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XIV WORLD FORESTRY CONGRESS, Durban, South Africa, 7-11 September 2015
Investissement des revenus financiers forestiers aux
moyens d’existence durables des ménages ruraux des
pays du Bassin du Congo: Gabon, RDC, République du
Congo et Cameroun
Dominique Endamana1 *, Gervais Ondoua Ondoua
1, Camille Jepang
1 et Bonito Chia
Ntumwel2
1UICN Afrique Centrale et Occidentale, Bastos, PO Box 5506, Yaoundé, Cameroun. 2Ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement Durable, Ebolowa,
Cameroun
*Author for correspondences: [email protected]
Résumé
Cette communication présente l’état des revenus monétaires et non-monétaires des ménages ruraux
tirés des produits de la forêt, de l’agro-pastoral et des autres services, et analyse les dépenses effectuées
dans les moyens d’existence. Les données ont été collectées entre 2010 et 2014 dans 13 villages du
Gabon, RDC, République du Congo et Cameroun, auprès de 368 ménages à l’aide de la Boîte à Outil
Pauvreté - Forêt, et d’un questionnaire structuré.
La contribution des ressources forestières aux revenus en espèces et en nature des ménages ruraux
varie de 48% à 64%. La part du revenu financier forestier diminue avec la distance au marché. Le
revenu financier des produits de la forêt par tête et par jour est estimé à 0.49 $US (Cameroun), 0.32
$US (RDC), 0.33 (Gabon) et 0.45 $US (Congo). Il représente en moyenne 15 à 40% la valeur du seuil
de pauvreté (1,25$) et 49% du revenu financier total du ménage. Environs 18% du revenu financier de
la forêt contribuent à l’achat de la nourriture des ménages. Les autres dépenses concernent l’éducation,
la santé, l’acquisition des biens physiques durables, l’habillement, les loisirs, la mobilité, l’énergie etc.
Les avoirs humains viennent au premier rang des investissements (51 USD par tête). Les forêts jouent
donc un rôle dans l’amélioration des moyens d’existence et constituent un levier pour la sécurité
alimentaire. Si la capacité de résilience des forêts parvient à s’affaiblir face aux aléas climatiques, ou
toutes autres formes d’utilisation non durable, les populations locales seront plongées dans une
extrême pauvreté. L’étude recommande: (i) le renforcement de la sécurité alimentaire et les moyens
d’existence des populations et (ii) le développement de la chaîne de valeur des principaux produits
forestiers, et promouvoir ceux qui offrent de meilleurs opportunités de marché au niveau national et
international.
Mots clés: forêt, revenu financier, moyens d’existence, sécurité alimentaire, bassin du Congo,
résilience.
Introduction
La forêt fournit des biens et services qui sont essentiels pour environs 1,2 milliards de personnes
dans le monde (FAO, 2004). En Afrique, 60 à 80% des besoins des populations pauvres dépendent
directement des ressources naturelles (UICN, 2003). Ces forêts renferment des produits forestiers
ligneux et non ligneux qui sont depuis des années d’une importance capital pour la survie des
populations locales (Koppert et al. 1993, Doucet et Koufani 1997, Ngala 1997). Le continent
africain à lui seul abrite la plus grande proportion des personnes vivant avec moins de 1,25 USD par
jour (Anderson et al. 2006, PNUD 2013). Avec ses 2,8 millions de km2 de forêts riches et
diversifiées, le Bassin du Congo offre la meilleure opportunité aux populations locales de satisfaire
leurs besoins. Mais ces 20 dernières années ont été marquées par des taux élevés de déforestation et
de dégradation des forêts, résultant de la combinaison de plusieurs facteurs liés à l'expansion de
l'agriculture, à la croissance démographique et aux activités de développement en général (Talbott
1993, FAO 1995, Oyono 1997). Cela s'est traduit par une réduction de l'offre de nombreux produits
forestiers, aggravée, dans de nombreux cas, par le fait que l'exploitation forestière rendait impossible
le prélèvement des produits forestiers par les populations (Schneemann 1995, Nef 1997). Le rôle des
produits forestiers dans l’amélioration du niveau de vie des communautés avait été longtemps
négligé mais avec la dégradation de la situation économique des pays du Bassin du Congo
(notamment le Cameroun, RDC, Congo et Gabon), les populations riveraines et les partenaires de
développement ont pris conscience de l’importance de ces produits qui ont par ailleurs permis à
