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Juliette & Victor n° 50 l 167 FINANCE Un timide tax shiſt * Un compromis à la belge qui sera pratiquement indolore pour les détenteurs de patrimoine, et ne sera pas de nature à diminuer l’attractivité fiscale du Royaume. TEXTE FRÉDÉRIC LEJOINT D epuis les élections fédérales de 2014 et l’arrivée d’une coalition qui avait laissé sur la touche les socialistes francophones et néerlandophones, le tax shift a été au centre du débat politique belge. Pour rappel, il visait à faire glisser les prélèvements sur le travail vers d’autres formes de rentrées fiscales : la consommation, les comportements polluants ou le patrimoine. Parvenir à un accord avec l’ensemble des par- tis au pouvoir s’est toutefois avéré ardu. C’est finalement dans la douleur qu’un accord sera annoncé au milieu des vacances scolaires (voir page suivante, en encadré). Pas une révolution Le centre de gravité de la fiscalité belge n’a pas été modifié, et reste centré sur la taxation des revenus professionnels. Les réformes se sont une nouvelle fois faites à la marge, et dans l’ensemble, on peut dire que les détenteurs de patri- moine ne devraient pas être trop impactés par ces mesures. « Ce n’est clairement pas une révolution », souligne François Parisis (Juriste-fiscaliste chez Puilaetco Dewaay Private Bankers). « Les grands perdants, ce sont une nouvelle fois les classes moyennes, qui ne bénéficieront pas d’un allège- ment de la fiscalité sur le travail, et subiront pleinement la hausse de toutes les taxes (alcool, tabac, diesel, électricité). Les allocataires sociaux n’ont également pas été favorisés, l’ambition du gouvernement étant clairement de recreuser un écart avec les faibles salaires et les allocataires afin d’in- citer ces derniers à reprendre une activité professionnelle. » « Je trouve que nous aurions pu aller plus loin que 100 euros par mois de tranche exemptée pour les petits salaires lors- qu’on voit ce qui se fait dans les pays voisins », regrette Christophe Boeraeve (Avocat Tax & Corporate chez Law Right), « mais d’un point de vue budgétaire, ce n’est pas sûr qu’ils auraient pu aller beaucoup plus loin. » Précompte La hausse du précompte mobilier à 27 % touchera les reve- nus d’intérêts et les dividendes à partir du 1 er janvier 2016. C’est la troisième révision à la hausse depuis 2012, avec un taux d’imposition qui est passé de 15 à 27 %. « C’est une mauvaise nouvelle pour les entrepreneurs, car les divi- dendes distribués par leur société vont être de nouveau taxés d’avantage. Si nous intégrons l’impôt des sociétés, Les grands perdants sont encore les classes moyennes, qui ne bénéficieront pas d’une baisse de la fiscalité sur le travail. ” François Parisis, Puilaetco Dewaay Private Bankers c’est près de 50 % du résultat qui est potentiellement confis- qué. Ce n’est pas spécialement une incitation à créer de l’em- ploi en entreprenant », souligne Christophe Boeraeve (Law Right). « Fondamentalement, cette mesure va surtout inté- resser les “grosses boîtes”, mais pas les petites PME qui béné- ficient déjà d’incitations à engager, ni les indépendants. » Plus-value Pour ce qui est de l’impôt sur les plus-values spéculatives réalisées dans les six mois, François Parisis (Puilaetco Dewaay Private Bankers) souligne que cela risque surtout de modifier le comportement des investisseurs. « Ils retar- deront la réalisation de leurs plus-values au-delà du délai de six mois. Et inversement, ils anticiperont la réalisation de leurs moins-values. Bref, ils feront ce qu’il faut pour échap- per à cette nouvelle taxe. Le gouvernement est d’ailleurs très prudent dans ses estimations (28 millions d’euros). Par contre, il s’agit d’un signal important, car une future coali- tion plus à gauche sur l’échiquier politique pourrait facile- ment augmenter le délai de 6 mois afin de rendre impo- sables les plus-values non spéculative, ce qui alignerait la Belgique sur la situation des pays qui l’entourent. » « La position de la Belgique dans ce domaine est de plus en plus affaiblie », confirme Christophe Boeraeve (Law Right). « Mais il faut également constater que le taux auquel cette plus-value serait imposée sera nettement inférieur au taux marginal d’imposition de l’impôt sur les revenus profes- sionnels (50 % à partir de 37.000 euros). » « Les comportements des investisseurs changeront sans doute, et c’est surtout au niveau des particuliers qui font du trading boursier que cette taxe aura un impact », souligne Colette Téchy (Conseiller Juridique est Fiscal chez ING Private Banking). « À notre niveau, nous gérons toutefois les patrimoines de manière prudente, avec des positions qui restent généralement plus de 6 mois en portefeuille. » Elle souligne cependant que les modalités pratiques de cette nouvelle mesure ne sont pas encore bien définies. « Ce qui est certain, c’est que nous devrons fournir les informations nécessaires aux clients, et que le calcul d’une plus-value est une tâche beaucoup plus compliquée que de calculer un précompte mobilier. » Par contre, la taxe sur les plus-values supérieures à 10 mil- lions d’euros, qui figurait aussi parmi les mesures envisa- gées, n’a finalement pas été retenue. « Cette taxe aurait diminué significativement l’attractivité fiscale de la Belgique, et aurait eu un effet très négatif sur l’image du pays », souligne François Parisis (Puilaetco Dewaay Private Bankers). « En outre, cette mesure aurait facile- ment pu être évitée en constituant une société holding luxembourgeoise, avec pour conséquence des sorties de capitaux qui n’auraient pas nécessairement été réinvestis en Belgique. Nous vivons aujourd’hui dans un environne- ment très concurrentiel au niveau fiscal, et il n’est pas possible de gouverner uniquement en succombant aux sirènes de la rue. » * En français, il s’agit tout simplement d’une réforme fiscale.

