléphone. Mais même alors les parties se donnent parfois un délai de réflexion, et des pourparlers peuvent précéder la décision. Entre personnes qui concluent par lettres ou par télégrammes, ou par e.mail ou télécopie, un délai sépare nécessairement l’offre et l’acceptation. Instantané ou non, le consentement comporte une offre ou pollicitation, et l’acceptation. L’une et l’autre doivent être complémentaires ; l’acceptation ne concourt à la formation du contrat que si elle est conforme à l’offre.

L’offre L’offre ne parvient à la connaissance de la personne susceptible de l’accepter que par une manifestation extérieure, qui peut être expresse : proposition directe ou tacite : exposition de marchandises à un étalage, menu alléchant à la porte d’un restaurant, taxi en stationnement. L’offre est ainsi faite, tantôt à une personne déterminée, tantôt au public (annonce dans un journal). Des personnes ayant embrassé certaines carrières d’intérêt public, les officiers ministériels spécialement (notaires entre autres), sont en quelque sorte en état d’offre publique obligatoire, sans aucune possibilité de retrait. Ne pouvant refuser leur ministère, elles doivent contracter lorsqu’elles en sont requises, dans les conditions légales bien entendu. S’agissant de particuliers entre eux, au lieu d’une offre proprement dite, il peut n’y avoir qu’une invitation à engager des pourparlers. Le pollicitant à la faculté d’entourer son offre de réserves pouvant être parfois tacites et résulter des usages ou de la volonté présumée de l’offrant, notamment pour les contrats conclu en considération de la personne.

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Tant qu’une offre n’est pas parvenue à la connaissance du destinataire, elle peut être rétractée. Par contre, lorsque le destinataire a reçu l’offre, celle-ci ne doit pas être retirée pendant le délai fixé pour l’acceptation ; toute offre d’ailleurs emporte implicitement un délai raisonnable permettant à l’autre partie de réfléchir. L’offre est caduque quand le délai d’acceptation est expiré, ou, lorsqu’au moment de l’acceptation, le pollicitant est décédé, ou n’est plus en mesure d’exprimer valablement sa volonté.

L’acceptation Il faut que l’acceptation soit identique à l’offre, qu’elle ne comporte pas de réserves, ni de demande de rabais. L’acceptant doit avoir la volonté réelle d’accepter et de manifester extérieurement cette volonté. La manifestation peut être expresse ou tacite. L’écriture, la parole, même de simples gestes, constituent des manifestations expresses. L’écriture, notamment, grâce à l’apposition de la signature, est la principale. La parole suffit à exprimer la volonté, sous réserve de la difficulté de le prouver. Certains gestes sont également significatifs. Dans une vente par adjudication, le hochement de tête est considéré comme une enchère. Il faut espérer que la personne n’est pas affligée d’un tic. L’action de monter dans un autobus, celle de prendre un objet dans un magasin sont révélatrices de l’intention de l’individu.

La manifestation tacite résultera de l’exécution d’ un mandat, d’un marché. A cette manifestation tacite de volonté supposant une attitude positive, on ne saurait assimiler le silence, qui ne s’extériorise pas. En principe, celui-ci ne vaut pas acceptation. Nous ne pouvons être contraints de repousser chacune des offres qu’il plaît à des pollicitants de nous adresser. En dépit de l’adage « qui ne dit mot consent », normalement un contrat ne se forme pas par le seul fait que l’on soit demeuré muet. Il existe cependant des cas dans lesquels exceptionnellement le silence doit être interprété comme une manifestation de la volonté d’accepter. La loi en décide ainsi dans le bail et l’assurance. Des usages professionnels retiennent aussi occasionnellement le silence comme engageant une personne. Les parties peuvent stipuler, lors de l’établissement d’une convention réglant leurs rapports contractuels futurs, que leur silence vaudra acceptation. Enfin, on admet que le silence tient lieu d’acceptation lorsque l’offre est faite dans l’intérêt exclusif du destinataire, et en certaines hypothèses quand les parties sont déjà en relations d’affaires. B - Moment et lieu de formation du contrat Le contrat consensuel se forme dès l’accord des volontés, sauf quand les parties ont entendu subordonner leur consentement à la rédaction d’un écrit. Le contrat par correspondance pose la question du temps et du lieu de formation. D’après certains, le contrat serait formé dès l’émission, c’est à dire que l’acceptation est donnée ou expédiée (système de l’émission). En ce sens, C. Cass. 7 janvier 1981. Pour d’autres, la formation du contrat serait retardée jusqu’au moment où le pollicitant aurait eu connaissance de l’acceptation de son offre (système de la réception ou de l’information). La détermination du moment et du lieu de formation du contrat présente d’importants intérêts pratiques. Si le contrat n’est formé que lorsque le pollicitant a connaissance de l’acceptation, jusqu’à ce moment l’acceptant peut revenir sur cette acceptation, et le décès ou l’incapacité du pollicitant ou de l’acceptant, empêcheront la formation du contrat.

