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Romain CHEVALIER sous la tutelle de Bertrand ENJALBAL BACHELOR JOURNALISME - ISCPA TOULOUSE | 2016
La confiance des
lecteurs face aux
nouveaux formats
du web MEMOIRE DE FIN D’ETUDES
Remerciements
Je tiens à remercier l’ISCPA où j’ai suivi une formation de Bachelor en journalisme. Cet
enseignement m’a permis d’obtenir les moyens nécessaires pour réaliser ce mémoire. Les
stages que j’ai effectués au cours de ce cursus ont également été formateurs et m’ont
permis d’adopter une vision du métier.
Je remercie mon tuteur de mémoire, M. Bertrand ENJALBAL pour son aide et ses conseils
tout au long de cette réalisation. Il a su répondre à mes différentes interrogations et
m’orienter dans la bonne direction lors de mes recherches.
Merci à Manon CHATEAUVIEUX, pour ses remarques constructives, pour l'aide qu'elle a
pu m'apporter et pour l'intérêt qu'elle a bien voulu porter à ce travail.
Merci également à Camille, pour son soutien et ses encouragements permanents durant la
réalisation de ce mémoire.
Enfin je remercie ma famille et mes amis qui m’ont aidé et soutenu tout au long de ce
mémoire.
Sommaire
Tables des illustrations
Introduction
I. Les nouveaux formats du web: une répartition bien précise entre médias
classiques et freelances
1. Le long format, un format très prisé des gros médias
2. Le webdocumentaire reste peu convoité par les gros médias
3. Serious game (Newsgame) : un format plus adapté aux freeelances
4. Les médias indépendants favorisent le slow média
II. Malgré une expérimentation très répandue dans les médias, les nouveaux
formats peinent à faire émerger un modèle économique
1. Très expérimentés, les nouveaux formats restent des formats de
complément plutôt que d’avenir
2. Coûteux en temps et en argent, les formats du web ne sont pas viables
3. Soignés et interactifs, ces nouveaux formats deviennent une vitrine
pour les médias
III. Les nouveaux formats dopent davantage l’audience et l’image des
médias que la confiance des lecteurs
1. Une confiance plus entachée sur le web
2. La perte de confiance : un sentiment qui n’est pas lié au format
3. Des nouveaux formats qui attirent un nouveau lectorat
Conclusion
Bibliographie - Sitographie
Glossaire
Annexe
3
3
6
8
10
14
14
17
24
27
27
32
34
39
41
42
43
Tables des illustrations
1. Classement des longs formats, longform.org, page 16
2. Voyage au bout du charbon, lemonde.fr, page 18
3. Maquette identique, letemps.ch, page 21
4. Snow Fall, nytimes.com, page 26
5. Enquête Ipsos/ Steria, scribd.com, page 27
6. Graphique information par pays, reutersinstitute.politics.ox.ac.uk, page 28
7. Tableau information par pays, reutersinstitute.politics.ox.ac.uk, page 29
8. Tableau source d'information, reutersinstitute.politics.ox.ac.uk, page 29
9. Baromètre de confiance d ans les médias, tns-sofres.com, page 30
10. Parodie journalistique, legorafi.fr, page 31
11. Tchernobyl, lemonde.fr, page 34
12. Reconstruire Haïti, apps.rue89.com, page 36
13. Coeurs entremêlés, ladepeche.fr, page 37
Introduction
L'arrivée d'Internet, le 2 septembre 1969, marque la naissance de la "toile mondiale" telle
qu'elle existe encore actuellement. Dans le monde du journalisme, elle a permis aux médias
d'évoluer en termes de rapidité, de mise en page et d'attraction compte tenu de la diversité
d'informations que propose ce support.
Elle a également fait émerger de nouveaux formats journalistiques, le long format, le
webdocumentaire ainsi que le newsgame.
Au nombre de trois, ces formats se présentent sous la forme de reportages journalistiques
particuliers. En effet, ils se différencient des récits présentés dans les journaux qui sont
statiques, imposés aux lecteurs et peu mis en valeur. A contrario, les nouveaux formats du
web offrent du mouvement, un aspect attrayant et sont dénudés de toute forme de publicité.
De même, ils diffèrent des articles conventionnellement écrits sur Internet, en donnant la
possibilité aux internautes d'être actifs et d'agir librement.
De plus, ces formats innovants, bien pensés, parfois surprenants et instructifs sont souvent
faciles à utiliser. Toutes ces caractéristiques en font des objets uniques qui peuvent attirer
de nombreux utilisateurs.
Cependant la notion de confiance chez le lecteur est complexe, difficile à obtenir et propre
à chacun. Elle se traduit par une perte d'une partie de l'audimat dans les médias. En outre,
les prises de positions parfois trop affichées des journalistes et les informations quelques
fois erronées en sont les principales causes. De même, l'envie des rédactions de toujours
donner la priorité au scoop, contribue également à cette perte de confiance. À noter que
cette envie est notamment due à l'apparition du support Internet.
Il paraît donc nécessaire de se poser la question suivante : Le développement de nouveaux
formats sur le web permet-il de redonner confiance aux lecteurs ?
Tout d'abord, il convient de définir et de détailler les nouveaux formats apparus sur le web
qui sont aujourd'hui dispatchés entre les médias et les journalistes indépendants (partie I).
Plus tard, il sera intéressant d'étudier leurs utilisations au sein des médias et leurs
difficultés à trouver un modèle économique rentable (partie II).
Enfin, il sortira de ce mémoire que les nouveaux formats du web offrent une nouvelle
audience aux médias mais avec une confiance toute relative (partie III).
3
I. Les nouveaux formats du web : une répartition bien précise entre médias
classiques et freelances
Avec l’apparition d’Internet, de nombreux formats journalistiques sont nés : long format,
webdocumentaire, serious game…. Nous pensons que ces nouveaux formats n'ont pas la
même exposition au sein des médias. En effet, ils sont plus ou moins difficiles à réaliser et
à mettre en page.
Quels sont les types de formats choisis par les différents médias ?
1. Le long format, un format très prisé des gros médias
Simple et facile à créer, le long format ou ‘long form’ se retrouve aujourd’hui sur tous les
sites d’actualités : Le Parisien, Libération, BFM TV, Le Télégramme… tous les gros
médias se sont mis à fabriquer ce nouveau format du web.
Mais pour quelles raisons ?
Le long format est d’abord simple à fabriquer. En effet, il s’agit tout simplement d’un texte
long enrichi de contenu multimédia. Ce texte est généralement composé de 10 000 à
20 000 signes, cependant certains longs formats en contiennent plus de 50 000. Cette
longueur de texte, presque illimitée, est possible grâce au support web.
Contrairement au support papier, qui accueille quelques longs articles nommés longs
formats (5 000 signes), le web offre une place considérable à l’écriture, presque infinie.
Pour le journaliste, c'est une sorte de réhabilitation de l’écriture, il a donc moins de
frustration quant à la place ou au temps. Le sentiment d'exhaustivité est aussi plus grand.
Mais le long format offre également un contenu multimédia incomparable, proposant une
multitude de possibilités. De la photographie à la vidéo, en passant par de l’infographie ou
bien encore de l’animation. Il permet de traiter divers aspects d'un sujet sous plusieurs
formes. C’est là que l’on retrouve alors la qualité première du long format web, celle du
storytelling, de son innovation narrative.
4
« Le long format en lui-même n’est pas apparu avec Internet. Par contre Internet permet
de bien mieux bosser le storytelling et faire quelque chose de beaucoup plus riche. On va
avoir une palette d’outils que l’on ne va pas retrouver sur quelque chose qui est très
statique comme un magazine ou un journal papier. » 1
Les technologies propres au web viennent enrichir et mettre en exergue le long texte
journalistique. Et certains gros médias l’ont bien compris puisqu’ils ont carrément décidé
de fabriquer au sein de leur site une rubrique spécialement dédiée aux longs formats. Parmi
eux, on retrouve le journal Le Monde ou bien encore le quotidien sportif le plus lu en
France, l’Equipe.
Ces deux médias majeurs proposent ainsi à leurs lecteurs un rendez-vous quasiment
mensuel. Intitulée Explore, cette partie du site l’Equipe.fr regorge de longs formats papier
ciselés de photos, vidéos et infographies. Mais aussi tout simplement de longs formats
vidéo. Des reportages longs, fouillés, riches et utilisant tous les médiums possibles. Un vrai
travail d’enquête qui nécessite plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour certains
sujets.
« J’ai l’impression de faire un métier un peu différent, faisant appel à un plus grand
nombre de compétences et donc d’interlocuteurs. C’est un sport collectif quand le grand-
reportage papier ressemblerait plus à un travail individuel. Je reviens, j’écris et ensuite je
livre aux SR/Editeurs/Rédacteurs-en-chef… » 2
Plus qu’un simple article sur le web formé d’un titre, texte et boutons pour les réseaux
sociaux, ce nouveau format demande une réelle collecte d’informations et de données
(reportages, enquêtes, portraits). Le long format permet d’installer l’histoire pour le
lecteur, de lui offrir un nouveau caractère ludique de lecture par la multiplicité des médias
qu'il utilise. La possibilité de multiplier les entrées, la variété des vecteurs d’information. Il
offre également une navigation entre instinct, et fluidité. L’addition des différents médias
et la construction de l’ensemble permet alors à ce format de se différencier des produits du
papier.
