184

La Vie Catholique - Sertillanges A. G. (Antonin Gilbert), 1863-1948 - (Volume 1)

  • Upload
    ihsma

  • View
    86

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

o

v.^f.. .r^i

S'2Q^

4S

Me^iae/a/

-.

oV

"^

x^^

I

Ll

VIE CATHOLIQUEPREMIERE SERIE

OUVRAGES DU MEME AUTEURSaint

Thomas d'Aquin

(Alcan.)1

2

(Collection des grands philosophes).

vol. in-8

Epuis,

La Philosophie morale devol. in-8. (Alcan.).

saint

Thomas

d'Aquin.

30

.^

puis.

L'

mentale

Introduction l'tude de la mdecine expri de Claude Bernard, avec des notes critiques,la1

(de Gigord)

Les Sources de7" dit. (Perrin.)

Croyance en Dieu.d' dit.

51

fr.

vol. in-12.

L'AmourJsus. L'Eglise.

chrtien,1

vol. in-12. 6* mille. (Gabalda).

8 7

fr.

fr. fr.fr.

vol.

(Gabalda.) 2 vol. in-12. 3 dition. (Gabalda.).

m-l2.

4.

50

Un

Plerinage artistique Florence.

12

In-12,

avec

Nos Luttes. 1 vol. in-12. (Gabalda.) puis. Nos vrais Ennemis. 1 vol. in-12. (Gabalda.) puis. Le Patriotisme et la vie sociale. 1 volume ^in-12.Politique chrtienne. 1 v. Socialisme et christianisme.(Gabalda.)

vignettes et couverture illustre. (Gabalda.)

puis.

La

in-12. (Gabalda.).

(Gabalda.)

Fminisme(Gabalda.).

et christianisme..

puis. 4 fr. 50

1

vol. in-12. 3* dition.

61

fr.

vol. in-12. 3 dition.

.

,

La Famille2 dition.

et l'tat(Gabalda.)

dans l'ducation.1

61

fr.

vol. in-12.

Art et Apologtique. 1vol. in-12. (Bloud et Gay.)L'Art et la Morale.(Bloud et Gay.)

vol.

in-18(BloudetGay.)1

4 fr. 50 5 fr. puis.vol. in-18.1

Agnosticisme et Anthropomorphisme.

fr.

confrences prononces la Madeleine 14 fr. en 1914-1915. (Bloud et Gay.) Le Sermon sur la montagne, vangile de guerre et de paix. 1 vol. in-12. (Bloud et Gay.) 3 fr. 75 Les Vertus thologales. Anthologies illustres. 3 vol. in-S" La Foi. L'Esprance. La Charit. (Laurens.) Chaque volume 9 fr.

La Vie hroque, 52

Prire de la1

Femme

franaise pendant la guerre.

plaquette avec vignettes de Maurice Denis. (Librairie de 1 fr. 25 l'Art catholique.)

Aux Morts departis.

plaquette avec vignettes de Maurice Denis. (LiI fr. 25 brairie de l'Art catholique.)1

la guerre.

Prire ceux qui sontde l'Art catho6 fr. 50 1 fr. 252 5fr. fr.

La

Prire.

1

volume

in-12.

(Librairie.

lique.). Prires dans nos preuves. Le chemin de la croix Paroles franaises. 1 vol. in-12. (Bloud

et Gay.)PARIS.

TYPOGRAPHIE FIRMIN-DIDOT ET

C'.

A. D.'.'

SERTILLANGES''Il

MEMIiRE DE l'iNSTITUT

rROFESStl'R A l'institut CATHOLIQUE DE PARIs'

LA

VIE CATHOLIQUEPREMIRE SRIEDEUXIEME DITION

PARISLIBEAIRIE VICTOR LECOFFRE J. GABALDA, diteurRUE BONAPARTE, 901921

IMPRIMATURR. Louis.

IMPRIMATURParisiis, die 14

decembris 1920.E.

Lapalme,Y. g.

J-,r

MAY 2^

197^

CELUI QUI EST NOTRE VIE

Lale

vie catholique est tout entire

Christ

comme danset,

son exemplaire,Dieu,

contenue dans son principe, comme dans en tant que le Christ contient

comme dans

Fobjet dernier de sa recherche.

Aussi, le caractre fondamental de la vie catholique est-il dtermin par l'incarnation.

Sa natureet

mixte unit

le

visible et l'invisible, le

terrestre et

le cleste, le

temporel

et l'ternel, le

changeant

l'immuable. C'est un cas humano-divin.

La double nature de Jsus est ici le point de dpart, et elle-mme trouve son explication dans le dessein rdempteur. Dieu s'est fait homme, dit saint Augustin, afin que l'homme ft fait Dieu. La cration est une monte le Crateur vient nous prendre. Notre nant pcheur se rvlait impuissant Dieu s'y introduit. Dieu brise l'obstacle originel; il nous ramne, en la personne du Sauveur, la Source de toute vie, surtout la vie intime que la munificence cratrice a entendu nous mna;:

ger et en laquelle, proprement,siste.

le

surnaturel con-

La

Vie qui tait

Jean, est

dans le sein du Pre^ dit saint apparue au milieu de nous ( Jean, i,

VIE CATUOLIQL'E.

I.

1

2

LA VIE CATHOLIQUE.

par V Adam noueau , premier-n de beaucoup de frres , cette Vie ineffable veut devenir notre vie, en vue de l'intimit ternelle.2) et,

est d'abord grce d'union, puis sanctification ineffable en nous, ses coulements, qui proviennent des trsors du Christ, s'appellent grce sanctifiante : grce pourle

Dans

Christ,

cette bienveillance

;

grce, dit l'Aptre, car de sa plnitude nous aidonstous reu

(Jean,

i,

16).

A

ce titre,

Jsus- Christ est notre pre,

comme on

le dit

notre frre par nature et par solidarit, aussi

l'poux de nostuelle qu'il.

mes cause de la fcondit spirinous communique. Chef de race sur-

nous engendre une nouvelle vie; il anime notre humanit comme l'lment immortel qui est en nous anime notre chair. Il nous engendre non pas seulement une fois, comme nos pre et mre qui, nous ayant forms, doivent nous livrer la nature gnrale en laquelle nous subsistons, mais d'une faon permanente et actuelle. Dans l'atmosphre intrieure o palpite la nouvelle vie, telle la vie de la lumire, il faut que le Soleil de justice brille toujours et qu'il darde continment son irradiation vivifiante. C'est par l'habitation en nous de l'Esprit-Saint me de notre me, disent les Pres; don du Fils,naturelle,il

commedon duChrist,

le Fils

Pre

mmec'est

et l'Esprit qu'il envoie sont

unle

par ce miracle intime, que la

vie surnaturelle s'introduit et par ses effets

que

Pre du

sicle futur, devient le pre

de ce

sicle-ci,

de notre sicle passager, savoir notre

vie personnelle et

commune.lui

L'humanit du Christ n'est pas

seulement,

CELUI QUI EST NOTRE VIE.

3

jnais nous, et le Dieu qu'elle contient, aprs s'tre

incarn proprement en

elle,

s'incarne selon l'Esprit

en nous tous, nous prend pour sige et pour temple vivant, et non pas seulement l'me, mais le corps,et

non pas seulement

la

personne, mais tout ce:

qu'elle entrane avec soi et qu'elle utilise

nature,

vie infrieure, matire de l'art et des travaux, pro-

duits de l'effort civilisateur, qui deviennent, en pro-

longeant une vie que corps de Dieu.

le

divin anime,

comme un

Cette eiusion de vie, cette infusion en chaque tre

ne se produit pas sans ordre et ne vient pas du Christ chef de race chaque individu de sa ligne sans intermdiaire. Pas plus qu'Adam ne nous donnela vie sans passer

par

la filire

des gnrations et

sans l'action du milieu immdiat qui nous cre par

nos pre et mre, pas davantage le Christ ne produit en nous ses effets de vie sans passer par lasocitet

permanente qui est ne de son sang,le

l'glise,

par sa hirarchie.