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C’est du consentement des parties que résulte cette formation ; or le consentement existe dès que l’offre a été acceptée, avant même la connaissance par l’offrant de cette acceptation de son offre. L’acceptation est effective, soit au moment de la signature de la lettre, soit au plus tard à l’instant de son expédition. C – La représentation En cas de représentation, la manifestation de volonté émane du représentant de la partie ; celle-ci est liée par la volonté du représentant. La représentation s’explique par la substitution, ordonnée ou permise par la loi, d’une personne à une autre.

Conditions Il faut d’abord que le représentant ait le pouvoir de représenter celui pour lequel il agit. Le pouvoir peut être légal (pouvoir donné aux parents ou tuteur de représenter les enfants mineurs), judiciaire (administrateurs judiciaires), ou conventionnel (mandat). Le pouvoir est général ou spécial. En outre, le représentant doit agir avec la volonté de représenter, et il importe qu’il manifeste cette intention. S’il laissait ignorer sa qualité de représentant, il s’obligerait personnellement envers le contractant, sans engager le représenté.

Effets Tout se passe à l’égard de la personne qui contracte avec le représentant, comme si elle traitait avec le représenté ; c’est ce dernier, et non le représentant, qui devient créancier ou débiteur. Dans les rapports du cocontractant et du représenté, le représentant s’efface. Mais dans ceux du représenté et du représentant, celui-ci est responsable des fautes qu’il a commises dans la conclusion ou l’exécution du contrat. Sous § II – Les vices du consentement Le consentement doit être exempt de vices. Il existe quatre vice du consentement :

• l’erreur • le dol • la violence • la lésion

A - L’erreur L’erreur est une idée inexacte que se fait un contractant. Tantôt les parties ne se sont pas comprises, l’erreur est telle qu’elle a empêché l’accord des volontés. Il faut voir en cette erreur plus qu’un vice, il y a absence de consentement, le contrat est atteint d’une nullité absolue. Il en est ainsi lorsque l’erreur porte sur la nature du contrat, sur l’objet ou le prix, et sur la cause.

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Tantôt les parties se sont entendues sur les principaux éléments, mais le consentement de l’une a été donné à la suite d’une erreur : il y a aura ici, le cas échéant, vice de consentement entraînant une nullité simplement relative, ne pouvant être demandée que par la partie dont le consentement a été vicié. L’article 1110 C. Civil ne retient comme viciant le consentement que l’erreur de substance même de la chose, et celle sur la personne, seulement si la considération de cette dernière a été primordiale dans la conclusion du contrat. A l’erreur sur la substance ou sur la matière, on assimile celle sur les qualités substantielles, c’est à dire essentielles en considération desquelles les parties ont contractés. C’est l’ancienne théorie romaine reprise par POTHIER : les chandeliers de cuivre argenté pris pour des chandeliers d’argent. L’authenticité d’une œuvre d’art, le style d’un meuble sont des qualités substantielles. De même est regardée comme substantielle pour la vente d’un véhicule d’occasion, la distance déjà parcourue. (le truquage du compteur kilométrique constitue un délit). Est retenue aussi l’erreur sur l’état mécanique dans le cas où plusieurs organes importants présentent une usure anormale nécessitant des frais élevés (c. Paris 1er mars 1975). L’erreur fondée sur une confusion entre anciens et nouveaux francs a été admise ou entre francs et euros. Par contre l’erreur sur les motifs du contrat n’affecte pas la validité de celui-ci, ni celle portant sur la valeur de la chose, sauf les cas dans lesquels la lésion est admise, ainsi que nous le verrons ci-après. Le degré d’humidité d’une maison d’habitation ne peut permettre d’invoquer une erreur sur la substance que si l’acquéreur a fait savoir au vendeur qu’il entendait acheter une maison parfaitement salubre. (C. Toulouse 3 novembre 1975). Peut être retenue une erreur sur les dimensions d’un terrain acquis en vue d’une construction C. Cass. 15 décembre 1981. Quant à l’erreur sur la personne, elle n’est effectivement une cause de nullité que dans un contrat conclu en considération de la personne : bail, assurance, contrat avec un médecin ou un artiste. Indépendamment des erreurs sur la substance de la chose et sur la personne visées par l’article 1110, une autre erreur peut encore être retenue comme vice du consentement, c’est celle de droit, c’est à dire, l’erreur commise par une personne qui a contracté dans l’ignorance de la disposition légale la concernant. Un héritier a cédé pour un prix faible ses droits successifs qu’il croyait peu importants, alors que sa part héréditaire est beaucoup plus forte. Certes, nul n’est censé ignoré la loi « nemo censetur ignorare legem». Mais cet adage signifie seulement qu’une personne ne peut arguer de son ignorance pour échapper à l’application de la loi. Il ne l’empêche pas de se prévaloir de cette ignorance dans ses rapports avec son cocontractant. Dans les divers cas, pour pouvoir être invoquée, l’erreur doit avoir été déterminante de la volonté. On recherche in abstracto, dans l’abstrait, si elle aurait déterminé un contractant normal. La charge de la preuve d’une erreur pèse sur celui qui s’est trompé. Etant un fait juridique, l’erreur se prouve par tous moyens.