1 Sébastien Bossi Croci, l’un des fondateurs d’IJSBERG (interview réalisée par mes soins) 2 Rémy Fiere, en charge de l’Explore à l’Equipe (interview réalisée par mes soins)
5
« C’est un peu comme si le papier, c’était de la 2D et ces formats-là, de la 3D. Tu as
forcément l’impression d’un bond qualitatif. »3
D’autres médias, cependant beaucoup plus petits, ont eux aussi fait choix de proposer des
longs formats sur leurs sites et d’en faire quasiment leur marque de fabrique. ISJBERG,
une startup lyonnaise, est l’un d’entre eux. Fondée en 2014, ce média indépendant propose
trois temps sur son site, dont un (Lentement) uniquement dédié aux longs formats. Très
épurés, ces derniers laissent place à une navigation intuitive et un visuel soigné.
« Sur un ordinateur, tu ne peux pas te permettre d’avoir juste du texte sur un fond blanc.
D’une part parce que cela est illisible et d’autre part parce que d’autres vont proposer
plus que toi. Il y a une compétitivité entre les médias qui est encore plus importante sur
Internet que sur papier. Pour un lecteur, c'est très simple de changer d’onglet sur Internet.
Il faut donc être le meilleur et proposer la meilleure expérience de lecture possible. »4
Estimé à un temps de lecture moyen de 10 minutes, le long format permet d'accrocher le
lecteur sur une longue durée. Cependant il doit être pertinent, percutant, et accrocheur. En
effet, les Français passent en moyenne 41 secondes sur la même page. Ils scrollent* les
pages, et s’arrêtent seulement sur les informations qui les intéressent. Au total, 80 % du
texte est lu en diagonale, et simplement un quart en mot à mot.
« Peut-être est-ce le format qui demande une implication du public. Ne serait-ce que
rentrer en plein écran, oublier son portable, et se consacrer entièrement à cette immersion
pendant plus de dix minutes. Cette concentration est difficile à avoir quand on navigue sur
internet. Mais c’est comme ça que l’on en ressort avec une vraie expérience, qu’on
apprend des choses, et qu’on a le temps de se poser des questions. C’est la différence entre
un bon restaurant et un fast-food. »5
3 Rémy Fiere, en charge de l’Explore à l’Equipe (interview réalisée par mes soins) 4 Sébastien Bossi Croci, l’un des fondateurs d’IJSBERG (interview réalisée par mes soins) 5 Abel Ségrétin, auteur et journaliste (interview réalisée par mes soins)
6
2. Le webdocumentaire reste peu convoité par les gros médias
Autre nouveau format né avec l’apparition d’Internet, celui du webdocumentaire. En effet,
les nouvelles possibilités techniques offertes par le web, ont permis à ce dernier de voir le
jour. Mais pas seulement. Ce nouveau format est aussi issu d’expériences, de tâtonnements
de journalistes qui cherchaient de nouveaux moyens de s’exprimer.
En ce sens l’un des tout premiers webdocumentaires à avoir réellement fait parler de lui est
sans doute « Prison Valley » de Philippe Brault et David Dufresne. Paru en 2010, ce
webdocumentaire montre un complexe prisonnier situé à Cañon City, une ville du
Colorado. Elle rassemble au total 13 prisons. Le reportage se présente sous la forme d’un
road-movie interactif dans une ‘ville-prison’.
Mais à quoi correspond vraiment un webdocumentaire ?
Si on décortique le mot, le terme webdocumentaire signifierait un documentaire hébergé
sur le web. Mais dans les faits, c’est plus complexe que cette simple définition. En effet le
mot webdocumentaire est un mot-valise qui regroupe de nombreux objets de natures
différentes allant du scrollitelling* au film interactif.
« Pour moi, tout travail documentaire diffusé sur le web est un webdocumentaire, que ce
soit un ensemble de vidéos postées sur Youtube, une interface interactive visant à recueillir
des témoignages sur un fait de société, ou un jeu vidéo traitant d'un sujet du réel. »6
Pour certains, cette définition serait à compléter, le webdocumentaire n’étant pas
seulement un documentaire diffusé sur le web.
« Un webdocumentaire est un documentaire qui est hébergé sur le web, qui est
potentiellement diffusé sur plusieurs supports (tablettes, ordi, smartphones), et qui a aussi
une forme adaptée au fond. C’est un curseur à placer entre la linéarité qui signifie faire
passer un message et l’interactivité qui veut dire immersion, puisque l’internaute devient
acteur. Beaucoup de projets on était appelé webdocumentaires alors qu’ils n’en sont pas.
6 Florent Maurin, fondateur de The Pixel Hunt (interview réalisée par mes soins)
7
Parfois on confond avec du data journalisme ou alors avec des sujets encyclopédiques où
l’on cherche à tout dire avec pleins de liens. Il n’y a pas de manuel du bon
webdocumentaire, cela n’existe pas. Chaque projet est complément différent et il n’y a pas
de moule pour en faire un bon. »7
Le webdocumentaire désigne un documentaire adapté au format web contenant différents
traitements multimédias (écriture, vidéo, son, image…). De même, tout comme un
documentaire classique, le webdocumentaire nécessite un travail sur le terrain, un long
reportage au contact des gens. Il nécessite donc un travail de longue haleine, qui au vu de
la rapidité de l’information sur Internet aujourd’hui, oblige les grands médias à le délaisser
quelque peu.
« Le journal La Voix du Nord a fait du web une priorité depuis plusieurs années, a
développé un service multimédia. Nous avons pris le pli de la rapidité de production mais
c'est bien la démarche individuelle qui fait la différence. Sans l'envie de découvrir et de
travailler autrement, on peut tout à fait réaliser un service minimum et passer à travers les
gouttes dans une grande maison comme la nôtre. « Migrants » est un bon exemple. Il
aurait pu paraître différemment, de façon plus banale, sans l'envie de réaliser un habillage
graphique webdocumentaire. »8
La trame narrative, la scénarisation a aussi son importance car un webdocumentaire
raconte généralement une histoire. Cette dernière peut être une structure linéaire (histoire
avec un début et une fin), élastique (un fil narratif principal avec des décrochages pour
explorer davantage), à embranchements (des choix multiples conduisant à des fins
différentes) ou bien encore nodale (des embranchements qui se rejoignent en points de
passages obligés).
Enfin, dernier aspect important que l’on retrouve dans un webdocumentaire, l’interactivité.
Plutôt que d’être passif derrière son écran, le lecteur est invité à prendre les commandes, à
cliquer, scroller, explorer. Ainsi le lecteur est davantage en immersion, impliqué dans la
création qu’il regarde. Cette interactivité permet une véritable “expérience utilisateur”. Le
lecteur peut ainsi s’amuser à déclencher les animations, les vidéos, etc.
7 Clément Debeir, cofondateur de Sapiens Sapiens, une société de production et de réalisation (interview réalisée par mes
soins) 8 Olivier Berger, grand reporter à La Voix du Nord depuis 10 ans (interview réalisée par mes soins)
8
L’interactivité fait également du webdocumentaire une production authentique. Et c’est
cette authenticité propre à ce nouveau format qui oblige certains gros médias à en produire
très peu. Faute de temps et d’argent. Ce sont donc des journalistes indépendants
(freelances*) ou encore des auteurs qui en créent beaucoup. Certains d’entre eux décident
alors, faute de connaissances technologiques, de faire appel à des boîtes de productions.
« Je pense qu’ils viennent nous voir par rapport à cette question de l’interactivité, de
savoir quelle liberté tu donnes à l’internaute. En lui donnant cette liberté, tu vas perdre
l’aspect, je conduis l’internaute d’un point A à un point B. Et malgré tout, un auteur de
documentaires doit faire passer un certain nombre d’informations, faire passer un
message. Or, si tu donnes trop de liberté à l’internaute, tu peux le faire passer à côté d’un
message. En résumé, ils viennent chercher une vision de la narration. »9
3. Serious game (Newsgame) : un format plus adapté aux freelances
« Chaque homme cache en lui un enfant qui veut jouer ». Cette citation de Nietzsche
montre bien l’importance de la relation unissant l’homme et le jeu. Dans les jeux narratifs
comme les serious games (jeux vidéo « à l'intention sérieuse »), le lecteur, l’internaute
devient un décideur. Il peut prendre des décisions qui vont influencer le déroulé de son
histoire, mais aussi le parcours des personnages du récit.
« Un serious game est un objet interactif qui fonctionne selon des mécaniques de jeu. Le
joueur a un objectif à atteindre et il peut tenter de l'atteindre de la manière qu'il souhaite
du moment qu'il respecte les règles du jeu. »10
De ce fait, un serious game est un type de webdocumentaire : un jeu interactif qui permet
de sensibiliser le lecteur à une thématique plus sérieuse. À noter que les webdocumentaires
les plus interactifs sont de l’ordre du serious game, comme par exemple « Voyage au bout
du charbon » réalisé par Abel Ségrétin et Samuel Bollendorff. Il est donc difficile de faire
la différence entre les deux. Cependant, la base d’un serious game est de faire passer de
manière ludique, si possible en immersion, un message ou une information.
9 Clément Debeir, cofondateur de Sapiens Sapiens, une société de production et de réalisation (interview réalisée par mes
soins) 10Florent Maurin, fondateur de The Pixel Hunt (interview réalisée par mes soins)
9
L’information passe mieux par l’intermédiaire d’un jeu, il permet de mieux apprendre. En
effet comme l’explique Jean-Philippe Lachaux, chercheur en neurosciences, « Les jeux
vidéos sont réfléchis et pensés de telle manière, qu’ils permettent de verrouiller l’attention.