certaines populations de survivre pendant des décennies (Karsenty et Joiris 1999). C’est ainsi que
des mécanismes de développement tel la Réduction des Emissions du a la Déforestation et a la
Dégradation des forêts (REDD+) ont vu le jour avec pour objectif d’améliorer le bien-être des
populations locales et implémenter des mesures d’atténuation des effets du changement climatique et
de gestion durable. Les pays du Bassin du Congo sont en train de s’engager dans ce mécanisme de
développement durable (Sjaastad et al. 2005). Dans les zones forestières des pays du Bassin du
Congo, la quasi-totalité des habitants utilisent le bois de feu pour satisfaire 90% de leurs besoins
énergétiques pour cuir les aliments et assurer leur sécurité alimentaire. Ils dépendent de l’agriculture
et bénéficient des autres services offerts par la forêt. Malgré le grand nombre d’avantages
économiques, environnementaux, sociaux et culturels que fournissent ces ressources, les données sur
l’ampleur de leur contribution sont imprécises ou indisponibles (FAO 2012). Très peu
d’informations sont disponibles sur la contribution des produits forestiers au revenu des ménages, les
facteurs qui influencent ces revenus ainsi que les investissements faits par les populations locales
avec les revenus tirés de la vente de produits forestiers. Or ces informations s’avèrent importantes
pour cadrer l’allocation des financements et guider la prise des décisions afin d’assurer la réussite de
l’application des mécanismes de gestion durable à long terme. C’est pourquoi l’on ignore ou connaît
mal la mesure dans laquelle les produits forestiers contribuent au développement national, à la
réduction de la pauvreté et au renforcement de la sécurité alimentaire pour les populations
vulnérables. Le présent article fournit des informations sur la manière dont les ménages ruraux du
Cameroun, Congo, RDC et Gabon affectent les revenus tirés des ressources forestières dans
l’amélioration de leur cadre de vie.
Méthodologie
Les données ont été collectées de 2010 à 2014 dans 368 ménages de 13 villages de quatre pays
d’Afrique centrale dans le cadre des projets fiancées par le Fonds Forestiers pour le Bassin du Congo
(CBFF), Fonds pour l’Environnement Mondial (GEF), la FAO, Fonds Danois (DANIDA). Ce sont:
Mambele, Salapoumbe, Gribé, Masséa et Otong Mbong (au Cameroun), Bomassa, Kabo, Liouesso
et Zanaga (en République du Congo), Baego et Phalanga (en République Démocratique du Congo)
et, Ovan et Djoutou (au Gabon). Les données ont été collectées à l’aide de la boite à outil Forêt –
pauvreté (PROFOR 2008). Cet outil a déjà démontré son efficacité dans la collecte des informations
sur le rôle des produits forestiers dans la vie des populations locales (Shepherd et al. 2011, Mayers et
al. 2013). Cet article présente la contribution des ressources forestières au revenu des ménages,
évalue la tendance des revenues vis-à-vis de l’éloignement du marché, le revenu par tête et par jour
(sans considération de la classe d’âge, sexe et les critères locaux de richesse) et, le niveau de
dépenses et investissements des populations locales dans les moyens d’existence. La collecte des
données a consisté en l’organisation des groupes de discussions, enquêtes socio-économiques et
l’analyse des moyens d’existence.
La première étape de l’application de la boite à outil, a consisté à rencontrer le chef de village et une
dizaine des notables, y compris les femmes pour expliquer l’objet de l’étude, recenser tous les
ménages et identifier les critères locaux de richesse. La description du paysage local a été faite à
travers un brainstorming lors des discussions en groupes dans chaque village et a permis d’identifier
la liste des éléments qui rentrent dans le revenu monétaire et non-monétaire. Les éléments sont
regroupées en trois catégories: produits forestiers (ligneux et non ligneux), produits agropastoraux et
pêche, et autres sources (emplois, petit commerce, transfert d’argent, etc..). Par la suite, les ménages
ont été classés selon les critères locaux de richesse en «très pauvres», «pauvres», «moyens» et «très
riches». A la suite de ce classement un échantillon aléatoire de 40 ménages a été tiré, dont 20
hommes et 20 femmes. Seuls les ménages ayant effectivement répondus présent ont participé à
l’analyse des moyens d’existence1.
