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DISCUSSION PAPER / 2015.02 ISSN 2294-8651 La construction d’un socle de protection sociale au Burundi Frederic Ntimarubusa

La construction d’un socle de protection sociale au Burundi

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DISCUSSION PAPER / 2015.02 ISSN 2294-8651

La construction d’un socle de protection sociale au Burundi

Frederic Ntimarubusa

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DISCUSSION PAPER / 2015.02

La construction d’un socle de protection sociale au Burundi Frederic Ntimarubusa*

Février 2015

* Secretaire General de l’ECASSA ( East and Central Africa Social Security Association)

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Table of ConTenTs

AbstrAct 5

1. IntroductIon 6

2. LA sItuAtIon de LA vuLnérAbILIté due à LA pAuvreté Au burundI 8

2.1. défInItIon de LA pAuvreté 8

2.2. Le profIL de LA vuLnérAbILIté Au burundI 9

3. Les mesures de réductIon de LA pAuvreté: LA vIsIon 2025 et Le csLp II 11

4. LA constructIon d’un socLe nAtIonAL de protectIon socIALe pour tous d’IcI L’An 2025 13

4.1. LA notIon de socLe de protectIon socIALe 14

4.2. Les Axes de LA strAtégIe pour LA constructIon du socLe nAtIonAL de sécurIté socIALe 15

4.2.1. La garantie des prestations en cas de maLadie 16

4.2.1.1. La généraLisation de La carte d’assistance médicaLe 16

4.2.1.2. La promotion des mutueLLes communautaires 18

4.2.1.3. des articuLations à réaLiser 21

4.2.2. L’ institution des pensions sociaLes 25

4.2.3. Les prestations aux famiLLes 27

4.3. du fInAncement et de L’AdmInIstrAtIon du socLe 29

4.3.1. du financement 29

4.3.1.1. Le financement de La dimension horizontaLe: Le recours à L’impôt et à L’aide internationaLe 29

4.3.1.2. Le financement de La dimension verticaLe: Les cotisations sociaLes 33

4.3.2. de L’administration du système 34

4.3.2.1. La structure de gestion 34

4.3.2.2. Le statut de L’organisme 37

4.3.2.3. un correctif au statut pubLic des organismes: La garantie de L’autonomie de gestion 39

concLusIon 41

bIbLIogrAphIe 44

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AbstrAct

Since 2011, Burundi has been engaged in the process of building a social protection floor with the adoption of the National Social Protection Policy. This Policy will help to extend the coverage at the majority of Burundian population which is now excluded by the existing schemes. The task will not be easy as more than 60% of the Burundian population live below the poverty line.

But on our opinion, the government can achieve the extension of the coverage by adopting strong measures to reduce poverty, measures which are in The Strategic Document to Reduce Poverty 2012-2016 and the Vision 2025.The government will also have to take strong measures to combat social exclusion such as social pensions, family allowances and health care assistance to the needed.

The main challenge for the government will be to finance all these social programs. It is increasingly accepted that the sustainable financing of social programs requires domestic and external financing. Then, finding the necessary national fiscal space and identifying exit strategies from external financing remain paramount for the government.

Another challenge for the government will be the governance of that social protec-tion floor. It is also accepted that efficient use of resources is crucial. The capacity to deliver so-cial security benefits is increasingly viewed as being linked strongly to the capacity of manage-ment and the quality of administration. Meeting this obligation will help to raise contribution compliance and the public trust in social protection agencies.

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1. IntroductIon

En Afrique en général et au Burundi en particulier, c’est par le biais de la colonisa-tion que le phénomène d’industrialisation et du salariat a été introduit. Ce phénomène a rendu nécessaire l’introduction de la sécurité sociale mais cela n’a été fait qu’uniquement au profit des salariés. Au moment des indépendances, les responsables politiques ont maintenu le statu quo tout en espérant que la protection allait s’étendre progressivement au rythme du processus de salarisation, à tel point que, à l’image des pays occidentaux, les travailleurs protégés devaient un jour constituer la majorité de la population1.

Malheureusement, l’espoir d’élargissement progressif de la sécurité sociale en mi-lieu rural s’est heurté à des obstacles sérieux. D’une part, l’industrialisation est restée dans la plupart des pays africains au stade embryonnaire ce qui a fait que le processus de salarisation soit bloqué et que conséquemment, la majorité de la population soit restée en dehors de toute protection.

D’autre part, la survivance en milieu rural d’un cadre traditionnel de sécurité animé par des divers réseaux de solidarités ont rempli tant bien que mal une fonction sécurisante en permettant à un membre de la famille de recevoir, une fois dans le besoin, l’aide et l’assistance des autres.

Aujourd’hui, ces institutions traditionnelles ont tendance à s’affaiblir de telle façon qu’elles remplissent difficilement leur fonction de sécurité à leurs membres. Leurs possibilités sont en effet, à l’heure actuelle, réduite par « le dénuement d’un milieu rural qui, dans une très large mesure, demeure à l’écart du développement économique, dénuement qu’aggravent la faiblesse de la production agricole, la croissance démographique et le morcellement des terres qu’elle entraîne ainsi que l’exode rural qui emmène généralement les jeunes robustes vers les villes »2.

Cette situation interpelle les pouvoirs publics à adopter impérativement des mesures capables de procurer aux populations rurales de nouvelles garanties et un minimum de sécurité conformément au paragraphe 21 de la Recommandation n°67 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT en sigle) qui encourage les Etats à étendre la protection sociale au-delà des travailleurs salariés : « les travailleurs indépendants devraient être assurés contre les éventualités d’invalidité, de vieillesse et de décès dans les mêmes conditions que les sala-riés, aussitôt que la perception de cotisation à leur égard pourra être organisée».

Cette extension de la couverture sociale se justifie aujourd’hui d’autant plus que les risques qui étaient réputés propres aux travailleurs des industries atteignent aujourd’hui toutes les couches de la population. En effet, « à tout instant, en moins d’une seconde, chaque être humain peut se transformer d’un individu sain et sauf, jouissant de l’intégrité corporelle, en un homme blessé ou invalide; d’un individu heureux et content de son sort en un être pitoyable, souffrant physiquement et moralement; et du jour au lendemain, il peut se voir privé de son aisance et des revenus nécessaires pour sa subsistance et même sa vie (…) »3. A partir du moment où l’on reconnaît que certains risques que l’on croyait propres aux travail-leurs salariés menacent aussi l’ensemble de la population, il devient indispensable d’explorer les voies permettant d’atteindre les objectifs normalement fixés à la sécurité sociale : garantir à l’ensemble de la population, ou pour le moins à de larges couches, des soins médicaux élé-

[1] P. MOUTON et J.-V. GRUAT, “L’extension de la sécurité à la population non salariée en Afrique”, R.I.S.S., 1988, pp.48-49 ; BIT, Sécurité sociale, un nouveau consensus, Genève, 2001.[2] P. MOUTON, « L’avenir de la sécurité sociale en Afrique au Sud du Sahara », R.I.S.S., 1969, p.160.[3] A.L.MILLER, “L’assurance accidents non professionnels en Israël”, R.I.S.S., 1988, p.61.

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mentaires, une certaine sécurité économique et des revenus sociaux destinés à couvrir des charges déterminés4.

S’il est vrai que la sécurité sociale constitue, à l’heure actuelle, un des moyens les plus efficaces qui soient à la disposition de la société moderne dans ses efforts pour libé-rer l’homme du besoin, il n’est pas moins vrai d’affirmer que la tâche ne sera pas facile pour les pouvoirs publics burundais d’autant plus que la majorité des populations exclues vivent en dessous du seuil de pauvreté5 et n’ont par conséquent pas de moyens suffisants pour payer les cotisations dans les régimes existants. N’a-t-on pas dit que « l’étude d’une certaine forme de protection sociale des agriculteurs, notamment sous l’aspect de la garantie des revenus, ne doit pas faire oublier qu’en deçà d’un niveau minimal de protection, donc de revenu, la notion même de sécurité sociale est la plupart de temps vide de tout contenu »6.

Nous pensons que l’extension de la protection sociale en Afrique est à envisager dans une perspective dynamique. Il est question d’enclencher un processus plus ou moins long dont l’objectif est de construire à terme des systèmes de sécurité sociale généralisés garan-tissant aux populations une sécurité de revenu et un accès facile aux services de base (alimenta-tion, eau potable, soins de santé, éducation, logement, etc.).

Pour le Burundi, il sera question de mettre en œuvre la Politique Nationale Protection Sociale adopté par le gouvernement en 2011 dans une logique de partenariat entre les différents acteurs concernés (Etat, collectivités locales, partenaires sociaux, organisations de la société civile, communauté internationale…). Dans cette dynamique, des mesures sérieuses de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale devront être prises afin de permettre aux popula-tions exclues d’avoir un minimum de revenus leur permettant de participer au financement de ce socle de protection sociale voulue par le Gouvernement à travers l’adoption de cette politique nationale.

Ces mesures de réduction de la pauvreté devront être secondées par des mesures spécifiques visant l’extension de la sécurité sociale à cette majorité exclue. Les institutions ex-istantes de sécurité sociale auront un rôle clé à jouer dans ce processus. Elles constituent la base évidente pour l’introduction de nouveaux régimes, mais elles sont aussi susceptibles de fournir un appui extrêmement précieux au développement d’initiatives locales innovantes, en particu-lier en matière de micro-assurance.

Avant d’analyser les mesures spécifiques à la protection sociale permettant à bâtir un socle solide visant à assurer la sécurité sociale à tous les Burundais, il importe de préciser le contexte socio-économique actuel du Burundi et les mesures à prendre pour redresser cette situation non propice à la construction dudit socle.

[4] Recommandation n° 202 de l’OIT adopté en juin 2012 par la Conférence Internationale.[5] 67% de la population burundaise vivent avec moins d’un dollar américain par jour.[6] BIT, Rapport du cours de formation régionale BIT-Norvège sur la sécurité sociale et la protection sociale des travailleurs agricoles dans les pays d’Afrique francophones (Brazzaville, 18-31 janvier 1982), Genève, 1982, 128; Dans la même sens M.JENKINS, ”L’élargissement de la protection sociale à l’ensemble de la population: problèmes et en-jeux”, R.I.S.S., 1993, p.6.

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2. LA sItuAtIon de LA vuLnérAbILIté due à LA pAuvreté Au burundI

2.1. Définition de la pauvretéIl n’existe aucune définition a priori de la notion de « pauvreté », mot qui peut

recouvrir des situations extraordinairement variées, allant du « dénuement total à diverses formes d’ »exclusions » pour des millions de personnes sans abri, enfants de la rue, chômeurs, personnes âgées isolées et sans ressources jusqu’aux travailleurs dont les gains sont trop mod-estes pour permettre à leurs enfants de faire les études auxquelles leurs aptitudes devraient leur donner droit »7.

En réalité, en dépit de l’extraordinaire diversité des processus et des situations de détresse, on retrouve toujours deux données dans le concept de pauvreté : un phénomène d’exclusion subie associé à une insuffisance de ressources.

L’insuffisance des ressources mesure par rapport au seuil de pauvreté fixé en fonc-tion de revenu en deçà duquel on ne peut pas acquérir une quantité minimale de biens et de services pour mener une vie décente. C’est la conception traditionnelle de la pauvreté qui la mesure en cherchant à déterminer si les individus ou les ménages ont suffisamment de vivres ou d’argent pour s’en procurer. Cette façon de voir les choses se fonde sur des critères élaborés pour les populations des pays développés.

Dans les pays en développement où la majeure partie de la population est essen-tiellement rurale et non suffisamment monétarisée, ce n’est pas seulement le manque d’argent qui est à la base de la détresse de ces populations; il faut davantage incriminer l’insuffisance de l’accès à la terre8 et la pénurie des avoirs non monétaires: la santé, l’éducation, la participation à la vie politique, etc. La référence au critère de revenu pour calculer la pauvreté est donc lacu-naire. Il faut la corriger par une autre vision: celle de la pauvreté humaine.

La pauvreté non monétaire (ou humaine) fait référence à l’état de privation du bien-être en utilisant en particulier les indicateurs sociaux de santé et d’éducation étant entendu que pour mieux vivre, l’homme doit avoir une bonne santé et des connaissances suffisantes pour affronter la vie.

C’est la privation de choix et de possibilités permettant à l’individu de vivre dans la dignité qui pose donc problème9. C’est un ensemble de « manques », de « privations », de « handicaps ». La pauvreté est multidimensionnelle, c’est-à-dire que le revenu n’est pas le seul facteur qui détermine l’appartenance à la catégorie des pauvres.

Dans cette vision, la pauvreté signifie davantage l’absence de ce qui est nécessaire au bien-être tant matériel que moral. Elle est la négation des opportunités et de possibilités de

[7] J.-J. DUPEYROUX, Sécurité sociale, 13 ème éd., Paris, Dalloz, 2001, p.155.[8] Internatinal Crisis Group, « Les terres de la discorde (I) : la réforme foncière au Burundi », in Rapport Afrique n° 213, 12 février 2014 ; International Crisis Group, « Les terres de la discorde (II) : restitution et réconciliation au Burundi », in Rapport Afrique n° 2014, 17 février 2014.[9] UNDP, Poverty Report 1998 ; Amartya SEN, La pauvreté comme absence de capacités…… SEN conteste les visions réductrices de la pauvreté fondées uniquement sur l’observation du niveau et de l’évolution du revenu par habitant des différents pays. Sa réflexion l’amène à mettre au cœur du développement l’accroissement des « capacités » de l’individu : un ensemble de libertés réelles qui lui permettent d’exploiter ses capacités et d’orienter son existence. A côté de la richesse monétaire, les travaux de SEN prennent en compte toutes les possibilités économiques, so-ciales et politiques offertes à l’individu, qui sont directement liées à son état de santé, à son niveau d’éducation, à son espérance de vie ou encore la possibilité de faire entendre sa voix dans les débats locaux et nationaux. Cette philosophie a inspiré l’adoption, lors du Sommet des Nations Unies en 2000, des « Objectifs du Millénaire pour le Développement », liste de huit objectifs et 18 cibles qui engagent la communauté internationale à faire disparaître l’extrême pauvreté et la faim, à garantir une éducation primaire universelle, à promouvoir l’égalité des sexes, à ré-duire la mortalité infantile et améliorer la santé maternelle, à combattre le SIDA, le paludisme et les autres maladies, à protéger l’environnement, et à mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

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choix les plus essentielles au développement humain notamment la longévité, la santé, la créa-tivité, mais aussi les conditions de vie décentes, la dignité, le respect de soi-même et des autres, l’accès à tout ce qui donne sa valeur à la vie10.

Cette pluri dimensionnalité fait pressentir toutes les difficultés d’analyse, de dé-termination des concepts et de démontage des mécanismes que rencontrera la recherche mais surtout, elle indique que les solutions pour bâtir un socle de sécurité sociale inclusif au Burundi devront passer par des mesures rigoureuses de lutte contre la pauvreté qui doivent aller de pair avec la réinvention du dispositif de sécurité sociale adapté à la situation de ces populations ex-clues.

2.2. Le profil de la vulnérabilité au BurundiSelon les dernières enquêtes 2006 menées auprès des ménages11, 67% de la popu-

lation vit en dessous du seuil de pauvreté (0,64 dollars américains/jour en milieu urbain et 0,41 dollars américains/jour en milieu urbain) contre une moyenne africaine de 42,3%.

Cette moyenne nationale élevée dissimule néanmoins de fortes disparités, avec 69% de pauvreté en milieu rural contre 34% en milieu urbain, soit un pays caractérisé par une forte pauvreté rurale. Les populations rurales, déjà les plus pauvres, sont aussi les plus vulné-rables aux changements climatiques, et en particulier les femmes, car elles dépendent plus que tous autres de l’environnement pour leur subsistance (accès à l’eau et aux combustibles, aux produits vivriers, etc.)12.

Au niveau de la santé, il faut noter que l’introduction du système gratuit de soins maternels et infantiles en 2006 a conduit à l’amélioration de la couverture vaccinale, qui est passé de 59% à 86% entre 2006 et 2010. Le taux d’accouchement dans les formations hospital-ières est passé de 22% en 2005 à 41% en 2009 et le taux de mortalité infantile s’est également amélioré de 166/1000 en 2006 à 71/1000 en 2011.

Malgré ces mesures, la mortalité maternelle reste élevée avec un taux de 615 décès pour 100.000 naissances vivantes en 2009.

Pour les personnes vivant avec le VIH/SIDA ou souffrant de la tuberculose ou du paludisme, les subventions en provenance du Fonds Mondial ont permis d’accroître le nombre de bénéficiaires de 600 à 20.307 entre 2002 et juin 2010. Le taux de prévalence du VIH/SIDA chez les adultes de 15-49 ans est de 4,2% chez les femmes et de 3,3% chez les hommes.

Pour ce qui est de l’accessibilité à l’eau potable, le taux est d’environ 85% à Bujumbura et 55% en milieu rural. Il faut bien noter que des efforts sont actuellement mobilisés pour permettre à toute la population d’avoir accès à l’eau potable notamment grâce à des ap-puis en provenance de la Coopération Technique Allemande et de la Banque Mondiale.

