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HAL Id: dumas-00761512 https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-00761512 Submitted on 5 Dec 2012 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. La valorisation des sites naturels : entre vulgarisation des espaces de nature et communication des territoires. Élément de réflexion sur la valorisation du Domaine Public Fluvial de l’estuaire de la Gironde par le CREN Poitou-Charentes Hélène Collet To cite this version: Hélène Collet. La valorisation des sites naturels: entre vulgarisation des espaces de nature et commu- nication des territoires. Élément de réflexion sur la valorisation du Domaine Public Fluvial de l’estuaire de la Gironde par le CREN Poitou-Charentes. Sciences de l’information et de la communication. 2011. dumas-00761512

La valorisation des sites naturels: entre vulgarisation

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HAL Id: dumas-00761512https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-00761512

Submitted on 5 Dec 2012

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

La valorisation des sites naturels : entre vulgarisationdes espaces de nature et communication des territoires.

Élément de réflexion sur la valorisation du DomainePublic Fluvial de l’estuaire de la Gironde par le CREN

Poitou-CharentesHélène Collet

To cite this version:Hélène Collet. La valorisation des sites naturels : entre vulgarisation des espaces de nature et commu-nication des territoires. Élément de réflexion sur la valorisation du Domaine Public Fluvial de l’estuairede la Gironde par le CREN Poitou-Charentes. Sciences de l’information et de la communication. 2011.�dumas-00761512�

1

Université Stendhal – Grenoble 3

Institut de la Communication et des Médias

Master 2 Communication Scientifique et Technique

Conservatoire Régional des Espaces Naturels

Poitou-Charentes

LA VALORISATION DES SITES NATURELS :

ENTRE VULGARISATION DES ESPACES DE

NATURE ET COMMUNICATION DES

TERRITOIRES.

Eléments de réflexion sur la valorisation du Domaine

Public Fluvial de l’estuaire de la Gironde

par le CREN Poitou-Charentes.

Mémoire universitaire

Hélène COLLET

Année 2010 - 2011

Tuteur Pédagogique Bertrand Cabedoche

Université Stendhal – Grenoble 3

Maitre de Stage Thomas Hérault

CREN Poitou-Charentes

2

Remerciements

Je voudrais tout d’abord remercier Patricia Busserolle

directrice du CREN et l’ensemble de son équipe pour leur

accueil chaleureux au sein de la structure.

Merci à Thomas Hérault, mon maitre de stage pour m’avoir

fait découvrir ce magnifique estuaire et pour son

investissement sincère et quotidien.

Merci à Olivier et à Matthieu, aux Benjamins, pour m’avoir

supporté, aidé, déstressé et fait rire tant de fois ; à l’équipe

du CdL dont j’ai eu le plaisir de partager les journées.

Mes remerciements à mon tuteur pédagogique, M.

Cabedoche, et à M. Chicoineau qui m’ont aiguillé dans la

réalisation de ce travail universitaire.

3

Sommaire

Introduction. ............................................................................................................................. 5

I. Un point sur les concepts de lieu, d’espace, de paysage et de territoire. ............................ 8

I.1. Le lieu. ..................................................................................................................................... 8

I.2. Espaces. ................................................................................................................................... 8

I.3. Le paysage. ............................................................................................................................ 10

I.4. Territoires. ............................................................................................................................. 10

II. Le Domaine Public Fluvial géré par le CREN, espace ou territoire ? ....................... 12

II.1. Le Domaine Publique fluvial : une portion d’espace délimité ? ........................................... 13

II.2. Le Domaine Public Fluvial, une entité juridique ? ................................................................ 14

II.3. Le Domaine Public Fluvial une entité juridique appropriée par la collectivité ? .................. 15

II.3.1. Des acteurs sociaux. ...................................................................................................... 15

II.3.2. Une certaine historicité du DPF. ................................................................................... 17

II.3.3. Territoire de culture et de tradition. ............................................................................... 18

II.3.4. Territoire économique. .................................................................................................. 19

II.3.5. Un territoire marqué. ..................................................................................................... 20

II.3.6. Les conflits et les craintes : témoignages de l’appropriation du territoire. .................... 22

III. Communiquer sur un territoire : la vision des acteurs du Domaine Public Fluvial. 24

III.1. Pourquoi communiquer sur un territoire ? La vision des acteurs du DPF. ....................... 24

III.2. La Communication publique. ............................................................................................ 26

III.3. L’enquête, révélatrice d’un besoin d’information publique ? ........................................... 28

IV. La communication du CREN face aux concepts d’espace et de territoire. ............... 29

IV.1. Conservatoire des Espaces Naturels, un nom éloquent ? .................................................. 29

IV.2. Le CREN Poitou-Charentes, structure d’expertise et de concertation. ............................. 29

IV.2.1. Présentation ................................................................................................................... 29

IV.2.2. Le CREN, lieu d’expertise ............................................................................................ 30

IV.2.3. Le CREN, association dirigée en concertation .............................................................. 31

IV.2.4. Le CREN une structure en mutation.............................................................................. 31

IV.3. La communication du CREN sur le DPF .......................................................................... 32

IV.3.1. CREN Poitou-Charentes, un discours en phase avec ses actions et l’évolution de la

politique de préservation de l’environnement ? ............................................................................ 32

IV.3.2. De la vulgarisation du territoire à la communication du territoire. ............................... 34

Conclusion ............................................................................................................................... 36

4

Bibliographie ........................................................................................................................... 37

Annexes I : Evolution de l’occupation du sol en rive droite de l’estuaire de la Gironde 39

Annexe II : Article de l’Estuarien n°33, revue du Conservatoire de l’Estuaire. .............. 42

Annexe III : Article de l’Estuarien n°27, revue du Conservatoire de l’Estuaire. ............ 43

Annexe IV : Article SUD Ouest, « les oubliés du Blayais » ................................................ 44

Annexe V : Méthodologie des Entretiens. ............................................................................ 46

5

Introduction.

Dans un article paru en 2006 dans les annales de géographie, Jacques Lepart et Pascal Marty1

nous offrent une analyse des stratégies nationales de préservation de la biodiversité depuis la

fin de la seconde guerre mondiale. Ils mettent en évidence une évolution dans la conception

de l’objet à préserver, la Nature. Ils expliquent comment cette évolution a participé à

l’introduction de nouvelles préoccupations et de nouveaux acteurs dans l’action de

conservation de la biodiversité.

La protection de la nature apparait dans le paysage politique au début du XIXe siècle.

Ce terme de Nature « fait référence à un espace non aménagé et à peine fréquenté par les

hommes et ainsi mis en opposition avec les territoires humanisés »1. La nature est donc

considérée comme extérieure au monde des Hommes. Il y a là une forme d’extraterritorialité.

L’espace naturel, espace de Nature est un espace en dehors du territoire humain avec ses

enjeux économiques et sociaux.

De fait, dans un premier temps, cette protection vise à isoler des espaces naturels, « à les

mettre sous cloche » en quelque sorte. La loi édicte ou interdit alors les activités humaines sur

ces lieux. C’est sur ce principe, qu’ont été mis en place les réserves naturelles et les parcs

nationaux (avec leurs réserves intégrales et leur zone cœur, réglementée). On y soustrait les

espaces de nature aux impacts des mouvements de société.

Avec l’apparition des Parcs Naturels Régionaux (1967), on aborde une autre phase dans la

préservation de la Nature. Leurs objectifs ne sont plus centrés sur la protection. Il s’agit

surtout d’outils de développement pour les territoires ruraux. On parle alors de patrimoine

naturel plus que de Nature. Ce terme « apparait pour la première fois en droit français dans

le décret instituant les parc naturels régionaux. Il fait référence à des éléments de nature qui

peuvent être transformés par l’homme, ce qui correspond bien à la nature anthropisée à

laquelle se réfère les PNR dont l’archétype est le paysage traditionnel/culturel des

campagnes françaises. »1. Même si ce patrimoine n’est pas au centre des préoccupations des

PNR, il s’agit tout de même d’un élément à préserver car il garantit la valeur du territoire et

favorise sa promotion (notamment touristique). Il s’agit alors d’intégrer ce patrimoine naturel

dans les projets de développement local portés par les collectivités territoriales.

Au cours des années 1980, on prend conscience que l’activité humaine possède un impact

bien plus large que celui suspecté. On commence à traiter des questions de réchauffement

climatique ou de disparition d’espèces à un niveau global. Aucun espace, si naturel soit-il ne

serait alors épargné. Parallèlement à cela on se rend également compte que certains espaces

que l’on pensait naturels, se trouvent déstabilisés quand on décide de les protéger en y

excluant les activités humaines. Une prairie à orchidées, qui n’est plus fauchée, se voit peu à

peu envahie par des arbustes… On constate donc, que l’intervention humaine (et l’agriculture

en particulier) est parfois indispensable au maintien de milieux naturels tels qu’on les connait.

De l’idée de Nature et de patrimoine naturel on passe progressivement à l’idée de

Biodiversité. Cette notion est composite, elle regroupe différentes sortes de diversités :

diversité génétique, diversité d’espèces, de milieux naturels… Là où « la Nature était en

principe exclusive de l’action humaine, la biodiversité ne l’est pas. Aussi l’émergence de la

1 LEPART J., MARTY P., 2006, « Des réserves de nature aux territoires de la biodiversité, l’exemple de la France », Annales de

Géographie, n°651, Armand Colin, pages 485-507.

6

biodiversité comme figure d’intérêt général modifient les jeux d’acteurs environnementaux

qui se construisent une légitimité. »2

Les nouvelles politiques de conservation prennent d’avantage acte du lien qui existe entre

l’homme et la biodiversité. Natura 2000 en est l’illustration. Il s’agit d’un programme

européen qui vise la préservation, en réseau, de sites reconnus pour leurs habitats naturels et

leurs espèces d’intérêt communautaire dans tous les pays membres de l’Union Européenne. Il

inscrit la préservation de la biodiversité dans les territoires ruraux de proximité, de nature

« ordinaire ». L’objectif est de faire coexister sur un même territoire, la biodiversité, la

production agricole et les activités de vie quotidienne et de loisir. La mise en place de Natura

2000 en France, se fait par un système de contractualisation volontaire des propriétaires et des

agriculteurs qui acceptent d’adapter un certain nombre de pratiques, en échange de

compensations financières. Ce fonctionnement permet l’investissement de nouveaux acteurs

dans le processus de préservation de la biodiversité. Il donne notamment une place croissante

aux collectivités territoriales comme porteurs des projets. Il s’agit là d’une vision fortement

territorialisé de la préservation de la Biodiversité qui prend à la fois en compte les zones

écologiques, les divisions administratives et les stratégies d’acteurs.

Cet article au nom évocateur, « Des réserves de nature aux territoires de la biodiversité »

montre bien comment la conservation de l’environnement a acquis une dimension plus

géographique. Elle ne se fait plus dans des espaces naturels soustraits à l’influence de

l’homme mais au sein d’un territoire, et dans un souci de conciliation des différentes activités

humaines et des enjeux.

Ces constats nous poussent à nous interroger : Comment la communication, la

sensibilisation à l’environnement, s’inscrit elle dans des stratégies de préservation de la

biodiversité de plus en plus territorialisées ?

En effet le milieu naturel, le site soumis à un programme de gestion de la biodiversité, est bien

souvent au cœur du discours des structures de protection de l’environnement. De fait, il est

important de bien cerner l’objet de la communication. La zone que l’on cherche à valoriser

est-elle seulement une somme d’éléments naturels (eau, plantes, animaux, roches…) dont

l’homme est exclue ? Est-elle un territoire ou se mêlent, s’affronte et se confortent la

biodiversité et les activités humaines ? Et surtout, cela fait-il une différence dans la

communication à mettre en place ?

Dans ce document nous nous intéresserons à une action de communication engagée par le

Conservatoire Régional des Espaces Naturels de Poitou-Charentes (CREN), association de

préservation du patrimoine naturel, non militante, et dont l’activité repose sur l’expertise

scientifique et la concertation.

Cette structure est gestionnaire de 1800 ha de sites naturels sur la rive charentaise de l’estuaire

de la Gironde. La grande majorité de cette surface est occupée par les roselières, les vasières

et les prés-salés du Domaine Public Fluvial (DPF). L’association souhaite aujourd’hui,

communiquer sur son action de gestion et valoriser cette zone de près de 37 km de long.

Consciente de la nécessité de construire un projet en adéquation avec l’identité de sa structure

et le contexte local, le CREN a donc engagé, en 2011, une réflexion globale devant aboutir à

l’élaboration d’une stratégie et d’un plan de communication.

2 LEPART J., MARTY P., 2006, « Des réserves de nature aux territoires de la biodiversité, l’exemple de la France », Annales de

Géographie, n°651, Armand Colin, pages 485-507.

7

Le présent travail, composé de 4 parties, prend sa source dans cette démarche de réflexion

Il s’agira dans un premier temps de proposer un cadre conceptuel aux notions d’espace et de

territoire afin de mieux saisir l’évolution des politiques de préservation de l’environnement et

les enjeux d’une communication sur les sites naturels.

Une seconde partie sera consacrée à la définition de la nature du site à valoriser par le CREN :

le Domaine Public Fluvial de la rive charentaise de l’estuaire de la Gironde.

La troisième partie présentera la manière dont les acteurs du DPF perçoivent la

communication du territoire et comment cette vision s’inscrit dans le domaine de la

communication publique.