Grce ce corps, dontl'Esprit-Saint est l'me

Christ est la tte, dont;

commune grce

ce fonc-

tionnement qui parat tout humain l'extrieur, mais qui au dedans canalise l'influence de Dieu, la vie du Christ se poursuit travers le temps; l'incarnation subsiste et se propage; l'vangile, cette sagesse qui descend d'en haut (Jacq., m),s'allume et brille dans chaque espritses vertus se

comme dans

leur concours; les sentiments du Christ s'panchent,

dsirs pressent sur lesses

communiquent, ses mrites paient, ses vnements et sur les curs, reproches provoquent les repentirs et assainis-

4

L\ VIE CATHOLIQUE.

sent le monde, ses actes historiques se renouvellent

en de rels symboles

et.

deviennent des sacrements.

Les hommes qui vivent selon ses normes, son exemple, sous son action, deviennent comme d'autres Christs, Christs fragiles, vacillants et toujours

pcheurs, mais en droit, comme Jsus, d'appeler Dieu leur Pre et de rclamer les droits de fils droit d'amour et droit d'hritage, ensemble, dans:

l'unit d'une famille d'lus.

C'est la vie catholique qu'on dcrit ainsi.

Il

n'y

aura plus qu' en montrer les formes diverses. Lesformes, dis-je, en relation aveccelui-cile

fond; car oublier

pour n'observer que des cadres, ce serait faire le jeu des ennemis qui ne voient dans l'glise qu'une politique, voire un pharisasme sans me. La vie catholique est sans doute action, manifestation, dehors,

comme

c'est le cas

de toute vie qui

se dploie partir d un germe; mais

comme

toute

vie galement, la vie catholique cache son

germeesti

dans

les

mystres d'une intriorit qui ne se dvoile

qu'ensuite par l'action extrieure. Son

germe

une mysticit,c'est,

c'est--dire

une

activit secrte, et

une union intime, au point de dpart dmarches vitales, avec Celui qui doit leur donner un sens ternel.enfait,

de toutes nos

La

vie est connaissance

:

Jsus-Christ est notre:

lumire.

La

vie est impulsion:

il

est ntre force.

amour, car la charit de Dieu est rpandue dans nos curs par (Rom., v, 5). r Esprits aint qui nous a t donn La vie est tendance Jsus-Christ est notre che^ min, chemin qui marche , dirait Pascal, car lui

La

vie est affection

il

est notre

y>

:

CELUI QUI EST NOTRE VIE.aussi, Jsus-Christ, a fait ce

5

que nous devons faire; chemin qui conduit o Ton veut aller , car il sulfit de s'y poser, comme le chaland qui manuvre au courant d'un fleuve, pour progresser heureusement et pour aboutir. Votre i'ie est cache en Dieu a^ec Jsus-Christ , dit rptre aux Colossiens (m, 3). Elle est ce trsor cach que recommande l'Ecriture; elle fait de notre me la Source scelle du Cantique, le Jardin ferm de V Epoux. C'est elle qui constitue l'homme cach du cur dont parle l'aptre Pierre (I Petr., m, 4), celui qui doit paratre au grand jour quand l'homme charnel lui aura cd la place et que le Christ luimme sera rapparu glorieux. Quand le Christapparatra,(Col.,lui,

votre vie, continue Vptre, alors

vous aussi vous apparatrez avec lui en gloireIII,

41).

En

ce jour-l, le Christ trouvera en nous tout

l'achvement de son rle. Glorifi en soi, il le sera galement dans ses membres. Le gant sera mont

au

ciel tout entier.

Pour ce temps-ci, bien

qu'il soit

notre vie tout autant, le Christ ne vit en nous que d'une vie la fois mystrieuse et rduite. Rduite

quant sa valeur,

elle doit l'tre

ncessairement,

elle le sera toujours,

car notre cas ne se prte pas;

mais galement rduite ici-bas en ses manifestations, en ce que, valant devant Dieu plus ou moins et nous constituant, dans cette mesure, candidats de l'ternel, elle nous laisse, dans le temporel, assimils aux enfants du sicle et ne nous fait bnficier que d'un mystre. Bien mieux, la vie du Christ en nous est une vieelle est

l'entier dploiement des ressources divines

6

LA VIE CATHOLIQUE.

douloureuse.

douleur y prenne tout, ni qu'elle soit sans compensation; mais elle a sa part large, et c'est elle qui parat triompher lalafin,

Non que

car,

du Christ:

collectif

comme

de l'autre,

il

a

t vrai de dire

Il fallait que le Christ ptit pour entrer dans sa gloire (Luc, xxiv, 26). Jsus a souffert et est mort si nous voulons nous unir lui pour une vie ternelle, il faut le rejoindre;

en cette vie-ci l o il est sur la croix. Qu'il l'ait soufferte pour nous, cela ne nous dispense pas d'y monter, cela nous y appelle. Il l'a soufferte afin de donner valeur la croix de chacun; car, que serait une croix humaine comme chelle des cieux? Mais:

la croix que le Christ a soufferte le premier, il ne veut pas la souffrir seul; car, nous aussi, nous

sommes rdempteurs. Par

solidarit avec nous,

il

nous sauve; mais par solidarit avec lui, nous devons, notre tour, sauver et nous, et lui, si l'on ose ainsi parler, lui en son corps mystique, et nosfrres.

Laquifiert

libert quis'y

nous a t donne,gnrosit,l'exigeaient ainsi.

la responsabilitla

attache, la

fraternit,

la

humaine

Le grand

calvaire

dress, toutes les croix minuscules y convergent. Elles tendent les bras vers leur sur divine comme

Jsus tend les bras vers tout l'univers. Elles for-

ment un immobile troupeau. Elles autour de la houlette que le Pasteurqu'il

se

rassurent

qui saigne

a

plante. Elles sont nombreuses, nombreuses autant

y a d'humains et qui souffrent. Mais ce pauvre monde, qui a l'air ainsi d'un champ de mort, doit devenir un champ de vie. Dans trois jours commencement, milieu et fin de notre destine

CELUI QUI EST NOTUE VIE.temporelle et

7

de celle dedoittre

la

terre

l'immensed'ascension

canipo

santo

un

territoire

pour

la vie durable.

dans tous nos sujets, s'agt-il mme de la vie heureuse et de ses expansions individuelles, familiales, sociales, nous verrons affleurer la souffrance; s'agt-il de la vie ardente, nous verC'est pourquoi,

rons s'annoncer la mort. Notre vie avec le Christ suppose une mort corrlative

que le Christ a subie en effigie, en nous, en mme temps qu'il subissait pour son compte une mort effective. Car nous avons t crucifis avec Notre vieil homme a t le Christ, dit l'Aptre crucifi en mme temps (Rom., vi, 5). C'est--dire que l'homme de pch, l'homme d'inconscience, l'homme d'ignorance, l'homme qui ne vivait pas, l'homme de mort dut cder la place. Estimez^ vous, ajoute dans ce mme passage le thoricien sublime (vi, 11), estimez-vous morts au pch, mais vivants selon Dieu, en Jsus-Christ. Telle est l'explication du divin paradoxe o l'Evangile entier trouve sa formule et la justification de Qui veut sauver sa vie ses svres tendresses la perdra et qui consent la perdre la sauve. :

celle

:

:

C'est en brisant pice pice la panoplie d'une viefallacieuse

que, dans le

Sermon des

Batitudes,

Jsus nous arme contre les entreprises de la mort.