En ce qui est de l’éducation, le taux net de scolarisation, grâce à la Politique gou-vernementale de l’enseignement gratuit pour tous, est passé de 53% en 1990 à 90% en 2008. Toutefois, des défis majeurs subsistent, en particulier en ce qui est de la qualité de l’éducation et de l’inégalité dans l’accès à la scolarisation aussi bien de l’enseignement secondaire qu’à celui du supérieur. En effet, le taux d’achèvement du premier cycle du secondaire est de 17% pour les filles contre 24% pour les garçons tandis qu’au niveau du second cycle, ces taux sont ramenés respectivement à 9% et à 17%.

En ce qui est du genre, les efforts du Gouvernement pour l’équité sont encourag-[10] PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 1998, p.28.[11] Questionnaire Unifié du Bien-être de Base (QUIBB), Banque Mondiale, 2006.[12] BAD, Document de stratégie pays 2012-2016, Bujumbura, 2012.

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eants13. En premier lieu, le pays a ratifié la Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard des femmes. Il s’est ensuite doté d’une Politique Nationale Genre en 2003, d’un cadre légal adéquat, telle la Constitution de 2005 qui prévoit que 30% des postes de décision devront être tenus par des femmes et d’un nouveau Code pénal en 2009 pour renforcer la répression contre les violences liées au genre.

Néanmoins, l’autonomisation des femmes constitue toujours un défi, à cause du très faible accès aux facteurs de production comme le crédit et la terre ainsi que leur participa-tion insignifiante dans les secteurs porteurs. Selon la coutume burundaise, les femmes ne peu-vent ni posséder la terre ni hériter de leurs maris ou de leurs parents. Cette situation aggrave et renforce la vulnérabilité des ménages dirigés par les femmes, qui représentent 22% du total.

Sur le plan de l’environnement, le Burundi fait face à une dégradation continue et accélérée de son environnement dont les effets néfastes s’observent déjà à travers la détériora-tion du cadre de vie et la baisse de la capacité de production, en particulier au niveau du secteur agricole. Les sols burundais enregistrent une baisse de fertilité, ce qui a un impact important sur les femmes, en augmentant leur charge de travail, puisqu’elles constituent la majorité des agriculteurs, mais aussi ce sont elles qui collectent le combustible (bois) et l’eau14.

Cette dégradation des sols est consécutive à plusieurs causes dont les plus impor-tantes restent la forte pression démographique15 et l’exploitation ininterrompue, qui ne facilite pas le repos des terres.

Les résultats de simulation du changement climatique aux horizons 2050 font état, si rien n’est fait, d’une augmentation de la température ainsi qu’une variabilité plus marquée des précipitations caractérisée essentiellement par le rétrécissement de la saison des pluies. Ces perspectives sont de nature à exacerber et à aggraver les impacts déjà observés ces dern-ières années, notamment en matière de sécurité alimentaire et de dépendance énergétique16.

Sur le plan de la protection sociale, il importe de signaler que le système actuel ne couvre que le secteur structuré (environ 20% de la population active) principalement pour les risques maladie, maternité, vieillesse, invalidité, risques professionnels et allocation familiales en cas de charges sociales17. Le reste de la population (plus de 80%) est en dehors de la couver-ture sociale malgré quelques efforts des communautés qui s’associent en mutuelles de santé18

[13] BAD, op.cit., p.8.[14] Ibidem.[15] La densité était de 354,3 habitants/km carré en 2010 ; le taux de croissance de la population étant de 3,3% en 2008.[16] BAD, op.cit., p.8.[17] Les institutions de sécurité sociale qui couvrent ce secteur sont :• Institut national de sécurité sociale (INSS) qui couvre le secteur privé structuré plus les corps de défense et de

sécurité pour les risques professionnels et les risques vieillesse, invalidité et décès pour une couverture sociale de plus ou moins 3% de la population active ;

• La Mutuelle de la Fonction Publique (MFP) qui couvre le secteur public pour le risque maladie avec une couver-ture sociale de plus ou moins 10% de la population active ;

• L’Office National des Pensions et Risques professionnels (ONPR) qui couvre les fonctionnaires, les magistrats et les agents de l’ordre judiciaire pour les risques professionnels, la vieillesse, l’invalidité et le décès avec une couverture sociale de plus ou moins 7% de la population active.

[18] Quelques mutuelles communautaires fonctionnent à savoir :• les Mutualités de Santé de l’Archidiocèse de Gitega (MSAG en sigle) coordonnés par l’Organisation pour le

Développement de l’Archidiocèse de Gitega (ODAG) avec 18074 bénéficiaires en 2010.• la Mutuelle de santé des caféiculteurs du Burundi (MUSCABU) appuyée par l’ASBL ADISCO (Appui au

Développement Intégral et à la Solidarité sur les Collines) avec le soutien de l’ONG belge Solidarité Socialiste et des Mutualités socialistes avec 49 105 bénéficiaires en 2010.

• les Mutuelles de santé développées par l’ASBL UCODE (Union pour la Coopération et le développement) appuyé par le Fonds Belge de Survie ;

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et de la couverture des soins des mères qui accouchent et des enfants de moins de 5 ans assurée par le gouvernement ainsi que l’existence d’une carte d’assistance médicale (CAM, en sigle).Les exclus du système burundais de protection sociale sont principalement les populations rurales qui vivent de l’agriculture et les populations urbaines du secteur informel qui survivent grâce à de petites activités génératrices de revenus.

En réalité, la cause de leur exclusion n’est autre chose que la situation de pauvreté dans laquelle elles se trouvent. La pauvreté, par la précarité et l’exclusion qu’elle entraîne, anni-hile tout effort d’extension de la protection sociale à l’égard de ces populations. L’existence des bases sociales et économiques nécessaires pour permettre à chacun de disposer d’un niveau de vie suffisant à la couverture de ses besoins élémentaires est donc un préalable à la mise en place de toute mesure efficace de protection sociale, qu’il convient de démarquer des dispositions d’assistance, visant à pallier les conséquences les plus criantes de la misère.

3. Les mesures de réductIon de LA pAuvreté: LA vIsIon 2025 et Le csLp II

La Vision 2025 a l’ambition de mettre le Burundi sur la voie du développement dura-ble à l’horizon 2025. Afin de relever ce défi, le Burundi s’est donné les objectifs globaux suivants :

• l’instauration de la bonne gouvernance dans un état de droit ;

• le développement d’une économie forte et compétitive ;

• l’amélioration des conditions de vie des citoyens.

Cette Vision est un plan courageux pour sortir le peuple burundais de la spirale de conflits et de la pauvreté en transformant le pays en Havre de Paix et de Prospérité « Uburundi Buhire ». Elle peut sembler trop ambitieuse pour un pays qui sort des conflits de plus de deux décennies avec une mauvaise performance économique. Mais le Burundi n’a d’autre choix que d’avancer résolument vers le développement durable afin de garantir des conditions de vie meil-leures à sa population qui a tant souffert d’une pauvreté insoutenable.

Pour atteindre les objectifs de cette Vision, le Burundi vient de se doter d’un Cadre Stratégique de Croissance et de Lutte contre la Pauvreté de deuxième génération (CSLP II) 2012-2016.De tels documents sont généralement élaborés par les Ministères en charge de la planification du développement en collaboration avec les Institutions de Bretton Woods19. Cette initiative a innové la stratégie de lutte contre la pauvreté dans le monde.En effet, la réorientation stratégique opérée par les Institutions de Bretton Woods (IBW) est le fruit d’une réflexion en profondeur, dont l’origine tient à l’aggravation de la pauvreté dans de nombreux pays en développement dans un contexte marqué par l’échec des politiques d’ajust-ement structurel20 et la crise de la dette, ces éléments débouchant sur une remise en cause de

• Mutuelles de santé en province de Bujumbura Rural en création avec l’appui de l’ONG SOS Médicaments ;• Mutuelles de santé du Diocèse de Muyinga en création avec l’appui financier des Mutualités Chrétiennes de

Gand (CMVV).[19] Le lancement de l’Initiative PPTE (Pays Pauvres et Très Endettés) en 1996 avait pour la première fois remis en cause le principe de l’intangibilité des créances des Institutions de Bretton Woods (IBW). Les difficultés de mise en œuvre de cet objectif ont conduit au lancement de l’initiative PPTE “renforcée” en 1999, qui a véritablement marqué le démarrage du processus d’allègement de la dette des pays pauvres surendettés. Compte tenu de l’ampleur des sommes en jeu, les pays créanciers ont souhaité que les ressources dégagées par l’allègement de dette aient une affectation précise bénéficiant au développement des pays concernés. Le lancement simultané des Documents de Stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP en sigle) a précisé cette affectation en jetant les bases d’un contrôle de ces fonds, tout en procurant le financement des nouvelles stratégies. [20] “Loin d’être une panacée pour le Burundi, ces réformes et programmes de développement avec les institu-tions financières internationales se sont avérés contraignants et inefficaces que la pauvreté n’a cessé de croître et de

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la légitimité de ces institutions21.

Cet échec des politiques jusque-là menées par les Institutions de Bretton Woods a été décrié par l’économiste américain J. E. STIGLITZ, Prix Nobel d’économie en 2001. Dans son ouvrage intitulé “La grande désillusion”, l’éminent économiste souligne que « les thérapies du FMI ont fait que les riches se sont enrichis, les pauvres appauvris, sans jamais apporter la stabilité économique mondiale que le Fonds est pourtant en charge de favoriser »22.

Dans un tel contexte, ces institutions ont été contraintes d’effectuer un saut quali-tatif en cherchant à renouveler leurs analyses et leurs pratiques: les nouvelles stratégies de lutte contre la pauvreté constituent l’aboutissement de cette démarche.

Ce nouveau Document stratégique23 s’articule sur les quatre axes suivants :

• le renforcement de l’état de droit, la consolidation de la bonne gouvernance et la promotion de l’égalité des genres ;

• la transformation de l’économie par une croissance soutenue et créatrice d’emplois ;

• l’amélioration du taux d’accessibilité et de la qualité des services de base et le renforcement de la solidarité nationale ;

• la gestion de l’espace et de l’environnement en harmonie avec le développe-ment.

La mise en œuvre du CSLP II devrait favoriser la convergence vers les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) mais très peu de ces objectifs seront atteints au Burundi en 2015. En effet, même si les conclusions de l’édition 2012 du Rapport sur l’évaluation des progrès accomplis en Afrique dans la réalisation des OMD confirment que la croissance économique soutenue et les améliorations enregistrées en termes de réduction de la pauvreté au niveau du continent continuent d’avoir un impact positif sur la progression vers la réalisation des OMD, il sera difficile pour le Burundi de réduire la pauvreté, l’extrême pauvreté et la faim de moitié dans les prochaines années par rapport à leurs niveaux de 1990.

Par ailleurs, s’il est vrai que qu’avec la gratuité de la scolarité dans le primaire, le taux de scolarisation brut pourrait atteindre 100% avant 2015 à parité entre filles et garçons, il n’est pas moins vrai que le taux d’échec scolaire devrait rester malheureusement élevé. De même, aucun des OMD relatifs à la santé et à la protection sociale ne devrait être atteint, malgré les progrès constatés sur des aspects particuliers (prévalence du VIH/SIDA par exemple).

Pour accélérer l’atteinte de ces OMD, le Gouvernement devrait établir les fonde-ments d’une croissance économique stable et solide grâce notamment à un investissement dans les secteurs à fort potentiel de croissance. Le CSLP II propose au Gouvernement un programme complet de promotion du développement du secteur privé par la conjonction de meilleures in-frastructures, l’amélioration continue du climat des affaires, le renforcement des compétences

gagner en ampleur. Parallèlement, la croissance économique s’est avérée le plus souvent lente et erratique. Voir V. BASHIRAHISHIZE, Gestion des politiques macro-économiques et structurelles au Burundi, IDEC, Bujumbura, 2007, p. 2.[21] La crise de légitimité des Institutions de Bretton Woods résultait pour beaucoup de deux éléments. D’un côté, l’opinion publique dans les pays développés s’interrogeait sur l’utilité de continuer à consacrer des efforts fi-nanciers aussi conséquents à l’aide au développement (ce que l’on a appelé “fatigue d’aide”). Pour lutter contre ce désenchantement, le thème de la pauvreté était manifestement porteur, ne serait-ce que dans une optique de solida-rité humanitaire. De l’autre, il s’agissait de répondre aux critiques de plus en plus virulentes de la société civile et des mouvements contestataires concernant l’action des organisations internationales.[22] Joseph E. STIGLITZ, La grande désillusion, éd. FAYARD, Paris, 2002. Edition originale : Globalization and Its Discontents, WW. Norton, New York, 2002.[23] Le CSLP II succède au CSLP I qui a couvert les années 2006 à 2011.

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par une formation technique et professionnelle de qualité et par la promotion de l’inclusion fi-nancière.

Quant à la contribution de la communauté internationale, il est question qu’elle honore les engagements pris lors de la Conférence des Partenaires au Développement tenue à Genève au mois d’octobre 2012 dont les promesses sont évaluées à 2,6 milliards de dollars amé-ricains24 pour financer le CSLP II.

Lors de la deuxième conférence sectorielle pour le suivi de la réalisation des promesses de Genève qui s’est tenue à Bujumbura le 30 octobre 2013, le Gouvernement du Burundi a réaffirmé sa ferme volonté de poursuivre les efforts de consolidation de la bonne gouvernance, de la lutte contre la corruption et les malversations économiques, de création de conditions favorables à un environnement politique et sécuritaire digne d’un Etat de droit et démocratique.

Le Gouvernement est également conscient que cette responsabilité exige de re-doubler les efforts pour relever les nouveaux défis en rapport avec la gouvernance, les conflits fonciers, le renforcement des libertés individuelles et de la démocratie inclusive, le taux de crois-sance économique faible, l’insécurité alimentaire, le déficit énergétique, le taux de croissance démographique élevé, la qualité des soins de santé, etc.

Pour relever tous ces défis, le Gouvernement du Burundi doit se convaincre, comme l’a si bien dit le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies à la Deuxième Conférence sectorielle des Partenaires au Développement, « qu’il n’y a pas d’alternative viable à l’effort et aux sacrifices qui l’accompagnent. Car, ce qui est en jeu, ici comme ailleurs, c’est la vie des peuples et la paix des nations. Il n’y a ni raccourcis ni substituts crédibles à une gouvernance rationnelle et rigoureuse de l’appareil administratif et à l’établissement d’institutions démocra-tiques nationales transparentes et crédibles. (…) parce que le combat pour le développement passe, aujourd’hui comme hier, par la victoire de l’intelligence sur les forces de l’inertie, la pour-suite du bien commun, dans une liberté plus grande, responsable et assumée»25.

4. LA constructIon d’un socLe nAtIonAL de protectIon socIALe pour tous d’IcI L’An 2025

Depuis la signature de l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation, les Burundais se sont engagés à instaurer un nouvel ordre politique, économique , social, culturel et judiciaire dans le cadre d’une constitution fondée sur les valeurs de justice, de primauté du droit, de démocratie, de bonne gouvernance, de pluralisme, de respect des droits et libertés fon-damentaux des individus, d’unité, de solidarité, d’égalité entre les hommes et les femmes, de compréhension mutuelle et de tolérance entre les différentes composantes politiques et eth-niques du peuple burundais.

La mise en œuvre de cet Accord s’est traduit par l’adoption d’une Constitution le 18 mars 2005 qui institue un Etat qui veille, dans la mesure du possible, à ce que tous les citoyens disposent des moyens de mener une existence conforme à la dignité humaine26.

[24] www.burundiconference.gov.bi/[25] www.bi.undp.org/.../burundi/deuxi-me-conf-rence-sectorielle-des-parten... consulté en mars 2014.[26] Art. 27 de la Constitution du Burundi adopté le 18 mars 2005. Cette expression a été probablement empruntée par le rédacteur de la Constitution burundaise dans la Constitution belge du 27 février 1994 qui dispose en son article 23 que « chacun a droit de mener une vie conforme à la dignité humaine » .On y évoque le respect des droits écono-miques, sociaux et culturels qui comprennent :• le droit au travail et au libre choix d’une activité professionnelle dans le cadre d’une politique générale de l’emploi

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Pour garantir cette dignité humaine, les mesures de protection sociale sont incon-tournables car ces mesures sont destinées à donner à l’homme les moyens nécessaires pour un exercice effectif de ses libertés politiques. En effet, le Burundi a l’obligation fondamentale mini-mum d’assurer, en tant que signataire du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, au moins, la satisfaction de l’essentiel de chacun des droits contenus dans le Pacte. Selon le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, « un Etat partie dans lequel, par exemple, nombreuses sont les personnes qui manquent l’essentiel, qu’il s’agisse de nourriture, de soins de santé primaires, de logement ou d’enseignement, est un Etat qui, à première vue, néglige les obligations qui lui incombent en vertu du Pacte »27. Le Comité tient en-core à souligner que « même s’il est démontré que les ressources disponibles sont insuffisantes, l’obligation demeure, pour un Etat partie, de s’efforcer d’assurer la jouissance la plus large pos-sible des droits pertinents dans les circonstances qui lui sont propres »28.

En outre, le Comité souligne que « même en temps de grave pénurie, en raison d’un processus d’ajustement, de la récession économique ou d’autres facteurs, les éléments vulné-rables de la société peuvent et doivent être protégés grâce à la mise en œuvre de programmes spécifiques relativement peu coûteux »29.

