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LA RELATION EDUCATIVE DE CONFIANCE AU SEIN D’UN CONTEXTE CONTRAINT L’intervention au domicile en Assistance Educative en Milieu Ouvert et en Aide Educative à Domicile Mémoire professionnel

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LA RELATION EDUCATIVE DE CONFIANCE AU SEIN D’UN CONTEXTE CONTRAINT

L’intervention au domicile en Assistance Educative en Milieu

Ouvert et en Aide Educative à Domicile

Mémoire professionnel

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Formation en vue de l’obtention du Diplôme d’Etat d’éducateur spécialisé

BALASTRE Anna

Année 2016 Remerciements

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Je souhaite tout d’abord remercier Monsieur Sébastien ISNARD, référent de mon premier stage. Merci pour avoir été mon « référent de formation » durant ces trois dernières années. Merci de m’avoir soutenue, aidée par tes conseils avisés. Je souhaiterais remercier également mes deux référents de stage long, Monsieur Jacques NOUAILLE et Madame Sandrine GRESSIER pour m’avoir accompagnée de la meilleure des manières durant une année. Enfin je souhaite remercier toute l’équipe de la Maison du département de Saint­Junien qui m’a très bien accueillie à mon arrivée en stage et qui m’a réservé un fabuleux départ.

Sommaire

Introduction

1. 1ère partie : Présentation générale du cadre de l’action

1.1 Le cadre législatif 1.1.2 La protection de l’enfance 1.1.3 Les conseils départementaux (CD) 1.1.4 L’aide sociale à l’enfance (ASE) 1.1.5 Présentation du lieu de stage : La MDD de Saint­Junien 1.2 L’action éducative en milieu ouvert 1.2.1 L’AED 1.2.2 L’AEMO

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2. 2ème partie : Contexte de l’intervention et établissement d’une relation permettant l’accompagnement.

2.1 Un contexte d’intervention particulier 2.1.2 L’intervention au domicile 2.1.3 Le travail en autonomie : entre doute et assurance 2.1.4 L’aide contrainte 2.1.5 Les familles concernées par une mesure d’AEMO/d’AED et les

représentations associées 2.2 La notion de « contrainte » et ses effets 2.2.1 L’injonction paradoxale et la théorie du double lien 2.2.2 Les stratégies d’évitement 2.3 Une histoire de rencontre 2.3.1 Qu’est­ce qu’y est rencontré ? 2.3.2 Le transfert dans la relation 2..4 La construction d’une relation 2.4.1 La relation éducative 2.4.2 La relation d’aide et la relation de confiance

3. 3ème partie : Les actions menées pour favoriser la relation éducative de confiance

3.1 Les médiations éducatives 3.1.2 L’entretien, un espace de rencontre 3.1.3 Les activités de médiation 3.2 Le travail avec les familles 3.2.1 S’appuyer sur les compétences des familles 3.2.2 Susciter l’implication : Le projet des familles 3.2.3 Respecter le temps des familles, la « perlaboration » 3.3 La posture professionnelle 3.3.1 Se décentrer de la problématique familiale 3.3.2 La méthode « Columbo »

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3.3.3 L’investissement professionnel

Conclusion Bibliographie Liste des annexes

Liste des sigles utilisés

AEMO : Assistance éducative en milieu ouvert AED : Aide éducative à domicile MECS : Maison d’enfant à caractère social ULIS : Unité locale pour l’inclusion scolaire CASF : Code de l’action sociale et des familles PMI : Protection maternelle infantile ONED : Observatoire national de l’enfance en danger ASE : Aide sociale à l’enfance CD : Conseil départemental PAPAH : Personnes âgées personnes handicapées

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PSE : Pôle solidarité enfance PEI : Pôle emploi insertion MDD : Maison du département

Introduction

J’ai effectué mon stage long dans le domaine de la protection de l’enfance, au sein de la maison du département de Saint­Junien, en service d’Assistance Educative en Milieu Ouvert (AEMO) et d’Aide Educative à Domicile (AED). L‘AEMO et l’AED sont des mesures de protection de l’enfance. L’AEMO est judiciaire et prononcée par le Juge pour Enfants ; l’AED est administrative et nécessite l’adhésion des parents. Ces mesures s’exercent en milieu ouvert, c’est­à­dire que l’éducateur intervient directement au domicile des familles et met en place des activités hors du domicile. Ces mesures interviennent lorsque l’enfant est en situation de danger ou en risque de l’être, ou bien quand les parents rencontrent des difficultés dans l’éducation de leurs enfants et que celles­ci nécessitent l’intervention d’un professionnel. Le but de la mise en place d’une mesure de protection de l’enfance est de diminuer voire de supprimer cette notion de danger et d’aider, de conseiller les parents dans l’exercice de leurs fonctions parentales.

Avant de débuter ce stage, je ne connaissais rien du milieu ouvert et je n’avais que très peu travaillé avec les familles au cours de mon cursus de formation. En effet, j’ai effectué mon premier stage au sein d’une Maison d’Enfant à Caractère Social (MECS) en Dordogne et mon second au sein d’une Unité Locale pour l’Inclusion Scolaire (ULIS) spécialisée dans les troubles envahissants du développement. Cette ULIS se trouvait dans un collège privé limougeaud et accueillait exclusivement des enfants porteurs d’autisme. Durant mon stage en MECS, les relations avec la famille se sont limitées aux conversations téléphoniques. Je n’ai pas eu l’occasion d’assister à un rendez­vous avec les parents ou bien à une visite médiatisée par exemple.

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Lors de mon second stage, au collège, ce sont les familles qui venaient vers nous d’elles­mêmes pour prendre rendez­vous ou bien pour échanger au sujet de leur enfant au sein du dispositif. Dans aucun de mes deux stages, l’intervention au domicile ainsi que le travail avec les familles ou encore la notion de contrainte ne m’ont posé question. J’ai donc concrètement fait face à ces notions au cours de mon stage long et ce n’est qu’à partir de là que je me suis questionnée sur ces termes.

Au début de mon stage, et pendant quelques semaines, j’ai suivi mes référents de stage dans leurs différentes visites à domicile. J’occupais alors une place d’observatrice, place que j’ai vécue difficilement. J’étais une inconnue pour les familles et assister au rendez­vous avec l’éducateur, observer le fonctionnement de la cellule familiale, m’introduire chez eux m’a questionnée. La toute première visite fût chez Madame M. Nous intervenions dans le cadre d’une AEMO. C’est une maman qui élève seule ces trois enfants ; deux garçons et une fille. La mesure concerne ses deux garçons de 16 et 14 ans. Me rendre dès le premier jour de stage chez cette famille, entrer dans son espace, alors que je ne connaissais rien d’elle et elle rien de moi m’a mise mal à l’aise, je ne me sentais pas légitime. « Aller travailler chez autrui, c’est entrer dans l’espace intime et privé d’un domicile » 1

J’étais là, au cœur d’une relation éducative bien établie entre mon référent de stage et Madame, en tant « qu’observatrice d’une situation ». Je ne savais pas quoi dire, ni comment me comporter. J’ai alors compris qu’intervenir seule au domicile de familles en difficulté n’était pas simple et qu’effectivement, même si cette position m’était inconfortable, un temps d’observation est nécessaire afin de s’adapter à ce type d’intervention. Et puis il y a un autre point qui m’a questionné : la contrainte de notre intervention.

1 MARTIN Jean­Pierre, OSSORGUINE Marc, Faire social à domicile, Vie Sociale et Traitement, n°116, 4é trimestre, 2012, Eres, URL : http://www.cemea.asso.fr/spip.php?article8294

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Madame et ses enfants sont concernés par une AEMO, mesure prononcée par le juge, sans accord préalable de la famille, car un danger ou un risque de danger a été repéré. La famille est alors contrainte de nous ouvrir la porte de sa vie privée, de son espace intime. Dans ce contexte­ci, comment créer de la relation ? Si la famille est contrainte, comment peut­elle nous faire confiance ? Ces deux termes antinomiques ; contrainte et aide, m’ont questionné tout au long de mon stage et plus particulièrement au début. Après quelques semaines d’observation, je suis intervenue seule au domicile des familles. Le fait de les avoir déjà rencontrées avec mes référents de stage me facilitait la tâche, mais cela était différent. Je ne portais plus la casquette d’observatrice, mais bien d’éducatrice stagiaire, adulte de référence. Le fait d’être mandatée par le Juge a rendu mon intervention plus légitime. En effet, c’est le jugement qui me donnait le droit d’intervenir chez les familles. Mais cela ne suffit pas. Pour que l’accompagnement puisse avoir lieu, il faut que les familles acceptent de me rencontrer. Le fait que la mesure soit une injonction d’aide est souvent vécue comme une intrusion et provoque parfois de la méfiance de la part des familles. La création de la relation éducative n’est donc pas immédiate. Néanmoins, malgré toutes ces questions autour de la contrainte, de l’injonction d’aide etc. j’ai le sentiment d’avoir réussi à créer une relation éducative de confiance avec certaines familles. Avec le recul, même durant ma période d’observation, je voyais bien qu’il se jouait quelque chose de l’ordre de la relation éducative entre mon référent de stage et les familles. Seulement, la question de la contrainte était encore trop omniprésente pour m’en rendre compte. Finalement oui, dans la contrainte peut se créer de la relation. Un « jeu relationnel complexe » dirait Guy HARDY ; qui débute lorsque qu’il y a une rencontre et du transfert. « Qu’on le veuille ou pas, ce qui circule entre le parent en difficulté et l’intervenant, c’est du transfert. Il est plutôt négatif lors des épisodes conflictuels. Il devient plutôt

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positif quand la relation de confiance s’instaure. Dans les deux cas, le transfert incite le parent à investir la figure du professionnel. » 2

Tout au long de mon stage, j’ai été soucieuse de tenter d’atténuer ce sentiment de contrôle, cette « aide contrainte » parfois ressentie par les familles afin de privilégier la création d’une relation éducative de confiance. Je me suis alors rendue compte qu’introduire de la relation dans un contexte contraint qu’est le dispositif de l’assistance éducative était possible. En fait, en instaurant une relation éducative de confiance, la contrainte n’est plus le problème central de l’intervention mais devient un élément du contexte avec lequel nous devons travailler. Nous ne pouvons pas nier que nous travaillons dans un contexte contraignant. En effet, le jugement impose des objectifs à la mesure et ceux­ci doivent être travaillés, voire atteint, dans un temps défini. Il existe donc bien une contrainte de temps et d’objectifs. De plus, notre intervention est imposée à la famille, du moins dans le cadre de l’AEMO. Je pars du principe que l’on ne peut obliger personne à nous faire confiance. Cependant, le cadre d’intervention en AEMO est contraint et la relation de confiance est une condition à l’accompagnement. Avec ces deux éléments en tension, comment susciter la confiance des personnes qui ne souhaitent pas notre intervention ? De par mon expérience de stage, je pars de l’hypothèse que si l’on introduit de la relation dans notre intervention, alors la contrainte devient un élément du contexte et plus une injonction à faire confiance. Dans ce mémoire, je vais tenter de démontrer à l’aide d’exemples concrets, que l’établissement d’une relation éducative de confiance est possible même dans un contexte contraint. J’aborderai également « les outils » que je peux utiliser dans le cadre de mon action auprès des familles afin de favoriser la création de cette relation. Dans une première partie, je présenterai le cadre général de l’action afin de comprendre le contexte au sein duquel j’interviens.

2 ALFÖLDI Francis, Vivre l’action éducative à domicile, Paris, Dunod, 2nde édition, 2008, p25

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Nous verrons que la législation ainsi que le contexte institutionnel légitime l’intervention des services sociaux au sein de la cellule familiale et décrit la contrainte de notre intervention. Dans une seconde partie, je décrirai plus précisément mon intervention sur le terrain pour pouvoir ensuite aborder la notion « d’aide contrainte » qui peut être, à première vue, un frein à la relation. Puis j’expliciterai les notions « clé » qui fondent la relation et les mécanismes qui se jouent en son sein, permettant de créer la relation de confiance. Dans une dernière partie je montrerai, à l’aide de situations cliniques, avec quels outils j’ai pu mettre en pratique les mécanismes de la relation, dans un contexte d’intervention contraint.

1. 1ère partie : Présentation générale du cadre de l’action

La politique publique de protection de l’enfance en France repose sur l’intervention de deux autorités. L’autorité administrative et l’autorité judiciaire. Je vais commencer par décrire le contexte législatif au sein duquel s’inscrit mon action pour ensuite expliciter le contexte de mon intervention.

1.1 Le cadre législatif

1.1.2 La protection de l’enfance

La protection de l’enfance est définie par la loi n° 2007­293 du 5 mars 2007

rénovant la protection de l’enfance. Elle vient d’être redéfinie récemment par la loi n°2016­297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant.Cependant, cette dernière ne dispose pas encore de décret d’application. Nous utiliserons donc la loi de 2007 en vigueur comme référence tout au long de ce dossier.

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Selon l’article L112­3 du Code de l’Action Sociale et des Familles (CASF), la 3

protection de l’enfance a pour but de « prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives, d’accompagner les familles et d’assurer, le cas échéant, selon les modalités adaptées à leurs besoins, une prise en charge partielle ou totale des mineurs. Elle comporte à cet effet un ensemble d’interventions en faveur de ceux­ci et de leurs parents. Ces interventions peuvent être également destinées à des majeurs de moins de 21 ans connaissant des difficultés susceptibles de compromettre gravement leur équilibre. La protection de l’enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d’assurer leur prise en charge. » La loi du 5 mars 2007 donne donc une définition générale de la protection de l’enfance et est également axée sur la prévention. La protection de l’enfance est sans cesse traversée par les notions de statut de l’enfant et de famille. Ces notions ont­elles­mêmes été concernées par d’importantes évolutions sociales. En effet, les différentes lois concernant la protection de l’enfant (Ordonnance du 2 février 1945, Ordonnance du 23 décembre 1958, Loi du 5 mars 2007 etc.) ont suivi les différentes mutations de la famille et de la société et ont par la suite modifiées les pratiques professionnelles. Le développement des sciences sociales et des sciences humaines a également influencé ces lois qui introduisent aujourd’hui les notions de « médiations familiales », de « soutien à la parentalité » ; qui n’existaient pas auparavant. Ces lois ont contribué à légitimer davantage l’intervention de la sphère publique dans la sphère privée. La loi du 5 mars 2007 instaure également le président du conseil départemental comme pivot du dispositif de protection de l’enfance.

3http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074069&idArticle=LEGIARTI000006796426

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1.1.3 Les conseils départementaux (CD) 4

Les conseils départementaux sont des collectivités territoriales. Depuis la loi

de décentralisation n° 82­213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, le conseil départemental«règle par ses délibérations les affaires du département » ; en particulier la création des services publics départementaux, la gestion des biens du département et son budget. Puis la loi n° 83­663 du 22 juillet 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat va transférer des compétences de l’Etat au bénéfice des communes, des départements et des régions. Les domaines concernés sont par exemple l’action sociale, la santé, la culture, l’aide sociale à l’enfance. Les services du CD sont alors chargés de développer une organisation de proximité répondant aux prérogatives des lois concernant les différents domaines et chargés «de mettre en œuvre les politiques départementales territorialisées». Cette organisation s’illustre en Haute­Vienne par une organisation territorialisée portant le nom de « Maisons du département » (MDD). Elles sont réparties sur tout le département et permettent d’accueillir le public et de répondre à toutes les demandes concernant les compétences du département, dont fait partie l’Aide Sociale à l’Enfance.

1.1.4 L’aide sociale à l’enfance (ASE)

L’aide sociale à l’enfance est le service qui applique la politique de protection de l’enfance. Depuis les lois de décentralisation, l’ASE est une compétence

4 Organigramme du CD de la Haute­Vienne en ANNEXE I

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obligatoire des départements. Ses missions sont définies par les articles L221­1 et suivants du Code de l’Action Sociale et des familles et sont les suivantes : 5

Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique aux mineurs, à leur

famille, aux mineurs émancipés et aux majeurs âgés de moins de 21 ans confrontés à des difficultés sociales susceptibles de compromettre gravement leur équilibre.

Organiser, dans les lieux où se manifestent des risques d’inadaptation sociale, des actions collectives visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l’insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles, notamment des actions dites de prévention spécialisée auprès des jeunes et des familles en difficultés ou en rupture avec leur milieu.

Mener en urgence des actions de protection en faveur des mineurs en difficultés.

Pourvoir à l’ensemble des besoins des mineurs confiés au service et veiller à leur orientation, en collaboration avec leur famille ou leur représentant légal.

Mener des actions de prévention concernant les mauvais traitements à l’égard des mineurs et organiser le recueil des informations relatives aux mineurs maltraités et participer à la protection de ceux­ci.

Veiller à ce que les liens d’attachement noués par l’enfant avec d’autres personnes que ses parents soient maintenus, voire développés, dans son intérêt supérieur.

1.1.5 Présentation du lieu de stage : La MDD de Saint­Junien

La MDD de Saint­Junien se trouve sur le secteur Ouest du département de la Haute­Vienne. Le territoire « Ouest Haute­Vienne » est composé de 5 communautés de communes (Saint­Junien, Rochechouart, Saint­Mathieu, Saint­Laurent­Sur­Gorre, Châlus) . 6

5http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074069&idArticle=LEGIARTI000006796782 6 Secteur Ouest Haute­Vienne en ANNEXE II

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Dans chacune de ses communes se trouve une MDD où certains professionnels tiennent des permanences comme les assistants de services sociaux.