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B - Le dol

Portée et preuve Le dol est une erreur provoquée, une tromperie : la victime du dol a été trompée. Alors que l’erreur simple n’est considérée que lorsqu’elle porte sur la substance de la chose, sur la personne ou sur une règle de droit, au contraire le domaine de l’erreur provoquée, du dol, est illimité. Ainsi l’erreur sur la valeur de la chose ou sur les mobiles individuels sera retenue lorsqu’elle résulte d’un dol. Comme l’erreur, le dol doit être prouvé par le contractant qui l’invoque : il ne se présume pas. Le dol étant un fait juridique, non un acte, tous moyens de preuve sont admissibles.

Conditions L’auteur du dol doit avoir agi sciemment, volontairement ; une simple imprudence ou légèreté n’est pas constitutive du dol. Alors que, dans les libéralités, même venant d’un tiers, le dol vicie le consentement, il doit, dans les contrats à titre onéreux, émaner du cocontractant. Il importe que le dol ait été déterminant, c’est à dire tel que s’il n’avait pas existé, l’autre partie n’aurait pas contracté. L’appréciation de ce caractère déterminant doit être faite in concerto, dans le concret, d’après l’état d’âme de la victime, et non in abstracto, dans l’abstrait, par référence à un contractant normal. Le dol n’est pris en considération que s’il dépasse une certaine mesure. Les Romains distinguaient le dolus malus, mauvais dol, qui pour eux était un délit, du dolus bonus, qu’ils toléraient. De même, aujourd’hui, on ne regard pas comme constituant un dol l’exagération, cependant fâcheuse, des qualités des marchandises offertes, tout contractant devant être pourvu d’un certain esprit critique. « N’achetez pas avec vos oreilles, mais avec vos yeux », dit une maxime tchèque. Le simple mensonge est un dol en dehors de toute manœuvre. Est évidemment répréhensible le contractant profitant de ce que l’autre partie n’a pas ses lunettes pour le tromper sur la portée de l’acte qui lui fait signer. Dans certains contrats, la loi réprouve expressément la réticence, en la retenant comme un dol quand l’une des parties a l’obligation d’avertir l’autre (contrats d’assurances). D’autre part, commet un dol par réticence l’individu manquant par son silence volontaire à la bonne foi qui doit régner dans les contrats, spécialement entre cohéritiers, associés. (C. Cass. 15 janvier 1971). Constitue un dol le silence d’une partie dissimulant à son cocontractant un fait, qui s’il eut été connu de lui, l’aurait empêché de contracter. La dissimulation du véritable kilométrage d’une automobile est considérée comme un dol (C. Cass 31 janvier 1979).

Effets Le dol, viciant le consentement de la victime, entraîne la nullité relative du contrat ; l’action en nullité appartient à la victime seule. D’autre part, le dol constitue une faute. Aussi quand la victime subit un préjudice, elle est fondée à en demander réparation à l’auteur du dol, et à tous ceux qui l’ont permis ou facilité.

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C - La violence La violence se caractérise par la crainte d’un danger et le défaut de liberté du consentement qui en résulte. On distingue la violence physique et la violence morale. La première consisterait, par exemple, à faire accomplir un acte à une personne sous l’empire de l’ivresse ; cet acte serait nul d’une nullité absolue, le consentement étant absent. Par violence morale, on entend une pression sans laquelle la victime n’aurait pas traité. Elle n’a accepté de contracter que pour échapper au mal qu’elle redoutait. Le consentement existant, mais étant vicié, le contrat est nul de nullité relative ; l’action en responsabilité permettant de réclamer à l’auteur réparation du préjudice. Il importe pour constituer un vice, que la violence ait été déterminante, telle que sans elle le contrat n’eût pas été conclu. Il faut aussi que la violence inspire une crainte sur la personne physique ou sur la personnalité morale du contractant ou de ses proches, ou encore une crainte pour ses biens. De même que le dol, la violence est appréciée in concreto. Elle doit être de nature à faire impression sur une personne raisonnable. L’état de nécessité est admis également comme une cause de nullité du contrat. L’article 1111 C. Civil retient la contrainte comme vice de consentement, même lorsqu’elle émane d’un tiers, ce qui différencie la violence du dol. La violence morale n’est pas considérée lorsqu’elle n’est que l’exercice d’un droit. La seule crainte révérencielle envers les parents ou ascendants ne suffit pas pour faire annuler le contrat ; cette violence est tolérée parce qu’on l’estime légitime. La victime a la charge de la preuve, tant de la violence que de son caractère déterminant. S’agissant d’un fait juridique, tous modes de preuves sont autorisés. Un contrat ne peut plus être attaqué si, depuis la cessation de la violence, il a été approuvé expressément ou tacitement. D – La lésion

Fondement et évolution de la notion de la lésion La lésion est le préjudice résultant pour une partie, dans un contrat à titre onéreux, du défaut d’équivalence au moment de la conclusion de ce contrat entre les avantages réciproquement stipulés. Elle se distingue de l’imprévision, relative au dommage subi du fait de circonstances postérieures à la convention, venues rendre pour l’une des parties l’exécution plus onéreuse qu’elle n’avait pu le prévoir. Un contrat lésionnaire est injuste en ce sens qu’une partie n’en retire pas les avantages correspondant à la prestation par elle effectuée. L’action porte le nom de rescision. Une thèse subjective fonde la rescision sur un vice du consentement. D’après une autre thèse, dite objective, la rescision repose sur le déséquilibre entre la prestation fournie et l’avantage recueilli.