La construction d’un socle de protection sociale au Burundi vise effectivement à protéger contre le dénuement les franges les plus fragiles de la population et le Gouvernement du Burundi a déjà montré sa ferme détermination à assurer des soins de santé primaires pour tous ainsi qu’un minimum de sécurité de revenu à ceux qui sont dans le besoin lorsqu’il a adopté en 2011 la Politique Nationale de Protection Sociale (PNPS en sigle).

4.1. La notion de socle de protection sociale Dans son Rapport de 2004, la Commission Mondiale sur la Dimension Sociale de la

Mondialisation avait reconnu que la mise en place d’un socle socio-économique pour tous est un élément crucial de toute stratégie visant à réduire la pauvreté. Elle identifie les éléments qui doivent composer ce socle et insiste sur le fait qu’un niveau minimal de protection sociale doit être accepté en tant qu’élément du socle socio-économique de l’économie mondiale.

Le concept du socle de sécurité sociale est basé sur les principes communs de jus-tice sociale et est ancré dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966, les Conventions et recommandations de l’OIT sur la sécurité sociale (C 102 et R 202), la Convention relative aux droits de l’enfant et d’autres textes relatifs aux droits de l’homme.

Il importe de rappeler ici que la réalisation du droit à la sécurité sociale représente un élément fondamental de la Constitution et du mandat de l’OIT. Déjà en 1944, la Déclaration

visant entre autres à assurer un niveau d’emploi aussi stable et élevé que possible, le droit à des conditions de travail et à une rémunération équitables, ainsi que le droit d’information, de consultation et de négociation col-lectives ;

• le droit à la sécurité sociale, à la protection de la santé et à l’aide médicale et juridique ;• le droit à un logement décent ;• le droit à la protection d’un environnement sain ;• le droit à l’épanouissement culturel et social. [27] Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n° 3.[28] Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n° 3.[29] Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n° 3. A l’appui de cette thèse, voir UNICEF, L’ajustement à visage humain ; protéger les groupes vulnérables et favoriser la croissance, Economica, Paris, 1987 ; PNUD, Rapport mondial sur le développement humain, Economica, Paris, 1990.

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de Philadelphie reconnaissait expressément l’obligation solennelle de l’OIT de soutenir la mise en œuvre de programmes propres à réaliser entre autres (…) l’extension des mesures de sécurité sociale en vue d’assurer un revenu de base à tous ceux qui ont besoin d’une telle protection ainsi que des soins médicaux complets.

Récemment, les Etat membres de l’OIT et les partenaires sociaux ont adopté lors de la Conférence internationale du travail la Déclaration de l’OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable (2008) ainsi que le Pacte mondial pour l’emploi (2009).

La Déclaration de l’OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable établit une nouvelle base sur laquelle l’OIT peut soutenir efficacement les efforts de ses man-dants visant à promouvoir et réaliser le progrès et la justice sociale et ce à travers les quatre objectifs stratégiques de l’OIT exprimés dans l’Agenda du travail décent à savoir la promotion des droits fondamentaux, la création d’emplois, la protection sociale et le dialogue social.

Le Pacte mondial pour l’emploi est la réponse cadre de l’OIT à la crise mondiale de 2008 et a pour but fondamental de proposer une base concertée, à la fois au niveau national et international, sur laquelle asseoir des politiques destinées à stimuler la reprise économique, la création d’emplois décents et l’extension de la sécurité sociale.

Le Pacte invite expressément les pays à adopter une protection sociale adéquate universelle fondée sur un socle de protection sociale. Le socle repose sur l’idée que chacun doit bénéficier d’une sécurité de revenu de base suffisante pour vivre, garantie par des transferts en espèces ou en nature, comme les pensions sociales pour les personnes âgées ou handicapées, les allocations familiales, les dispositifs de soutien au revenu et/ou les garanties d’emploi, ainsi que les services pour les chômeurs et les travailleurs pauvres.

Aux termes de la Recommandation n° 202 de l’OIT adoptée par la Conférence internationale du travail au cours de la session de juin 201230, les socles de protection sociale sont un ensemble de garanties élémentaires de sécurité sociale définies au niveau national qui permettent de prévenir et de réduire la pauvreté, la vulnérabilité et l’exclusion sociale. Elles devraient au moins comprendre les quatre garanties de sécurité sociale suivantes, définies à l’échelle nationale :

• accès aux soins de santé essentiels, y compris les soins de maternité ;

• sécurité élémentaire de revenu pour les enfants, accès à l’alimentation, à l’éducation, aux soins de santé et à tous les autres biens et services néces-saires ;

• sécurité élémentaire de revenu pour les personnes d’âge actif qui sont dans l’incapacité de gagner un revenu suffisant, notamment pour les cas de maladie, de chômage, de maternité ou d’invalidité ;

• sécurité élémentaire de revenu pour les personnes âgées.

4.2. Les axes de la stratégie pour la construction du socle national de sécurité sociale

L’expérience a montré que pour des pays à bas revenu comme le Burundi, la priorité serait donnée à la fourniture d’un accès à des soins de santé de base universels à toute la popu-lation et à des prestations familiales qui encouragent la fréquentation scolaire des enfants sans négliger les transferts sociaux ciblés en faveurs des personnes âgées et des adultes en situation de vulnérabilité.

[30] Art. 1 de la Recommandation n° 202 de l’OIT, 2012.

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4.2.1. La garantie des prestations en cas de maladie Le rapport du BIT sur l’évaluation technique pour la mise en place d’un socle de

protection sociale au Burundi présenté en 2013 nous renseigne qu’environ 17% des personnes malades n’auraient pas accès aux soins de santé et que 81,5% des patients seraient obligés de s’endetter ou de vendre des biens afin de faire face à la dépense de santé31.

Cette situation montre l’ampleur du déficit à combler pour se conformer à la Recommandation n° 202 de l’OIT concernant les Socles nationaux de protection sociale qui stipule en son paragraphe 8(a) que « les personnes ayant besoin de soins de santé ne devraient pas être confrontées à une charge trop lourde ni à un risque accru de pauvreté résultant des conséquences financières de l’accès aux soins de santé essentiels ».

Dans le domaine précis de la santé, il a été reconnu que la sécurité sociale peut jouer un rôle important en réadaptant son action, orientée traditionnellement vers le traitement des malades et l’octroi de certaines prestations en espèces, aux exigences du milieu rural et en intégrant ses efforts à ceux déployés par les organismes de santé publique. Cette intégration est d’autant plus souhaitable que les services de santé publique au Burundi sont actuellement loin de pouvoir satisfaire les besoins de médecine curative et préventive des populations rurales, même de manière primaire, en raison particulièrement des contraintes financières qui limitent considérablement leurs possibilités d’agir et du nombre limité de personnel soignant en milieu rural.

A cet égard, nous pensons que des programmes qui font participer les popula-tions rurales au financement des soins de santé (carte d’assistance/assurance maladie et mi-cro-assurance santé) seraient les mieux indiqués étant donné qu’ils permettront d’accroître les ressources investies dans le domaine de la santé. Ces ressources serviraient prioritairement à couvrir les soins de santé primaires et renforceraient la protection de la santé de la mère et de l’enfant qui est aujourd’hui garantie par le Gouvernement par son système de gratuité des soins de la mère et de l’enfant de moins de 5 ans.

Pour les populations les plus vulnérables incapables de participer au financement, il sera créé un Fonds d’Appui à la Protection Sociale qui pourra subventionner soit partielle-ment soit totalement leur contributions. En effet, aux termes de l’article 32 du décret n° 100/237 du 22 août 2012 portant création, organisation, missions et fonctionnement de la Commission Nationale de Protection Sociale, « l’Etat et ses partenaires constitueront un Fonds d’Appui à la Protection Sociale (FAPS) pour financer les programmes de mise en œuvre de la Politique Nationale à travers les plans d’action élaborés conjointement ». Les modalités pratiques de l’alimentation et de la gestion de ce fonds seront précisées dans un texte réglementaire spéci-fique.

4.2.1.1. La généralisation de la carte d’assistance médicale32

La Carte d’Assistance Médicale (CAM en sigle) a été instituée par l’Ordonnance Ministérielle du 20 mars 1984. Cette carte donne à son acquéreur le droit aux soins de santé pri-maires et son coût variait selon que le bénéficiaire tire l’essentiel de ses revenus de l’agriculture, du petit commerce ou du commerce enregistré. Le système a été respectivement modifié par l’Ordonnance Ministérielle n° 630/172 du 23 mai 1996 et l’Arrêté de 2012 du IIème Vice-Président

[31] Ministère de la Santé Publique et de la Lutte contre le SIDA, Programme National de développement Sanitaire 2011-1015 (PNDS II).[32] Voir l’étude de l’IDEC, Contribution à l’amélioration des mécanismes de financement des soins de santé au Burundi: vers une nouvelle formule de la carte d’assistance médicale, Inédit.

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de la République. Cette carte médicale coûte aujourd’hui 3 000 Fbu, soit l’équivalent 1,5 euros par an et par ménage.

Malgré ces différentes réformes en vue de son efficience, le système si séduisant dans ses apparences n’est utilisé que par moins de 30% de la population. Les raisons qui ex-pliquent ce manque de succès sont notamment l’indisponibilité des médicaments dans les of-ficines des dispensaires, la médiocrité des services offerts par les centres de santé ainsi que le refus systématique de la carte CAM par la plupart des hôpitaux qui sont aujourd’hui en autono-mie de gestion33.

Pour la rendre plus profitable aux populations exclues des systèmes légaux actuels de protection sociale, nous donnons dans les lignes qui suivent les axes de notre réflexion pour sa généralisation et son efficience.

Faut-il garder le système actuel qui permet l’achat de la CAM tout le long de l’année?

Lors du lancement de la CAM, l’achat de la carte pouvait se faire tout le long de l’année mais la validité s’éteignait le 31 décembre de la même année. Cette échéance visait à pousser les populations à acheter la carte au début de l’année pour pouvoir maximiser son utili-té. Aujourd’hui, on l’achète quand on veut et sa validité est de 12 mois à partir du jour de l’achat.

Ce système a un triple inconvénient :

• la maladie peut survenir au moment où le ménage n’a pas de revenus ;

• la solidarité des biens portants et des malades n’existe pas ;

• difficultés de planifier les recettes et les activités.

Il serait donc intéressant d’acheter la CAM à une période bien fixe de l’année avec date limite. Passé ce délai, les retardataires devraient se voir blâmer comme c’est le cas au Rwanda où la date limite est fixée au 31 janvier de chaque année en ce qui est des cotisations pour les mutuelles communautaires.

Faut-il rendre obligatoire la CAM ?

La CAM devrait être rendu obligatoire pour éviter l’écueil de l’aléa moral et serait une étape vers la couverture maladie universelle. Ce système favorise la solidarité entre les bi-ens portants et les malades et augmente les apports au financement du système de santé. Mais cette éventualité devra d’abord faire objet d’une étude approfondie pour que le système ne soit perçu comme une contrainte de plus. Il faudrait au préalable veiller à la disponibilité du médica-ment dans les CDS et à la qualité de l’accueil des populations. Il faudrait également, pour la rendre plus équitable, en fixer le prix en fonction des capacités contributives des ménages. Ici, il y a lieu d’envisager la catégorisation des ménages en fonction de leurs revenus.

Les recettes de la CAM doivent-elles rester à la commune ou au centre de santé?

Un système permettant le recyclage de toutes les recettes de la CAM dans le réseau des centres de santé de la commune où elles sont perçues semble être la meilleure orientation surtout dans l’optique d’une décentralisation. Ce système permettrait aux populations de pro-fiter directement de leurs efforts mais il a pour inconvénient majeur: l’absence de solidarité au niveau national.

Pour éviter cet écueil, il serait judicieux de verser une partie des recettes dans une caisse nationale et cette caisse permettrait l’accomplissement de certaines actions telles que

[33] T. KAMWENUBUSA et al., « Etude comparative des systèmes de protection sociale au Rwanda et au Burundi », in Rapports sur les Droits Economiques, Sociaux et culturels, Bruxelles, Wereldsolidariteit-Solidarité Mondiale (WSM), 2008, p.90

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des investissements qui ont une ampleur nationale, des subventions aux communes peu peu-plées ou moins nanties, des études de toutes sortes visant l’efficience du système,…

Quel est le meilleur système de gestion?

Pour ce qui est de son organisation administrative, la nouvelle formule de la CAM devrait être aussi proche que possible de la population. Le principe de la décentralisation semble le mieux indiqué. En effet, « la décentralisation des décisions n’est plus un idéal dont on pourrait se passer mais une nécessité de la vie pratique des affaires »34. Mais il importe de décentraliser tout en veillant à préserver la solidarité du système sur le plan national.

Concrètement, nous proposons une organisation administrative à trois échelons.

Au niveau communal d’abord. Il est pertinent de créer des Comités des Usagers des Centres de Santé qui seraient chargés de l’animation continue de l’assurance. Ces comités se chargeraient d’animer les campagnes de recouvrement des cotisations et joueraient ainsi le rôle d’intermédiaire entre l’administration de la CAM et les assurés.

Le Comité Provincial collaborerait avec la direction provinciale de la santé. Il serait chargé de coordonner l’action des comités d’animation dans les communes. Il doit également servir de relais dans la transmission des directives provenant de l’échelon national.

Au niveau national, la gestion de la CAM serait confiée à un Directeur Général élu par un Conseil d’Administration ou de Surveillance dans lequel siègeraient aussi bien les représentants des assurés que ceux de l’Etat. S’y ajouterait un représentant de l’Ordre des mé-decins et un représentant de l’Ordre des pharmaciens. A ce niveau, il sera question de central-iser la collecte des cotisations pour les redistribuer ensuite dans les différents centres de santé et hôpitaux du pays, d’animer et d’exécuter, en collaboration avec les services techniques du ministère de la santé, les campagnes de prévention des pandémies, etc.

4.2.1.2. La promotion des mutuelles communautairesLes mutuelles de santé sont une variété des systèmes de micro-assurance qui se

développent sur le continent africain, ainsi que dans l’ensemble des pays en développement. Elles constituent une stratégie complémentaire visant à promouvoir l’accès des exclus aux soins de santé.

Cette stratégie rejoint ce que préconise le Programme National de Développement Sanitaire (PNDS) 2011-205 qui propose la mise en place d’un programme d’appui au développe-ment des mutuelles de santé.

Une mutuelle de santé est, selon le BIT, une association à but non lucratif, basée sur les principes de solidarité et d’entraide entre les personnes physiques qui y adhèrent de fa-çon libre et volontaire35. Son objectif principal est de mener, au moyen des cotisations de ses membres et par une démocratie participative, des actions de prévoyance dans le domaine de la santé. Le membre paie une cotisation qui n’est pas liée à son risque individuel, et il n’y a pas de critères d’exclusion36.

Ainsi donc, la mutuelle fonctionne suivant un certain nombre de principes fonda-mentaux parmi lesquels on peut citer37:

• la solidarité: le principe de solidarité est le fondement de la mutuelle. Ses im-plications sont doubles. D’une part, chaque membre paie une cotisation qui

[34] J.L.ARDOIN et H.JORDAN, Le contrôleur de gestion, Flammarion, Paris, 1978, p.231.[35] BIT/STEP, Guide d’introduction à la mutuelle de santé, Genève, 2000, p.12[36] Ibidem.[37] BIT/STEP, op. cit. , p. 13.

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est indépendante de son risque personnel de tomber malade. La cotisation est donc la même, quels que soient l’âge, le sexe, l’état de santé de l’adhérent. La mutuelle instaure ainsi une solidarité entre malades et biens portants, entre jeunes et vieux, et entre les différentes catégories professionnelles et sociales. D’autre part, chacun bénéficie des mêmes services de maladie ;

• le fonctionnement démocratique et participatif: chacun est libre d’adhérer à une mutuelle et ce, sans discrimination raciale, ethnique, sexuelle, religieuse, so-ciale ou politique. Tous les membres ont les mêmes droits et obligations. Ils ont, entre autres, directement ou indirectement, le droit de participer aux dif-férentes instances de décision ;

• autonomie et liberté dans le respect des lois: la mutuelle est une organisation libre qui doit, en conséquence, pouvoir prendre des décisions sans demander des autorisations aux autorités publiques. Cette souplesse dans l’action est bé-néfique pour les membres, car elle permet d’adapter les services offerts à leurs besoins. Qui plus est, une mutuelle ne doit pas seulement être autonome vis-à-vis de l’Etat, mais également vis-à-vis des partis politiques, des groupes de pression qui défendent parfois des intérêts contradictoires ;

• but non lucratif: par vocation, une mutuelle ambitionne de consacrer son action au service de ses membres. Elle ne peut donc poursuivre un but lucratif. La re-cherche du profit est incompatible avec sa nature. Cependant, cela ne veut pas dire que les considérations économiques et les principes de bonne gestion peu-vent être négligés, car ils contribuent à la réalisation du bien-être collectif. Un surplus de recettes peut, une fois qu’une réserve raisonnable est constituée, permettre d’améliorer les services existants, répondre à d’autres besoins des membres ou éventuellement réduire le montant des cotisations ;

• épanouissement de la personne: le respect de la dignité de la personne dans toutes ses dimensions, quels que soient son sexe, sa race, son origine sociale, est un autre principe de base de la mutualité. Reconnaissant l’originalité de chacun, la recherche de l’épanouissement de la personne doit aboutir à une plus grande autonomie et responsabilité vis-à-vis de sa propre santé et de celle des autres. C’est dans cet esprit que les mutuelles offrent à leurs membres non seulement des formations mais aussi des programmes d’éducation à la santé et qu’elles les encouragent à un engagement social en vue de l’intégration des malades et des plus démunis ;

• la responsabilité des membres: la solidarité, la démocratie participative, l’autonomie et même l’épanouissement de la personne supposent toujours que la mutuelle et ses membres prennent leurs responsabilités souvent indiquées dans les statuts et le règlement intérieur. Les autres principes resteront lettre morte si la gestion de la mutuelle n’est pas saine, si les membres ne se com-portent pas de manière responsable vis-à-vis de leur santé, de celle des autres, dans l’utilisation des ressources de la mutuelle, dans des décisions qu’ils pren-nent dans les différentes assemblées, etc.