Enfin la dernière partie, s’attachera à mettre en miroir, l’identité actuelle et à venir du CREN

et la démarche de communication du territoire.

8

I. Un point sur les concepts de lieu, d’espace, de paysage et de

territoire.

« Promouvoir le territoire du parc naturel régional », « mettre en avant les lieux de rencontre

avec la biodiversité ordinaire», « valoriser les paysages ruraux », « communiquer sur la

préservation des espaces naturels » : autant de missions qui incombent souvent aux chargés de

communication spécialisés en environnement. Cependant avant même de se pencher sur la

signification des actions, il semble important de s’intéresser à l’objet de cette

communication : le lieu, l’espace, le territoire... Qu’est ce qui les distingue ? Qu’est ce qui les

unit ? Quels sont leur rapport à l’homme ? Et à quel point parler de ces entités géographiques,

nous ramène à parler de notre société ?

Les concepts présentés dans cette partie sont extrêmement complexes. Ils ont été l’objet de

très nombreuses études portées par des disciplines et des courants de pensée variés. Il serait

prétentieux de penser qu’ils pourraient être définis dans les quelques lignes de ce document.

L’objectif de cette partie est d’apporter les bases d’un cadrage conceptuel, inspiré de lectures

d’auteurs variés. Il n’a pas vocation à être exhaustif, et ne pourrait refléter la richesse des

questionnements et des approches portés sur ces concepts.

I.1. Le lieu.

« Le lieu apparait comme un élément essentiel de la structuration de l’espace. Il concerne un

espace réduit, mais bien défini et non sans quelque étendue : la maison, le champ, la rue, la

place… Il associe des groupes de petite dimension mais de forte cohérence : même famille,

même métier ou même fréquentation quotidienne »3

Ses délimitations sont clairement définies, ses frontières sans équivoque.

Armand Frémont dit qu’il s’agit également d’un milieu. Ce terme de milieu est fréquemment

utilisé en écologie. La roselière (ensemble dense de roseaux) en est un exemple. Tout comme

la maison est le lieu de vie d’une famille, la roselière est le lieu de vie des passereaux

paludicoles4. Milieux et habitats naturels peuvent donc être considérés comme des lieux.

I.2. Espaces.

L’espace est une notion vitale en géographie. Le mot vient du Latin spatium qui inclue l’idée

de pas. L’espace est ce qui peut être mesuré par le pas.

Dans une conception très générale, l’espace est une portion de l’étendue finie ou non. Selon

Brunet et Ferras, c’est l’ « ensemble des dimensions dans lesquelles se déroulent nos actes,

nos représentations, nos relations, nos sensations. »5. On pense aisément aux deux

dimensions des cartes géographiques, de l’espace sensible à trois dimensions d’où naissent les

volumes. Mais la géographie va plus loin elle définit l’espace selon « n » dimensions. Sous

cet angle il est difficile de le concevoir et il ne peut être représenté mais sa définition est plus

complète. « L’espace ainsi s’emploie dans des sens très abstraits, qui n’ont aucune dimension

3 FREMONT A., 1999, « La région, espace vécu [2ème éd] », Paris, Flammarion, p 143-145.

4 Famille d’oiseaux qui vivent dans les marécages, marais, roselières

5 BRUNET R., FERRAS R., THERY H., 1992, « Les Mots de la géographie, dictionnaire critique », Montpellier-Paris : RECLUS - La

Documentation Française, 470p

9

physique, mais appartiennent au monde des « dimensions de la connaissance et de la

sensation : espace social, espace économique, espace de réflexion, espace de liberté. »6

Un espace géographique (à dissocier de L’espace géographique) est une portion définie et

arbitrairement délimitée de la surface terrestre. Selon la personne qui parle et le contexte, cela

peut être un coin, un canton, une région. Il peut être unifié, éclaté. Ses limites peuvent êtres

floues. Selon le philosophe Kant, il n’y a pas d’espace s’il n’y a pas d’homme. L’espace n’est

qu’un construit idéel de l’individu et de la société. Sa définition est donc variable par essence.

« L’espace géographique, est l’étendue terrestre utilisée et aménagée par les sociétés en vue

de leur reproduction –au sens large : non seulement pour se nourrir et s’abriter mais dans

toute la complexité des actes sociaux. Il comprend l’ensemble des lieux et de leurs relations.

C’est l’espace qu’étudient les géographes. »6. Cet espace est le milieu de l’activité sociale. Il

met en jeu des acteurs qui peuvent être : des individus, des groupes d’individus, des

entreprises, des collectivités territoriales… Il est régi par un certain nombre de lois et de

règles d’organisation universelles mais qui s’expriment différemment selon les systèmes

sociaux (gravitation, distance, agrégation…). « On peut y reconnaitre cinq usages ou type

d’action, fondamentaux : appropriation, exploitation (ou mise en valeur), habitation (ou

mieux habitat), échange (ou communication), gestion. »6. L’espace géographique peut être

découpé en une série d’espaces : l’espace produit, l’espace perçu et représenté, l’espace vécu,

l’espace social.

- « Par espace produit (sous-entendu de l’action sociale), il faut entendre les paysages,

les territoires (de la localité, de la région, de la nation, etc.) les voies de

communication terrestres construites, ou les voies d’eau endiguées, canalisées. Ce

sont aussi les champs, les bureaux, les usines, les ports, les lignes (bien

qu’immatérielles) maritimes ou aériennes, la forêt, la montagne, tous les lieux réputés

naturels, mais conservés et entretenus ou simplement mythiques. »7. Il peut désigner

des choses très concrètes (chemins, port…) mais aussi des représentations

immatérielles comme le territoire. L’espace produit est donc un édifice social

physique ou symbolique.

- L’espace perçu et représenté : « Si l’on veut bien revenir aux formulations de Kant,

il n’existe pas d’espace géographique en dehors des perceptions et des

représentations humaines. […] Nous n’avons affaire qu’à des représentations du réel,

plus ou moins déformées par les filtres individuels et sociaux. »7. De nombreux

territoires administratifs tels que la région se révèlent être de pures représentations de

géographes. - Espace de vie et espace vécu : Ces deux notions sont étroitement liées. « L’espace de

vie se confond pour chaque individu avec l’aire de ses pratiques spatiales. Il

correspond à l’espace fréquenté et parcouru par chacun avec un minimum de

régularité. »7. Il implique une expérience concrète des lieux. « dans la mesure où toute

pratique humaine comporte sa dimension imaginaire, l’espace de vie, en tant

qu’étendue où se déplacent les Hommes, n’échappe pas aux représentations qu’ils s’en

font. Déformé de la sorte, il devient un espace vécu. » 7

. L’espace vécu est donc une

construction fondée sur la connaissance empirique de l’espace de vie et modifiée par

un certain nombre d’images, d’idées, de rêves.

6 BRUNET R., FERRAS R., THERY H., 1992, « Les Mots de la géographie, dictionnaire critique », Montpellier-Paris : RECLUS - La

Documentation Française, 470p 7 DI MEO G., 1998, « Géographie sociale et territoire », Paris, Nathan Université, p27-35.

10

- L’espace social : « Pour les géographes, l’espace social correspond à l’imbrication

des lieux et des rapports sociaux, ce que Armand Frémont appelé « l’ensemble des

interrelations sociales spatialisées »8. L’espace peut être constitué d’un seul ensemble

compact, ou d’aires dispersées et reliées entre elle, en réseau. Derrière cette notion

d’espace social se découpe l’idée de rapports sociaux, de jeux de pouvoirs et des

tensions qui animent l’étendue spatiale.

Et l’espace naturel ?

L’espace naturel peut être défini comme un espace de nature, peu aménagé et à peine

fréquenté. Or on note une possible antinomie entre le terme d’ « espace » et celui de

« naturel » qui intrinsèquement, exclue l’Homme. En effet l’espace ne peut être que social, et

ses lois ont des logiques sociales. « Comme le souligne Kant, l’espace ne se définit que du

point de vue des personnes et des groupes, qui s’y situent. Il n’y a pas d’espace naturel, mais

des ensembles d’éléments physiques de l’espace géographique. Certes, l’absence des hommes

n’empêchait pas la Terre et l’Univers d’être ; mais ils n’existaient pas comme « espace ».9

I.3. Le paysage.

Le mot paysage appartient au vocabulaire courant, quasi quotidien. Or ce serait un piège de

considérer le paysage comme un objet défini, dont la notion ferait l’unanimité. Il s’agit en

réalité d’un concept flou, aux définitions diverses. « Malgré la diversité des approches,

quelques paramètres, semblent acceptés par tous les spécialistes. Le paysage n’existe qu’en

fonction d’un observateur »10

). Le paysage est l’apparence locale de l’espace géographique

lorsqu’il est regardé. « Le paysage est inévitablement constitué d’éléments concrets, objectifs,

subis, modifiés ou construits par l’homme : formes de relief, couverture végétale, ambiance

climatique, structure agraire, habitat, infrastructure… Leur combinaison, pour devenir

paysage doit passer par le filtre du regard humain… »10

.

I.4. Territoires.

Le territoire est un terme couramment employé dans le langage quotidien, mais également

dans le domaine des sciences humaines et sociales et des sciences de la nature. Cependant son

usage est assez problématique en raison des incertitudes de sens qu’il exprime.

En effet il s’agit d’un terme polysémique dont la définition n’a de cesse de varier en fonction

de l’époque considérée et de l’angle d’approche.

Les fondations de cette notion de territoire remonteraient à la Révolution française. Il

s’agissait d’une construction juridique, découlant des rouages administratifs de l’État-nation

en formation. « Comme notion juridique, le territoire renvoie donc en fait à l’existence de

l’État, dont la légitimité se mesure en grande partie à sa capacité à garantir l’intégrité

territoriale… » 11

. En tant qu’entité juridique, le territoire est donc une portion d’espace sous

l’autorité d’un groupe, d’un État, d’une juridiction. 8 DI MEO G., 1998, « Géographie sociale et territoire », Paris, Nathan Université, p27-35.

9 BRUNET R., FERRAS R., THERY H., 1992, « Les Mots de la géographie, dictionnaire critique », Montpellier-Paris : RECLUS - La

Documentation Française, 470p

10 Becker M., 1996, « Paysage perçu, paysage vécu, paysage planifié. Le cas de Belle-Ile-en-Mer, Norois n°170, p407-41

11 BRUNET R., FERRAS R., THERY H., 1992, « Les Mots de la géographie, dictionnaire critique », Montpellier-Paris : RECLUS - La

Documentation Française, 470p

11

Les régions apparaissent en 1972. Ce sont des secteurs qui s’inscrivent dans une démarche

volontariste de l’état pour le développement économique et le progrès technique. Il s’agit d’un

‘régionalisme fonctionnel’. Parallèlement à cette nouvelles politique d’aménagement du

territoire national, se met en place dans les années 1970, la lignée d’une « géographie

humaniste ». Armand Frémont va initier la théorie de l’espace vécu. Il affirme que « les

espaces sont vécus, imaginés, phantasmés par ceux qui y habitent (au quotidien). De ce point

de vue, la « région » ne peut se réduire à une entité strictement économique parmi

d’autres.»12

. La région, comme tout autre entité administrative définie juridiquement, est un

espace où les individus vivent et mènent leurs activités. Le secteur administratif, une fois

défini et établi comme toile de vie pour l’Homme est forcément rattaché à un ensemble de

phantasmes, de savoirs et tout un imaginaire personnel ou collectif : il devient un espace vécu.

Le territoire est-il pour autant synonyme d’espace vécu ? Dans leur dictionnaire critique,

Brunet et Théry, définissent le territoire comme un « espace approprié, avec sentiment ou

conscience de son appropriation ». Par rapport à l’espace vécu, « il faut quelque chose de

plus, et d’abord les sentiments d’appartenance (je suis de là), et d’appropriation (c’est à moi,

c’est ma terre, ou mon domaine). »13

.

Une des définitions présentée, synthétise bien les différentes facettes de cette notion : « La

notion de territoire est donc à la fois juridique, sociale et culturelle, et même affective. Le

territoire implique toujours une appropriation de l’espace : il est autre chose que l’espace. Le

territoire ne réduit pas à une entité juridique (certaines ne donnent pas naissance à un

sentiment d’identité collective) ; il ne peut pas non plus être assimilé à une série d’espaces

vécus, sans existence politique ou administrative reconnue… ».

Le territoire peut également être considéré dans une dimension plus biologique. En écologie

le territoire est un espace de vie des espèces animales ou végétales (il est proche de la notion

d’habitat, ou de milieu).

En éthologie, le territoire peut être définit comme une « étendue dont un individu ou une

famille d’animaux se réserve l’usage »14

. Certaines espèces marquent et défendent leur

territoire de vie. Elles ont développé une forme d’attachement à une portion d’espace et cette

appropriation se traduit par des mouvements d’agressivité à l’égard des individus qui tentent

d’y pénétrer.

Comme nous venons de le voir le « site naturel », objet de communication, peut correspondre

à diverses notions, de nature, d’échelles et de niveaux d’interaction à l’homme très différents.

Il semble donc important de s’interroger sur la nature de l’élément à valoriser afin de mieux

saisir les enjeux de la communication à mettre en place.

Dans le cadre du projet d’élaboration de la stratégie de communication du CREN au niveau de

l’estuaire de la Gironde, il convient donc de considérer la nature du Domaine Publique Fluvial

géré par l’association.

12 RAOUL B., 2003, « Le développement des territoires au miroir de la communication : une problématique en perspective », Etudes de

communication [en ligne], n°26, disponible en ligne : http://edc.revues.org/index101.html.