On gagne des points, on accède à des nouveautés. Or le circuit de récompense (zone dans
le cerveau) est particulièrement sensible aux nouveautés et à l’information. »
Les premiers serious games sont vieux comme le jeu vidéo. Oregon Trail, par exemple,
peut être considéré comme un jeu sérieux dont le but principal est d’apprendre aux lecteurs
les réalités de la conquête de l’Ouest. Pour preuve, le jeu a été installé sur de nombreux
ordinateurs des salles de classe américaines pendant les années 80. Il était censé remplir un
rôle pédagogique auprès des élèves. L’internaute contrôlait un chariot qu'il devait amener
jusqu’à la ville d’Oregon City. Il gérait également les ressources à sa disposition telles que
la nourriture ou les balles de fusil. De plus, l’internaute pouvait choisir d’être plus ou
moins riche en fonction du métier de base qui choisissait (banquier, charpentier ou
fermier).
Cependant, le terme serious game dans son sens moderne est apparu au début du XXIème
siècle, quand l'armée américaine s'est rendue compte du formidable potentiel des jeux
comme outils de formation. Sorti en 2002, America’s Army est donc considéré comme le
premier serious game.
Toutefois, ces nouveaux formats ont une particularité, ce sont des jeux narratifs dont
l'objectif premier n'est pas le divertissement mais plutôt la publicité, la formation, ou
encore transmission d’informations journalistiques. Et dans ce dernier cadre, on parle plus
précisément de newsgame, un type de serious game qui associe jeu vidéo et journalisme.
Mais qui créent ces newsgames dans le monde du journalisme ?
Les serious games ont un objectif pédagogique précis et cherchent autant à distraire qu’à
véhiculer un point de vue d’auteur. Et dans le cadre du journalisme, ces auteurs ne sont
presque que des freelances. En effet, ces derniers sont plus libres en temps et en créativité.
Ils ne sont pas restreints par les rédactions qui imposent des normes ou encore des objectifs
précis à atteindre.
10
«Avec Florent Maurin, nous avons donc voulu tester des choses sur le projet Reconstruire
Haïti et tant pis si cela ne fonctionnait pas. On a eu une logique assez radicale puisqu’on
est partis d’un sujet qui n’était pas le plus vendeur du monde et dont le thème n’était pas
non plus le plus vendeur (le développement). »11
Avec les newsgames, les freelances cherchent à rendre sexy des sujets souvent un peu
pointus, ou encore à toucher un lecteur plus jeune ou moins habitué des sites
d’informations. Dans le cadre du serious game « Reconstruire Haïti », l’auteur Jean
Abbiateci a décidé de laisser le choix aux lecteurs. Ce newsgame montre alors les bons et
les mauvais choix que fait l’internaute et l’impact qu’ils ont sur le reste de l’histoire, sur la
situation d’Haïti.
« Pour moi, le newsgame, cela correspond à du journalisme tout en laissant aux lecteurs
la possibilité d’essayer des choses, une liberté de choix qui n’est pas possible dans un
article conventionnel. Que le lecteur puisse se dire : ‘moi j’aurais fait tels et tels choix et
de voir ensuite les conséquences que cela peut apporter’. Dans un article conventionnel
c’est le journaliste qui fait ses choix. »12
4. Les médias indépendants favorisent le slow média
Comme beaucoup de formats aujourd’hui hébergés sur le web, le slow média est d’abord
né sur le support papier. Apparu au début des années 2000 en tant que concept marketing,
le terme slow média revêtit le sens qu’on lui connaît, celui de ralentir, de prendre le temps
de consommer l’actualité calmement, et cela à partir de l’année 2008. En 2010, les
Allemands écriront même un manifeste sur cette pratique. Dedans, on y retrouve 14 points
qui expliquent la démarche et le concept précis du slow média.
« Les slow médias ont une aura : Les slow médias diffusent leur propre aura. Ils génèrent
la sensation que le média particulier appartient à ce moment précis de la vie de son
utilisateur. Bien qu’ils soient produits industriellement ou soient partiellement bâtis sur
11 Jean Abbiateci, rédacteur en chef adjoint au numérique à Le Temps et ancien freelance (interview réalisée par mes
soins) 12 Jean Abbiateci, rédacteur en chef adjoint au numérique à Le Temps et ancien freelance (interview réalisée par mes
soins)
11
des procédés industriels de production, ils donnent l’impression d’un caractère unique et
d’être autocentrés.
Les slow médias promeuvent le monotasking : Les slow médias ne peuvent être consommés
de manière distraite, ils provoquent au contraire la concentration de l’usager. Tout comme
pour la production d’un bon repas, qui demande une pleine attention de tous les sens par
le cuisinier et ses invités, les slow médias ne peuvent se consommer avec plaisir que dans
la concentration.
Les slow médias cherchent la confiance et ont besoin de temps pour devenir crédible.
Derrière les slow médias il y a des hommes et cela se ressent. »13
Le manifeste montre bien que le slow média, comme les autres formats présentés
précédemment, est un format plus long, plus lent. Mais pour certains, le slow média ne doit
pas être considéré comme un format.
« D’emblée, je verrais plutôt le slow média comme un concept, une philosophie voire une
ligne éditoriale attachée à une publication de presse. J’avoue ne pas le considérer comme
un format à part entière, mais plutôt comme un guide pour une rédaction toute entière ou,
du moins, pour une de ses rubriques, comme les Grands Formats du Monde par exemple.
La revue britannique Delayed Gratification est à ma connaissance l’une des premières à
avoir expérimenté le retour sur des évènements oubliés, le « journalisme de suivi » comme
on pourrait l’appeler. »14
Le slow média ne serait donc pas un format tel que le webdocumentaire ou le long format,
mais plutôt un concept, une philosophie. Une philosophie qui sort du flux continu de
l’information pour proposer des histoires pas forcément liées à l’actualité. Le slow média
sort des tendances du moment, il ne cherche à parler des mêmes sujets au même moment,
en employant les mêmes mots. En ce sens, certains magazines d’actualités parus il y a
plusieurs décennies contenaient déjà des attributs du slow média.
En France, c’est la revue XXI, lancée dès janvier 2008, qui sera la première à adopter cette
philosophie. Cette revue, comme certains mooks* en ont aujourd’hui fait leurs spécificités.
13 Le manifeste des slow media, Owni.fr 14 Pierre Leibovici, fondateur de l’Imprévu (interview réalisée par mes soins)
12
Plus récemment, des pure players* se sont positionnés sur ce secteur de l’information à
contre-courant de l’actualité chaude. Des médias entièrement indépendants, sans aucune
publicité, et uniquement financés par leurs abonnements.
On en dénombre quelques-uns en France dont, Le Quatre Heures, l’un des pionniers
(2013), L’imprévu ou encore Le Zéphyr né depuis seulement janvier 2016. Des médias
« expérimentaux » qui cherchent avant tout à s’éloigner du flow continu de l’actualité, de
l’infobésité*.
« Avant d’être une stratégie de différenciation vis-à-vis des autres médias, L’imprévu
publie des formats longs en décalage avec l’actualité parce que c’est le pari éditorial que
nous avons pris. Nous pensons que suffisamment de médias généralistes suivent le flux de
l’actualité (et le font plus ou moins bien), et qu’un journalisme utile au milieu de ce
tourbillon de l’info a justement intérêt à s’en éloigner, à se décentrer pour mieux
comprendre les enjeux et les tendances lourdes de nos sociétés. Après seulement peut-on
parler de stratégie, et dire qu’effectivement, on a plus de chances d’être lus si on fait un
pas de côté, si on propose aux lecteurs « autre chose » que les autres médias. »15
Ce pure player se considère donc comme un média à contretemps de l’actualité. Il revient
sur ce qui a fait la Une plutôt qu’il ne cherche à faire, en suivant l’agenda médiatique qui
dicte les différents sujets dont il faut parler sur un court : 24 heures avant l’arrivée du web,
plus que quelques heures aujourd’hui. Composé de trois rubriques (Affaire à suivre, Droit
de suite, Fil rouge), le site publie des articles qui s’apparentent à des longs formats dans la
mesure où certains textes font 17 000 signes.
Un mode de présentation qui rappelle celui d’IJSBERG, média évoqué précédemment. En
effet, le site est également composé de trois parties. Une consacrée à l’actualité chaude,
nommée 'Promptement', qui correspond à ce que le lecteur doit savoir absolument. Une
deuxième partie appelée 'Calmement', qui regroupe des histoires qui donnent à comprendre
le monde, qui expliquent des faits d’actualité d’une grande ampleur. Enfin, la dernière
intitulée 'Lentement' rassemble des histoires qui font appel à un ressort émotionnel,
sentimental. Le but : obtenir un impact fort, obligeant le lecteur à réfléchir sur le monde.
Ces histoires sont souvent très personnelles, très humaines et vont illustrer un problème
15 Pierre Leibovici, fondateur de L’imprévu (interview réalisée par mes soins)
13
beaucoup plus large. IJSBERG, mise donc lui aussi sur un rythme de l’information plutôt
lent pour la majorité de son site (deux rubriques sur trois).
On voit donc bien que le slow média, considéré par ses utilisateurs comme un concept
voire une ligne éditoriale, est essentiellement utilisé par des médias indépendants. Ces
derniers sont pour la plupart des pure players qui viennent tout juste d’émerger avec moins
de cinq ans d’existence. Ce choix éditorial permet à ces nouveaux médias d’exister
autrement.
Nous remarquons que les nouveaux formats du web n’ont pas tous la même exposition au
sein des médias. Certains sont en tête de gondole pendant que d’autres, plus complexes, se
cantonnent au rôle de quasi exception. Pourquoi ?
Une fabrication et une mise en forme plus simples pour certains, alors que pour d'autres la
mise en place d'une réelle interactivité pour le lecteur demande un travail supplémentaire et
fastidieux.