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D’après une étude réalisée par le PNUD38, il a été constaté que les femmes disposent des caractéristiques qui favorisent la réussite d’une mutuelle. En Afrique39 notamment, on con-sidère que les femmes sont plus disciplinées et plus économes en ce qui concerne le rembourse-ment, plus disposées à assister aux réunions villageoises régulières et à écouter les représent-ants locaux. On constate aussi que les femmes consacrent souvent un revenu supplémentaire à l’amélioration de la situation familiale. La femme est souvent la personne la mieux informée de la santé de ses enfants, de son mari ou de ses parents. La mise en place des mutuelles de santé peut favoriser l’émancipation de la femme, le renforcement de ses capacités et la confiance en elle-même.

La création de systèmes associatifs de type mutualiste, combinant l’entraide af-ricaine traditionnelle et les principes nouveaux de l’assurance et de la solidarité, paraît être la meilleure solution pour sortir de la crise actuelle les systèmes de santé en Afrique et comme l’alternative au développement d’une médecine réservée aux plus fortunés. Mais les systèmes mutualistes ne peuvent ni constituer un pilier universel de base de la sécurité fondé sur la soli-darité nationale, ni se substituer à un tel pilier. Ils peuvent toutefois permettre l’établissement, dans le secteur de la santé, d’une relation entre le payeur et le fournisseur qui soit source d’une plus grande efficacité et d’une meilleure qualité40.

En effet, à travers les mutuelles, les utilisateurs des formations sanitaires devi-ennent de vrais ayants droit qui revendiquent un accès aux meilleurs soins de santé. Les pr-estataires de soins deviennent, de leur côté, redevables.

La mutuelle est également un facteur de transformation parce qu’elle entraîne des changements sociaux tant au niveau de l’individu qu’au niveau de la société de par sa gestion démocratique et associative qui responsabilise les adhérents, leur permet de s’exprimer et de défendre des choix et de faire entendre leurs voix41.

En matière de réussite de la couverture sociale maladie grâce à la mutualité, l’expérience rwandaise mérite d’être citée comme un exemple en Afrique sub-saharienne. En décembre 2004, le Gouvernement rwandais a élaboré sa Politique de Développement des Mutuelles de Santé qui a abouti à l’adoption de la loi n° 62/2007 portant création, organisa-tion, fonctionnement et gestion des mutuelles de santé et rendant en même temps obligatoire l’adhésion à une assurance maladie pour tous résidants sur le territoire rwandais42.

Suite à l’adoption de cette Politique Nationale, le montant des cotisations pour chaque ménage a été fixé par le Gouvernement à 1,8 Dollars américains à payer avant le 31 jan-vier de chaque année pour une couverture annuelle du Paquet Minimum d’Activité.

En même temps, un Fonds National de Garantie des Mutuelles de santé a été créé pour couvrir tous les soins de santé dispensés aux mutualistes par les hôpitaux de référence, ve-nir en aide aux mutuelles et pour assurer le paiement des jetons des membres du comité d’audit lors des réunions. Les personnes vulnérables sont depuis janvier 2006 pris en charge quant à leurs cotisations par le projet Assuring Access to Quality Care du Global Fund (Fonds Mondial). Cette population vulnérable est estimée à 27% de la population.

[38] PNUD Afrique, Progrès dans la lutte contre la pauvreté en Afrique, 1998.[39] Voir le site internet du programme STEP/ BIT (www.ilo.org/step) ainsi que le site www: concertation.org qui relate les expériences des mutuelles de santé en Afrique Occidentale et Centrale.[40] M. CICHON et K. HAGEMEJER, Le sécurité sociale pour tous: un investissement dans le développement social et éco-nomique mondial, Questions de protection sociale, Document de réflexion N° 16, OIT, Genève, 2006, pp. 25-26.[41] J. MICHIELSEN et alli, “Social protection in health: the need for a transformative dimension”, Tropical Medecine and International Health, 2010, 654-658.[42] Art. 33 de ladite loi citée dans le texte.

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Depuis la mise en œuvre de cette Politique, l’accessibilité aux soins de santé a for-tement augmenté (plus de 90%). Cette réussite est à mettre au compte d’une forte volonté politique du gouvernement rwandais engagé à assurer l’accessibilité aux soins de santé à tous ses résidents.

Le système mis en place au Rwanda est un système innovant encore jeune, il est vrai, mais celui-ci démontre qu’il est possible dans un pays en développement de briser les bar-rières financières aux soins de santé à une majorité de sa population même si la viabilité d’un tel système dépend pour une bonne partie des appuis des partenaires étrangers.

La promotion de l’assurance sociale de proximité ne signifie pas que d’autres stra-tégies ne doivent pas être en même temps employées. La combinaison de l’assurance nationale obligatoire pour le secteur formel d’une assurance nationale de proximité d’abord facultative puis obligatoire à un horizon décennal et d’une assistance sociale bien ciblée en faveur des vul-nérables représente assurément un programme ambitieux mais crédible. Cette combinaison devra aboutir à terme à une couverture maladie universelle comme c’est le cas dans la majorité des pays développés.

Pour atteindre rapidement cette couverture maladie universelle, des articulations entre les systèmes légaux d’assurance maladie et les mécanismes de protection sociale à base communautaires sont plus que nécessaires comme l’ont bien montré les conclusions du Forum mondial de la sécurité sociale qui s’est déroulé du 10 au 15 septembre 2007 à Moscou. Aussi, les mutuelles doivent être articulées avec la politique de la gratuité des soins maternels et infan-tiles adoptée par le Burundi depuis 2006.

4.2.1.3. Des articulations à réaliser- Articulation entre les régimes légaux de sécurité sociale et les mécanismes de protection

sociale à base communautaire Au niveau du financement, les mécanismes de protection sociale à base commu-

nautaire sont confrontés à des problèmes de viabilité et ont souvent besoin d’appuis financi-ers, compte tenu de la faible capacité contributive de la population à assurer. Des ressources externes sont souvent nécessaires pour rendre les systèmes viables et donc garantir un accès équitable aux soins de santé.

Ces ressources peuvent consister en des transferts de fonds du budget de l’Etat vers les régimes, mais peuvent aussi être le fruit d’une redistribution de fonds entre les régimes légaux et les systèmes communautaires. On trouve des exemples d’articulations financières dans un certain nombre de pays.

Ainsi, dans le régime colombien d’assurance maladie subventionné, la subvention des cotisations des plus pauvres et des groupes vulnérables est effectuée grâce à deux types de fonds : des recettes fiscales (taxes sur les hydrocarbures et sur les jeux) et le transfert d’une partie des cotisations du régime légal de sécurité sociale43.

Au Rwanda, les mutuelles de santé bénéficient de la part de la Rwandaise d’Assurance Maladie (RAMA) et de l’Assurance Maladie des Militaires (MMI) des subventions mensuelles équivalentes respectivement à 1% du volume des fonds collectés chaque mois grâce à la loi n° 62/2007 portant création, organisation, fonctionnement et gestion des Mutuelles de santé et rendant obligatoire l’adhésion à une assurance santé44.

[43] Idem, p. 8.[44] Art. 33 de la loi n°62/2007.

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La solidarité nationale entre le secteur formel et l’économie informelle est aussi encouragée au Ghana, où le Fonds National d’Assurance Maladie, qui subventionne les primes des membres les plus pauvres, est financé en partie par des prélèvements sur les cotisations de sécurité sociale des travailleurs du secteur formel. Aussi, dans le cadre d’un projet pilote “Global Social Trust”45, des fonds provenant d’un prélèvement sur les contributions sociales d’un certain nombre d’assurés du Luxembourg permettent de financer des bilans de santé de femmes en-ceintes indigènes et de mères d’enfants de moins de cinq ans dans ce même pays.

En ce qui est des articulations fonctionnelles et en matière de gestion, les régimes légaux de sécurité sociale peuvent apporter des conseils et un soutien précieux aux mécanismes communautaires sur toutes les questions techniques et opérationnelles liées aux processus de gestion de l’assurance (identification, gestion des prestations, systèmes informatiques, etc.) au moment où les mécanismes de protection sociale à base communautaire peuvent à leur tour contribuer à grandement simplifier certains processus clefs de gestion des régimes légaux. Cet appui est particulièrement précieux pour les régimes légaux qui cherchent à étendre leur couver-ture aux travailleurs agricoles et de l’économie informelle.

L’extension de la couverture maladie par le biais des organisations communau-taires qui encadrent les travailleurs de l’économie informelle et agricole peut être plus efficace car « ces groupes organisés peuvent facilement atteindre la population cible et faciliter une série de procédures de gestion (comme le marketing et la communication, les adhésions, la collecte des cotisations, les prestations, le suivi et le contrôle) à des coûts relativement bas »46.

Une procédure potentiellement plus efficace pour assurer l’affiliation des travail-leurs agricoles et des travailleurs de l’économie informelle peut être l’adhésion automatique, à un système, de tous les membres d’un groupe organisé (syndicat, coopérative, etc.). Les cotisa-tions peuvent être prélevées sur les ventes de produits ou sur les impôts payés par les travail-leurs plutôt que d’être retenus sur chaque fiche de paye individuelle. Ces procédures présentent de nombreux avantages : l’adhésion automatique permet de couvrir rapidement un pourcent-age important de la population cible ; cela réduit aussi les problèmes d’anti sélection et le nom-bre de résiliations ; elle permet aussi d’éviter d’avoir à conduire des campagnes de promotion coûteuses. Le prélèvement automatique de la prime évite d’aller collecter les primes auprès des membres. De plus, les cotisations étant liées aux chiffres d’affaires ou aux bénéfices, une cer-taine redistribution est introduite au sein du système.

Bien que ces procédures d’affiliation et de paiement des cotisations soient déjà utili-sées dans plusieurs régimes en Inde (par exemple dans les coopératives laitières) et en Amérique latine (coopératives de producteurs de café), ou que leur utilisation soit prévue dans des régimes actuellement mis en œuvre au Mali et au Burkina Faso (les routiers pour lesquels la prime est prélevée à chaque trajet, lorsque le camion ou autre véhicule quitte son point d’attache), elles sont pour l’heure généralement utilisées pour maintenir le nombre effectif de membres des ré-gimes gérés par le groupe ou la communauté organisés et non pas pour le compte des régimes légaux47.

Enfin, des articulations en matières de formulation des politiques sont capitales afin d’éviter des conséquences indésirables et des pertes d’efficience. En effet, s’il n’y a pas de planification cohérente et si les caractéristiques de base des différents régimes opérant en par-allèle dans un pays ne sont pas coordonnées, les objectifs de la politique peuvent ne pas être

[45] BIT, A Global Social Trust Network-Investing in the world’s social future, Genève, 2002.[46] A. COHEUR, C. JACQUIER, V. SCHMITT-DIABATE et J. SCHREMMER : op.cit., p.9.[47] Ibidem.

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atteints.

Par exemple, l’élargissement des régimes contributifs, en particulier si ces régimes sont volontaires, peut être entravé par l’existence parallèle de régimes subventionnés. C’est ce qu’a montré l’exemple des Philippines48, où la réussite du premier projet d’extension du champ du régime d’assurance volontaire à l’économie informelle en collaborant avec des coopératives a été limitée par la présence d’un programme qui entendait protéger les familles les plus pauvres au moyen d’un régime de subventions mis en place par le gouvernement national. La plupart des familles, lorsqu’elles devaient choisir entre des soins de santé gratuits et un régime contributif, optaient pour la première solution.

Aussi, il faut éviter la dispersion des responsabilités surtout au niveau des respon-sables chargés de la formulation des politiques. Ainsi, si les ministères du travail sont souvent responsables de la formulation des politiques pour les régimes légaux, ce sont d’ordinaire les ministères de la santé qui supervisent les régimes à base communautaire. Les régimes subven-tionnés pour les indigents dépendent souvent du ministère de l’intérieur ou de la solidarité na-tionale. Dans ces circonstances, l’engagement des pouvoirs publics ne consiste pas seulement à inciter à l’extension de la protection mais aussi à assurer une planification intégrée des politiques et une coordination entre les différents acteurs publics. L’absence d’une telle coordination peut compromettre gravement la réalisation des objectifs de politique. Le manque d’articulation des politiques de planification et de cohésion dans un environnement à régimes multiples peut avoir des répercussions négatives sur la nécessaire solidarité au plan national. Ce rôle de co-ordination des interventions est depuis peu assuré par le Secrétariat Exécutif Permanent de la Commission Nationale de Protection Sociale. Aux termes de l’article 5 du décret n°100/84 du 19 mars 2013 portant création, organisation, missions et fonctionnement dudit Secrétariat Exécutif Permanent, le Secrétaire Exécutif Permanent a entre autres missions la coordination des activi-tés de renforcement et d’extension de la protection sociale ainsi que la mobilisation des fonds d’appui à la promotion de la protection sociale.

Afin de tendre vers une couverture universelle de la population, “la solidarité entre les riches et les pauvres, entre les personnes âgées et les jeunes, entre les malades et les per-sonnes en bonne santé est essentielle”49. La redistribution et la solidarité doivent être organi-sées entre les groupes de la population afin d’éviter des répercussions négatives sur le plan de l’équité et de l’efficacité. Dès lors, la mise en œuvre cohérente par les pouvoirs publics de mécan-ismes de solidarité au sein des régimes et entre eux est plus que nécessaire.

- Articulation des mutuelles communautaires avec les systèmes de la gratuité des soins de santé

L’introduction de la gratuité des soins fait suite au constat d’échec du paradigme introduit par l’Initiative de Bamako qui combinait recouvrement des coûts et participation com-munautaire à travers l’introduction de la participation financière des usagers. Deux conséquenc-es essentielles et démontrées de l’application de ce paradigme furent un appauvrissement sur-tout pour les plus vulnérables et démunis ainsi qu’un impact négatif sur le taux de fréquentation des services sanitaires.

Sur le plan conceptuel, le concept de gratuité recouvre des réalités différentes :

• des politiques de gratuité individuelle ciblée en direction des familles les plus vulnérables ;

[48] A. COHEUR, C. JACQUIER, V. SCHIMITT-DIABATE et J. SCHREMMER, op.cit, p. 13.[49] Idem, p. 14.

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• des politiques de gratuité collective ciblée sur l’âge (les personnes âgées et les enfants de moins de cinq ans par exemple) ;

• des politiques de gratuité sectorielle ciblée sur des pathologies (VIH/SIDA, malaria, tuberculose, suivi prénatal,…) ;

• une abolition totale des paiements.

Selon une étude menée par les plateformes belges MASMUT et Be-cause Health50, la gratuité produit rapidement un engouement de la demande mais comme elle est souvent or-ganisée dans la précipitation et adoptée sans réelle étude d’impact, la plupart des pays qui l’ont adoptée n’ont pas eu le temps de prendre les bonnes mesures pour sa gestion administrative et matérielle ce qui a pour effet d’essouffler progressivement les bénéficiaires autant que le per-sonnel de santé qui étaient mal préparés. L’étude conclut que la gratuité a non seulement un coût, elle est aussi une réponse partielle car soit des programmes de gratuité s’arrêtent faute de financements externes, soit les personnes ne rentrent plus dans les conditions de la gratuité51. La grande question reste donc le financement de ces mesures d’exemption de paiement et leur articulation pour une action durable et efficace.

L’action mutualiste peut être bien enrichie par une politique volontariste ciblée de gratuité des soins bien réfléchie et dont la transition est gérée intelligemment notamment en intervenant en priorité pour couvrir des groupes/catégories de personnes vulnérables (femmes, enfants) ou démunies, par exemple à travers des fonds d’indigence adjacents à des mutuelles de santé.

On peut conclure sur cette question d’articulations entre régimes en disant que pour arriver à une couverture universelle, une période transitoire s’impose. Des facteurs im-portants de facilitation pouvant écourter cette transition ont été suffisamment étudiés par G. CARRIN et C. JAMES52 à savoir le niveau de revenu par habitant en particulier la taille relative des secteurs formel et informel53, la répartition de la population54, le niveau de solidarité parmi les membres de la société55 et enfin un appui du gouvernement56 pour lancer et orienter le pro-cessus qui mènera à un système d’assurance obligatoire pour tous.

