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Gestion des Transformations Sociales (MOST) Documents de travail N° 14 La technologie de l’information au service de l’Organisation: Une véritable mutation sociale aux Etats-Unis Thomas R. Gulledge Ruth A. Haszko George Mason University (The Institute of Public Policy) ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L’EDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE Document produit par reconnaissance optique de caractères (OCR). Des erreurs orthographiques peuvent subsister. Pour accéder au document d'origine sous forme image, cliquez sur le bouton "Original" situé sur la 1ère page.

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Gestion des Transformations Sociales(MOST)

Documents de travail N° 14

La technologie de l’informationau service de l’Organisation:

Une véritable mutation socialeaux Etats-Unis

Thomas R. GulledgeRuth A. Haszko

George Mason University(The Institute of Public Policy)

ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L’EDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE

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Les opinions exprimées dans cette série engagent la responsabilité des auteurs et nereflètent pas nécessairement le point de vue de l’UNESCO.

l Le programme MOST

Le programme “Gestion des transformations sociales” - MOST - a été conçu parl’UNESCO pour favoriser la recherche comparative internationale en sciences sociales. Sonobjet premier est d’appuyer les recherches autonomes de grande envergure et de longue duréeet d’en communiquer les conclusions et les données aux décideurs. MOST organise et soutientdes recherches dans trois domaines hautement prioritaires :

1. La gestion du changement dans des sociétés multiculturelles et multiethniques

2. Les villes, lieux de transformation sociale accélérée

3. La gestion locale et régionale des mutations économiques, technologiques etenvironnementales.

l Les auteurs

Thomas R. Gulledge est professeur, spécialiste des politiques publiques et de larecherche opérationnelle à l’Université George Mason et directeur du Centre de l’analyse despolitiques à 1’Institute of Public Policy. Il enseigne les matières suivantes : l’informatique auservice de l’Organisation, la gestion des études d’organisation, les systèmes économiques etl’économie de la mise en oeuvre des systèmes. Son adresse pour le courrier électronique est :gulledgeagmu.edu.

Ruth Haszko enseigne le français dans un établissement secondaire du New Hampshire.Avant d’occuper son poste actuel, elle était membre du Département de la recherche de1’Institute of Public Policy de l'Université George Mason. A ce titre, elle a dirigé les activités deformation de l’Université à 1’Electronic Commerce Resource Center, financé par I’US AdvanceResearch Projects Agency, et a travaillé à des projets de recherche sur l’intégration del’entreprise, l’étude des processus automatiques intégrés et les transferts de technologie. Sonadresse pour le courrier électronique est : [email protected].

0 Les documents de travail du MOST

La collection des documents de travail du programme MOST présente des contributionsémanant de chercheurs spécialisés dans les domaines de recherche de MOST. Ces écrits sontpréparés afin de contribuer au débat scientifique international dans ces domaines.

a Titres disponibles (septembre 1996)

1. Les sociétés pluriculturelles et pluriethniques. Henri Giordan, 1994.2. Ville et gestion des transformations sociales. Céline Sachs-Jeantet, 1994.3. Différenciation des régimes de croissance et des gestions de la reproduction

sociale. Pascal Byé, 1994.4. La recherche urbaine en Amérique latine. Vers un programme de recherche. Licia

Valladares et Magda Prates Coelho, 1995.

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5.

6.

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9.10.

11.12.13.

La gestion du multiculturalisme et du multiethnisme en Amérique latine. DiegoA. Iturralde, 1995.Lo global, lo local, lo híbrido (en espagnol seulement). Heinz R. Sonntag et NellyArenas, 1995.Reflections on the Challenges Confronting Post-Apartheid South Africa (enanglais seulement). B. M. Magubane, 1995.La gestion locale et régionale des transformations économiques, technologiqueset environnementales. S. Jentoft, N. Aarsaether et A. Hallenstvedt, 1995.Des partenariats dans nos villes pour l’innovation urbaine. Francis Godard, 1996.Diversité : bonne et mauvaise gestion. Le cas des conflits ethniques et del’édifïcation de l’Etat dans le monde arabe. Saad Eddin Ibrahim, 1996.Urbanisation et recherche urbaine dans le monde arabe. Mostapha Kharoufi.Document rédigé par Stren (titre non encore disponible).Some Thematic and Strategic Priorities for Developing Research on Multi-Ethnicand Multi-Cultural Societies. Juan Díez Medrano, 1996.

N.B. Pour des raisons techniques, les Figures 2, 3, 4, 5 et 6 ont étéinsérées dans le texte en version originale.

Publié par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture7, place de Fontenoy, 75700 Paris

Imprimé en France©UNESCO 1998

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LA TECHNOLOGIE DE L'INFORMATION AU SERVICE DE L'ORGANISATION:UNE VÉRITABLE MUTATION SOCIALE AUX ETATS-UNIS

Thomas R GULLEDGERuth A. HASZKO

George Mason UniversityThe Institute of Public Policy

Policy Analysis Center10640 Page Avenue, Suite 400

Fairfax, VA 22030-4000

Résumé - Le présent document décrit une transformation déjà bien avancée aux Etats-Unis.Cette transformation, aussi spectaculaire selon certains que la révolution industrielle, modifienotre façon de travailler et de vivre. Parfois appelée révolution de l’information, elle résulte del’intégration des processus organisationnels au moyen de technologies et de systèmesd’information. Bien qu’on ignore sur quoi cette mutation débouchera, chercheurs et analystesont posé le problème en termes familiers. Il y a d’une part ceux qui remettent en cause lesavantages des technologies pour la société et qui souhaitent qu’on en limite l’application et,d’autre part, ceux pour qui technologie est synonyme de progrès, de sorte qu’ils s’attachent àfavoriser son adoption dans tous les domaines. Pour tracer le cadre de notre analyse, nousprésentons une illustration radicale de chacune de ces deux positions, Bien que partisans de lapromotion des technologies, nous ne prenons pas part à la polémique. Nous nous concentronssur les facteurs qui, dans les organisations, rendent possibles les transformations dont lelicenciement d’employés et de cadres est la conséquence. Notre travail montre que nousassistons à l’évolution naturelle d’entreprises qui s’efforcent d’obtenir un avantage sur leursconcurrents en utilisant des technologies et des instruments nouveaux, et que les entreprisesqui n’empruntent pas cette voie risquent fort de disparaître. Nous décrivons de manière assezdétaillée les mécanismes par lesquels les entreprises intègrent les processus grâce à destechnologies et à des systèmes d’information nouveaux et examinons les répercussions de cesinnovations pour les employés et les cadres. Nous évoquons aussi des visions contradictoiresde l’impact de la révolution de l’information sur la société. Enfin, nous suggérons certainesimplications pour les politiques et des pistes pour les futures recherches.

1.0 INTRODUCTION

Le présent document vise essentiellement à démontrer les propositions suivantes :

1. Nous sommes au milieu d’une mutation qui pourrait être aussi décisive que larévolution industrielle.

2. Certains des facteurs en jeu sont économiques mais le moteur essentiel estl’intégration de l’entreprise grâce à des technologies et à des systèmesd’information.

3. Cette mutation a une incidence négative sur un grand nombre d’employés et decadres, notamment ceux qui sont chargés de contrôler le travail de leurs collègueset qui transfèrent des informations ou des données sans valeur ajoutée pour leclient.

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4. Certains employés sont affectés dans leur organisation à des tâches nouvelles etpeut-être plus intéressantes tandis que d’autres sont licenciés.

Nous nous intéresserons surtout ici aux agents de la transformation, au nouvelenvironnement professionnel et aux effets sur les employés licenciés¹. Notre objectif est deprésenter des vues sur cette transformation dans le contexte de nos recherches et des missionsde consultant que nous avons effectuées pour des organismes publics ou privés aux Etats-Unis.Nos travaux sont donc entâchés d’un biais qui incitera certains chercheurs internationaux àrejeter nos idées mais nos modestes analyses internationales nous conduisent à penser quel’évolution que nous constatons n’est pas propre à un seul lieu. La mutation étant renduepossible par de nouvelles technologies de l’information qui ne cessent de se perfectionner, nouscourons le risque de retomber dans de vieux débats sur la maîtrise de la technologie, mais teln’est pas notre propos. Nous ne pouvons pas contrôler facilement ces technologies : le génien’est plus dans la bouteille. Nous nous concentrons sur les forces qui déterminent cettetransformation dans les organisations.