13 BRUNET R., FERRAS R., THERY H., 1992, « Les Mots de la géographie, dictionnaire critique », Montpellier-Paris : RECLUS - La

Documentation Française, 470p

14

Dictionnaire Larousse en ligne : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/territoire/77470

12

II. Le Domaine Public Fluvial géré par le CREN, espace ou territoire ?

Ouvert sur la façade atlantique, l’estuaire de la Gironde est né de la rencontre de la Garonne et

de la Dordogne. Ses 625 km² de superficie, à marée haute, font de lui le plus vaste estuaire

d’Europe occidentale. Il est également considéré comme l’estuaire le plus « naturel » de

France, malgré la présence d’activités industrielles (raffinerie de Pauillac et du Bec d’ambes),

portuaires (port sablier du Barzan, port du Verdon…) et la centrale nucléaire du Blayais.

De part et d’autre de l’estuaire ce sont deux régions mais aussi deux départements qui se font

face. En effet l’estuaire recouvre les départements de Charente-Maritime (au nord-ouest) et de

la Gironde (au nord-est et au sud) mais également les régions Poitou-Charentes et Aquitaine.

Il peut ainsi être perçu comme une unité géographique mais également comme une fracture

entre deux rives et différentes entités géographiques.

Lieu de rencontre entre les eaux salées de l’océan et les eaux douces venues des terres,

l’estuaire de la Gironde et ses rives représentent des milieux de transition, d’une grande

richesse naturelle (milieux variés, nombreuses espèces, maillon clé dans les migrations

d’oiseaux, de poissons…) et paysagère.

Depuis 2008, une bande littorale de 37 km de long sur quelques centaines de mètres de large,

située en rive droite de l’estuaire, a été affectée au Conservatoire de l’Espace Littoral et des

Rivages Lacustres (CdL) : il s’agit de la partie charentaise du Domaine Public Fluvial de

l’estuaire de la Gironde. Cet ensemble est composé quasi-exclusivement de roselières

(ensemble de roseaux), de vase et de prés-salés. Sa gestion (étude, aménagement, conciliation

des usages…) est assurée par le Conservatoire Régional des Espaces Naturels de Poitou-

Charentes (CREN), dans le cadre d’une convention de partenariat signée avec le CdL.

Afin d’orienter note réflexion sur la nature du Domaine Public Fluvial géré par le CREN,

nous nous baserons sur le travail de deux auteurs.

Dans la préface de son ouvrage, « La région espace vécu », paru en 1999, Armand Frémont

cherche à dissocier le territoire de l’espace vécu. Il nous donne ainsi une définition du

territoire très structurée :

« D’abords de sens commun (une portion d’espace), le territoire est devenu une entité

juridique (une portion d’espace sous l’autorité d’un groupe, d’un État, d’une juridiction),

puis, et de plus en plus, une notion globale, juridique, économique, sociale, culturelle,

traduisant une appropriation par une collectivité sur un espace auquel elle s’identifie peu ou

prou. »15

.

On note bien, dans cette déclinaison historique du territoire, les différents éléments se sa

constitution : portion d’espace, entité juridique, existence économique, sociale, culturelle,

appropriation par une collectivité.

Dans un autre article « Incertitude des territoires : approche conceptuelle » paru en 1997,

Bernard Lamizet met en avant l’idée que le territoire est la médiation politique de l’espace et

qu’il est structuré par trois notions complémentaires : les concepts d’historicité, de frontière et

de nom de lieu.

En effet un territoire s’ancre dans la durée. C’est l’ancrage d’un peuple, d’un groupe

d’individus sur un laps de temps important qui fait de l’espace un territoire.

15 FREMONT A., 1999, « La région, espace vécu [2ème éd] », Paris, Flammarion, p 143-145.

13

« Le frontière définit le territoire par la relation de différenciation qu’elle établit, en un temps

donné, entre deux sociétés distinctes ou entre deux domaines distincts d’appartenance

sociale » 16

.

Le nom de lieu, quant à lui donne une consistance symbolique au territoire. Il met en évidence

une forme de reconnaissance, voire d’appropriation des sujets, qui se traduit dans leurs

discours et échanges communicationnel par cette dénomination.

II.1. Le Domaine Publique fluvial : une portion d’espace délimité ?

Si on considère l’estuaire de la Gironde comme un espace, alors la partie littorale du domaine

public fluvial est une « portion d’espace ». Mais pour autant cette portion d’espace possède-t-

elle bien des limites, des frontières ?

Le domaine public fluvial (DPF) est constitué de la partie constamment en eau du fleuve

Gironde mais aussi d’une bande littorale présente de part et d’autre du lit du fleuve. Cette

bande parfois appelée zone intertidale ou estran possède la particularité d’être soumise aux

marées. Elle est découverte à marée basse, et couverte d’une lame d’eau à marée haute et

surtout lors des grandes marées.

______________________________________________________________________________

______________________________________________________________________________

La limite du DPF sur la terre est donc délimitée par le plus haut niveau de recouvrement des

eaux, lors des plus grandes marées. C’est une ordonnance de Colbert, datant d’août 1681 qui

16 FREMONT A., 1999, « La région, espace vécu [2ème éd] », Paris, Flammarion, p 143-145.

Coupe schématique représentant les trois grandes parties du littoral et situant la zone de DPF gérée par le CREN.

HM = niveau de haute mer, BM = niveau de basse mer. H.C.

14

délimite cette zone à « tout ce que la mer couvre et découvre pendant les nouvelles et pleines

lunes et jusqu’où le plus grand flot de mars peut s’étendre sur les grèves »17

.

Même si cette portion d’espace est délimitée d’un point de vue juridique ses frontières sont

floues car mobiles. Elles sont définies par un phénomène naturel variable et complexe : les

marées. De plus, le DPF doit actuellement faire face à des mutations et des menaces

d’origines naturelles et anthropiques. Les berges du fleuve ont tendance à s’éroder, réduisant

ainsi la surface de vasière, roselière et prés salés. Le niveau de l’océan est en train de s’élever.

Selon le GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’évolution du Climat), cela se

traduirait en une variation positive de 4.5 cm à 20 cm d’ici 2040. Cette élévation du niveau de

la mer devrait avoir un impact sur les limites du DPF.

Peut-on alors réellement dire que le DPF est une portion d’espace délimité ?

Au-delà de ces limites, il existe d’autres éléments qui bornent le Domaine Public Fluvial. Il

s’agit tout d’abord des falaises qui en certains endroits font obstacle à l’étalement de l’eau du

fleuve. On note également la présence, le long de l’estuaire de la Gironde, de plus 200 km de

digues18

. En effet, pour se protéger des « colères de l’océan » l’homme a fait le choix de

construire des digues derrière lesquelles il a installé son habitation ou ses activités.

Aujourd’hui ces digues marquent souvent la limite du DPF et contraignent ces espaces

naturels.

II.2. Le Domaine Public Fluvial, une entité juridique ?

Avant 2008, la totalité du domaine public fluvial de l’estuaire, propriété de l’État, était gérée

par le Port Autonome de Bordeaux. En 2008, le Conservatoire du Littoral s’est vu affecter la

zone littorale du DPF sur le département de Charente-Maritime. Cet espace représente une

bande de 36 km de long, attenante à 13 communes, une communauté d’agglomération et une

communauté de commune.

Le Domaine Public Fluvial peut représenter une forme d’extraterritorialité dans la mesure où

il n’appartient au territoire d’aucune entité administrative. Il n’est pas une portion des

territoires communaux riverains. Il n’est intégré à aucune collectivité territoriale.

Il s’agit d’une entité juridique à part. C’est un espace public, portion du territoire national et

placé sous l’autorité d’un établissement public d’état : Le Conservatoire du Littoral.

17 LEGUE-DUPONT P, 1994, « L’huitre de Marennes. Entre domaine public et espaces privés », Etudes rurales, n°133-134, p.137-147.

18 Diagnostic du SAGE estuaire de la Gironde - SMIDDEST - EAUCEA - 2007-09-24 disponible en ligne sur http://www.sage-estuaire-

gironde.org/site/documents.php

15

Le Conservatoire du Littoral, dont le nom officiel est le

Conservatoire de l’Espace Littoral et des Rivages Lacustres est un

établissement public à caractère administratif créé en 1975. Il mène

une politique d’acquisition foncière visant à la protection définitive

des espaces naturels et des paysages sur les rivages maritimes et

lacustres français. Il intervient également dans les communes

riveraines des estuaires, des deltas et des lacs de plus de1000 ha. La

gestion des sites acquis est décentralisée et confiée à des

collectivités territoriales, des établissements publics ou des associations.

Son budget annuel est de 38 millions d’euros issus de la taxe de francisation des navires.

Le siège national est situé à Rochefort. Il existe 10 délégations, dont la délégation Pays de la

Loire/Poitou-Charentes, basée à Rochefort également.

Cette délégation est propriétaire de 265 ha de terrains sur la rive nord de l’estuaire de la

Gironde depuis 2000 et affectataire du Domaine Public Fluvial sur la partie charentaise de

cette même rive, depuis 2008.

II.3. Le Domaine Public Fluvial une entité juridique appropriée par la

collectivité ?

II.3.1. Des acteurs sociaux.

Bernard Lamizet, avance dans son article que « l’appropriation de l’espace construit des

acteurs sociaux. »19

, c’est-à-dire des groupes d’individus organisés et reconnus par d’autres

acteurs de la société civile. « Le premier moment où l’appropriation de l’espace constitue ce

dernier comme médiation politique est le moment où ce ne sont plus les personnes qui

s’approprient l’espace mais des acteurs sociaux. ». L’espace devient territoire, lorsque les

individus ne se l’approprient plus par besoin (personnel) mais par droit ou par devoir, et au

nom d’une légitimité offerte par leur statut de membre d’un groupe, d’une collectivité, d’un

peuple.

Il est possible d’identifier une cinquantaine de structures dont le domaine d’action est lié aux

questions d’environnement et de cadre de vie sur le littoral charentais de l’estuaire de la

Gironde. Toutes ces structures ne possèdent pas leur activité centrée sur cet espace mais tous

s’y investissent à des niveaux et des échelles différentes.

On note :

- Diverses collectivités locales : 13 communes, 1 communauté de communes et 1

communauté d’agglomération, 1 conseil général et 1 région.

- Des professionnels du monde agricole: 14 agriculteurs exploitent les territoires gérés

par le CREN en tant que prairie naturelle, pour la fauche ou le pâturage. Ce sont

principalement des éleveurs. Certains d’entre eux se sont rassemblés pour monter une

association nommée « les moutonniers de l’estuaire ».

19 LAMIZET B., 1997, « Incertitudes des territoires : approche conceptuelle ». Quaderni, n°34, p57-68.

16

- Des acteurs des activités de loisir (chasse, pêche…) : Les pêcheurs au carrelet sont

rassemblés en association, de même que les chasseurs. L’Association Saintongeaise

des Chasseurs aux Gibiers d’Eau (ASCGE) gère la location de 144 tonnes de chasse

(affut de chasse face à une mare) sur le DPF de Charente-Maritime.

- Des acteurs du tourisme : Le tourisme qui est présent au niveau du DPF est plutôt un

tourisme de nature, tourné vers l’estuaire et l’ornithologie (pôles nature du conseil

général de Charente-Maritime). En 2006 on note 9 campings le long de l’estuaire, des

activités de promenade à cheval ou à dos d’âne, des offres de navigation de plaisance

(port de Mortagne…). Enfin, le Conseil Général de Charente Maritime a développé un

certain nombre de voies vertes sur le territoire et est actuellement en train de mettre en

place un chemin de randonnée pédestre en bordure de l’estuaire. L’objectif est de

relier les pôles nature de Saint-Georges-de-Didonne et de Vitrezay (en limite avec le

conseil général de la Gironde).

- Des structures d’étude et de protection de la nature : Au niveau du DPF de Charente-

Maritime outre le Conservatoire du Littoral et le CREN on trouve d’autres structures

tournées vers l’étude et la protection de la nature : associations (OBIOS, Biosphère

Environnement…), laboratoires de recherche (Cemagref de Bordeaux, Université de la

Rochelle, Muséum National d’Histoire Naturelle…).

17

II.3.2. Une certaine historicité du DPF.

Il est possible de retracer une partie de l’histoire du DPF, et notamment de l’occupation du

sol.

Le service de l’inventaire du patrimoine culturel de la Région Poitou-Charentes a étudié cette

facette de l’histoire de l’estuaire. Il a comparé les données d’occupation du sol sur la rive

droite de l’estuaire de la Gironde (de l’embouchure à Saint-Bonnet-sur-Gironde) à trois

période différentes : de 1720 à 2010.

Les trois cartes situées en annexe I illustrent cette évolution.

Dans la première moitié du 18ème

siècle, l’estran en rive droite de l’estuaire de la Gironde à

déjà été aménagé par l’homme. On note une présence importante de marais desséchés, au

niveau de Saint-Bonnet-sur-Gironde notamment. Ces derniers sont nés d’un comblement des

anciens prés salés, ou marais mouillés, par des dépôts naturels de sédiments et des actions de

drainages débutés au 17ème

siècle. On y fait de la culture et de la fauche. Des portions de

marais mouillés sont également présents. Ils sont favorables aux activités de vaine pâture, de

chasse et de pêche.