[50] Be-cause Health, Les mutuelles de santé : acteur et partenaire de la couverture santé universelle, Document politique de Masmut, 2011, inédit.[51] Ibidem.[52] G. CARRIN et C. JAMES, “L’assurance maladie obligatoire : transition vers la couverture universelle et évalua-tion de la performance”, in Banque Mondiale, L’assurance maladie en Afrique francophone : améliorer l’accès aux soins et lutter contre la pauvreté, Washington. Voir le site www.concertation.org. Consultéen mars 2014.[53] Ces auteurs constatent que les pays pauvres ont d’importants secteurs agricoles et un niveau élevé d’emploi informel. Ces pays ont de fortes chances de faire face à des difficultés administratives dans l’établissement de l’im-pôt sur le revenu et le prélèvement de cotisations car beaucoup de travailleurs ne reçoivent pas un salaire déclaré. Lorsque le revenu par habitant est élevé, il peut augmenter la capacité des entreprises et des citoyens à assumer les cotisations payées d’avance au régime d’assurance maladie obligatoire. La capacité de payer les cotisations en avance sera plus grande dans une situation de forte croissance économique. [54] La population des zones urbaines, où on trouve un minimum d’infrastructures et de moyens de communication de qualité, ainsi que d’une densité élevée, a plus de chances d’être servie par le régime d’assurance maladie obliga-toire que la population dispersée des zones rurales.[55] On considère ici une société ayant un niveau de solidarité élevé comme une société dans laquelle les indi-vidus ont une propension plus grande à soutenir les autres individus. Or, un système de protection financière totale requiert une quantité significative d’inter financement, aussi bien des riches aux pauvres que des personnes à faibles risques à celles à hauts risques. Chaque pays doit donc définir le niveau approprié de solidarité qui permet l’inter financement. Les décideurs politiques peuvent, parfois, imposer la solidarité, mais un degré suffisamment élevé de solidarité dans la société est nécessaire afin que l’inter financement de l’assurance maladie obligatoire puisse être durable.[56] Un élément important est d’accorder aux diverses parties prenantes de la société et à la population dans son ensemble, le pouvoir de s’exprimer dans le cadre de la mise en place des politiques sociales. Un débat politique ouvert et des disponibilités d’informations financières amèneront une plus grande confiance de la population dans le gouvernement et dans les autres organisations impliquées dans la mise en œuvre de l’assurance maladie obligatoire.

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D’après les projections effectuées dans le rapport sur l’évaluation technique pour la mise en place d’un socle de protection sociale au Burundi réalisé par le BIT57 en 2013, l’accès au soins de santé essentiels y compris les soins de maternité qui répondent aux critère de dis-ponibilité, d’accessibilité, d’acceptabilité et de qualité serait assuré par l’extension de la CAM et/ou des mutuelles de santé de façon à transférer à l’Etat 80% des soins de santé actuellement payés directement par les ménages. Cela coûterait à l’Etat entre 7,7% et 8,5% à court terme, et à l’horizon 2025, entre 7% et 8% du PIB.

4.2.2. L’ institution des pensions sociales La Banque Mondiale, dans sa publication intitulée, Old-Age Income. Support in the

21st Century : an international perspective on Pension Systems and reforms, fait trois constats remar-quables par rapport au vieillissement de la population dans le monde :

• « First, most of future aging will take place in developing world ;

• Second, aging and population stagnation (or even declines) among the wealthier na-tions of the Northern Hemisphere will create opportunities for arbitrage with much younger and growing populations in developing nations of the Southern Hemisphere;

• Third, population aging is the result of increasing life expectation and falling fertility. (…)This trend is most pronounced in Europe and Japan, and least pronounced in Africa and Middle East, but it is a reality in all regions and nearly in all countries, and it is oc-curring at a much faster pace in developing than in developed world”.

Cette situation de la démographie mondiale a deux principales implications:

• « First, while nearly 60 % of the elder live in developing countries, their share is pro-jected to increase to 80% by 2050;

• Second, while the developed economies got rich before they got old, developing coun-tries are getting old before they get rich”.

L’étude conclut que “this make it even more important to design and implement effective retirement-income support for the elderly in developing world .(…) This may take the form of a social assistance program, a small means –tested social pension or a universal demogrant available at higher ages” 58.

Cette vision de la Banque mondiale vient corroborer la position défendue depuis longtemps par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels. (…) « pour mettre pleine-ment en œuvre les dispositions de l’article 9 du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturel, les Etats parties devraient instituer dans les limites des ressources disponibles, des prestations non contributives ou d’autres aides en faveur des personnes âgées qui, ayant atteint l’âge prescrit dans la législation nationale mais n’ayant pas occupé d’emploi ou versé de cotisa-tions pendant les périodes minimales exigés, n’ont pas droit au versement d’une prestation de vieillesse ou à d’autres prestations au titre de la sécurité sociale et ne bénéficient pas d’autres ressources »59.

Le Comité ajoute que des programmes de préparation à la retraite devraient être mis en œuvre au cours des années précédant la fin de la vie professionnelle, avec la participation des organisations représentatives des employeurs et des travailleurs et des autres organismes

[57] BIT, Rapport sur l’évaluation technique pour la mise en place d’un socle de protection sociale au Burundi, Septembre 2013.[58] HALZMANN R. and HINZ R., Old-Age Income. Support in the 21st Century: an International perspective on Pension Systems and Reforms, Washington DC, W.B., pp.25-26[59] Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n°6.

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intéressés pour préparer les travailleurs âgés à faire face à leur nouvelle vie. De tels programmes devraient, en particulier, fournir des informations sur les droits et les obligations des retraités, les possibilités et les conditions de la poursuite d’une activité professionnelle ainsi que sur les possibilités de bénévolat, les moyens de lutter contre les effets néfastes du vieillissement, les facilités pour participer à des activités éducatives et culturelles ainsi que l’utilisation des loi-sirs60.

L’analyse de l’évolution récente des pratiques de sécurité sociale montre une tend-ance limité61, mais significative, en faveur de l’introduction de programmes de pensions de vieillesse financés par l’impôt dans les pays à faible revenu. Ces pensions dites sociales peuvent être universelles dans la mesure où elles sont attribuées à quiconque remplit une condition qui est généralement une condition d’âge ou soumises à une condition de ressources.La tendance est significative pour les dix raisons suivantes :

• il s’agit essentiellement d’une tendance impulsée au niveau local et, de ce fait, elle va à l’encontre de l’opinion courante selon laquelle l’introduction de pro-grammes de grande ampleur financés par l’impôt n’est possible sur le plan fis-cal et administratif que dans les pays à revenu élevé ;

• elle montre clairement que la sécurité sociale peut jouer un rôle moteur dans la réalisation des objectifs liés au développement national, contrairement au point de vue selon lequel un pays ne peut offrir une protection sociale à sa pop-ulation qu’après avoir atteint un certain niveau de développement ;

• elle reflète le consensus international actuel qui a “redécouvert” l’importance du rôle protecteur, proactif et préventif de la sécurité sociale dans la concilia-tion des différentes exigences du développement économique et social ;

• elle conforte le point de vue selon lequel même une prestation en espèce ré-duite, versée régulièrement, peut avoir un effet positif important sur la qualité de vie des individus et contribue à combattre l’exclusion sociale ;

• elle correspond à la réalité observée, à savoir que les personnes âgées ap-partiennent aux catégories sociales les plus vulnérables et que, dans les pays en développement en particulier, les formes traditionnelles de solidarité sont en voie de désagrégation, alors que de nouvelles responsabilités incombent fréquemment aux personnes âgées, comme, par exemple, la prise en charge de leurs petits-enfants orphelins du VIH/SIDA ;

• elle corrobore le point de vue selon lequel les transferts monétaires ciblant les personnes âgées, notamment dans un contexte de budgets publics restreints, peuvent conduire à l’amélioration globale du niveau de vie des ménages et des familles et au développement des économies locales ;

• elle constitue une reconnaissance du fait que le vieillissement des populations est un phénomène mondial et que la population âgée de la planète va être de plus en plus concentrée dans les pays les moins développés, où le taux de cou-verture des régimes traditionnels de sécurité sociale de type contributif est gé-néralement faible ;

[60] Voir Recommandation n° 162 de l’OIT concernant les personnes âgées.[61] C’est le cas des pays comme Samoa, Namibie, Népal, Inde, Bangladesh, Bolivie, Brésil, Lesotho, Mozambique, etc. Voir R. Mc KINON, “Les pensions de vieillesse financées par l’impôt dans les pays à faible revenu”, in Développements et tendances : une sécurité sociale dynamique, Forum mondial de la sécurité sociale, 29e Assemblée générale de l’AISS, 10-15 septembre 2007, Moscou, 31-38.

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• elle correspond aux objectifs établis au niveau international pour réduire les niveaux de pauvreté dans le monde ;

• elle s’inscrit dans le droit fil du mouvement normatif qui s’efforce de consacrer le droit à la sécurité sociale comme un droit fondamental de l’être humain, tel que défini par la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée en 1948 par les Nations Unies ;

• à l’ère de la mondialisation galopante, elle remet à l’ordre du jour le principe, établi il y a une soixantaine d’années, selon lequel “la pauvreté, où qu’elle ex-iste, constitue un danger pour la prospérité de tous”62.

L’intérêt croissant que suscitent les pensions sociales pour les responsables de l’action publique dans les pays en développement est lié effectivement à la prise de conscience du fait qu’elles pourraient constituer un outil stratégique pour lutter contre la pauvreté extrême, endémique et persistante.

Selon les projections effectuées dans le Rapport sur l’évaluation technique pour la mise en place d’un socle de protection sociale au Burundi réalisé par le BIT63, la sécurité élé-mentaire de revenu pour les personnes âgées, se situant au moins à un niveau minimal défini à l’échelle national serait assurée par le paiement par l’Etat d’une rente universelle non contribu-tive de vieillesse de 7 300Fbu par mois à compter de 60 ans. Son impact budgétaire serait de 1,8% du Produit Intérieur Brut (PIB) à court terme et à l’horizon 2025, son impact se situerait entre 0,8% et 0,9% du PIB.

Il importe d’observer que dans tous les pays, quelles que soient les raisons à l’origine de sa création, un régime de pension sociale crée sa propre dynamique. Cette dynam-ique se fonde sur trois facteurs interdépendants à savoir :

• le paiement des pensions renforce la solidarité nationale et restaure un sens de citoyenneté vis-à-vis des personnes âgées ;

• il fait naître des attentes au sein de la population concernant ce que l’Etat peut faire pour les personnes âgées ;

• il encourage les pouvoirs publics à reconnaître que garantir la protection so-ciale est à la fois un devoir moral et une manière de renforcer leur légitimité.

En définitive, la pension sociale permet de matérialiser dans un pays la solidarité intergénérationnelle et conduit à la construction d’une société plus inclusive et plus apaisée grâce à la cohésion sociale générée par cette solidarité.

4.2.3. Les prestations aux familles On notera tout d’abord que les prestations familiales sont seulement l’un des moy-

ens d’une politique d’aide aux familles. Il en existe d’autres, parmi lesquels l’aménagement de l’impôt en fonction de la situation de famille, la création d’équipements et services sociaux au profit des familles (crèches, garderies, colonies de vacances, aide-ménagère,…) ou même la ré-duction des tarifs des transports au profit des familles nombreuses64. D’autre part, si l’on voit dans la sécurité sociale un moyen de redistribution du revenu national dans le sens d’une plus grande justice, la paupérisation relative des milieux ruraux justifie que le secteur agricole béné-

[62] R. Mc KINNON, “Les pensions de vieillesse financées par l’impôt dans les pays à faible revenu”, op.cit., 31-32.[63] BIT, Evaluation technique pour la mise en place d’un socle de protection sociale au Burundi, Genève, septembre 2013.[64] Il faut bien noter que ces mesures se retrouvent dans la plupart des pays développés mais sont rares dans les pays en développement faute de moyens.

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ficie des prestations familiales65.

Mais il faut noter que le débat sur l’opportunité de la création d’un régime de pr-estations familiales dans les pays en développement est engagé depuis longtemps. Des argu-ments sérieux conduisent à mettre en doute l’opportunité de créer un tel régime; mais d’autres considérations, qui ne manquent pas de poids, conduisent au contraire à préconiser sa création dans les zones rurales66. Il convient ici de rappeler l’essentiel du débat.

Contre les prestations familiales jouent d’abord des considérations dé-mographiques. Même si ce n’est pas leur objet principal, elles peuvent avoir un effet nataliste. Or, dans tous les pays en développement, la croissance démographique rapide constitue un handicap67. Dans ces conditions, il n’est peut-être pas bon d’adopter des mesures qui risquent de favoriser la natalité. Les considérations économiques vont dans le même sens: les presta-tions distribuées contribuent à accroître les dépenses de consommation, alors qu’on se préoc-cupe de constituer une épargne capable de financer le développement en général. De plus, le fait de consacrer une part du budget social aux prestations familiales risque de freiner le développe-ment d’autres branches de la sécurité sociale qui répondent à des besoins plus urgents68.

Deux arguments majeurs militent en faveur des prestations familiales: le relève-ment du niveau de vie des populations et la justice sociale. Ces deux arguments se passent de commentaires au regard des conditions de vie des populations rurales au Burundi et dans la plupart des pays en développement.

Pour notre part, nous sommes d’avis que les prestations familiales sont nécessaires pour les populations rurales mais il faut les octroyer sous certaines conditions.

Ces prestations devraient répondre aux préoccupations suivantes:

• faire en sorte que la perspective de percevoir des prestations familiales ne soit pas un encouragement à l’inactivité. Il suffit pour y arriver à la fois de veiller à ce que le montant des allocations familiales n’atteigne le niveau du salaire moyen qu’à partir d’un nombre très élevé d’enfants. Dans cette logique, les allocations familiales constitueraient un revenu de complément et non de substitution;

• faire en sorte que la politique d’aide à la famille ne prenne pas un caractère trop nataliste, en diminuant le montant des avantages accordés, voire en supprim-ant toute prestation supplémentaire, dès lors que la famille a atteint la dimen-sion que l’on tient pour optimale;

Une fois ces précautions prises, les Etats devraient faire des prestations familiales une incitation financière à un certain comportement. En subordonnant les allocations préna-tales à la déclaration de la grossesse et à une certaine surveillance médicale, on facilite la poli-tique de santé publique. En réservant les allocations de maternité aux enfants régulièrement déclarés à l’état-civil, on favorise une meilleure connaissance de la population. En exigeant que les enfants ouvrant droit aux allocations d’entretien fréquentent régulièrement l’école, ou suiv-ent un apprentissage, ou fassent des études supérieures, on encourage la formation des jeunes.

[65] G. RAINERO, ”Rapport complémentaire sur les prestations familiales dans le secteur agricole”, dans CEE, Conférence européenne sur la sécurité sociale, vol.1, Bruxelles, 1962, cité par R.SAVY, La sécurité sociale en agriculture et dans les zones rurales, Genève, BIT, 1970.[66] J. HOCHARD, ”La place des allocations familiales dans les régimes africains de sécurité sociale en rapport avec les problèmes économiques et démographiques”, deuxième Conférence régionale africaine de l’AISS, Rapports et do-cuments (Genève, 1966), pp.243 et suiv.[67] R. SAVY: op. cit., p.193.[68] Idem, p. 194.

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Selon les projections contenues dans le rapport du BIT69 susmentionné, la sécurité élémentaire de revenus pour les enfants, leur assurant l’accès à l’alimentation, à l’éducation, aux soins et à tous les autres biens et services nécessaires à son développement harmonieux pourrait être assurée par une prestation aux enfants de 7 ans au moins de 3650Fbu par enfant et par mois. Cette prestation représenterait au niveau national 6,2% du PIB à court terme et entre 2,7% et 3,3% du PIB en 2025.

Les allocations familiales sont aujourd’hui considérées comme d’importants levi-ers pour la réduction de la pauvreté. Elles ont permis au Brésil à sortir des millions d’enfants de la misère grâce au plan Bolsa Familia, une subside équivalente à 30 euros par mois et par ménage pauvre70.

En conclusion sur cette stratégie d’extension de la couverture sociale, il y a lieu de souligner que la construction d’un socle complet de protection sociale entraînera des dépenses additionnelles à long terme non moins considérables. Un tel coût n’est certes pas supportable au regard de l’espace fiscal disponible au Burundi. Le gouvernement devra faire des choix sur les options à financer.

4.3. Du financement et de l’administration du socle Pour bâtir un socle pérenne de sécurité sociale, il est impératif de réfléchir sur les

stratégies de financement et de gouvernance du Socle projeté.

4.3.1. Du financementLa décision de mettre en place un socle de protection sociale suppose de savoir

comment seront financées les premières mesures, mais surtout comment cette perspective peut être maintenue et élargie au fil du temps. La pérennité de son financement s’avère à cet égard indispensable. Le financement variera selon que l’on est dans la dimension horizontale ou ver-ticale du socle à bâtir.

4.3.1.1. Le financement de la dimension horizontale: le recours à l’impôt et à l’aide internationale

- Le recours à l’impôt

Ce mode de financement est parfaitement adapté aux fins actuelles de la sécurité sociale car il est par excellence l’expression de la solidarité nationale71. En effet, avec l’extension de la protection à l’ensemble de la population, il n’y a plus de raison de continuer à asseoir les contributions sur les seuls revenus professionnels puisque le bénéfice de la protection est éten-du aux catégories sociales qui ne perçoivent pas de salaires72.