La seconde étape a consisté à évaluer la part de chaque source de revenu dans le revenu annuel en
espèces et en nature. La liste des produits qui contribuent au revenu du ménage en espèces et en
nature a été portée sur les tableaux préparés. Un numéro d’ordre a été attribué à chaque ménage qui
le conserve jusqu’à la fin du processus ou de l’exercice. Pour ce faire, chaque ménage a reçu un
même nombre de graines de maïs compris entre 20 et 50. Dans un coin isolé, les chefs de ménages
passaient l’un après l’autre pour repartir ces graines sur les éléments qui contribuent au revenu en
espèces et en nature du ménage. Chaque ménage a réparti les graines selon l’importance du revenu
de ce produit. Une fois la répartition ait été faite, les graines ont été comptées en présence du chef de
ménage et rapportées sur une fiche.
Une enquête structurée au niveau de chaque chef de ménage sélectionné a permis de collecter les
données sur les dépenses annuelles dans les ménages et les revenus annuels des principales
ressources naturelles. Chaque répondant à déclaré la valeur monétaire de la dépense de l’année
précédente pour chaque bien acquis sur lesquels reposent les moyens d’existence. Ils ont été
regroupés de manière suivante :
- Capital social (organisation des cérémonies; déplacement/mobilité, accès à l’énergie en terme de
pétrole et électricité);
- Capital physique (achat des biens physiques) ;
- Capital financier (dette, épargne) ;
- Capital humain (habillement, nutrition, éducation, santé, boissons alcooliques et cigarette) ; et,
- Capital naturel (agriculture, chasse, bois de feu).
L’augmentation à ces capitaux, qui peut prendre la forme de la propriété ou du droit d’utilisation
dans son soutien des moyens d’existence et de l’élimination de la pauvreté (DFID, 2001). Le
pentagone utilisé sert à schématiser la contribution des revenus issus de la forêt dans les différents
types de capitaux.
Les contributions des catégories de produits au revenu total (en espèces et en nature) ont été obtenus
suivant la démarche de l’outil 4 « analyses des moyens d’existence » (PROFOR 2008).
Les revenus ont été calculés à partir des données combinées issues de l’enquête des ménages et, les
pourcentages de contribution obtenus dans l’outil sur l’analyse des moyens d’existence. La
procédure d’estimation du revenu est la suivante:
Pourcentage (P) du revenu monétaire de chaque élément dans le revenu total du ménage. La
somme des pourcentages est égale à 100.
Recette annuelle (Ra) d’un des produits qui contribuent au revenu monétaire du ménage,
déclarée par le répondant pendant l’enquête individuelle.
Estimation du Revenu monétaire Brut Annuel (RmBA) du ménage s’obtient par la règle de
trois: RmBA= (Ra*100)/P.
Soient PrM, la proportion du revenu total du ménage issue des sources monétaires et PrNM
la proportion du revenu total du ménage issue des sources non-monétaires obtenues dans
l’outil 4, le Revenu non-monétaire Brut Annuel (RnmBA) du ménage s’obtient par la règle
de trois: [RnmBA= RmBA* PrNM/PrM]
Revenu total annuel (RTA) du ménage est la somme du revenu monétaire et le revenu non-
monétaire [RTA=RmBA + RnmBA]
Si « n » le nombre des ménages qui participent à la collecte des données, le Revenu Total du
groupe (RTg) est la somme des RTA de chaque ménage.
1 Outil 4 boite à outil Forêt Pauvreté (www.profor.org)
Si « m=4 » le nombre de groupe dans chaque village, le Revenu Total de l’échantillon (RTe)
est la somme du revenu des différents groupes. RTe = RTg1 + RTg2 + RTg3 + RTg4
Si « k% » est l’échantillon représentatif des ménages ayant pris part à la collecte des données,
le Revenu Total du Village (RTv) = [RTe*100%/k%]
Etant donné « X » le nombre de ménage dans le village, et « Y » la taille moyenne du ménage,
nous avons estimé:
- Revenu par ménage: Rm = RTv/X
- Revenu par tête: Rt = Rm/Y
- Revenu par tête et par jour: Rtj=Rt/365
Les dépenses moyennes et totales ont été calculées à partir des valeurs déclarées par les répondants
sur les catégories de dépense (nutrition, santé, scolarité, habillements, etc.).
Résultats
Contribution des ressources forestières dans le revenu total des ménages ruraux
La contribution des ressources forestières aux revenus en espèces et en nature des ménages ruraux
varie d’environ 48% à 63% (figure 1). Comparativement, les produits forestiers contribuent à
hauteur de 62,6% au revenu total des ménages au Gabon, contre 55,8% au Cameroun et 47,5% en
RDC. Or en RDC, les produits forestiers contribuent plus au revenu des ménages que les produits
agropastoraux et les autres sources de revenus. Les produits agropastoraux contribuent à 40% aux
revenus des ménages des pays étudiés du Bassin du Congo.