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Juliette & Victor n° 50 l 167

FINANCE

Un timide tax shi�*Un compromis à la belge qui sera pratiquement indolore pour les détenteurs de patrimoine, et ne sera pas de nature à diminuer l’attractivité �scale du Royaume. TEXTE FRÉDÉRIC LEJOINT

D epuis les élections fédérales de 2014 et l’arrivée d’une coalition qui avait laissé sur la touche les socialistes

francophones et néerlandophones, le tax shift a été au centre du débat politique belge. Pour rappel, il visait à faire glisser les prélèvements sur le travail vers d’autres formes de rentrées fiscales : la consommation, les comportements polluants ou le patrimoine. Parvenir à un accord avec l’ensemble des par-tis au pouvoir s’est toutefois avéré ardu. C’est finalement dans la douleur qu’un accord sera annoncé au milieu des vacances scolaires (voir page suivante, en encadré).

Pas une révolutionLe centre de gravité de la fiscalité belge n’a pas été modifié, et reste centré sur la taxation des revenus professionnels. Les réformes se sont une nouvelle fois faites à la marge, et dans l’ensemble, on peut dire que les détenteurs de patri-moine ne devraient pas être trop impactés par ces mesures. « Ce n’est clairement pas une révolution », souligne François Parisis (Juriste-fiscaliste chez Puilaetco Dewaay Private Bankers). « Les grands perdants, ce sont une nouvelle fois les classes moyennes, qui ne bénéficieront pas d’un allège-ment de la fiscalité sur le travail, et subiront pleinement la hausse de toutes les taxes (alcool, tabac, diesel, électricité). Les allocataires sociaux n’ont également pas été favorisés, l’ambition du gouvernement étant clairement de recreuser un écart avec les faibles salaires et les allocataires afin d’in-citer ces derniers à reprendre une activité professionnelle. » « Je trouve que nous aurions pu aller plus loin que 100 euros par mois de tranche exemptée pour les petits salaires lors-qu’on voit ce qui se fait dans les pays voisins », regrette Christophe Boeraeve (Avocat Tax & Corporate chez Law Right), « mais d’un point de vue budgétaire, ce n’est pas sûr qu’ils auraient pu aller beaucoup plus loin. »

PrécompteLa hausse du précompte mobilier à 27 % touchera les reve-nus d’intérêts et les dividendes à partir du 1er janvier 2016. C’est la troisième révision à la hausse depuis 2012, avec un taux d’imposition qui est passé de 15 à 27 %. « C’est une mauvaise nouvelle pour les entrepreneurs, car les divi-dendes distribués par leur société vont être de nouveau taxés d’avantage. Si nous intégrons l’impôt des sociétés,