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« Humanum est : il est humain », disait-on au Bas-Empire, de secourir les faibles contre les abus des « potentes » : puissants. Les théologiens, spécialement Saint Thomas d’Aquin, insistèrent au Moyen Age sur la nécessité de faire régner la moralité dans les contrats : ils développèrent la doctrine du juste prix, qui interdisait de retirer un profit excessif au détriment du cocontractant. POTHIER soutint la même opinion. Très individualistes, les rédacteurs du Code Civil au contraire, plutôt que d’assurer la justice dans les contrats, préférèrent garantir la sécurité des transactions. Il résulte de l’article 1118 que la lésion ne vicie pas en principe les conventions. Mais notre Droit moderne revient peu à peu aux idées canoniques du prix équitable. Si une personne, victime de son inexpérience ou d’un état de nécessité, a passé un acte entraînant pour elle un préjudice anormal, il est juste qu’elle puisse demande la rescision pour la lésion. C’est dans le même but de protection des faibles que le législateur, de nos jours, défend les locataires et fermiers, et se soucie des consommateurs.

Domaine de la lésion Le code ne retient qu’exceptionnellement la lésion comme vice de la convention. Aux terme de l’article 1305, la simple lésion donne lieu à la rescision en faveur des mineurs non émancipés contre toutes sortes de conventions ; les actes ne sont pas nuls, mais seulement rescindables s’ils ont lésé le mineur. Ce dernier peut se prévaloir de toute lésion, quelle que soit son importance. La loi du 14 décembre 1964 a supprimé la fin de l’article 1305 qui concernait les mineurs émancipés, ceux-ci ayant depuis cette loi une capacité presque entière. Pour les majeurs et mineurs émancipés, la lésion n’est prise en considération que dans le partage et la vente d’immeuble. « L’égalité est l’âme du partage » énonçait une maxime traditionnelle de notre ancien Droit. Il n’est donc pas surprenant que l’article 887 C. Civ. , ait déclaré le partage rescindable lorsque l’un des copartageants reçoit un lot d’une valeur inférieure de plus du quart à celle que ce lot aurait dû avoir. La lésion doit être calculée en se plaçant à la date du partage par compensation entre la valeur du lot attribué au copartageant et celle de la part qui aurait dû lui revenir. C. Cass. 3 janvier 1979. L’article 1674 confère au vendeur d’immeuble, lésé de plus de sept douzièmes le droit de demander pendant deux ans la rescision de la vente. Seule le vendeur est protégé, « il a été violenté par le besoin », écrivait CUJAS. Rien au contraire ne force l’acheteur à acquérir, prétendit BONAPARTE lors de la mise au point du texte. Il n’avait pas prévu la crise du logement ; il est maintenant fréquent qu’un acheteur, pressé par la nécessité de loger sa famille, se voie contraint d’accepter un prix excessif. En souvenir de l’adage « res mobilis res vilis : chose meuble, chose vile », l’article 1974 ne vise que la vente d’immeuble. Et les ventes faites par autorité de justice échappent à la rescision. Mais le domaine de la lésion a déjà été quelque peu étendu. Des dispositions sont intervenues en faveur des cultivateurs pour leurs achats d’engrais et de produits destinés à l’alimentation des animaux. En vertu de la loi du 28 décembre 1966 sur le prêt à intérêt, doit être réduit le taux dépassant d’un quart celui pratiqué par certaines banques, ou excédant le double du revenu des obligations émises au cours du semestre précédent. Enfin on annule à présent les conventions et notamment les ventes lorsque le prix est dérisoire ; il en est ainsi pour les ventes moyennant une rente viagère inférieure ou égale au revenu.