Au milieu du 19ème

siècle, du fait du manque d’entretien des canaux et des terres basses, on

note une régression des marais desséchés au profit de marais mouillés. Ce délaissement est lié

à l’expansion de la viticulture dans les communes riveraines, qui donne un nouvel élan

économique au territoire. Les marais mouillés bien qu’ils soient inondables sont largement

exploités. On note également l’apparition de zones sablonneuses entre Meschers-sur-Gironde

et Mortagne-sur-Gironde et un envasement du trait de côte dans la partie du DPF au Sud de

cette zone.

Au début du 21ème

siècle la rive droite de l’estuaire a encore clairement changé de facies. On

note l’apparition d’une importante zone de vasière au Sud de Mescher. La vase s’étend

également vers le sud en une bande qui s’est élargie au fil des années. Le découpage est plus

net et plus marqué entre les zones de marais mouillés (qui corresponde au zonage juridique du

Domaine Public Fluvial actuel), pâturées par endroit ; et les marais desséchés à vocation

agricole (polders de la partie Sud).

Le conservatoire de l’estuaire, association d’information, de sensibilisation et d’échange

autour du patrimoine estuarien, se penche également régulièrement sur l’histoire de l’estran.

On rencontre dans son bulletin d’information des articles traitant de l’aménagement des ports

sous la monarchie de juillet et le second empire (cf. Annexe II), du braconnage dans les

marais avant les années 1950 (cf. Annexe III)…

Ces initiatives et les documents produit mettent en évidence l’existence d’une histoire du

territoire, que certains tentent aujourd’hui de retracer et dans une volonté de transmission.

18

II.3.3. Territoire de culture et de tradition.

Le Domaine Public Fluvial est également un espace marqué par une certaine forme de culture

et de traditions. Parmi ces dernières on trouve la pêche au carrelet, la chasse à la tonne et dans

une moindre mesure la pêche à pied.

Le carrelet est un abri sur pilotis, perché au-

dessus de l’estran et souvent relié à une falaise par

un ponton de bois. Il est muni d’un filet carré

tendu sur un cadre et suspendu au moyen d’un

treuil. Lors de la pêche, le filet est descendu et

immergé quelques minutes avant d’être relevé,

capturant au passage les petits poissons venus s’y

aventurer.

Il serait apparu sous sa forme actuelle vers la fin

du XIXème siècle et constitue aujourd’hui un

élément clé du paysage de l’estuaire de la

Gironde.

La tempête de 1999, qui a détruit quasiment la

totalité des carrelets, aurait pu sonner la fin de

cette activité. Cependant, malgré le cout élevé de

la construction (12 000€ en moyenne), la grande

majorité des installations a été restaurée, ce qui

illustre bien leur importance dans le maintien de

l’identité, culturelle et paysagère du territoire.

Dans un article paru en 2003, dans le magazine Sociétés contemporaines, C. PAPINOT, traite

de l’importance de la pêche à pied dans le Nord du Finistère. Il montre comment cette

coutume contribue à construire de l’autochtonie chez les individus qui la pratiquent. Le

potentiel d’identification locale de cette activité est tel, qu’il a poussé l’auteur, à proposer

l’hypothèse que la pêche à pied est aujourd’hui érigée en patrimoine culturel.20

Sur le DPF de

l’estuaire de la Gironde, la pêche à pied ne possède pas cette même importance. Elle est de

moins en moins pratiquée même si le ramassage des coquillages reste une activité courante

malgré les interdictions et les mises en gardes sanitaires.

Cependant, il est possible de penser qu’un tel phénomène de patrimonialisation culturelle

existe pour la pêche au carrelet. Le carrelet est un lieu de vie, et de sociabilité. On s’y rend

pour y trouver la tranquillité, pour passer un moment en famille. La technique de pêche

comme le carrelet lui-même tend à se transmettre de génération en génération.

20 PAPINIOT C., 2003, « Requalification du littoral et conflits d’usage ‘estran-environnement et l’estran-territoire », Sociétés

contemporaines, n°52, p105-121.

Série de carrelets au sud de Talmont-sur-Gironde,

CREN

19

En Charente-Maritime, la chasse à la

tonne est une autre activité de loisir

qui revendique un caractère

traditionnel. En effet la chasse au

gibier d’eau est une pratique

ancestrale qui s’exerce dans les

lagunes littorales et sur le DPF depuis

plusieurs décennies. Cependant, les

chasseurs n’ont recourt à l’utilisation

d’un affut que depuis 30 ou 40 ans.

Peut-ont ainsi affirmer que la chasse à

la tonne fait partie du patrimoine

culturel du DPF ?

L’intérêt et le soin qui est porté à

l’aménagement et à l’entretien des affuts et des mares, témoignage de l’attachement des

chasseurs à cette pratique. Certaines structures comme le conservatoire de l’estuaire,

organisent durant l’été des visites guidées de tonnes de chasse, leur offrant ainsi un statut

proche de celui de patrimoine bâti. La fédération de chasse se place quant à elle dans une

démarche de promotion et de transmission de la pratique. Il a mis en place une « tonne

pédagogique » non loin de la commune de Saint-Romain-sur-Gironde.

Si ces éléments ne constituent pas forcement des preuves du caractère patrimonial de la

chasse à la tonne, ils témoignent en tout cas d’une volonté de mise en valeur et d’une

recherche de reconnaissance de la part des chasseurs et d’autres acteurs. L’enjeu serait ainsi

d’acquérir une certaine légitimité, garante du maintien de l’activité.

II.3.4. Territoire économique.

L’agriculture est la seule activité professionnelle exercée directement sur le Domaine Public

Fluvial. Cette activité concerne quatorze agriculteurs qui ont conclu une Autorisation

d’Occupation Temporaire avec le Conservatoire du Littoral (location des terrains selon un

cahier des charges précis).

Depuis six ans, cinq agriculteurs de Charente-Maritime et de Gironde se sont regroupés pour

créer l’association des moutonniers de l’estuaire. Le but était de promouvoir une marque

déposée, « agneau de l’estuaire » tout en maintenant des prairies humides pour que d’autres

éleveurs puissent s’installer. Tous les éleveurs fonctionnent en vente directe. Un cahier des

charges « moutonniers de l’estuaire » a été créé. Il impose aux éleveurs d’être résident de

communes proches de l’estuaire. Il vise ainsi le maintien d’un dynamisme économique mais

aussi social au niveau local.

Une autre activité économique est étroitement liée au Domaine Public Fluvial. Il s’agit de

l’activité touristique. Le tourisme balnéaire est assez peu développé. Au-delà des petites

plages de Mescher-sur-Gironde et Saint-Georges-de-Didonne, la cote se prête assez mal à la

baignade. Le DPF est plutôt concerné par un tourisme vert en plein expansion. Le

département a commencé la réalisation d’un sentier littoral reliant les deux pôles nature, soit

du Parc de l’estuaire (Saint-Georges-de-Didonne) au pôle nature de Vitrezay. La beauté des

paysages de l’estuaire et la richesse ornithologique constituent selon une animatrice au Parc

Photographie d’une tonne de chasse soigneusement dissimulée, CREN.

20

de l’Estuaire, l’atout majeur de cette partie de la rive Charentaise de l’estuaire. Elle précise

qu’elle oriente de plus en plus souvent des personnes en recherche d’espaces de nature et

d’observations naturalistes vers Mortagne sur Gironde et la lagune de l’ancien polder agricole

(Entretien réalisé le 06/04/2011). Cette demande d’information sur les marais, ses richesses et

les pratiques humaines qui y sont livrées (chasse, pêche) est également évoquée par la salariée

de l’Office du Tourisme de Mortagne sur Gironde et sa présidente (entretien réalisé le

03/06/2011).

Enfin on peut préciser que la chasse à la tonne fait l’objet d’une certaine forme d’économie

souterraine. Les affuts de chasse étant semble-t-il couramment sous-loués, pour des sommes

importantes (autours de 200€ la nuit) et cela à l’encontre de la législation actuelle.

II.3.5. Un territoire marqué.

Au premier regard le Domaine Public Fluvial à l’apparence d’une nature vierge, sur laquelle

l’activité humaine n’a pas de prise.

Mais si on prend de l’altitude, ou qu’on s’enfonce au cœur de la roselière, on se rend vite

compte que l’homme y a laissé les marques de sa domestication.

Roselière et prés-salés sur le DPF, l’impression d’une nature vierge…, CREN

21

Dans un article sur l’estran-environnement, estran-territoire, Christian Papinot affirme

qu’ « un degré supplémentaire dans l’appropriation consiste à domestiquer l’espace collectif

et sauvage » 21

.

La forme la plus flagrante de l’appropriation du DPF par l’homme, est l’aménagement de

polders agricoles. C’est au Moyen Age, à l’époque des grands défrichements, des XIème et

XIIème siècles, que la plupart des conquêtes sur la mer ont été faites au moyen

d’endiguement. Sur la rive droite de l’estuaire la dernière vague de poldérisation à eut lieu de

1963 à 1973, au niveau des communes de Chenac-Saint-Seurin-d’Uzet, de Mortagne-sur-

Gironde et de Saint-Romain. Aujourd’hui ces polders n’appartiennent plus à proprement parlé

du DPF, car ils ne sont plus sous influence des marées. Cependant ils témoignent avec vigueur

d’une appropriation passée de cette zone littorale.

Sur la zone actuelle du Domaine Public Fluvial, on note également de nombreuses traces

visibles de l’appropriation de l’espace par l’homme. Des mares de tonnes aux contours

soigneusement entretenus ponctuent la zone la plus au sud du DPF. Des chemins sillonnent la

roselière, reliant entre elle ces installations cynégétiques. Se sont souvent d’étroits linéaires de

planches qui permettent de circuler plus facilement au-dessus des vases. Mais parfois des

travaux de plus grande ampleur sont lancés. En mai 2011, par exemple, un chasseur a sarclé

une longue bande sur 40 mètres de large, pour se construire un petit chemin surélevé, et

atteindre ainsi sa tonne de chasse sans se mouiller les bottes. Ces travaux ont été réalisés sans

les autorisations nécessaires et illustrent bien la tendance de certains usagers à s’approprier cet

espace pourtant public selon des modalités privées.

Ces installations (tonnes de chasse, chemins piétonniers, aménagements touristiques…) sur

l’espace révèle le statut intermédiaire, hybride de l’estran : ni sauvage, ni domestique, mi-

21 PAPINIOT C., 2003, « Requalification du littoral et conflits d’usage ‘estran-environnement et l’estran-territoire », Sociétés

contemporaines, n°52, p105-121.

Trace d’une

ancienne digue

Polder agricole

Mare de tonne

Chemin d’accès

Sur cette photographie aérienne du DPF, on constate aisément les multiples traces de l’activité humaine, marques de

l’appropriation physique du territoire, CREN

22

sauvage, mi-domestique. Les modifications qui y sont apportées concourent à en faire un

univers presque familier : une forme d’espace sauvage socialisé.

Cet espace qui ne semble appartenir à personne (car public) est de fait, parfois soumis à des

pratiques incontrôlées de la part des riverains. Il est fréquent, selon Thomas Hérault, Chargé

d’étude du CREN en charge de l’estuaire, que des individus viennent décharger leur brouette

de graviers en bordure du DPF sans se soucier de l’impact de cette pratique, lorsqu’elle est

répétée. Le DPF devient le prolongement du jardin particulier.

II.3.6. Les conflits et les craintes : témoignages de l’appropriation du territoire.

Dans l’introduction de son article « conflit et territorialisation » (2006), Marc Mormont

explique que « les conflits dans l’espace rural semblent se multiplier. Ces conflits sont à la

fois des conflits entre usagers de l’espace rural, mais ce sont aussi des conflits entre usagers

ou habitants et politiques publiques notamment à propos de décisions d’implantations

d’équipements ou d’infrastructures ou encore à propos de programme d’action publiques»22

.

Lorsqu’on s’intéresse au Domaine Public Fluvial en rive droite de la Gironde, émergent assez

rapidement deux types de conflits proches de ceux décrit par Marc Mormont : conflit entre

usagers et conflit usagers-politiques publiques.

Dans une partie du DPF, les chasseurs et les éleveurs occupent un même espace durant les

mois de mai et juin. Cette cohabitation est difficile et source de tensions et de conflits. Les

chasseurs reprochent aux agriculteurs de laisser pâturer les bêtes trop longtemps, ce qui

entrainerait un certain nombre de dommage sur les installations cynégétiques. Selon eux les

bestiaux se réfugieraient sur les digues et les tonnes de chasse, pour se mettre au sec lors des

plus hautes marées, occasionnant de réels dégâts. Ils souhaiteraient que les vaches soient

retirées le plus tôt possible après l’ouverture de la chasse.

Les agriculteurs, quant à eux, reprochent aux chasseurs de dégrader les clôtures électriques,

de ne pas fermer les barrières, d’effrayer les bêtes en période de chasse et parfois de clôturer

des groupements de tonnes de chasse, réduisant ainsi les surfaces de pâture.

On note qu’il s’agit bien là d’un conflit entre usagers d’un même espace. Il s’agit d’enjeux

d’appropriation d’un territoire ou chacun possède une légitimité reconnue. C’est le droit

d’accès à la ressource, le près-salés, qui est au cœur du conflit. « Les économistes et certains

sociologues situent l’origine de ces conflits dans l’affrontement entre des fonctions différentes

(fonction productive, fonction récréative)… » 22

. Cet affrontement se traduit parfois de

manière assez violente. En effet, durant l’été 2010, un agriculteur a retrouvé une de ses vaches

tuée d’un coup de fusil. Cet événement montre à quel point le sentiment de propriété et de

légitimité peut être exacerbé chez certains chasseurs, qui n’acceptent plus l’intrusion d’un

autre usager sur son territoire.