Les grands perdants sont encore les classes moyennes,

qui ne béné�cieront pas d’une baisse de la �scalité sur le travail. ” François Parisis, Puilaetco Dewaay Private Bankers

c’est près de 50 % du résultat qui est potentiellement confis-qué. Ce n’est pas spécialement une incitation à créer de l’em-ploi en entreprenant », souligne Christophe Boeraeve (Law Right). « Fondamentalement, cette mesure va surtout inté-resser les “grosses boîtes”, mais pas les petites PME qui béné-ficient déjà d’incitations à engager, ni les indépendants. »

Plus-valuePour ce qui est de l’impôt sur les plus-values spéculatives réalisées dans les six mois, François Parisis (Puilaetco Dewaay Private Bankers) souligne que cela risque surtout de modifier le comportement des investisseurs. « Ils retar-deront la réalisation de leurs plus-values au-delà du délai de six mois. Et inversement, ils anticiperont la réalisation de leurs moins-values. Bref, ils feront ce qu’il faut pour échap-per à cette nouvelle taxe. Le gouvernement est d’ailleurs très prudent dans ses estimations (28 millions d’euros). Par contre, il s’agit d’un signal important, car une future coali-tion plus à gauche sur l’échiquier politique pourrait facile-ment augmenter le délai de 6 mois afin de rendre impo-sables les plus-values non spéculative, ce qui alignerait la Belgique sur la situation des pays qui l’entourent. »« La position de la Belgique dans ce domaine est de plus en plus affaiblie », confirme Christophe Boeraeve (Law Right). « Mais il faut également constater que le taux auquel cette plus-value serait imposée sera nettement inférieur au taux marginal d’imposition de l’impôt sur les revenus profes-sionnels (50 % à partir de 37.000 euros). » « Les comportements des investisseurs changeront sans doute, et c’est surtout au niveau des particuliers qui font du trading boursier que cette taxe aura un impact », souligne Colette Téchy (Conseiller Juridique est Fiscal chez ING Private Banking). « À notre niveau, nous gérons toutefois les patrimoines de manière prudente, avec des positions qui restent généralement plus de 6 mois en portefeuille. » Elle souligne cependant que les modalités pratiques de cette nouvelle mesure ne sont pas encore bien définies. « Ce qui est certain, c’est que nous devrons fournir les informations nécessaires aux clients, et que le calcul d’une plus-value est une tâche beaucoup plus compliquée que de calculer un précompte mobilier. » Par contre, la taxe sur les plus-values supérieures à 10 mil-lions d’euros, qui figurait aussi parmi les mesures envisa-gées, n’a finalement pas été retenue. « Cette taxe aurait diminué significativement l ’attractivité fiscale de la Belgique, et aurait eu un effet très négatif sur l’image du pays  », souligne François Parisis (Puilaetco Dewaay Private Bankers). « En outre, cette mesure aurait facile-ment pu être évitée en constituant une société holding luxembourgeoise, avec pour conséquence des sorties de capitaux qui n’auraient pas nécessairement été réinvestis en Belgique. Nous vivons aujourd’hui dans un environne-ment très concurrentiel au niveau fiscal, et il n’est pas possible de gouverner uniquement en succombant aux sirènes de la rue. »

“* En français, il s’agit tout simplement d’une réforme fiscale.

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Nos clients sont assez soulagés que le gouvernement n’ait pas pris de mesures plus agressives pour taxer le capital. ”Colette Téchy, ING Private Banking

compétences », souligne Charles Kesteloot (Head of Estate Planning chez Petercam).