La thèse que nous défendons est qu’il est difficile de maintenir la technologie danscertaines limites et que sa diffusion peut avoir des effets non souhaités : bouleversement del’emploi, réductions d’effectifs ou autres modifications importantes de l’organisation. Nousrestons cependant optimistes et pensons que la technologie ouvre des perspectives detransformation sociale positive qui en compense largement les effets indésirables : améliorationde l’environnement, établissement de diagnostics et soins de santé à distance, télé-enseignement, etc.

Le présent document est structuré comme suit : nous présentons tout d’abord un point devue généralement admis sur la façon dont la technologie a rendu possible le changement socialen nous concentrant sur le paradigme traditionnel de l’agriculture, de l’industrie et del’information. Cette perspective historique fournit le contexte dans lequel se situent nos idées.On a beaucoup écrit sur l’histoire des techniques. Nous connaissons les origines historiques denos arguments et sans entrer dans le débat sur la maîtrise de la technologie, c’est ce qui tracerale cadre social de notre réflexion. Comme l’a fait observer Rybczynski (1983), deux thèsess’affrontent. “On trouve d’un côté les adeptes, partisans de l’évolution technologique, qui yvoient toujours un progrès et considèrent toute tentative de maîtriser l’avenir comme unmanque de courage, et, de l’autre, les obstructionnistes, qui voient une menace dans touteinnovation technique et définissent le contrôle de la technologie comme un moyen de la réduireprogressivement ou au moins chaque fois que possible. ” Pour cadrer notre analyse, nousévoquerons les idées d’un adepte et d’un obstructionniste d’aujourd’hui :

l Arno Penzias, dans son ouvrage Harmony: Business, Technology, & Life AfterPaperwork (1995), et

l Jeremy Rifkin, dans son ouvrage The End of Work: The Decline of the GlobalLabor Force and the Dawn of the Post-Market Era (1995).

1 Nous donnerons plus loin une définition et une explication détaillées de l’intégration de l’entreprise. Ilfaut toutefois préciser d’ores et déjà que cette notion diffère nettement des modèles de gestion japonaisintroduits aux Etats-Unis dans les années 1980. Ces méthodes, telles que les a décrites Robinson (1990),consistent avant tout à améliorer en permanence un processus qui ne varie pas. Le concept d’intégrationdéfini ici est beaucoup plus large.

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Comme l’a signalé White (1978) les origines du débat remontent au Moyen Age mais cesdeux auteurs le mettent au goût du jour, c’est-à-dire à celui des technologies modernes del’information.

Après avoir présenté les deux points de vue opposés, nous passerons directement à lacontribution principale du document. Nous montrerons comment l’intégration de l'entreprisetransforme les organisations en examinant trois phases distinctes de développement :

l l’ère des systèmes de gestion et d’information autonomes orientés verticalement,l l’ère du réaménagement des processus,l l’ère de l’intégration de l’entreprise.

Une fois analysée l’intégration de l’entreprise, nous aborderons la question de son impactsur les cadres et les employés. Enfin, nous développerons quelques idées sur la manière dontles organisations pourraient être structurées et gérées à l’avenir en indiquant quelles en seraientles conséquences pour l’Etat et la société en général.

2.0 LA TRANSITION ET LES DEUX THESES EN PRESENCE

De l’avis quasi général, notre société traverse une période de changements rapides. Ilnous est difficile de comprendre l’ampleur et le rythme de cette évolution car notre point decomparaison, les 50 années qui viennent de s’écouler sont une période exceptionnellementstable, atypique dans l’histoire des Etats-Unis. Nous entrons maintenant dans une période derelative instabilité. Indépendamment de l’opinion qu’on peut avoir, il est de fait que les40 années qui ont immédiatement suivi la deuxième guerre mondiale ont été caractérisées auxEtats-Unis par des relations organisationnelles stables. Au sortir de la guerre, notre pays étaitdevenu une puissance industrielle dominante jouissant d’une situation de quasi-monopole surde nombreux marchés mondiaux.

En se relevant de ses ruines, le monde a remis en cause la suprématie commerciale desEtats-Unis. De nombreuses organisations de notre pays étaient en outre caractérisées par unebureaucratie obsolète et hypertrophiée. En bref, la position hégémonique des Etats-Unis afavorisé l’autosatisfaction. On a analysé abondamment l’attitude des organisations américainesface à l’évolution des forces du marché. La réponse macro-économique à l’évolution del’environnement commercial est un des facteurs qui ont suscité des changements au sein desorganisations. Si certaines de celles-ci ont réagi en procédant à des réductions draconiennesd’effectifs, d’autres ont fait face aux pressions de la concurrence grâce à des technologies et àdes systèmes d’information. Certains contesteront ce point de vue mais la technologie ne nousparait pas être le moteur de l’évolution. La transition dont nous parlons est mue par les forcesdu marché, les technologies fournissant simplement aux organisations une gamme plus étendued’options pour répondre à ces forces fondamentales.

C’est cette réaction qui a conduit certains auteurs à avancer l’hypothèse de notre entréedans une nouvelle ère. Ainsi, Dertouzos (1991) tir-me-t-il : “L’âge de l’agriculture était fondésur les charrues et les animaux qui les tiraient ; l’âge industriel sur les moteurs et lescombustibles qui les alimentaient ; l’âge de l’information que nous sommes en train de créersera fondé sur les ordinateurs et les réseaux qui les relient”. C’est pourquoi nous vivons unenouvelle révolution de l’information, aussi spectaculaire que les révolutions agricole et

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industrielle. Cette révolution a en outre des effets inégaux : considérables dans certains pays etrelativement limités dans d’autres.

Révolution ou pas, chacun s’accorde à dire que les organisations passent actuellementpar une phase de transition. Aux Etats-Unis, on parle partout de “réductions d’effectifs” et de“restructuration” mais on comprend mal les causes de ces évolutions déstabilisantes. Qui estresponsable de leur résultat : le fléau social du chômage et la reconversion en direction denouveaux emplois (parfois moins bien payés) ? Une direction brutale soucieuse de réduire lescoûts ? Les recherches et les travaux d’application que nous avons effectués indiquent que ceschangements sont inévitables et que la direction ne fait souvent que réagir à l’inéluctable. Nousexaminerons plus loin (section 3) les causes de ces changements et le rôle des technologies del’information. Pour les situer dans leur contexte, nous commencerons, pour cadrer le débat, parévoquer les points de vue opposés qui sont soutenus. Nous aurions pu nous référer à cette fin àtoutes sortes d’auteurs, mais nous en avons choisi deux qui se situent à chaque extrême.

2.1 L’adepte moderne : Arno Penzias

Penzias (1995) estime que nous sommes à la veille d’une deuxième révolution del’information. En dépit de progrès remarquables, la technologie moderne n’est toujours pasparvenue à satisfaire les besoins de l’être humain. Mettre la technologie en harmonie avec elle-même, avec les individus et avec la nature est un triple défi stimulant.

Penzias envisage trois phases de développement :

l l’ère de la quantité,l l’ère de la qualité,l l’ère de l’harmonie.

L’ère de la quantité est associée au modèle de production de masse de la révolutionindustrielle. Aux Etats-Unis, l’ère de la qualité est associée à une période relativement courtequi correspond à peu près aux vingt-cinq ou trente dernières années. On compte sur la qualitédes produits pour obtenir un avantage sur ses concurrents. C’était aux Etats-Unis une façon deréagir à la concurrence internationale et principalement celle de l’Asie. Bien que les limiteschronologiques soient floues, Penzias estime que nous sommes déjà passés de la quantité à laqualité et que nous sommes en train de passer de celle-ci à l’harmonie.