Le deuxième type de conflit identifié sur la rive droite de l’estuaire concerne une échelle bien

plus large et s’inscrit dans un contexte tout à fait différent.

Face à des constats de dégradation de plus en plus nombreux de la qualité de l’environnement

estuarien, des scientifiques et des collectivités locales ont lancé, en 2005, une démarche

d’élaboration d’un Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux sur l’estuaire de la

22

MORMONT M., 2006, « Conflit et territorialisation », Géographie, économie, société, 2006/3 Vol.8, p299-318.

23

Gironde (SAGE). Il s’agit d’un outil juridique, d’un document de planification et de

concertation visant la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau sur un territoire

déterminé.

Le SAGE de l’estuaire de la Gironde met en avant 4 objectifs principaux :

- « Un objectif de qualité des eaux et des écosystèmes ;

- Un objectif de sécurisation des biens et des personnes ;

- Un objectif de gestion durable des milieux naturels et des activités humaines ;

- Un objectif de concertation et de participation renforcée des populations aux

politiques estuariennes.»23

.

Le projet de SAGE est porté par le Syndicat Mixte pour le Développement Durable de

l’Estuaire (SMIDDEST). Il est élaboré par une commission spécialisée, la commission locale

de l’eau (CLE) composée de 64 membres issus de trois collèges :

- Un collège constitué de représentant des collectivités et des établissements public

locaux,

- Un collège constitué des représentants des usagers, des propriétaires riverains, des

organisations professionnelles et des associations concernées,

- Un collège des représentants de l’état et de ses établissements public.

Dans le cadre de l’objectif de sécurisation des biens et des personnes, le SAGE estuaire

réfléchi à la protection des zones industrielles et urbaines. En effet l’ouragan Martin de 1999

et la tempête Xynthia de 2010, ont rappelé la vulnérabilité des zones littorales de l’estuaire. Il

existe bel et bien une menace d’inondation sur l’estuaire et ni la communauté urbaine de

Bordeaux, ni la centrale nucléaire du Blayais ne sont protégées. Face à ce risque le SAGE

prévoit d’araser certaines digue dans des endroits stratégiques (vers Ambes, ou au nord de la

centrale nucléaire du Blayais) afin de créer des zones tampon qui absorberaient la montée des

eaux lors de tempêtes.

Certains polders risqueraient alors de disparaitre au profit d’une lagune, soumise à l’influence

des marées (comme c’est le cas à Mortagne sur Gironde ou une dépoldérisation a eut lieu en

2000). Ce projet d’intérêt public soulève donc de nombreuses contestations de la part des

riverains et acteurs du monde agricole qui se sentent exclus des négociations et qui craignent

pour leurs biens et leur sécurité (cf. Annexe IV : Article SUD Ouest, les oubliés du Blayais).

Ces tensions ne touchent pas directement le DPF en tant qu’entité juridique. Pourtant certains

acteurs de ce territoire, expriment assez clairement leurs inquiétudes ou leur opposition à ce

projet qui selon eux pourrait impacter leur activité ou le paysage littoral tel qu’ils le

connaissent, le vivent et l’apprécient aujourd’hui. « Cela risquerait de briser les équilibres

actuels » évoque une responsable d’office du tourisme. « Il est toujours difficile, notamment

pour un agriculteur de voir disparaitre des zones sous l’eau. », formule un éleveur travaillant

sur le DPF. Cette inquiétude, cette tension est assez révélatrice de l’attachement des acteurs à

leur territoire.

Au terme de cet état des lieux, il semble possible d’affirmer que le Domaine Public Fluvial de

la Gironde est d’avantage qu’un espace géographique. Il s’agit d’un territoire, entité juridique

aux frontières déterminées (bien qu’en mutation), placé sous l’autorité de l’état (représenté

par le Conservatoire du Littoral), et dont les dimensions économiques, sociales, culturelles et

les conflits entre acteurs traduisant une forme d’appropriation.

23 Site Internet du SAGE estuaire de la Gironde : http://www.sage-estuaire-gironde.org/

24

Une fois ce constat effectué, il est possible de s’interroger sur l’action de communication en

elle-même. Qu’est-ce que communiquer sur un territoire ; un espace engagé dans la

préservation de la biodiversité tout en étant approprié par l’Homme et ses activités ?

III. Communiquer sur un territoire : la vision des acteurs du Domaine

Public Fluvial.

III.1. Pourquoi communiquer sur un territoire ? La vision des acteurs du DPF.

Dans le cadre de l’élaboration de sa stratégie de communication, quatorze entretiens semi-

directifs ont été réalisés auprès d’acteurs variés du territoire du DPF (cf. Annexe V

Méthodologie des entretiens)

Ils permettaient de répondre à plusieurs objectifs :

Mieux appréhender le paysage des acteurs opérant sur le territoire concerné par

l’action du CREN ;

Saisir les enjeux présents sur ce territoire et identifier des pistes de communication ;

Mieux appréhender la notoriété et l’image du CREN ;

Construire du lien entre ces structures et le CREN.

Parmi la série de questions qui cadraient les échanges lors de ces entrevues, une question était

dédiée au rôle de la communication sur le territoire :

« Selon-vous, la communication a-t-elle un rôle à tenir dans la préservation et la vie d’un

territoire ? Si oui, lequel ? »

L’ensemble des personnes interrogées ont répondu que la communication avait un rôle

important à jouer. Le degré d’importance accordé à toutefois été variable. Pour certains

comme l’animatrice du pôle nature du Conseil Général « La communication et la

sensibilisation sont des choses primordiales », pour d’autres, comme cette agricultrice

exploitant le DPF, la communication « On y croit mais son pouvoir reste limité ». « Pour

faire bouger les choses il faut passer par l’action, par la pratique quotidienne et ne pas

s’arrêter à la théorie ».

Concernant le rôle attribué à la communication sur un territoire, les réponses récoltées ont pu

être classées en 9 catégories :

- Faire connaitre l’environnement et le patrimoine naturel :

- Alerter et faire de la prévention (contre la pollution, contre les risques naturels…) ;

- Asseoir une activité, une politique de protection de l’environnement ;

- Expliciter des enjeux/donner des clefs de compréhension aux citoyens et aux élu s ;

- Faire changer les mentalités et les pratiques

- Facilité l’appropriation du territoire par le citoyen :

- Justifier une action, une dépense publique

- Créer du lien, des partenariats, du réseau.

- Valoriser les activités humaines traditionnelles

- Faire la promotion touristique du territoire.

Le graphique suivant représente le nombre de fois où chaque catégorie a émergé dans le

discours des personnes interrogées.

25

On note que la mission « faire connaitre l’environnement et le patrimoine naturel » apparait

comme majoritaire dans les réponses. La forte présence de l’aspect environnementale de la

communication dans ces résultats est surement due au fait que cette question intervenait à la

suite d’une série de question portant sur l’estuaire de la Gironde, l’activité de gestion

d’espaces naturels et l’activité du CREN.

Le rôle de prévention dans la communication des territoires, émerge également de façon très

marquée. Cette réponse est à analyser au regard du contexte local. En effet, en moins de 20

ans l’estuaire de la Gironde a été soumis à deux tempêtes majeures en 1999 et 2010. Le risque

de submersion marine est de fait très présent dans les esprits : le choc n’est pas loin, et cette

question est au cœur des discussions politiques autour du SAGE estuaire. Lorsqu’ils

s’expriment les individus rencontrés ont souvent eut tendance à penser le rôle de la

communication sur leur territoire : celui de l’estuaire de la Gironde et de sa rive droite.

De même, lorsque les individus ont répondu que le rôle de la communication était de donner

des clés aux citoyens et aux élus pour prendre des décisions éclairés sur l’avenir de leur

territoire ; l’exemple du SAGE est souvent venu appuyer ces propos. En effet, ces rencontres

ont souvent mis en avant la difficulté d’obtenir des informations pour saisir les enjeux et

comprendre les dynamiques en cours au sein de ce projet en construction. Face aux

incompréhensions et aux incertitudes actuellement ressenties par les acteurs du territoire, la

mission d’information du citoyen a pris une place importante dans les réponses.

D’une manière globale, on s’aperçoit que l’ensemble des missions de la communication qui

ont émergées dans ces rencontres appartiennent au champ de la communication publique.

Rôle de la communication sur un territoire, d’après 14 entretiens réalisés auprès de structures

investies sur le DPF de l’estuaire de la Gironde, en rive charentaise.

26

III.2. La Communication publique.

Selon Pierre Zémor (1995), la communication publique est « la communication formelle qui

tend à l’échange et au partage d’informations d’utilité publique, ainsi qu’au maintien du lien

social, et dont la responsabilité incombe à des institutions publiques ou à des organismes

investis des missions d’intérêt général.»24

.

Le rôle de cette forme de communication est d’accompagner une mission de service public ou

d’intérêt général. Pour cela, elle doit remplir un certain nombre de missions : informer, faire

connaitre, aider à la compréhension, valoriser, accompagner des changements, mettre en

relation, être à l’écoute…La communication publique est donc un vaste ensemble composé de

différentes formes de communication.

La communication publique est d’abord interne. Elle s’applique à l’ensemble des agents d’un

ministère, d’une direction, d’un service. En tant qu’acteur principal de l’action public le

fonctionnaire se doit d’être informé, et ceci à des fin d’efficacité de fonctionnement mais

aussi de constitution d’une identité commune.

Cette communication interne prépare également la communication externe.

Cette communication publique externe commence par la « simple » mise à disposition des

données publiques. C’est la loi du 18 juillet 1937 qui instaure le droit du citoyen à l’accès, à

la consultation et à la diffusion de l’information publique. Cependant il ne s’agit pas

seulement de mettre à la disposition de la population des renseignements bruts et faciles,

encore faut-il les rendre intelligibles par tous. Assurer l’information du citoyen est donc le

rôle initial de la communication publique. De cette manière, elle lui donne les clés nécessaires

pour exercer, en pleine connaissance de cause ses droits et ses devoirs.

La communication publique « permet également de promouvoir l’institution en créant une

image positive d’elle-même directement ou par la promotion des services qu’elle rend »25

.

Cette promotion est effectuée auprès de l’individu, en tant que citoyen et en tant qu’utilisateur

du service public. Elle cible également les « partenaires », comme les associations d’usagers,

d’autres institutions publiques…. Elle s’exerce par le biais de la publicité et des relations

publiques et événementielles.

La communication publique prend un tour plus institutionnelle quand elle vise un

accompagnement de la politique de la collectivité ou de l’établissement : « Faire savoir ce

que l’on fait et expliquer pourquoi et comment on le fait est, dans un État démocratique, l’un

des premiers devoirs de l’institution publique. »25

. Cette pratique permet une meilleure

compréhension des actions publiques. Elle permet de motiver une décision politique,

d’informer le citoyen de l’impact des opérations engagées et d’accompagner des

changements institutionnels, sociaux ou politiques. Là encore elle s’appuie sur des campagnes

publicitaires, des relations publiques et doit être réalisée en cohérence avec les autres volets

de la communication interne et externe. Cette forme de communication institutionnelle est

souvent étroitement imbriquée avec la communication politique. Lorsque la communication

publique prend des accents de promotion politique, de discours partisan, elle s’éloigne de sa

mission d’intérêt général. Les risques est alors de verser dans une instrumentalisation de la

24 ZEMOR P., 1995, La communication publique, Paris, PUF, Que sais-je.

25 MEGARD D., 2005, « Sur les chemins de la communication publique », Les Cahiers Dynamiques, 2005/3 n°35, p26-30.

27

communication publique par les groupes d’opinion politique en place au sein de l’institution

en cours.

Les fonctions qui viennent d’être décrites sont étroitement liées au mouvement de

décentralisation. Comme l’explique Jean-François Tétu dans son article « l’espace public

local et ses médiations » (1995), « Au départ, il était indispensable de faire comprendre à la

population le fonctionnement d’une collectivité et son rôle profondément accru (routes et

moyens de transport, éducation, aides sociales, culture, etc.), ce qui conduit à une attitude

explicative, mais aussi de valorisation de ce qui est entrepris ou achevé. ». La communication

doit donc à la fois être fonctionnelle et institutionnelle. Elle doit permettre au citoyen de

mener son activité d’administré et doit insuffler le sentiment d’appartenance au territoire.

Les choses ont ensuite évolué. De la fin des années soixante à la fin des années soixante-dix

on est passé de ce discours de la décentralisation, un nouveau discours orienté sur la

participation à la vie démocratique locale. « Il s’agissait alors de développer l’information qui

permettrait aux administrés de prendre une part plus active à l’aménagement du cadre de vie

(montée du mouvement écologique et de mouvements divers issus de Mai 68). La visée est

alors ouvertement politique : il s’agit de faire de la communication le moteur de la

démocratie locale »26

. Les supports de communication se multiplient, ainsi que les structures

de dialogue et de participation. L’information s’ouvre par exemple aux associations.

Dans son article « Sur les chemins de la communication publique » Dominique Mégard,

rappelle ainsi que la communication publique c’est aussi écouter. « La communication

publique ne se limite pas à envoyer informations et messages. Elle doit être également

créatrice de lien et favoriser l’écoute et l’expression des citoyens. ». En effet, à travers

certains textes27

, la loi impose parfois l’instauration de la consultation et du débat public.