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Réglementation de la rescision Le contractant qui se prévaut de la lésion n’a pas besoin de prouver que son consentement a été vicié par erreur, dol ou violence : il lui suffit d’établir le déséquilibre du contrat. L’acte est frappé d’une nullité relative ; il est donc susceptible de confirmation, et l’action est soumise à la prescription quinquennale. Pour les ventes toutefois le délai est de deux ans, sauf s’il y a vileté de prix, auquel cas la nullité est absolue et relève de la prescription trentenaire. L’acquéreur et le copartageant ont la possibilité d’écarter la rescision, en offrant le supplément, l’acheteur pouvant même déduire un dixième de la valeur du bien. Il n’est pas permis de renoncer dans le contrat au bénéfice de l’action en rescision. Par contre, sont valables les conventions postérieures. § 2 - La capacité Parmi les conditions de validité des conventions, l’article 1108 C. Civil mentionne la capacité du contractant. Toute personne peut contracter si elle n’en est pas déclarée incapable. La capacité est la règle, l’incapacité l’exception. L’incapacité suppose un droit dont le législateur a retiré à son titulaire la jouissance ou l’exercice. A - Incapacité de jouissance L’incapacité de jouissance prive une personne du droit de contracter, même par l’intermédiaire d’un représentant. Cette incapacité est toujours spéciale. Il est notamment interdit aux administrateurs de la fortune d’autrui d’acheter les biens de leurs administrés. Les juges et officiers ministériels ne peuvent acquérir des droits à propos desquels existe une contestation soumise à la juridiction dont ils dépendent. La vente entre époux qui était prohibée par l’article 1595 est aujourd’hui autorisée ainsi que les constitutions de sociétés. Les incapacités de jouissance sont sanctionnées par la nullité absolue ou relative, selon qu’elles reposent sur des considérations d’intérêt général ou privé. B - Incapacité d’exercice L’incapacité d’exercice empêche une personne d’exercer les droits dont elle est titulaire. Il existe des incapacités d’exercice naturelles ou légales. L’enfant et le dément, n’ayant pas une volonté consciente, ne peuvent contracter, et la loi protège tous les mineurs non émancipés et certains majeurs et mineurs émancipés. Les personnes frappées d’une incapacité d’exercice ont la jouissance de leurs droits, elle peuvent être engagées dans les liens d’un contrat, être créancières ou débitrices, mais à la conditions d’être représentées (ou assistées). Lorsqu’un contrat a été passé par une personne n’ayant pas la capacité d’exercice, il est atteint de nullité relative.

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§ 3 - L’objet L’objet du contrat est l’opération que les parties cherchent à réaliser, la prestation promise étant l’objet de l’obligation. Chaque fois que l’objet du contrat ou celui de l’obligation ne présentent pas les conditions requises, le contrat est, en principe, nul de nullité absolue, car les règles relatives à ces objets n’ont pas pour but la protection des contractants, mais sont inspirées par des considérations d’ordre public. A – L’objet du contrat L’objet du contrat est l’opération juridique envisagée, qui peut être une vent, un échange, un louage, un partage.. Les parties sont libres, en principe, de réaliser toutes opérations juridiques. L’article 6 C. Civil cependant, interdit les conventions dont l’objet serait contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Après des hésitations, on a admis la validité des contrats de courtage matrimonial et de révélation de succession. La cession de clientèle dans les professions libérales a été très discutée et finalement prohibée. On autorise toutefois le médecin à s’engager à présenter son successeur à sa clientèle, à céder ses fiches médicales, son matériel et son droit au bail ; on rejette par contre des stipulations semblables entre avocats. La renommée, la faveur du public ne s’achètent pas. Au siècle dernier étaient annulées les conventions par lesquelles les directeurs de théâtre s’assuraient le concours de personnes chargées de manifester bruyamment leur enthousiasme pendant le spectacle. La validité du contrat de claque est aujourd’hui reconnue. Impliquant plus ou moins un « votum mortis » : souhait de décès, les conventions qui portent sur une succession non encore ouverte sont interdites, même du consentement de celui appelé à laisser cette succession. PORTALIS disait que la cupidité spéculant sur les jours d’une personne est parfois voisine du crime qui peut les abréger. D’ailleurs, les héritiers éventuels se trouveraient souvent poussés par le besoin à de telles opérations et seraient alors la proie facile d’usuriers sans scrupules. B – L’objet de l’obligation L’objet de l’obligation est la prestation convenue, ce que chacune des partie s’est engagée à fournir : la chose, pour le vendeur, le prix pour l’acheteur. Dans les obligations déterminées, de résultat – le débiteur est tenu d’atteindre le but recherché. Dans celles générales de prudence et de diligence – de moyens – l’objet de l’obligation est seulement de se conduire de façon avisée pour tenter de parvenir à ce but. L’objet de l’obligation est extrapatrimonial ou patrimonial, suivant que la prestation a une valeur morale ou pécuniaire. L’objet doit être certain, possible, licite et moral. Prestation consistant dans le transfert d’un droit Le droit transféré (réel, personnel ou intellectuel) doit remplir quatre conditions : Il doit exister : sinon, il y a nullité absolue : hypothèse de la vileté de prix dans la vente. Mais il suffit que le droit existe . . . dans l’avenir ; le contrat peut ainsi porter sur un droit futur.

