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Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2013) 99, S179—S184 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com BOURSE SOO 2012 « PRATIQUES DE L’OUEST » La prise en charge de la luxation antérieure récidivante de l’épaule West France fellowship about management of recurrent anterior shoulder dislocation R. Lancigu a,, F. Rabarin b , P. Bizot a a Département d’orthopédie-traumatologie, CHU, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 09, France b Centre de la main, village Santé Loire, 47, rue de la Foucaudière, 49800 Trélazé, France MOTS CLÉS Luxation épaule ; Butée ; Capsuloplastie Résumé En 2012, la prise en charge de la luxation antérieure récidivante de l’épaule est bien codifiée, il reste cependant plusieurs options. Deux interventions sont privilégiées en France : la butée antérieure d’épaule selon Latarjet et la capsuloplastie antérieure. L’intérêt de cette bourse était de rencontrer des chirurgiens de l’Ouest de la France et de comprendre avec eux leur approche concernant cette pathologie. Sept centres ont pu être visités : trois CHU et quatre cliniques. Les rencontres étaient organisées autour d’une ou plusieurs interventions chirurgicales, associées à une discussion et un questionnaire. Chaque chirurgien donnait donc son opinion sur la pathologie ainsi que ses « trucs et astuces ». L’ensemble des données a été collecté pour réaliser une évaluation de la prise en charge de « la luxation antérieure récidivante de l’épaule » dans l’Ouest de la France. Introduction Prendre en charge une luxation antérieure récidivante de l’épaule, c’est à la fois choisir la bonne indication, la bonne intervention et assurer le suivi. Les principaux problèmes rencontrés commencent dès l’indication : quels examens préopératoires faut-il réaliser, au bout de combien d’épisodes peut-on proposer une intervention et enfin, quelle intervention pour quel patient ? Bien que de nom- breuses techniques soient décrites, [1—4], la prise en charge chirurgicale de l’instabilité antérieure est dominée en France en 2012 par deux interventions. Un traitement à ciel ouvert : la butée coracoïdienne selon Latarjet [5], et Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (R. Lancigu). un traitement arthroscopique : l’intervention de « Bankart » [6,7]. Mais le choix de l’intervention dépend des connaissan- ces pratiques et théoriques. L’apport du score ISIS a permis de guider les chirurgiens dans leur choix [8,9]. Enfin, une fois opéré, le patient bénéficie d’une rééducation particu- lière et adaptée à sa chirurgie. L’objectif de cette étude était qu’un chirurgien junior (interne) rencontre des chirur- giens expérimentés dans cette pathologie et confronte leurs données. Matériel et méthode Il s’agit d’un rapport rétrospectif de la rencontre d’un interne de chirurgie orthopédique avec sept chirurgiens de l’ouest, membres de la SOO. Cette étude a pu être réalisée grâce à une bourse d’étude financée par la SOO. 1877-0517/$ see front matter http://dx.doi.org/10.1016/j.rcot.2013.03.014

La prise en charge de la luxation antérieure récidivante de l’épaule

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Page 1: La prise en charge de la luxation antérieure récidivante de l’épaule

Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2013) 99, S179—S184

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

BOURSE SOO 2012 « PRATIQUES DE L’OUEST »

La prise en charge de la luxation antérieurerécidivante de l’épauleWest France fellowship about management of recurrent anterior shoulderdislocation

R. Lancigua,∗, F. Rabarinb, P. Bizota

a Département d’orthopédie-traumatologie, CHU, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 09, Franceb Centre de la main, village Santé Loire, 47, rue de la Foucaudière, 49800 Trélazé, France

MOTS CLÉSLuxation épaule ;Butée ;Capsuloplastie

Résumé En 2012, la prise en charge de la luxation antérieure récidivante de l’épaule est biencodifiée, il reste cependant plusieurs options. Deux interventions sont privilégiées en France :la butée antérieure d’épaule selon Latarjet et la capsuloplastie antérieure. L’intérêt de cettebourse était de rencontrer des chirurgiens de l’Ouest de la France et de comprendre aveceux leur approche concernant cette pathologie. Sept centres ont pu être visités : trois CHU

et quatre cliniques. Les rencontres étaient organisées autour d’une ou plusieurs interventionschirurgicales, associées à une discussion et un questionnaire. Chaque chirurgien donnait doncson opinion sur la pathologie ainsi que ses « trucs et astuces ». L’ensemble des données a étécollecté pour réaliser une évaluation de la prise en charge de « la luxation antérieure récidivante

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Introduction

Prendre en charge une luxation antérieure récidivantede l’épaule, c’est à la fois choisir la bonne indication,la bonne intervention et assurer le suivi. Les principauxproblèmes rencontrés commencent dès l’indication : quelsexamens préopératoires faut-il réaliser, au bout de combiend’épisodes peut-on proposer une intervention et enfin,quelle intervention pour quel patient ? Bien que de nom-breuses techniques soient décrites, [1—4], la prise en

charge chirurgicale de l’instabilité antérieure est dominéeen France en 2012 par deux interventions. Un traitement àciel ouvert : la butée coracoïdienne selon Latarjet [5], et

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (R. Lancigu).