14
II. Malgré une expérimentation très répandue dans les médias, les nouveaux formats
peinent à faire émerger un modèle économique
Webdocumentaire, long format, serious game, tous ces nouveaux formats du web sont
aujourd’hui très répandus dans le monde du journalisme. Nous supposons que les médias
utilisent ces nouveaux formats car ils représentent l'avenir du journalisme sur Internet. Ils
permettraient de redonner ses lettres de noblesses à ce métier.
Alors quelles sont les stratégies des médias en créant ces nouveaux formats ?
1. Très expérimentés, les nouveaux formats restent des formats de compléments
plutôt que d’avenir
Plus d’une dizaine de médias, dont plusieurs très importants (Le Figaro, France Tv Info,
etc.) ont aujourd’hui pris le pli du long format. D’autres groupes de presse comme la
Dépêche du Midi ont même décidé de produire quelques webdocumentaires à l’aide de
sites spécialement conçus pour (Racontr) ou bien de travailler en collaboration avec des
sociétés de production comme le font des freelances.
Dans ce dernier cas, il n’y a ni règles, ni recettes magiques, chaque projet est unique.
Toutefois la démarche reste souvent similaire. Les journalistes amènent leurs sujets aux
boîtes de productions, telles que Upian ou Sapiens Sapiens, et entament une phase de
réflexion conjointement. Le sujet est travaillé, puis vient ensuite la forme, et puis à
nouveau le sujet, etc. C’est un aller-retour permanent entre fond et forme pour trouver la
meilleure solution possible pour raconter une histoire. Les sociétés de production
interviennent alors pour mettre en valeur les textes, les photographies, les vidéos ou bien
encore pour les produire.
Mais que cela soit pour des grands médias ou encore des journalistes freelances la
démarche est la même. Celle de produire et d’expérimenter ces nouveaux formats apparus
très récemment.
15
« Oui, évidemment il y a une démarche expérimentale parce que l’on introduit des
éléments qui n’existaient pas auparavant pour raconter une histoire journalistique. Mais
en même temps, le long format par exemple incorpore beaucoup d’ingrédients issus de la
presse papier et dont on sait qu’ils peuvent fonctionner : une attention portée à
l’iconographie, un récit avec des ‘personnages’ forts, etc. »16
Tous, médias comme journalistes indépendants, cherchent donc avant tout à maitriser ces
formats, à utiliser les bons outils. Tout simplement à prendre le coup de main, pour en
réaliser de nombreux, et cela de manière rapide et efficace.
Cependant pour quelques journaux cités précédemment tels que La Voix du Nord ou
l’Equipe, il ne s’agit pas de simples tests. Mais de vrais rendez-vous réguliers, la plupart du
temps mensuels. La rubrique longs formats du quotidien sportif, intitulé l’Equipe Explore
poursuit actuellement sa troisième saison, avec chaque année environ une vingtaine de
productions. Rémy Fière, la personne en charge de la rubrique Explore au journal, analyse
cette activité constante de manière claire. D’après lui, le quotidien sportif n’est plus du tout
dans une phase de test, mais plutôt dans une vision d’avenir.
« Je pense qu'il faut développer ces nouveaux formats, les pérenniser et accompagner avec
eux les évolutions de la technologie telles que l’utilisation de la 3D ou encore de la réalité
augmentée à termes. »17
À ce stade, arrêtons-nous quelques instants pour évoquer l’effet de ces nouveaux formats et
notamment des longs formats de l’autre côté de l’Atlantique. En effet, ces types de
narrations ont actuellement un succès considérable aux Etats-Unis. Un site internet,
Longform.org, ainsi qu’une application ont d’ailleurs été créés, respectivement en 2010 et
2012, pour regrouper les meilleurs longs formats produits aux cours des différentes années.
Ce même site propose également des podcasts hebdomadaires en compagnie des auteurs.
16 Pierre Leibovici, fondateur de L’imprévu (interview réalisée par mes soins) 17 Renaud Bourel, journaliste rugby pour l’Equipe et la rubrique Explore (interview réalisée par mes soins)
16
Aux États-Unis, les nouveaux formats du web relancent le journalisme sous ses formes les
plus nobles tout en incluant les nouvelles technologies. Ils sont à la fois un confort de
travail pour les journalistes puisqu’ils permettent une forme d’exhaustivité (même s'il faut
toujours rester vigilant à ne pas se disperser ou à être trop long en voulant être complet.)
Mais également un confort de lecture pour l’internaute. Ce dernier peut s'arrêter et revenir.
Prendre des pauses dans sa lecture grâce aux diverses incises qui consistent chaque fois en
un enrichissement journalistique.
Cependant, en ce qui concerne notre pays, le résultat est tout autre. La France se situe
encore en pleine crise de la presse. Et comme évoqué précédemment, la plupart des médias
sont encore aux prémices de ces nouveaux formats. L’heure est encore aux tâtonnements.
Figure 1 : Extrait du site longform.org qui diffuse des longs formats
17
« On tâtonne encore, mais ce qui semble se dégager, c’est plutôt un format ‘en
complément’ d’un format plus classique (souvent, un reportage vidéo ou un film). Donc
comme un bonus. Comme pour tous les nouveaux médias qui sont apparus, le livre, la
radio, le cinéma, la télé, l’internet, et tous les formats qui leurs sont liés, je ne pense pas
que cela fera disparaître les anciens. C’est autre chose, en plus. »18
Les fondateurs d’IJSBERG partagent également cette vision du format dit de
‘complément’. De ce fait, le site internet du média indépendant a souhaité proposer trois
temps de lectures différents dès sa création. Un pour ceux qui sont pressés, un autre pour
ceux ayant un peu de temps et un dernier pour les personnes ayant encore plus de temps.
30% de leurs lecteurs vont sur la rubrique 'Calmement', 30% sur la 'Promptement' et enfin
30% sur la 'Lentement'.
« Je pense qu’il faut que tous les formats continuent à coexister et à se compléter. En tout
cas, c’est en cela que l’on croit. Y a des publics pour tous les temps. Personnellement,
parfois je suis un public du format court et parfois du format long. Tout comme des fois tu
as envie de regarder un sketch de 5 minutes et d’autres fois un film qui dure trois
heures. »19
2. Coûteux en temps et en argent, les formats du web ne sont pas viables
Au vu des nombreuses recherches effectuées, il semble que le tout premier nouveau
format, tel qu’on le définit aujourd’hui, est « Thanatorama ». Un webdocumentaire qui
plonge entièrement le lecteur dans les arcanes du monde funéraire. L’internaute est le
‘héros’ de sa propre mort, l’œuvre multimédia interactive lui laissant composer sa
cérémonie funeste en fonction de ses choix.
Cependant Thanatorama n’a pas été conçu dans le but d’informer mais plutôt de proposer
l'expérimentation d'un champ de l'existence humaine, celle de la mort. Et ce même si toutes
les informations ont été obtenues après une réelle enquête journalistique.
18 Abel Segrétin, auteur et journaliste (interview réalisée par mes soins) 19 Sébastien Croci Bossi, l’un des fondateurs d’IJSBERG (interview réalisée par mes soins)
18
Le premier nouveau format journalistique serait donc plutôt « Voyage au bout du
charbon ». Un reportage qui tend entre le webdocumentaire et le newsgame, et qui a été
réalisé par Samuel Bollendorff et Abel Ségrétin.
Le webdocumentaire, très interactif, emmène l’internaute à la rencontre des mineurs de la
province chinoise du Shanxi et permet de comprendre le mode de vie des mineurs,
comment ils vivent, meurent. « Voyage au bout du charbon » souhaite montrer le désastre
environnemental que provoque le charbon, la première source énergétique chinoise.
À partir de leur matériel d’enquête (photos, informations, sons) récolté en Chine pendant
plusieurs semaines, les deux hommes ont scénarisé une histoire, dont les faits sont réels,
mais la géographie et les noms ont été changés pour s’adapter au format. Le récit
représente donc la réalité, mais de façon re-scénarisée pour devenir un ‘voyage’.
Pour « Voyage au bout du charbon », Samuel Bollendorff et Abel Ségrétin avaient tout
d’abord établi une stratégie éditoriale : placer le lecteur au centre du reportage, en lui
faisant prendre la place du journaliste. L’objectif créer le « reportage dont vous êtes le
héros ». Mais pour réaliser toute cette mise en scène, ils ont fait appel à Honkytonk Films,
une société de production.
Figure 2 : Capture d'écran du newsgame "Voyage au bout du charbon"
19
« Le problème, c’est que ce format demande encore plus de temps à réaliser qu’un
reportage vidéo, alors qu’il y a moins de moyens… Notamment la musique, l’habillage
sonore, qui est plus proche de ce qu’on peut avoir dans des jeux vidéo, qui eux, ont un gros
budget de production. Je ne crois pas que cela soit rentable car c’est cher à produire. Il
faut que cela soit appuyé par une production télé ou autre. »20
Si faire jouer ses employés à un serious game sur les dernières procédures à suivre en
matière de sécurité est bien moins onéreux que de leur faire suivre des formations avec des
formateurs « humains », pour la presse ce n'est pas le cas. Réaliser un reportage interactif
de l’ordre du webdocumentaire ou bien du newsgame coûte cher. Cela demande également
du temps. Ce sont les freelances qui en fabriquent le plus.