Le recours à l’impôt nous paraît par ailleurs justifié par l’inadaptation du finance-ment par les cotisations à la nature de certaines prestations qui seraient octroyés par le système de sécurité sociale projeté notamment les prestations de soins de santé, les allocations famil-iales et les aides aux personnes indigentes ou âgées.

Il serait alors logique que de telles prestations qui sont l’expression d’une certaine

[69] BIT, Rapport sur l’évaluation technique pour la mise en place d’un Socle de protection sociale au Burundi, Genève, 2013, p. 5.[70] Le Brésil vient de recevoir le prix de l’AISS au cours du Forum Mondial de la sécurité sociale qui s’est tenu du 9 au 15 novembre 2013 à Doha pour son programme “Borsa Familia”. C’est le plus grand programme au monde d’inclu-sion sociale, une porte de sortie de la misère et une grande porte vers un monde futur plein d’espoir, commentait la Présidente Dilma Roussef à l’occasion du 10 ème anniversaire du programme en 2012.[71] J.-J.DUPEYROUX, op.cit, 8è éd., p.877.[72] A.EUZEBY, “Faut-il fiscaliser la sécurité sociale”, Dr.soc., 1978, p.186.

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politique sociale d’un Etat soient financées par la collectivité nationale, et donc par l’impôt et que chacun puisse participer à leur financement en fonction de ses possibilités globales, et non en fonction des seuls revenus professionnels73.

A côté du fait qu’il est mieux indiqué pour un système qui couvre l’ensemble de la population, ce mode de financement aurait l’avantage de la simplicité en ce sens que les recou-vrements pourraient se faire en même temps que celui des impôts sur les mêmes rôles74. Par ail-leurs, les cotisations salariales sont mal adaptées pour couvrir les soins de santé. En effet, « al-ors qu’il existe une corrélation étroite entre les salaires soumis à cotisations et les indemnités, pensions ou rentes compensatrices de la perte de gain ou de capacité de gain, il n’existe aucune relation entre la nature des ressources et les prestations de santé. Dans de telles circonstances, un déficit structurel de la sécurité sociale – et plus précisément de l’assurance-maladie- est in-évitable si aucune ressource complémentaire ne vient à être dégagée en corrélation avec la na-ture des dépenses, notamment avec la faute de ceux qui, par leur comportement habituel, mul-tiplient les risques sociaux ou en aggravent les effets : producteurs et consommateurs d’alcool, fumeurs, pollueurs de la nature, etc. »75. Dès lors, « cette faute dans le comportement collectif d’une catégorie d’individus peut servir de support juridique à une fiscalisation sélective de res-sources complémentaires pour la sécurité sociale »76.

Le système ainsi projeté n’est pas une hypothèse d’école puisqu’il a été adopté par pas mal de législations à travers le monde. Plus récemment, il a été adopté par la majorité des pays occidentaux comme la France77 et la Belgique78, pays dont l’essentiel du financement de la sécurité sociale provenait traditionnel lement des cotisations sociales payées par les entreprises. Concrètement, le Parlement pourrait affecter l’impôt de telle manière que les personnes dont

[73] J.J.DUPEYROUX, op.cit., 8è éd., p.873.[74] R. JAMBU-MERLIN, op.cit., p.127.[75] Y. SAINT-JOURS, op.cit., p.438[76] Ibidem[77] En France, outres les cotisations patronales et celles des salariés, la sécurité sociale est financée également par des différents impôts à savoir: 1°. La contribution sociale généralisée (CSG) créée par la loi des finances du 29 décembre 1990. C’est un prélèvement proportionnel dont le taux est, à compter du 1er janvier 1998, de 7, 5 % sur les revenus d’activité, du patrimoine, de placement et des jeux et de 6, 2% sur les revenus de remplacement. Elle contribue à financer trois branches de la sécurité sociale à savoir la famille, la retraite et la maladie.2°. Les contributions annexes. Ces taxes – dites “recettes de poche”- participent à la fiscalisation progressive du financement de la sécurité sociale. Les unes profitent à la branche maladie à savoir la contribution à la charge des établissements de vente en gros de spécialités pharmaceutiques dite “taxe sur les grossistes répartiteurs”, la contri-bution des entreprises de préparation des médicaments dite “ taxe sur la publicité pharmaceutique”, la contribution à la charge des entreprises assurant l’exploitation d’une ou de plusieurs spécialités pharmaceutiques, la cotisation sur les boissons alcooliques, la taxe sur les boissons dites “premix”, l’affectation d’une fraction du produit du droit de consommation sur les alcools, l’affectation d’une fraction du droit de consommation sur le tabac, la cotisation sur les primes d’assurance automobile. Les autres profitent à la branche retraite à savoir la taxe sur les contributions des employeurs pour le financement de prestations complémentaires de prévoyance, le prélèvement de 2% dû par les personnes physiques domiciliées en France et d’autres prélèvements comme les excédents de la contribution sociale de solidarité des sociétés.[78] En Belgique, en plus des cotisations, la sécurité sociale est financée par des recettes particulières à savoir : 1°. Recettes affectées au secteur de l’assurance maladie-invalidité qui sont la cotisation sur les primes d’assurance automobile, la retenue à charge de pensionnés, cotisation sur les primes d’assurance-hospitalisation payées dans le cadre d’une assurance contractée à titre complémentaire, cotisation et redevances à charge du secteur pharmaceu-tique ;2°. Recettes affectées au secteur des pensions constituées par une retenue sur les indemnités d’invalidité et les prépensions-cotisation patronale sur les prépensions, cotisation sur les versements destinés à l’octroi d’avantages extra-légaux en matière de pensions ;3°. Recettes affectées au secteur de l’emploi et des chômages constitués par la cotisation spéciale à charge de l’employeur, sur la prépension conventionnelle, cotisation caritative à charge de l’employeur occupant des travail-leurs à temps partiel involontaire ;4°. Recettes affectées au Fonds pour l’équilibre financier de la sécurité sociale constituées par une retenue sur une partie du pécule de vacances et les cotisations de modérations salariales.

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l’activité est créatrice de risques sociaux contribuent plus que les autres au financement du système projeté.

Ainsi, on pourrait faire appel:

• à la cotisation sur les primes d’assurances automobile : cette source de fi-nancement est justifiée par le fait que l’assurance des risques professionnels supporte en partie les risques créés par la circulation automobile, les organis-mes de la sécurité sociale ne pouvant pas dans tous les cas, obtenir à charge de la personne responsable d’un accident le remboursement des prestations octroyées à la victime;

• à la création d’impôts nouveaux, par exemple sur les sources d’énergie non re-nouvelables comme les produits pétroliers en raison de la pollution de la nature qu’elles provoquent, laquelle est la cause de pas mal de maladies;

• taxe sur la téléphonie mobile ;

• à la création des taxes spécifiques, destinées à compenser les dépenses de san-té entraînées par certaines consommations dangereuses sur la santé comme l’alcool, le tabac, les stupéfiants, etc.

La consommation d’alcool par exemple constitue un véritable fléau social au Burundi. Elle est à la source de multiples maladies : le diabète, cirrhose de foie, les maladies car-dio-vasculaires, etc. La taxation de l’alcool au profit de la sécurité sociale tendrait précisément d’une part à faire payer davantage les consommateurs excessifs que les autres et d’autre part, il s’agit simplement de l’application d’un principe inhérent à tout système d’assurance : “le pru-dent paie pour l’imprudent, le bien portant pour le malade et le tempérant pour l’alcoolique”79. Evidemment, “il n’existe pas plus de faute collective que de responsabilité collective qu’ailleurs, mais il existe un risque social auquel personne n’est certain d’échapper et auquel correspond une responsabilité sociale”80.

Une taxe sur l’alcool s’impose donc pour faire supporter, à ceux qui seraient à l’origine du risque maladie, la charge financière de celui-ci. Pareille mesure permettrait d’assurer la prévention du risque en même temps que son financement par ceux qui l’auraient créé: pro-ducteurs, vendeurs et consommateurs de boissons alcoolisées81.

Les taxes nationales affectées sont généralement plus stables que les autres sourc-es de financement et peuvent servir de façon plus systématique à appuyer les objectifs de dével-oppement social. L’on peut également considérer que l’utilisation des recettes fiscales pour fi-nancer les dépenses publiques contribue à renforcer le sentiment d’appropriation de l’action gouvernementale que peuvent éprouver les citoyens.

- L’aide internationale

Dans le prolongement du « Nouveau Consensus » sur la sécurité sociale établie par la Conférence internationale du travail en 2001, et du lancement par l’OIT, en 2003, de la Campagne mondiale sur la sécurité sociale et la couverture pour tous, la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation a soutenu l’idée selon laquelle un minimum de protection sociale

[79] Y. SAINT-JOURS : op.cit., p.136.[80] Ibidem.[81] G. LYON-CAEN, “Le rôle de la faute dans le droit de la sécurité sociale”, in Rapport général au VII Congrès international du droit du travail et de la sécurité sociale, Varsovie 1970, Vol.II, p.29.

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doit être acceptée comme faisant partie intégrante du socle socio-économique de l’économie mondiale. Elle a également souligné la place vitale de la protection sociale dans ce socle. A ce titre, donateurs et institutions financières devraient contribuer au renforcement des systèmes de protection sociale dans les pays en développement.

Dans cette même vision, le Rapport de la Commission pour l’Afrique s’est fait l’écho des préoccupations exprimées par l’OIT dans son rapport de 200582. La Commission y fait entre autres les recommandations ci-après, dont il ressort clairement que les gouvernements afric-ains et la communauté des donateurs devraient se partager la responsabilité de l’extension de la couverture de la protection sociale en ces termes :

• les gouvernements africains devraient investir dans la reconstruction des sys-tèmes de santé publique. Les donateurs devraient apporter 7 milliards de dol-lars sur cinq ans à cette fin, dans le cadre de la Stratégie pour la santé et du programme d’action initiale du Programme NEPAD de l’Union Africaine ;

• les donateurs et les gouvernements africains devraient investir d’urgence dans la formation et la fidélisation du personnel afin de pouvoir disposer d’un million de professionnels de la santé en plus en 2015 ;

• les gouvernements africains devraient affecter 15% de leurs budgets annuels à la santé, comme ils s’y sont engagés, et adopter des stratégies pour la pr-estation efficace des services de santé. Afin de régler les sommes manquantes, les donateurs devraient augmenter les fonds qu’ils allouent au soutien de ces catégories de 10 milliards de dollars de plus par an immédiatement jusqu’à 20 milliards de dollars d’ici 2015. Les fonds devraient être principalement versés aux budgets nationaux ;

• les gouvernements africains devraient élaborer des stratégies de protection so-ciale pour les orphelins et les enfants vulnérables, en soutenant leurs familles étendues et leurs communautés. Les donateurs devraient s’engager à offrir à long terme prévisible de ces stratégies en versant 2 milliards de dollars par an immédiatement, puis 5 à 6 milliards par an d’ici à 2015.

En réponse à ces appels, la communauté internationale a déjà assumé une certaine responsabilité dans la fourniture des services de base dans un certain nombre de pays africains.

Dans un « Livre Blanc » intitulé Making governance work for poor publié en 2006, le gouvernement du Royaume-Uni s’engage à faire en sorte qu’au moins la moitié de l’appui direct total du Royaume-Uni aux pays en développement soit affectée aux services publics, aux mesures de scolarisation, à l’amélioration des soins de santé, à la lutte contre le VIH et le SIDA, à l’approvisionnement en eau potable, aux services d’assainissement et à la fourniture d’une protection sociale83.

Au Ghana, au Rwanda et en République de Tanzanie, l’appui budgétaire direct des donateurs représente une part importante pouvant aller jusqu’à 50% du budget national de santé. Au Burundi, sur un budget national s’élevant à 1.123 milliards de francs burundais en 2012, 523 milliards provenaient de l’aide publique au développement soit près de 50% du budget na-tional84.

[82] Commission pour l’Afrique, Notre intérêt commun, Londres, 2005, pp. 81-83 ; Voir http://www.commissionforafrica.org/english/report/introduction.html consulté en juin 2014.[83] Departement for International Development (DFID) : Eliminating world poverty : making governance work for the poor, Livre blanc sur le développement international, Londres, 2006.[84] Plan Cadre des Nations Unies pour l’aide au développement au Burundi 2012-2016.

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Compte tenu du fait que les aides publiques au développement dépendent en grande partie de la géopolitique mondiale et que cela fait qu’elles soient imprévisibles, les pou-voirs publics ont intérêt à s’appuyer sur la prédictibilité des recettes fiscales pour financer la protection sociale dans sa dimension horizontale tout en sachant que le financement de sa di-mension verticale devrait de préférence s’appuyer sur les contributions sociales des membres de la communauté nationale.

4.3.1.2. Le financement de la dimension verticale: les cotisations sociales85

Les cotisations proviennent généralement tant du côté des travailleurs que du côté des employeurs. La contribution des travailleurs au financement de la sécurité sociale serait justifiée par la considération que ceux-ci devraient participer financièrement à la protection des risques auxquels ils sont exposés afin de développer le sentiment de leur propre responsabilité et la conviction que l’assurance sociale relève avant tout d’eux-mêmes86. En revanche, la con-tribution des employeurs leur permet de revendiquer une part dans la gestion de la sécurité so-ciale, donc d’orienter un des aspects les plus importants de la politique sociale contemporaine87.

Le financement par les cotisations présente bien des avantages88. En effet, « outre le fait que le sacrifice est plus facilement accepté dès lors que les contributions sont directement affectées au financement des dépenses sociales »89, une cotisation sur les salaires est relative-ment simple à calculer, et dans la mesure où elle est prélevée à la source par l’employeur, facile à gérer. Elle limite les risques de fraude, le salaire étant une donnée aisément contrôlable par le salarié et par les tiers. Elle établit un lien entre les cotisations et certains risques, notamment quand les allocations journalières se réfèrent aux cotisations versées ou aux salaires. En période d’expansion économique, elle assure une progression des recettes à peu près semblable à celle de la richesse nationale. Sur le plan financier, elle permet d’établir des comptes en fonction de recettes et de dépenses clairement délimitées et donc, de mieux connaître l’évolution des ré-gimes.

Trois reproches sont généralement formulés à l’endroit du financement par les coti-sations. D’un point de vue technique, on avance l’idée que pour qu’un mode de financement puise être cohérent, il faut qu’il existe une relation logique entre les ressources et les dépenses, et, plus précisément, entre les évolutions respectives. Cette cohérence se retrouve bien, dès lors qu’il s’agit d’un financement de revenus de remplacement. En revanche, il n’existe aucune cor-rélation, ni logique ni pratique, entre les revenus professionnels et donc les cotisations assises sur ces revenus, et d’autres prestations sociales, notamment les prestations familiales ou les prestations en nature de l’assurance maladie90.

D’un point de vue économique, certains auteurs soutiennent que les cotisations sociales constituent un impôt sur l’emploi et à ce titre, alourdit le coût de la main-d’œuvre. De la sorte, les entreprises à haute intensité de main-d’œuvre sont particulièrement pénalisées par manque de compétitivité91.

D’un point de vue financier, le fait de lier trop directement les ressources de la sé-

[85] A. EUZEBY, “Les cotisations sociales en France”, Dr. soc. , 1988, p. 864 ; A. et C. EUZEBY, “L’incidence des coti-sations sociales patronales, RISS, 1984, p. 154 ; J.-J. DUPEYROUX, “Libres propos sur les cotisations”, Dr. soc. , 1993, n° 6 ; X. PRETOT, “La notion de cotisation de sécurité sociale”, Dr. soc. , 1993, n° 6 ; R. JAMBU-MERLIN : op.cit., p. 124 ; P. DENIS : op.cit. , p. 65 et s. ; P. DURAND, op. cit., p. 317 et s.[86] R. JAMBU-MERLIN, op.cit., p.124.[87] P. DURAND: op.cit., p. 281.[88] F. PAVARD : op.cit., pp.447-448.[89] J.-J. DUPEYROUX, M. BORGETO, R. LAFORE et R. RUELLAN : op.cit., p. 261.[90] A. EUZEBY, « Faut-il fiscaliser la sécurité sociale ? », Dr. Soc., 1978, p. 181.[91] J.-J. DUPEYROUX et al., op.cit., p. 262.

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curité sociale aux salaires peut en certaines circonstances s’avérer imprudent : en cas de crise économique et de sous-emploi, leur fléchissement risque de mettre en fâcheuse posture les in-stitutions de sécurité sociale92.

Ainsi donc, le socle projeté devrait être financé par une combinaison intelligente de ces trois modes de financement développés ci-haut. Les revenus de remplacement (prestations liées aux gains) continueraient à être financés par les cotisations assises sur le revenu profes-sionnel (dimension verticale). En revanche, pour les prestations garantissant le minimum social pour tous (dimension horizontale), la mise en œuvre de la solidarité nationale et internationale (impôt et aide internationale) constituerait un mode de financement mieux adapté à la nature de ces prestations.