L’équipe

L’équipe du pôle « Solidarité­Enfance » est composée de 4 éducateurs spécialisés exerçant le suivi des mesures d’AEMO et d’AED et de 3 éducateurs spécialisés effectuant le suivi des mesures de placement familial, c’est­à­dire les placement en famille d’accueil. L’équipe compte également une adjointe à la direction chargée de la thématique Enfance et deux secrétaires. L’éducateur spécialisé ; appelé « assistant socio­éducatif » lorsque qu’il exerce au sein de la fonction publique territoriale, est chargé du suivi des mesures d’AEMO et d’AED confiées par le département et participe aux missions de protection de l’enfance sur la MDD d’affectation de l’enfant qui se définie en fonction du domicile du détenteur de l’autorité parentale. Les éducateurs sont en charge de 28 situations + ou – 10%, AED et AEMO confondues et exercent également la fonction de référent lorsque qu’un enfant est confié à l’ASE (accueil en établissements : maisons d’enfants à caractère social, lieux de vie et d’accueil etc…).Les éducateurs sont aussi amenés à évaluer les informations préoccupantes de mineurs en binôme avec un assistant des services sociaux ou une puéricultrice selon l’âge de l’enfant.

1.2 L’action éducative en milieu ouvert

L’action éducative en milieu ouvert revêt deux versions : l’assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) et l’aide éducative à domicile (AED). L’AEMO est la version judiciaire, imposée par le Juge pour Enfant. L’AED est la version administrative, sollicitée par les parents ou bien proposée par l’aide sociale à l’enfance, requérant leur adhésion.

1.2.1 L’AED

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L’AED est donc une mesure administrative, initiée à la demande des détenteurs de l’autorité parentale, visant à apporter un soutien matériel et éducatif à l’enfant, au jeune et à sa famille dans le cadre d’un accompagnement par un travailleur socio­éducatif. Elle vise à maintenir l’enfant dans sa famille tout en permettant aux parents d’identifier et de faire évoluer, à partir de leurs compétences, ce qui, dans leur fonctionnement, est dommageable pour la famille et/ou pour l’enfant. Selon l’Article L­222­2 du CASF : « L'aide à domicile est attribuée sur sa demande, ou avec son accord, à la mère, au père ou, à défaut, à la personne qui assume la charge effective de l'enfant, lorsque la santé de celui­ci, sa sécurité, son entretien ou son éducation l'exigent » Les principaux objectifs de l’AED sont les suivants : 7

­ accompagner les parents dans l’éducation de leur enfant ­ permettre d’élaborer, si nécessaire, des liens plus structurants entre parents

et enfant ­ favoriser leur insertion sociale aussi bien à l’école que sur les temps de loisirs,

dans le quartier etc.

Le détenteur doit pour cela adresser un courrier à la destination du Conseil Départemental. Après évaluation de la situation et accord pour l’intervention, un contrat est signé entre les deux parties afin de définir la durée de l’aide éducative ainsi que les objectifs de la mesure. Le détenteur de l’autorité peut, à tout moment, rompre le contrat ou bien demander un renouvellement de la mesure. L’autorité administrative prendra une décision en s’appuyant sur la demande écrite du demandeur ainsi que sur le rapport de fin de mesure rédigée par l’assistant socio­éducatif.

1.2.2 L’AEMO

7 Ministère de la santé et des solidarités, Intervenir à domicile pour la protection de l’enfant, Guide pratique protection de l’enfance, p17

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L’AEMO une mesure « d’assistance éducative », de protection judiciaire prise par le Juge pour Enfants au titre de l’Article 375 du Code Civil : Elle intervient « Si la santé ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducatives peuvent être ordonnées. (…) L’Article 375­2 du Code Civil précise : « Chaque fois qu'il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel. Dans ce cas, le Juge désigne, soit une personne qualifiée, soit un service d'observation, d'éducation ou de rééducation en milieu ouvert, en lui donnant mission d'apporter aide et conseil à la famille, afin de surmonter les difficultés matérielles ou morales qu'elle rencontre. Cette personne ou ce service est chargé de suivre le développement de l'enfant et d'en faire rapport au Juge périodiquement. » Dans le cadre d’une mesure d’AEMO, les parents gardent l’exercice de leur autorité parentale. Ceci est précisé à l’Article 375­7 du Code Civil : « Les père et mère de l'enfant bénéficiant d'une mesure d'assistance éducative continuent à exercer tous les attributs de l'autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec cette mesure. » L’AEMO intervient aussi lorsque les mesures administratives n’ont pas permis de remédier à la situation ou lorsque les détenteurs de l’autorité parentale refusent de collaborer avec les services de l’ASE. Cela est précisé à l’Article L226­4 du Code de l’Action sociale et des familles (CASF) :

«Le président du conseil départemental avise sans délai le procureur de la République lorsqu'un mineur est en danger au sens de l'article 375 du code civil et :

­ Qu'il a déjà fait l'objet d'une ou plusieurs actions mentionnées aux articles L. 222­3 et L. 222­4­2 et au 1° de l'article L. 222­5, et que celles­ci n'ont pas permis de remédier à la situation ;

­ Que, bien que n'ayant fait l'objet d'aucune des actions mentionnées au 1°, celles­ci ne peuvent être mises en place en raison du refus de la famille

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d'accepter l'intervention du service de l'aide sociale à l'enfance ou de l'impossibilité dans laquelle elle se trouve de collaborer avec ce service »

Les objectifs de la mesure d’AEMO sont les suivants : 8

­ Supprimer la notion de danger.

­ Apporter une aide et des conseils pour que le/les parent(s) puissent « surmonter les difficultés matérielles ou morales qu’ils rencontrent, et de leur donner ainsi la possibilité de développer leurs propres capacités d’éducation et de protection. »

L’intérêt n’est pas de faire à la place des parents mais bien de les aider dans leurs fonctions parentales tout en s’appuyant sur leurs compétences.

Conclusion de la première partie

J’ai présenté au cours de cette partie le cadre de référence régissant le travail de l’éducateur en AEMO et en AED. La loi de protection de l’enfance en vigueur pose l’intérêt de l’enfant au centre du dispositif. Au nom de l’intérêt de l’enfant et de sa protection, les services sociaux sont autorisés à intervenir au domicile des enfants sans leur accord. Cependant, il est aussi prescrit de s’appuyer sur les compétences des parents et de les impliquer au mieux dans la mesure. Une première contrainte est posée : l’aide contrainte. De plus, les mesures éducatives à domicile portent d’autres contraintes : le temps et des objectifs à atteindre. Ma première partie pose donc le cadre contraint de mon intervention. L’objet de la seconde partie de mon mémoire va être d’expliciter, à l’aide de mes expériences de stage et d’apports théoriques, la notion « d’aide contrainte » pour ensuite aborder les concepts qui fondent la relation.

8 Ministère de la santé et des solidarités, Intervenir à domicile pour la protection de l’enfant, Guide pratique protection de l’enfance, p18

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Il va s’agir ici d’explorer les notions de rencontre, de relation éducative, de relation de confiance, d’injonction d’aide, de paradoxe de l’aide contrainte et d’en repérer les mécanismes pour pouvoir comprendre comment travailler dans ce contexte en tension.

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2. 2ème partie : Contexte de l’intervention et établissement d’une relation permettant l’accompagnement.

2.1 Un contexte d’intervention particulier

L’intervention en AEMO revêt des aspects particuliers. Tout d’abord, comme l’indique le « milieu ouvert », nous intervenons au domicile des familles. Nous verrons toute la particularité de cela et les grands principes la régissant. Nous intervenons la plupart du temps seuls. Intervenir seul est un des paramètres du travail en AEMO le rendant si particulier. Nous verrons que cette autonomie peut être un avantage comme un inconvénient. Il y a également la notion d’aide contrainte qui intervient. Comment travailler avec des personnes qui ne souhaitent pas notre intervention ? Cela contribue à poser un cadre de travail particulier. Puis, l’histoire personnelle des familles aussi que les représentations que nous pouvons porter participent à rendre l’intervention éducative à domicile particulière.

2.1.1 L’intervention au domicile

Que ce soit une mesure judicaire ou administrative, l’intervention au domicile

des familles est spécifique. Nous pénétrons dans la sphère privée des familles et cette intrusion implique, plus ou moins selon les situations, un sentiment de méfiance de la part des familles, une sensation de contrôle venant du travailleur social. Certaines familles « redoutent de devoir affronter les difficultés auxquelles elles sont confrontées ». 9

9 MUGNIER Jean­Paul, Ces familles qui ne demandent rien, Fabert, Collection Temps d’arrêt, Bruxelles, 2011, p12

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En effet, il n’est pas facile pour une famille, une mère ou un père, de voir intervenir chez eux un professionnel, que l’aide soit demandée ou non, pour les soutenir dans leur fonction parentale. Se mettre face à ses difficultés peut parfois heurter, décourager. Nous entrons dans l’intime de familles souvent en souffrance et au début de mon stage je me suis souvent sentie mal à l’aise. « Aller travailler chez autrui, c’est entrer dans l’espace intime et privé d’un domicile de personnes généralement dites « dépendantes », ou inscrites dans des processus de désaffiliation sociale, quand ce n’est pas de disqualification sociale. Cette caractéristique est souvent non reconnue, parfois déniée. Le métier lui­même d’aller réaliser un service ou de proposer un accompagnement à domicile semble marqué par cette absence de reconnaissance, qui se traduit par l’image socialement dévalorisée et dévalorisante dont il est l’objet. » 10

Néanmoins, l’intervention à domicile est porteuse et permets aux professionnels d’en apprendre davantage sur les familles. Nous sommes confrontés directement à la différence, à des modes de vie différents des nôtres. L’intervention à domicile vient heurter nos représentations que l’on se fait de la notion de famille, de la façon d’habiter, des relations parents­enfants et nous confronte dans certains cas à l’interculturalité. « Aller à domicile, c’est aussi voir de plain­pied les interactions familiales, les conduites éducatives au quotidien, les rythmes de chacun et la façon dont tout cela se coordonne ou pas. « L’état dans lequel on se sent dans l’appartement est très important, c’est tellement le lieu du symptôme. » 11

Il important d’avoir conscience de cela afin de trouver sa place au sein de cette rencontre particulière. Petit à petit, la visite à domicile est facilitée par le lien que l’on crée avec les familles et par la connaissance mutuelle de l’un et de l’autre.

10 MARTIN Jean­Pierre, OSSORGUINE Marc, Faire social à domicile, Vie Sociale et Traitement, n°116, 4é trimestre, 2012, Eres, URL : http://www.cemea.asso.fr/spip.php?article8294 11 CHOBEAUX François, Quand les éducs vont au domicile. Rencontre avec une équipe d’AEMO, VST ­ Vie sociale et traitements 2012/4 (n° 116), p. 91­94.

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Les principes fondamentaux :

L’intervention à domicile dans le cadre d’une mesure éducative revêt plusieurs principes fondamentaux. Ces principes balisent notre pratique et sont très bien décrits dans le guide pratique de l’intervention à domicile en protection de l’enfance, publiée par le ministère de la santé et des solidarités. 12

­ En premier lieu : L’intérêt de l’enfant. L’intérêt de l’enfant est un principe

fondateur de la protection de l’enfance, que la mesure soit administrative ou bien judiciaire. Lors d’une mesure, la décision d’un placement par exemple ou bien de la poursuite de la mesure, pourra se justifier au nom de l’intérêt de l’enfant.

­ L’évaluation préalable de la situation. La loi du 5 mars 2007 réformant la

protection de l’enfance précise que toute intervention « est précédée d’une évaluation de la situation prenant en compte l’état du mineur, la situation de la famille et les aides auxquelles elle peut faire appel dans son environnement » (article L.223­1 du CASF). Il est recommandé que cette évaluation résulte d’un travail d’équipe pluridisciplinaire afin de disposer d’un diagnostic le plus complet possible sur la situation. A la MDD de Saint­Junien, l’évaluation de la situation est effectuée par un assistant des services sociaux ainsi qu’un éducateur spécialisé. Le couple de travailleurs sociaux permet de croiser les regards de chaque profession et de proposer, si besoin, une aide au plus près des besoins de la famille concernée.

­ L’implication de la famille dans l’accompagnement proposé : c’est­à­dire que

l’adhésion de la famille à la mesure est recherchée même quand il s’agit d’une mesure judiciaire, imposée à la famille.

­ L’élaboration du projet pour l’enfant : la loi du 5 mars 2007 impose le projet

pour l’enfant pour l’ensemble des prestations d’aide sociale à l’enfance. Ce document précise les objectifs de la mesure, les modalités de mise en œuvre et la temporalité. Il s’agit ici de récapituler des objectifs de la mesure et de

12 Ministère de la santé et des solidarités, Intervenir à domicile pour la protection de l’enfant, Guide pratique protection de l’enfance, p23

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« répartir » le travail entre le jeune, sa famille, et l’éducateur. Quand il est établi en collaboration avec l’enfant et sa famille, le Projet pour l’Enfant devient un réel outil permettant d’impliquer la famille dans la mesure.

­ Le respect des droits des parents et de l’enfant. Comme énoncé plus haut, les

parents conservent l’exercice de l’autorité parentale.

­ Les principes de confidentialité et de partage d’informations : Les travailleurs sociaux sont soumis à une obligation de secret professionnel. L’intervention à domicile conduit à être au plus proche de la vie privée des personnes et donc de détenir des informations d’ordre confidentiel.

La loi du 5 mars 2007 réformant de la protection de l’enfance a institué un partage des informations entre professionnels. Ce partage d’information est limité à ce qui est nécessaire pour l’accomplissement de la mission de protection de l’enfance.

2.1.3 Le travail en autonomie : entre doute et assurance

Le travail en milieu ouvert porte aussi la particularité de s’exercer le plus

souvent seul. La mesure est suivie par un éducateur, parfois deux, lorsqu’il s’agit d’une famille nombreuse. Les entretiens sont donc menés seul. Il faut également faire preuve d’une bonne capacité d’organisation pour gérer son emploi du temps, optimiser ses déplacements etc. Le fait de travailler seul peut être un atout comme un désavantage. Un atout car cette autonomie nous permet d’être indépendant dans notre travail, de gérer nos entretiens assez librement et laisse place à une certaine spontanéité dans l’échange. A contrario, le fait d’être seul, peut nous amener à être trop subjectif, à parfois douter de notre pratique sans qu’un collègue soit présent pour échanger, nous apporter une analyse de la situation.

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L’éducateur « n’est pas sûr de lui, à peur de se tromper, craint de commettre un surcroît de dégâts » 13

Dans certaines institutions, des groupes d’analyse des pratiques sont organisés pour permettre aux professionnels d’échanger sur leur pratique en solitaire. Au sein de la MDD de Saint­Junien, il n’y avait pas d’analyse de la pratique mais l’équipe était plutôt soudée et chacun restait disponible pour l’autre afin d’échanger sur une situation, de faire part de ses difficultés. Ces temps d’échange permettent de se mettre à distance de la situation au moment ou parfois on peut se laisser happer par celle­ci. « Osciller entre doute et assurance, telle est la double réalité du travail social à domicile ! » 14

2.1.4 L’aide contrainte

La nature imposée de la mesure éducative va effectivement interférer dans la

relation avec les familles. Nous allons voir les éléments qui interviennent dans cette relation particulière pour ensuite aborder les concepts qui fondent la relation et qui permettent de passer au­dessus de cette contrainte. « Dans son acceptation la plus courante, une contrainte se définit comme une situation infligée faisant entrave à une totale liberté d’action » 15

Dans ce sens­là, le travail avec les familles dans le cadre de l’intervention à domicile parait être une utopie. Comme je le disais, dans le cadre de notre intervention en AEMO, « l’aide contrainte » est imposée par l’autorité judiciaire compétente, à savoir le Juge pour Enfants.

13 ALFÖLDI Francis, Vivre l’action éducative à domicile, Paris, Dunod, 2nde édition, 2008, p9 14 ALFÖLDI Francis, Vivre l’action éducative à domicile, Paris, Dunod, 2nde édition, 2008, p9 15HARDY Guy, S’il te plaît, ne m’aide pas ! L’aide sous injonction administrative ou judiciaire, Eres, 1ère édition, 2012, p 15

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Suite à une évaluation de la situation transmise par les travailleurs sociaux et à la recherche de l’adhésion de la famille, une décision d’assistance à domicile est prise et imposée à la famille. Cette décision peut être vécue comme une sanction envers la famille mais peut être aussi considérée comme étant la reconnaissance des compétences d’une famille, qui à un moment donné, ne parvient plus, pour différentes raisons, à assurer l’éducation de son/ses enfant(s). Plusieurs interprétations sont possibles. Il est important pour moi de valoriser davantage l’aide que la contrainte afin de laisser place à la création d’une relation d’aide. « Etablir une relation entre deux personnes dont l’une est censée exercer une mesure contraignante de contrôle mais aussi d’aide à l’ égard de l’autre. Ce lien tissé de façon artificielle par des subterfuges et des manipulations douces, devient le support de l’action. » 16

2.1.5 Les familles concernées par une mesure d’AEMO/d’AED et les

représentations associées

Entre 2005 et 2008, le nombre d’actions éducatives à domicile (AED et

AEMO) a légèrement augmenté en Haute­Vienne (6,2%) contre 28,7% à l’échelle nationale. Cette évolution se stabilise dans le département : 1 045 mesures d’action éducative ont ainsi été prises en 2010, contre 1 048 en 2008. 17

On remarque également, globalement, une hausse des AED.