Cependant, cette obligation ne garantit pas la qualité des démarches entamées. Celles-ci sont

en effet difficiles à mettre en œuvre par manque de moyens et de temps. Pourtant d’après

Dominique Mégard, la demande est forte de la part du citoyen, de pouvoir échanger pour

mieux comprendre et délibérer. « L’adhésion à un projet, à une action, à une activité n’est

plus spontanée. La confiance, l’approbation et l’engagement naissent du débat, non de la

contrainte. Voilà sans doute le plus grand défis communicant qui nous est lancé

aujourd’hui. ».

Enfin la communication publique a également pour vocation de faire évoluer certains

comportements sociaux et de diffuser du savoir civique. Pierre Zémor parle alors de

« communication civique et d’intérêt général ». Elle rassemble les campagnes centrées sur des

sujets majeurs (santé publique, prévention routière, défense de l’environnement, civisme).

Elle s’adresse au citoyen en tant qu’individu autonome et responsable. Au-delà de la prise de

conscience personnelle du citoyen et à l’évolution spontanée de son comportements. Cette

communication a pour vocation d’accompagner les politiques, réformes et législations mises

en œuvre. Elle créé un climat, dont la fonction et de rendre le citoyen plus réceptif au message

et plus à même d’accepter les mesures qui seront prises.

Cette forme de comportement s’appuie avec force sur les médias : annonces presse, spots

radiophoniques ou télévisuels. Elle empreinte ses méthodes au marketing et à la publicité.

26 TÉTU J.F., 1995, « L’espace public local et ses médiations », HERMÈS 17-18 Communication et Politique, p287- 298.

27 Loi ATR du 6 février 1992, loi dite Voynet du 25 juin 1999, loi SRU du 13 décembre 2000…

28

III.3. L’enquête, révélatrice d’un besoin d’information publique ?

La brève enquête réalisée auprès des acteurs du territoire du DPF, a montré que les réponses

étaient fortement ancrées dans les préoccupations de cette frange du littoral. Il est donc

envisageable qu’elle fasse émerger l’expression d’un besoin ressenti par les individus

rencontrés.

Les fonctions de la communication sur un territoire qui ont été énoncées appartiennent pour la

plupart au domaine de la communication publique. Cela semble cohérent étant donné que le

territoire est souvent perçu comme une entité administrative (commune, département,

région …), placée sous la responsabilité d’une collectivité publique. D’autre part les

rencontres ont également montré que le Domaines Public Fluvial était assez clairement

identifié comme un espace propriété de l’état.

Cependant on note également une nette dominance du rôle informatif de la communication

publique dans les réponses obtenues : ‘Faire connaitre l’environnement et le patrimoine

naturel’, ‘Expliciter des enjeux/donner des clefs de compréhension aux citoyens et aux élus’,

‘justifier une action, une dépense publique’, ‘Alerter et faire de la prévention (contre la

pollution, contre les risques naturels…)’.

Dans cette vision la communication est perçu comme un mouvement descendant, de

l’institution publique vers le citoyen, l’acteur du territoire.

Aucune des personnes interrogées n’a affirmé que le rôle de la communication du territoire

était de faire remonter l’information aux acteurs politiques, d’influencer « par le bas » les

projets de territoire, de créer du débat et de faciliter l’expression des citoyens.

Seules deux personnes ont placé la communication comme une dynamique horizontale, en

mettant en avant le rôle de mise en interaction des acteurs du territoire : ‘Créer du lien, des

partenariats, du réseau’.

Ces résultats laissent à penser qu’il existe un manque d’information publique. En effet, le

contexte actuel de mise en place du SAGE sur l’estuaire de la Gironde est assez incertain. Les

acteurs du territoire ont régulièrement déploré la difficulté d’obtenir des informations sur les

enjeux, les avancées et les impacts possibles de ce nouveau projet de territoire.

A l’échelle plus restreinte du DPF de la rive charentaise, il est également possible d’identifier

un défaut d’information. E.G., animatrice dans ‘pôle nature’ du département de Charente

Maritime (centre pédagogique sur l’estuaire), précise qu’il est difficile de connaitre la

législation en cours sur le DPF (« On ne sait pas trop si on a le droit d’y aller ou non… »).

A ce niveau, le manque d’information est surement lié au fonctionnement de l’établissement

public en charge du territoire et du CREN, organisme gestionnaire assigné. En effet, en

entretien, un délégué du conservatoire du Littoral formulait que « quelque fois quand le

monde qui nous entoure, en tout cas sur la Gironde, est globalement assez hostile, la bonne

communication c’est ne pas faire parler de soi.

29

IV. La communication du CREN face aux concepts d’espace et de

territoire.

Dans les parties précédentes, nous avons interrogé les notions de lieu, d’espace, de territoire.

Nous avons mis en évidence le fait que le Domaine Public Fluvial pouvait être qualifié de

territoire au regard de ses caractéristiques et de l’implication de la société humaine dans son

fonctionnement. Enfin nous avons cherché à savoir ce que représentait la communication d’un

territoire pour les acteurs de ce DPF.

Dans cette partie nous nous interrogerons sur la manière dont le CREN aborde la notion de

territoire dans son fonctionnement, ses missions et sa communication institutionnelle. Puis

nous tenterons de confronter l’identité du CREN et sa communication actuelle avec la vision

des acteurs du DPF.

IV.1. Conservatoire des Espaces Naturels, un nom éloquent ?

Les conservatoires d’espaces naturels (CEN) sont des structures apparues à la fin des années

70. Ils mettent l’accent sur la maitrise foncière (acquisitions ou conventions) pour protéger la

biodiversité.

La dénomination même de ces structures nous laisse entrevoir une idée particulière de la

préservation de l’environnement.

La conservation est définit dans le dictionnaire Larousse par l’action de conserver quelque

chose intact, de le maintenir dans le même état. Si par espace naturel on entend espace de

Nature (tel que défini dans le chapitre précédent), l'action des conservatoires naturels est de

maintenir l’intégrité de la nature face à l’action de l’homme.

Ces structures se placeraient donc dans une conception assez ancienne de la protection de

l’environnement.

Cependant, sur le site de la fédération des conservatoires d’espaces naturels on note des

éléments de discours, qui laissent penser que les CEN ont suivi l’évolution général de la

politique française de préservation de l’environnement.

« Les Conservatoires d’espace Naturels (CEN) sont des associations à but non lucratifs.

Engagés mais non militants, ils œuvrent, pour les plus anciens, depuis 30 ans pour la

préservation du patrimoine naturel et paysager. » « [Leur action] s’appuie sur une approche

concertée, au plus près des enjeux environnementaux, sociaux et économique des

territoires »28

IV.2. Le CREN Poitou-Charentes, structure d’expertise et de concertation.

IV.2.1. Présentation

Le Conservatoire Régional des Espaces Naturel de Poitou-Charentes (CREN) est une

association loi 1901, dont les premiers statuts ont été déposés en 1991à l’initiative des

associations de protection de la nature de la région. Cependant ce n’est qu’en 1993, que le

CREN devient opérationnel grâce au soutien de la Région.

Il fait partie des 29 conservatoires d’espaces naturels réunis au sein de la Fédération des

Conservatoires d’Espaces Naturels de France.

28 Site Internet de la fédération des Conservatoires d’Espaces Naturels : http://www.enf-conservatoires.org/

30

L’association, qui se revendique non militante, a pour objet la protection, la mise en valeur et

l’étude des sites, milieux et paysages naturels de la région Poitou-Charentes. Les périmètres

d’action sont sélectionnés pour leur intérêt écologique, floristique, faunistique, géologique et

paysager remarquables.

Le CREN agit de deux manières pour la protection et la valorisation des espaces naturels et

paysages de Poitou-Charentes :

- Il intervient directement par l’acquisition de terrains, mais aussi par la maîtrise

d’usage, la restauration et la gestion conservatoire sur des sites patrimoniaux

(appartenant parfois à d’autres organismes) ;

- Il assiste techniquement les collectivités, administrations, associations, ou particuliers

désireux d’œuvrer pour la préservation et la valorisation des espaces naturels et des

paysages.

Le CREN est ainsi impliqué dans la gestion de près de 5695ha dont 1003 environ sont la

propriété de l’association.

En 2010, le budget annuel total du CREN Poitou-Charentes était de 2 472 360 €. 75% des

financements de la structure était alors assuré par des collectivités et des établissements

publics divers. Le Conseil Régional, était le principal financeur de la structure (35% des

financements), suivi de l’État (22% des financements).

Enfin, le CREN Poitou-Charentes regroupe 23 salariés qui mettent en œuvre et suivent les

dossiers, sous la direction de Patricia Busserolle. Une partie des salariés est regroupée au sein

du pôle régional situé à Poitiers tandis que le reste du personnel est décentralisés dans 3

antennes départementales situées à Niort, Angoulême, et Rochefort.

IV.2.2. Le CREN, lieu d’expertise

Le CREN est doté d’un Conseil Scientifique et Technique composé de 33 membres. Ces

derniers sont des scientifiques de la Région, dans les principales disciplines des sciences de la

nature (Botanique, Entomologie, Géologie, Ornithologie…) ainsi que des techniciens et des

praticiens de l’agriculture, de la forêt, de la chasse, de la pêche et de

l’environnement (agronomie, gestion cynégétique, pédagogie de l’environnement…). Ils

siègent bénévolement, intuitu personae. C’est-à-dire qu’ils ne représentent pas leur structure

professionnelle.

Ce conseil scientifique et technique rend des avis sur tous les sujets dont se saisit le conseil

d’administration. Il valide le périmètre potentiel d’intervention du CREN, entérine les

nouveaux sites proposés en maîtrise et en gestion. Il assiste également les salariés de

l’association dans la conduite des projets en apportant son expertise dans le suivi scientifique

et la gestion des sites naturels.

Le président du Conseil Scientifique et Technique siège au bureau du CREN et relaie les avis

du conseil. Lors des séances, il veille au respect des considérations et des exigences

scientifiques et naturalistes, face aux aspects politiques, sociaux ou économiques.

31

IV.2.3. Le CREN, association dirigée en concertation

Depuis sa création, le CREN est dirigé par un ensemble de représentants de collectivités,

d’associations, d’organismes socio-professionnels et de particuliers. Ils établissent en

concertation, à la fois la politique et la gestion du CREN. Les projets et actions de

l’association sont programmés annuellement et présentés pour validation au Conseil

d’Administration.

En effet, différentes structures membres de droit de l’association élisent un conseil

d’administration composé de19 personnes réparties en trois collèges : un premier constitué de

représentants de collectivités territoriales, un second rassemblant des représentants

d’associations et d’organismes socio-professionnels et un troisième composé d’adhérents

directs. Enfin le CREN a vocation à s’ouvrir au plus grand nombre. Toute personne physique

ou morale peut devenir adhérente à l’association.

Cette volonté de concertation se retrouve également « sur le terrain ». En effet le CREN cherche à

inscrire l’ensemble de ses actions dans une démarche d’information, d’écoute et de conciliation

avec les acteurs les plus proches des sites gérés (communes, associations locales, habitants

avoisinants, usagers des sites…)

IV.2.4. Le CREN une structure en mutation.

Le CREN possède depuis sa création le statut d’association loi 1901. Cependant depuis environ 5

ans se mène une réflexion autour d’un changement de statut.

Elle vient en échos à différentes observations :

- Le CREN est dirigé par un conseil d’administration constitué de trois collèges dont un est

entièrement consacré aux élus des différentes collectivités. La place des collectivités dans

la vie et la politique du CREN est donc très importante ;

- Le CREN possède un budget annuel de près de 3 millions d’euros qui proviennent

essentiellement de financements publics ;

- Le patrimoine foncier du CREN est très important. Il est équivalent à celui d’autres

établissements publics.

Face à ces différentes observations, la nature associative de la structure est un facteur de fragilité.

L’enjeu est donc de mettre en adéquation le fonctionnement, les missions du CREN et son statut.

Le projet de faire passer le CREN en syndicat mixte et donc en établissement public est en

marche. Il devrait aboutir en 2012 après validation du Conseil d’Administration. Cette évolution ne serait pour le CREN qu’une étape de transition. A terme il envisagerait de

passer EPCPN, c’est-à-dire Etablissement Public à Caractère de Préservation de la Nature. Ce

type d’établissement n’existe pas encore. Ce nouveau statut en cours de réflexion, serait très

proche, dans son mode de fonctionnement, de ce qui se fait dans le domaine de la culture avec les

EPCC.

Pour conclure cette présentation, il est possible de mettre en avant une légère ambivalence du

CREN face à l’intégration de la préservation de l’environnement dans une logique territoriale.

En effet, par la maitrise foncière (acquisition), l’association semble vouloir écarter de la vie

du territoire, un certain nombre de sites d’intérêt patrimonial particulier. Cependant quand on

se penche sur le devenir des acquisitions du conservatoire, on note que, dans la mesure du

possible, l’association recherche l’investissement des acteurs locaux et notamment des

32

agriculteurs dans la vie et l’entretien du site naturel. De plus, lorsque le terrain s’y prête le

CREN, met en place une démarche d’ouverture au public, avec l’aménagement de chemins et

parfois de panneaux de présentation.