« Pour réaliser le projet Reconstruire Haïti nous avons eu une bourse de 15 000 euros. On
avait donc les moyens de faire ce que l’on voulait, notre liberté était totale. Cependant
nous n’aurions pas pu faire ce reportage, du moins de cette manière-là, si nous avions été
dans une rédaction. Si je me projette dans mon poste actuel de rédacteur en chef d’un site
en ligne je ne pourrais pas produire ce genre de sujet, c’est certain. Le retour sur
investissement en termes d’audience et en termes d’intérêt il est bien trop risqué. »21
En effet, si les médias ou les freelances n'ont pas un modèle économique viable, il y a peu
de chances qu’ils rentrent dans leurs frais. C’est pour cette raison qu’ils font appel à des
sociétés de production comme Upian ou Sapiens Sapiens.
« Nous sommes des producteurs, donc nous accompagnons le développement éditorial
mais nous donnons aussi les moyens de fabriquer financièrement les contenus. Notre rôle
c’est aussi de réussir à financer, de trouver un budget. Quand nous réalisons des
reportages interactifs comme « Do not track », nous sommes loin du métier de la presse en
ligne. On est beaucoup plus proches du métier de la production cinématographique. « Do
not track », cela représente un budget de 700 000 euros, 3 ans de travail et 90 personnes
dans le monde entier qui ont travaillé dessus. En termes de méthode de travail on est dans
le champ du cinéma. Pour Fort Mcmoney c’est pareil, c’est 3 ans de travail, un budget
20 Abel Ségrétin, auteur et journaliste (interview réalisée par mes soins) 21 Jean Abbiateci, rédacteur en chef adjoint au numérique à Le Temps et ancien freelance (interview réalisée par mes
soins)
20
conséquent, des chefs opérateurs, des preneurs de sons, des monteurs, des techniciens. On
est dans une organisation cinématographique. »22
Les personnes qui investissent dans les webdocumentaires et newsgames sont les mêmes
que ceux du cinéma. Le monde des formats interactifs est donc une réunion de plusieurs
univers différents. Celui de la presse avec ceux qui écrivent les textes, éditent les photos…
et celui du cinéma, qui ont, eux l’habitude de travailler avec des budgets conséquents, avec
des équipes nombreuses. Et que cela soit pour Thanatorama ou encore « Voyage au bout
du charbon », les deux œuvres interactives ont été entre autre soutenues par la Société
civile des auteurs multimédia (Scam) et le centre national du cinéma et de l’image animée
(CNC).
C’est à peu près le même cas de figure pour Snow Fall, qui est sans doute le plus célèbre
long format de l’histoire du journalisme. Paru fin 2012, cet article interactif livre le récit
poignant d'un groupe de skieurs aguerris surpris par une avalanche aux Etats-Unis. Le
reportage composé de six chapitres est ponctué de nombreuses pastilles multimédia
(vidéos, photos, infographies, animation).
Ce reportage du New York Times a attiré 3 millions de visiteurs et au plus haut, quelque
22 000 utilisateurs consultaient Snow Fall au même moment. Mais toute cette réalisation a
demandé un temps considérable. Six mois de reportages et dix-sept personnes mobilisées.
Soit un coût très conséquent.
Les médias français affrontent aujourd’hui le même problème. Conscients du renouveau
que ces nouveaux formats peuvent apporter au journalisme, ils restent cependant
confrontés à la réalité économique. Prenons l’exemple du quotidien sportif l’Equipe. Les
longs formats publiés sur la rubrique Explore ne sont toujours pas rentables. La rédaction
n’a toujours pas trouvé de moyen de les rentabiliser.
22 Alexandre Brachet, fondateur d’Upian (interview réalisée par mes soins)
21
« Cela n’est pas encore rentable. On fonctionne avec un budget annuel, à charge de notre
régie publicitaire de trouver des partenaires. Ce qui revient souvent, c’est « les clients
adorent », mais ils ne suivent pas vraiment financièrement. Pour l’instant, on a eu deux
partenariats (soit un par an), avec Rolex pour un Explore sur l’apnée, et Jeep pour un
Explore sur le freeride. »23
Pour contourner le problème financier, la rédaction internet 'Le Temps' a décidé d’adapter
ces nouveaux formats par rapport à son économie. Ils réalisent des projets multimédias de
manière maligne, intelligente et surtout pas chère à produire.
Compte tenu du manque de temps et d’argent de la rédaction suisse pour faire un format
différent pour chaque sujet, elle a choisi d’avoir plusieurs maquettes déjà prédéfinies. Un
choix qui permet au média 'Le Temps' de créer des formats multimédias plus modestes
mais en contrepartie plus nombreux.
23 Rémy Fiere, en charge de l’Explore à l’Equipe (interview réalisée par mes soins)
Figure 3: Deux captures d'écrans de longs formats réalisés par Le
Temps avec la même maquette
22
Le journal La Voix du Nord rencontre également un problème. Celui du retour sur
investissement. En effet, au bout du compte, sur le site internet du journal, ces nouveaux
formats sont plutôt décevants en termes de nombre de clics, de visionnages. Le record est
situé à 40 000 et concerne un long format consacré au RC Lens, un club de football.
«Migrants», celui réalisé par Olivier Berger, est à un peu plus de 10 000 visites.
Cependant ce n'est rien comparé à certaines brèves sensationnelles qui font le buzz et qui
réunissent plusieurs centaines de milliers de clics en quelques heures. Pour exemple, la
vidéo mal cadrée d'un pharmacien lors du hold-up d'un supermarché en face de chez lui a
recueilli 240 000 clics en une journée sur le site internet de La Voix du Nord. Pour Olivier
Berger, grand reporter au sein du journal, « les webdocumentaires sont sans doute appelés
à se développer mais ne génèrent pour l'instant ni lectorat conséquent ni chiffre d'affaires
suffisant ».
Le webdocumentaire n’est donc pas la solution à l’absence ou du moins à la fragilité du
modèle économique de la presse sur le web. Pour rappel, ce nouveau format reste cher à
produire, et le retour sur investissement est ridicule. En effet, il ne rapporte rien et peu de
lecteurs ont véritablement le temps ou les capacités techniques de s’y immerger et d’en
explorer tous les recoins.
« Le format webdocumentaire est finalement peu vu et reste un format peu connu, peu
accessible. Ce sont surtout les journalistes qui aiment réaliser les webdocumentaires
puisqu’ils leur permettent de s’exprimer sur la longueur, de livrer de belles productions.
Au final, peu de formats de ce type finissent par sortir du lot et faire parler d’eux. Ce
format, comme le grand reportage, est plutôt un gouffre financier pour les rédactions. »24
Les médias français ont globalement du mal à monétiser l’ensemble de ces nouveaux
formats. Or, leurs coûts de production sont élevés. Clément Debeir, fondateur de Sapiens
Sapiens, estime que « les longs formats réalisés par l’Equipe, par exemple, n’intéressent
pas plus de la moitié des lecteurs habituels du quotidien ». Selon lui, « ils veulent avant
tout les résultats sportifs et les comptes rendus de matches. »
24 Leïla Marchand, ancienne journaliste à Ouest France ayant repris ses études pour se spécialiser dans les médias
numériques (interview réalisée par mes soins)
23
« Je pense sincèrement qu’il y a deux types d’audiences : ceux qui vont être intéressés par
les formats innovants et ceux qui ne le sont pas. De la même façon qu’il y a ceux qui sont
intéressés par la presse payante qui apporte une vraie plus-value et ceux qui ne le sont
pas. De toute manière, la presse ou le documentaire qui coûtent chers ont toujours touché
un public qui a beaucoup d’éducation, venant d’une catégorie sociale professionnelle au-
dessus de la moyenne. On ne pourra jamais monétiser ces nouveaux formats auprès du
grand public car cela coûte trop cher. C’est pour cette raison que cela se développe
beaucoup en France, car notre pays part du postulat que la culture ne doit pas être
forcément rentable. De ce fait, comme pour le cinéma, il y a énormément d’aides
financières. Le public qui est intéressé par ces nouveaux formats, c’est le public qui est
également intéressé par les ‘lives’* organisés sur des événements précis, avec des
journalistes sur place. Celui qui cherche et veut une interaction. »25
Compte tenu des faibles chiffres en matière d’audience et de revenus, la plupart des
rédactions ne réalisent plus de webdocumentaires ou de newsgames. Elles se contentent
simplement de les héberger ou de produire des longs formats. Ces derniers étant un peu
moins coûteux.
« Nos longs formats sont rentables, car on s’attache à ce qu’il y ait une belle histoire
derrière. Si tu as une belle histoire, dans 90% des cas l’article est un hit et il fonctionne
bien. Notre capacité à faire des longs formats est une très jolie vitrine de nos compétences,
et c’est ces compétences que l’on va vendre à des sociétés. »26
En effet, IJSBERG ne se rémunère pas avec les longs formats qu’il réalise. Le média
indépendant lyonnais possède en parallèle un studio de création digitale nommé Nuük. Ce
studio crée des sites internet ainsi que des applications et des identités pour des clients
extérieurs (médias ou non). Leurs compétences sont visibles sur le site web d’IJSBERG, et
ils les commercialisent ensuite en tant que savoir-faire techniques.
25 Clément Debeir, fondateur de la société de production Sapiens Sapiens (interview réalisée par mes soins) 26 Sébastien Bossi Croci, l’un des fondateurs d’IJSBERG (interview réalisée par mes soins)
24
3. Soignés et interactifs, ces nouveaux formats deviennent une vitrine pour les médias
Soignés, dépouillés de toutes les publicités, les nouveaux formats du web bénéficient d’un
rendu très propre et de qualité. La raison : dans la plupart des cas ils sont réalisés en
collaboration avec d’autres personnes que des journalistes. Si nous avons cité auparavant
des sociétés de productions, ce ne sont pas les seules à participer au rendu final.