16 ALSEA, Construire, dualiser, transformer. De représentations à l’œuvre dans la mesure d’AEMO, décembre 1994, p60 17 Schéma départemental de l’enfance et de la famille, 2013­2017, p47

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La loi de 2007 réformant la protection de l’enfance est à l’origine de cette hausse. En effet, la loi réaffirme la nécessité de recueillir l’accord des familles le plus possible. Ceci a donc conduit à faire augmenter les AED mais du coup l’adhésion des parents n’est pas toujours garantie. Ce que je veux dire par là, c’est que la demande d’aide n’émane pas toujours des parents. L’AED peux alors faire suite à un signalement comme pour une AEMO. Les éducateurs sont chargés de tenter de convaincre les familles et d’établir un contrat d’aide éducative avant de faire appel au juge. Cela va un peu fausser le travail dans le sens où la signature du contrat d’AED n’émane plus systématiquement de la demande des parents. L’accompagnement des familles dans le cadre de certaines AED va donc se rapprocher de l’accompagnement dans le cadre d’une AEMO, avec les mêmes freins, le même sentiment de contrainte. Concernant le profil des enfants suivis, je remarque que je vois plus de garçons que de filles. Aussi, j’ai travaillé avec une majorité d’enfants et de pré­adolescents et moins avec des jeunes de plus de 16 ans. Cela se confirme dans les statistiques. Les résultats des questionnaires parcours «focus sur le profil des enfants bénéficiaires de mesures d’AED ou d’AEMO» montrent que les genres sont différemment représentés dans le cas des mesures à domicile. 54% des enfants suivis à domicile sont des garçons contre 46% des filles. Les plus jeunes sont majoritaires, 43% des répondants suivis à domicile ont moins de 11 ans, viennent ensuite les préadolescents et adolescent âgés entre 11 et 15 ans (36%) ainsi que les jeunes de 16­17 ans (20%). , 18 19

Les motifs de la mesure éducative

Je suis arrivée en stage, avec dans « mes bagages » toutes mes représentations ; et notamment celles du motif des mesures éducatives. Quand je pensais « protection de l’enfance », « signalement », « milieu ouvert » ; cela était associé à violence physique ou psychique, à l’inceste etc.

18 Ibid. 19 ANNEXES III et IV

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Bien­sûr ces situations sont réelles, et en tant que professionnels, nous y sommes confrontés mais ce n’est pas la majorité des situations. J’ai davantage été confrontée à des situations de carences éducatives ou affectives, à des parents porteurs d’une déficience et en difficulté dans l’exercice de leur parentalité ou bien à des conflits entre parents séparés. 20

Les représentations de l’éducateur par les familles

« Même lorsque les usagers semblent se montrer coopératifs ils peuvent

percevoir nos interventions comme une forme de violence, de piège, de problème qui va se rajouter à ceux déjà existants. Il est vrai que leur histoire est souvent jalonnée de sentiments de trahison, de colère, d’injustice ou d’abandon de la part de ceux qui ont pu prétendre leur apporter leur aide.» 21

Je remarque que la majorité des familles suivies par une mesure d’AEMO ou d’AED ont auparavant été concernées par les services de la protection de l’enfance. Parfois ils ont eux­mêmes été placés dans leur enfance en foyer ou bien en famille d’accueil, ou ils ont été l’objet de mesures éducatives au domicile. Cela peut s’apparenter à un phénomène de reproduction sociale. D’autres, porteurs d’une déficience, ont pu grandir en IME et ont donc été en contact avec des éducateurs. Dans le cadre de mon stage je suivais régulièrement entre 8 et 10 familles. Environ la moitié d’entre elles avait un passé avec les services sociaux. Soit elles­mêmes avaient été suivies dans le cadre d’une mesure, avaient été placées en établissement ou bien en famille d’accueil. Il arrivait aussi qu’en tant que parents ils aient déjà été amenés à rencontrer les travailleurs sociaux dans le cadre d’une information préoccupante ou dans le cadre d’un placement ou encore d’une mesure éducative concernant leurs aînés. Mme B, mère d’Alice, trois ans et suivie dans le cadre d’une AEMO, a été placée très jeune en famille d’accueil avec sa sœur, suite à des constatations d’alcoolisme des

20 ANNEXE V 21 TREMINTIN Jacques, La confiance dans la relation d’aide, Lien social, n°977, 17 juin 2010, p12

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parents et d’un climat de violence au domicile. Depuis elle n’a plus de contact avec cette famille, les relations avec ses parents sont conflictuelles. Madame a également subie un viol en 2006, à l’âge de 18 ans. Il est noté dans le jugement que Madame rencontre des difficultés à protéger ses enfants et que ses relations amoureuses peuvent nuire à son rôle de mère. Quant à monsieur, père d’Alice, lui aussi a connu des épisodes de violence au sein de sa famille et a connu plusieurs abandons (décès de sa mère, placement en famille d’accueil, puis en établissement.) Monsieur T est père d’une famille nombreuse. Monsieur et Madame T sont à l’origine d’une demande d’AED pour leur aîné, Sylvain âgé de 13 ans. Monsieur T a connu un parcours de vie ponctué par les lieux de placement et les familles d’accueil. Monsieur nous dit avoir vécu difficilement ces placements, nous expliquant avoir vécu des épisodes de violence. Puis il a connu un passage en CHRS et est suivi, depuis plusieurs années par un SAMSAH. La mère de famille, Madame T, n’a pas été élevée par ses parents. Ce sont des grandes cousines qui ont assuré son éducation. Au cours d’entretiens, Madame a pu nous dire qu’elle n’a pas évolué dans un environnement chaleureux. Grâce à son récit de vie, nous avons pu établir un lien de causalité entre ces carences affectives vécues dans son enfance et son attitude envers ses enfants aujourd’hui. Nous voyons que dans ces cas, l’histoire de vie de ces personnes a pu impacter sur les parents qu’ils sont devenus. Didier HOUZEL défini plusieurs type de parentalité : 22

­ l’exercice de la parentalité : droits et devoirs attachés aux fonctions

parentales. Dans nos sociétés industrialisées et de droit écrit, ce sont les aspects juridiques de la parenté et de la filiation qui définissent l’exercice de la parentalité.

­ L’expérience de la parentalité : l’expérience subjective consciente et

inconsciente du fait de devenir parent et de remplir des rôles parentaux. Le processus de transition vers la parentalité, la « parentification ».

22 HOUZEL Didier, Les enjeux de la parentalité, Eres, 1ère édition, 1999, p55

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­ La pratique de la parentalité : on désigne les tâches quotidiennes que les

parents ont à remplir auprès de l’enfant. C’est le domaine des «soins parentaux» qui sont à la fois physique et psychique.

Pour chacune des familles citées plus haut, je remarque que dans ces situations, un aspect de la parentalité dysfonctionne et il est souvent en lien avec l’histoire personnelle des familles. Parfois, ils n’en n’ont pas conscience, et parler avec eux de leur propre histoire familiale et faire les allers­retours entre la situation actuelle et leur passé, permets de mieux comprendre certaines problématiques. Dans le cas de Mme T, lors d’un entretien, nous abordons le fait que ses enfants lui réclament beaucoup de câlins. Madame nous explique qu’elle n’est pas à l’aise avec cela, qu’elle est très maternelle et chaleureuse avec ses plus jeunes enfants mais que plus ils grandissent, moins elle leur porte d’affection. En discutant de son enfance passée avec ses grandes cousines, Madame se rend compte tout en me racontant son histoire qu’elle­même ne recevait pas de marque d’affection. Je lui dis alors que ces deux choses sont peut être liées. Que n’ayant pas vécu elle­même les câlins d’une mère, cela ne peut pas être un automatisme pour elle. Dans la situation de Madame T, certains aspects de la « pratique de la parentalité » ne sont pas appréhendés car non vécus auparavant. La problématique familiale ne se résumant et ne s’expliquant pas seulement par cela, cet entretien nous a permis en tout cas de faire le lien entre une histoire passée et ses conséquences aujourd’hui. Le fait de conscientiser certaines choses permet aux personnes d’agir ou non dessus mais au moins d’en avoir conscience et de pouvoir en apporter une origine. Ces expériences de vie contribuent à alimenter la représentation des éducateurs par la famille. Certaines de ces représentations rendent les familles « plus accessibles » car les parcours très institutionnalisés de certains les ont conduit à connaître beaucoup d’éducateurs, souvent sur une longue durée, et en ont plutôt un bon souvenir.

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D’autres ayant connu la séparation d’avec leur parents ou bien frères et sœurs peuvent avoir gardé une représentation plutôt négative de l’éducateur qui intervient pour enlever les enfants de leurs parents. Le passé des familles influe donc à la fois sur leur situation actuelle et à la fois, logiquement et légitimement, sur la représentation qu’ont les familles des éducateurs. La rencontre va donc être plus difficile à établir car il va falloir s’employer à déconstruire ses représentations afin de pouvoir créer la relation nécessaire à notre accompagnement.

2.2 La notion de « contrainte » et ses effets

Comme je l’ai abordé plus haut, l’injonction judiciaire est un contexte d’intervention particulier puisqu’il suppose intervenir chez la famille alors qu’elle ne veut pas forcément nous rencontrer. C’est donc la rencontre, pierre angulaire de notre profession, qui est compromise. Nous faisons face à des familles parfois méfiantes, virulentes. Ce sont des attitudes que j’appellerai plus tard les stratégies d’évitement. Nous entrons alors dans un jeu relationnel particulier. L’objectif est d’amorcer, par un moyen qui nous est singulier, une rencontre qui se transformera en relation éducative, pour pouvoir créer un lien de confiance afin de pouvoir démarrer un accompagnement.

2.2.1 L’injonction paradoxale et la théorie du double lien

Cette théorie est apparue dans les années 50 sous l’impulsion de Grégory BATESON. Grégory BATESON est un ethnologue, zoologue et anthropologue américain, fondateur de l’école de Palo Alto ; courant de pensée à l’origine des thérapies familiales et de la systémie.

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Bateson s’intéresse beaucoup à la communication et choisi d’étudier la schizophrénie. C’est lors de ses recherches sur la pathologie qu’il introduit la notion de « Double Blind » : le double lien, la double contrainte. « Le double lien doit être conçu non dans les termes d’un bourreau et de sa victime mais en termes de personnes prises dans un système permanant qui produit des définitions conflictuelles de la relation » 23

Le double lien consiste à énoncer des injonctions paradoxales à la personne au cours de la communication. Face à ces injonctions paradoxales, la personne ne peux répondre favorablement à aucune des injonctions, et est donc prise au piège. L’exemple le plus courant utilisé pour illustrer l’injonction paradoxale est la demande : « Sois spontané ! ». Si une personne demande cela à une autre personne, celle­ci aura le choix de s’y soumettre et d’être spontanée ou bien de ne pas s’y soumettre. Cependant, si la personne se soumet à la demande d’être spontanée, elle n’est par définition plus spontanée, car la spontanéité par nature, ne peut pas être provoquée ou demandée. Donc, même si la personne se soumet à la demande, la spontanéité ne sera pas naturelle et donc la réponse n’est pas favorable. Si la personne ne se soumet pas à la demande, cela n’est pas favorable non plus. Bateson nous explique que les solutions pour sortir de cette injonction sont soit de fuir, soit de rompre la relation, ou bien de « métacommuniquer ». Bateson nous précise aussi que pour qu’il y ait double lien, il faut que la personne soit dans l’impossibilité de rompre la relation. « L’enjeu est crucial, voire vital, pour l’un ou l’autre partenaire. En effet, pour des raisons affectives (peur de l’abandon, d’être agressé …) ou tenant au contexte (emprisonnement, hospitalisation, placement …), la personne est dans une position où elle ne peut mettre un terme à la relation. Elle est ainsi liée au sein d’une relation

23 Citation de Grégory BATESON, HARDY Guy, S’il te plaît, ne m’aide pas ! L’aide sous injonction administrative ou judiciaire, Eres, 1ère édition, 2012, p19

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avec l’obligation de répondre à une injonction à laquelle elle ne peut en aucun cas répondre à bon escient. » 24

C’est en ce sens que la mesure d’AEMO implique un double lien, la famille ne peut pas rompre la relation. La réalité est que si la famille ne coopère pas, il y a effectivement un risque de placement, dans l’intérêt de l’enfant et si la notion de danger est avérée. Mais la fuite est aussi possible et certaines familles utilisent des stratégies d’évitement afin de pas nous rencontrer, de retarder la rencontre ou bien de nous faire comprendre leur mal­être.

2.2.2 Les stratégies d’évitement

En AEMO, plus qu’en AED, les fuites sont courantes. Il n’est pas rare que nous arrivions à un rendez­vous fixé avec la famille devant une porte close. Ces sortes de fuites peuvent être interprétées de plusieurs façons. En effet, ces moments arrivent parfois juste avant une audience, source d’angoisse, ou bien parce que la famille ne veut tout simplement pas nous voir. Elle exprime aussi un désaccord avec l’éducateur. « Les résistances familiales sont présentes tout au long de la mesure ; sans doute plus exacerbées au début. Elles apparaissent à des moments cruciaux de la prise en charge. Les attitudes des éducateurs face à elles sont diverses : lutter pour les faire céder, les contourner avec le temps, les mettre en lumière pour en élucider le contenu, s’appuyer sur elles pour agir. Elles sont toujours présentées comme des éléments plutôt positifs pour la pratiques éducatives, c’est un matériau à utiliser : « il faut travailler sur les résistances de la famille même si on a un refus complet, même si on a rien pu bouger, la résistance c’est un moment fort, ça existe, c’est là qu’on est testé, c’est quelque chose qui perturbe, dérange l’équilibre, c’est là que la famille

24 HARDY Guy, S’il te plaît, ne m’aide pas ! L’aide sous injonction administrative ou judiciaire, Eres, 1ère édition, 2012, p24

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peut sécréter des changements. Ainsi, toutes les manifestations de la famille deviennent des leviers entre les mains des éducateurs […] » 25

Durant mon stage, je choisi de suivre une situation de référence. Le fils de Madame R est placé et nous continuons à intervenir au domicile de Madame afin de préparer les retours de son fils à la maison, de la soutenir et de l’accompagner dans les différentes démarches et également de faire le lien entre l’établissement de placement, la famille ainsi que les autres partenaires de la situation. La constance chez Madame est sa non­mobilisation. Il est difficile pour les travailleurs sociaux de mobiliser Madame sur le long terme, que ce soit dans l’entretien de son appartement ou dans l’ouverture sur l’extérieur de son fils lors des retours au domicile. Les stratégies d’évitement de Madame sont fréquentes : absences aux rendez­vous, pas de mobilisation dans les différentes démarches (assistant social, centre de loisir, école …).Madame apparaît lunatique, soit de bonne humeur et ouverte au dialogue soit négative et fermée à la discussion. J’interpelle l’équipe sur cette attitude récurrente et les collègues me confirment que Madame fuit souvent les différents rendez­vous. Lors d’un rendez­vous, Madame est présente ainsi que sa mère et sa sœur. Nous abordons le fait qu’elle n’ait toujours pas inscrit son fils au centre de loisir pour les vacances qui approchent. Pour la première fois, Madame se permet d’exprimer son désaccord et d’expliquer pourquoi elle n’inscrit pas son fils au centre aéré. Le fait d’être soutenue par sa famille lui a surement permis de verbaliser son désaccord. Dans cette situation nous voyons que le « conflit » ou en tout cas le désaccord qui est exprimé permet d’expliquer les fuites de Madame. Peut­être que ses absences au rendez­vous voulaient exprimer son désaccord qu’elle n’osait pas verbaliser. Je me suis rendu compte qu’exprimer ses désaccords permettait d’ajuster la situation plutôt que de penser que ces absences reflétaient une non­coopération ou bien un refus de me rencontrer. Il n’empêche que certaines fuites révèlent aussi un refus de coopérer et traduisent clairement la non­adhésion de notre intervention.

25ALSEA, Construire, dualiser, transformer. De représentations à l’œuvre dans la mesure d’AEMO, décembre 1994, p63/64

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Madame M, vit avec sa fille Charlène de 13 ans. Son fils aîné vit chez sa grand­mère maternelle car la situation est trop conflictuelle avec Madame. Le dernier jugement du Juge Pour Enfant ordonne le placement de Charlène en établissement. Nous sommes donc chargés de mettre en œuvre ce placement. L’annonce de cette décision est très difficile pour cette maman et cette jeune adolescente décrites comme fusionnelles. Madame présente des troubles psychiques qui vont compliquer ce placement. Madame ne veut pas entendre que sa fille doit être placée et que le contexte familial est dangereux pour elle (logement insalubre, fréquentations à risques, absentéisme scolaire, délinquance ...). De là, la relation entre Madame et le service va nettement se dégrader. Madame déménage plusieurs fois afin de ralentir la procédure, et les entretiens se transforment en affrontement verbaux. Les interventions de la gendarmerie sont également un échec. Cette situation fut difficile à appréhender en tant que stagiaire et c’est pour cela que j’intervenais que ponctuellement auprès de cette famille. Nous voyons ici que ce contexte est complexe et que l’évitement de Madame et de sa fille est clair et évident. Néanmoins, l’ordonnance de placement nous dit que Charlène est en situation de danger et les services sociaux doivent agir afin que la situation de danger ne s’aggrave pas. Je dirais ici que le placement n’a pas pu être bien préparé compte tenu de l’urgence de la situation et de la problématique psychique de Madame et que l’annonce du placement a été vécue de façon brutale, ce qui a pu contribuer à la colère de Madame et Charlène envers le service. Quand cela est possible, préparer un placement permet de minimiser les répercutions aussi bien sur la famille que sur l’enfant et d’éviter les fuites et les entretiens conflictuels. Dans cet exemple, la fuite traduit bien l’échec dans la construction de la relation de confiance, par manque de temps. Les stratégies d’évitements sont donc classiques dans l’intervention à domicile et peuvent constituer des leviers au travail avec la famille. Dans certains cas ils sont la conséquence d’une situation d’urgence que l’on n’a pas pu anticiper et préparer.

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Dans cette première sous partie, j’ai exposé le contexte contraignant de l’action. Contexte dans lequel nous sommes pris, nous les assistants socio­éducatifs, ainsi que les familles concernées. Ce contexte constitue parfois un obstacle à l’entrée en relation mais n’est pas un mur infranchissable. La contrainte de la mesure est inscrite sur un papier, elle n’évolue pas. Suite à cela il y a la rencontre entre le professionnel et la famille. C’est cette rencontre qui va ouvrir la voie à la construction d’une relation qui va permettre un travail.