Son activité de gestionnaire d’espaces naturels et ses missions d’assistance technique

s’inscrivent encore d’avantage dans des logiques territoriales. En établissant des conventions

avec l’ensemble des acteurs d’un territoire (du propriétaire privé jusqu’aux Ministères) pour

la mise en place d’une gestion durable et la préservation de la biodiversité, le CREN se place

comme un acteur à part entière du développement du territoire, et de la mise en œuvre des

politiques publiques environnementales. Le panel de représentants d’acteurs locaux qui dirige

le CREN, a ainsi pour rôle de veiller à ce que la politique et les actions de l’association

s’inscrivent de manière cohérente et équilibrée dans le contexte politique aux différentes

échelles du territoire régional.

A terme, le CREN devrait bel et bien officialiser un statut d’établissement public, dont

l’activité serait orientée sur la protection de la biodiversité du territoire régional.

IV.3. La communication du CREN sur le DPF

IV.3.1. CREN Poitou-Charentes, un discours en phase avec ses actions et

l’évolution de la politique de préservation de l’environnement ?

Dans ses documents de présentation, le CREN Poitou-Charentes jongle avec les concepts

issus des différentes phases de l’évolution de la politique de préservation de l’environnement,

qui ont été définies en introduction de ce mémoire.

Trois outils de communication ont été soumis à une analyse de discours. Il s’agit :

- Du dossier de présentation qui comporte 15 pages expliquant la politique, les missions

et le fonctionnement de la structure ;

- De la plaquette de présentation : A4 comportant 3 volets et introduisant brièvement

l’association ;

- La stratégie d’intervention rédigée dans le cadre du document d’orientation 2006-

2016 et qui explique le projet politique de l’association.

33

On note que la notion de « Nature » est encore fortement présente dans le discours que porte

le CREN sur sa politique et son activité. Ce terme, dont le caractère exclu l’activité humaine,

ne reflète pourtant pas la politique du CREN, fortement axée sur l’idée de concertation avec

les acteurs du territoire et le travail de gestion mené au quotidien en partenariat avec le monde

agricole.

Les termes de « patrimoine », de « patrimoine naturel » et de biodiversité sont également

employés (16 fois au total). Ils traduisent quant à eux plus fidèlement les activités réelles de

l’association qui est, par exemple, une structure porteuses de différents sites Natura 2000.

Pour parler des zones d’étude et d’intervention, le CREN utilise également différents

vocables. Par ordre de fréquence on trouve les mots : site, milieu, espace (souvent associé au

qualificatif naturel), paysage, habitat, territoire et enfin lieu.

Le mot site est majoritairement employé seul (par exemple : « garantir la fonctionnalité des

sites et des habitats »…). Quand il est associé à un autre terme on note une dominance nette

des locutions « géré » et « d’intervention ». Le mot site est donc employé pour faire allusion

aux terrains gérés par le CREN. Cette terminologie ne nous renseigne pas sur le degré

d’implication de l’association dans le territoire.

Le terme d’espace est très employé et souvent associé à l’adjectif naturel. Tout comme l’idée

de nature, il se place en rupture par rapport au territoire et à l’activité humaine et en décalage

avec l’activité réelle de l’association.

Les termes d’habitat et de milieu font référence à des entités écologiques. Le milieu, c’est

l’ensemble des facteurs qui agissent sur les êtres vivants (élément naturel, température…),

c’est aussi ce qu’on appelle le biotope. L’habitat peut être défini comme une portion de milieu

réunissant les conditions physiques et biologiques nécessaires à l’existence d’une espèce (ou

d’un groupe d’espèces) animale(s) ou végétale(s). Ces deux termes ont pour focale l’aspect

naturel. Cependant, ils paraissent moins isolés de l’aspect anthropique quand on sait qu’il est

courant, en écologie de parler « d’habitats semi-naturels », « ou de milieux impactés » dans

les zones où l’influence humaine est plus forte.

Résultats de l’analyse de discours effectuée sur les documents de présentation du CREN Poitou-Charentes et de sa politique.

Dossier de

présentation

Plaquette de

présentation

Document d’objectif

2006-2016. Stratégie

d’Intervention

Total

Nature 5 1 4 10

Patrimoine 1 2 0 3

Patrimoine naturel 4 0 3 7

Biodiversité 1 0 5 6

Espace 8 3 12 23

dont espace naturel 5 2 7 14

Lieu 0 0 1 1

Site 17 1 27 45

dont site géré 0 0 5 5

dont site d'intervention 5 0 5 10

dont site naturel 1 0 0 1

Habitat 0 0 14 14

Milieu 8 3 19 30

Paysage 15 3 4 22

Territoire 2 0 4 6

Pour parler de l'objet de la

préservation :

Pour parler de la zone

d'étude et d'intervention :

Termes employés

34

Le terme de paysage, très utilisé dans les documents de présentation du CREN, reflète encore

un degré supérieur d’intégration à la société humaine. Comme nous l’avons vu précédemment

il est constitué de la somme des éléments d’un espace géographique, dont certains sont

construits ou modifié par l’homme. D’autre part il ne prend naissance que sous le regard de

l’individu qui le voit et le perçoit.

Enfin on note que le terme de territoire est peu employé dans les documents analysés. Le

dossier de présentation fait référence à « l’aménagement durable des territoires », et au

« territoire régional ». Le territoire y est donc présent dans le discours du CREN en tant

qu’entité administrative (région, département, communauté de commune…). Dans la stratégie

d’intervention, on retrouve cet angle administratif et juridique : « le territoire de la région »,

« l’aménagement du territoire ». On découvre également deux autres approches du territoire :

le territoire au sens biologique (« les espèces devront s’adapter à de nouveaux territoires »),

et géographique (« des écosystèmes et des territoires géographiques »). Cette dominance du

territoire comme élément administratif met peut être en évidence le fait que le CREN n’a pas

encore réussit, dans son discours, à dépasser cette perception pour se diriger vers celle d’un

« territoire de biodiversité », lieu d’interaction des politiques humaines et de la diversité du

vivant.

IV.3.2. De la vulgarisation du territoire à la communication du territoire.

Le fonctionnement actuel du CREN, tel qu’il a été décrit au début de cette partie met en

évidence le fait que la structure a bel et bien intégré la notion de territoire dans ses actions. Il

s’inscrit nettement dans une vision territoriale et très actuelle de la protection de

l’environnement. Cependant, il est possible de noter que les notions de territoire et de

biodiversité ont un peu de difficulté à trouver leur place au sein de la communication du

CREN sur sa propre activité.

Cette « hésitation » à parler de gestion et d’aménagement du territoire, peut être mise en

parallèle avec les incertitudes et les mutations actuelles de l’établissement. Le changement de

statut du CREN pourrait être synonyme d’un renouveau de la communication. Il permettrait

d’impulser un mouvement significatif, engageant la communication institutionnelle et la

valorisation des sites naturels vers une plus forte explicitation des spécificités, des enjeux et

des logiques territoriales.

Sur le Domaine Public Fluvial de l’estuaire de la Gironde par exemple, le futur statut de

syndicat mixte, adopté par le CREN, pourrait faciliter la mise en place d’une communication

tournée vers l’intérêt général et la communication publique. En effet, il semblerait qu’il existe

une forte demande d’information publique de la part des acteurs du territoire. Il conviendrait

alors de se demander si ce ne serait pas la vocation du CREN d’endosser cette fonction.

En effet, le CREN souhaite communiquer sur le DPF. Or comme il a été mis en évidence,

cette zone ne peut être réduite à un espace naturel, isolé des activités humaines et des

dynamiques locales. On peut donc s’interroger sur les limites d’une communication

« naturaliste » ciblée sur la valorisation du patrimoine naturel et la présentation des richesses

faunistiques ou floristiques. Dans un des entretiens réalisé, un ingénieur de recherche au

Cemagref, travaillant sur le sujet de la dépoldérisation, aborde cette question. Il donne son

avis sur le positionnement du CREN dans la communication à mettre en place sur le DPF :

« Il ne faut pas partir avec un point de vue trop naturaliste. Il faut déjà avoir une synthèse des

enjeux et des usages sur le territoire. Un positionnement trop axé sur la nature, sur la

biodiversité, les espèces, tout ça… pourrait cristalliser des oppositions…. Ce serait voué à

l’échec je pense. Les gens se sentiraient déconsidérés face à cette entrée-là. L’aspect risque

[naturel] est trop fort pour être laissé de côté… ».

35

Ce positionnement trouve échos au sein du Syndicat Mixte pour le Développement Durable

de l’Estuaire (SMIDDEST), structure porteuse du SAGE (cf. p 22). Une jeune salariée,

chargée de développement territoriale, exprime ainsi les missions qu’elle attribuerait au

CREN en terme de communication : « Il faut aborder cela [la valorisation du DPF] selon un

angle pédagogique, auprès du grand public : voilà ce qu’il y a ici, pourquoi il faut le

protéger, voilà ce qu’on fait… Il faudrait aussi faire de la pédagogie autour des enjeux, parce

qu’ils sont souvent mal connus : aujourd’hui on a ça, ça et ça, si on fait ce projet on aura ça,

donc on propose de faire ceci. Il faut expliquer ce qu’on y fait. Qu’on comprenne ce qu’on

fait et qu’on sache pourquoi on le fait… ». On semble distinguer dans ce discours la nécessité

d’une communication institutionnelle orientée autour de l’explication et de la justification des

actions engagées par le CREN. Emerge également l’idée d’une information claire et

accessible (pédagogique) sur les enjeux du territoire.

On retrouve bien dans ce propos, l’idée que le CREN pourrait s’engager sur une forme de

communication publique. Ce choix semblerait alors, en accord avec l’identité du CREN et son

futur statut d’établissement public. En tant que syndicat mixte, il continuerait à être dirigé par

des représentants de collectivités territoriales d’échelles variées et de bords politiques

différents. Il pourrait donc s’appuyer sur la pondération réciproque des discours et des

positionnements politiques, pour affranchir sa communication des dérives politiciennes de la

communication publique, et se consacrer à l’information, à la médiation du patrimoine

commun et l’explicitation des enjeux du territoire.

36

Conclusion

A l’image du CREN, être acteur de la gestion et de la préservation du patrimoine naturel

aujourd’hui, c’est inscrire sa démarche dans une logique territoriale. Il ne s’agit plus

seulement de soustraire la Nature à l’influence néfaste de l’homme.

De fait, il est possible de penser que la communication des structures de protection de

l’environnement a entrepris l’accompagnement de ces mutations. Communique-t-on de la

même manière sur un espace naturel que sur un territoire engagé dans la préservation de la

Biodiversité ?

Il semble important de réfléchir à la place accordée à la vulgarisation de l’espace naturel. Par

vulgarisation on peut entendre une sorte d’inventaire, d’explication des richesses et des

fonctionnements de la Nature. De manière caricaturale vulgariser un espace naturel

reviendrait à le présenter sous un angle purement naturaliste. Il s’agirait par exemple de

nommer une espèce d’oiseau, d’en expliquer le comportement, de présenter la notion de

chaine alimentaire, ou de photosynthèse. Cette démarche correspond-t-elle toujours aux

réalités de la politique de préservation de l’environnement ?

En plus d’un siècle, nous sommes passé d’un objet de protection unique (la Nature), exclue

du territoire de l’homme, et qu’il fallait expliquer ; à la préservation d’une biodiversité aux

multiples visages et intégrée dans un projet de territoire. Les acteurs de cette préservation ce

sont multipliés, les enjeux ont évolué vers plus de complexité. Chacun est devenu légitime

pour s’exprimer sur les sujets environnementaux, sur le devenir du territoire auquel il

appartient. Le destinataire du message n’est plus seulement le curieux de nature, c’est

également l’acteur local, le citoyen, l’habitant du territoire. La communication de

l’environnement ne semble plus pouvoir être considérée selon une logique linéaire de

transmission, de sensibilisation ou de persuasion. Elle doit se tourner vers une logique

d’interaction, d’échange réciproque et de participation citoyenne.

Le mouvement que connait aujourd’hui la communication environnementale, peut être mis en

parallèle avec la mutation qui a secoué la vulgarisation de la Science, la faisant évoluer vers la

la communication des sciences. Dans l’introduction du numéro 21 de la revue Hermès,

consacrée aux sciences et aux médias, Dominique Wolton affirme qu’en matière de

communication scientifique les logiques sont devenues plus complexes. La communication

n’est plus seulement une mise en relation du public et des scientifiques. Elle fait intervenir de

nouveaux acteurs, le politique, l’économie, les médias… le public n’est plus une masse

indifférenciée, des portraits se distinguent et jouent sur le processus de communication.

Il y inscrit cette phrase : « Communiquer aujourd’hui sur la science consiste donc moins à

transmettre des connaissances avec plus ou moins de méditation, comme dans le cas du

modèle de la vulgarisation, qu’à organiser la cohabitation entre des logiques plus ou moins

concurrentes et conflictuelle. »

Au regard du nombre d’acteurs investis sur le Domaine Public Fluvial de l’estuaire de la

Gironde, des enjeux locaux, des tensions et des conflits qui rythment la vie de ce territoire,

cette citation prend tout son sens. Communiquer sur un site naturel aujourd’hui, ne serait-ce

pas participer au maintien d’un équilibre entre les différentes activités humaines et la

biodiversité ; faciliter la coexistence des visions et des projets de territoire ?