A l’ère de l’harmonie chère à Penzias, la valeur ne résidera plus dans le produit lui-mêmemais dans un service intégré, chaque client devenant un partenaire dans le processus decréation de valeur en participant à la “conception” au point de vente. Le passage à l’harmonieapportera davantage de cohérence à ce processus dès lors que la technologie sera plus en phaseavec ses utilisateurs et avec l’environnement. Les entreprises et leurs employés privilégierontleurs clients plutôt que des questions internes.

D’autres auteurs ont avancé des arguments analogues, mais les différences entre les èresde la quantité et de la qualité telles que les décrit Penzias sont récapitulées au tableau 1.

La comparaison faite au tableau 1 nécessite quelques explications. Les problèmes decompétitivité et la qualité des produits des Etats-Unis ont été analysés en détail par desthéoriciens et des spécialistes des politiques publiques. On peut citer notamment les travauximportants de Cohen et Zysman (1987) Dertouzos et al. (1989), Magaziner et Patinkin

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(1989). Des milliers d’ouvrages en vogue sur le contrôle de la qualité, la maîtrise totale decelle-ci et les techniques de gestion japonaises attestent que cette évolution a déjà eu lieu.Même si elle est passée en partie inaperçue à l’époque, la Renaissance industrielle prévue parAbemathy et al. (1983) s’est produite. Les entreprises ont repensé la façon dont elles géraientles opérations, la R-D et la commercialisation pour privilégier l’utilisateur, les coûts et laqualité.

QUANTITE OU QUALITE

Ere de la quantité

b Priorité à la planificationb Technologie mécaniqueb Economies d’échelleB Organisations hiérarchiséesB Création de valeur par le volumeD Ilots technologiquesD Exploitation de l’environnement

Ere de la qualité

l Priorité à la remontée de l’informationdepuis le client

l Contrôle programmablel Economies de tempsl Organisation fondée sur l’équipel Création de valeur par les prestationsl Chevauchements technologiquesl Souci de l’environnement

Tableau 1. Comparaison entre les ères de la quantité et de la qualité

En dépit de son intérêt du point de vue analytique, l’ère de la qualité n’est pas notrepropos. Nous partons du principe que les Etats-Unis y sont déjà entrés, bien qu’à des degrésdivers. Le passage à l’ère de l’harmonie nous intéresse ici davantage. On trouvera au tableau 2une comparaison entre les ères de la qualité et de l’harmonie.

Penzias imagine les organisations coopérant avec leurs fournisseurs et leurs clients pourajouter de la valeur à leurs produits. Les équipes des organisations sont élargies à ces deuxcatégories de personnes. L’ensemble ainsi constitué est qualifié d’organisation architecturale.La qualité n’est plus un objectif; elle est considérée comme acquise et l’on s’efforce surtoutmaintenant de faire ce qui convient au client. La priorité n’est plus donnée à la remontée del’information, qui primait à l’ère de la qualité, mais à la personnalisation, c’est-à-dire laproduction sur commande, à l’unité le cas échéant. Ce type de coordination entre clients,fournisseurs et organisations est rendu possible par des processus intégrés, avec un accès directet intégré à l’information. Le souci de l’environnement est poussé jusqu’au point où lesprocessus contribuent à le régénérer en permanence. En un mot, technologies et systèmesd’information sont utilisés sous des formes qui n’avaient pas été imaginées jusque-là dans le butd’accroître la valeur des services ou des produits pour le consommateur.

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l Priorité à la remontée de l’informa

Ere de la qualité

depuis le clientl Contrôle programmablel Economies de tempsl Organisation fondée sur l’équipe

Ere de l’harmonie

tion 0 Priorité à la personnalisationl Accès direct à l’informationl Economies de commodité

l Création de valeur par les prestationsl Chevauchements technologiquesl Souci de l’environnement

l Organisations architecturalesl Création de valeur par cohérencel Fusion technologiquel Régénération de l’environnement

QUALITE OU HARMONIE

Tableau 2. Comparaison entre les ères de la qualité et de l’harmonie

Penzias affirme que c’est l’intégration qui permet d’assurer le passage de l’ère de la qualitéà celle de l’harmonie. Intégration et accès direct à l’information - deux composantes de l’ère del’harmonie - réduiront considérablement les écritures, avantage indirect pour le client, et parconséquent les postes qui y sont liés. Nous ne saurions faire de prédictions au sujet de cette èremais nous sommes convaincus que l’intégration est l’un des moteurs de la transformation qui alieu actuellement au sein des organisations, même si celle-ci ne fait tout juste que commencer.Penzias présente l’intégration en termes très généraux. Notre contribution consiste à laprésenter de façon très précise (à la section 3) en démontrant pourquoi il est peu probablequ’elle puisse être freinée.

Penzias a peu à dire sur le problème des suppressions de postes et du redéploiement desemployés qui se posera inévitablement durant la phase de transition vers l’ère de l’harmonie. Ilimagine, avec raison nous semble-t-il, toute une série de possibilités pour ceux qui saurontrendre la technologie plus accessible aux utilisateurs et plus à leur portée, Son analyse conduità penser que d’ autres catégories d’employés bénéficieront de nouvelles opportunités, mais il nefournit aucune précision à ce sujet.

2.2 L’obstructionniste moderne : Jeremy Rifkin

Rifkin (1995) considère la révolution de l’information en cours comme le dernier combatmarxiste entre travail et capital, à savoir la dévaluation du travail induite par la substitution decapital. Il cite le passage suivant de Marx. Chaque percée technologique

mécanisant progressivement les opérations qu’accomplit le travailleur, on finit par atteindre lestade où le mécanisme peut remplacer celui-ci. On voit de la sorte comment une formeparticulière de travail est transférée du travailleur au capital sous la forme d’une machine etcomment la force de travail de l’homme s’en trouve dévaluée. Nous assistons ainsi au combat dutravailleur contre la machine. L’activité qui représente le travail de l’employé devient celle de lamachine.

Cet extrait sert de cadre à l’analyse que fait Rifkin de la révolution de l’information.

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Il envisage celle-ci à la façon d’un groupe d’économistes, de sociologues et de politiciensface aux ajustements économiques imposés par le progrès technique. Les considérations quisuivent sont au coeur de son argumentation :

Lorsqu’il s’interroge sur la façon de répartir au mieux les retombées des gains de productivité,chaque pays finit forcément par être confronté à une question élémentaire de justiceéconomique. Pour poser la question simplement, chaque membre de la société, y compris le pluspauvre, est-il en droit de recueillir sa part des fruits de la productivité accrue rendue possiblepar la révolution de la technologie de l’information et de la communication ? Si la réponse estpositive, il faut indemniser d’une manière ou d’une autre le nombre croissant de chômeurs dontle travail n’est plus nécessaire dans la nouvelle société automatisée à haute technologie duXXIe siècle. Les progrès techniques impliquant une diminution progressive du nombred’emplois dans l’économie de marché, le seul moyen efficace de faire bénéficier les employésremplacés par des machines des gains de productivité est de leur assurer une forme de revenugaranti par 1’Etat. Conditionner ce revenu à la prestation d’un service à la communautéfavoriserait la croissance et le développement de l’économie sociale et faciliterait l’avènement àterme d’une culture associative fondée sur le service.

A première vue, cette proposition semble originale. Rifkin fait observer que le secteurprivé n’offre pas un nombre d’emplois suffisant pour absorber les laissés-pour-compte dont lescompétences ne trouvent pas preneur sur le marché. Il soutient également que le secteurpublic, désormais allégé, ne pouvant absorber ces travailleurs, c’est à un tiers secteur querevient cette tâche. Ce secteur se compose d’associations à but non lucratif fondées sur lebénévolat et le service d’intérêt général. Il se distingue nettement des programmes de travauxfinancés par 1’Etat auxquels est souvent donné le nom de “tiers secteur”. Selon Rifkin, lestravailleurs deviendraient des employés du secteur associatif, qui occupe une place rapidementcroissante dans l’économie américaine2. Les organisations qui les accueilleraient pourraient êtreextrêmement diverses : institutions charitables, hôpitaux, centres de transfert de techniques defabrication, etc. Toutefois, nous le verrons plus loin, elles ne verseraient peut-être pas unepleine rémunération.