IndépendanceAlors que les deux autres régions font encore appel aux fonc-tionnaires fédéraux pour collecter les droits de donation, la Région flamande a mis en place sa propre administration fiscale (basée à Alost) et a introduit un nouveau code fiscal spécifique à la Région Flamande. « Le but était de rassem-bler dans un seul code tous les aspects fiscaux sur lesquels la Région flamande était compétente », rappelle Alain Van Geel (Partenaire chez Tiberghien Lawyers). Celui-ci ne manque toutefois pas d’essuyer le feu des cri-tiques des avocats fiscalistes et autres spécialistes de la structuration patrimoniale auprès des banques privées. Outre qu’il n’y ait aujourd’hui plus aucun lien entre le code flamand et le code des autres régions, les spécialistes sou-lignent le caractère souvent peu intuitif et illisible de la nouvelle nomenclature. « En outre, le législateur flamand a modifié le contenu de certaines mesures existantes sans le communiquer clairement aux contribuables. Il n’est par exemple plus possible pour un notaire d’annexer à son acte un pacte adjoint pour réaliser une donation in extremis (“sur le lit de mort”) », indique encore Alain Van Geel (Tiberghien Avocats). « Les notaires n’ont également plus de contact direct avec l’administration fiscale, ce qui est également un inconvénient pour les contribuables qui n’ont plus vraiment un interlocuteur direct à qui s’adresser. »

SuccessionDepuis le 1er janvier 2015, la Flandre a changé les règles pour la déclaration d’une succession, avec notamment des condi-tions plus strictes qui entraînent l’imposition d’une pénalité de 5 % lors du dépôt tardif, et ce dès le premier jour de retard (au bout de quatre mois après le décès), et même si le contribuable a demandé un délai à l’administration fiscale. « En outre, provisionner les droits de succession n’est plus autorisé, ce qui va coûter beaucoup plus cher au contri-buable qui doit rentrer des déclarations compliquées, ce qui est souvent le cas lorsqu’une partie du patrimoine se situe à l’étranger, car il faut identifier les légataires, obtenir les informations sur les comptes à l’étranger, régler la succes-sion des immeubles dans les différents pays », souligne Alain Van Geel (Tiberghien Avocats).« En outre, la procédure de valorisation des biens immobi-liers a également été modifiée, et l’administration fiscale flamande pourra désormais contester la valorisation don-née à un bien jusqu’à cinq ans après le dépôt de la déclara-tion », souligne Charles Kesteloot (Petercam). « En gros, la procédure est aujourd’hui beaucoup plus stricte, avec des amendes beaucoup plus élevées que par le passé. »

DonationLa principale mesure prise au niveau fiscal par l’adminis-tration flamande porte sur les donations immobilières, dont les barèmes ont été fortement réduits depuis le mois de

« Nos clients sont généralement assez soulagés que le gou-vernement n’ait pas pris de mesures plus agressives pour taxer le capital », confirme Colette Téchy (ING Private Banking). « C’est surtout vrai pour les chefs d’entreprises qui craignaient d’être lourdement imposés lors de la revente de leur société, et au niveau international, cela ne changera pas fondamentalement l’attrait de la Belgique. »

ParalysieLa Belgique reste paralysée par son système de taxation repo-sant principalement sur une imposition des revenus du tra-vail. La France semble, à cet égard, plus équitable, tous types de revenus étant pris en considération pour le calcul de l’im-pôt, avec une progressivité beaucoup plus lente dans les tranches d’imposition, et un taux maximal de 45 % qui n’est atteint que pour la tranche de revenus supérieure à 150.000 euros, majorés de 3 % au-delà de 250.000 euros et de 4 % au-delà de 500.000 euros. « Adopter un tel système serait une véritable révolution fiscale  », souligne François Parisis (Puilaetco Dewaay Private Bankers), « mais les politiques n’oseront pas se lancer dans une telle réforme, car il est impossible de savoir de quelle manière les comportements

Les principales mesures annoncées• la TVA sur l’électricité remonte à 21 %• hausse des accises sur le diesel (+ 1,3 centime par litre et par an jusqu’en 2018), l’alcool (+2,5 euros par bouteille), le vin (+10 centimes d’euros par bouteille) et le tabac (+70 centimes par paquet de cigarettes)• taxe sur les boissons à teneur élevée en sucre• 100 euros de pouvoir d’achat en plus pour les plus bas salaires• le précompte mobilier monte de 25 à 27 %• taxation sur les plus-values réalisées sur les actions (avec déduction des moins-values) si la vente intervient moins de 6 mois après l’achat• économies liées à un meilleur fonctionnement de l’État (700 millions d’euros)

des acteurs économiques seraient affectés. Ils auraient beau-coup trop à perdre. »« La Belgique reste un paradis fiscal pour les rentiers, et un enfer pour les travailleurs », conclut Christophe Boeraeve (Law Right), « avec des revenus du travail qui sont parmi les plus taxés au monde. Il ne faut pas oublier que l’impôt sur les personnes physiques est une matière qui est en partie régionalisée. Si l’impôt fédéral baisse, cela provoquera un manque à gagner dans les trois régions, ce qui les incitera certainement à augmenter leurs recettes par d’autres voies. Il est donc particulièrement délicat de parvenir à faire bais-ser la pression fiscale globale en Belgique. »