4.3.2. De l’administration du systèmeLes décideurs devront veiller instamment à la bonne gouvernance du système pro-

jeté car c’est finalement la qualité de sa gouvernance qui déterminera sa pérennité et sa via-bilité. En effet, un système de protection sociale perçu comme étant mal administré n’impose guère de confiance, et par voie de conséquence, n’encouragera pas la participation des diffé-rents acteurs sociaux.

Pour prévenir ce risque, “la participation à la conception et à la mise en œuvre du régime par ceux pour qui il a été créé – les cotisants et les bénéficiaires – est un élément essentiel”93. Ce dialogue entre tous les acteurs devra se prononcer sur la structure et le statut administratifs que devra revêtir le système projeté.

4.3.2.1. La structure de gestion La première question qui se pose relativement à l’organisation administrative du

système projeté est celle de savoir s’il conviendrait de confier la gestion de tout le système à plusieurs organismes ou au contraire à un seul.

Il importe d’abord de rappeler que la pluralité d’organismes de sécurité sociale a été la première à apparaître dans presque tous les pays; elle s’expliquerait par le fait qu’on a couvert progressivement les différents risques et qu’en conséquence, chaque fois qu’un risque nouveau était introduit dans les assurances sociales, on créait un organisme nouveau94. Il en est ainsi au Burundi où avant l’indépendance, il avait été créé plusieurs organismes de sécurité sociale, à savoir la Caisse des pensions des travailleurs, le Fonds des invalidités des travailleurs et la Caisse de compensation pour les allocations familiales95.

Il en est ainsi même aujourd’hui : l’INSS gère les risques professionnels, vieillesse, invalidité et décès au profit des travailleurs du secteur privé structuré et assimilés, la MFP gère le risque maladie au profit des agents publics et assimilés, l’ONPR s’occupe de la protection des fonctionnaires, des magistrats et des agents de l’ordre judiciaire contre les risques vieillesse, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles, le Ministère de la Santé Publique organisant le système de la Carte d’Assistance Médicale et celui de la gratuité des soins infantiles et maternels et la Ministère de la Solidarité nationale gérant l’assistance sociale et sanitaire accordée aux indigents.

Deux arguments principaux ont été invoqués en faveur de la pluralité d’organismes de sécurité sociale: d’une part, la concurrence entre les divers organismes dans l’intérêt des

[92] Ibidem[93] BIT: Rapport sur le travail dans le monde, Genève, 2000.[94] R. JAMBU-MERLIN : op.cit., p.76; P.DURAND : op.cit., pp.368-370.[95] Voir supra.

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assurés sociaux qui bénéficieraient d’un service de qualité et d’autre part, le souci d’éviter l’alourdissement de l’administration qui guette tout organisme unique centralisé96.

En Belgique, des arguments disant que la centralisation alourdirait l’administration, enlèverait la responsabilité aux échelons inférieurs, et que la concurrence aurait des vertus éminemment stimulantes ont été avancés97.

En France, l’on a justifié l’option en faveur de la pluralité des organismes d’assurance maladie-invalidité des exploitants agricoles par la considération que “la pluralité permettrait la concur rence entre les divers organismes assureurs dans l’intérêt des assurés sociaux”98.

Les arguments susvisés sont à nuancer. En effet, il y a lieu de remarquer que si la concurrence fut un avantage certain à l’époque où les organismes de sécurité sociale fixaient eux-mêmes le montant des cotisations, déterminaient les conditions d’octroi et le taux des pr-estations à servir, il faut constater qu’elle a perdu une partie de son utilité à l’époque contempo-raine où les prestations sont impérativement fixées par les pouvoirs publics.

Par ailleurs, il est vrai que la concurrence pourrait avoir l’avantage de profiter à la qualité de service et de favoriser la rapidité de l’octroi des prestations, il n’en demeure pas moins vrai, ainsi que le faisait remarquer la Cour des comptes, que “cette concurrence que se livre-raient les différents organismes assureurs ne serait pas toujours exempte d’irrégularités dont les assurés sociaux seraient en définitive les principales victimes”99.

Nous pensons que la pluralité des organismes de sécurité sociale devrait être nuan-cée et rationnalisée au profit d’une gestion unifiée.

L’unité des organismes que nous préconisons a le grand avantage d’engendrer l’unité de vue dans la mesure où la gestion unifiée, non seulement facilite l’administration, mais également garantirait un minimum de principes commun dans la gestion100. Aussi, la simplifica-tion administrative, la politique commune de prévention et de réadaptation nécessitent la créa-tion d’un établissement unique. Enfin, dans la mesure où le champ d’application des diverses branches de la sécurité sociale est le même, il suffit de procéder une seule fois à l’immatriculation des assujettis; l’encaissement unique de plusieurs cotisations devient possible; la modernisa-tion des méthodes de gestion est d’autant plus facile que le volume des affaires traitées est important101.

Les avantages de l’unicité sont tels que même dans les pays où plusieurs organ-ismes coexistent, il a fallu mettre en place une structure unitaire chargée de la coordination centrale tant en ce qui concerne la définition de la politique générale que de l’accomplissement d’un certain nombre de tâches communes102.

En effet, « l’ensemble des régimes de protection sociale et des institutions d’un pays sont interdépendants et complémentaires du point de vu de leurs objectifs, de leurs fonc-tions et de leur financement, et forment un système de sécurité sociale national. Afin d’assurer l’efficacité de ce système, une coordination étroite en son sein est indispensable, en vue de

[96] R. SAVY : op.cit., p.199.[97] L. E. TROCLET, La sécurité sociale en Belgique, T.I, Bruxelles, 1949, p.63.[98] J.-J. DUPEYROUX, op.cit., p.865.[99] Le point de vue de la Cour des Comptes sur le principe de la pluralité des assureurs adopté par la loi du 25 janvier 1961, in J.-J.DUPEYROUX, op.cit., p.865. [100] A.WEMBI, op.cit., p.35. Dans le sens contraire, R.SAVY écrit: ”...si l’on confie à un organisme unique la gestion exclusive de l’ensemble des risques dans une circonscription donnée, on court le risque du gigantisme et de la bureau-cratie”.[101] R. SAVY, op.cit., p.201. [102] M. JENKENS, ”L’élargissement de la protection de la sécurité sociale à la majorité de la population: problèmes et enjeux”, R.I.S.S., 1993, p.22.

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réaliser la planification et le financement des différents régimes le composant de manière in-tégrée »103.

C’est ainsi qu’en Belgique, l’Office National de la Sécurité Sociale, ONSS en sigle, s’est vu confier le recouvrement de toutes les cotisations, à charge pour lui de les répartir entre divers organismes gestionnaires, au prorata des sommes nécessaires pour assurer le service des prestations104.

En France, le principe de la trésorerie unifiée a été consacré par la loi de ratification des ordonnances de 1967 qui a créé l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS en sigle, essentiellement chargée de la gestion de la trésorerie des caisses nationales105.

En Tunisie, la gestion administrative de toute la sécurité sociale est confiée à une caisse unique, la Caisse Centrale de Sécurité Sociale épaulée par des caisses techniquement spécialisées par risque106.

Nous proposons qu’au Burundi la gestion du système unifié de protection sociale serait confiée à l’Office Burundais de Protection Sociale (OBPS en sigle), un organisme à créer à l’image de l’Office Burundais des Recettes (OBR en sigle).

En raison de sa qualité d’organe central, l’Office aurait pour mission essentielle de centraliser toutes les contributions au financement de la protection sociale et de planifier l’action des caisses spécialisées qui lui seraient subordonnées.

Au niveau de la planification, l’Office tâcherait de faire toutes les études à caractère économique, actuariel et juridique pour faire des propositions concrètes au Ministère de tutelle en vue de maintenir ou de renforcer les équilibres généraux de la sécurité sociale. Centre de réflexion, l’Office devrait être doté d’un personnel compétent et des moyens techniques à la hauteur de sa mission.

Centralisant toutes les cotisations dont il a la charge de recouvrement, l’Office en assurerait la répartition entre les différentes caisses spécialisées en leur accordant une dota-tion pour la couverture de leurs dépenses. Il effectuerait également les placements et toutes les opérations financières rentrant dans le cadre de la gestion du patrimoine. Il devrait également constituer des réserves pour chaque régime en vue de faire face aux éventuels déficits.

Un service particulier serait exclusivement réservé aux opérations d’affiliation des entreprises et d’immatriculation des assurés sociaux qui, en raison des mutations susceptibles d’intervenir dans la carrière de chacun, doivent être dotés de numéros intangibles qui seront conservés de la date de l’immatriculation à celle de l’extinction définitive de l’assujettissement. Ce service serait en liaison avec les services de recouvrement et de contrôle en vue d’assurer l’application complète de la législation de sécurité sociale.

En ce qui est de la prévention des risques, l’Office coifferait au niveau national toutes les actions de prévention telle l’animation des campagnes de sensibilisation et d’information des assurés et se chargerait de l’action sanitaire et sociale de tout le secteur de la sécurité so-ciale.

A côté de cet organe central, le système que nous proposons ici consacrerait la création d’un certain nombre de caisses spécialisées selon les risques couverts par la sécurité sociale.

[103] www.socialsecurityextension.org/gimi/guess.[104] F.KELDERS, L’organisation administrative de la sécurité sociale en Belgique, cité par R.SAVY, op.cit., p.8[105] J.J.DUPEYROUX, op.cit., p.[106] M. ABDELSSATAR, Modèles et logiques de la couverture sociale en droit tunisien, Thèse, Université de Toulon et du Var, 1989, p.201.

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La Caisse Nationale d’Assurance Maladie Maternité (C.N.A.M.M) serait chargée de prendre en charge au profit des assurés sociaux les soins de santé en cas de maladie (professionnelle ou non), de maternité, d’accident (professionnel ou non).Elle gérerait aussi le service des prestations en espèces en cas d’incapacité temporaire liée à maladie, à la maternité ou aux accidents (professionnels ou non).

Aussi, c’est à la Caisse Nationale d’Assurance Maladie Maternité qu’il reviendrait d’évaluer le degré d’incapacité pour ouverture à une pension d’invalidité ou à une rente ou al-location d’incapacité.

La Caisse Nationale des Pensions et Rentes (C.N.P.R) serait compétente en matière de pensions et allocations de vieillesse, pension d’invalidité, pensions, rentes et alloca-tions de survivants. Les rentes et allocations de survivants en cas d’accident (professionnel ou non) sont confiées à cette caisse pour éviter qu’il y ait cumul des prestations entre les rentes et les pensions.

4.3.2.2. Le statut de l’organismeLa seconde question concernant l’administration du système projeté est celle de

savoir le statut juridique des organismes ci-haut envisagés: statut privé ou statut public.

Certains arguments pourraient être présentés en faveur de la gestion privée, laquelle revêt généralement deux formes: la gestion par les assurés eux-mêmes sans interven-tion des pouvoirs publics au nom de la démocratie sociale107 et la gestion par des sociétés com-merciales.

En faveur de la gestion par les assurés sociaux eux-mêmes, on fait valoir plusieurs considérations d’ordre divers. Les unes sont d’ordre théorique: le financement des organismes correspond le plus souvent à des prélèvements sur les revenus professionnels des assurés et ces derniers doivent disposer d’une maîtrise de principe sur cette fraction de leur rémunéra-tion108. D’autres sont d’ordre pratique: les assurés ainsi responsabilisés pourraient désigner les personnes les plus aptes à la gestion de leurs institutions, obtenir plus aisément les prestations qui leur sont dues, éviter-contrairement à une gestion directe par l’Etat-toute dérive bureaucra-tique109. Il est donc plausible que les personnes ainsi désignées pourraient lutter efficacement par leur vigilance contre les abus, faire en sorte que les fonds qui proviennent généralement des cotisations des assurés soient utilisés à bon escient, mieux que ne le feraient les gestionnaires sans mandat des assurés. On pourrait ajouter que sur le plan psychologique, ce mode de ges-tion permettrait aux assurés d’être plus à l’aise dans leurs institutions sociales où ils entreraient en relation avec leurs représentants et non avec les agents de l’Etat110. Enfin, la gestion par les assurés sociaux eux-mêmes aurait le mérite de soustraire à l’action envahissante de l’Etat une part importante de la vie sociale111.

S’agissant de l’argument tiré de la relation qui doit exister entre les assurés sociaux

[107] Sur le concept de démocratie sociale, voir notamment G.VEDEL, “Démocratie politique, démocratie écono-mique, démocratie sociale, Coll. Dr. soc., fasc.31, 1947, p.45 ; G. BURDEAU, Traité de science politique , T.VII, 2è éd., L.G.D.J., 1973, p.459 et s ; R. CAPITANT, “La démocratie sociale”, cité par J.J.DUPEYROUX et al., op.cit., p.264 ; M. LE FRIANT, “La démocratie sociale, entre formule et concept”, Revue Regards CNESSS, n°19, 2001, p.48.[108] Voir J.-J. DUPEYROUX et al., op.cit., p.264.[109] Voir en ce sens Ordonnance du 4 novembre 1945 organisant la sécurité sociale en France, dans son exposé des motifs : “l’organisation nouvelle doit (…) éviter le risque d’étatisme bureaucratique. Le premier principe qui doit do-miner cette organisation est celui de la gestion des institutions sociales par les intéressés eux-mêmes” ; Voir aussi P. LAROQUE, Préface à H. GALANT, Histoire politique de la sécurité sociale française (1945-1952), p. XVII, A. Colin, 1955.[110] Voir P. LAROQUE, “De l’assurance sociale à la sécurité sociale : l’expérience française”, R.I.T., 1948, p.645. [111] Pour le développement de ces arguments, voir notamment P. DURAND, op.cit., pp.359-361.

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et leurs représentants, l’on peut faire observer qu’avec la croissance des organismes de sécurité sociale, l’éloignement entre les assurés sociaux et leurs représentants devient inévitable et par-tant, les rapports entre le personnel de ces organismes et ses assurés sociaux ne vont guère dif-férer de ceux qui existent entre le personnel d’une administration publique et les administrés112.Aussi, il sied de souligner que si ce mode de gestion tend à limiter l’envahissement de l’Etat dans le domaine social, la question qui se pose est précisément celle de savoir si cet envahisse-ment n’est pas souhaitable dans la mesure où les politiques modernes assignent pour tâche à la sécurité sociale la couverture de groupes sociaux de plus en plus larges et la redistribution d’une fraction du revenu national de plus en plus importante poussant ainsi les pouvoirs pub-lics à sortir de leur passivité pour affronter les problèmes d’une organisation administrative du service aussi rationnelle et économique que possible.113

Concernant la deuxième forme de gestion privée, à savoir celle confiée aux sociétés commerciales, elle devrait être rejetée par le système de sécurité sociale préconisé. En effet, les sociétés commerciales étant caractérisées par la recherche du gain, il paraît évident que les rapports qu’elles entretiendront avec les assurés sociaux seront dominés par cette recherche du gain, au détriment de l’intérêt des assurés sociaux.

Par ailleurs, les frais d’administration de ces sociétés sont généralement plus élevés que ceux qui résultent de la gestion publique114. Telle est l’opinion exprimée notamment au Royaume-Uni par la “Royal Commission on Civil Liability and Compensation for Personal Injury” qui avait été impressionné par le coût élevé de l’administration par les assureurs privés des paiements pour dommages corporels, comparé au coût du système de la sécurité sociale pour indemniser ces accidents115. La même opinion avait été exprimée en Nouvelle-Zélande par la Commission Royale d’Enquête dans son rapport officiel présenté en décembre 1967116.

Nous proposons ici que les organismes gestionnaires du socle de protection sociale projeté soient des organismes à statut public avec une large autonomie de gestion117.

Le premier argument pour justifier ce choix est que la sécurité sociale est devenue aujourd’hui une des fonctions essentielles de l’Etat et son caractère de service public ne saurait être discuté. Il nous paraît donc inconcevable que les autorités publiques puissent se désinté-resser de la manière dont la sécurité sociale accomplit sa mission.

Par ailleurs, les assurances sociales postulant un mécanisme de compensation qui se réalise à grande échelle, cette compensation risquerait de buter à l’égoïsme corporatif si elle n’était pas imposée par l’Etat dans l’intérêt général.

Le système de gestion publique bien que recommandable pour le Burundi devrait faire attention aux reproches généralement formulées contre les administrations publiques en Afrique à savoir le formalisme, la lenteur dans le traitement des dossiers, le manque d’innovations et l’indifférence des préposés devant les réclamations des assurés118.Malgré ces critiques à l’encontre de la gestion publique de la sécurité sociale, elle est plus recommandable pour le système projeté au regard des mérites qu’elle incarne, à condition toutefois de prévoir toute une série de correctifs visant à atténuer ces écueils.

[112] P. LAROQUE, “Quarante ans de sécurité sociale”, R.F.A.S., n°3, 1985, p.24.[113] J.J.DUPEYROUX; M.BORGETO; R.LAFORE; R.RUELLAN : op.cit., p.263.[114] 0. WOODHOUSE, “La législation néo-zélandaise sur les dommages corporels”, R.I.T., 1980, pp.325-339.[115] N.MARSH, “Observations”, in Pour une loi sur les accidents de la circulation, (sous la direction d’A. Tunc), Paris, Economica, 1981, pp.143-149.[116] O. WOODHOUSE, “La législation néo-zélandaise sur les dommages corporels”, R.I.T., 1980, p.333.[117] C’est aussi la solution adoptée par les pays comme la Royaume-Uni et les pays scandinaves dans lesquels les principes de généralisation et d’uniformisation ont été retenus. Voir à ce propos J.J. DUPEYROUX, M. BORGETO, R. LAFORE ; R. RUELLAN : op.cit., p.269.[118] P. DURAND : op.cit., p.364.