A y regarder de plus près, la proposition de Rifkin ne contient guère d’élémentsnouveaux. Son secteur associatif est financé par 1’Etat. Les bénévoles perçoivent ce qu’onpourrait appeler des salaires fictifs sous forme d’avoirs fiscaux. D’autres personnesinemployables perçoivent un “salaire social” financé par l’Etat, une forme de “l’hypothèse durevenu minimum garanti” déjà adoptée par des économistes au cours de ce siècle. Cesinitiatives seraient financées grâce à divers impôts nouveaux, y compris une version américainede la taxe à la valeur ajoutée.

L’approche de Rifkin nous paraît imparfaite pour plusieurs raisons. La révolution del’information ne saurait se couler dans le cadre de l’opposition traditionnelle entre libéraux etconservateurs : équité contre efficacité ou plus d’Etat contre moins. Rifkin, qui reconnaît que larévolution de l’information a des répercussions considérables sur le secteur privé, ne se rendapparemment pas compte que le secteur public sera lui aussi touché. En fait, son tiers secteursubira également des transformations.

2 L’idée de Rifkin ne convient peut-être qu’aux Etats-Unis. Nous ne comprenons pas pleinementl’évolution du secteur non lucratif dans les économies des autres pays développés mais il occupe cheznous une place non négligeable.

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La révolution de l’information va changer le traitement des opérations fondé sur le papiercomme la fabrication intégrée par ordinateur a transformé le traitement par les unités deproduction des ateliers. Si les administrations et le tiers secteur traitent l’information (ce qui estle cas), ils subiront eux aussi la même transformation. A notre avis, la thèse de Rifkin nerésistera pas à l’épreuve du temps. Il s’agit dune idée des armées 1960 appliquée à une situationdes années 1990.

3.0 UNE NOUVELLE GESTION ET DE NOUVEAUX ENVIRONNEMENTSPROFESSIONNELS

Nous arrivons à ce qui est l’objet principal du présent document : expliquer en détailcomment et pourquoi les organisations changent. Morton (1990) et Dertouzos (199 1) ont déjàformulé des observations analogues. Nous répétons certaines de ces observations généralesmais nous allons plus loin en analysant avec précision la façon dont les technologies del’information modifient les organisations. Ces auteurs ont eu raison de faire remarquer que cestechnologies3 transformeront radicalement les organisations mais l’ampleur et la rapidité de cechangement n’ont pas été pleinement appréhendées.

3.1 Intégration de l’entreprise

Nous estimons que Penzias a raison de dire que la clé du problème est l’intégration del’entreprise. Il présente les notions d’intégration en termes généraux ; or, l’intégration del’entreprise est une notion vague qui ne signifie pas grand-chose pour la plupart des gens. Unexemple simple montrera comment nous l’interprétons. Notre définition est globale.L’intégration de l’entreprise est celle des processus de part et d’autre des frontièresorganisationnelles et fonctionnelles, dans le but d’accroître la compétitivité. Le processusd’intégration de l’entreprise englobe tous les facteurs se rapportant à la gestion et à latechnologie qui permettent l’intégration transfonctionnelle des opérations. Il en résulte unestructure de gestion axée sur le client avec des systèmes d’information reliés de façon formelleaux processus et l’intégration de ces derniers qui est nécessaire pour satisfaire le client enpermanence.

Nous présenterons cette notion à l’aide d’exemples simples liés aux phases d’évolutionrecensées dans la figure 1.

3 Nous utilisons l’expression “technologies de l’information” pour désigner un large éventail de systèmes,technologies, réseaux, ordinateurs, etc., qui rendent possible la transformation des organisations. Cetteexpression a l’avantage d’être commode puisqu’elle recouvre globalement tous les matériels et tous leslogiciels employés.

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Les phases de l’évolution des entreprises

Avant les années 1990, Le réaménagement des pro- Période d’intégrationla gestion de l’informa- cessus était axé sur leur amé- transfonctionnelle destion était axée sur des lioration dans le cadre des processusfonctions autonomes fonctions ou des unités pro-isolées. ductives ou administratives. l Dépendances

Les gestionnaires appor- En 1992, on parlait d’intégra- l Interrelationstaient des solutions par- tion transfonctionnelle desticulières à des pro- processus mais les frontières l Systèmes d'informationblèmes communs. entre les unités restaient bien reliés formellement à

établies. des processus trans-fonctionnels

1989 1995

Figure 1. Les phases de la transformation de l’entreprise

3.2 L’époque des systèmes autonomes isolés

Avant les années 1990, des systèmes d’information verticaux au service de départementsprécis répondaient aux besoins des organisations dans leur domaine. Considérons l’exemplesimple présenté à la figure 2. Elle décrit trois départements : les ventes, la production etl’expédition. Par le passé, il était normal que chacun dispose d’un système d’informationdistinct. L’interopérabilité entre les systèmes était généralement limitée et l’intégration à peuprès inexistante. En fait, certaines personnes (ou organisations) avaient souvent pour seuleraison d’être de transmettre des informations d’un système à un autre.

Il en résulte que le client passant commande n’est pas pleinement informé sur le lieu devente au sujet de celle-ci et de la livraison. Ainsi, le vendeur est incapable d’indiquer au client ladate exacte d’expédition. Par ailleurs, l’impossibilité d’intégrer l’information rallonge leprocessus de traitement de la commande. Ce modèle des vieux systèmes d’informationcorrespond à la première phase décrite dans la figure 1, l’époque des systèmes d’information“en tuyau de poële” organisés verticalement.

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Vertical Non-Integration

Vertical

Figure 2. L’ancien modèle de systèmes d’information

3.3 La période de réaménagement des processus

Comme le montre la figure 1, on est passé à la deuxième phase quand on s’est renducompte que l’aménagement des processus pouvait réduire sensiblement les délais nécessairespour satisfaire un besoin commercial précis, par exemple honorer la commande d’un client. Lesorganisations ont donc, afin de réduire la durée des séquences nécessaires pour livrer le produitau client, abandonné les départements structurés verticalement au profit de la gestion parprocessus. Dans notre exemple simple, nous nous concentrons sur le processus de traitementde la commande. Ce modèle est décrit dans la figure 3.

Le processus représenté dans la figure 3 ne contient pas l’ensemble des fonctions propresà chaque département même si le mode de gestion les recouvre tous les trois. On pourrait fairevaloir que cette notion consiste simplement à appliquer des méthodes d’organisationindustrielle des années 1950 ; il n’en reste pas moins qu’elle a entraîné entre 1990 et 1995 unerévolution de la gestion aux Etats-Unis4. Cette période est celle de l’amélioration radicale(réaménagement) des processus de traitement des affaires au sein des organisations.

Le réaménagement des processus de traitement des affaires (RPTA) a pour objet detransformer radicalement ces processus et les cultures correspondantes en définissant et en

4 Voir par exemple Davenport et Short (1990).

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appliquant de nouveaux modes de traitement. Il s’agit de revoir la conception des processus enfaisant appel à la technologie de l’information. On a présenté le RPTA comme la clé de lasurvie des entreprises, qui permet de répondre à l’évolution rapide des attentes des clients. Enfait, de nombreuses organisations l’utilisent pour assurer la rentabilité de leurs opérationscommerciales en ne se souciant qu’en second lieu d’accroître leur efficacité. Dans la plupart desorganisations, il visait des processus et des structures obsolètes et hypertrophiés et s’appliquaità des cultures d’entreprise archaïques et souvent arrogantes. Le réaménagement estfréquemment associé aux travaux fondateurs de Hammer (1990), mais ces idées étaient déjàmises en oeuvre de façon indépendante et sous diverses formes dans de nombreusesorganisations américaines. La stratégie appliquée par les entreprises des Etats-Unis pourexploiter les possibilités qu’offre le RPTA est décrite dans la figure 4.