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1877-0517/$ – see front matterhttp://dx.doi.org/10.1016/j.rcot.2013.03.014

France.

n traitement arthroscopique : l’intervention de « Bankart »6,7]. Mais le choix de l’intervention dépend des connaissan-es pratiques et théoriques. L’apport du score ISIS a permise guider les chirurgiens dans leur choix [8,9]. Enfin, uneois opéré, le patient bénéficie d’une rééducation particu-ière et adaptée à sa chirurgie. L’objectif de cette étudetait qu’un chirurgien junior (interne) rencontre des chirur-iens expérimentés dans cette pathologie et confronte leursonnées.

atériel et méthode

l s’agit d’un rapport rétrospectif de la rencontre d’unnterne de chirurgie orthopédique avec sept chirurgiens de’ouest, membres de la SOO. Cette étude a pu être réaliséerâce à une bourse d’étude financée par la SOO.

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S R. Lancigu et al.

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Figure 2 Répartition selon l’âge.

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180

J’ai rencontré sept chirurgiens et leurs équipes dans troisHU et quatre cliniques avec dans l’ordre chronologique :

le Dr Courage (OC) : hôpital privé de l’Estuaire (Le Havre) ; le Dr Benkalfate (TB) : clinique mutualiste de la Sagesse

(Rennes) ; le Dr Le DU (ClD) : clinique de l’Alliance (St-Cyr sur loire) ; le Pr Favard (LF) : CHU de Tours ; le Pr Thomazeau (HT) : CHU de Rennes ; le Dr Huguet (DH) : polyclinique de l’Atlantique (Nantes) ; le Dr Hubert (LH) : CHU d’Angers (Fig. 1).

À chaque rencontre, une journée opératoire était réa-isée avec une ou plusieurs interventions en lien avec’instabilité antérieure d’épaule. En fin de journée, unuestionnaire était rempli dans lequel nous répondions auxuestions et problématiques suivantes :

préopératoire :◦ comment choisir son patient et son intervention ?◦ quelle intervention réalisez-vous ?◦ détails techniques de la ou des interventions réalisées ?

postopératoire et rééducation.

L’ensemble de cette journée étant réalisée dans unembiance pédagogique et conviviale.

ésultats

a prise en charge de la luxation antérieure d’épaule dans’Ouest nous a donné les résultats ci-dessous.

ttitudes préopératoires

es critères des attitudes préopératoires sont :

pour tous, cette pathologie concerne une populationjeune entre 16 et 45 ans : (Fig. 2) ;

une prise en charge chirurgicale est décidée à partir de1,5 épisode (1,5—3) : (Fig. 3) ;

trois types d’examens complémentaires sont réalisésselon les chirurgiens : l’arthroscanner majoritairement,pour vérifier l’état de la coiffe, le sens de l’instabilitéet l’existence de lésions de passage, l’arthroIRM (pour la

Figure 1 Cartographie.

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Figure 3 Décision chirurgicale.

coiffe) et le scanner seul (pour un bilan osseux) sont aussiproposés ;

pour le choix de la technique, deux attitudes sont adop-tées : deux chirurgiens ne font par habitude, quasimentque des butées, les autres font intervenir le score ISISdans leur décision en s’orientant vers la butée pour unISIS supérieur à 2 et vers un Bankart pour un ISIS inférieurou égal à 2. Le tableau suivant récapitule les proportionsdes interventions (Tableau 1).

echniques opératoires

a butée d’épaulea butée de Latarjet (type couchée) était réalisée dans touses cas. L’indication idéale était décrite de cette facon soit :n patient sportif, l’existence d’une lésion osseuse (glènet/ou humérus), un score ISIS supérieur à 2.

Trois opérateurs s’installaient en position transatlan-ique, quatre utilisaient le décubitus dorsal avec épaule sur-levée (Fig. 4). La voie deltopectorale était utilisée par tous.

Tableau 1 Pourcentage et répartition des interventionspar opérateur.

Opérateurs Butée (%) Bankart (%) Capuloplastie (%)

ClD 80 20LF 100TB 75 25DH 90 8 2LH 30 70

ClD : Dr Le DU ; LF : Pr Favard ; TB : Dr Benkalfate ; DH : DrHuguet ; LH : Dr Hubert.