La Flandre innove encore sur les donationsEntre révision en profondeur des mécanismes de donation immobilière et les ratés liés au nouveau code flamand, les innovations fiscales auront été marquantes depuis le début de l’année. Si le tax shift n’a finalement pas été un grand chambarde-ment pour la politique fiscale belge, la fiscalité régionale a subi une véritable révolution depuis le début de l’année. « La 6ème réforme de l’État belge a accordé plus d’autonomie aux régions au niveau fiscal, mais jusqu’ici, seule la Région fla-mande a vraiment commencé à utiliser ses nouvelles

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soit un système qui est aujourd’hui plus attrayant qu’en France (où le délai de 15 ans est actuellement en vigueur avant de reconstituer l’abattement). Mais également de per-mettre des donations immobilières à des tiers à des tarifs significativement moins prohibitifs qu’auparavant. En outre, les taux seront encore davantage abaissés si la donation s’ac-compagne d’une rénovation de l’habitation pour transformer la maison en une habitation moins énergivore.« L’objectif de cette mesure est d’inciter les gens à investir et à rénover le patrimoine immobilier, et à transmettre de leur vivant. Tout en augmentant à court terme les rentrées fiscales, et en tablant que la baisse des droits de succession à plus long terme sera remplacée par d’autres sources de rentrées fiscales », souligne Alain Van Geel (Tiberghien Avocats). « Et je pense que ça va réussir. »« La Flandre avait déjà été la première région à introduire un système de donation à 3 % pour les biens mobiliers. Avec ce nouveau régime, il faut s’attendre à une vague de dona-tions immobilières dans un futur proche, et à un manque de recettes dans un futur plus éloigné. Surtout lorsque de nombreux biens auront changé de mains », souligne Charles Kesteloot. « Cette nouvelle législation va toutefois redonner tout son intérêt aux donations immobilières, qui coûtaient auparavant beaucoup trop cher à mettre en œuvre. »

Concurrence régionale La question est aujourd’hui de savoir si les autres régions suivront le mouvement, ou plutôt si elles auront le choix de ne pas suivre le mouvement. Car en Belgique, les droits de donation sont perçus dans la région de résidence du contri-buable, que le bien donné soit situé en Flandre, en Wallonie ou à Bruxelles. Une situation inverse de la situation exis-tante au niveau international, où les droits de donation immobilière sont perçus dans le pays où le bien est situé. Dès lors, il suffirait à une personne d’aller vivre pendant quelques années (au minimum deux ans et demi) dans le nord du pays avant de pouvoir bénéficier de ce régime très avantageux, et entraîner un manque à gagner significatif aux autres régions du pays. Si l’avantage ne poussera pro-bablement pas à l’exil les familles, un isolé qui souhaite transmettre un bien sans être pénalisé par les tranches

La procédure de valorisation des biens immobiliers dans une succession est aujourd’hui beaucoup plus stricte, avec des amendes plus élevées qu’avant . ”Charles Kesteloot, Petercam

juillet 2015 avec une réduction des catégories de donataires de quatre à deux. L’ancien système prévoyait quatre tarifs différents selon le lien de parenté avec un régime progressif par tranche, qui pouvait aller de 3 à 30 % en ligne directe, et de 30 à 80 % pour une donation à un tiers. Le nouveau système ne reconnaît plus que deux catégories : les époux/cohabitants/enfants en ligne directe, et tous les autres (frères et sœurs, oncles et tantes, nièces et neveux, personnes tierces). Les taux applicables vont de 3 à 27 % en ligne directe, et de 10 à 40 % en ligne indirecte (voir tableau). La principale innovation de ce système est de permettre une donation immobilière de 150.000 euros par parent et par enfant à un taux très favorable, renouvelable tous les trois ans,