37

Bibliographie

OUVRAGES :

BRUNET R., FERRAS R., THERY H., 1992, « Les Mots de la géographie, dictionnaire

critique », Montpellier-Paris : RECLUS - La Documentation Française, 470p

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38

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et Médias, p 9-14. Disponible en ligne sur :

http://documents.irevues.inist.fr/handle/2042/8538

SITES INTERNET :

Site Internet de la fédération des Conservatoires d’Espaces Naturels : http://www.enf-

conservatoires.org/

Site Internet du SAGE estuaire de la Gironde : http://www.sage-estuaire-gironde.org/

Dictionnaire Larousse en ligne :

http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/territoire/77470

39

Annexes I : Evolution de l’occupation du sol en rive droite de

l’estuaire de la Gironde.

De 1720 à 1750 :

40

En 1855 :

41

De 2007 à 2010 :

42

Annexe II : Article de l’Estuarien n°33, revue du Conservatoire de

l’Estuaire.

43

Annexe III : Article de l’Estuarien n°27, revue du Conservatoire de

l’Estuaire.

44

Annexe IV : Article SUD Ouest, « les oubliés du Blayais »

Article disponible en ligne sur : http://www.sudouest.fr/2011/04/11/les-oublies-mobilises-

pour-la-gestion-des-eaux-368444-3227.php

11 avril 2011 06h00 | Par Michèle Méreau

Blaye

Les Oubliés mobilisés pour la gestion

des eaux

L'association Les Oubliés du Blayais attire l'attention des municipalités sur le vote

concernant le Sage et la protection des biens et des personnes.

En décembre 2010, les Oubliés se sont rebellés. Ils sont prêts à poursuivre

leurs actions. PHOTO M. M.

Après plusieurs documents, des réunions qui, selon l'association les Oubliés du

Blayais sont insatisfaisantes en ce qui concerne les digues, l'association monte au

créneau sur un sujet d'actualité : la validation du Sage Estuaire (1) qui doit intervenir

ces jours-ci dans toutes les communes.

Pour les Oubliés, rappelons que les dégâts provoqués par Xynthia en Blayais

(inondations) ne seraient jamais arrivés si les digues avaient été remises à leur

hauteur traditionnelle (7 mètres NGF) après la tempête de 1999.

45

Pas de débat

Les contestations des Oubliés portent sur la hauteur des digues car le Sage les

prévoit à 4,58 m. Mais ce qui les exaspère davantage, « c'est le manque de

concertation ». « Ce projet est totalement bureaucratique sans prise réelle avec la

réalité de la nature. » « Comme à Ambès où un projet de protection des zones

industrielles et urbaines a été présenté (mais avec en compensation des zones de

transfert où les digues seront arasées), les Oubliés s'attendent au pire en Blayais.

Après Ambès, ces dispositions s'appliqueront ici. Et si certains disent là-bas que la

foule fera face aux CRS si on rase les digues, ici, en Blayais nous attaquerons

devant une juridiction pénale si besoin chaque personne qui aura validé le projet

pour mise en danger de la vie d'autrui. »

Réactions positives d'élus

Les Oubliés du Blayais néanmoins tiennent « à remercier Philippe Madrelle » qui,

dans un courrier au ministre, s'indigne et refuse l'abaissement des digues. « Un

soutien qui trouve son sens dans l'appui que le président du Conseil général de la

Gironde et sénateur peut nous donner au sein du Smiddest. De façon à ce que le

Sage redevienne un document ''empli de ce que son nom indique'' », précise

l'association dans un communiqué.

Elle se dit aussi heureuse de l'intervention du député Philippe Plisson à l'Assemblée

nationale. Mais « c'est maintenant à tous les élus locaux de se prononcer sur le Sage

et nous attendons leur soutien », déclare un courrier, adressé à tous les maires.

Quelques communes ont déjà voté sur l'approbation du Sage. À Cartelègue par

exemple, la délibération du dernier Conseil municipal est la suivante : « Le Conseil

approuve le Sage Estuaire mais avec les réserves qui s'imposent par rapport à la

préservation des biens et des personnes. »

Quant à la Communauté de communes du canton de Blaye (CCB), elle sera appelée

à voter ce soir.

(1) Sage : Schéma d'aménagement et de gestion des eaux.

46

Annexe V : Méthodologie des Entretiens.

Dans le cadre de l’étape préliminaire à la mise en place de la stratégie de communication du

CREN Poitou-Charentes sur l’estuaire de la Gironde. Quatorze entretiens semi-directifs ont

été planifiés avec des structures de nature et d’envergure diverses.

Ils permettaient de répondre à plusieurs objectifs :

- Mieux appréhender le paysage des acteurs opérant sur le territoire concerné par

l’action du CREN :Il s’agissait de rassembler, notamment, une multitude de données

sur la nature, le domaine d’action, les compétences, les réalisations, des structures

rencontrées. Ce besoin de rencontres est né du constat d’un manque d’informations sur

le web mais aussi de la nécessité de s’affranchir et de dépasser les connaissances, les

perceptions et les opinions du CREN sur ces différentes structures.

- Saisir les enjeux présents sur ce territoire et identifier des pistes de communication :

Nous avons considéré que l’investissement des structures sur le territoire les rendait à

même de percevoir les enjeux présents sur l’estuaire. La variété de statuts et

d’activités de ces différents acteurs, les rendent plus ou moins sensibles à certains

sujets. Les entretiens feraient ainsi ressortir une palette assez large d’enjeux.Ces

derniers peuvent être de nature et d’ampleur différentes et plus ou moins éloignées des

préoccupations du CREN. A travers la formulation de ces enjeux, il s’agissait

également de faire émerger des pistes, des thèmes pour la communication future du

CREN. Enfin il semblait intéressant d’écouter l’opinion émise par ces différentes

structures sur le rôle du CREN dans la valorisation du territoire et sa légitimité à traiter

de certains sujets.

- Mieux appréhender la notoriété et l’image du CREN :Le CREN étant un acteur encore

assez récent dans le paysage institutionnel local il était important de savoir qu’elle

perception et quelle connaissance en avaient les interviewés de manière à identifier

des lacunes ou des aprioris éventuels.

- Construire du lien entre ces structures et le CREN :Rencontrer cet ensemble d’acteurs

du territoire était également un moyen pour le CREN de se rappeler à l’attention de ses

partenaires, de mieux se faire connaitre ou d’initier de nouvelles collaborations

Sélection des structures et des individus rencontrés :

Une première phase de travail a consisté à recenser les différentes structures dont le domaine

d’action était lié aux questions d’environnement et de cadre de vie sur la rive charentaise de

l’estuaire de la Gironde. Un cinquantaine de structures ont été identifiées.

Les quatorze structures sollicitées pour les rencontres ont été choisies selon plusieurs critères :

- Le premier est un critère géographique. En effet, toutes les structures retenues ont une

action directe ou spécifique au niveau de la rive charentaise de l’estuaire de la Gironde

ou interviennent à l’échelle de l’ensemble de l’estuaire.

- Il a ensuite été question de construire un échantillon rassemblant la plus grande variété

possible de statuts (Établissements publics d’état, collectivités locales, associations…).

- Enfin il était indispensable d’élargir notre regard sur l’estuaire et de ne pas se

cantonner aux problématiques et aux visions proches de celles du CREN. Certaines

47

structures ont donc été sélectionnées pour leur approche différentes du territoire

« estuaire de la Gironde ».

Le tableau suivant rassemble pour chaque structure rencontrée les caractéristiques qui ont

conduit à leur sélection.

Choix de la méthode : entretiens semi-directifs

Afin de faciliter les échanges et l’expression parfois difficile des interviewés, notamment sur

les enjeux existants sur l’estuaire, la méthode de l’entretien semi-directif a été privilégiée. Elle

prend appui sur une série de questions ouvertes servant de ligne directrice et structurant

l’entretien. Cette méthode a également l’avantage de laisser une part importante à la libre

expression des interviewés et de pouvoir développer certains points émergeant de la

discussion et présentant un intérêt inattendu.

Guide d’entretien :

Objectif 1 : Mieux connaitre l’offre de communication et les possibilités de collaboration sur

l’estuaire de la Gironde.

Questions Objectifs

1. Pouvez-vous me présenter votre

structure ?

Question ouverte introductive.

Informations sur la structure non accessibles

sur Internet, plaquette…

2. Quelle est votre action sur l’estuaire de

la Gironde ?

Identifier précisément les zones et les

domaines d’actions sur l’estuaire.

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le

Une pointe pour tous x x x

Conservatoire du littoral x x x

Conservatoire de l'estuaire x x x x

Mairie Talmont x x x x

Conseil Général Charente-Maritime x x x x x

Biosphère Environnement x x x x

Mairie de mortagne x x x x

Ferme la Gravelle x x x x

Parc de l'estuaire x x x x x x

SMIDDEST x x x x x

Comité d'agglomération Royan Atlantique x x x x

Forum Marais Atlantique x x x x

Cemagref x x x

Office du tourisme Mortagne x x x x

Total : 8 6 1 5 2 1 4 1 1 4 5 4 2 7 5 1

48

3. Quelles actions de communication,

d’information, de sensibilisation et de

pédagogie menez- vous au sein de

votre structure, sur ce territoire ?

Recenser les actions et outils de

communication mises en place par la structure

et ayant attrait à l’estuaire.

4. Ces actions s’inscrivent-elles dans un

projet, une politique particulière ?

Quels en sont les grands axes,

directives ?

Identifier l’existence d’une stratégie de

communication et identifier les grandes lignes

directives.

5. Quelles sont les thématiques traitées de

façon préférentielles au cours de ces

actions, en lien avec l’estuaire ?

Identifier les thématiques traitées par la

structure.

Objectif 2 : Avoir un aperçu de l’image, de la notoriété et de la légitimité du CREN à parler de

l’estuaire.

Questions Objectifs

6. Connaissez-vous le CREN ? (oui/non) Évaluer quantitativement de la notoriété du

CREN

7. Que pouvez-vous m’en dire ? Savoir quelle connaissance sur le CREN

possède la personne interrogée. Quelles

missions de l’association ressortent

spontanément de cette interrogation ?

8. Qu’est-ce que CdL ? (Connaissez-vous

les liens qui le relie au CREN ?)

Évaluer quantitativement de la notoriété du

CdL. Observer si le lien entre CdL et le CREN

est identifié, spontanément ou non.

9. Selon vous qu’est-ce qu’un

gestionnaire d’espace naturel ?

Évaluer si les personnes interrogées

connaissent la fonction de gestionnaire

d’espace naturel et ses missions.

10. Avez-vous déjà travaillé/collaboré avec

le CREN ? (Oui/Non) Si oui à quelle

occasion ? Sur quel sujet ?

Identifier une collaboration passée.

Si besoin se fait sentir représenter précisément le CREN et ses missions sur l’estuaire, ainsi que sa

volonté de communiquer.

11. Pensez-vous que votre structure et le

CREN pourraient mener des actions

de communication ensemble ? De

quelle manière ? Sur quels sujets ?

Identifier la pertinence, la faisabilité, la

volonté et les possibilités d’une collaboration

entre les structures.

49

Objectif 3 : Identifier des enjeux de communications sur l’estuaire de la Gironde et des

thématiques pertinentes.

Questions Pourquoi ?

12. Selon vous la communication a-t-elle un

rôle à tenir dans la préservation et la

vie d’un territoire ? Si oui lequel ?

Identifier les différents rôles occupés par la

communication sur un territoire. Identifier

différents types de communication pouvant

exister sur un territoire.

13. Selon vous quels sont les enjeux de

communication majeurs qui existent

sur l’estuaire de la Gironde ? Sur la

rive droite en particulier ?

Identifier les enjeux de communication

perçus comme majeurs au niveau du territoire

géré par le CREN.

Le CREN travaille sur la partie Charentaise du DPF. Il s’occupe de la gestion d’une frange

littorale composée essentiellement de vasières, de prés salés et de roselières.

14. Quelle perception avez-vous de ces

milieux (en termes de valeur

écologique, économique, patrimoniale,

touristique, services rendus à

l’homme) ? Que représentent-ils pour

vous ?

Évaluer le niveau de connaissance et les

représentations existant sur le territoire géré

par le CREN.

15. Ces milieux vous semblent ils

menacés ? (oui/non) Par quoi ?

Évaluer le niveau de connaissance et les

représentations existant sur le territoire géré

par le CREN.

16. Ces milieux ont été très anthropisés

(drainés, cultivés, endigués…) Que

pensez-vous de la reconnexion de ces

milieux à la mer et leur retour à un état

plus naturel ?

Essayer d’évaluer la réceptivité des personnes

face à la démarche de dépoldérisation à visée

environnementale.

17. Connaissez-vous la démarche de

dépoldérisation qui a été effectuée à

Mortagne-sur-Gironde ?

Évaluer la notoriété de la démarche de

dépoldérisation effectuée par le CEL et le

CREN.

18. Savez-vous que le SAGE estuaire

réfléchi à la possibilité de poursuivre

cette démarche de dépoldérisation sur

l’estuaire ? Qu’en pensez-vous ? Est-ce

une solution pour notre territoire ? Les

riverains sont-ils capable de l’accepter.

Recueillir les réactions des personnes

interrogées face au projet de dépoldérisation à

visée sécuritaire et écologique envisagée dans

le SAGE estuaire de la Gironde.

19. Autre question un peu subsidiaire :

selon vous l’estuaire constitue-t-il une

unité ou une rupture territoriale ?

pourquoi ?

Recueillir les perceptions des personnes

interrogées sur l’identité territoriale de

l’estuaire de la Gironde.

La question 12 est celle qui a été exploitée dans ce travail de mémoire. Cependant

certaines citations ont également été extraites de réponses à d’autres questions.