2.3 Une histoire de rencontre

Un accompagnement ne peut pas débuter sans rencontre. La première rencontre est très importante. Durant mon stage, la première rencontre avec la famille se faisait généralement lors du premier rendez­vous pour la signature du contrat d’AED ou bien lors du premier rendez­vous au domicile en AEMO. La rencontre dans le cadre d’une mesure d’AEMO porte la particularité d’être imposée. Elle fait suite à tout un circuit partant de l’information préoccupante. 26

Après la réception de l’information préoccupante à la CRIP , une évaluation à lieu 27

au domicile de la famille concernée afin de d’évaluer si une suite doit être donnée à cette information (AED, saisine du Juge ou bien pas de suite). Dans le cadre de l’AEMO, une situation de danger ou de risque de danger à bien été identifiée et les services n’ont pas recueilli l’adhésion de la famille. Après un rapport d’évaluation effectué par les travailleurs sociaux, celui­ci est transmis à l’autorité judicaire qui prendra une décision (OPP, mesure milieu ouvert, mesure d’investigation etc.) en la personne du Juge pour enfant. Une fois que le Juge, lors de l’audience, a statué quant aux modalités d’application de la mesure (durée, objectif, service effectuant le suivi de la mesure), nous fixons un rendez­vous au domicile de la famille ou du père puis de la mère. 26 ANNEXE VI 27 Cellule de recueil et de traitement des informations préoccupantes

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Ce premier rendez­vous a pour but de poser le cadre, de clarifier les objectifs de la mesure, d’informer la famille sur ses droits. Lorsque qu’une situation nous parait problématique ou risque d’être « agitée », nous pouvons fixer le rendez­vous dans les bureaux de la MDD afin que le cadre de l’action soit posée d’emblée par le lieu. La première rencontre est primordiale puisque c’est à partir de celle­ci que va se construire la relation éducative. Nous arrivons dans des familles qui dans certains cas n’ont pas vraiment conscience de leurs difficultés, de ce qui constitue un danger ou non. Ce sont des familles qui peuvent se sentir atteintes dans leurs fonctions parentales, se penser « mauvais parents » ou bien être offensifs. Nous pouvons faire face dans un premier temps à des parents fermés, ne voulant pas de notre intervention. La rencontre ne sera donc pas « simultanée ». La rencontre instaurée par le dispositif ne veut donc pas dire que j’ai réellement rencontré l’enfant ou bien la famille. Ce n’est pas la même rencontre que la rencontre au sens « clinique » du terme. J’ai vécu ce décalage avec Sylvain.

La rencontre avec Sylvain

Sylvain est un adolescent de 13 ans issus d’une fratrie de six enfants ; c’est l’ainé. Il vit avec ses parents, mariés, et ses cinq frères et sœurs qui ont respectivement dix mois, deux ans, cinq ans, neuf ans et onze ans. Les parents qui sont à l’origine de la demande d’AED, expliquent que le comportement de Sylvain se dégrade autant à la maison qu’au collège et que son investissement scolaire est moindre. Le moment des devoirs est conflictuel et Sylvain peut parfois se montrer violent vis­à­vis de sa mère et de sa sœur de 11 ans. Nous recevons Monsieur, ainsi que Sylvain pour la signature du contrat d’AED. Monsieur s’excuse de l’absence de Madame qui garde la petite dernière qui est malade. La famille est déjà connue du service, Monsieur ayant un parcours de vie très institutionnalisé (MECS, Famille d’accueil, CHRS, SAMSAH) et la famille étant sous tutelle.

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Après les présentations d’usage, nous abordons les raisons de la demande d’aide. Monsieur nous en explique les raisons et utilise parfois des mots durs à l’encontre de son fils ou de ses fréquentations. Sylvain ne décroche pas un mot, regarde ses genoux, est recroquevillé sur sa chaise. Il ne lèvera pas la tête de l’entretien. Je sens une tension à l’intérieur de lui. Dans le discours de Monsieur, nous sentons son désinvestissement face au comportement de Sylvain. Monsieur se sent décrédibilisé dans sa place de père, évoque la mauvaise influence de certains membres de la famille sur Sylvain (consommation d’alcool avec le parrain, discours décrédibilisant les parents de la part de la grand­mère). Je ressens que Sylvain est décrit comme étant le « mauvais objet ». Comme je l’ai dit, les mots sont parfois durs, et Sylvain fini par pleurer. Je décide alors de le rassurer, en lui expliquant les objectifs de la mesure, en lui précisant que ceci n’est pas une punition. Sylvain ne répond pas, ne me regarde pas. Il est fermé, et je comprends à ce moment­là que la relation va être difficile à établir. Durant ce premier entretien, Sylvain ne s’est pas exprimé et j’ai vite compris qu’il percevait cette mesure comme une punition. J’ai fait la démarche d’aller vers lui en lui posant quelques questions sans réponses, sans un regard. J’ai essayé de le rassurer car son attitude m’a interpellée, je le sentais réellement en colère et pris au piège entre tous ses adultes autour de lui parlant de son comportement. Par la suite, nous nous sommes employés à partager des activités et à aménager des moments en relation duelle avec Sylvain afin qu’il puisse nous reconnaître autrement et orienter les entretiens sur la problématique familiale plutôt que sur les attitudes problématiques de Sylvain. Petit à petit Sylvain s’est ouvert, surtout quand nous allions au restaurant ensemble. C’était un moment qu’il appréciait et qu’il attendait. C’est dans ces moments­là que la vraie rencontre a eu lieu, car le transfert s’effectuait dans les deux sens. Sylvain souriait, parlait librement des week­ends passés à la maison et de ce qu’il faisait au collège. Un vrai chemin parcouru entre la signature du contrat et ces moments de repas.

La rencontre avec la famille G.

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La famille G. est une famille suivie depuis une vingtaine d’années dans le cadre d’une AEMO. Les parents sont tous les deux travailleurs d’ESAT et ont deux enfants. Un garçon de 11 ans et une fille de 16 ans qui sont tous les deux en IME. Cette rencontre se produit dans mes premiers jours de stage. Mon référent me propose d’assister à ce rendez­vous qui aura lieu dans les locaux de la MDD. Au moment de les accueillir, Monsieur me serre la main, mais Madame ne me dit pas bonjour et m’ignorera tout le long de l’entretien. Cette attitude persistera jusqu’à mon départ. Je pense que cette réaction vient du fait qu’elle n’était pas au fait de ma présence. Il n’est pas facile de voir intervenir un nouveau professionnel « à l’improviste » au cours d’un entretien. J’ai décidé de ne pas relever cela en le mettant sur le compte de la surprise de ma présence. Par la suite, je n’ai pas suivi cette famille mais j’étais souvent amenée à les avoir au téléphone ou bien à les croiser aux abords de la MDD (l’ESAT effectuait l’entretien extérieur de la MDD). Mais Madame continuait à m’ignorer. Cette situation illustre le fait que certaines familles ont besoin de temps pour rencontrer la personne. Cette maman en l’occurrence était déjà dans une relation de confiance bien établie avec mon éducateur référent et le fait que j’arrive à l’improviste a dû la surprendre et elle n’a pas dû voir l’utilité de ma présence. Peut­être si je m’étais investie d’avantage dans le suivi de cette mesure et dans cette rencontre, une relation aurait été possible.

2.3.1 Qu’est­ce qu’y est rencontré ?

Quand nous intervenons dans une famille, nous avons déjà connaissance du dossier via le jugement. Nous allons donc dans un premier temps plus à la rencontre d’une « situation familiale » que d’une famille. Le jugement ainsi que les évaluations nous donnent une première image de la famille et de leur problématique. La rencontre est donc d’emblée déséquilibrée.

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Cependant, de par la fonction d’écoute, qui est une fonction de la relation éducative, il est possible de rencontrer la personne autrement que par sa problématique familiale. La problématique n’est que la porte d’entrée de la rencontre car c’est cette situation familiale qui conduit à notre venue. L’écoute, et je dirais même l’intervention à domicile, nous permets d’en savoir plus sur la personne (investissement du logement, photos ou pas etc.). Puis au cours des entretiens, la famille peut être amenée à se confier ou à raconter des évènements de sa vie passée ou actuelle qui vont nous permettre de mieux la connaître, la cerner, pouvoir faire des liens de causalité entre les évènements passés et la situation actuelle. Il ne s’agit pas ici de banaliser les faits qui ont alerté le service mais de les comprendre, afin de pouvoir agir dessus avec les principaux concernés qui parfois eux­mêmes n’ont pas conscience de cet impact­là. Puis cette écoute va nous permettre en tant que professionnel d’exercer par la suite notre « fonction évaluative », décrite aussi dans la relation éducative. C’est­à­dire que grâce à cette rencontre, à nos échanges avec la famille, à nos observations, nous allons pouvoir repérer les limites et les compétences des familles pour pouvoir proposer des objectifs de travail, des perspectives de changement. Il ne faut pas oublier que la rencontre dans le cadre de notre travail n’est pas la même que dans le cadre personnel. Nous arrivons chez la famille avec toutes les représentations du travailleur social et le cadre de l’action au sein de laquelle nous exerçons.

2.3.2 Le transfert dans la relation

Une rencontre se produit réellement s’il y a du transfert et si le transfert s’effectue dans les deux sens. Aussi bien du côté de l’éducateur que du côté du jeune ou bien des parents. « Le transfert désigne en psychanalyse, le processus par lequel les désirs inconscients s’actualisent sur certains objets dans le cadre d’un certain type de relation établi avec eux et éminemment dans le cadre de la relation analytique. Il

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s’agit d’une répétition de prototypes infantiles vécus avec un sentiment d’actualité marqué. » 28

C’est à dire qu’à un moment donné, il y a de l’affectif qui entre dans cette relation. Un enfant par exemple va faire un transfert sur une éducatrice de l’image de la mère et va se comporter comme tel. Le transfert est normal et se produit dans toute rencontre. Dans le milieu professionnel il va falloir savoir exercer le contre transfert afin que la personne ne nous investisse pas réellement comme son père, sa mère ou un « désir inconscient ». « Le contre­transfert du travailleur social est effectivement l’ensemble des réactions inconscientes qu’il manifeste au « transfert » de l’enfant en danger ou du parent en difficulté. » 29

Ce contre­transfert va permettre à la personne de reconnaître l’éducateur tel qu’il est de lui reconnaître « un savoir ». De là, une relation va pouvoir s’amorcer. « De la même façon pourrait­on dire, mais dans un cadre autre que la cure, un enfant, un adolescent, un adulte, supposent à un éducateur un savoir, sur soi, sur la vie, sur le monde. Ils lui prêtent ce savoir, et c’est pourquoi, comme disent souvent les éducateurs, « ça accroche ». 30

2..4 La construction d’une relation

2.4.1 La relation éducative

« La relation éducative va de fait être le lieu où s’élabore pour le sujet une certaine connaissance de soi. Ceci à condition que l’éducateur n’envahisse pas l’espace de la relation de ses propres fantasmes et représentations inconscientes, et

28 ROUZEL Joseph, Le travail de l’éducateur spécialisé, Ethique et pratique, Paris, Dunod, 2nde édition, 2000, p28 29 ALFÖLDI Francis, Vivre l’action éducative à domicile, Paris, Dunod, 2nde édition, 2008, p48,49 30 ROUZEL Joseph, Le travail de l’éducateur spécialisé, Ethique et pratique, Paris, Dunod, 2nde édition, 2000, p31

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ne cède pas aux avances d’amour ou de haine, qu’il sache se déplacer, pour laisser l’espace de rencontre désencombré et ouvert. » 31

La relation éducative passe donc par la rencontre et elle ne peut se produire que si le professionnel manie le « contre­transfert » que nous avons abordé ci­dessus.

Comment se construit­elle ?

Selon Philippe GABERAN« Il ne s’agit ni de guérir ni de « normoser ». Il s’agit d’aider à l’appropriation de soi par soi. La relation éducative est cet espace­temps privilégié au sein duquel la différence cesse d’être une fatalité et un facteur d’exclusion pour devenir ce qui permets à un être de dire « je ». 32

Comme je l’ai dit plus haut, la rencontre amorce cette relation éducative. Le but de la mesure et de faire avec eux, à leurs côtés. Nous ne sommes pas là pour résoudre les problèmes en leur donnant une recette, mais plutôt pour les amener à trouver leurs propres solutions, en s’appuyant sur leurs compétences. La lecture du jugement peut parfois être difficile pour les parents puisqu’il met en lumière les problèmes auxquels ils font face, parfois leurs défaillances (alcoolisation, autorité, violence, absentéisme scolaire etc.). L’objectif va donc être de leur faire prendre conscience de leurs difficultés mais de leur faire aussi prendre conscience de leurs capacités. Maurice Capul et Michel Lemay dans leur ouvrage « De l’éducation spécialisée » repèrent plusieurs fonctions nécessaires à l’établissement de la relation éducative :

o La fonction d’écoute : « L’attitude d’écoute est donc essentiellement, dans un tel contexte, une disponibilité attentive pour ce qui est dit et pour ce qui est fait, afin de transmettre aux différents protagonistes la conviction de leur valeur et de leur faire sentir que les réponses apportées à leurs formulations

31 ROUZEL Joseph, Le travail de l’éducateur spécialisé, Ethique et pratique, Paris, Dunod, 2nde édition, 2000, p32 32 GABERAN Philippe, La relation éducative, un outil professionnel pour un projet humaniste, Toulouse, Eres, 2015, p16

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ou leurs sollicitations cherchent le plus possible à rester conformes à leurs demandes. » 33

La fonction d’écoute a été centrale dans la situation de Sylvain. Le père de Sylvain est porteur de troubles anxieux et n’a pas d’emploi. C’est un homme décrédibilisé par le reste de la famille par rapport à ses attitudes parfois démesurées. Sylvain souffre du fait que son père ne travaille pas, notamment par rapport à ses camarades de classe. Il remarque qu’au collège la plupart des parents de ses camarades ont un travail et lui­même peut nous dire qu’à la maison « papa il ne fait rien ». Les conflits entre monsieur et Sylvain résident dans le fait que Sylvain ne reconnaît plus l’autorité de son père, lui­même étant en train de le dépasser intellectuellement. Un des objectifs de la mesure a donc été de redonner une place de père à monsieur, qui, de son côté pouvait se mettre au même niveau que ses enfants (jouets lui appartenant, sapin de noël que pour lui, comparant une peur de son fils à sa peur à lui etc.) Nous avons donc écouté monsieur sur ce qu’il faisait de ses journées, sur ce qu’il aimait. Monsieur bricole beaucoup, il avait d’ailleurs récemment acheté une caravane qu’il était en train de restaurer. Nous avons donc proposé à Monsieur de passer plus de temps avec son fils, notamment avec comme support le bricolage, afin que Sylvain puisse voir que son père peut lui apprendre des choses et est capable de faire des choses. L’instauration de ces moments de partage entre père et fils a permis à Sylvain et à son père de retrouver une relation plus apaisée, redonnant à monsieur de la valeur et mettant en avant ses capacités. La fonction d’écoute contribue donc à la construction de la relation éducative dans le sens où nous donnons de la valeur à la parole des parents. Cette parole est entendue et prise en compte dans la poursuite de l’accompagnement.

o La fonction d’accompagnement : « Le terme d’accompagnement est souvent utilisé pour caractériser le fait que l’éducateur ; qui n’est ni un pédagogue, ni

33 CAPUL Maurice, Lemay Michel, De l’éducation spécialisée, Ramonville Saint­Agne, Eres, 2005, p117

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un substitut parental, ni un agent social ; tente de se situer comme une sorte de médiateur entre le sujet et son environnement. » 34

Les familles avec lesquelles nous travaillons dans le cadre d’une mesure d’AEMO sont souvent d’une certaine façon exclues. Exclues du monde du travail, exclues de leur famille. A un moment donné, plusieurs difficultés les ont conduit petit à petit à s’isoler, à se « désocialiser ». Notre travail consiste aussi parfois à remobiliser les parents dans leur image de femme ou d’homme avant de pouvoir les remobiliser dans leur fonction parentale. La fonction évaluative : « C’est à partir d’une relation significative, d’une écoute et d’une observation attentive de ce qui est dit et ce qui est fait qu’on peut apprécier les aptitudes et les limites d’un sujet , afin de lui proposer un « champ » d’échanges et de réalisations lui permettant de se développer. » 35

Exemple de Madame B et de sa fille Noa

Madame B est une mère vivant seule avec sa fille Noa de 4 ans. Suite à la

séparation d’avec son mari, elle a habité chez ses parents et a décidé de prendre un appartement seule avec sa fille. Madame est porteuse d’une déficience intellectuelle légère et a grandi en Institut Médico­Educatif (IME) puis en Institut Médico­Educatif Professionnel (Impro). C’est la première fois qu’elle vit seule. Elle travaille en tant que serveuse et femme de ménage dans un restaurant. Elle garde des contacts avec le père de Noa mais uniquement pour l’organisation des weekends concernant Noa. Madame B et Noa sont suivis dans le cadre d’une AED sollicitée par Madame, se faisant déborder par les caprices de sa fille et n’arrivant pas à asseoir son autorité. Monsieur nous dit n’avoir aucun problème d’autorité auprès de Noa. Lors des entretiens, Madame ne soulève aucune difficulté avec sa fille. Il faut plusieurs minutes de discussion pour que Madame puisse pointer ses difficultés. En sortant des rendez­vous Madame nous donnait l’impression d’être en accord avec ce que nous lui proposions et s’engageait à appliquer les conseils que nous lui