I

Figure 3. Gestion des processus par processus central

La notion de processus central est essentielle pour comprendre la figure 4. Cesprocessus “sont les processus centraux pour le fonctionnement de l’entreprise et en rapportdirect avec les clients extérieurs” [EarI, (1994)]. La stratégie de réaménagement visait àconcentrer les moyens de l’organisation sur ces processus tout en réduisant continuellement lesfrais généraux et intermédiaires5. Les objectifs du secteur privé étaient simples :

l Affecter des ressources optimales aux produits “qui rapportent”l Créer un environnement propice à une évolution permanentel Anticiper la demande et devancer la concurrencel Transférer aux processus centraux les ressources d’autres secteurs demandeurs au

sein de l’entreprise.

5 Ces frais fixes sont liés à l’encadrement intermédiaire dont l’activité ne crée pas de valeur ajoutée.

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Figure 4. Redimensionnement des structures dans le temps

On constate avec le recul du temps que de nombreuses organisations n’ont pas retiré du RPTAles bénéfices escomptés mais les données doivent être évaluées avec précaution. Les journaux àgrand tirage ont annoncé un taux d’échec dans ce domaine de 70 à 80 % aux Etats-Unis. Lesraisons de cet échec ont été analysées abondamment dans les ouvrages consacrés à la questionet il n’est donc pas utile de les rappeler ici6. Beaucoup de firmes ont procédé à deslicenciements massifs7 qu’elles ont appelés “restructuration”. Des indications de plus en plusnombreuses montrent que ces entreprises ont réalisé des économies à court terme et suscitéune hausse rapide du cours de leurs actions, mais sans améliorer durablement leur position faceà la concurrence.

Le document ne porte pas sur les réductions d’effectifs (downsizing), phénomènetemporaire selon nous8, mais sur les transformations fondamentales des organisations renduespossibles par la technologie. Des postes peuvent être supprimés et des économies réalisées,mais l’objectif réel est d’améliorer la position de l’entreprise face à la concurrence en réduisantla durée des séquences. Cependant, qu’il s’agisse de restructuration ou de réduction d’effectifs,

6 Les conditions à remplir au préalable pour assurer le succès du FPTA sont analysées par Bashein et al.(1994).

7 Le problème a pris une telle ampleur aux Etats-Unis que le vocabulaire spécialisé s’est enrichi d’unenouvelle expression, corporate anorexia (anorexie des personnes morales), qui décrit la situation d’uneentreprise ayant perdu son efficacité après une cure d’amaigrissement excessive résultant de différentesmesures de réduction des coûts [Soukhanov (1996)].

8 Le terme ayant une mauvaise image, on constate déjà qu’il disparaît de notre vocabulaire. Voir la revuede presse de Sands (1996).

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les conséquences pour les travailleurs écartés et le dévouement à l’entreprise ont été réelles etdouloureuses. Ces conséquences seront analysées dans une autre section. Commençons parachever notre récit en passant à la troisième phase décrite dans la figure 1, la périoded’intégration de l’entreprise.

3.4 Période d’intégration de l’entreprise

Pour comprendre notre conception de l’intégration de l’entreprise, il est essentiel decommencer par se rendre compte que le RPTA est une stratégie de gestion. La technologie del’information permet de l’appliquer avec succès. Les informaticiens ne communiquent pastoujours bien avec les gestionnaires, faute de disposer d’un langage commun. La figure 5 aide àmieux appréhender la cloison qui sépare souvent ces deux catégories de personnes.

La figure 5 se compose de deux parties : la perspective de la direction (moitiésupérieure) et celle des informaticiens (moitié inférieure). Le personnel de direction est à l’aisepour parler de certains aspects de l’organisation tels que la planification, la structure de gestion,les processus centraux, etc., tandis que les informaticiens sont familiarisés avec d’autres aspectsde l’organisation : architectures de l’information, modèles de données, modèles d’activité, etc.Le problème est qu’il est difficile aux uns comme aux autres de transcender ce clivage. Pourexprimer cela simplement, ils ne se parlent pas souvent et, lorsqu’ils ont l’occasion de le faire, ilarrive fréquemment qu’ils n’emploient pas le même langage. Dans de nombreuses organisations,le département des systèmes d’information n’est perçu que comme un des postes de dépensesnécessaires.

La mise en oeuvre fructueuse d’options de réaménagement des processus de traitementdes affaires exige que cette cloison soit abattue et que les conceptions de la direction et desinformaticiens soient intégrées. Les activités s’inscrivent dans des processus, les donnéescirculent à travers les processus, les unités structurelles (ou les personnes) sont impliquéesdans les processus, et ainsi de suite. Le RPTA ne peut produire les résultats escomptés que sitous les points de vue sont intégrés, les gestionnaires définissant les processus et lesperspectives de l’organisation tandis que les informaticiens font la même chose pour lesdonnées, l’activité et d’autres perspectives technologiques9. De plus, il doit exister uneprotection en ce sens que, si les gestionnaires modifient les processus d’organisation, qui sontl’essence même du RPTA, une discipline doit être imposée aux spécialistes des systèmesd’information de manière que ces systèmes puissent, à terme, être alignés sur les processusréaménagés.

Si le processus de traitement de la commande du client de la figure 3 est réaménagé et siles trois systèmes d’information hérités du passé sont repensés pour accompagner le processusau lieu d’être chacun au service d’un département donné, il devient possible de réduirebeaucoup la durée des séquences. Le client est plus satisfait, la valeur du produit ou du servicequi lui est fourni est augmentée et le coût est réduit. Ce point mérite une attention particulièrecar c’est ce qui permet de comprendre pourquoi il a été affirmé que de nombreux efforts deRPTA ont échoué. C’est aussi ce qui permet de comprendre pourquoi l’intégration del’entreprise a davantage de chances de réussir. Examinons la figure 6, qui reprend la figure 3avec une seule modification.

9 Scheer (1992, 1994) nous a donné une description technique de ces notions.

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Figure 5. La cloison entre deux univers

Souvenons-nous que la figure 2 présentait l’héritage de trois systèmes d’information distincts,dont chacun était au service d’un seul département. Dans la figure 3, on est passé dudépartement à un processus central. Nous avons proposé que chaque processus soit réaménagépour atteindre le maximum d’efficacité possible mais nous n’avons pas envisagé de modifierplus avant les systèmes d’information. C’est en fait la stratégie adoptée par de nombreusesentreprises des Etats-Unis, qui ont réorganisé leurs processus centraux, ont réaménagé leursopérations, mais n’ont pas changé leurs systèmes d’information.

C’est l’une des raisons pour lesquelles tant d’efforts de réaménagement entrepris dansnotre pays ont été considérés comme des échecs. Le personnel de direction s’efforçait de gérerpar processus mais continuait de recevoir des informations par département. Dans cet exemplesimple, il demeurerait impossible de fournir en temps opportun des informations concernant lacommande sur le lieu de vente, même avec une gestion privilégiant le processus.

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Figure 6. Gestion des processus par processus central avec le soutien d’un systèmed’information

La figure 6 montre que le problème a été résolu en mettant en oeuvre un système d’informationau service des processus et non plus de départements distincts10. C’est l’essence même del’intégration de l’entreprise. Si le système d’information est au service du processus, il n’est plusnécessaire que des personnes transfèrent et vérifient les données aux frontières du départementconsidéré. C’est l’évolution à laquelle nous sommes confrontés : en réalisant l’intégration del’entreprise, on élimine les opérations traitées sur papier dans toutes nos organisations. Toutefonction consistant à vérifier, réintroduire ou transférer des données est une activité qui risquede ne pas créer de valeur ajoutée, A notre entrée dans le XXIe siècle, les personnes quiaccomplissent ces tâches seront affectées à d’autres fonctions ou purement et simplementlicenciées.