La

vie cache en lui,

comme

nous apprend l'estimer une graine immortelle, bien que passagreil

ment mortelle. Mortelle,

elle l'est

comme toute grainel'est

qu'on enfouit dans la terre; immortelle, elle

moissons qui se renouvellent d'automne en automne, de printemps en printemps. Elle estles

comme

8

LA VIE CATHOLIQUE.grain de snev humble, plus petit que toutes les

le

semences visibles, et qui doit mourir, mais qui devient un grand arbre.

nous aurons le voir en ce qui concerne la part du Sauveur qui, constamment, influe sur elle et la rgnre. Mais du ct de l'homme et en rsum, disons Cette vie avec le Christ doit se nourrir de ce que le Christ a dit tre sa nourriture en tout temps la volont de son Pre. J*ai une nourriturey disait-il au puits de la Samaritaine, que vous ne connaissez pas.., c'est de faire la volont de Celui qui m'a envoy et d'accomplir son uvre (Jean, iv, 34). Accomplir l'uvre de Dieu en nous et en tout ce qui dpend de nous, chercher sa volont qui concide avec nos vrais biens, c'est nourrir en nous l'immortelle vie; c'est augmenter de valeur cette graine qui volue sans cesse au dedans et dont l'espce,se nourrit cette vie,:

Comment

:

fixe irrvocablement la mort, dterminera notre

dploiement dans la terre ternelle. Et c'est aussi dvelopper le Christ, savoir dans sa vie prolonge en nous, au sein du groupe solidaire dont chaque membre est un membre du corps mystique. Nos penses, si elles sont vraiment chrtiennes, c'est sa pense qui se cherche, se dcouvre, se dgage, s'accrot dans des intelligences nouvelles; nos tendances, si elles sont droites, sont ses recherches qui se poursuivent plas loin; nos amours sont ses attachements, nos volonts ses dcisions, les chantiers de notre action son domaine, nos efforts son lan, notre religion son culte, et le tout seralise

comme

le

droulement de son propre cas,

CELUI QUI EST NOTRE VIE.

9

une fois qu'il a t dit que nous sommes le corps du Christ et ses membres, chacun pour sa part (I

Cor., XII, 27).

nous enrielle s'enrichira donc elle-mme chit et s'tend au point de vue de sa valeur d'extension, et une telle valeur, prcieuse en toute occurrence, l'est spcialement ici, puisqu'elle rpond aux divines tendresses. Dieu n'a rien de plus, en nous sauvant,

Sa propre

vie, s'coulant:

dans

la ntre,

que sa propre batitude; le Christ n'a rien de plus que sa gloire auprs de son Pre, gloire qui est plnire et ne prte point addition. Mais ce qu'onne peut agrandir, on peut toujours s'y joindre.

L'ami dbile ne se doublant un cas dont

pas l'ami puissant, il ne peut cependant augmenter les ressources? Si le premier tait tel qu'il pt communiquer ce qu'il a en soi, le communiquer sans le perdre, l'ami qui en recevrait le bienfait deviendrait alors son cooprateur, et cependant, recevant cette capacit mme, il serait dbiteur enjoint-il

tout.

Ainsi sommes-nous l'gard du Christ.

Le

Christ nous donne cela

mme

nons, et cependant nous le lui

que nous donnons.

lui

don-

Le Christ

est notre vie et sans son aideet

pourrions pas la recevoir,

nous ne cependant nous dplnitude, dit

ployons la sienne. Noussaint Paul (Ephs.,se remplir, et le

sommes sa

i, 22). Car le plein peut toujours complet s'achever, et la richesse totale s'enrichir, et la chose accomplie s'accomplir, et le couronnement se couronner, par le moyen d'une expansion qui fait retour sa source. Il s'ensuivra que cette vie du Christ, dont la ntre vient et qui s'achve par nous quant son ampleur,

10

LA VIE CATHOLIQUE.

trouvera dans notre action son efficacit permanente.

Nous sommes sa plnitude,telle sorte

insiste saint Paul,

de

que dans tousi,

il

accomplisse toutes ses

uvres (Ephs.,Crotre,tuelle,

23).

personnellement, dans cette vie spiridifierle

ou aider fraternellement ce que d'autrescorps dufaireet

y croissent, ce sera(Ephs.,IV,

Christ

13), ce(iv,

sera travailler14);

obtenir saqu'il soit

stature parfaite

ce sera

coordonntionne(16).

et

uni,

qu'il

grandisse

se perfec'

Tout cela se trouve dans l'Aptre,

et ces

auda-

cieuses expressions n'ont rien d'trange, une fois

compris que l'incarnation est cela mme l'adoption complte, en un seul, de toute l'humanit solidaire et, avec l'humanit, de tout ce qui rentre dans son cas, vu que notre tre ne se dtache pas de ses:

conditions multiples.

Leil

Christ, en nous et par nous, fait son uvre,;

qui est la fois celle de Dieu et celle de l'homme

de son Pre, c'est--dire la manifestation de sa bont, le reflet de sa plnitude, et il nous sauve avec notre coopration, dans lala

procure

gloire

mesure de notre acceptationQuelle vision!

et

de notre

effort.

Et comme

les

mes mystiques, qui

vivent de cette doctrine, sont fondes s'merveiller, se fondre d'amour et d'humilit, en face de tellesintentions devenues ralits ineffables!

Le Christ est celui qui concilie et qui rconcilie chaque instant le ciel et la terre. Il trouve en nous Vimage du terrestre et il y introduit l'image

du

cleste

(I

Cor., xv, 49).

En

s'unissant l'huma-

CELUI QUI EST NOTRE VIE.nit pcheresse qui,

Il

par

lui,

se trouve unie la divi-

change notre quilibre de vie, il en retourne les ples. Les choses qui ne se voient pas, les choses suprieures pour lesquelles nous sommes faits, il nous les fait regarder par ses yeux(l). Il nous invite goter ce qui est en haut, non les choses de la terre (Col., m, 2). L'me, toutenit vivifiante,il

tourne vers la matire et dont

tout le labeur est

pour

la

(vi, 7)

la

bouche

mot brutal deTEcclsiaste bouche, c'est--dire la gourmande ani,

selon le

malit qui dsire toujours

le

Christ l'oriente et

place sa frquentation dans le cie/(Philipp.,

m,

20).

Le corps mme, vou de mort,soi,talit,il

la

mort

et enclin

aux oeuvres

le

soumet, le raccorde plus haut que

l'me, Dieu, et

en

mme

en fait un client d'immortemps que pour l'esprit un piil

destal utile.

Au lieu

d'un animal terrien, intelligent sans doute,

mais dont l'intelligence s'emploie si souvent devenir encore plus animal, on aura l'tre de raison, le participant de cette sagesse suprieure qui entend dpasser l'homme, vu que, selon le mot paen que l'esprit vanglique restitue sa pleine signification, l'homme ne fait mtier d'homme qu'en sedpassant.

que nous dcouvrirons dans la vie et dans tous les objets de la vie, en poursuivant cette donne autant que le permettra 1 infini d'applications qu'elle comporte. Valeur, beaut, rponse nos aspirations, jonction de notrecaractre sacr:

Un

c'est ce

(l)

Non(II

contemplQJittbus nobis quaevidentur, sed quae non viden-

tur

Cor., IV, 18).