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4.3.2.3. Un correctif au statut public des organismes: la garantie de l’autonomie de gestion

En principe, l’autonomie de gestion vise à établir un juste équilibre entre l’entité décentralisée et l’autorité de tutelle. Pour cette fin, le législateur a dû opérer un partage de com-pétences entre les organismes de sécurité sociale et le ministre de tutelle.

Force est cependant de constater que cette autonomie est souvent en Afrique beaucoup plus théorique. C’est ainsi qu’au Burundi, les conseils d’administration des différents organismes de sécurité sociale sont dominés quant à leur composition par les représentants du gouvernement119. Une telle prépondérance de l’Etat au sein du Conseil d’administration est de nature à rompre l’équilibre fragile des forces en présence et compromet l’équilibre du tripartisme qui doit gouverner la gestion des institutions de sécurité sociale. La composition tripartite120 sur un plan égalitaire des conseils d’administration devrait en principe constituer un compromis permettant à tous les partenaires en présence de participer activement à la gestion effective de la sécurité sociale pour le bien-être des populations bénéficiaires121.

Pour remédier à cette situation, nous proposons que :

• les représentants des employeurs et des travailleurs continuent à être désignés par leurs pairs par le truchement de leurs organisations les plus représenta-tives y compris les représentants des retraités. Cette désignation permettrait aux intéressés de choisir ceux qu’ils estiment être dignes de les représenter et, surtout, de les révoquer le cas échéant. Dans ces conditions, les administra-teurs seraient dans une certaine mesure tenus de défendre les intérêts de leurs mandants afin de mériter leur confiance ;

• les représentants de l’Etat devraient provenir des ministères les plus concernés par la question à savoir le ministère de la Solidarité nationale, le ministère de la Fonction Publique et du Travail, le ministère des Finances, le ministère de la Santé Publique, le ministère de l’Intérieur et les ministères de la Défense Nationale et de la Sécurité Publique. Par ailleurs, l’Etat devrait introduire dans les conseils d’administration des personnalités qualifiées dans le domaine de la protection sociale pour donner des avis techniques sans droit de vote122.

• la nomination de l’équipe de direction devrait être faite par le Gouvernement après avis du Conseil d’Administration.

Pour responsabiliser les équipes de direction, on devrait recourir à la technique de contractualisation qui se répand dans la gestion de la sécurité sociale dans les pays dévelop-

[119] Le Conseil d’Administration de la principale institution de sécurité sociale au Burundi (INSS) par exemple est dominé par les représentants de l’Etat qui en assument en même temps la présidence et la vice-présidence au détri-ment des représentants des travailleurs et des employeurs. Il est composé comme suit: 6 représentants de l’Etat dont le Directeur général;3 représentants des employeurs;3 représentants des travailleurs dont un membre du personnel de l’I.N.S.S.[120] C’est une des recommandations du BIT dans la gestion des caisses de sécurité sociale. Certains auteurs, consi-dérant les cotisations dites patronales comme faisant partie intégrante du salaire sentent dans la participation des employeurs dans les conseils d’administration une odeur de paternalisme. [121] Voir R. RUELLAN, ”Qui est responsable de la sécurité sociale?”, Dr. soc., 1995, p.718 ; “Clarification des pouvoirs et rénovation du système”, Dr. soc., 1996, p.779 ; “Responsabilité et partenariat : de l’Etat régalien à l’Etat contrac-tant”, ENA mensuel, n°271; contra, voir M. BLONDEL, ”L’étatisation, antichambre de la privatisation”, Dr. soc., 1996, p.241; R. PELLET, ”Etatisation, fiscalisation et budgétisation de la sécurité sociale”, Dr. soc., 1995, p.296 et s.[122] C’est la solution qu’avait retenue en France le Plan Juppé de 1995 consistant à introduire des personnalités qua-lifiées dans les conseils d’administration et à créer auprès de ces derniers des conseils de surveillance.

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pés123. L’idée principale réside dans la négociation d’un contrat où l’Etat assure une plus grande autonomie à l’administration (notamment en termes de procédures de recrutement et de ges-tion du budget) et en échange, celle-ci s’engage à atteindre avec efficacité et performance les missions de service public qui lui sont confiées.

Ainsi, en responsabilisant les organismes, en leur octroyant une plus grande auton-omie et de la sorte, en leur assignant une obligation de résultat, l’Etat délègue une partie de son pouvoir et permet ainsi à l’administration de choisir elle-même les moyens qui lui sembleront les plus appropriés afin d’atteindre efficacement les objectifs préalablement fixés.

L’efficacité de cette démarche dépendra en grande partie de la capacité des parties à dialoguer de manière constructive sur la définition des objectifs et des moyens pour y arriver (phase de la préparation), sur la meilleure objectivation de la performance (phase d’exécution), et sur le degré de réalisation des objectifs et l’atteinte des résultats (phase d’évaluation).

Par ailleurs, l’assouplissement de la tutelle politique par rapport aux services pub-lics et le passage d’un contrôle classique sur le respect des procédures à un contrôle a posteriori sur l’atteinte des résultats et d’objectifs négociés renvoient au principe de responsabilisation lui-même associé à la bonne gouvernance.

Le débat déborde donc largement la simple désignation des membres du Conseil d’administration pour poser le problème de l’environnement politique des pays en développe-ment. La vraie question est celle de savoir si les responsables politiques vont laisser aux gestion-naires de la sécurité sociale la responsabilité d’exercer effectivement les pouvoirs qui leurs sont conférés par la réglementation en vigueur. “Il n’est pas rare en particulier que se produisent des interventions intempestives dans la gestion du personnel ou dans l’utilisation des fonds des organismes, pour des dépenses étrangères à leur objet”124.

La situation pourrait-elle évoluer si les gestionnaires des organismes de sécu-rité sociale étaient responsables devant le Parlement? Théoriquement, l’affirmative semble s’imposer d’autant plus qu’aujourd’hui, la Constitution donne le pouvoir au Sénat d’approuver certaines nominations des hauts responsables de l’administration125. D’un côté, l’autorité de tu-telle devrait logiquement limiter sa pression sur l’entité décentralisée, sinon elle s’exposerait à la critique du Parlement. De l’autre côté, les gestionnaires des organismes seraient ainsi plus encouragés à résister aux immixtions de l’autorité de tutelle, sachant qu’ils pourront avoir le soutien du Parlement le cas échéant.

Cependant, force est de constater que lorsque le Parlement se comporte comme une simple chambre d’enregistrement des décisions du Gouvernement, ratifiant aveuglement les décisions prises, cette garantie devient dérisoire. L’enjeu fondamental est donc celui de la bonne gouvernance politique, économique et sociale des Etats. A cette fin, un changement de mentalité politique susceptible de favoriser la culture de la démocratie et le respect des institu-tions publiques paraît indispensable.

[123] Voir P. VAN DER VORST, “Les institutions publiques de sécurité sociale et la réforme de la fonction pu-blique belge : modernisation – responsabilisation, de Nora à Copernic”, Administration publique, 2001, pp.177-195 ; J.VERTRAETEN, “La technique du contrat d’administration en vue de responsabiliser les institutions publiques de sécurité sociale. Vade-mecum pour les administrateurs”, R.B.S.S., 2001, pp.547-569 ; Ph. QUERTAINMONT, “La tech-nique du contrat d’administration en vue de responsabiliser les organismes de sécurité sociale : panacée ou place-bo ?”, Administration Publique, 1998, pp. 277-293.[124] P. MOUTON : La sécurité sociale en Afrique au sud du Sahara: tendances, problèmes et perspectives, Genève, BIT, 1974, 60.[125] Art. 187 de la Constitution du Burundi. C’est l’équivalent du pouvoir d’ “Advice and Consent” du Sénat amé-ricain.

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concLusIon Le système actuel de sécurité sociale en vigueur au Burundi couvre pour l’essentiel

les travailleurs salariés des secteurs structurés tant public que privé. Les travailleurs du secteur informel tant rural qu’urbain en sont exclus. Or, ce sont ces personnes à revenu limité qui ont un grand besoin de protection sociale. Il est donc normal que les pouvoirs publics arrêtent des stratégies permettant de faire entrer dans l’orbite de la sécurité sociale toutes ces catégories d’exclus qui constituent par ailleurs la majorité de la population (plus de 90%).

Pour y parvenir et au regard des capacités contributives des populations exclues, il va falloir prendre préalablement des mesures visant l’éradication de la pauvreté car il est impos-sible d’instaurer un système contributif de sécurité sociale dans une population démunie, qui n’a rien à cotiser.

En prenant ces mesures, les pouvoirs publics doivent bien veiller à l’égalité des sexes, en particulier à l’amélioration de la condition sociale et économique de la femme. Dans une large mesure, en effet, ce sont les femmes qui cultivent la terre, s’occupent des malades et veillent à l’éducation des enfants. Ce triple fardeau est lourd. Et qui plus est, elles passent de longues heures à aller chercher de l’eau et du bois et à préparer les aliments.

Le premier domaine où il faut investir est, comme on l’a vu, celui de la production ru-rale qu’il faut augmenter, étant donné que plus de 90% des burundais vivent de la terre. En par-ticulier, ces investissements consacrés à relever la production agricole augmenteront les revenus ruraux et réduiront la faim endémique, causée surtout par une production agricole insuffisante. Les interventions complémentaires dans le réseau routier, les services de transport, la distribu-tion d’électricité, les combustibles utilisés pour la cuisson des aliments, l’approvisionnement en eau et l’assainissement sont toutes de nature à accroître l’efficacité de la production.

En plus de la misère rurale, qui alimente l’exode rural, le manque d’emplois dans les villes explique les niveaux frappant de la pauvreté en milieu urbain, qui ne cesse d’augmenter depuis le déclenchement, en 1993, de la crise socio-politique. Une stratégie urbaine devra donc mettre l’accent sur l’équipement et les services urbains (la distribution de l’électricité et de l’eau, l’évacuation des déchets, l’amélioration des transports publics, …), l’amélioration des taudis mais surtout la production d’emplois décents pour les jeunes.

Ces mesures permettront aux populations rurales et urbaines démunies et par con-séquent exclues des régimes actuels de sécurité sociale à pouvoir affirmer leurs droits sociaux fondamentaux y compris le droit à la sécurité sociale. La réussite dans ce domaine dépendra de l’engagement des pouvoirs publics mais aussi de l’implication de la communauté interna-tionale et plus précisément les Institutions de Bretton Woods qui ont le mandat, sur le plan mondial, de promouvoir des mesures permettant d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) que se sont fixés les Nations Unies126.

Ces mesures visant la réduction de la pauvreté devront s’accompagner par l’adaptation des mécanismes de sécurité sociale existant en vue de pouvoir les appliquer à une

[126] L’amélioration des conditions de vie des populations incombe au premier chef au Gouvernement. En effet, chaque pays en développement doit savoir qu’il est le responsable au premier chef de son propre développement-ce qu’il doit faire en renforçant la gouvernance, en luttant contre la corruption, en adoptant des politiques et en réalisant des investissements propres à favoriser une croissance pilotée par le secteur privé et en mobilisant pleinement les ressources nationales pour financer les stratégies nationales du développement. Les pays développés de leur côté devraient faire en sorte que les pays en développement qui adoptent des stratégies de développement transparentes, crédibles et correctement chiffrées reçoivent tout le soutien dont ils ont besoin sous forme d’une aide au dévelop-pement accrue, d’un système commercial plus axé sur le développement et d’un allégement de la dette élargie et renforcé.

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population qui n’est pas salariée, aux ressources financières faibles et irrégulières. On devra faire preuve de beaucoup d’imagination et d’innovation et il va falloir établir des priorités. C’est ainsi que priorité devra être donnée à la couverture des soins de santé étant donné que la santé est la base de tous les autres droits de l’homme. Ici, nous proposons que les pouvoirs publics s’investissent dans la généralisation de la CAM en la rendant obligatoire et dans la promotion des mutuelles de santé communautaires.

En ce qui est du financement du système, il va falloir combiner plusieurs stratégies: cotisations pour couvrir les prestations pécuniaires compensant les pertes de revenus en cas d’accident, de maladie, d’invalidité ou de vieillesse et les impôts pour couvrir les prestations en nature et la modernisation des infrastructures sanitaires.

Le maintien du financement par les cotisations nous paraît justifié par le souci de ne pas rendre insupportable la charge de la collectivité, en déchargeant les employeurs et les travailleurs de l’obligation de payer les cotisations qu’ils assument actuellement mais aussi et surtout que, comme les prestations qu’elles vont couvrir sont celles qui compensent la perte de revenus professionnels, il est tout à fait logique d’en rechercher le financement dans un prélève-ment sur les revenus127.

Quant au financement par l’impôt, il va falloir créer des impôts affectés à la sécurité sociale comme la taxe sur les produits responsables de nombreuses affections comme l’alcool et le tabac, la taxe sur les produits pétroliers, la taxe sur les primes d’assurance automobile de telle sorte que les activités qui causent le plus d’accidents et de maladies soient les plus sollicitées pour la couverture des coûts y afférents sans oublier la taxe sur les appels par téléphonie mobile.

Par ailleurs, le recours à l’impôt serait justifié par l’inadaptation du financement par les cotisations de certaines dépenses notamment celles liées à la prise en charge des soins de santé, à la prévention des risques sociaux et à la garantie du minimum vital pour les personnes dans le besoin128. De telles prestations n’auraient nullement pour objet de compenser la perte du revenu professionnel, mais revêtiraient un caractère alimentaire dont tout citoyen doit béné-ficier sans égard à sa profession. Il faut donc que “chacun puisse participer à leur financement en fonction de ses possibilités globales et non en fonction des seuls revenus professionnels”129.

Pour ce qui est de la gestion administrative, il va falloir concentrer et regrouper, quelque part au sein du gouvernement, la responsabilité de la formulation des politiques, de la conception des programmes, de la supervision et de l’évaluation de leur application. La ges-tion de tout le système à mettre en place devrait donc être confiée à un organisme unique placé sous tutelle d’un ministère chargé de la sécurité sociale et de la solidarité nationale, la tutelle étant le fondement et la contrepartie de l’autonomie de gestion dont jouirait l’organisme. L’administration de l’organisme devrait être multipartite à telle enseigne que tous les parte-naires sociaux soient réellement représentés. Il va également falloir décentraliser les services en charge des prestations pour qu’ils soient plus proches du citoyen.

[127] A. EUZEBY, “Faut-il fiscaliser la sécurité sociale ?”, Dr.soc., 1978, p.187.[128] Aux termes de l’article 27 de la Constitution du 18 mars 2005, l’Etat veille dans la mesure du possible à ce que tous les citoyens disposent des moyens de mener une existence conforme à la dignité humaine. L’octroi d’un mini-mum vital aux personnes dans le besoin est, selon nous, un des moyens de protection de la dignité humaine. [129] Voir dans le même sens J.-J. DUPEYROUX: op.cit., p.82. L’auteur écrit ces phrases prophétiques: “Pendant longtemps, dans de nombreux pays, on a considéré, conformément aux idées forces de l’école libérale, que les rapports sociaux devaient inévitablement revêtir une forme commutative : ainsi est-ce en échange de son travail que le salarié est appelé à acquérir un droit aux soins médicaux pour lui et les siens, des allocations familiales pour ses enfants, etc. Mais les responsabilités propres de la collectivité commencent à se dégager, à se décanter : l’idée s’affirme avec de plus en plus de force selon laquelle c’est la collectivité qui doit prendre en charge les prestations destinées à garantir à tous un minimum”.

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Pour réussir ce pari de construction d’un socle de protection sociale pour tous au Burundi, il va falloir amorcer une dynamique impliquant plusieurs intervenants à savoir le gou-vernement, les institutions de sécurité sociale existantes, les partenaires sociaux de ces institu-tions, les organisations non gouvernementales tant nationales qu’internationales et la commu-nauté internationale par le biais des agences des Nations-Unies.

Il est encourageant aujourd’hui que les pouvoirs publics soient conscients que le temps des actions ponctuelles est définitivement révolu. En adoptant la Politique nationale de protection sociale en avril 2011, le Gouvernement du Burundi cherche à repenser la protection sociale en termes globaux, depuis sa politique jusqu’à sa mise en œuvre. Ce faisant, il doit re-définir les rôles des principaux acteurs de la protection sociale. A cet exercice dont la direction est de la compétence gouvernementale, devront être associés toutes les instances intéressées au niveau national (les représentants des employeurs et des travailleurs des différentes catégo-ries professionnelles, les retraités, les prestataires de services, la société civile) et international (Nations-Unies, Institutions de Bretton Woods, ONG’s internationales,…).

En adoptant cette politique et en créant une Commission Nationale de Protection Sociale chargée de la piloter avec un Secrétariat Exécutif Permanent doté d’un Fonds d’Appui à la protection Sociale (FAPS en sigle), le Burundi a une chance de redémarrer sur des bases solides et de retrouver des forces pour faire face au long chemin qui lui reste à parcourir pour réaliser une couverture sociale universelle.

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