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La Forteresse - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782707320704.pdfde renouveler l’aventure qui avait si bien réussi avec Alain Resnais. Mais cela tourna court : Antonioni, comme

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LA FORTERESSE

DU MÊME AUTEUR

UN RÉGICIDE, roman, 1949.LES GOMMES, roman, 1953.LE VOYEUR, roman, 1955.LA JALOUSIE, roman, 1957.DANS LE LABYRINTHE, roman, 1959.L’ANNÉE DERNIÈRE À MARIENBAD, ciné-roman, 1961.INSTANTANÉS, nouvelles, 1962.L’IMMORTELLE, ciné-roman, 1963.POUR UN NOUVEAU ROMAN, essai, 1963.LA MAISON DE RENDEZ-VOUS, roman, 1965.PROJET POUR UNE RÉVOLUTION À NEW YORK, roman, 1970.GLISSEMENTS PROGRESSIFS DU PLAISIR, ciné-roman, 1974.TOPOLOGIE D’UNE CITÉ FANTÔME, roman, 1976.SOUVENIRS DU TRIANGLE D’OR, roman, 1978.DJINN, roman, 1981.LA REPRISE, roman, 2001.C’EST GRADIVA QUI VOUS APPELLE, ciné-roman, 2002.

RomanesquesI. LE MIROIR QUI REVIENT, 1985.II. ANGÉLIQUE, OU L’ENCHANTEMENT, 1988.III. LES DERNIERS JOURS DE CORINTHE, 1994.

Chez d’autres éditeurs

LE VOYAGEUR. Textes, causeries et entretiens, 1947-2001,Christian Bourgois, 2001.SCÉNARIOS EN ROSE ET NOIR. 1966-1983, Fayard, 2005.PRÉFACE À UNE VIE D’ÉCRIVAIN, Le Seuil, 2005.UN ROMAN SENTIMENTAL, Fayard, 2007.POURQUOI J’AIME BARTHES, Christian Bourgois, 2009.

ALAIN ROBBE-GRILLET

LA FORTERESSESCÉNARIO

POUR MICHELANGELO ANTONIONI

Édition établie par Olivier Corpet

LES ÉDITIONS DE MINUIT

L’ÉDITION ORIGINALE DE CET OUVRAGE A ÉTÉ TIRÉEÀ SOIXANTE-NEUF EXEMPLAIRES SUR VERGÉ DESPAPETERIES DE VIZILLE, NUMÉROTÉS DE 1 À 69 PLUSSEPT EXEMPLAIRES HORS COMMERCE NUMÉROTÉS

DE H.-C. I À H.-C. VII

� 2009 by LES ÉDITIONS DE MINUIT7, rue Bernard-Palissy, 75006 Paris

www.leseditionsdeminuit.fr

En application des articles L. 122-10 à L. 122-12 du Code de la propriété intellectuelle,toute reproduction à usage collectif par photocopie, intégralement ou partiellement, duprésent ouvrage est interdite sans autorisation du Centre français d’exploitation du droitde copie (CFC, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris). Toute autre forme dereproduction, intégrale ou partielle, est également interdite sans autorisation de l’éditeur.

Note d’édition

Vingt années séparent les premières intentions d’AlainRobbe-Grillet de tourner un film pour et avec MichelangeloAntonioni, de la publication de ce scénario intitulé à l’ori-gine Le Survivant.

L’amitié entre les deux hommes est ancienne. Elleremonte à la sortie de L’Année dernière à Marienbad, en1961, lorsqu’une projection privée fut organisée pour lecinéaste. Après le succès du film, ils imaginèrent un instantde renouveler l’aventure qui avait si bien réussi avec AlainResnais. Mais cela tourna court : Antonioni, comme leconfiera plus tard Robbe-Grillet, voulait seulement qu’il« lui raconte une histoire sans parler des images ni dessons », ce qui bien sûr était exclu puisque Robbe-Grilletrefusait de se contenter de « décrire un film ».

Malgré ce malentendu fondamental, Robbe-Grillet nemanqua jamais de dire son immense admiration pourl’œuvre d’Antonioni. Et sa réponse fut enthousiaste lors-qu’en 1988, lors du 41e Festival de Cannes, on lui proposade participer au lancement d’un « Projet Antonioni », quivisait à préserver et valoriser le patrimoine artistique etarchivistique du maître de Ferrare. Pour l’occasion, ilaccepta de dire « quelque chose sur Antonioni » :

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« [...] En effet, pour moi Antonioni est sûrement un desgrands cinéastes dans l’ensemble de l’histoire du cinéma,parce qu’il n’a pas fait seulement des films. Il y a de bonscinéastes qui font des films. Là, chez Antonioni, on al’impression très forte et très précise dès le début qu’ilfaisait une œuvre, et c’est autre chose. Une œuvre, celle-làen particulier, a toujours quelque chose d’énigmatique, uneouverture. Il y a une ouverture et en même temps uneopacité. Il y a toujours dans une œuvre quelque chose derelativement impénétrable, qui peut-être sera pénétré pro-gressivement plus tard.