12

LA YIE CATHOLIQUE.

tre angoiss de dsirs avec l'objet qui apaise et

queet

le

Christ renferme, ce sera la constante vision.s'y attarder,

Combien peu de gens consentent combien peu se disposentSi tout le malheur descal, vient

en tirer les cons-

quences!

hommes,

ce que dit Pas-

d'une seule chose, qui est de ne pas savoir

demeurer en repos dans une chambre , c'est--dire vivre au dedans, d'une vie qui ne soit pas accroche et disperse partout, qui ne sautille pas de barreau en barreau comme l'oiseau en cage, de pierre en pierre comme le coureur travers des ruines, plus forte raison, ce malheur s'aggrave-t-il, quandil

consiste ne pas savoir habiter le temple intime,

l

o Dieu

vit,

prt rgnrer toute la vie, et quands'est incarn,

ne trouve pas le moyen de raliser la substitution fraternelle grce laquelle, en nous galement, Dieu en quelque sorte Je is; mais s'incarne, selon ce mot de l'Aptre non, ce n'est plus moi, c'est le Christ qui it enle Christ,:

o ce Dieu

moi

(Gai.,

ii,

20).

II

CELUI QUI EST TOUTE VIE

L'incarnation, en laquelle toute la vie catholique

trouve son centre, est une descente du divin dans

rhumain, pour que l'humain s'abreuve aux sourcesdivines.

Quand

je dis l'humain,

il

s'agit tout d'abord est le sige

de

rame. C'est l'me du Christ quila ntre

imm-

diat des trsors procurs par l'incarnation, et c'est

premier le bnfice de l'incarnation continue que ralise sous nos yeuxquirecueille enl'Eglise.

Toutefois, l'incarnation ne serait pas une incarnation,tatssi la

chair n'y tait engage et

si les

rsul-

qu'on attend du contact divin ne s'tendaient,vit,

autant qu'ils s'y prtent, tous les territoires o lachair se meut, aux matires dont elle

aux objets

qu'elle s'adjoint, toutes les ralits qui sont

comme

son prolongement, puisque l'me, ainsi qu'elle se rvle dans la chair 'par l'organisation, se rvleavec ses penses, avec ses sentiments, en vue deses fins^

rieure et

dans tout le mouvement de la vie extdans ce qu'on appelle au sens large la

civilisation.

Cette descente dans le rel et dans la matire,

dans

la chair et

dans toutes les attenances de

la vie.

14

LA VIE CATHOLIQUE.la

prouve sans doute, avec

condescendance de Dieu, la subordination relative de Fesprit; car si l'esprit tait indpendant, on n'aurait pas besoin d'attribuer la matire, qui est faite pour lui, le bnfice de l'incarnation, de mme que si, Dieu ne s'tait rendu dpendant par amour, on ne l'et point vu habiter parmi nous . Mais on comprend que la descente n'est ici que provisoire et utilitaire. L'esprit ne descend dans la matire que pour l'annexer, Dieu ne descend dans le rel que pour l'entraner. Le sens gnral de la vie est une monte elle-mme aspire;

immensment; mme quandcore pour satisfairel'infini

elle s'abaisse, c'est

en-

dsir

qui toujours laqu'elle

tourmente et cette monte, il faut qued'une initiative.

fois l'gar.

Mais pour

la nature infrieure soit l'objetl'esprit; la

La matire monte par

matire et l'esprit unis montent par Dieu. L'incarnation est l'initiative qui doit tout instaurer dansdivin, aprslele

que tout aura ti,

instaur dans

Christ

(Ephes.,

10).

Que

tout ait vie en Dieu, par une exacte adapta-

tion ses penses et par

une marche continue quil'idal crateur qui est laait vie

tende raliser, un jour,fin

des tres, cela suppose donc que toutle Christ.

pre-

mirement dans

L'unique Intermdiairevivant pour l'entre en

entre tout et Dieu, le

Moyen

Dieu de ce que

la vie universelle lui

amnela

doit

capter toute la vie, la faire sienne afin de l'entraner,

commeCela

le

remorqueur

tire

sur

l'eau

longuele

thorie des pniches lourdes et lentes.tait surtout ncessaireet,

du

fait

que

pch

humainde

consquemment,

la dviation originelle

la nature plaaient toutes

choses

comme

au-des-

CELUI QUI EST TOUTE VIE.

15

SOUS d'elles-mmes et exigeaientSi le Christ taitil

un relvement.

se ft

mis

la tte

venu dans un monde en ordre, de cet ordre et l'et utilis pour:

parfaire tout; la

destine et t

de

la

nature

intgre l'esprit intgre, et de Dieu.

l'homme intgre

pas en ordre; il y avait dliement, anarchie, chevauchement des valeurs, dperdition par consquent, hostilit de l'infrieur contre le suprieur, chute fatale et chute

Mais

le

monde

n'tait

ncessairement progressive, car la ruine cre la ruine, et il n'y a pas besoin de raison pour que le

mal devienne pire

:

c'est le bien, toujours, qui

exige

des raisons et des initiatives.L'univers, ce discours de Dieu, n'tait plus qu'un

pome embrouill os'intervertissaient,

le

vers ridicule

dont parle

Marc-Aurle foisonnait, o les priodes, les mots

o tout semblait une divagation,parle

en dpit de sublimits partielles. Par le Christ,Parole de Dieu effective et ordonnatriceChrist Verbe, et aussi par le Christtive;

homme, expres-

sion pure et rparatrice de la pense ternelle rela-

aux hommes par le Christ exemplaire et ide directrice de la vie, par suite ide, principe et agent organisateur de tout ce qui conflue vers la vie, tout pourra reprendre un sens. La pense gnrale, qui;

est le service

de Dieu,

le service

des

fins cratrices,l'in-

retouvera son rgne. Le Christ la proclamera,

timera, et son action la ralisera, lui en qui sont

renferms tous les trsors de la sagesse et de la science de Dieu pour le gouvernement des tres(Coos.,II,

3).

Par cette restauration, le divin et l'humain, temporel et l'ternel, le charnel et le spirituel,

le le

16

LA VIE CATHOLIQUE.

matriel et Timmatriel, extrmes faits pour s'unir,

puisque, selon que dit Pascal en une phrase excessive mais frappante,

tout est un, l'un est Vautre,,

commedis-je,

dans les trois Personnes

ces extrmes,

opreront leur jonction; leurs domaines associs ordonneront leurs tres l'harmonie redeviendra possible; le pch condamn, le dliement, le d;

sordre carts, la vraie vie reprendra possession dela terre.

Cela parce que, au dbut, le ncessaire a t fait pour capter tout le rel dans le rseau de la pense cratrice reprise parce que l'Ide, le Verbe s'est incarn et que TEsprit a souffl de nouveau,;

aprs Eden, sur la cration morte; parce que notreunivers, ce prodigue, tait perduet

qu'il

a

t

retrouv.

Quelqu'un a

dit

que de ce

fait, le

drame universel:

se trouve en tat d'obir aux rgles classiques

unit de temps, unit de lieu, unit d'action. Cela sesoutient, sauf l'ales assimilations

peu prs que comportent toujoursde choses diverses.

en effet, tout entier concd au Christ, dont la venue en la plnitude des temps marque leur point de convergence. Le Christ occupe le pass pour ses la dure en ses trois domaines prparations, le prsent pour sa naissance et pour son action, l'avenir pour les dveloppements de son uvre et pour son utilisation. Le temps qui contient tout et qui porte tout, le temps avec toute sa charge a t remis Celui qui tout a t remis ^ Celui qui estest,:

Le temps

hiej'j

aujourd'hui

et

dans tous

les sicles

(Hebr.,

XIII, 8).

Le temps, Jsus l'enveloppe de sa

divinit, et

il

CELUI QUI EST TOUTE VIE.