L’interactivité, mais aussi la mise en forme, sont souvent confiées à des développeurs et
designers, mêlant ainsi différents savoir-faire dans une création. Un webdocumentaire peut
par exemple permettre un partage des compétences entre journalistes, dessinateurs,
designers, développeurs…
Dans quelques rédactions, ces personnes sont également journalistes. C’est notamment le
cas à l’Equipe. Au sein du quotidien, les graphistes et les infographistes qui travaillent pour
la partie l’Explore sont aussi des journalistes. Au total le service est composé de quatre
personnes.
En ce qui concerne les développeurs, le journal fait appel à la même ou aux mêmes
personnes pour une durée d’environ une semaine. À noter que les monteurs, les
iconographes, les documentalistes qui travaillent également sur les longs formats sont aussi
des journalistes.
« Au Temps nous travaillons avec un designer, trois développeurs et par moment avec une
petite startup pour des projets de datajournalisme. C’est un peu le problème de notre
métier, aujourd’hui les journalistes pensent qu’ils savent tout faire. Mais je réponds que
NON! Journaliste c’est le seul métier où l’on va bosser tout seul. Donc on a vraiment à
gagner à aller voir ailleurs et à travailler avec d’autres. On ne peut pas tout faire nous-
mêmes. On doit trouver des compétences ailleurs et travailler ensemble autour d’un projet
cohérent. »27
Les différentes rédactions journalistiques cherchent donc à travailler en équipe de manière
intelligente, chacun sachant le rôle et l’apport de l’autre. L’objectif étant celui d’un rendu
de qualité où le fond colle parfaitement avec la forme et inversement. La forme, de son
côté, est censée accompagner, enrichir et susciter plus de désir de lecture.
27 Jean Abbiateci, rédacteur en chef adjoint au numérique à Le Temps (interview réalisée par mes soins)
25
Toutefois, sans contenu intéressant et bien documenté, ces nouveaux formats restent sans
intérêt malgré une mise en forme parfaite.
« J’aurais tendance à dire que si la mise en forme prend trop le dessus, c’est que le
reportage (webdocumentaire, long format, newsgame) est raté. L’équilibre est en effet
délicat à trouver. Pour exemple, beaucoup de webdocumentaires que l’on peut consulter
ont parfois une forme trop innovante ou trop compliquée. Le lecteur s’amuse quelques
temps à cliquer dans les chapitres ou voit passer quelques animations, mais il ne va pas au
fond du sujet. De même, le webdocumentaire qui a trop d’éléments s’avèrent dérangeants
pour le lecteur : une musique de fond que l’on ne peut pas éteindre, des vidéos de
transition que l’on ne peut pas passer… Cette sensation d’être “pris en otage” dans le
format est fatale et le lecteur s’en va. »28
Les médias privilégient le format du scrollitelling, qui caractérise notamment les longs
formats. En effet, ce format est à la fois linéaire, simple et accessible même aux lecteurs
peu expérimentés sur le web. Il permet également d’insérer toutes sortes de contenus
multimédias.
Revenons donc quelques instants sur l’exemple de Snow Fall. À l’époque, le long format
du New York Times, avait fait couler beaucoup d’encre quant au coût qu’il avait
représenté pour le journal. Toutefois, c’est aussi l’une des pages, voire la plus vue de
l’histoire du site internet du New York Times. Le problème, c’est que si ces pages ont été
beaucoup vues, elles n’ont été lues en entier que par peu de lecteurs.
On atteint là une limite du long format sur le web : un bel objet, pour lequel des
journalistes mais aussi des graphistes ou des développeurs peuvent se faire plaisir ; mais un
objet qui ne revêt pas forcément du sens pour le lecteur. Nous pouvons donc considérer
que ces nouveaux formats jouent plutôt le rôle de vitrine des compétences d’une rédaction
pour les médias. En effet, ils sont très partagés sur les réseaux sociaux.
Médiatiquement, certains longs formats fonctionnent même plutôt bien. Certains Explore
de l’Equipe ont attiré plus d’un million de visiteurs uniques (celui sur Pistorius et celui sur
le match Brésil-Italie de 1970). Les autres longs formats du média sportif oscillent entre
500 000 et 700 000 visiteurs, ce qui dépasse largement le nombre de lecteurs papier. En
28 Leïla Marchand, ancienne journaliste à Ouest France ayant repris ses études pour se spécialiser dans les médias
numériques (interview réalisée par mes soins)
26
effet, le quotidien sportif est lu par environ 200 000 personnes par mois. Soit plus du
double du nombre de lecteurs papier.
« Le produit terminé, on a vraiment l’impression de proposer plus, d’être plus surprenant,
plus novateurs. »29
Nous voyons bien que les nouveaux formats du web restent des formats de compléments et
non d'avenir. De plus, le prix et le temps qu'ils nécessitent ne permettent pas aux rédactions
d'en produire plus. Cependant elles s'en servent comme une vitrine.
29 Rémy Fiere, en charge de la rubrique Explore à l’Equipe (interview réalisée par mes soins)
Figure 4: Extrait du long format Snow Fall hébergé et réalisé par le New York Times
27
III. Les nouveaux formats dopent davantage l’audience et l’image des médias que la
confiance des lecteurs
Ces nouveaux formats du web sont tous apparus au cours de ces quinze dernières années.
Ils sont plus recherchés et plus approfondis qu’un banal article web. Nous présumons que
ces nouveaux formats permettent de redonner confiance aux lecteurs déçus et fâchés avec
les médias. En effet, ces nouveaux formats sont plus fouillés, plus précis et plus agréables à
consulter.
Ces nouveaux formats du web rassurent-ils le lectorat ?
1. Une confiance plus entachée sur le web
Les longs formats, webdocumentaires et newsgames sont des formats uniquement hébergés
sur des sites internet de médias plus ou moins importants. Leur écriture, mise en page ou
encore interactivité les obligent à se développer sur le web et c’est également ce qui en fait
une de leurs spécificités. Cependant, cette dernière peut les desservir puisque sur internet
tout se retrouve au même niveau. Ce qui trompe quelques lecteurs, entachant ainsi leurs
confiances envers ce support. Mais nous y reviendrons un peu plus tard.
Figure 5 : Enquête Ipsos/ Steria décrivant le taux de confiance des Français envers
des institutions
28
Tout d’abord, attardons-nous sur les médias en général, soit dans un sens assez large. Dans
ce cadre-là, les médias regroupent alors le web, la télévision, la presse ainsi que la radio.
Si nous analysons le graphique situé ci-dessus (figure 5), nous remarquons que plus de
75% de la population française n’a pas confiance envers les médias en 2014. Ce qui place
les médias en deuxième position à égalité avec les députés, mais derrière les partis
politiques. Observons maintenant en fonction des différents supports (télévision, radio,
web et presse). En effet, nous souhaitons savoir quel est ou quels sont les supports préférés
des lecteurs.
Le graphique ci-dessus (figure 6), datant de 2013, nous montre ces préférences en fonction
de différents pays. En comparant la France avec d’autres pays européens tels que
l’Espagne ou l’Italie, nous remarquons des différences notables. En effet, dans ces deux
pays le support de référence est le web, contrairement à la France où il s’agit de la
télévision, et cela pour plus de la moitié des gens. Internet arrive ensuite en deuxième
position puis vient enfin la colonne de la radio et de la presse. A contrario, en Espagne et
en Italie, le support du web est de seulement quelques pourcentages (moins de 10 %)
devant la télévision.
Figure 6 : Tableau tiré d'un rapport du Reuters Institute for the study of journalism
29
Le tableau ci-dessous (figure 7), datant toujours de 2013 et provenant de la même source
(Reuters Institute for the study of journalism), sépare cette fois-ci la radio de la presse et
détaille les pourcentages exacts. Nous notons toujours la domination de la télévision en
France, qui est le support préféré par 57% des Français. Viennent ensuite Internet, la radio
et la presse avec respectivement 23%, 12% et 6%.
Prenons maintenant les chiffres de l’année 2015, tout en conservant la même source, soit la
Reuters Institute for the study of journalism. Dans ce nouveau graphique ci-dessous (figure
8) nous pouvons voir que la télévision reste le support de référence en France (+ 1% par
rapport à 2013), une nouvelle fois devant Internet. Cependant ce dernier a augmenté de 6%
en deux ans.
Figure 7: Tableau du Reuters Institute for the study of journalism de 2013
Figure 8 : Tableau du Reuters Institute for the study of journalism de 2015
30
Enfin regardons un dernier tableau (figure 9) datant de janvier 2015. Sur ce tableau réalisé
par TNS Sofres, nous remarquons que les chiffres sont un peu différents de ceux
communiqués par la Reuters Institute for the study of journalism. Toutefois, cela
s’explique par la durée de réalisation des sondages. En effet, celui de TNS Sofres a été
réalisé du 8 au 12 janvier 2015, contrairement au précédent qui se déroule sur une année
entière.
Dans ce dernier tableau, nous constatons tout de même que la télévision est une nouvelle
fois en tête devant Internet, la radio et enfin la presse. À noter qu’en 2010, le même
sondage mettait en tête la télévision (80%), puis la radio (48%), la presse écrite (37%) et
enfin Internet avec 23%. Le web a donc plus que rattrapé son retard puisqu’il se positionne
aujourd’hui comme le deuxième média de référence derrière la télévision.
Toutefois, ces rapports sont à relativiser au vu de la diversité que propose Internet. Il est
très facile de s’y perdre si l’on ne sait pas où chercher la bonne information et la
consommer. Le support web trompe encore aujourd’hui de nombreux lecteurs. Pour cause,
à la différence des canaux de diffusion des médias précédents, comme la presse, la radio ou
la télévision, Internet n'est pas un canal de broadcast.