Page 3: La prise en charge de la luxation antérieure récidivante de l’épaule

La prise en charge de la luxation anterieure recidivante de l’epaule S181

Figure 4 Installation butée : trans

Le sous-scapulaire était incisé à la jonction deux tiers àun tier (Fig. 5), sauf pour LF et ClD qui incisaient plutôt àla jonction trois quarts à un quart. Quatre des opérateursfixaient la butée avec deux vis (Fig. 6 et 7) et un opérateurutilisait une seul vis.

Figure 5 Ouverture sous-scapulaire.

rtmàu

LTd

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Upa

L

Lde

Figure 6 Systè

atlantique vs décubitus dorsal.

La suture au LAC était réalisée avec des points sépa-és sauf pour un opérateur (LF) qui utilisait des tunnelsrans-osseux (Fig. 8). Une capsuloplastie était réalisée systé-atiquement pour quatre opérateurs, en cas de RE supérieur

85◦ pour un (HT) et en cas de signe de sulcus positif pourn autre (DH).

e Bankartous les Bankart étaient réalisés par voie arthroscopiqueans cette étude. (Fig. 9).

L’indication idéale était : une épaule douloureusenstable ou un score ISIS inférieur ou égal à 2.

Les opérateurs utilisaient trois ancres pour le Bankart.ne capsuloraphie était systématiquement associée saufour un opérateur qui ne la réalisait qu’en cas d’hyperlaxitéssociée (HT).

a rééducation

’attitude face à l’initiation de la kiné restait dépendantee chaque opérateur. Globalement, elle était plus précocen cas de butée que dans le Bankart (Fig. 10).

me canulé.

Page 4: La prise en charge de la luxation antérieure récidivante de l’épaule

S182 R. Lancigu et al.

Figure 7 Butée deux vis.

Figure 8 Tunnel trans-osseux.

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Figure 9 Bankart a

Figure 10 Protocole kinésithérapie.

ésultats postopératoires

urée d’hospitalisationa durée d’hospitalisation variait entre une et deux nuitselon les opérateurs avec une moyenne plus basse pour leankart, certains envisageant même cette intervention enmbulatoire.

eprise du sportlle était plus précoce globalement pour la butée mais dansous les cas, n’intervenait pas avant trois mois.

Pour la butée, le délai moyen de reprise est de 3,3 mois3—4), alors que pour le Bankart, le délai moyen est deuatre mois (3—6).

olution de reprise

n cas d’échec après butée coracoïdienne, tous utiliseraientne crête iliaque, mais certains avaient aussi déjà utilisé leankart arthroscopique comme solution de reprise. En cas’échec de Bankart, la réponse était pour tous une butéeoracoïdienne.

iscussion

lors comment choisir ?

e tour de l’Ouest m’a permis de réaliser une évaluationes pratiques dans l’Ouest concernant la prise en charge de

rthroscopique.

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La prise en charge de la luxation anterieure recidivante de l’epaule S183

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Figure 11

la luxation antérieure d’épaule. Il reste difficile de choisirl’intervention, mais le score ISIS [8,9] peut nous aider. Ils’agit avant tout d’une chirurgie « patient dépendant » et ilest important de connaître les deux techniques majeures en2012 pour proposer au patient la technique la plus adaptée.Il est vrai que le sportif pourrait être le patient idéal pour labutée [10—12], alors que la femme d’âge moyen avec uneépaule instable semble plus adaptée à un Bankart [13].

Les petits « trucs et astuces » de chacun apportent un pluspour proposer l’acte le mieux adapté au patient. La réédu-cation et la reprise du sport restent dépendantes du choixde chaque chirurgien. L’expérience permet probablementde guider ses propres choix. Enfin, même en cas d’échecde l’une des méthodes choisies, des solutions de repriseexistent [14].

Conclusion

Grâce à ce « tour de l’Ouest », j’ai pu acquérir une expé-rience extrêmement enrichissante sur ce sujet passionnantqu’est la « luxation antérieure d’épaule ». En tant que chi-rurgien junior, il est parfois difficile de se faire son idée. Lefait de pouvoir rencontrer des chirurgiens expérimentés per-met d’acquérir une connaissance élargie des techniques etpratiques chirurgicales. Maintenant, j’ai dans mes bagagestous les ingrédients pour réaliser un Bankart ou une butée« à la manière de l’Ouest ». Alors, un grand merci à la SOO,

à tous les chirurgiens et leurs équipes qui m’ont accueilliet permis de vivre cette expérience. Leur pédagogie et leuraccueil extrêmement chaleureux resteront les points fortsde ces rencontres (Fig. 11).

[

[

de l’Ouest.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

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