17

y influe par son humanit mritante et active. L mme o il n'est pas, il agit, parce que l o il n'estpas, Dieu est, et cause delui,

en raison de

lui^

ft-ce avant son berceau, joue le rle

de substitut pour son uvre. Le temps a donc sa vie en Jsus-Christ; JsusChrist est sa palpitation et son sens; la voix desges, leur clameur nombreuse, 'est toute pleine

que de ce nom. Notre petite vie, qui est engage l, en devient sacre mais son tour elle communique ce caractre ce qui l'avoisine, et toute anne humaine est de ce fait une anne chrtienne, et toute anne des sicles du temps s'unit par l au sicle ternel. Le drame sublime et bienfaisante liturgie est vraiment un qui enveloppe la dure humaine. Et dans le lieu galement, dans le multiple et le divers, l'unit rgne au nom du Christ, parce que le Christ est la vie de l'univers comme la vie des ges. Demande-moiy lui dit Dieu dans le psaume, et je te donnerai les nations comme ton hritage, et comme ta possession les confins de la terre yt (Ps., II, 8). Il Va fait asseoir^ dit TEptre, sa droite, dans les deux, au-dessus de toute principaut, de toute autorit, de toute puissance, de toute dignit, de tout nom et de tout ce qui se nomme ^ il a tout mis sous ses pieds (Eph., i, 20-22). Tout le jaillissement de l'tre aux formes inpuisables n'est- il pas enferm dans l'ordre divin, n'estil pas li l'humain, et le Christ n'est-il pas Dieu et homme? On ne peut pas s'tonner de ce que l'un de nous tant ainsi uni Dieu en l'unit de personne, cette dignit rachte infiniment l'exigut de sa; :

VIE CATHOLinUE.

I.

2

18

LA VIE CATHOLIQUE.

nature humaine, et que, passant par-dessus les ordres crs, il rgne sur tout et soit la condition de tout.arits (Mat., XIII, 47). Incluez dans ces varits d'tres les choses aussi bien que les personnes, vous avez la pense complte. Tout est compris dans ce coup de filet et dans la possession totale attribue au Christ par son rle sauveur.Finalement, l'action ne peut manquer de

s'unifier,

comme

la

dure

et

comme

les tres,

du

fait

d'une

i

primaut qui place le Christ l o toute activit se dverse pour se rpandre. Dieu tant source, et son Christ Tavoisinant immdiatement en tout ce qu'il fait, on peut dire que le Christ est l'activit de tout, la vie active de tout De lui, et par lui, et en lui sont toutes choses (Rom., xi, 36). Tout part de lui pour l'exaucement des dsirs et des recherches; tout tend vers lui par ces mmes recherches, par ces mmes dsirs que seul il exauce.

|

CELUI QUI EST TOUTE VIE.

19

C

une gravitation universelle autrement large, intime, sublime que celle de Newton.est

QueChrist,

tout, ainsi, serve et concoure, unifi

de tout, c'est les conditions que de droit, le salut de tout. L'univers se rachte servir le rachat de la crature pensante. Uni au Christ et, par le Christ, Dieu,c'est la loi

comme

dans le aussi, sous

chappe la loi de pch qui l'avait dissoci aussi bien que notre me collaborant sa manire la rdemption, il y participe, comme chaque humain, quand il s'emploie au salut de ses frres, mrite sa propre grce et sason principe organisateur,il;

vie ternelle.

Dieu a oulu... se rconcilier par Lui toutes choses, celles qui sont sur la terre et celles qui sont dans les deux, fcasant la paix, la paix universelle, par le sang de sa croix (Col., i, 19-20).

Le moment

n'est pas

venu d'tudier

les diffrentes

faons dont toute vie collabore avec Jsus-Christ, et

commenttait,

cet Esprit

nouveau que l'vangile apporpeut vraiment actionner

en

s'infiltrant partout,

le

monde (1). Ce qui suffit ici, c'est de comprendre qu'aux mains d'une toute-puissance anime d'amour, rien ne demeure rsistant, indiffrent, ni hostile.L'obstacle

mmealors

est

un moyen, quand

les ractions

de ce qu'il arrtait l'enveloppentrvolteest

et l'utilisent.

La

une coopration; l'inconscience

travail, fait l'objetV glise et la

qu'elle doit ressortir du prsent de nombreux dveloppements dans notre ouvrage sur VEglise (Paris, Gabalda 1916). Cf. notamment les chapitres sur(1)

Cette dmonstration, outre

Civilisation, sur les

Sacramentaux,

etc.

20

LA VIE CATHOLIQUE.;

vaut l'esprit ce qui parat dvoy rentre dans le chemin, parce que le chemin s'y avance; le violentcde et se plie, prt au service,qui prend sa charge.

comme

le

chameau

Rien n'est chang en apparence depuis le Christ; le Christ n'a pas voulu bouleverser ce qui lui .tait fourni, comme si ses ressources propres taient insuffisantes pour l'emploi d"un tel univers. Pourtant, tout est chang; tout a pris une autre signification, une autre orientation les quantits;

reoivent

un autre,

signe.

Nous

tionsils

autrefois

nous profitent, et le rsultat du travail mondial, bien que ce travail .en lui-mme soit tout un, est renouvel plus que par un autre monde. Il a vraiment rendu nouvelles toutes choses, Celui que l'Apocalypse voit sur unsous les lments

maintenant

trne avec la prsidence des tres, bien qu'elle luigarde, en souvenir des moyens de sa fortune, la

forme de V Agneau (Apoc, i, 21). Mal ou bien, sous certaines conditions, et plus forte raison matire ou esprit, fait ou personne, tout est maintenant, pour celui qui s'unit au Christ, un agent du bien; tout est canal de grce, tout est en ce sens un sacrement. Par les vnements qu'il conduit et par tout le rel qu'il mne, Dieu exerce une action qui ne tend plus qu' raliser la perfection de son Christ panoui et son bonheur. Par cela mme qui nous spare, nous nous touchons, lui et nous, comme par des mains tendues. Par la lumire de vie qu'il diffuse, tout surgit, neuf et apte aux usages sacrs, comme l'aurore tout se recre ensortant de l'ombre.

Disons

la vie ingrate, cruelle et tentatrice; disons

CELUI QUI EST TOUTE VIE.Tiinivers

21

morne, effrayant comme le bourreau ivre auquel certains ont attribu la cration de toujours cette merveille qu'clabousse du sang:

que cette perfide duret est servante d'une tendresse. Au fond des espaces noirs o plongent les univers affolants vibre une clart qui en fait une crypte sublime. Notre esprit ne s'y gare plus, nos pas ne s'y heurtent plus, ils ne sont plus abuss ni tremblants, ils cheminent. Avant, c'tait la nuit glaciale et mchante; maintenant, c'est la beaut mystrieuse d'un matin proche. Avant, c'tait la grande guerre , dit sainte Catherine de Sienne maintenant, c'est la grande paix >>. Nous pouvons nous reposer sur le cur du monde, parceest-il:

qu'il bat

sur le

cur du

Christ.

au sein de cette unit de tout l'tre Comme tout prend son droit, laissant tout son droit! Comme la bont rgne, garantie par la rectitude, n'exigeant que la raison, laissant, dans cette sagesse, s'panouir chaque nature assure de soi. Plus d'ennemis nulle part, plus de risques, moins que de propos dlibr on ne s'en cre. Toutes choses sont fraternelles; tout circule sans heurts, comme dans un systme d'astres aux vitesses vertigineuses, assagis par des lois. Le haut respect et la quasi adoration que nous inspire tout le cr, une fois incorpor JsusChrist, ressemble au sentiment que nous inspire la croix, ce morceau de bois que nous baisons et devant lequel nous plions le genou, parce qu'il nous apparat comme vivant. Ne vit-il pas, en effet, de la vie du corps douloureux qui y saigne? La croix de Jsus ne nous semble-t-elle pas faire partie de son Quel sentiment de!

libert,

22

LA.