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Il doit être dans le commerce : Les fonctions publiques sont indisponibles, et la vente des substances vénéneuses est interdite. Il importe qu’il soit déterminé ou déterminable dans son genre et dans sa quantité, mais il peut ne pas être individualisé. Au restaurant, on peut indiquer : « Pain à discrétion », car votre appétit, fût-il très robuste, à tout de même des limites. Il est nécessaire que la personne qui transfère un doit réel en soit titulaire. La donation ou la vente de la chose d’autrui sont nulles. Cependant, la nullité d’une telle vente n’est que relative, l’action appartient à l’acheteur seul : l’acquisition par le vendeur de la propriété de la chose vendue, ou la ratification de la vente par le véritable propriétaire valident le contrat. Prestations consistant dans un fait personnel L’objet de l’obligation peut être un fait positif ou négatif du débiteur. Ce fait doit être possible, licite, personnel au débiteur, et présenter un intérêt pour le créancier. A l’impossibilité nul n’est tenu. « Impossibilium nulla obligatio » il n’y a pas d’obligation de choses impossibles. Mais l’impossibilité doit être réelle et absolue. On ne peut s’engager à accomplir un fait illicite ou immoral. Par réaction contre la féodalité de l’Ancien Régime, l’article 1780 C. Civil interdit d’engager ses services à vie. Le fait doit être personnel à celui qui l’a promis. On ne peut rendre un tiers débiteur malgré lui. Dans le cas de la promesse de porte-fort qui est valable, c’est le débiteur qui s’engage personnellement à rapporter la ratification par un tiers. Ce dernier n’est pas obligé par cette promesse à laquelle il est demeuré étranger. Toutefois, la ratification par lui opérée rétroagit au jour de la promesse. Le fait doit présenter un intérêt pour le créancier : sinon, celui-ci ne pourrait pas réclamer l’exécution. Pas d’intérêt, pas d’action. Mais un intérêt simplement moral suffit. § 4 - La cause La cause est un élément distinct du consentement et de l’objet. Chacun de ces trois éléments répond à une préoccupation différente, le consentement : le contractant a-t-il voulu ? l’objet : qu’a-t-il voulu ? la cause : pourquoi a-t-il voulu ? La cause du contrat est la raison, le motif personnel ayant déterminé chacun des contractants à conclure le contrat. Il s’agit des mobiles concrets, subjectifs, variant avec chaque individu, qui constituent la cause psychologique. Une personne a acquis une maison afin de pouvoir y loger sa famille. La cause de l’obligation est la raison pour laquelle le contractant assume son obligation. Elle est abstraite, objective, détachée de la personnalité du contractant ; c’est la cause technique ; elle est toujours la même pour chaque type de contrat : l’acheteur s’engage à payer le prix pour obtenir livraison de la chose. L’absence de cause du contrat ou de l’obligation, de même que la cause illicite ou immorale rendent le contrat nul de nullité absolue.

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A – La cause du contrat On ne retient comme cause du contrat que les mobiles impulsifs et déterminants. S’ils sont illicites, immoraux, contraires à l’ordre public, ils pourront entraîner la nullité du contrat, à la conditions pour les contrats à titre onéreux, qu’ils aient été connus de l’autre partie. Dans les contrats à titre gratuit, le mobile illicite ou immoral, ayant déterminé le donateur, entraînera la nullité de la donation, même quand il est resté ignoré du donataire. La cause existe nécessairement, car le contractant poursuit toujours un but quelconque, mais encore faut-il, pour que le contrat soit valable, qu’elle ne soit pas illicite ou immorale. La cause est toujours présumée licite ou morale. C’est à celui qui allègue l’illicéité ou l’immoralité de la prouver, - tous modes de preuve étant admis. B – La cause de l’obligation Dans un contrat synallagmatique, la cause de l’obligation de chacune des parties est l’engagement pris par son cocontractant. Les obligations réciproques se servent mutuellement de cause. La cause de l’obligation est la remise de la chose dans les contrats réels unilatéraux, et l’intention libérale, le désir de consentir une libéralité, dans ceux à titre gratuit. L’obligation doit avoir une cause. L’absence d’intention libérale rendrait nul un acte à titre gratuit. La cause doit être licite et ne pas être fausse. En raison de son caractère abstrait, la cause de l’obligation est généralement licite. Elle est fausse lorsque le débiteur a cru à une cause qui n’existait pas. La preuve est à la charge de la cause. Celui qui invoque l’inexistence doit la démontrer : le preuve peut se faire par tous moyens. § 5 – Sanctions des conditions de formation des con trats : la nullité

Généralités Lorsque les conditions nécessaires à la formation d’un contrat font défaut, ce contrat est nul, soit de nullité absolue, soit de nullité relative. Certaines conditions édictées pour des raisons générales sont sanctionnées par la première. Tout intéressé dispose de l’action en nullité absolue, le contrat ne peut être confirmé et l’action se prescrit par les délais de droit commun. Mais, après disparition de la cause d’une nullité absolue, les parties peuvent exprimer leur volonté de maintenir et d’exécuter le contrat nul (vente entre époux après la dissolution du mariage). C. Cass. 1er décembre 1976. La nullité relative, au contraire, étant prévue pour la protection d’un contractant, seul il peut s’en prévaloir, il est libre de confirmer l’acte, et la prescription de l’action est normalement de cinq ans. Lorsqu’elle s’applique à la lésion, l’action est appelée action en rescision pour lésion.