34 Op Cit, p125 35 Op Cit, p126

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donnions. Puis avec le temps, nous nous sommes aperçus que la situation n’évoluait pas beaucoup. Nous nous sommes rendu compte que faire les choses concrètement avec Madame, lui signifier ces difficultés au moment T pouvait la faire évoluer. Par exemple, au cours d’un entretien, j’aborde les retours de l’école. Je demande si Noa réclame toujours d’être portée tout le long du trajet et si elle accepte de monter l’escalier seule. Madame me dit que la situation s’est améliorée et qu’elle arrive à ne pas céder devant sa fille. Voyant que je n’ai pas de rendez­vous après celui de Madame, je lui propose de l’accompagner à l’école chercher Noa. Je constate alors que Madame n’arrive pas à contenir Noa qui réclame sans cesse d’être portée et fini par céder. Lorsque que j’interviens, Noa boude et se mets à pleurer. Face aux pleurs de sa fille, Madame ne résiste pas et cède à nouveau. En fait la déficience engendre chez Madame des difficultés à transposer un discours décontextualisé sur une situation vécue. Nous avons aussi proposé à Madame d’acquérir un calendrier afin de noter tous les rendez­vous (CESF, éducateur, psychologue) car la faculté d’anticipation de Madame était réduite du fait de sa déficience. C’est de par nos observations et nos entretiens avec Madame que nous avons pu l’accompagner dans son rôle de mère en fonction de ses besoins. Nous avons procédé par essais­ajustement avant de saisir les difficultés de Madame. Ici la fonction évaluative nous a permis de proposer différents outils permettant de faciliter l’organisation quotidienne de Madame et Noa, et donc de s’adapter à elles. La relation éducative suppose de respecter les capacités de chacun et d’élaborer le projet en s’adaptant au mode de vie des familles. Le but est que ce qui est mis en place avec l’aide de l’éducateur puisse être saisi par les familles et pérenniser dans le temps. Philippe Gabéran précise que « La finalité de la relation éducative n’est pas de normaliser la personne, de la guérir ou de réparer un préjudice. Elle est de l’aider à devenir actrice de sa vie en favorisant le passage du vivre à l’exister. » 36

Cependant, nous avons notre propre représentation de la famille qui s’est construite d’abord en fonction de notre propre modèle familial puis ensuite de nos différents

36 GABERAN Philippe, La relation éducative, un outil professionnel pour un projet humaniste, Toulouse, Eres, 2015, p139

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modèles connus (amis, famille). Notre formation et notre expérience personnelle nous permet de savoir qu’il y a différentes façon de « faire famille » (expériences professionnelles, voyages). Néanmoins, dans la pratique, il est difficile de se détacher de nos représentations et notre accompagnement auprès des familles sera forcément empreint de nos valeurs et des normes de notre société, car nous sommes forcément influencés par celle­ci. Maurice Capul et Michel Lemay, contrairement à Philippe Gabéran pensent que« La relation vise donc l’adaptation du sujet aux exigences d’une société en valorisant les conduites conformes aux attentes des adultes. Certes cet objectif sera tempéré par un effort d’écoute, par un respect de la personne et par une empathie, mais il n’en demeure pas moins vrai que le contrat passé avec le jeune et sa famille sera celui de la « normalisation ». » 37

Je ne dirais pas que la relation éducative vise à la normalisation mais qu’elle est inévitable. Notre objectif premier n’est pas de modeler la famille conformément à la société mais plutôt de les aider à trouver leur manière à eux d’être parents. Le but étant que les changements opérés perdurent dans le temps. Mais sans forcément s’en rendre compte, notre accompagnement sera forcément teinté de nos représentations de la famille et influencera donc la famille à s’approprier ce modèle­là.

2.4.2 La relation d’aide et la relation de confiance

J’ai choisi dans cette partie de parler à la fois de la relation d’aide et de la relation de confiance car elles sont liées. La relation d’aide peut permettre de faire émerger la relation de confiance et la relation de confiance permet la relation d’aide. L’une et l’autre s’influencent et interagissent entre elle. La relation éducative « institue » notre travail, c’est en quelque sorte notre mission. C’est cette relation éducative qui va permettre de différencier, de « cadrer » la relation de confiance ou l’aide professionnelle, d’une relation d’aide ou de confiance personnelle envers un ami, un collègue. 37 CAPUL Maurice, LEMAY Michel, De l’éducation spécialisée, Ramonville Saint­Agne, Eres, 2005, p135

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« On pourrait encore définir une relation d’aide comme une situation dans laquelle l’un des participants cherche à favoriser chez l’une ou l’autre partie ou chez les deux une appréciation plus grande des ressources latentes internes de l’individu ainsi qu’une plus grande possibilité d’expression et un meilleur usage fonctionnel de ses ressources. » 38

En fait, la relation éducative via les fonctions d’écoute, d’accompagnement, d’évaluation permet d’introduire cette relation d’aide qui va conduire à une relation de confiance ou bien de mettre en confiance la personne afin d’amorcer la relation d’aide. La relation d’aide passe d’abord par l’entretien. L’entretien est central en AEMO. C’est notre « outil » de travail majeur avec les familles. Lorsque nous intervenons au domicile, le premier support à la relation est l’entretien. C’est de par l’entretien que nous précisons nos missions, que nous abordons l’histoire familiale, que nous parlons des enfants, que nous cherchons des solutions, que nous écoutons les parents et l’enfant, que nous mettons en place le suivi. L’entretien est aussi le moment où nous pouvons amorcer la relation d’aide, susciter la confiance. Dans son ouvrage « L’entretien en face à face dans la relation d’aide », Roger MUCCHIELLI nous explique qu’il y a des « bonnes attitudes » pour que l’entretien mène à une relation d’aide. Il qualifie ces entretiens d’aide « centrés sur le clients ». Les attitudes à tenter d’adopter sont les suivantes :

­ « L’attitude d’intérêt ouvert : c’est­à­dire une disponibilité intégrale, sans préjugés ni a priori favorisant l’expression spontanée de la personne.

­ L’attitude de « non­jugement » qui permette de tout recevoir, de tout accueillir sans culpabilisation.

­ L’attitude de « non­directivité » : c’est­à­dire qu’il n’y a pas quelque chose de présupposé à chercher ou à vérifier.

­ Une intention authentique de comprendre autrui dans la propre langue ­ Rester objectif » 39

38 ROGERS Carl, Le développement de la personne, Paris, Dunod, 1968, p29 39 MUCCHIELLI Roger, L’entretien de face à face dans la relation d’aide, Paris, ESF, 9e édition, 1983, p10

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De la même manière, MUCHIELLI nous donne les cinq attitudes à tenir proposé par Carl ROGERS :

­ « Accueil et non pas initiative : c’est­à­dire qu’il s’agit d’une attitude de réceptivité, d’accueillance au sens où l’on reçoit un invité chez soi.

­ Etre centré sur ce qui est vécu par le sujet et non sur les faits qu’il évoque : « sur le vécu », c’est­à­dire la manière dont il éprouve les choses, les choses, les évènements.

­ S’intéresser à la personne du sujet, non au problème lui­même. L’interviewer doit essayer de voir non pas le problème en soi mais le problème du point de vue du sujet concerné.

­ Respecter le sujet et lui manifester une considération réelle au lieu d’essayer de lui montrer la perspicacité de l’interviewer ou sa domination. Il s’agit d’‘intervenir de telle façon que l’on donne réellement au sujet la certitude que l’interviewer respecte sa manière de voir, de vivre ou de comprendre.

­ Faciliter la communication et non pas faire des révélations. Il s’agit de faire un effort pour maintenir et améliorer sa capacité de communiquer et de formuler son problème. »

Ces deux auteurs nous conseillent donc de respecter la personne écoutée, de se décentrer du problème et plutôt de s’intéresser à la façon dont la personne en parle. Saisir la vision de la personne sur ses propres problèmes contribue déjà à agir dessus. Je me souviens de mon référent de stage qui me disait, au début de mon stage, que les personnes que nous rencontrons n’ont pas toujours été de « mauvais parents ». Parfois la maladie, une séparation, la perte d’un emploi, une addiction, un évènement difficile conduit ses personnes à délaisser certaines de leurs fonctions parentales, à « lâcher ». Ces personnes ont eu une vie avant notre arrivée, un vécu plus ou moins difficile, plus ou moins institutionnalisé, mais les problèmes qu’ils rencontrent aujourd’hui ne sont pas une fin en soi. Nous sommes aussi là pour leur dire qu’ils ne doivent pas lâcher, pour parfois les conduire à retrouver les armes pour améliorer leur situation. Le respect des familles est central dans la relation d’aide. Nous ne sommes pas là pour banaliser les problèmes. Si nous sommes là, c’est parce qu’à un moment

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donné, leurs enfants ont été en danger ou en risque de l’être. Néanmoins, la culpabilisation n’est pas un levier pour agir sur la situation actuelle. De la même façon, sur les bonnes attitudes à adopter dans l’entretien, MUCHIELLI nous donne ses « contres indications » à la relation d’aide :

­ « Les cas où les problèmes sont de l’ordre de la connaissance, de l’information, de l’application de la loi.

­ Le cas où le client ne veut pas participer à un entretien de ce genre (non coopération). Ces derniers cas impliquent a contrario que le client dans ce type d’entretien est volontaire ou s’engage volontairement à un moment donné dans la relation d’aide.» 40

La relation d’aide suppose donc que la famille adhère à l’entretien, à la mesure donc. Même si notre cadre d’intervention est contraint, je persiste à croire qu’une relation d’aide est possible. Evidemment, elle n’est pas immédiate, elle nécessite du temps. Il faut tenter ici de susciter la confiance, de la provoquer, afin que la confiance mène à la relation d’aide. Dans un article du magazine « Lien Social » consacré à « La confiance dans la relation d’aide », Jacques TREMINTIN aborde les facteurs favorisant la confiance :

­ « Questionner plutôt qu’affirmer ­ Déprofessionaliser le langage ­ Déculpabiliser l’usager en ne le confondant pas avec ses problèmes ­ Identifier les moments où ça va bien ­ Inciter la personne à prendre position ­ L’associer à l’évaluation du travail » 41

En effet, se mettre au niveau de compréhension de la personne, employer des mots simples et pas le jargon de l’éducation spécialisée et considérer la personne,

40 MUCCHIELLI Roger, L’entretien de face à face dans la relation d’aide, Paris, ESF, 9e édition, 1983, p11 41 TREMINTIN Jacques, La confiance dans la relation d’aide, Lien social, n°977, 17 juin 2010, p12

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l’enfant, la famille comme un sujet, et non pas comme un objet d’étude, contribue à créer ce lien de confiance.

Le lien de confiance

Il y a plusieurs niveaux de confiance en AEMO. En effet, il y a la confiance en l’institution et la confiance en l’éducateur. Selon l’histoire de vie de la famille, du parent concerné par la mesure, sa confiance en l’institution judiciaire ou en les services de protection de l’enfance va être limitée. Une expérience de placement en foyer ou bien en famille mal vécue, mal préparée, le mauvais souvenir d’un éducateur, les représentations du Juge pour enfant, va directement impacter sur la confiance que l’on va leur inspirer. Le passage au tribunal est aussi une épreuve pour les familles. Le Tribunal représente le temple de la loi, de la condamnation. Le tribunal peut en effet porter nombre de représentations. Moi­même avant d’arriver en stage, j’imaginais le tribunal pour enfant comme un tribunal de grande instance avec le Juge et le greffier sur une estrade, une barre etc. Les familles ne sont pas « condamnées ». En fait, c’est un bureau dans lequel se trouve en effet le ou la Juge avec le greffier. Les parents, ainsi que les éducateurs et parfois les avocat, sont assis en face du bureau. Madame CHATRE, maman concernée par une mesure AEMO par le passé, explique ce sentiment et la différence qu’elle note entre l’institution et l’éducateur dans la revue Espace Sociale du CNAEMO : « Le Tribunal est une grande épreuve et le service d’Aide Educative en Milieu Ouvert (bien qu’il soit dans la continuité de la procédure juridique) se démarque par sa vocation d’aide indépendante. A plus forte raison bien sûr qualifiée par le «Milieu Ouvert» ayant uniquement rapport à un milieu où il s’agit de rencontres. On y rencontre des éducateurs faisant eux­mêmes partis de groupes d’éducateurs qui discutent et qui ne sont pas régis par des lois immuables. C’est donc un milieu où il y a un discours, un échange, du partage. » 42

42 CHATRE Ingrid (mère concernée par une mesure d’AEMO), De l’autre côté, Espace social, la revue proposée par le CNAEMO, 50 ans d’assistance éducative, n°32, janvier 2008 URL : http://www.cnaemo.com/media/partage/pdf/32.espace_social_50_ans_version_2.pdf

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En fait, la différence que cette maman fait entre l’institution et l’éducateur, c’est la rencontre. Elle estime qu’il y a « un échange », « du partage » avec les éducateurs et qu’au tribunal, la décision est prise en fonction de lois « immuables ». Dans la rencontre, même contrainte, peut se créer une relation d’aide et une confiance parce qu’il y a un partage d’idées, une marge de manœuvre.

Et nous, devons­nous faire confiance aux familles ?

Je pose cette question car depuis le début de mon développement, je parle de la relation de confiance qui doit se créer entre la famille et l’éducateur. Les personnes doivent avoir confiance en nous pour parler de leur histoire, pour prendre conscience de leurs difficultés sans se sentir jugées, sans se culpabiliser. Mais est­ce que nous, éducateurs, devons­nous leur faire confiance ? De prime abord peut être pas parce qu’au final, que la situation change ou stagne, cela ne changera rien à notre vie personnelle. Nous intervenons dans le cadre de notre travail, de nos missions. « Les familles sont obligées, une fois les résistances initiales dépassées, de faire confiance ; c’est probablement la seule façon de rendre vivable l’intrusion éducative. Cette confiance est un peu particulière. A l’image du contrat éducatif elle n’est pas réciproque. Les éducateurs ne se sentent pas engagés dans ce processus, ce n’est pas ce qui les lient. Leur responsabilité éducative ne passe pas par la réciprocité des sentiments. L’implication et l’engagement de leurs affects s’exercent à l’intérieur d’une relation très précisément encadrée par les limites de la mesure et par l’obligation d’une mission à conduire à son terme. » 43

Cependant, je pense que leur faire confiance, c’est aussi leur permettre de prendre conscience de leurs responsabilités, de leur donner une place de parent qu’ils peuvent avoir la sensation d’avoir perdue avec l’intervention d’un professionnel au domicile. Faire confiance aux parents, c’est aussi un moyen pour nous, professionnels, de ne pas se substituer à eux mais bien d’être à côté d’eux, de les accompagner. Leur faire confiance, c’est leur faire savoir qu’ils sont en capacité de

43 ALSEA, Construire, dualiser, transformer. De représentations à l’œuvre dans la mesure d’AEMO, décembre 1994, p61

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reprendre leur place de parent. Leur donner notre confiance, c’est aussi peut être leur redonner confiance en eux. « La confiance en l’autre permets le retour ou l’installation de le confiance en soi, qui, le temps aidant, contribue à son tour à raviver ou à établir l’estime de soi. » 44

Parfois, nous faisons confiance et cela ne marche pas. Ce n’est pas parce que nous donnons notre confiance aux parents que le problème est résolu, mais leur faire confiance leur permet de se remobiliser dans leurs fonctions parentales. Conclusion de la seconde partie

Ici, nous avons explicité les termes clé de mon intervention dans le dispositif

de l’intervention à domicile. Nous avons pu voir que le cadre contraint de mon intervention répond en fait à une injonction paradoxale. Même si notre intervention reste imposée, cela n’empêche pas la construction d’une relation éducative.

44 GABERAN Philippe, La relation éducative, un outil professionnel pour un projet humaniste, Toulouse, Eres, 2015, p 69

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Ces mécanismes confirmeraient mon hypothèse selon laquelle, en introduisant de la relation dans l’accompagnement, la contrainte deviendrait un élément du contexte et non plus un obstacle à la relation de confiance. « Instaurer la relation de confiance donne accès au fonctionnement interne des familles en souffrance. La relation de confiance est la voie royale du travail social à domicile. » 45

Néanmoins, la création de la relation éducative ne se fait pas seule. Nous allons voir dans une dernière partie par quels moyens j’ai choisi de construire la relation éducative de confiance. A la lumière de situations cliniques nous verrons quels vont être ces outils, ces facteurs favorisant la construction d’un lien de confiance permettant de faire de la contrainte un élément du contexte. J’aborderais quelques actions menées au sein de mon lieu de stage ainsi que les actions que j’ai pu mener personnellement, appuyant ma réflexion. S’en suivra en conclusion, une évaluation de ma problématique et de mes hypothèses afin de faire un bilan.

3. 3ème partie : Les actions menées pour favoriser la relation éducative de confiance

Comment introduire de la relation dans l’accompagnement ? Nous avons vu précédemment les mécanismes de la relation, et les attitudes favorisant le lien de confiance. Cependant, il faut des « support à la relation » afin de pouvoir mettre en action ces principes théoriques. Intervenant en milieu ouvert, l’entretien est le premier support à la relation utilisée.

45 ALFÖLDI Francis, Vivre l’action éducative à domicile, Paris, Dunod, 2nde édition, 2008, p 95

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Nous allons également aborder les autres médiations éducatives que j’ai pu observer ou bien auxquelles j’ai pu participer au cours de mon stage et qui ont, selon moi, favorisé la création d’une relation de confiance avec les parents et avec les enfants. Le travail avec les familles est évidemment un point central à prendre en compte et à penser dans le cadre de l’intervention éducative à domicile ainsi que notre posture professionnelle. J’exerce avec mes représentations, avec ce que je suis, mais l’intervention à domicile et sous contrainte suppose de s’adapter aux familles rencontrées, à leur fonctionnement, à respecter leurs droits et à reconnaître leurs difficultés comme leurs compétences. Nous verrons que le respect et la reconnaissance des savoirs de chacun contribue aussi à nouer un lien de confiance et à contourner la contrainte.