VIE CATHOLIQUE.

ne sert-elle pas de support son me? Or, l'univers est pour le corps mystique une nouvelle croix Jsus s'y tend sa vie s'y continue son me y habite; son Esprit s'y rpand. Sur les eaux primitives et dans le cur d'Adam, cet Esprit, au premier jour, animait le monde il le recre maintenant et il renouvelle, pour les germinations du dedans et du dehors, la face de la terre.corpset;

;

;

:

Concluons quetout,il

si

Jsus-Christ est ainsi la vie de:

sera naturel de le trouver partout et de direchrtien.

Toutpar

est

Donc, que tout

soit

chrtien

l'utilisation,

aprs l'avoir t par une apprle ciel, les roches, les btes, les

ciation vridique.

La

terre, la

mer,

herbes, les pays, les habitations, les objets qu'onrencontre, les objets qu'on fabrique, les vnements

qu'on subit, les vnements qu'on provoque, toutesles

ralitsil

terriennes,

toutes les ralits

myst-

rieuses,tout,

faut contempler tout,faisait

aimer

tout, utiliser

comme

un Franois d'Assise.

Tout

doit se traiter en frre, dans le Christ divin

Frre; tout doit se traiter saintement, tant saint.

Et saintement, cela veut dire conformment aux penses et aux vouloirs de Celui en qui tout subsiste, de telle sorte qu'il y vive vraiment comme il viten nous.Celui qui est notre vieet,

au del, toute vie Celui;

qui porte en soi le reflet de tous les

mondes compte

sur notre aide pour rendre heureuse et efficace pour

nous l'action de tout.

qu'il

organise au point de concentration

mLA VIE EN JSUS-CHRIST

Si Jsus-Christ est notre vie etil

s'il

est toute vie,

dpendantes de la sienne, la ntre et celle de tout ce qui concerne notre cas, viennent effectivement s'y relier. Ainsi seulement elles auront le bnfice de la rdemption en son double stade descente de Dieu vers nous par le Christ, remonte de tout vers Dieu par le mmefaut

que

les destines

:

chemin.

Vivre en Jsus-Christ, a une porte {{u'il faut bien mesurer, pour ne pas verser dans un mysticisme faux et donner pourtant satisfaction Cette formule:

en son centre. Vivre en Jsus-Christ, c'est trouver en lui, au spirituel, les principes de sa propre vie, qui sontla mysticit qui est la vie catholique

lumire, orientation et force; c'est l'aimer; c'est se

modeler sur l'exemple o lui-mme incarna ce qu'il doctrine, nous annonait; c'est appliquer le tout maximes, impulsions, amour, exemples ce qui nous est commun tous, puis au cas de chacun, puis chaque circonstance, afin que la destine s'enrichisse du divin sans cesser d'tre elle-mme humaine pour tous, spciale et nettement person:

:

nelle

pour chacun de nous.

24Il

LA VIE CATHOLIQUE.suit

de

l;

que vivre en Jsus-Christ,

c'est

d'abordsala

croire en lui

car sa doctrine, esprit et

ne dans

propre personne, veut tre esprit et vie dans

ntre. Penser, c'est vivre, savoir selon l'intelli-

gence, d'une vie que nourrit la vrit. Recevoir deJsus-Christ, qui est lumire

du mondey:

la vrit

sur ce qu'il y a de plus fondamental

Dieu, lui-mme,

donc vivre sa vie et se trouver uni au Seigneur, de manire ne former avec lui qu'?m seul esprit ( Cor., vi, 17). Si quelqu'un, ajoute saint Jean, professe que Jsus est Fils de Dieu, Dieu habitera en lui et lui en Dieu (Jean, iv, 15). La profession de foi, en amorant le pacte entre nous et le Christ, amorce le pacte entre nous et Dieu, nous prpare bnficier de la noui>elle alliance et nous mettre avec Dieu en cette vie commune qui est le mystre de ce temps et la gloire de l'autre. L'adhsion aux maximes du Christ et le renoncement aux maximes sataniques dont la nature corla destine, c'est

nous-mme,

rompue prche

la fausse vidence, c'est ensuite le;

resserrement des liens de vie entre le Christ et nous car c'est la profession de foi prolonge sur le terrain, pratique c'est la preuve d'une adhsion srieuse et;

personne du Sauveur. En effet, les maximes, c'est la lumire qui procde des fins que Ton poursuit, c'est aussi la clart qui y mne; or les fins de notre vie gouvernent notre vie non seulement en elle-mme, mais dans ses liaisons et danseffective la

ses amours. S'avancer vers le

mme

point de l'ho-

rizon et vouloir les

meilleur signe d'unit et

mmes choses, n'est-ce pas le comme d'identit affec-

tueuse entre deux tres?

LA VIE EN JSUS-CHRIST.Si

25

VOUS dites aprs cela que nous attendons du Christ et que nous en recevons une communication de sa force qu'il ouvre en nous des cluses par o;

passe,

aprsle

l'avoir

lui-mme

travers

comme

homme,

courant sanctificateur man de son Pre,

tellement que le progrs dans la vie spirituelle,

son commencement, n'est qu'un emprunt aux trsors d'nergie que le chef de race surnaturelle accumule pour tous c'est une forme nouvelle:

comme

de vie en un, dont vous aurez trouv la formule.

La

lutte contre

le

mal

et

la;

recherche du bienCelui quila race,le

sont en nous une collaborationa vaincu le

premier

mal au nom de toute

de Dieu, y concourt sans cesse; il au dedans au moyen de son Esprit nous;

par la force nous actionnelui

rpon-

dons, et c'est dans la concordance de cette actionet de notre rponse,

de notre effort et de sa grce

secourable que consiste sur ce point notre vie enlui.

Ajoutez-y l'amour, dont on a dit que la cohabi-

mlange des mes sont ses caractres propres. Jsus nous a aims le premier (I Jean, iv, 19) rpondre aux sentiments ineffables de l'Evangile, dont les derniers discours du Seigneur, en saint Jean, donnent l'impression si pntation intrieure et le:

trante et

si

mystrieuse, c'est le devoir et la joie

Alors s'accomplit la promesse granSi quelqu'un m*ame, mon Pre aussi V aimera, et nous viendrons lui, et nous tablirons en lui notre demeure (Jean, xiv, 23).disciple.:

du

diose

Pensant et agissant d'aprs Jsus-Christ, par son inspiration et avec son concours, dans son souffle, n'est-il pas indiqu que nous devenions peu peu

26

LA VIE CATHOLIQUE.

ses vivantes images, et que de plus

humbles Christs,

Christs en fragile participation, Christs en imitation toujours fort lointaine, partagent avec le pre-

mier la gloire du complaisances?

nom

et le

bienfait des divines

Cela aussi sera une vie en Jsus-Christ, puisquel'identit entre la copie dficiente et lefait est le

modle par-

puisque Tart, s'attaque la nature pour l'amener en soi, commence par se livrer cette vie en commun qui fait courir avec le nuage, vgter avec la plante, sentir avec l'animal et penser avec l'homme l'esprit ravi par la contemplation esthtique. C'est bien une sorte d'art, art spirituel, qui, par;

but idal qu'on se propose

quand

il

la libert et la grce,

comme par

l'tude et l'inspi-

ration, veut

que

le

chrtien soit conforme Jsus-

Christy devenant en lui et par lui, quoique au-deslui incomparablement, le miroir du Pre. Car nous avons un modle divin, depuis que, dans le Christ, Dieu a t fait notre image, comme

sous de

nous-mmes

tions faits l'image de Dieu. Notre fusion en Jsus-Christ sous ces formes diverses qui se prsupposent et se corroborent l'uneSaintet, c'est--dire,

l'autre, ce serait la saintet.

conformment au sens tymologique, sparation l'gard de notre humanit dvoye, rapprochementet quasi identification avec l'humanit idale ralise

dans

le Christ, et,

par

l,

selon la proportion desnatures,:

cas et en dpit de la disproportion des

obissance au sublime et paradoxal prcepteparfaits

Soyez-

Pre cleste est parfait. N'est-ce pas cela que Paul veut nous inculquer quand il nous invite revtir Jsus -Christ cotre

comme

|

I

LA VIE EN JSUS-CHRIST.