Fig. 1: Contribution des ressources forestières dans le revenu total (monétaire et non-monétaire) des ménages ruraux dans les pays étudiés
Impact de la distance au marché sur le revenu financier
La distance au marché est un facteur important dans l’écoulement des produits issus de la forêt.
D’une vue global (Fig. 2), lorsque la distance au marché augmente, la part du revenu financier tiré
des produits forestiers diminue mais pas de manière significative (r = -0,14 ; R2= 0,02). La figure 1
permet de comprendre la tendance des revenus vis-à-vis de l’éloignement du marché dans
l’ensemble des pays étudiés.
Fig. 2: Corrélation entre le pourcentage du revenu financier et la distance au marché
Evaluation du revenu financier forestier par tête et par jour
Sur la base des estimations des revenus monétaires moyens de l’échantillon et par groupe de
produits, les ressources forestières contribuent entre 47% et 63% au revenu total des ménages dans
les pays étudiés. Le revenu forestier total annuel par tête et par jour (tableau 1) est plus élevé en
RDC (3,29 USD) et plus faible au Cameroun (1,45 USD).
Table 1: Revenu monétaire et non monétaire (en USD) issus des ressources forestières par . par tête/jour selon les pays étudiés
Pays Valeur monétaire Valeur non-
monétaire Total
Cameroun 0,49 0,95 1,45
RDC 0,32 2,97 3,29
Gabon 0,33 1,27 1,60
Congo 0,45 1,41 1,81
Ensemble des pays 0,40 1,65 2,05
Source : Calcul des auteurs à partir des données de l’enquête
Il est de 1,60 USD au Gabon, et de 1,81 USD au Congo. Dans les autres pays étudiés, les ressources
forestières offrent en moyenne deux dollars américains par jour à chaque personne dont 0,4 dollar en
valeur monétaire et 1,65 dollar en valeur non-monétaire.
Utilisation des revenus aux moyens d’existence
Affectation des revenus forestiers aux moyens d’existence
Dans les villages d’étude, les revenus financiers issus des ventes des produits de la forêt sont utilisés
à plusieurs fins (Fig. 3, 4, 5 et 6). Au Cameroun, RDC et au Gabon, les revenus sont plus dépensés
pour la nutrition. D’autres sources de dépenses importantes sont la santé, l’habillement et pour
l’organisation des cérémonies. En moyenne, pour tous les pays étudiés, 18,5% du revenu sont
utilisés pour la nutrition du ménage. Les autres dépenses concernent l’éducation, l’acquisition des
biens physiques durables, la scolarisation des enfants, la mobilité, l’énergie etc. Le loisir individuel
tel, la consommation des boissons alcooliques s’avère être une très grande source de dépense au
Congo (17%), Cameroun (14%) et au Gabon (10%). Le moins d’investissement est fait sur
l’acquisition du bois de feu et le paiement des factures d’électricité.
Fig. 3 : Affectation des revenus des ménages au Cameroun
Fig. 4 : Affectation des revenus des ménages en RDC
Fig. 5 : Affectation des revenus des ménages au Gabon
Fig. 6: Affectation des revenus des ménages au Congo
Estimation des valeurs monétaires investies dans les moyens d’existence
En terme financier, les ménages des pays du Bassin du Congo étudiés dépensent entre 10 USD et
150 USD pour le capital humain (tableau 2).
Table 2: Investissements des revenus financiers (en USD) issus des ressources forestières par ménage et par tête
Investissements annuel moyen (USD) par tête Moyenne
globale Catégorie de
capitaux
Source
d'investissementRDC Gabon Cameroun Congo
/pays
Capital humain
Nutrition 92,6 149,8 31,3 20,7 73,6
Santé 35,5 65,2 10,6 71,3 45,6
Education 20,0 61,0 27,9 24,1 33,2
Boisson alcoolique 15,5 88,6 31,3 76,8 53,0
Capital physique Biens physique 14,8 41,9 29,4 44,1 32,5
Capital social
Cérémonies 7,3 44,8 21,8 42,8 29,2
Eglise 3,7 0,0 3,1 19,6 6,6
Déplacements 16,7 46,7 14,7 14,3 23,1
Habillement 21,2 55,7 30,8 37,8 36,4
Electricité 3,6 28,6 7,1 8,1 11,8
Pétrole 7,0 27,2 13,6 42,5 22,6
Capital financier Epargne 2,5 9,1 0,0 0,0 2,9
Dette 8,1 14,1 0,0 0,0 5,5
Capital naturel
Chasse 6,9 13,6 0,0 0,0 5,1
Agriculture 12,6 23,8 17,5 0,0 13,5
Bois de feu 1,0 4,3 0,0 0,0 1,3
En moyenne 73,6 USD, 53 USD et 45,6 USD sont dépensés par ménage pour la nutrition, les
boissons alcooliques et pour la santé respectivement. Au Gabon, les dépenses pour les avoirs
humains vont de l’ordre de 60 USD à 150 USD. Les dépenses les plus faibles sont enregistrées au
Cameroun. Les ménages dépensent environs 14 USD à 44 USD pour le capital physiques. Le capital
financier et le capital naturel sont les plus faibles notamment au Cameroun et au Congo. Moins de 3
USD en moyenne sont dépensés pour l’épargne et le bois de feu.