3.1 Les médiations éducatives

Selon Joseph ROUZEL, historiquement, on utilise le terme « médiation »

« pour désigner l’espace de rencontre et d’activité dans lequel la relation éducative s’exerce, espace où se transmet, dans le creuset de la relation éducative, un certain savoir et savoir­faire sur le monde et sur la vie en société. » 46

Les médiations éducatives sont alors un espace où se crée et s’applique la relation éducative. Elles contribuent à créer la relation de confiance. Les médiations sont aussi un moyen de faire tiers entre l’éducateur et l’institution, de créer un espace neutre, laissant place à la spontanéité, a un échange plus libre.

3.1.2 L’entretien, un espace de rencontre

L’entretien éducatif est la forme de médiation la plus utilisée dans le cadre de

l’intervention en milieu ouvert.

46 ROUZEL Joseph, Le travail de l’éducateur spécialisé, Ethique et pratique, Paris, Dunod, 2nde édition, 2000, p82

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Nous intervenons chez les familles environ une fois tous les quinze jours afin d’échanger sur la dynamique familiale, la problématique repérée, le quotidien et les difficultés rencontrées ou bien sur les améliorations constatées. Ces entretiens, en famille ou bien seul avec l’enfant ou le parent, permettent d’aborder des sujets pouvant faire avancer la famille dans son quotidien, dans la résolution d’éventuels conflits, dans la compréhension de sa problématique et contribuent à l’aboutissement du projet. Ils permettent aussi à l’enfant accompagné de parler de ce qu’il vit au domicile, de se confier, de retrouver sa place d’enfant quand celle­ci est altérée dans le fonctionnement de la cellule familiale. Les entretiens sont des espaces de parole nous permettant de mieux comprendre le fonctionnement de la famille et d’aborder l’histoire familiale afin de pouvoir agir ensemble sur ce qui se joue aujourd’hui au sein du foyer. Je repère différents entretiens ; les entretiens avec la famille, avec l’enfant et avec l’adolescent. Ces espaces sont singuliers. Ils ne sont pas configurés de la même manière en fonction de l’âge et de la maturité de la personne et il ne s’échange évidemment pas les mêmes choses.

Les entretiens avec la famille

Il est important de fixer des temps uniquement avec la famille afin de parler dans un espace où l’enfant n’est pas présent. Souvent, la problématique de l’enfant est liée au contexte familial. Les entretiens vont donc porter sur la vie quotidienne et les tensions qui peuvent s’y créer. Parfois, une réorganisation du quotidien contribue à améliorer la vie commune. Prenons pour exemple la famille T. Monsieur et Madame sont les parents de six enfants âgés de un an à onze ans. A chaque entretien, Monsieur et Madame T expriment le fait qu’ils se sentent démunis lors des temps de lever et de coucher. Le refus des enfants, la perte de temps et l’agitation permanente entretiennent un climat de tension au sein du foyer et ses moments ne sont plus des instants de plaisir ni pour les enfants ni pour les parents. Je leur demande alors de me décrire une matinée et une soirée type à la maison. Je m’aperçois que c’est Madame qui se charge seule du lever des enfants et que c’est plutôt Monsieur qui se charge du coucher. Je remarque aussi qu’il n’y pas de

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moments « calme » le soir, un temps de transition entre la fin du repas et le coucher comme par exemple une histoire ou bien un rituel permettant de préparer l’enfant à la nuit (pyjama, brossage de dent, préparation des affaires pour le lendemain …). Je demande alors aux parents s’il est possible pour eux de modifier leurs habitudes et je leur propose de faire le lever à deux le matin et d’instaurer une sorte de rituel le soir ainsi que d’échelonner l’heure de coucher des enfants en fonction de leur âge. Cette nouvelle organisation n’a pas porté ses fruits instantanément. Les enfants ont dans un premiers temps protesté et l’accalmie ne s’est pas produite de suite. Néanmoins, après quelques temps, les parents ont pu remarquer que cette modification du quotidien leur permettait de gagner du temps et de rendre ses moments plus agréables puisque effectués à deux ; l’un pouvant prendre le relais de l’autre. De plus, les enfants identifiaient moins leur père comme « la sanction » et leur mère comme « la douceur ». Dans cette situation, les rôles trop prégnants des deux parents contribuaient à une décrédibilisation de la mère dans son autorité et ils associaient leur père à l’image de l’autorité. La modification des habitudes de fonctionnement permet à la fois de redonner une place aux enfants et aux parents et de retrouver un rythme de vie leur correspondant. L’espace de parole instauré uniquement avec les parents, permets d’aborder des sujets conflictuels, ou bien de faire apparaître des tensions de longue date. L’éducateur comme médiateur, faisant tiers dans cet espace, peut , de par son écoute et son observation, relever les éléments prégnants à aborder plus en profondeur. L’entretien permet de remonter à l’origine des conflits, d’en comprendre ensemble leur répercussion sur la situation actuelle et d‘instaurer un climat de confiance réciproque. L’entretien est aussi le lieu de la recherche de la collaboration avec la famille. La collaboration parents­professionnel contribue à la construction de cette relation de confiance. Nous travaillons ensemble et la parole de chacun est prise en compte et entendue.

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Des parents qui collaborent s’investissent au domicile et les évolutions sont notables. Le fait que les évolutions soient visibles permet aux parents de voir au quotidien que l’intervention d’un professionnel les aide mais surtout que cette intervention valorise leurs compétences. De là, ils vont nous solliciter davantage et ces aller­retours vont consolider, petit à petit, le lien de confiance. De plus, cette collaboration fait que l’enfant ressent que chacun agit de son côté pour que la situation change. Le parent va pouvoir réinvestir petit à petit ses compétences et agir sur les dysfonctionnements pouvant régner au domicile. « La collaboration éducateurs­parents vise un ajustement des éducateurs naturels (parents) et professionnels aux potentialités des différents systèmes : jeunes, famille, centre de réadaptation. Elle oriente la redistribution des compétences (lesquelles sont habituellement attribuées uniquement aux professionnels) de façon à ce que chacun des acteurs (et pas seulement les professionnels) puissent s’approprier les siennes, ce qui aide les autres à assumer les leurs. » 47

Les entretiens avec l’enfant

Les entretiens avec les enfants n’ont rien à voir avec ceux menés avec des adultes. Naturellement, l’âge, la maturité de l’enfant, sont pris en compte et nous ne procédons pas de la même façon. D’abord, entrer en relation avec un enfant n’est pas si simple. Il va parfois être pris dans une sorte de conflit de loyauté entre ses parents et l’éducateur. La relation va donc être difficile à construire. Je prends ici l’exemple de Noa. Noa est une petite fille de 4 ans, vivant avec sa mère. Elle voit son père au rythme d’un week­end sur deux, les mercredis ainsi que la moitié des vacances scolaires. Noa est une petite fille très dynamique, ayant beaucoup d’imagination et s’exprimant convenablement.

47 CAPUL Maurice, LEMAY Michel, De l’éducation spécialisée, Ramonville Saint­Agne, Eres, 2005, p224

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Lors de mes différentes venues au domicile du père ou de la mère, je remarque que Noa observe beaucoup. Tout au long de mon suivi, je note qu’en présence de ses parents, Noa ne me regarde pas dans les yeux, ou bien au contraire me défie du regard, ne réponds pas à mes sollicitations ou bien à mes questions, sauf quand ses parents lui demandent de me répondre. Au début, je me suis dit qu’elle ne me parlait pas car elle était timide ou bien parce qu’elle n’osait pas. J’ai donc proposé une après­midi à la ludothèque avec sa maman, me disant que peut être par le jeu, la relation pourrait s’établir. Mais, même constat, il y eu très peu d’interaction entre Noa et moi. Puis, pendant les vacances, je propose à Madame et Monsieur de passer l’après­midi seule avec Noa et de partager avec elle une activité manuelle proposée aux enfants durant les vacances. Je remarque que seule avec elle, sans ses parents, Noa s’autorise à partager une activité avec moi, à me poser des questions et à me parler. C’est donc en l’absence de ses parents que Noa se met à me parler et s’autorise à entrer en relation. Je me dis que Noa, de par ses observations à compris que j’étais là pour modifier le fonctionnement au domicile et que attitude envers moi était un mécanisme de défense envers moi ou tout simplement la crainte d’être en alliance avec moi contre ses parents. Le fait de me retrouver seule avec elle lui a permis de me rencontrer, de m’apprivoiser le temps d’une journée. Passer par une activité ludique a contribué à faciliter la création d’un lien entre elle et moi. L’expression par le dessin

Le dessin est aussi beaucoup utilisé dans notre pratique. Lorsque nous sommes en entretien avec les parents, les enfants font souvent un dessin à côté de nous ou bien nous leur demandons d’en faire un. Lors de mes premières rencontres avec l’enfant, j’utilise le dessin comme support à l’entrée en relation. Cela permet de se retrouver seule avec l’enfant et d’entrer en relation autrement que par la problématique familiale. J.C ARFOUILLOUX nous dit que le dessin est pour l’enfant un moyen de se faire plaisir et de faire plaisir à autrui. Les couleurs que l’enfant utilise, sombres ou claires,

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ou bien ce qu’il choisit de dessiner peut nous donner une indication sur son état d’esprit et cela peut être le point de départ d’une discussion avec les parents ou bien avec l’enfant directement. Aussi, le dessin nous permet de situer l’enfant au niveau de son développement psychomoteur et de repérer d’éventuels retards pouvant avoir plusieurs sources, dont le manque de stimulation de la part des parents. En fait, que ce soit le dessin ou le jeu, les supports de communication avec l’enfant nous permettent à la fois d’entrer en relation avec l’enfant, de le comprendre, de pénétrer dans son monde mais nous donne aussi des indications, des hypothèses de compréhension de la dynamique familiale.

Les entretiens avec l’adolescent

Les entretiens avec les adolescents sont encore différents. Les adolescents ont acquis le langage mais la configuration de l’entretien va changer. Dans la mesure du possible, je préfère avoir des entretiens avec les adolescents au restaurant ou bien au cours d’une balade dans un parc. L’entretien derrière un bureau entre un adolescent et un professionnel me rappelle la sanction, la convocation lorsqu’on a fait une bêtise. Puis, souvent, ce n’est pas le jeune qui fait appel à nous mais ses parents. La plupart du temps, le jeune est en conflit avec ses parents, et n’a pas vraiment envie de nous rencontrer. Le bureau accentue cette sensation de « convocation ». La balade ou bien le restaurant apaise le contexte et rend l’environnement plus propice à la discussion. Karl est un adolescent de 16 ans. Il vit chez sa grand­mère car il est en conflit avec sa mère. Karl est suivi par un infirmier pour sa consommation de cannabis, et est en formation pour devenir boucher­charcutier. C’est un bon élève, mais les professeurs lui reprochent son attitude lorsqu’il revient de ses temps libres en ayant consommé du cannabis. (Passivité, perte de motivation, pas de discussion). Je fixe un rendez­vous avec Karl afin de discuter de son avenir professionnel, de son quotidien chez sa grand­mère et de sa relation avec ses parents. Je lui propose d’aller discuter dans le parc avoisinant l’immeuble de sa grand­mère. Je passe une heure avec un Karl détendu, me paraissant honnête en me parlant de sa consommation de cannabis. Karl me fait part de ses projets professionnels et personnels qui semblent muris et motivés. Nous abordons également le sujet

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sensible de sa maman avec qui il est en conflit. Karl me tiens un discours étonnement responsable et lucide, me disant qu’il ne veut pas retourner chez sa mère tant qu’elle « est dans cet état­là » (dépression, paranoïa) et qu’il est conscient de son influençabilité face aux fréquentations qu’il pouvait avoir dans la ville où habite sa mère. Le fait d’être dans un endroit neutre, ne représentant pas l’institution, d’être dans un environnement plutôt apaisant, a permis à ce moment­là à Karl de se livrer et de parler plus librement de ses ressentis. Extraire Karl du domicile de sa grand­mère, m’entretenir avec lui hors d’un bureau ou d’un lieu connu l’a extrait en quelque sorte de son quotidien parfois lourd, de désinstitutionnaliser mon intervention. Se retrouver seul dans un bureau avec un professionnel peut angoisser, être porteur d’appréhensions. Atténuer ce contexte par l’ouverture sur l’extérieur permet de rendre l’entretien moins officiel et de créer un lien de confiance plus facilement.

3.1.3 Les activités de médiation

Au sein du service dans lequel j’ai effectué mon stage, les activités sous

diverses formes sont beaucoup utilisées comme support à la relation entre le professionnel et l’enfant ou bien entre le professionnel et la famille mais aussi entre le parent et son enfant. Nous utilisons principalement les ressources du territoire (plutôt rural) et mettons en place des repas avec les enfants pendant les vacances ou chacun participe à la mise en place de celui­ci. Les activités de médiation sont à différencier de l’activisme. Même si la visée première est la prise de plaisir, les activités ont un but recherché, que ce soit la socialisation, la valorisation, la prise de conscience de ses capacités. « Il faut bien admettre que plus l’institution permets à la personne d’exprimer une autre image d’elle­même que celle de sa pathologie, plus il y a de chance qu’elle soit autre chose que malade, caractérielle ou délinquante. » 48

48 GABERAN Philippe, La relation éducative, un outil professionnel pour un projet humaniste, Toulouse, Eres, 2015, p63/64

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Les activités que je vais aborder ici correspondent selon les termes de Maurice CAPUL et Michel LEMAY à des activités « médiatrices de changement ». Dans ma pratique, que j’aborderais ci­après, j’ai tenté de faire de mes activités des supports aux changements dans le sens où les parents peuvent s’en saisir par la suite, les réutiliser sans notre présence, afin de partager un moment avec leur enfant, d’agir sur la relation parent­enfant et sur la vie au domicile. Les deux auteurs évoqués précédemment définissent plusieurs types d’activités, en fonction de leur visée. Si je reprends cette classification, je remarque 3 types d’activités différentes utilisées au service et auxquelles j’ai pu assister.

Les activités conviviales

Les activités dites conviviales ont comme visée la recherche du plaisir, de la joie. Cette recherche de plaisir et de moment de complicité est nécessaire à la création d’une relation de confiance avec les enfants. « Il est un esprit général de plaisir qui peut être éprouvé quand plusieurs partenaires se retrouvent ensemble dans un joyeux mouvement collectif d’assimilation. Qu’il s’agisse de repas, de chants, de jeux d’expression, d’histoires racontées mutuellement, il se développe un plaisir fait de complicité, d’appartenance, d’accueil mutuel, et finalement de partage gratuit d’une joie éprouvée simultanément. » 49

L’équipe organisait souvent des activités de ce type pendant les vacances, tel que les sorties au restaurant, les après­midi foot en salle, cinéma ou encore piscine. Ces instants de groupe permettent aussi d’observer les enfants, leurs comportements et leurs habitudes lorsqu’ils sont entre eux. Par exemple nous avions l’habitude, avant un repas, d’aller faire les courses avec les jeunes. Nous faisions alors une liste et dans le magasin, chacun se répartissait les tâches afin de savoir qui allait chercher quoi. Ensuite, tout le monde participait à faire le repas, à mettre la table puis à débarrasser. Les enfants aimaient beaucoup ces moment­là car c’était l’occasion de rencontrer d’autres enfants, de passer un

49 CAPUL Maurice, LEMAY Michel, De l’éducation spécialisée, Ramonville Saint­Agne, Eres, 2005, p177

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moment agréable avec les éducateurs, de sortir de chez eux. A travers cette après­midi, nous pouvions noter certains comportement, remarquer des capacités ou des difficultés. Ces moments du quotidien partagé avec ces enfants sont une fenêtre ouverte sur leur fonctionnement au quotidien. Certains participent plus que d’autres, certains découvrent réellement ce qu’est faire la cuisine, la vaisselle, d’autres connaissent très bien cela car ils sont habitués à la maison. Nous voyons comment le vivre ensemble est vécu par chacun et cela peut être repris par la suite. Ces moments de détente permettent aussi aux enfants de s’ouvrir davantage et de nous apprivoiser nous aussi éducateurs, dans un contexte plus favorable.

Les activités à visée socialisatrice

« Toute réalisation faite en commun signifie la mise en jeu d’interrelations complexes au sein du groupe où elle se déroule : il faut suivre des règles, accepter un arbitrage, s’effacer momentanément pour permettre à un autre d’exercer son pouvoir et inévitablement de se comparer dans ses aptitudes motrices, intellectuelles et affectives. » 50

Lors de mon stage, les activités à visée socialisatrice étaient très utilisées avec les enfants mais aussi avec les parents. Avec les enfants, ces activités permettent d’observer leurs attitudes au sein d’un collectif, leur comportement face à des règles communes. Ces activités permettent aussi créer une dynamique de groupe et de voir l’enfant autrement. Les activités de groupe font émerger les leaders, les plus en retrait, les boucs émissaires parfois. Et ce ne sont pas toujours ceux auxquels on s’attend. Sam est un jeune que nous suivons dans le cadre d’une AED. Sam à 14 ans et est scolarisé en 4ème SEGPA. Ses parents ont fait une demande d’AED car Sam ne voulait plus se lever pour aller en cours, sa mère étant souvent seule au domicile avec lui, l’adolescence était dure à gérer pour elle. De plus, Madame éprouvait des difficultés à se séparer de son fils, ce qui commençait à impacter sur la vie d’adolescent de Sam.