ANCIEN RÉGIME EN LIGNE INDIRECTE ET ENTRE TIERS

Tranche Taux Frère /Sœur

Taux Famille Autre Taux Tiers

0-12.500 20 % 25 % 30 %

12.500-25.000 25 % 30 % 35 %

25.000-75.000 35 % 40 % 50 %

75.000-175.000 50 % 55 % 65 %

>175.000 65 % 70 % 80 %

Exemples de donation immobilière

• Un couple donne un bien commun d’une valeur de 850.000 euros à ses deux enfants. Comme il y a deux donateurs et donataires, il s’agit donc de quatre donations distinctes d’une valeur de 212.500 euros. Aux taux applicables avant le 1er juillet 2015, le couple aurait payé 19.785 euros par donation, soit 79.140 euros ou 9,3 % de la donation. Sur base des nouveaux taux, le couple devra payer 10.080 euros par donation, soit 40.320 euros ou 4,7 % de la donation. Dans l’ensemble, il s’agit donc d’une économie fiscale de 38.820 euros.• Prenons maintenant le cas d’un homme célibataire sans enfant gravement malade qui décide de donner sa maison de 500.000 euros à son meilleur ami. Dans l’ancien régime, il aurait été soumis au tarif entre tiers, avec le paiement de droits de donation exorbitants de 358.125 euros, soit 71.6 % de la donation immobilière. Avec le nouveau régime, les droits de donation baissent à 115.000 euros, soit une taxation de 23 % et une économie fiscale de 243.125 euros.

NOUVEAU RÉGIME SIMPLIFIÉ

Tranche Ligne Directe

Ligne Indirecte

Ligne Directe

Eco

Ligne Indirecte

Eco

0-150.000 3 % 10 % 3 % 9%

150.000-250.000 9 % 20 % 6 % 17%

250.000-450.000 18 % 30 % 12 % 24%

>450.000 27 % 40 % 18 % 31%

ANCIEN RÉGIME EN LIGNE DIRECTE

tranche Taux

0-12.500 3 %

12.500-25.000 4 %

25.000-50.000 5 %

50.000-100.000 7 %

100.000-150.000 10 %

150.000-200.000 14 %

200.000-250.000 18 %

250.000-500.000 24 %

>500.000 30 %

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Les autres régions vont être obligées de suivre la Flandre, à terme, si elles ne veulent voir échapper d’importantes rentrées �scales. ” Alain Van Geel, Tiberghien Avocats

“élevées des droits de succession applicables en Wallonie et à Bruxelles sera probablement plus tenté par une telle démarche. « Selon moi, les autres régions seront obligées de suivre à terme si elles ne veulent pas voir s’échapper d’im-portantes rentrées fiscales  », souligne Alain Van Geel (Tiberghien Avocats).« Cette mesure est la porte ouverte à une concurrence fis-cale accrue entre les différentes régions, et poussera cer-tains contribuables à aller s’installer en Flandre. La situa-tion financière de chaque région étant différente, les écarts risquent de se creuser à l’avenir dans le traitement fiscal appliqué au logement principal ou au traitement des emprunts hypothécaires  », souligne encore Charles Kesteloot (Petercam).

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Maladie de jeunesseAlors que les droits de donation étaient jusqu’à présent immédiatement perçus auprès de l’administration fédérale qui les reversait ensuite aux régions, le paiement des droits intervient aujourd’hui directement auprès de l’administration flamande, souvent plusieurs mois après l’enregistrement de la donation. Ce qui en soi n’est pas spécialement une mauvaise a�aire pour les contribuables, mais ce qui retarde souvent les procédures. « Tous les notaires se plaignent du retard pris, qui dépasse aujourd’hui cinq mois », souligne Charles Kesteloot (Petercam). « C’est une nouvelle administration qui fait sa maladie de jeunesse, et nous essuyons actuellement les plâtres. Je m’attends toutefois à ce que la situation se normalise dans le futur. » « Le but était d’avoir des procédures plus e�caces, mais pour le moment, ce n’est pas encore le cas », souligne Alain Van Geel (Tiberghien Avocats). « Le problème est aujourd’hui un manque de moyens pour engager du personnel compétent, un problème auquel les autorités flamandes vont devoir remédier afin de rétablir les liens entre l’administration fiscale et les notaires et avocats fiscalistes. »

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