27

(Rom., XII, 14), comme si, sous cette divine treinte, nous ne devions plus faire qu'un avec notre Matre, esprit et chair obissant aux mornes normes, adoptant lessions,

mmes formesle

d'activit, les

mmes impul-

pour

mme

but suprme.obli-

C'est l pourgation.

nous, notons-le bien, une

La

saintet a des degrs;:

mais ce qu'elle

a de fondamentalet

l'adhsion Dieu par le Christ,

par suite l'adhsion au Christ, de telle sorte qu'on pense, qu'on veuille, qu'on agisse, qu'on aime, bref, qu'on vive, quant l'essentiel, conformment lui et en unit avec lui, cela est indispensable. La volont de Dieu, dit saint Paul, est que i^ous soyez saints. Cette volont est identique cetteautre(I:

Sanctifiez le ChristIII,

dans vos curs:

Petr.,

15).

Ou

encoreii,

Marchez selon

lui,

marchez enle

luiy> (Col.,

6).

Car, selon l'image

saisissante de Catherine de Sienne, le Christ est

ceux de l'autre vie et aussi ceux decar ds cel'esprit.

comme

pont qui nous relie aux rivages clestesla vie prsente,

monde nous devons;

escalader le ciel de

Jsus-Christ donc est le pont quiconque s'avance autrement que par lui, s'engageant dans ce que la sainte appelle le chemin d'en dessous , le che-

min de l'eau , s'gare et se noie (1). Qui ne vit pas en Jsus-Christ vit en soi-mme sans Dieu, et il chute plus ou moins promptement, plus ou moins srement jusqu' la matire. Il n'ya pas en nous de quoi maintenir nos forces sous

(1)

Dialogue,

I,

cli. \ii.

28

LA VIE CATHOLIQUE.;

leur rgle

il

n'y pas

mme

de rgle sre.

Il

faut

que tout vienne d'en haut, et rien n'en vient que par le divin Pont, par o tout remonte. L'homme, en tombant d'en haut et en dchant de Dieu, dit saint Augustin, tombe premirement sur lui-mme (1) ; mais il ne s'en tient pas l; peu peu il dfaille de sa propre nature, il s'carte de son propre sens. Ame mle la chair qui ellemme tient au monde, ce monde l'entrane, l'enlace, le roule par l'attrait du plaisir, par le dsarroi de l'imagination, par l'attraction anarchique et quasioy (Jean, vi, 38). N'est-il pas clair que la volont d'o nous sommes issus concerne, avec notre tre en sa constitution premire, tout le droulement de

galement

veut l'unit de notre tre; ainsi le veutet

:

conditions qui s'imposent cratrice deles varits les varits

lui,

qui sont

lui,

qui

expliquent sa destine et disent son cas? L'ide

l'homme inclut, avons-nous dit, toutes d'hommes elle inclut galement toutes;

de situations, d'actions se rattachant chaque tre et procurant le dploiement de sa nature. C'est la mme chose de dire Toute la vie, Toute la vie, c'est la volont c'est nous, et de dire de Dieu sur nous. N'est-ce pas l ce que nous appelons providence?:

:

La Providencec'est elle quile matin, je

a prvenu

mes

initiatives; bien

avant que j'y consentisse, elle a trac

ma

route et

m'y pousse par ma libert. Je me lve me dispose, je me nourris, je mets en marche mon esprit, je prie, je travaille soit des mains, soit de l'intelligence, je reprends ma profession et ma vie de relation, je recommence car ce

quefais

je

fis

hier, avec des variantes, c'est ce

aujourd'hui

et tout cela, fait

dans la

que je joie ou

TOUTE LA VIE EN JSUS-CHRST.dansla souITrance, d'une

39

me tendue ou dans unedonc,si

impression de dlassement, qu'est-ce n'est la volont de Dieu sur moi?Je dtermine partion de

ce

ma

libert les points d'applica-

mais le thme m'en est fourni, et la raison qui me guide dans mes choix est elle-mme volont de Dieu et lumire de sa face. Tout vient donc de l-haut, mme ce qui vient de moi, et quand j'agis conformment

mon

effort; je fais

ma

vie, soi-disant;

ma

nature, soumis

ma

rai-son, je fais

Vure du

Pre que le Christ a dclar tre tout son souci pour nous tous. Il faut seulement que cette uvre de vie, qui se trouvait carte de son principe par la faute pres'y mire draison collective qui avait tout vici, raccorde par la rdemption. Et c'est dans le Christ que se fait le raccordement. Il faut donc que dans le

Christ tout

se

ramne au principe sauveur,

se

retrempe dans sa raison divine, se recre, et cela selon toutes les formes d'existence et d'activit que comportait la primitive pense cratrice. Hors de l, nous ne serions qu' demi rachets, nous ne serions qu' demi chrtiens. Nos vies, au spirituel, appartiendraient tout ensemble la chute et au relvement, Adam pcheur et Jsus-Christsauvur. Le Christ qui vit en nous n'y serait qu'moiti form

nous ne lui aurions pas donn sa croissance, et, dans cette sorte d'infinit qu'est une vie, il serait condamn se rduire honteusement, au lieu de s'panouir dans sa plnitude. Pire que cela, ce qui en nous ne serait pas chrtien ferait retour, pour le corrompre, sur ce que nous aurions prtendu donner la vie dans le Christ.;

40

LA VIE CATHOLIQUE.il

y a solidarit entre toutes les fonctions que la vie surnaturelle a pour mission de renouveler et de transposer dans le mode de la grce; toutes viennent de la mme source et se nourrissent du mme sang. Si je suis paen dans mon travail, dans mes lectures, dans mon action professionnelle, dans ma vie familiale, dans mes relations civiques, dans mes frquentations, dans mes amitis, si je suis paen en ce que j'ai de commun avec les paens, il n'est pas en ce qui m'en distingue, savoir : chrtien l'glise, chrtien au pied de la croix, chrtien au pied de mon lit quand je rcite ma prire. Et de mme, si c'est en paen que j'accueille la douleur ou l'humiliation, ou si en paen je me jette dans la vie heureuse, il n'est pas vrai qu'vraisois chrtien

Car

que je

dans le Christ. C'est comme si l'on disait qu'une tte de Blanc peut se poser sur un Noir, ou qu'on peut se porter vraiment bien selon un organe ayant l'autre malade. Il n'y a que des maladies gnrales, disentje connaisse la vieles mdecins.

aucun moment

Les caractres d'une race se retrou-

vent dans l'organisme entier, disent les anthropolo-

nous sommes de la race de Dieu et bien portants selon la vie qu'il nous donne, cela doit se montrer en tout; tout doit se conduire, s'orienter dans le sens des fins que poursuit la race immortelle en sa vie terrestre tout doit se laisser porter par le courant qui nous vient de la croix.gistes. Si;

*

supposer que nous nous rangions sous cette loi d'unit, voyez comme tout en nous prend valeur et se

A

TOUTE LA VIE EN JSUS-CHRIST.dpasse soi-mi*mo. Danstait, ainsi qu'ils le Christ,

41

nos thologiens

atllrment que toute action, spirituelle ou physique,disent,

thandrique, c'est--dire

divine en

mme temps

direct, ellele

qu'humaine, bien que, titre procdt d'un corps et d'une me. Dansle chrtien, la

Christ en participation qu'est

docvie

trine est proportionnellement la

mme. Notrede

corporelle,

rassemble

sous

l'action

l'esprit,

plong-e dans le Saint-Esprit que le Christ nous

munique; Verbe par l'illumination de la foi, et notre vie de relation rejoint la socit que forment avec le Christnotre vie selon l'intelligence participeles divines

comdu

Personnes.actes inspirs

Tous nos

du Christ,

frres des siens

comme nous sommes ses frres et solidaires des siens comme nous sommes solidaires de lui, prennent donc enleurloi,

lui

une porte qui

les divinise. Ils

sont

divins dans leur principe qui est l'Esprit divin, dans

qui est la loi divine, dans leur porte qui

est finalement cleste.