Bell (1993) l’a dit avec une franchise éloquente :

La litanie des suppressions d’emplois annoncées depuis un an et demi par les principalesentreprises à haute technologie du monde entier sonne le glas d’une époque. IBM, dont le siège estaux Etats-Unis : 90.000 ; General Motors aux Etats-Unis : 74.000 ; British Telecom auRoyaume-Uni : 65.000 ; Daimler-Benz en Allemagne : 40.000 ; Nippon Telegraph & Telephone

10 Au cours de nos entretiens à l'Eastman Chemical Company, nous avons précisément rencontré cettedifficulté. Après avoir réorganisé l’entreprise en mettant l’accent sur les processus et les avoir largementréaménagés, l’entreprise s’est rendu compte qu’elle ne pourrait recueillir tous les fruits de latransformation sans mettre en oeuvre un nouveau système qui soit au service des processus réaménagés.Apres deux ans d’efforts, le système d’intégration était en place. Ceci nous a été confirmé lors de nosconversations avec M. Robert Savell d’Eastman Chemical en mai 1996. La presse à grand tirage ayantrecensé plusieurs centaines de restructurations de ce type en cours aux Etats-Unis, nous pensons que lecas d’Eastman est loin d’être exceptionnel.

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au Japon : 33.000 . . . les énormes vagues de licenciement prévues par de nombreuses entreprisesne s’expliquent pas seulement par des difficultés conjoncturelles. Ils sont au contraire le signe leplus visible et le plus douloureux de changements structurels fondamentaux et permanents (noncycliques) de la façon dont les entreprises à haute technologie conduiront leurs affaires auXXIe siècle. En conséquence, beaucoup des anciens employés - ingénieurs compris - pourraientne jamais retrouver leur emploi une fois la reprise pleinement venue car celui-ci n’existera plus.

Ce changement spectaculaire est suscité par l’intégration de l’entreprise. Il est difficile devoir quelles en seront les conséquences pour la société. La question sous-jacente et troublanteest celle de savoir si toutes les personnes concernées s’en iront. Rendront-elles la technologieplus utile et plus conviviale, comme le pense Penzias, ou émargeront-elles au budget de l’Etat,comme le croit Rifkin ?

4.0 CONSEQUENCES POUR LES EMPLOYES ET LES CADRES

Il est difficile d’aborder la question des conséquences de cette évolution pour lesemployés et les cadres car les données disponibles sont fort peu nombreuses et souventsuspectes. Les choses commencent toutefois à se clarifier.

4.1 Licenciement d’employés et de cadres

Tout d’abord, presque tout le monde pense qu’il y aura des gagnants et des perdants.Ceux dont les compétences et les connaissances sont appréciées du marché s’en tirent fort bienet, de l’avis général, cette tendance va se maintenir. Ceux qui ont un faible niveau d’instructionet ont acquis peu de compétences (y compris en matière de communication) continueront àsouffrir.

Les suppressions d’emplois ne sont pas limitées aux usines. Selon Pearlstein (1994), uneenquête de 1’American Management Association (AMA) indique que “ce sont surtout lescadres moyens, les chefs de service et même les spécialistes qui sont frappés de plein fouet.Bien que les employés mensualisés représentent en général 40 % de tous les travailleurs, 63 %des licenciements recensés dans le cadre de l’enquête les concernaient”. Selon celle-ci, 47 %des 7.000 entreprises membres de l’AMA ont réduit leurs effectifs. Pearlstein note que 66 %des entreprises sur lesquelles a porté l’enquête ont à la fois licencié et recruté au cours de lapériode considérée. “L’enquête confirme s’il en était besoin que l’économie continue d’êtreagitée par d’importants bouleversements et changements d’ordre structure1 alors même que lesventes, les profits et l’emploi continuent d’augmenter”. Il exprime l’opinion que les réductionsd’effectifs ne sont plus un événement, mais un mode de vie des entreprises. Cette tendance s’estmaintenue en 1995. Selon Challenger, Cray et Christmas, Inc. (une entreprise de réorientationprofessionnelle de Chicago), plus de 300.000 emplois ont été perdus au cours des neufpremiers mois de 1995 [Grimsley (1995)].

La catégorie la plus touchée sera vraisemblablement celle des travailleurs chargés de“vérifier” et de “transmettre” les données aux interfaces des processus. Lorsque ceux-ci sontintégrés, on n’a plus besoin de ces personnes qui tirent leur pouvoir du fait qu’elles contrôlentles interfaces. Les travailleurs qui ne créent pas de valeur ajoutée pour le client disparaîtront.Dans les ouvrages sur l’intégration de l’entreprise, leurs emplois sont décrits comme des postesde vérification sans valeur ajoutée. Il s’agissait traditionnellement de personnel de bureau et decadres moyens. Grimsley (1995) indique que “les employés mensualisés, et en particulier les

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cadres moyens, ont été les plus touchés, dans une proportion plus de deux fois supérieure aupourcentage de la main-d’oeuvre qu’ils représentent”.

Les implications de cette évolution pour les employés du secteur public sont stupéfiantes.Le nombre de postes de vérification sans valeur ajoutée y est impressionnant, qu’il s’agisse de ladéfense ou des autres secteurs. Les fonctionnaires concernés sont ceux qui traitentmanuellement les formulaires et les réclamations dans les administrations. Si l’organisation estintégrée et le système d’information aligné sur les processus, les données ne devront êtreintroduites qu’une seule fois. Si cela est fait correctement, il n’est plus nécessaire de vérifier.Cette évolution ne fait que commencer aux Etats-Unis, comme en témoigne le fait que l’ons’attache vigoureusement à promouvoir les relations électroniques dans la fonction publique.Avec l’Echange de données informatisées (EDI)11 et les technologies Internet/Intranet, il estpossible d’éliminer de nombreuses opérations de traitement manuel en réduisant simultanémentla durée des séquences et le pourcentage d’erreurs. Penzias a sans doute raison de dire que“nous allons transformer nos bureaux comme nous avons transformé nos usines”.

Pour les employés congédiés, le chômage est lourd de conséquences. Moore (1996) lesdécrit en détail. En premier lieu, il peut se traduire par une perte de revenu importante, quel’employé perde son travail, ou qu’il accepte un emploi moins bien payé. De nombreuxtravailleurs ont des compétences qui correspondent précisément aux besoins de leur entrepriseet n’ont guère de valeur pour d’autres organisations. Ils ont donc du mal à retrouver un emploiaux mêmes conditions de rémunération. Une période de chômage prolongée a également deseffets psychosociologiques, notamment en suscitant un sentiment d’infériorité qui a desrépercussions sur le plan mental et affectif

Il convient de signaler que les avis divergent en ce qui concerne les possibilités actuellesd’emploi. Jasinowski (1996) note que “si des Américains dénigrent passionnément notresystème capitaliste, l’économie des Etats-Unis devient un objet d’envie pour le mondeindustrialisé”. Notre économie connaît une croissance considérable et les travailleurs quipossèdent les compétences voulues dans les domaines voulus en recueillent les fruits.Jasinowski soutient que “trop de travailleurs dont les compétences sont inappropriées luttentpour s’insérer dans une économie qui exige un niveau d’instruction de plus en plus élevé”. Denombreux emplois sont ainsi difficiles à pourvoir. “Certaines entreprises manufacturières onttant de mal à trouver des ouvriers qualifiés pour leurs chaînes de montage qu’elles font appel àdes bureaux de recrutement spécialisés”.

En outre, la démographie ne joue pas en faveur du travailleur américain. Comme le faitremarquer Jasinowski, “la génération du baby-boom, l’afflux de femmes et un tauxd’immigration élevé ont entraîné le plus fort accroissement de l’offre de main-d’oeuvre del’histoire des Etats-Unis. Depuis 1968, le nombre d’Américains à la recherche d’un travail aaugmenté de 52 millions, ce qui a eu inévitablement pour effet de ralentir la progression dessalaires”.