[...] Dès les premiers films de Michelangelo, on a comprisqu’il ne s’agissait pas d’appliquer les bonnes règles ducinéma que l’on apprend dans les écoles européennes ouaméricaines, mais au contraire d’inventer un monde eninventant des formes. Évidemment cette invention a sur-pris. Comme il est normal, cette œuvre a recueilli d’abordune certaine – comment dire ? – hésitation du public, unestupéfaction, et même une réaction très hostile à Can-nes [...].

C’est une chose tout à fait normale, il y a quelque chosedans cette œuvre qui arrête : justement son opacité. Enmême temps sa clarté, son ouverture vous attirent et sonopacité vous arrête.

[...] Cette œuvre n’apporte pas de réponse, elle pose desquestions et ce sont des questions que l’artiste lui-même neconnaît pas en tant que questions, c’est-à-dire qu’il ne peutpas les formuler autrement que par son œuvre. C’est doncce questionnement qui va continuer à nous requérir pendantdes années, des décennies et sûrement même des siècles. »(Intervention orale reprise en 1988-1989 dans un volume

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intitulé Cher Antonioni..., publié en français par les Éditionsde l’association Ente Autonomo Gestione Cinema.)

Trois années plus tard, en 1992, toujours au Festival deCannes, installés au bar du Majestic, Michel Fano (copro-ducteur du premier film de Robbe-Grillet, L’Immortelle,en 1962, avant de réaliser ensuite la partition sonore de laplupart de ses films), Stephane Tchall-Gadjeff (producteurde Godard, Duras, Rivette, Bresson...) et Frank Verpillat(assistant-réalisateur puis co-producteur de plusieurs filmsde Robbe-Grillet, de Glissements progressifs du plaisir à LaBelle Captive) fondent la société FASTEVER, destinée à pro-duire un nouveau film d’Alain Robbe-Grillet. L’acteur prin-cipal en serait Michelangelo Antonioni, frappé quelquesannées auparavant d’un accident cérébral qui l’a laissé àdemi paralysé et quasiment aphasique.

L’occasion de mettre en œuvre ce projet est offerte parle biographe d’Antonioni, le journaliste Aldo Tassone. Finjuillet 1992, celui-ci invite Robbe-Grillet au Festival deTaormina, où il retrouve Antonioni. À l’hôtel San Dome-nica, un des lieux fameux de L’Avventura, « au cours derepas bien arrosés et enfumés par les cigares cubains, lesidées les plus baroques de scénarios sont lancées par lesuns et les autres », se souvient Verpillat. « Antonioni, quine pouvait pas répondre, mais qui comprenait tant bienque mal le français, n’était pas le moins passionné. Il tapaitvigoureusement sur la table pour attirer l’attention etéchangeait quelques signes avec sa femme Enrica pourqu’elle exprime son accord et le plus souvent sa contesta-tion de tel ou tel point de scénario ». N’empêche, à la findu festival, Antonioni adresse une lettre à Robbe-Grillet lui

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confirmant son accord pour interpréter le rôle principal deLa Forteresse :

« Je retrouve dans ton projet des thèmes qui me sontchers et familiers.

Comme convenu, je te donnerai mes impressions au fur età mesure de la progression de ton travail, en te présentantmême quelques suggestions quant à ma participation à tonœuvre – sans vouloir interférer avec ton travail de création !...

Il m’est particulièrement agréable que cette nouvelleaventure prenne forme ici, dans ce lieu où j’ai moi-mêmejadis créé des images... »

Danscemêmelieu,uneexpositiondesdessinsd’Antonionides années 1970 est présentée, accompagnée d’un petit cata-logue, A volte si fissa un punto (Parfois on fixe un point), dontRobbe-Grillet, à la demande d’Antonioni, rédige la préface ;nous publions ce texte inédit en français à la fin de ce volume.

Reparti peu après aux États-Unis comme visiting profes-sor à la Washington University, St Louis, Missouri, à l’invi-tation de Michel Rybalka, Alain Robbe-Grillet adresse le14 octobre au « cher Monsieur Fastever » (sic) un manuscritde 60 feuillets manuscrits mis au net, accompagnés d’unbref commentaire. « [...] Évidemment bien des choses res-tent à préciser. Ou à revoir. Par exemple : le cavalier depremière classe Jean-Marie Simon a curieusement disparudès les premières scènes. On est en droit de se demanderà quoi il sert... Et ce n’est qu’un exemple ! [...] »

Quelques semaines plus tard, Alain Robbe-Grillet envoieencore deux scènes rajoutées (no 28 bis et 29 bis) qui,

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écrit-il, « précisent – non sans quelque lourdeur – les arca-nes du complot qui se trame dans la forteresse ainsi que lerôle qu’y jouent les divers protagonistes ». Dans cette mêmelettre, Robbe-Grillet réagit vigoureusement à la tentative deses producteurs de réécrire certains passages du texte ori-ginel, diatribe qui éclaire précisément, à partir d’un casparticulier, ses conceptions plus générales sur sa positiond’auteur ainsi que sur sa manière de concevoir l’écriture descénarios :

« Le scénario envoyé par moi de St Louis, bien que rédigéun peu trop vite pour mon goût, est cependant le résultatde ce qu’on nomme pompeusement une “vision d’auteur”,cela signifie que je vois ces choses dans mes yeux et mesoreilles comme si elles étaient “réelles”, quelle que soit leurinvraisemblance.