La moyenne des investissements financiers annuels par tête pour l’ensemble des pays du Bassin du
Congo révèle que 51 USD sont dépensés pour l’acquisition des avoirs humains (Fig. 7). De même,
dans les moyens d’existence, les ménages investissent en moyenne 33 USD, 22 USD, 7 USD et 4
USD pour les avoirs physiques, sociaux, naturels et financiers respectivement.
Fig. 7 : Investissements (USD par tête) des revenus financiers des ménages issus des ressources forestières dans les moyens d'existence
D’une vue globale des différents secteurs d’investissement des revenus obtenus des ressources
forestières, les avoirs humains (nutrition, éducation, santé, formation professionnelle et la capacité à
travailler) viennent au premier rang des investissements (en moyenne 51 USD par tête). Des sommes
des investissements entrant dans les avoirs humains par pays, ces derniers représentent à elles seuls
60% des investissements des ménages en RDC (en moyenne 40,9 USD par tête), 44% au Gabon (en
moyenne 91,1 USD par tête), 39% au Cameroun (en moyenne 25,3 USD par tête) et, 37% au Congo
(en moyenne 48 USD par tête). Les avoirs sociaux, naturels, financiers et les avoirs physiques sont
également d’importants secteurs d’investissements.
Discussion
Les produits forestiers sont d’une importance indiscutable pour les populations vivant dans et autour
des forêts dans le Bassin du Congo (FAO 1995, Ingram and Schure 2010). Dans ces pays, ils
contribuent significativement aux revenus en espèces et en nature des ménages. Parmi ces pays, les
ménages riverains du Gabon sont plus dépendants en vers les produits forestiers que les autres pays
étudiés. En RDC et au Cameroun, le circuit de commercialisation des produits forestiers est très peu
développé et par conséquent, les produits atteignent difficilement les marchés (Ndoye et al. 1997,
Makon et al. 2005, Nguimbi 2006). Une grande partie de ces ressources sont consommés dans le
ménage afin de satisfaire les besoins quotidiennes (PROTA 2008; Ingram et Bongers 2009; Loubelo
2012). Par ailleurs, Mamo et al. (2007) et Narain et al. (2008) affirment que les ménages ruraux sont
dépendants des ressources forestières notamment dans les pays en développement. Selon Zahonogo
(2009), les ménages impliqués dans les activités forestières ont un revenu total plus important que les
ménages qui ne sont pas impliqués dans ces activités. Dans la zone d’étude, la distance au marché est
un facteur important dans l’écoulement des produits issus de la forêt. Cette distance détermine, bien
que pas de manière significative, le revenu tiré de la commercialisation des produits de la forêt.