Enfin, de l’avis de certains spécialistes, la précarité de l’emploi qui affecte de nombreuxtravailleurs ne peut guère être considérée comme un phénomène inhabituel. Les années qui ontsuivi la deuxième guerre mondiale ont été caractérisées par une stabilité et une sécurité de

11 L’Echange de données informatisées est un système qui permet aux entreprises d’échanger d’unordinateur à l’autre des informations commerciales courantes dans un format standard.

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l’emploi exceptionnelles par rapport aux phases antérieures de l’histoire des Etats-Unis. C’estpeut-être une période “normale” qui commence maintenant12.

Ce qu’il faut retenir de tout cela, c’est que le passage à la période d’intégration del’entreprise s’inscrit dans une trame macro-économique et démographique complexe. Bien queles politiciens, en cette année d’élection, multiplient les affirmations et les promesses, ceux quiprétendent que le problème est facile à résoudre trompent le public13. La primauté de la“politique politicienne” en période électorale tend à occulter toute explication crédible, mêmelorsqu’il s’agit des concepts les plus fondamentaux. L’interprétation donnée par la presse durapport Stiglitz14 en est un bon exemple”. Les salaires offerts pour les emplois nouvellementcréés sont-ils supérieurs à la moyenne ? La réponse est négative mais, après la publication durapport Stiglitz, le New York Times indiquait que les “salaires sont plus élevés pour lesnouveaux emplois” créés sous la présidence Clinton.

Ce ne sont pas les politiciens qui éclaireront la transformation actuelle de notre société.Elle est suscitée par des facteurs économiques, démographiques et technologiques plusfondamentaux. Bien que la démographie devienne progressivement plus favorable auxtravailleurs, la transition est loin d’être achevée et, pour l’employé contraint d’accepter unemploi moins bien rémunéré ou condamné en permanence au chômage, les conséquences sontbien réelles.

4.2 Ceux qui restent

L’image qu’ont de leur organisation ceux qui restent (ou autrement dit, ne sont paslicenciés) est à tout jamais modifiée. La question du dévouement à l’entreprise, ou de sadiminution, a été traitée abondamment dans des études spécialisées et est régulièrementévoquée dans la presse à grand tirage [voir par exemple Allen (1996) ou The Economist(1993)]. Le problème n’est pas limité au secteur privé. Bar (1996) indique que la question dumoindre dévouement se pose aussi dans le secteur public.

Le tableau n’est pas complètement sombre. Selon Penzias (1995), l’utilisation croissantede téléphones portables et autres dispositifs de cet ordre, de télécopieurs et d’ordinateursportatifs modifie notre façon de travailler. Les employés assis derrière un bureau de 9 heures à17 heures sont une espèce en voie de disparition. Ils deviennent de plus en plus mobiles àmesure que les nouvelles technologies leur permettent de se rendre chez des clients tout enrestant reliés à leur bureau et en continuant à recevoir les informations qui les concernent.Penzias prétend même que, dès lors qu’ils ne sont plus enfermés dans un bureau, les employésconsacrent moins de temps à répondre à des demandes internes et donc davantage à leursclients.

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Nous savons gré à M. Henri Alberts de l’analyse qu’il a faite de cette question.Il suffit pour s’en convaincre d’écouter la rhétorique enflammée de représentants des deux grandestendances politiques, le candidat à la présidence Pat Buchanan et le Secrétaire d’Etat au travail, RobertReich. Faire des chefs d’entreprise, dépeints comme des hommes dénués de toute sensibilité, les seulsresponsables des licenciements n’aide pas à expliquer l’évolution à laquelle nous assistons.M. Joseph Stiglitz préside le groupe des conseillers économiques de l’administration Clinton.Voir Kuttner (1996).

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5.0 RECAPITULATION DES POINTS DE VUE OPPOSES

Dans la présente section, nous récapitulerons les points de vue opposés concernantl’impact sur la société de la révolution de l’information rendue possible par l’intégration del’entreprise. Sans pour autant nier l’intérêt que peuvent présenter d’autres scénarios, nous nousattacherons à analyser les trois hypothèses suivantes :

l Les tendances actuelles se maintiennent. Ceux dont les compétences et le savoir sontappréciés sur le marché réussiront très bien dans le nouvel environnement de travailinduit par la technologie. Ceux dont les compétences sont limitées seront affectés àdes emplois moins gratifiants et probablement moins rémunérateurs.

l Les tendances actuelles s’infléchissent. Ceux dont les compétences et le savoir sontappréciés sur le marché réussiront bien, mais l’évolution sera différente pour ceux dontles compétences sont moins recherchées. En d’autres termes, un facteur ou unecombinaison de facteurs imprévus ouvriront des perspectives qui permettront à cestravailleurs de remplir des fonctions gratifiantes et mieux rémunérées, peut-être enfaisant appel à des technologies de l’information rendues plus accessibles et plusconviviales par d’autres.

l Les tendances pourraient changer d’une autre façon. Les travailleurs dont lescompétences et le savoir sont appréciés sur le marché réussiront bien, mais les autresne trouveront pas à s’employer. Les bouleversements qui en résulteront nécessiterontune intervention massive de l'Etat et la création de programmes de travaux analoguesà ceux du tiers secteur de Rifkin (1995).

5.1 Facteurs difficiles à cerner

Jasinowski (1996) a défini un grand nombre des facteurs qui rendent l’analyse difficile.Les tendances démographiques figurent parmi les principaux d’entre eux. Ainsi, l’afflux desfemmes sur le marché du travail est déjà acquis pour l’essentiel. Il en va de même pour lesnombreux membres de minorités qui ont pu s’engager dans une activité économique depuis levote de la Loi sur les droits civils. L’immigration est difficile à prévoir car elle est trèsfortement tributaire d’événements survenant hors des frontières des Etats-Unis. Prenons parexemple le cas des nombreux immigrants du Viet Nam et d’E1 Salvador. Ils fuyaient la guerreet leur arrivée ne pouvait être prédite. Les règles d’admission relatives à d’autres groupesd’immigrants sont politiques et également difficiles à prévoir. Nous reconnaissons toutefoisavec Jasinowski qu’en général les tendances démographiques vont dans le sens d’un marché dutravail plus tendu aux Etats-Unis, ce qui impliquerait une augmentation des salaires réels.

Autre facteur qui complique l’analyse : les cycles économiques. Bien qu’on puissedifficilement les prévoir, il est peu probable que la phase descendante d’un cycle ait un effetdurable sur la transition en cours dans les organisations. Une crise prenant la forme d’unedépression aurait des répercussions majeures, mais la tendance actuelle à l’intégration sepoursuivrait, même si certaines mesures devaient être reportées pour des raisons d’ordreéconomique. Les périodes d’austérité faussent les données : il est difficile de distinguer entre lestravailleurs écartés dans le cadre de réductions d’effectifs destinées à réduire les coûts et ceuxqui sont victimes de l’intégration de l’entreprise. En revanche, ils ne modifient pas les tendances

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structurelles. La théorie économique donne à penser que le processus d’intégration sepoursuivra tant que les organisations pourront améliorer leur position face à la concurrence enintégrant leurs processus grâce aux technologies de l’information.

5.2 Analyse des possibilités

Le troisième scénario constitue, selon nous, l’hypothèse la moins vraisemblable pour lesEtats-Unis. L’histoire ne donne guère raison à Rifkin. S’il est vrai que les nouvellestechnologies ont créé un lumpenprolétariat massif, il serait très difficile d’appliquer la solutionde Rifkin pour des raisons de coût, Son diagnostic et le remède qu’il propose prêtent àcontroverse (d’après les normes américaines) et l’utilisation de celui-ci risquerait fort d’êtrepolitiquement contestée.