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Qu’elle soit absolue ou relative, la nullité doit être prononcée par le juge. Il faut détruire une apparence. Sous § I – Domaines des nullités absolue et relativ e L’inobservation des formalités exigées pour la validité du contrat solennel entraîne la nullité absolue. Lorsqu’une formalité est seulement requise pour la preuve ou pour la publicité, son absence n’empêche pas le contrat d’être valable, l’écrit sera seulement inefficace en tant que procédé de preuve, ou bien la publication ne pouvant être faite, l’acte produira ses effets entre les parties et sera simplement inopposable aux tiers. Les vices du consentement donnent lieu à l’action en nullité relative. Les incapacités de jouissance ont pour sanction la nullité absolue lorsqu’elles sont commandées pour des motifs d’intérêt générale, et la nullité relative quand elles constituent des mesures de protection individuelle. Celles d’exercice sont le plus souvent sanctionnées par la nullité relative. L’absence d’objet ou son illicéité entraîne la nullité absolue ; mais est seulement relative la nullité de la vente de la chose d’autrui. Le défaut de cause et son illicéité sont sanctionnés par la nullité absolue. « Fraus omnia corrumpit : la fraude corrompt tout » ; la nullité est absolue à l’égard du fraudeur et de son complice. Quant à l’action paulienne, elle n’est pas une action en nullité : laissant subsister l’acte, elle le rend seulement inopposable au créancier ayant agi. Sous § II – Effets des nullités absolue et relative Les nullités absolues et relative, une fois constatées par le juge, produisent les mêmes effets : le contrat tombe tout entier : la nullité est rétroactive, et la personne responsable de l’irrégularité ne peut se prévaloir de la nullité. Le contrat tombe tout entier. Les diverses obligations auxquelles il aurait donné naissance s’effacent avec lui Cependant lorsqu’un acte contient une clause ou condition illicite ou immorale, cette clause ou condition est seulement réputée non écrite et écartée, sans atteindre l’acte qui subsiste. Les règles contenues dans le Code Civil étaient à cet égard diamétralement opposées selon qu’il s’agissait de libéralités (art. 900), ou d’actes à titre onéreux (art. 1172).mais en adaptant les deux textes, on a arrêté la solution ci-dessus pour tous les actes, sans distinguer leur nature gratuite ou onéreuse. En cas de rescision pour lésion, le législateur a donné au défendeur le moyen d’éviter la nullité : l’acheteur paiera le supplément du juste prix, sous déduction d’un dixième, et on remettra au copartageant lésé le complément de sa part. La nullité opère rétroactivement : le contrat est censé n’avoir jamais existé Cette rétroactivité s’applique d’abord entre les contractants. Toutefois les incapables ne sont tenus qu’à la restitution du montant de leur enrichissement.

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La rétroactivité préjudicie en outre, aux ayants cause particuliers tenant leurs droits de l’une des parties ; ces droits sont rétroactivement anéantis comme ceux des contractants eux-mêmes. « Resoluto jure dantis, resolvitur jus, accipientis : le droit de celui ayant donné (livré) étant résolu, est résolu le droit de celui qui a reçu ». La personne dont la faute a entraîné la nullité, ne peut invoquer celle-ci suivant la maxime traditionnelle « nemo auditur propriam turpitudinem suam allegans : personne n’est écouté s’il se prévaut de sa propre turpitude. » Cependant une inexacte déclaration de majorité faite par un mineur ne met pas obstacle à la restitution, autrement dit, ne lui fait pas perdre le bénéfice de la nullité. On n’a pas voulu pénaliser l’incapable ayant seulement tromper sur son âge son cocontractant. La solution serait différente si la fausse déclaration avait été accompagnée de manœuvres frauduleuses. Sous § III – Caractères particuliers de l’action en nullité relative L’action en nullité relative ne peut être intentée que par la personne au profit de laquelle elle existe. Elle est éteinte par la confirmation de l’acte et se prescrit en principe par cinq ans (loi du 3 janvier 1968). Personnes pouvant intenter l’action Tandis que toute personne justifiant d’un intérêt peut exercer l’action en nullité absolue d’un contrat, seule la personne protégée par la loi a le droit de faire prononcer la nullité relative. Confirmation de l’acte L’acte frappé de nullité absolue ne peut être confirmé, les parties n’ayant que la ressource de faire un nouveau contrat. Au contraire, est susceptible de confirmation l’acte nul de nullité relative. La confirmation est l’acte par lequel une personne rend valable un contrat dont elle aurait pu demander la nullité ; elle constitue une renonciation à l’action. Forme et preuve La confirmation peut être expresse ou tacite, mais ne se présume pas. Même l’exécution de l’acte est insuffisante, il est nécessaire d’apporter la preuve qu’au moment de cette exécution, le contractant connaissait le vice et avait l’intention de le réparer. Conditions La confirmation d’un acte nul est subordonnée à trois conditions : l’acte doit être frappé de nullité relative ; il faut que l’auteur de la confirmation ait connaissance du vice de cet acte et veuille le réparer, enfin la confirmation ne peut intervenir qu’à un moment tel qu’elle soit elle-même exempte de vices.