50 CAPUL Maurice, LEMAY Michel, De l’éducation spécialisée, Ramonville Saint­Agne, Eres, 2005, p178

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San est inscrit depuis quelques mois dans un club de vélo, loisir qui le passionne. Pendant les vacances, nous programmons une activité « vélo sur la voie verte » avec plusieurs enfants d’âge différents. La voie verte est un parcours plutôt facile, de 24km aller­retour. Sachant que Sam apprécie ce sport, je lui propose d’y participer. Pas très emballé au début, Sam se présente au départ avec l’équipement complet du parfait cycliste, y compris les outils de dépannage dont nous nous sommes servis d’ailleurs lors de la journée. Connaissant un Sam plutôt calme et discret, j’ai pu voir lors de cette journée un adolescent blagueur, s’intégrant parfaitement au groupe. C’est tout naturellement que, compte tenu de ses compétences en ce sport, Sam a occupé une place de leader. Il a pris plaisir à se rendre utile, à taquiner autant les éducateurs que les autres jeunes de son âge. Dans cette situation, le comportement de Sam a appuyé les dires des différents professeurs et de sa maman. Comme nous ne connaissions pas Sam hors des entretiens, cette après­midi nous a donné une image de lui plus spontanée, plus naturelle. Son comportement lors de l’activité était adapté, et nous a permis de voir comment est­ce qu’il était dans un collectif et donc comment il pouvait agir en classe. Sam est un adolescent blagueur, ayant de la répartie, et pouvant user de ses qualités là en classe et donc devenir un élève perturbateur. Nous avons repris cela avec lui, lui expliquant que son attitude en groupe n’était pas mauvaise, mais pas adaptée partout et notamment en classe. Proposer des activités comme celle­ci aide à une meilleure connaissance du jeune, tant du point de vu de la relation entre lui et l’éducateur que de son comportement au sein du collectif. Plus que de proposer une activité favorisant la détente, les moments de plaisir et « l’apprivoisement » entre le jeune et l’éducateur, ces moments sont précieux pour la suite de l’accompagnement et nous donnent des indications sur la manière dont le jeune se comporte dans la vie quotidienne. Pendant les vacances, le service organisait des moments aussi avec les parents et les enfants comme la cueillette du muguet, des champignons etc. Partager des moments comme cela participe à l’élaboration de la relation de confiance. Les parents nous voient autrement que comme un professionnel chargé d’intervenir auprès d’eux et de leurs enfants. Ils apprennent à nous rencontrer en tant que

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personne. De la même façon que les professionnels rencontrent ces hommes et ces femmes dans un contexte différent de celui de l’intervention à leur domicile. Ce changement de lieu et de contexte participe au repérage des compétences comme des limites des parents rencontrés et à l’observation de la relation parent­enfant. Aussi, les activités avec un groupe de parents favorise le dialogue, la rencontre entre eux et leur permets de partager leurs difficultés, de trouver des solutions à certaines de leurs difficultés entre eux et d’échanger sur leur façon d’être parent. L’équipe d’éducateurs du service a souhaité créer un atelier « café­parent », afin de favoriser cet échange entre parents. Cette idée est née d’un constat lors d’une sortie parent­enfant. Les éducateurs ont remarqué que lors de cette activité, certains parents se sont mis à discuter de leur parentalité au quotidien et à échanger sur leur difficultés, sur des sujets tel que l’autorité, le coucher, les jeux vidéo, l’adolescence etc. L’idée était donc de rassembler des parents volontaires, une fois par mois, autour d’un café et de parler de ces sujets leur posant question. Le fait que les solutions soit trouvées ensemble, que chacun puisse parler de ses difficultés, transmettre aux autres ses « astuces », contribue à les impliquer dans leur rôle de parents et de les rassurer sur le fait qu’ils ne sont pas seuls à rencontrer des difficultés et qu’être parent n’est pas une tâche toujours facile. Ce projet, s’inspirant de projets déjà mis en place au sein d’autres services de protection de l’enfance, valorise les compétences des parents et les amène à reprendre leur place de parent au domicile, à partager leurs points de vue et à échanger sur leur rôle de parents. Ce projet permet aussi de renouveler nos pratiques professionnelles et d’accompagner les parents autrement en favorisant leur implication.

Les activités de valorisation

« Dans la mesure où un être humain peut se sentir devenir créateur de quelque chose et peut découvrir la joie, même passagère, d’une vie collective, il est certain qu’il gagnera sur le plan de sa valorisation personnelle. » 51

51CAPUL Maurice, LEMAY Michel, De l’éducation spécialisée, Ramonville Saint­Agne, Eres, 2005, p179

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Les activités à visée socialisatrice et les activités de valorisation ne sont pas antinomiques. Une activité à visée socialisatrice peut contribuer à la valorisation de l’autre et inversement. Nous travaillons avec des personnes, enfants ou adultes souvent marqués par une vie difficile, rencontrant des difficultés les amenant à parfois être stigmatisé. Les familles que l’on rencontre peuvent être isolées ou dans un processus d’exclusion sociale. Les activités de valorisation contribuent à considérer la personne comme étant capable, à lui reconnaître des compétences, à lui donner une place. Au cours de mon stage, j’ai eu l’occasion de mener deux activités ayant pour fonction de valoriser le jeune et le parent et de favoriser la construction d’une relation éducative de confiance. J’ai utilisé comme support la pâtisserie. J’ai créé cette activité à la période d’Halloween afin que les enfants puissent « customiser » selon leurs envies leurs gâteaux avec l’aide de décorations alimentaires. J’ai proposé aux parents de passer une après­midi seule avec leurs enfants afin de faire ces gâteaux qu’ils ramèneront à la maison ensuite. Le thème d’Halloween me permettait de rendre la pâtisserie plus ludique et plus créatrice en décorant les cupcakes sur le thème de l’évènement. J’ai donc pu rassembler 8 enfants de 8 à 12 ans. Chacun avait en possession sa recette, et les ingrédients étaient à la disposition de chacun. Le moment clé était le moment de la décoration des cupcakes. La table était remplie de paillette, de pâte alimentaire colorée, de billes de couleurs etc. afin que chaque enfant puisse personnaliser ses gâteaux et laisser parler son imagination J’avais préparé quelques modèles, afin que les enfants puissent s’en inspirer et par la suite faire leurs propres créations. Durant ce moment, j’ai choisi de laisser les enfants en autonomie afin qu’ils s’approprient réellement l’activité. . A ma grande surprise, tous les enfants sans exception se sont concentrés du début jusqu’à la fin sur leur travail minutieux et étaient tous fiers d’en montrer le résultat. Le fait que chaque enfant puisse créer ses propres gâteaux et choisisse de les décorer à leur goût les a réellement valorisés. De par mes observations et la concentration ambiante, j’ai pu constater que les enfants prenaient à cœur cette activité et s’appliquaient. Durant toute l’activité, ils se donnaient des idées, me

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demandait de l’aide et était fiers de repartir avec leur création. Le fait que les ingrédients soit en commun et qu’ils soient répartis par groupe de 3 ou 4 pour faire l’appareil a contribué à entretenir une bonne dynamique de groupe et une ambiance détendue. Dans un second temps, la veille du réveillon de Noël, j’ai renouvelé cette expérience avec les enfants et leurs parents cette fois­ci. Je souhaitais instaurer ce moment afin de pouvoir observer la relation parent­enfant. L’idée était que les enfants puissent se sentir valorisés par rapport à leurs parents puisqu’ils avaient déjà fait de la pâtisserie auparavant et que les parents puisse aussi se sentir valorisés dans leur fonction et créer un moment de partage entre eux. L’objectif était aussi que les parents puissent refaire cela chez eux avec leurs enfants. Cette fois ci, chaque parent était avec son enfant et chacun suivait la recette à son rythme. J’étais présente en cas d’aide mais discrète afin que les comportements soient les plus spontanés possibles. Un papa, le seul parmi le groupe de mamans, d’habitude discret, s’est ouvert, mis en valeur par l’activité, lui­même étant cuisinier. Il a donc pu trouver une place et mettre à contribution ses compétences au sein du groupe. De mon côté, cette après­midi m’a permis de partager une activité avec les parents et les enfants, de changer du contexte des entretiens classiques et de pouvoir appréhender la relation parent­enfants au sein d’une activité partagée.

3.2 Le travail avec les familles

3.2.1 S’appuyer sur les compétences des familles

La loi préconise de s’appuyer sur les compétences des familles dans le cadre

de notre intervention. Le fait de s’appuyer sur leurs compétences permet laisser la place aux parents, de ne pas les disqualifier dans leurs fonctions parentales.

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« L’assistance éducative parie sur les capacités parentales, c'est­à­dire mobilise les compétences des adultes pour trouver ou retrouver leur place de parent et ce, pour permettre à l’enfant d’accéder à la sienne. » 52

Nous « parions sur les capacités parentales » dans le sens où nous estimons que si nous intervenons à domicile, c’est parce que les parents sont en capacités de prendre conscience des difficultés qu’ils rencontrent et qu’ils peuvent agir dessus. Bien sûr cela ne fonctionne pas systématiquement. Nous pouvons faire face à des échecs, à des parents qui ont besoin de plus de temps ou bien d’une prise en charge plus spécifique et qui ne sont plus en capacité , temporairement, d’exercer leur fonction parentale. L’éducateur est un technicien, qui à l’aide de différents outils, va aider à faire émerger des éléments de compréhension de la situation et va aider à impulser le changement afin que la famille et l’enfant puisse retrouver un équilibre. « La posture du travailleur social concerné par cette pratique est de se tenir à côté et non à la place de ceux qui resteront quoi qu’il arrive les premiers responsables de la santé, de la sécurité et de la moralité de leurs enfants, même s’il sera naturellement question d’apprendre parfois aux parents à assumer leurs responsabilités au­delà de leur difficultés conjugales ou de leur problématique personnelle. » 53

Par exemple, lors d’entretiens, les parents nous font part de leurs passions, de leurs passe­temps, de leurs loisirs. Nous pouvons alors nous appuyer sur cela en les sollicitant pour nous aider à l’organisation d’une sortie avec d’autres enfants ou bien leur proposer d’utiliser cela avec leur enfant. Dans le cadre d’une mesure d’AED, une des problématiques familiales était la relation père­fils. Monsieur été atteint de troubles anxieux et pouvait parfois avoir des comportements peu adaptés ou des habitudes enfantines. Dans son discours, il pouvait aussi se mettre au même niveau que son fils. Son fils était au courant des troubles de son père et ne le reconnaissait plus que comme un « parent malade » et cela justifiait alors le fait de ne plus reconnaitre son

52 MICK Jean, L’assistance éducative au cœur du dispositif de protection de l’enfance, Espace social, la revue proposée par le CNAEMO, 50 ans d’assistance éducative, n°32, janvier 2008, p10 URL : http://www.cnaemo.com/media/partage/pdf/32.espace_social_50_ans_version_2.pdf 53 Op cit

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autorité. Nous avons alors proposé à Monsieur de partager des moments avec son fils où il pouvait lui transmettre ses connaissances et son goût pour le bricolage. Ainsi, son fils pouvait voir son père comme un adulte, en capacité de lui apprendre des choses, de lui transmettre des connaissances. L’idée était qu’il ne reconnaisse plus uniquement son père comme un « parent malade », décrédibilisant son rôle de père. Lors d’un autre entretien avec une famille suivie dans le cadre d’une AEMO, mon tuteur de stage a sollicité un papa, amateur de pêche, pour nous trouver un endroit et transmettre ses connaissances de la discipline à un groupe de jeune participant à une après­midi pêche prévue dans l’été. S’appuyer sur les compétences des parents contribue à leur donner une place dans la mesure éducative, à les valoriser et permet de susciter davantage l’implication dans la mesure. Cette implication est centrale dans le travail avec les familles, elle permet d’avancer tout en restant en cohérence avec les capacités et le fonctionnement de la famille.

3.2.2 Susciter l’implication : Le projet des familles

L’implication des familles n’est pas immédiate et de fait dans l’intervention à

domicile et surtout dans le cadre d’une AEMO. Souvent, les parents se sentent coupables, ou bien refusent notre intervention et sont donc passifs. Susciter une implication de leur part dans la mesure en direction de leur enfant ou bien d’eux­mêmes contribue à l’efficience de la mesure. En effet, les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, et même si à un moment donné, un dysfonctionnement a conduit à une mesure d’assistance éducative, ils sont les mieux placés dans la connaissance de leur enfant. « Il s’agit de procéder par essais­ajustement, en considérant que les personnes concernées par l’action, parce que sujets de cette action, sont les mieux placés pour apporter des indications éclairantes sur le sens qu’elles lui donnent. » 54

54 DUBREUIL Bertrand, Accompagner le projet des parents en éducation spécialisée, Dunod, Paris, 2006, p124

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De plus, l’enfant est dans le besoin que les parents adhèrent au projet. Cela lui permet de savoir ce que ces parents attendent de lui et donc contribue à l’implication de l’enfant lui­même. Leur implication est donc à favoriser afin qu’ils puissent construire le projet avec les éducateurs et s’en saisir pour par la suite continuer le travail sans l’intervention d’un éducateur. Susciter l’implication peut s’appliquer sur le terrain de différentes façons : leur demander leur avis sur une prise en charge proposée plutôt que de l’imposer, les solliciter dans l’élaboration du projet pour l’enfant, les joindre aux différentes démarches à effectuer en direction de l’enfant, les amener à réfléchir sur leur propres fonctionnement etc. « Généralement, ces propositions [celles des parents] sont plus intéressantes et pertinentes que celles qu’aurait pu suggérer l’envoyeur, car les personnes tiennent compte de leur histoire, de leur contexte, de leurs ressources et de leurs compétences. » 55

L’exemple de Madame B

Madame B est une jeune maman suivie dans le cadre d’une AEMO. Elle a 3

filles ; 2 placées en famille d’accueil et une de 3 ans, Alice, vivant au domicile maternel et concernée par cette mesure. Madame est séparée du père d’Alice, responsable de violence envers ses deux aînés. Madame a elle­même été placée dans la passé et a connu un parcours de vie difficile, peu marquée par l’affection. Madame B est porteuse d’une déficience intellectuelle légère altérant ses capacités d’anticipation. Il est évoqué dans le jugement des fréquentations pouvant être néfaste pour elle et sa fille et un manque de stimulation envers Alice. Nous avons beaucoup travaillé avec Madame sur le besoin de stimulation d’Alice, la bonne évolution de sa fille dépendant de son implication dans la mesure. Effectivement, les stimulations du langage, de la motricité, de l’apprentissage de la propreté, puis de la lecture etc. sont à faire au quotidien afin que l’enfant puisse évoluer correctement. L’implication de Madame était donc indispensable pour ce travail. L’accompagnement reposait principalement sur l’apprentissage de la parentalité, elle­même n’ayant pas connu un climat familial sécurisant. L’apport de

55 HARDY Guy, S’il te plaît, ne m’aide pas ! L’aide sous injonction administrative ou judiciaire, Eres, 1ère édition, 2012, p129

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conseils concernant l’éducation d’Alice, de connaissances concernant les besoins d’une jeune enfant ont été les points principaux à travailler. Madame a du se saisir de ses conseils et les appliquer au quotidien. A chaque entretien, nous reprenions les conseils précédents et mesurions les progrès effectués. Petit à petit, Madame, constatant les effets de son travail, a pu prendre confiance en elle et était à chaque fois ravie de nous montrer les progrès de a fille qui reflétait son implication dans l’éducation d’Alice. Nous étions des personnes ressources pour Madame et elle n’hésitait pas à nous téléphoner pour nous faire part de l’évolution d’Alice, des difficultés rencontrées avec elle et chaque rendez­vous était l’occasion de constater son implication et ses progrès à elle aussi en tant que mère. Dans cette situation, l’implication de Madame a été clairement la condition de la bonne évolution de sa fille, et la mesure était le support à un réel travail en commun.

3.2.3 Respecter le temps des familles, la « perlaboration »

Dans le cadre d’une mesure d’AED, j’avais proposé à la famille T et à Sylvain,

un projet d’internat scolaire pour la rentrée de septembre 2015. Ce projet avait pour objectif d’éloigner Sylvain du climat familial parfois lourd et de rattraper son l’échec scolaire. Dans un premier temps, les parents de Sylvain culpabilisaient quant à l’éventualité de se séparer de leur fils par peur qu’il prenne cette proposition comme une sanction en réponse à son comportement au domicile. Du côté de Sylvain, l’internat était une nouveauté et ce projet ne l’emballait pas trop. Il ne connaissait pas cet établissement, n’y connaissait personne et le fonctionnement d’un internat lui était inconnu. Madame, Monsieur T et Sylvain étaient conscients que ce projet serait bénéfique pour Sylvain. Cela lui donnerai une chance de raccrocher scolairement, les devoirs ne seraient plus le cœur des conflits familiaux et Sylvain aurait l’opportunité de connaître d’autres figures d’identification. Pour les parents, ce projet leur permettrait de les alléger de l’aide aux devoirs qui étaient problématique pour eux et les week­ends seraient l’occasion de renouer avec leur fils. Cependant, ils n’étaient pas encore prêts.

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« La perlaboration est le cheminement accompli par un message difficile à accepter, dans l’esprit de la personne qui vient de le recevoir. Bien que le message soit ouvertement rejeté, sa signification a commencé d’influencer son destinataire. » 56

Convaincue du bienfait de ce projet et après quelques temps, je propose à Sylvain et à ses parents de visiter l’établissement avec le CPE afin qu’ils puissent se faire une idée globale de ce qu’est un internat et de pouvoir prendre leur décision. Après la visite, la famille T paraît plus convaincue par ce projet, d’autant plus que le courant est bien passé avec le CPE. Au final, la famille s’est saisie de ce projet, malgré leurs appréhensions, et s’est chargé des démarches d’inscriptions. « La prise en compte de ce mécanisme mental est une clef essentielle dans l’intervention auprès des familles. Tenir compte de la « perlaboration » revient à respecter le temps psychique des personnes. Ainsi, le professionnel est­il amené à régler sa montre sur la pendule qui scande le temps de la famille.» 57

Dans cette situation nous savions que ce projet inclurait un changement pouvant être brutal pour la famille T. C’est une famille très soudée et aimante, ayant du mal à se séparer de ses enfants. Monsieur et Madame T ont fait une demande d’AED, se sentant démunis et recherchant une aide pour rétablir l’équilibre au sein de la cellule familiale. Cette famille était très impliquée dans la mesure et prenait en compte nos conseils. Ils étaient en capacité de donner leur avis, de remettre en question leur fonctionnement et d’exprimer leurs désaccords avec nos propositions. Nous savions donc que même si ce projet bousculerait l’équilibre de la famille et amènerait des réticences au début, il serait réfléchi. Le fait de leur avoir laissé ce temps de réflexion, de « perlaboration » et de leur proposer une visite de l’établissement, à contribué à la projection dans ce nouveau projet et à l’appropriation de cette proposition.