Figure 9 aromètre de confiance dans les médias, janvier 2015 / Source : TNS Sofres
31
Autrement dit, ce n'est pas « un tuyau qui va dans un seul sens ». On ne peut que recevoir
une émission de télé par exemple, mais via le web, on peut émettre des informations autant
que l'on en reçoit. En effet ce support permet à n’importe quel individu, ou même sites
d’être un diffuseur d’information. Un blogger, Marmiton, Allo Ciné… De ce fait, cela
n’aide pas les internautes à avoir des marques un peu définies pour chercher des
informations justes et vérifiées.
Par exemple, certains sites énormément suivis, copient à la perfection les codes du
journalisme mais ce n’en sont absolument pas. Ce sont des blogs tenus par des militants. Il
en est de même pour le Gorafi, une parodie du site internet Le Figaro, qui s’amuse à
tourner avec beaucoup humour l’actualité.
Si la quasi-majorité des personnes qui tombent sur le site du Gorafi remarquent et
comprennent ce trait d’humour parfois subtil (sujet sur le PS sur la figure 10), quelques
internautes prennent les articles de ce média pour acquis. Ils ont alors l’impression que le
web ‘joue’ avec leurs confiances, celles qu’ils accordent aux médias. Ces différents
arguments ne plaident donc pas forcément en faveur du support de diffusion Internet qui
laisse encore perplexes et sceptiques énormément de lecteurs.
Figure 10 : Capture d'écran du site humoristique Le Gorafi
32
2. La perte de confiance : un sentiment qui n’est pas lié aux formats
Les longs formats, webdocumentaires et newsgames sont des formats uniquement hébergés
sur des sites internet de médias plus ou moins importants. Leur écriture, mise en page ou
encore interactivité les obligent à se développer sur le web et c’est également ce qui en fait
une de leurs spécificités. Cependant, cette dernière peut les desservir puisque sur internet
tout se retrouve au même niveau. Ce qui trompe quelques lecteurs, entachant ainsi leur
confiance envers ce support et les médias. Mais nous y reviendrons un peu plus tard.
La perte de confiance des lecteurs par rapport aux médias peut s’expliquer de plusieurs
façons. L’un des premiers points pouvant expliquer cette perte de confiance est la
surabondance d’informations. Faute de temps, au vu de la rapidité du support (Internet) et
de moyens économiques, certaines rédactions pratiquent le « copier-coller » ponctué de
rapides commentaires sans vérification.
Depuis quelques temps, et encore plus aujourd’hui les rédactions ne vérifient plus
forcément les informations sur le terrain, font parfois appel à des journalistes sans expertise
sur un sujet… Autant d’aspects qui ne favorisent pas la confiance du lecteur envers les
sites web des médias.
Comme tous les formats, qu’ils soient longs ou courts, les nouveaux formats du web
peuvent contenir des erreurs, ou simplement refléter un avis subjectif de l’auteur. De ce
fait, un bon long format peut donner confiance alors qu’un mauvais peut ne pas la donner.
Le postulat du manque de confiance ne vient pas donc avec le long ou le court format mais
avec des journalistes ou des médias qui font plus ou moins bien leur travail.
Cependant un aspect diffère entre les deux : courts et longs formats. En effet, en voyant ces
nouveaux formats de bonnes qualités, bien mis en page, le lecteur peut avoir confiance
dans les informations et les autres sujets (plus classiques) qu’il va lire sur le même média.
Ces formats étant beaucoup plus longs, ils sont plus exigeants et font intervenir beaucoup
plus de compétence.
33
« Si le lecteur voit que le long format ce n’est pas juste quatre images et du texte collé à la
va-vite et mis en page au hasard, mais un vrai long format avec du texte ciselé, des
histoires qui tiennent, forcément le lecteur va se dire qu’ils sont compétents et qu’il peut
avoir confiance. »30
Sur un long format, mais également un webdocumentaire par exemple le lecteur prend
encore plus conscience de cet aspect étant donné qu’il passe une dizaine de minutes,
plusieurs heures, voire plusieurs jours à lire le reportage.
Autre point pouvant expliquer la perte de confiance sur le web : celui des marques. Comme
évoqué précédemment, la mise au même niveau réalisée par le web ne permet pas au grand
public d’identifier des médias de confiance et ainsi de fonctionner avec un système de
marques. Un manque de repères précis qui perturbe certains lecteurs et ne permet pas
d’avoir réellement confiance en tel ou tel médias.
« Par exemple moi je fonctionne avec un système de marques (Le Monde, Le Figaro...) qui
pour moi sont synonymes de confiance. Mais pour certaines personnes, les marques de
référence vont être les réseaux sociaux par exemple. Or, sur Facebook, les vidéos
purement informatives se mélangent avec les vidéos beaucoup plus subjectives à cause
l’algorithme qu’il utilise. Avant, c’était relativement facile avec les kiosques, la radio, la
télévision. Par exemple, avec les différentes chaînes, tu arrivais à identifier les choses. »31
Enfin, en ce qui concerne la confiance, sa perte peut se justifier également par
l’attachement aux médias et au contenu. Ce dernier étant un vrai vecteur de marques. En
effet, lorsque l’Express ou d’autres médias font des articles sur des chats ou encore des
faits divers pour qu’ils deviennent viraux et parmi les plus lus, la marque, le nom du média
est véhiculé avec. Les lecteurs vont donc associer l’Express par exemple à des articles peu
fouillés, peu approfondis, voire de mauvaises qualités.
30 Sébastien Bossi Croci, l’un des fondateurs d’IJSBERG (interview réalisée par mes soins) 31 Clément Debier, cofondateur de Sapiens Sapiens, une société de production et de réalisation (interview réalisée par
mes soins)
34
3. Des nouveaux formats qui attirent un nouveau lectorat
Depuis leurs apparitions dans les années 2000, les nouveaux formats du web ont connu
plusieurs phases de transition que nous pouvons aisément identifier. Une première phase
réellement axée sur la découverte, une seconde où ces formats sont devenus un véritable
effet de mode et enfin une dernière, celle que nous connaissons aujourd’hui, celle de la
simplicité et de l’efficacité.
Avec une maquette assez jeune, une mise en page très dynamique, les nouveaux formats du
web cherchent à nouveau à séduire les lecteurs autrefois conquis. Freelances, grosses
rédactions ou encore médias indépendants, tous misent des nouveaux formats à l’aspect
attirant et attrayant.
Pour appuyer ce point, prenons l’exemple de la photographie. Régulièrement, voire
systématiquement minimisée au sein d’un article web dit ‘classique’, la photographie
bénéficie d’une mise en valeur considérable dans la mise en forme des nouveaux formats.
Les rédactions comme les journalistes indépendants, notamment lors de la réalisation de
longs formats, jouent et abusent de la photographie quitte à en mettre plusieurs
consécutivement.
Figure 11 : Capture d’écran d’un long format du média Le Monde consacré aux 30 ans de la catastrophe de Tchernobyl
35
« Sur le site du Temps, nous avons publié un article photo sur les 5 ans de la Syrie. En
faisant cela, nous positionnions le journal comme un média capable de faire des choses
jolies, intelligentes et avec du sens. C’est vraiment pour une question d’image. »32
Les photographies, et les vidéos notamment, permettent également d’accentuer la teneur du
reportage, de lui donner du corps. De même, l’écriture longue, calme, posée apporte au
sujet, déjà très approfondi, une âme, presque un aspect unique.
Réunies ensemble, toutes ces caractéristiques donnent aux lecteurs l’impression d’une
immersion totale.
« En livrant ces productions très approfondies, innovantes, les journalistes parlent d’une
nouvelle manière à leurs lecteurs et parviennent un peu à les reconquérir. J’ai par
exemple eu énormément de retours de lecteurs, après mon webdocumetaire, qui me
remerciaient. Mais c’est beaucoup dû au sujet sensible du webdocumentaire, qui parle
d’un trouble peu connu, celui du syndrome d'Asperger. »33
Les nouveaux formats jouent aussi ce rôle-là. Celui de traiter, d’expliquer en profondeur
des sujets peu connus ou alors jusque-là peu attrayants pour le lecteur. En ce point, les
nouveaux formats du web permettent d’attirer une nouvelle audience. Ils cherchent à
intéresser le lecteur sur des sujets parfois spécifiques ou alors au contraire très larges, mais
d’un point de vue très innovant.
Reconstruire Haïti est l’exemple parfait du sujet à la fois très large mais aussi spécifique.
En effet, ce nouveau format traite du séisme d’Haïti qui a eu lieu le 12 janvier 2010, soit un
sujet énormément présenté par les médias.
Cependant l’angle défini par Jean Abbiateci a, quant à lui, été rarement évoqué. En effet, le
journaliste avait choisi d’aborder les questions de la reconstruction du pays, du
développement et des aides sociales. De plus, le sujet est présenté sous la forme d’un
newsgame, soit un reportage très ludique pour le lecteur.
32 Jean Abbiateci, rédacteur en chef adjoint au numérique à Le Temps et ancien freelance (interview réalisée par mes
soins) 33 Leïla Marchand, ancienne journaliste à Ouest France ayant repris ses études pour se spécialiser dans les médias
numériques (interview réalisée par mes soins)
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Complément unique en tout point, ce nouveau format attire une nouvelle audience de par
sa forme éditoriale à part entière.
À noter que les jeux d’informations, soit les newsgames, vont également parler à un public
qui a peu l'habitude du jeu vidéo, qui en connait les codes et les ficelles. Ce public sera
alors intrigué de les voir appliqués à la réalité plutôt qu'à un monde de fiction.
Ces nouveaux formats permettent en effet d’explorer de nouvelles possibilités, proposent
aux lecteurs de se sentir actifs derrière son écran, amènent une originalité et une innovation
dans la présentation d’un sujet.