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Effets Entre les parties la confirmation rend le contrat inattaquable ; elle opère rétroactivement. La confirmation faite par une personne est opposable à ses ayants cause universels, car ils sont obligés de respecter les actes de leur auteur. Elle est également opposable aux créanciers chirographaires. Par contre, elle ne peut porter atteinte aux droits des ayants cause particuliers. Prescription abrégée de l’action en nullité relative – Généralités Tandis que l’action en nullité absolue est soumise à la prescription trentenaire, qui est la prescription de droit commun des actions, celle en nullité relative s’éteint par une prescription abrégée, en principe de cinq ans, la rescision d’une vente d’immeuble ne pouvant toutefois intervenir que dans un délai préfix de deux ans. La prescription abrégée de l’action en nullité relative est commandée par l’intérêt général. L’ordre public veut que l’incertitude sur le sort du contrat ne soit pas trop longue. On présume d’autre part que si le contractant n’a pas intenté l’action dans les temps requis, c’est qu’il a entendu y renoncer, et voulu confirmer l’acte tacitement. Domaine de la prescription abrégée La prescription abrégée ne s’applique qu’à l’action en nullité relative, et non à celle en nullité absolue. Bien que l’article 1304 C. Civil vise seulement les conventions, cette prescription est étendue à tous les actes juridiques. La prescription dont il s’agit affecte uniquement l’action sanctionnant les conditions de formation du contrat : elle est étrangère à celles ayant trait à l’exécution ou à la résolution. Elle ne concerne, en outre, que l’action profitant aux parties contractantes, non celles données aux créanciers, telle l’action paulienne. Point de départ de la prescription abrégée La prescription abrégée reposant sur une volonté tacite de confirmation, le délai ne court, normalement que du jour où le contractant a pu confirmer, c’est à dire de celui où n’existe plus le vice du consentement ou l’incapacité, ainsi : en cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts, en cas de violence, du moment où elle a cessé, dans l’hypothèse de la minorité, lorsqu’elle a pris fin. Cependant le délai commence à courir le jour de l’acte, s’agissant de la rescision pour lésion. Il est admis que, quel que soit sont point de départ, la durée de la prescription abrégée ne puisse jamais dépasser celle de la prescription trentenaire. Ainsi, lorsqu’est éteinte cette dernière, la prescription abrégée ne peut plus être invoquée. Effet de la prescription abrégée Une fois le délai écoulé, il n’est plus possible d’intenter l’action en nullité. Mais, on applique la maxime : « quae temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum : les actions sont temporaires, les exceptions perpétuelles ». Autrement dit, après l’expiration du délai, le contractant ne peut plus se prévaloir de la nullité par voie d’action ; toutefois, si son adversaire sortant de l’ombre réclame l’exécution, il pourra encore opposer l’exception de la nullité et repousser par là-même la demande. La maxime en question ne s’applique pas au délai préfix de l’action rescision pour lésion.

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§. 6 – L’interprétation des contrats A – Recherche de l’intention des parties L’article 1156 C. Civil précise que l’on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes employés. Lorsque le texte est clair, il n’est pas possible au juge de refuser de l’appliquer, à moins qu’il ne soit démontré que ce texte ne correspond pas à la volonté des parties. En présence d’un texte obscur ou ambigu, on considère l’ensemble du contrat ; les usages du pays, les causes des conventions s’interprètent les unes par les autres. Quand une disposition est susceptible de deux interprétations, ont doit l’entendre dans le sens convenant le mieux à la matière du contrat, et avec lequel elle aura un effet, plutôt que dans celui où elle n’en pourrait produire. B – Recours à la loi, à l’usage et à l’équité L’article 1135 C. Civil précise que les conventions obligent, non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que la loi, l’usage ou l’équité donnent à l’obligation d’après sa nature. Le législateur a suppléé au silence des parties, en édictant de nombreuses règles auxquelles on présume qu’elles ont voulu se référer. Les lois dispositives peuvent être écartées par la volonté, même implicite, des contractants : les lois dites supplétives ne peuvent l’être que par une clause expresse. Dans le doute sur le sens d’une convention, dit l’article 1162, celle-ci s’interprète contre le stipulant (créancier) et en faveur de celui qui s’est obligé. Pour la vente, les clauses obscures sont interprétées contre le vendeur. Bien que cela ne soit peut-être pas toujours le cas, on a considéré que le vendeur était dans une situation plus forte que l’acheteur. L’usage est regardé comme une règle supplétive à laquelle on suppose que les parties se sont rapportées. Enfin, il est toujours recommandé, dans l’étude et l’application des conventions, de faire appel à l’équité. C’est ainsi que, forçant le cadre de nombreux contrats, les juristes y ont introduit une prétendue obligation de la sécurité, à laquelle les parties n’avaient probablement pas songé.

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Le silence ne vaut pas consentement ARRET : « La Cour ; - Vu les articles 1101 et 1108 du Code civil. ; - Attendu que l’arrêt attaqué, en condamnant le demandeur comme obligé à la souscription de vingt actions prises en son nom dans la société des raffineries nantaises, s’est uniquement fondé sur ce fait que ledit demandeur avait laissé sans réponse la lettre par laquelle Robin et compagnie., chargés du placement des actions, lui avaient donné avis qu’il avait été porté sur la liste des souscripteurs, et qu’ils avaient versé pour lui la somme exigée pour le premier versement sur le montant des actions ; - Attendu, en droit, que le silence de celui qu’on prétend obligé ne peut suffire, en l’absence de toute autre circonstance, pour faire preuve contre lui de l’obligation alléguée ; - Attendu qu’en jugeant le contrat, l’arrêt attaqué a violé les dispositions ci-dessus visées du Code Civil ; - Par ces motifs, casse….. »