Le changement par vous d’une simple virgule dans montexte, sans mon accord, risque de détruire cette vision, afortiori la suppression de quelques termes jugés par vousinutiles dans le dialogue (par exemple, les quatre premiersmots de la phrase volontairement grandiloquente : “Aunom du ciel, qui es-tu ?”).

Néanmoins, je continue à accepter, comme par le passé,que vous me fassiez des suggestions. Je reste évidemmentseul juge de l’usage que je puis en faire, car je suis le seulà savoir si elles s’intègrent ou non au film imaginaire encorefragile, qui bouge dans ma tête, ce qui vous dispense entout cas de proposer des éléments qui en altéreraient pro-fondément la cohérence... ma cohérence). »

C’est ce texte manuscrit originel qui sert de référence à

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cette édition de La Forteresse, augmenté des deux scènesmentionnées ci-dessus. Nous avons fait précéder la « conti-nuité dialoguée » du projet initial écrit à l’attention d’éven-tuels producteurs (sous le titre du Survivant), et du synopsisproposé à FASTEVER pour la recherche de financements.L’ensemble de ces textes a été rédigé en 1992.

L’écriture de ces textes fut suivie, en janvier 1993, de lasignature d’un contrat entre Alain Robbe-Grillet et lasociété FASTEVER. Plusieurs comédiens furent approchéspour jouer aux côtés d’Antonioni, dont Jean-Louis Trinti-gnant – qui, selon le témoignage de Frank Verpillat, donnaun accord de principe – et Arielle Dombasle, qui dansl’esprit de Robbe-Grillet devait tenir les deux rôles fémininsde Diane et Annie. L’avance sur recettes fut obtenue etd’autres coproducteurs sollicités. Plusieurs voyages de repé-rage eurent lieu, au Portugal ou à la Guadeloupe. Maisl’affaire n’évolua pas comme l’espéraient ses principauxprotagonistes et, de difficultés financières en mésententes,l’aventure se termina quelques années plus tard au tribunalde commerce de Nanterre.... En 1994, Robbe-Grillet, n’ycroyant plus lui-même, avait commencé le tournage d’Unbruit qui rend fou avec Arielle Dombasle pour actrice prin-cipale et un de ses anciens élèves de la New York Univer-sity, Dimitri de Clercq, pour coréalisateur. Sorti en 1995,ce nouveau film fut de son aveu même un « échec total »et jamais il ne l’assuma vraiment, refusant même de le voirfigurer dans sa filmographie et dans l’édition de ses scéna-rios au même titre que les autres (Cf. Alain Robbe-Grillet,Scénarios en rose et noir, Paris, Fayard, 2005).

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En 2002, Alain Robbe-Grillet évoqua à nouveau ce projetcomme un de ses regrets cinématographiques ; envisageantalors la publication de ce scénario, il voulut prendre letemps d’en « changer la fin » qui, disait-il, ne lui plaisaitplus. Puis il y eut le tournage inattendu de C’est Gradivaqui vous appelle, qui le détourna une fois de plus et défi-nitivement de ce projet d’édition. Voici donc le texte de LaForteresse tel que le destin l’a laissé en plan, archive decette aventure commune inachevée de deux créateursmajeurs du XXe siècle.

Olivier Corpet

Pour l’édition de ces textes, mes remerciements vont àPascale Butel qui m’a aidé à les réunir à partir du gigan-tesque ensemble d’archives conservées dans le FondsRobbe-Grillet de l’IMEC, ainsi qu’à Emmanuelle Lambertqui en a assuré le premier inventaire ; à Frank Verpillat quim’a apporté l’éclairage de ses souvenirs ; enfin à CatherineRobbe-Grillet, cela va de soi.

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TABLE DES MATIÈRES

Note d’édition .............................................. 7

Projet ............................................................. 15

Synopsis ........................................................ 25

Continuité dialoguée .................................... 33

« Je te salue, vieux camarade... » ................ 115

CET OUVRAGE A ÉTÉ ACHEVÉ D’IMPRIMER LESIX JANVIER DEUX MILLE NEUF DANS LES ATE-LIERS DE NORMANDIE ROTO IMPRESSION S.A.S.

À LONRAI (61250) (FRANCE)No D’ÉDITEUR : 4642

No D’IMPRIMEUR : 083250

Cette édition électronique du livre La Forteresse d’Alain Robbe-Grillet

a été réalisée le 28 janvier 2016 par les Éditions de Minuit

à partir de l’édition papier du même ouvrage (ISBN : 9782707320704).

© 2016 by LES ÉDITIONS DE MINUIT pour la présente édition électronique.

www.leseditionsdeminuit.fr ISBN : 9782707337610