Lorsque le marché est plus éloigné du site de prélèvement des produits forestiers et du village, moins
ces produits atteignent le marché. C’est un problème de mauvaise organisation et d’enclavement
(Tabuna 1999). L’accès dans la plupart des villages situés dans les zones forestiers d’Afrique centrale
est généralement difficile du fait que les routes sont impraticables (Tabuna 1999). En espèce, le revenu
annuel par tête et par jour est de 0.32 USD en RDC. Il est de 0.49 USD par tête/jour au Cameroun, de
0,33 USD par tête/jour au Gabon, et de 0.45 USD par tête/jour au Congo. Bien que faible, ces revenus
sont considérables et peuvent être améliorés si la filière de commercialisation, et la chaine de valeur
des produits de la forêt est bien organisé et mis en œuvre. Les produits forestiers permettent déjà aux
populations de vivre au niveau de 2 USD par tête et par jour, dont au-dessus de la valeur 1,25 USD par
jour comme seuil de pauvreté documenté pour les populations d’Afrique (Anderson et al. 2006,
PNUD 2013). Ceci démontre et confirme à quel niveau les ressources forestières sont fondamentales
dans la vie quotidienne des populations rurales. En termes d’investissements, très peu d’informations
existent sur le devenir des revenus tirés des ventes des produits forestiers. La recherche est souvent
plus orientée vers les valeurs monétaires perçus par les ménages ruraux car l’analyse des revenus des
populations riveraines des forêts est une thématique importante dans le débat sur la gestion des forêts
(Wollenberg 2000). Dans cet article, les revenus financiers issus des ventes des produits de la forêt sont
utilisés à plusieurs fins. Les ménages s’investissent prioritairement sur le capital humain notamment la
santé et l’éducation des enfants filles et garçons. De ce fait, les revenus sont utilisés prioritairement
pour pallier à la famine. Ainsi, les produits forestiers dans les pays étudiés demeurent un moyen de
survie des populations riveraines. La majorité des populations ne peuvent rien épargner car ils vivent
dans un circuit d’endettement continu et les avoirs financiers sont les plus faibles. Dans chacun des
pays, le revenu par ménage est reparti selon l’importance de la source/secteurs de dépense. Les
produits forestiers à eux seuls ne peuvent donc pas améliorer le bien-être de ces populations. L’effet
combiné des revenus générés des produits forestiers et d’autres sources peuvent par conséquent être
gérées de manière à satisfaire les besoins des populations rurales. Mais cette gestion devra intégrer les
valeurs sur les investissements faites par ces derniers en fonction des moyens dont ils en disposent.
C’est dans cette optique que les politiques et mécanismes de développement à long terme en cours
dans les pays du Bassin du Congo a l’instar de la REDD+, doivent intégrer ces informations afin
d’orienter les décisions d’investissements dans les zones ruraux. Cette intégration doit se faire
notamment sur les mécanismes de système de compensation, au cas où on réduira l’espace vital des
populations. Ils devront aussi assurer la sécurité alimentaire des populations locales, leur
développement et la conservation des ressources forestières.
Conclusions
La présente étude affirme que la contribution des produits forestiers au revenu des ménages des pays
du Bassin du Congo est importante. Néanmoins, sa contribution au revenu financier par tête et par jour
demeure encore très faible. Un facteur de cette tendance est la distance entre les sites de prélèvements
et le marché. Après les ventes, le revenu généré est utilisé pour effectuer de dépenses importantes et
nécessaires pour la vie du ménage. C’est ainsi que les ménages investissent prioritairement sur le
capital humain (nutrition, santé, éducation etc.). Les forêts jouent donc un rôle dans l’amélioration des
moyens d’existence et constituent un levier pour la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté.
Ce rôle pourra davantage être amélioré de manière significative si le niveau d’investissement des
populations en fonction de leurs revenus est pris en compte. Si la capacité de résilience des forêts
s’affaiblit face aux multiples formes d’utilisation non durable, les populations locales seront
plongées dans une extrême pauvreté. Cette étude s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du projet
d’appui à la participation multi-acteurs au processus REDD+ au Cameroun, Congo, Gabon et en RDC.
Elle permet de comprendre la dépendance des communautés locales vis-à-vis des ressources naturelles
et identifier leurs principales sources de dépenses afin de mieux les impliquer dans le processus
d’élaboration des projets REDD+.
Acknowledgements
La présente étude a été menée grâce au financement du Fond Forestier pour le Bassin du Congo
(CBFF), GEF/FAO et les fonds du gouvernement danois (DANIDA). Nous remercions les chefs des
différents villages visités pour leur hospitalité et collaboration avec l’équipe de collecte de données.
Nous remercions également toute l’équipe du Réseau des ONGs du Sud Est Cameroun (ROSE),
INADES Formation, les autorités administratives locales, les délégations départementales des
Ministères sectoriels (Forêt-faune, Agriculture, Affaires sociales, Elevage….), l’équipe IUCN-PACO
et les Assistants Techniques Nationaux (ATN) FAO du projet Gestion Durable de la Faune Sauvage en
Afrique Centrale pour leur implication à chaque phase de la réalisation de ces études. Nos
remerciements vont enfin à George Akwah Neba de l’UICN HQ pour la lecture de ce papier et les
Organisateurs du XIVe Congres Mondial des Forêts (CFM) pour l’acceptation de cette
communication.
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