Revenons-en aux deux autres scénarios. Moore (1996) fait remarquer qu’en procédant àdes restructurations autour d’activités essentielles, les entreprises ont tendance à sous-traiterdavantage. Les sous-traitants offrent de nombreux emplois qui ne comportent aucuneperspective d’avenir. Cette évolution semble confirmer la tendance décrite dans le cadre dupremier scénario : les travailleurs sont privés d’emplois bien rémunérés pour être affectés à destravaux moins gratifiants et moins bien payés. La première solution - le statu quo - estcependant difficile à retenir pour deux raisons. La première nous semble peu convaincante maismérite d’être mentionnée. L’histoire des inventions et de leurs applications tend à montrer queles nouvelles technologies créeront des emplois supplémentaires dans d’autres secteurs.

La deuxième raison est celle-ci : de nombreux signes montrent que de nouveaux produitsconviviaux mettant les technologies à la portée de catégories plus larges de population arriventsur le marché. Les nouvelles interfaces graphiques, dans le domaine du loisir en particulier,vont modifier l’image que le citoyen moyen se fait des technologies et des systèmesinformatiques. Internet est un exemple de technologie désormais facile d’accès et à laquelle laplupart des secteurs de la société ont largement recours. Instrument qui était initialement auservice d’organismes de recherche de pointe du secteur de la défense, il est utilisé aujourd’huipar des entreprises de toutes tailles, des établissements scolaires, des bibliothèques, desparticuliers qui s’y connectent chez eux, etc., grâce à la mise au point de produits d’un usageaisé. Même si cela reste loin d’être sûr, un nombre croissant d’indices semble montrer que lesnouvelles technologies de l’information vont devenir de plus en plus accessibles et seront à ladisposition de la plupart des citoyens pour leurs activités professionnelles et leurs loisirs.

Au risque de faire preuve d’un optimisme excessif, nous pensons que Penzias est dans levrai et que c’est le deuxième scénario qui se vérifiera. Nous ne sommes cependant pas naïfs etsavons parfaitement qu’il y aura des perdants. Les personnes non qualifiées et peu compétentesen matière de communication risquent fort de ne pas trouver d’emploi valable. Même le travailen usine exige maintenant des compétences et des savoirs appréciés sur le marché et il est peuprobable que cela change. Il faut que nous trouvions de meilleurs moyens de former cettecatégorie de travailleurs afin qu’ils puissent acquérir les compétences nécessaires pour accéderà un emploi intéressant.

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6.0 CONCLUSIONS

Dans les années 1980, une transformation radicale est intervenue dans les entreprisesmanufacturières des Etats-Unis, qui a entraîné une diminution régulière du nombre de “colsbleus”. Penzias (1995) estime que nous allons assister à une mutation tout aussi considérableen ce qui concerne les “cols blancs”. Les changements d’organisation résultant de l’intégrationde l’entreprise vont modifier pour toujours les relations structurelles. Les employés qui vérifientle travail d’autrui ou qui transmettent des données ou des informations aux interfaces desprocessus perdront leur emploi actuel.

Si l’on admet cette prémisse, les implications sociales sont évidentes, Quelles sont lesconséquences pour les travailleurs licenciés ? L’intégration de l’entreprise va-t-elle élargir lefossé entre riches et pauvres ? Nous avons soutenu ici qu’il découle de la recherche d’unavantage sur les concurrents que l’intégration de l’entreprise est inévitable. On ne peut pasprévoir les modalités précises de sa mise en oeuvre, mais il est incontestable que latransformation est en cours.

Les répercussions sur les travailleurs et les cadres licenciés ne sont pas bien comprises.L’analyse et l’argumentation politique vont d’un extrême optimisme à un profond pessimisme.Penzias (1995) incarne celui-là et Rifkin (1995) celui-ci.

Nos travaux et l’expérience que nous avons acquise dans des organisations nousconduisent à prendre parti pour Penzias. Des facteurs difficiles à cerner, comme les réactionsnormales aux cycles économiques et à d’autres pressions de la concurrence, compliquentl’analyse. C’est ainsi notamment qu’aux Etats-Unis, le passage à la phase d’intégration del’entreprise rendue possible par la technologie s’est produit pendant une période de réductionssignificatives d’effectifs. Nous distinguons nettement ces dernières et les changementsd’organisation induits par l’intégration de l’entreprise. Le nombre des employés diminuetoujours dans le premier cas et souvent dans le second mais l’intégration débouche sur uneefficacité accrue et se solde par un avantage durable sur les concurrents. La réductiond’effectifs est une façon de répondre aux pressions de la concurrence par une diminution descoûts, qui rend souvent les opérations plus rentables dans l’immédiat mais modifie peu, à terme,la position face à la concurrence.

Cette distinction est extrêmement importante pour bien comprendre nos principauxarguments. La réduction d’effectifs diminue les coûts en provoquant des départs. L’intégrationde l’entreprise change l’organisation pour obtenir un avantage sur les concurrents. Les effectifssont réduits par définition dans le premier cas, ils ne le sont pas forcément dans le second. Sil’organisation se développe, le nombre d’emplois peut augmenter au fur et à mesure que lesprocessus sont intégrés grâce aux technologies de l’information, comme c’est le cas à 1’EastmanChemical Company. Néanmoins, nos travaux font apparaître qu’une diminution est plusprobable, notamment si la fonction considérée a pour principal objet la conduite d’opérationssur papier.

Il semble bien que de nombreux travailleurs licenciés utiliseront les nouvellestechnologies de l’information dans leur nouvel emploi. Notre thèse repose sur un constat : cestechnologies sont de plus en plus accessibles aux profanes. De même que l’interface GUI arendu l’informatique plus conviviale, divers indices montrent que nous arrivons à un niveau

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plus intuitif. Comme l’a fait remarquer Penzias, “les employés au chômage trouventgénéralement un emploi plus proche des interfaces client, soit dans la même entreprise, soitdans d’autres, soit comme consultants autonomes”.

On voit d’ores et déjà que de nombreux travailleurs licenciés retrouvent des emplois plusintéressants et plus utiles. Il y a cependant des gagnants et des perdants. Ceux dont lescompétences ne sont pas appréciées du marché ne profitent pas de cette évolution. Jusqu’àprésent, les effets négatifs de celle-ci semblent toucher surtout les personnes relativement lesmoins instruites (diplôme de fin d’études secondaires ou inférieur), qui étaient généralementemployées dans l’industrie manufacturière. Bien que ce secteur offre beaucoup d’emploisnouveaux et bien rémunérés, le nombre total de postes de travail qu’il comporte diminue. Deplus, ces emplois nouveaux exigent souvent des compétences qui n’étaient pas nécessairesauparavant.

Tout en reconnaissant le bien-fondé d’une vision optimiste, il faut bien admettre que lesperspectives d’avenir des travailleurs non qualifiés ne sont guère réjouissantes. Beaucoup desnouveaux emplois requièrent des capacités accrues d’analyse et de communication. Même si lasituation peut changer, il serait déraisonnable aujourd’hui de présumer que des illettréspourront, après un recyclage, occuper ces emplois. Le problème n’est pas nouveau. Cespersonnes avaient du mal à trouver un emploi pendant l’ère de la qualité et il est peu probableque la situation s’améliore à l’avenir. II s’agit là d’un problème de société qui nécessite dessolutions nouvelles ; l’ancienne, qui consistait à maintenir un certain sous-emploi grâce à dessubsides de l'Etat crée un filet de sécurité, mais il faut trouver des formules qui débouchent surla création d’emplois durables et valables. Aucune recette ne s’impose, et les remèdes qui ontété proposés jusqu’à présent aux Etats-Unis ont suscité des controverses politiques.

Nous en revenons à notre point de départ. Le génie n’est plus dans la bouteille.L’intégration de l’entreprise va transformer les organisations dans tous les secteurs de lasociété. Comme l’a dit Dertouzos (1991), “fermer la porte au progrès technique pour éviter despièges où risque de tomber la société est incompatible avec la curiosité qui caractérise l’esprithumain”.

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