Les gros médias tels que Le Monde, La Dépêche du Midi ou encore l’Equipe diversifient
quelque peu leurs offres avec ces nouveaux formats. En effet, si nous prenons par exemple
La Dépêche du Midi, un quotidien régional étendu sur une partie du Sud Ouest, son cœur
de cible est un lectorat vieillissant, à savoir des personnes âgées d’une cinquantaine
d’années.
Or, en réalisant des longs formats ou bien des webdocumentaires, la Dépêche du Midi,
peut rajeunir son lectorat en attirant une nouvelle audience. Ces lecteurs ne seraient
sûrement pas venus sur leur site internet du quotidien.
Figure 12 : L’un des choix que doit prendre le lecteur au cours du newsgame Reconstruire Haïti
37
En effet, avec la création de ces nouveaux formats, La Dépêche du Midi touche une autre
cible, attire un nouveau lectorat sans doute plutôt intéressé par le mensuel Boudu sorti très
récemment à Toulouse.
Il en va de même pour Le Monde, qui avec ces longs formats, peut espérer concurrencer le
magazine Society qui réalise beaucoup de longs reportages papiers. Et ainsi lui ‘piquer’ un
peu de son lectorat, pour s’attirer une nouvelle audience.
À noter que le quotidien sportif l’Equipe est dans le même cas avec la mise en place de la
rubrique Explore.
« Les personnes qui lisent l’Equipe sont souvent les lecteurs en jogging qui regardent les
résultats. Or, je pense que le journal peut toucher d’autres personnes, une nouvelle
audience, avec la rubrique Explore comme par exemple des sportifs alternatifs, qui vont
être la cible des Cahiers du Football ou des magazines de ce style. »34
34 Clément Debeir, fondateur de la société de production Sapiens Sapiens (interview réalisée par mes soins)
Figure 13 : Capture d'écran d'un webdocumentaire réalisé par La Dépêche du Midi sur 3 sélectionneurs de l’Équipe
de France de rugby
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Nous constatons d'abord que les internautes restent sceptiques envers le support web
compte tenu de la multitude d'informations qu'ils peuvent y lire. Ils y sont souvent
dépassés. De plus, les nouveaux formats ne permettent pas de redonner confiance aux
lecteurs. Cette dernière n'est aucunement liée aux formats et à la mise en page d'un sujet.
Toutefois les webdocumentaires, longs formats et newsgames peuvent attirer une nouvelle
audience pour les médias. En effet, les nouveaux formats touchent des cibles différentes.
39
Conclusion
Nés au cours des années 2000, les nouveaux formats du web sont aujourd'hui
répartis distinctement entre les différents médias. Les grosses rédactions nationales, voire
régionales favorisent les longs formats simples et faciles à réaliser. Le format
webdocumentaire reste, quant à lui, très peu utilisé par les médias les plus connus. En effet,
au vu de la rapidité de l'information sur le web, ces derniers préfèrent ne pas s'aventurer
dans la création de webdocumentaire. Il nécessite un long travail de reportage sur le
terrain, mais également une mise en page permettant au lecteur d'être actif. Cependant,
quelques rédactions franchissent tout de même le pas notamment avec des logiciels qui
facilitent la mise en page et l'interactivité. Les serious games, appelés newsgames dans le
cadre du journalisme, sont exclusivement créés par des freelances. Plus libres en temps et
en créativité, les freelances n'ont aucun objectif à tenir ou à atteindre comme cela pourrait
être le cas dans une rédaction. Leurs libertés leur permet d'essayer de rendre attrayant des
sujets pointus. Enfin le slow média, n'est pas à définir comme un format mais comme une
philosophie, une ligne éditoriale qui cherche à proposer des sujets pas forcément liés avec
l'actualité. Souvent très longs, plus de 12 000 signes pour certains longs formats, les
nouveaux formats permettent avant tout une prise de distance. Ils analysent des faits ou des
événements avec recul. Les webdocumentaires, les neswgames et les longs formats offrent
enfin la part belle aux contenus multimédias (vidéos, photos, infographies), le support y
étant quasiment sans limite.
Parmi les nouveaux formats, Snow Fall tire son épingle du jeu. Ce long format du
New York Times a joué le rôle d’élément déclencheur. Après sa création, la tendance s’est
peu à peu inscrite dans les grandes rédactions. Le New York Times a poursuivi dans cette
voie, Le Monde s'y est mis, La Voix du Nord, Le Figaro, France Tv Info…Cependant, tous
au même titre que les médias apparus récemment (IJSBERG, L’imprévu) continuent de
jouer sur les différents temps de l’information. En effet, plus fouillés, plus approfondis et
plus soignés qu’un simple article sur le web, les nouveaux formats du web, demandent
cependant beaucoup de temps et d’argent, deux points plutôt rares aujourd’hui dans le
monde du journalisme. Les médias se servent donc de ces nouveaux formats comme des
vitrines de leurs différentes compétences avec dans la tête l'idée d' attirer à nouveau ce
lectorat perdu.
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La confiance des lecteurs est aujourd'hui encore entachée sur le web. Même si
Internet se positionne comme le deuxième support de référence en France pour s’informer,
sa diversité et sa multitude d’informations plus ou moins vérifiées laissent sceptiques
quelques lecteurs. Cette perte de confiance n’est cependant pas directement corrélée aux
formats. En effet, qu’ils soient courts comme un article web basiques ou très longs et
fouillés tels les nouveaux formats, la confiance du lecteur n’est pas basée sur ce point. Elle
s’appuie essentiellement sur les noms des médias. Les nouveaux formats du web ne
permettent donc pas de redonner confiance aux lecteurs. Néanmoins, ils permettent aux
médias de toucher une nouvelle audience de par leurs innovations en matière de contenu et
de mise en forme. Ainsi ils arrivent à attirer un nouveau lectorat.
Le monde du journalisme recherche actuellement un moyen efficace de monétiser
les articles diffusés sur Internet. Nous pourrions donc préconiser que les nouveaux formats
du web trouveront un modèle économique viable d'ici quelques années. Cela impactera-t-il
leurs diffusions ? Et si oui, seront-ils plus accessibles et plus compréhensibles par le grand
public ? La préconisation, celle d'un format de complément plutôt que d'avenir sera
sûrement toujours d'actualité, car elle correspond aux différents temps de l'information.
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Bibliographie
Yasmine Kasbi, Les serious games, une révolution, 2012
Benjamin Hoguet, La narration réinventée: le guide de la création interactive et
transmedia, 2015
Le monde diplomatique, août 2014
Sitographie
lemonde.fr
rue89.fr
letemps.ch
ladepeche.fr
longform.org
nytimes.com
legorafi.fr
tns-sofres.com
reutersinstitute.politics.ox.ac.uk
scribd.com
owni.fr
sapiensapiens.com
upian.com
fortmcmoney.com
arte.tv
ijsbergmagazine.com
lequipe.fr
limprevu.fr
lavoixdunord.fr
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Glossaire
freelance : Personne à son compte, journaliste qui travaille indépendamment, affilié à
aucune rédaction.
infobésité : Représente la surcharge d'informations. Lorsque le lecteur fait face au flux
continu de l'actualité.
lives : Lors d'un événement précis, les rédactions publient en continu des informations sur
un article web. Exemple : les manifestations contre le projet de loi travail.
mooks : Publications périodiques qui se situent entre le magazine et le livre. Ils sont
souvent composés de grands reportages et d'enquêtes approfondies. Les textes sont
illustrés.
pure player : Désigne une entreprise qui exerce une activité dans un secteur unique. En
journalisme cela correspond aux médias qui utilisent uniquement le web comme moyen de
diffusion.
scrollent : Du verbe scroller. Qualifie l'action de dérouler les pages sur Internet.
scrollitelling : Expression qui définit l'action de dérouler des pages web tout en racontant
une histoire (scroller + storytelling = scollitelling).
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Annexe
Interview avec Rémy Fiere, en charge de l'Explore à l'Equipe.
Comment l'équipe en charge de la rubrique Explore est-elle perçue par le reste de la
rédaction ?
Nous sommes perçus comme une sorte de laboratoire, de centre d’essais. Je pense que c’est
assez attirant, à la fois pour les personnes qui travaillent sur le site internet de l'Equipe
ainsi que pour les journalistes qui exercent sur le support papier.
La visibilité des reportages de la rubrique Explore bénéficient d'une très grande visibilité,
et les retours sont toujours extrêmement positifs, ce qui peut donner envie à des
journalistes de collaborer pour cette partie du site internet de l'Equipe.
Comment travaillez-vous avec les personnes qui ne sont pas des journalistes ?
Au sein de l'Equipe, les graphistes et les infographistes sont des journalistes tout comme
moi. Ils sont deux à collaborer avec nous dans notre petit service Explore où nous sommes
quatre au total. Les monteurs, les iconographes, et les documentalistes qui participent,
également sur certains reportages que l'on réalise, sont aussi journalistes.
Sinon, en ce qui concerne les développeurs, nous en avons un qui vient nous donner un
coup de main pendant une semaine…En général, ce sont souvent le (ou les) même(s).
Pensez-vous qu'il soit nécessaire de décloisonner les rédactions ?
A mon avis, cela est inéluctable même si pour les vieux médias, les barrières sont encore
hautes. Cependant elles s’ouvrent progressivement, notamment grâce à des produits
comme les Explore mais aussi au quotidien lorsque les journalistes papier sont sur le
terrain. Ils ont désormais pour habitude d’envoyer brèves, compte-rendus ou courtes
interviews pour le site de l'Equipe.