56 ALFÖLDI Francis, Vivre l’action éducative à domicile, Paris, Dunod, 2nde édition, 2008, p54/55 57 Op cit, p55

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3.3 La posture professionnelle

3.3.1 Se décentrer de la problématique familiale

La posture du professionnel compte beaucoup également dans la création d’une relation de confiance. Guy HARDY explique que se concentrer sur la nature de la relation établie entre l’éducateur et la famille plutôt que sur la problématique favorise le travail autour de la problématique identifiée. « Plutôt que de centrer son attention sur « la » problématique précise de l’une ou l’autre personne, l’intervenant porte toute son attention et ses compétences professionnelles sur le jeu relationnel. Il veille à saisir et à profiter des instants de déséquilibres relationnels car ceux­ci sont des instants d’autres possibles. Et, en tant que professionnel de l’aide et de la relation, un de ses buts peut être qu’au sein de ses nouveaux espaces relationnels, les symptômes dénoncés au préalable par les uns ou par les autres (la problématique des personnes, les inquiétudes de l’envoyeur et son injonction d’aide ou encore l’aide) perdent leurs fonctions, qu’ils apparaissent caduques, inopérants. » 58

En effet la nature de la relation peut, dans une certaine mesure, atténuer la sensation de contrainte et donc favoriser une implication et un travail avec la famille qui, dans un premier temps, pouvait être compromise. Par exemple, les moments d’activités sont des espaces particuliers qui sortent du cadre classique de l’intervention en milieu ouvert qui consiste à se rendre au domicile des familles. Se trouver dans un environnement « neutre » lors d’une activité permet d’atténuer la présence symbolique de l’institution et de se centrer davantage sur la relation et la construction du lien qui va ensuite permettre le travail sur la problématique. C’est bien là que se trouve la marge de manœuvre de l’éducateur en milieu ouvert. Nous sommes dans un jeu relationnel qui permet un travail. Même si la décision de l’intervention de l’éducateur a pu être difficile à accepter ou même refusée dans un

58 HARDY Guy, S’il te plaît, ne m’aide pas ! L’aide sous injonction administrative ou judiciaire, Eres, 1ère édition, 2012, p65

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premier temps, l’introduction de la relation dans un cadre contraint conduit à faire de la contrainte le contexte plutôt qu’un obstacle au travail.

3.3.2 La méthode « Columbo »

Dans son livre, S’il te plaît ne m’aide pas, Francis Alfoldi nous parle de la méthode Columbo qui consiste à adopter une « position basse » par rapport à la famille. Cette position consiste à donner de la valeur à la famille, à ne pas entretenir la place de l’éducateur comme la personne qui possède tout le savoir. Il prend l’exemple de la perte de son stylo. Le fait qu’il le cherche et que ce soit la mère qui le trouve et qui finalement permets à l’éducateur de le retrouver conduit à montrer à cette femme qui l’éducateur peut « faillir », ne voit pas tout et peut aussi se tromper. Même si cette situation paraît anodine, le fait que le parent intervienne pour « aider » l’intervenant, cela le positionne au même niveau que l’éducateur et l’incite à participer davantage à la mesure car il prend conscience qu’il peut apporter des choses et que son avis et sa parole ont une valeur. « Pour revaloriser sa propre image, le parent doit percevoir sa propre valeur. Favorisant la position basse du professionnel, la technique Columbo aide le parent déprécié à requalifier son image. Cela fonctionne comme une sorte de balancier. » 59

Même si le fait que les parents, ont besoin à un moment donné d’aide dans leur exercice, cette intervention peut les déprécier dans leurs fonctions. Les inciter à participer, recueillir leur avis est essentiel dans l’accompagnement. Cela permet de les réinvestir ou les investir dans la mesure et plus tard dans leur rôle de parents. Nous rencontrons des personnes parfois démunies et qui se sentent souvent dévalorisées. Les impliquer dans la mesure contribue à leur redonner confiance et permet au professionnel de travailler en accord avec le projet des parents et en cohérence avec leur mode de vie, leur rythme, leurs compétences et leurs limites.

59 ALFÖLDI Francis, Vivre l’action éducative à domicile, Paris, Dunod, 2nde édition, 2008, p16

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3.3.3 L’investissement professionnel

L’AEMO demande en effet un certain investissement personnel. Cela nécessite pour le professionnel d’être organisé et autonome. Le fait d’avoir en charge plusieurs mesures nécessite une connaissance précise de chaque situation et d’avoir en tête les différents objectifs du jugement afin d’intervenir et de travailler en cohérence avec celui­ci. Le professionnel est en relation avec beaucoup d’intervenants différents selon les situations (cmpp, établissements scolaire, centre de loisirs, établissements médico­sociaux) et soutient les parents dans les différentes démarches à effectuer. Alfoldi nous parle « d’amour professionnel ». Même si je ne partage pas entièrement ce terme, je le rejoint sur le fait que l’AEMO et le travail d’éducateur en général nécessite un certain degré d’empathie et d’investissement afin de prendre le recul nécessaire face à des situations parfois difficiles, comme des situations de violence, de maltraitance ou de négligence afin de pouvoir percevoir puis valoriser les compétences et capacités des personnes accompagnées. « L’aide aux familles requiert à mon sens une forme d’investissement, que j’appelle « amour professionnel ». Rien à voir avec l’amour primitif, dont l’expression se réduit au sexuel. Il ne s’agit pas non plus d’idéaliser le parent en banalisant l’inacceptable. L’amour professionnel consiste plutôt en un sentiment d’empathie pondérée par une certaine retenue. Il surgit dans le sillage de la relation de confiance. L’empathie distanciée dynamise les relations tout en stimulant la clairvoyance du praticien. » 60

Conclusion

Au cours de ce dossier, j’ai tenté d’expliciter ma pratique au sein de mon lieu de stage. Je l’ai explicité à l’aide de concepts théoriques, en m’appuyant sur des réflexions issues de situations cliniques vécues ou vues et grâce à un recul vis à vis de mon expérience.

60 ALFÖLDI Francis, Vivre l’action éducative à domicile, Paris, Dunod, 2nde édition, 2008, p37

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Au début du stage, mes représentations m’amenaient à penser l’AEMO et l’AED davantage comme un contrôle social que comme une aide et une assistance éducative auprès des parents. Par conséquent, j’imaginais le travail de l’éducateur spécialisé délicat dans ce contexte. Cette année passée en stage m’a permis dans un premier temps d’observer longuement autant la pratique de mes tuteurs de stage auprès des familles que les familles elles­mêmes ; mais aussi d’agir, d’incarner, de m’impliquer dans cette fonction d’éducateur AEMO/AED. Cela a contribué à déconstruire mes représentations et à envisager l’intervention éducative à domicile autrement. Certes, dans le travail en AEMO et en AED il y a de la contrainte, c’est un fait. Le temps est contraint, les objectifs sont contraints, l’aide est contrainte. Pour un parent, demander de l’aide pour éduquer son enfant ou bien se voir imposer une aide est difficile, douloureuse. Cette intervention est vécue différemment par chacun mais se penser mauvais parent, se sentir décrédibilisé ou incapable de faire seul est courant chez les parents suivis dans le cadre d’une mesure éducative. « Qui d’entre nous apprécierait qu’un travailleur social vienne à domicile contrôler comment elle ou il s’occupe de ses enfants ? » 61

Ce sentiment est légitime et presque inévitable. Ce sentiment de contrôle explique bien souvent les stratégies d’évitement, les comportements agressifs de certains parents, de certains enfants. Mais l’action éducative en milieu ouvert ne se résume pas qu’à cela. La mesure, les jugements, la contrainte représentent le contexte, le cadre. Nous avons tous besoin d’un cadre, peu importe le contexte. Dans la vie courante, le cadre c’est la loi. C’est la loi qui nous indique ce qui est autorisé et ce qui est interdit. A un autre niveau il y a les coutumes, les règlements intérieurs etc. Le cadre nous permet de nous situer par rapport à la norme. Cette contrainte du cadre nous sécurise aussi.

61 ALFÖLDI Francis, Vivre l’action éducative à domicile, Paris, Dunod, 2nde édition, 2008, p13.

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Une contrainte peut nous être inconfortable, difficile à supporter mais ne nous empêche pas de nous réaliser. A l’intérieur du cadre, rien n’est figé. Au cours de cette année de stage à responsabilité, j’ai pu voir que derrière l’aide contrainte, il y a la relation qui permet de travailler au cœur de cette contrainte. C’est la relation éducative introduite au sein du cadre qui est notre outil de travail et qui, peu à peu, atténue ce sentiment d’injonction a faire confiance. Si nous arrivons à créer cette relation éducative de confiance avec les familles, alors la contrainte devient un élément du contexte et non plus un obstacle au travail. Néanmoins, même si l’on sait que la relation éducative de confiance permet de travailler dans la contrainte, celle­ci ne se construit pas seule. Nous avons vu que certains outils nous aident à créer puis à consolider ce lien comme les médiations, la reconnaissance des compétences des parents, les attitudes à adopter etc. mais ce lien n’est pas garanti avec toutes les familles que j’ai pu rencontrer. Avec certaines familles, les fuites sont plus prégnantes, les entretiens sont plus tendus, l’implication des parents est inexistante ou bien de façade. Il semblerait qu’il manque un élément. Mon hypothèse de départ supposant que l’introduction de la relation permettait de faire de la contrainte un élément du contexte et non plus un obstacle est donc incomplète. Avec du recul et près réflexion, je dirais que lorsque la construction de la relation est un échec, il faut davantage de temps. Le temps est un facteur essentiel de la création de toute relation et de la relation éducative de confiance en particulier. C’est peut­être ici que réside la vraie contrainte. En effet, le temps des familles, le temps de la rencontre n’est pas le même que le temps du dispositif. Comme nous l’avons vu dans ce mémoire, la rencontre entre l’éducateur et la famille n’est pas immédiate et simultanée, c’est une histoire de transfert. Le temps de la rencontre est variable et celui de la construction d’une relation encore plus. Ce temps serait à respecter davantage car sans la rencontre il n’y pas d’accompagnement et donc pas de travail avec la famille.

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Sans la rencontre, sans la confiance, la famille demeure passive et ne peut se saisir des propositions émises par l’éducateur. C’est peut­être dans ce cadre­là que la notion de contrôle, de contrainte sera plus prononcée. L’enjeu du travail de l’éducateur en AEMO, et en AED, est que la famille soit partie prenante de la mesure afin qu’elle puisse agir sur sa propre situation. « Du parent vers le travailleur social, la confiance est rarement spontanée. De surcroît, la contrainte de la mesure judiciaire tend à renforcer la méfiance des familles. Réaction bien naturelle.» 62

La confiance ne se commande pas, mais elle peut se susciter, grâce à des attitudes professionnelles, à des outils de la relation que j’ai abordé au cours de mon dossier (les entretiens, les activités …). Finalement, c’est le temps la principale contrainte de l’intervention à domicile. Atteindre des objectifs visant à atténuer voire supprimer le danger ou bien le risque de danger encouru par l’enfant à son domicile demande du temps. Les familles ont besoin de temps pour faire face à leurs difficultés, pour en être conscientes et pour être prêtes à agir sur un fonctionnement dans lequel elles vivent depuis des années. C’est la création d’un lien éducatif de confiance entre le professionnel, les parents et l’enfant qui va conduire la famille à vouloir changer. C’est ce lien éducatif de confiance qui va garantir une évolution, une implication de la part de la famille. Sur le terrain, nous constatons tous les jours qu’une relation éducative n’est pas aisée à instaurer. Ce que j’aborde dans ce dossier ne sont évidemment pas des solutions universelles et imparables. Je dirais qu’au regard d’une pratique professionnelle particulière qu’est l’intervention à domicile dans le cadre de l’AEMO et de l’AED, ce dossier aborde des axes de réflexions à la lumière d’une expérience singulière pour tenter de travailler au mieux après des familles.

62 ALFÖLDI Francis, Vivre l’action éducative à domicile, Paris, Dunod, 2nde édition, 2008, p13

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Bibliographie

Ouvrages lus ou consultés

­ ALFÖLDI Francis, Vivre l’action éducative à domicile, Paris, Dunod, 2nde édition, 2008

­ ARFOUILLOUX J.C, L’entretien avec l’enfant, l’approche de l’enfant à travers le dialogue, le jeu et le dessin, Toulouse, Privat, 1975

­ CAPUL Maurice, LEMAY Michel, De l’éducation spécialisée, Ramonville Saint­Agne, Eres, 2005

­ DUBREUIL Bertrand, Accompagner le projet des parents en éducation spécialisée, Dunod, Paris, 2006

­ GABERAN Philippe, La relation éducative, un outil professionnel pour un projet humaniste, Toulouse, Eres, 2015

­ HARDY Guy, S’il te plaît, ne m’aide pas ! L’aide sous injonction administrative ou judiciaire, Eres, 1ère édition, 2012

­ HOUZEL Didier, Les enjeux de la parentalité, Eres, 1ère édition, 1999

­ MUCCHIELLI Roger, L’entretien de face à face dans la relation d’aide, Paris, ESF, 9e édition, 1983

­ MUGNIER Jean­Paul, Ces familles qui ne demandent rien, Fabert, Collection Temps d’arrêt, Bruxelles, 2011

Page 77: LA RELATION EDUCATIVE DE CONFIANCE AU SEIN D’UN …

­ ROGERS Carl, Le développement de la personne, Paris, Dunod, 1968

­ ROUZEL Joseph, Le travail de l’éducateur spécialisé, Ethique et pratique, Paris, Dunod, 2nde édition, 2000

Articles, revues

­ CHOBEAUX François, Quand les éducs vont au domicile. Rencontre avec une équipe d’AEMO, Vie sociale et traitements 2012/4, n° 116

­ MARTIN Jean­Pierre, OSSORGUINE Marc, Faire social à domicile, Vie Sociale et Traitement, n°116, 4é trimestre, 2012, Eres

­ MICK Jean, L’assistance éducative au cœur du dispositif de protection de l’enfance, Espace Social : la revue proposée par le CNAEMO, 50 ans d’assistance éducative, n°32 janvier 2008.

­ TREMINTIN Jacques, La confiance dans la relation d’aide, Lien social, n°977, 17 juin 2010

Autres

­ ALSEA, Construire, dualiser, transformer. De représentations à l’œuvre dans la mesure d’AEMO, décembre 1994

­ MANIER Claudine, Sous la direction de Madame Christiane Peyron­Bonjan, Professeur des Universités, Fondements dialogiques du métier d’éducateur et processus d’écriture : le rapport de fin d’intervention AEMO, Thèse pour

Page 78: LA RELATION EDUCATIVE DE CONFIANCE AU SEIN D’UN …

obtenir le grade de Docteur, Aix­Marseille Université, Département des Sciences de l'Éducation, 2012

­ Ministère de la santé et des solidarités,Intervenir à domicile pour la protection de l’enfant, Guide pratique protection de l’enfance

­ Schéma départemental de l’enfance et de la famille, 2013­2017

Sites web

­ https://www.legifrance.gouv.fr

­ http://www.collectivites­locales.gouv.fr/principales­lois­decentralisation

­ http://www.lagazettedescommunes.com/391310/decryptage­de­la­loi­notre/

Liste des annexes

ANNEXE I

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ANNEXE II

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ANNEXE III

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ANNEXE IV

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ANNEXE V

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BALASTRE Anna 2016

Mémoire professionnel en vue de l’obtention du Diplôme d’Etat d’éducateur spécialisé

TITRE DU MÉMOIRE : LA RELATION EDUCATIVE DE CONFIANCE AU SEIN D’UN CONTEXTE CONTRAINT : L’intervention au domicile en Assistance Educative en Milieu

Ouvert et en Aide Educative à Domicile

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Résumé :

L’Assistance éducative en milieu ouvert et l’Aide éducative à domicile sont toutes deux des mesures éducatives d’intervention à domicile répondant à la politique de protection de l’enfance. L’AEMO est la version judiciaire, décidée par le Juge pour Enfants et

imposée aux parents. L’AED est la version administrative, proposée par l’Aide sociale à l’enfance et émanant des détenteurs de l’autorité parentale. Toutes deux ont pour but de venir en aide aux parents rencontrant des difficultés dans leurs rôles parentaux ou bien de supprimer une situation de danger pour l’enfant. Notre intervention est légitimée au

nom de l’intérêt de l’enfant.

Dans chacune de ces versions, nous trouvons la notion de contrainte. Comment travailler avec cette « aide contrainte », avec des familles ne souhaitant pas

notre intervention ?

Je pars du principe que si l’on introduit de la relation éducative dans notre accompagnement auprès des familles, alors la contrainte deviendra un élément du

contexte et plus un obstacle à notre travail.

A la lumière de mon expérience de stage long, je tente dans ce mémoire d’expliciter ces notions d’aide contrainte et d’injonction paradoxale.

Puis, je présente les concepts qui fondent la relation éducative et le lien de confiance pour ensuite aborder les outils et les supports favorisant la création de celle­ci sur le

terrain.

Mots clés :

Relation éducative, relation de confiance, relation d’aide, injonction judicaire, aide contrainte, cadre contraint, injonction paradoxale, médiation, compétences des familles

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POLARIS Formation n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les mémoires : ces opinions doivent être considérées

comme propres à leurs auteurs.