Tout vaut, tout aboutit, tout devient une sainte liturgie, toute la vie tourne au sacerdoce. Vous tes, crit saint Pierre, une race

un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple que Dieu s*est acquis afin que, par toutes vos uvres, vous annonciez les perfections de Celui qui vous a appels des tnbres son admirablechoisie,

lumire

(I

Petr.,

ii,

9).

Faire de tout une lvation, une prire, une cr-

une action salvatrice, un amour; me une page d'vangliaire et de son corps la reliure prcieuse faire de la maison un oratoire, de la table, du lit, de l'tabli, du bureau, de la planche laver, du fourneau de mnagre ourituelle,

monie

faire

de son

;

42

LA VIE CATHOLIQUE.

de la travailleuse ouverte un autel; de la vie du matin au soir et du soir au matin, du sommeil, du repos, du jeu, de la conversation aussi bien que

du labeur ou de

la prire

un

dans le pense chrtienne. Et c'est l'effort de tous ceux qui la comprennent vraiment; nul n'est chrtien que dans la mesure o il s'y adapte. Les saints, ces modles de la vie catholique, en second, sous le prototype divin, ont t les amis de toute la vie; ils se sont faits les sanctificateurs de ses uvres et les glorieux servants de ses humilits. Chacun d'eux l'a montre difie en soi selon tout ce qu'elle a de commun entre nous tous, et la diversit de leurs vocations nous la fait voir associe au divin dans tous ses domaines. Travail manuel, trarite d'ternit

un vnement religieux, temps provisoire, c'est la

vail intellectuel, science, art, littrature, philosophie,

organisation, politique, technique de tous mtiers,vie solitaire

ou vie familiale, vie nationale ou vie petite et grande vie, ils ont tout abord, et l'on peut voir dans la collection de leurs vies qu'a entreprise prcisment dans ce but l'un de nos diteurs (1), quelle somme tonnante de services ils ont rendus toutes les branches d'activit humaine. Ils ont reni la vie hors le Christ, mais afin de mieux l'embrasser quand elle-mme acceptait une treinte divine. Et quand ils ont paru hors cadre, tels les anachortes ou les grands asctes, c'tait comme le porte-drapeau qui ne lutte point, qui faitinternationale,

collection Les (1) Librairie Victor Lecoffre, Gabalda, diteur, La Saints est dirige par M. Henri Joly, membre de l'Institut.

TOUTE LA VIE EN JSUS-CHRIST.mieux, qui lvetout pril et,le

43

plus haut qu'il peut, travers

mains,

le

s'il le faut, au prix de sacrifices surhusymbole entranant des luttes.

Un exemple

assez

bon de

l'intgration dont je

parle, pourrait se trouver dans des uvres d'art qui

refusent prcisment de sparer le divincelui-ci en

devenant paen, l'autre L'art hollandais, s'il s'tait gard de certaines grossirets, de certaines lgrets et s'il tait davantage pntr de sve chrtienne, aurait eu tout ce qu'il faut, lui si intime et imprgn d'un si bonralisme, pour engager dans la foi tout le terrien.

du rel, purement factice.

Tels peintres contemporains, tels potes, renouvels par le recours aux sources, corrigent vraiment en cepoint l'art

pompeux des

xvii et xviii^ sicles et les

fadeurs

saint-sulpiciennes.

Mais

le

modle,

ici,

modle par excellence et impossible dpasser au point de vue de l'inspiration qui le dicte, c'est l'artde nos cathdrales.

Dans

ces ensembles miraculeux, qu'on ne cesseet

qui toujours accusent de nouvelles on peut voir en beaut ce que suggre la foi, ce qu'elle dit la pense toujours en qute d unit et qui toujours, laisse elle-mme, retombe aux vues partielles, aux tendances anarchiques. C'est l. si quelque jour on renoue nos traditions, qu'ond'tudierrichesses,

retrouvera la leon oublie des alliances universellesl'ternel

consacres par l'alliance divine, et la pntration de dans l'humain, et la profuse intgrit de la

dbouchant de toutes les voies, se dversant de toutes les rues de la cit sur le porche aux trois portes, pour se voir diriger vers le ciel par le Christvie

44

LA VIE CATHOLIQUE.

l'index lev. L, les pierres hiratiques et la pierred'autel, extraites de la carrire

surs dede

la pierre

dule

foyer,

commune, deviennent de la pierre du seuil, dela pierre milliaire,

la pierre qui

borne

champ, deville et

la pierre d'angle

des palais et des Sorbonnes, de des tribunes politiques,fait

la pierre des htels

de

tout venant ce qui nous

monter au del de

l'humanit rampante, mais aussi tout repartant, dece point o Dieu repose, pour aller bruiter et utiliser Dieu partout.

Alors se corrigerait ce dliement, cette dispersion anti catholique de la vie qui divise notre humanit depuis tant de lustres, que des chrtiens garstrouvent un idal, que notre vie consacre, quand

nous mettons en nous

le

Christ d'un ct, avec son

minimum

d'autorit et de culte, de l'autre ce qu'il

devrait vivifier et organiser, c'est--dire tout.

Dieu et insens de vouloir diviser l'homme, alors que tout se tient, et que nos sparations des Eglises et de l'Etat, des familles et du temple, du civil et du religieux, du naturel et du surnaturel ne sont pas moins des hrsies humaines que des hrsies en la foi un en lui-mme, un avec alors que l'homme est un la nature, un avec Dieu; alors que son union avec Dieu ne le double pas et ne peut donc prter ddoublement, tant fonde sur l'incarnation, c'est-dire sur Dieu et l'homme mls en une vie commune, sur Dieu et l'homme en un seul tre, en unN'est-il pas insens de vouloir squestrer;:

seulft

Homme-Dieu?Je ne perds rien de ce que

le Pre m* a donne , Aprs la multiplication des pains, il a dit Jsus. ordonne de ramasser les morceaux pars, de peur

TOUTE LA VIE EN JSUS-CHRIST.

45

quils ne se perdent. Ainsi, aprs avoir multipli la vie en ses hautes valeurs, celles que tout le monde admet devoir entrer dans la vie religieuse, il veutqu'on y ramne tout le reste, afin que l aussi rien ne se perde afin que la vie religieuse ait sa matire;

complte et, avec son champ d'application, ses moyens de croissance afin que tout soit sauv de son nant propre, chappe aux tiraillements des tendances partielles, interrompe sa course la mort,;

vite la corruption de toute chair et

de tout esprit

sans rgle divine; afin que s'ajoute toutes nos ralits et

tous nos actes un coefficient divin.

VLA VIE DE TOUT EN JSUS-CHRIST

Nous donner Jsus- Christ avec

tout ce qui estlui,

de nous, afin que nous ayons vie en

qui est

notre vie, tant vie substantielle du Pre, cela sup-

pose que toutes les choses qui ont rapport la destine nous suivent dans ce mouvement et participent ce don, afin de vivre aussi, par nous, de cette Vie qui tait au sein du Pre et qui nous est

apparue (I Jean, 1,2). La doctrine du Royaume de Dieu, qui

est

si

souvent voque par les vangiles, veut que l'universalit des tres avec toutes les activits qui les

mnent, avecla

l'histoire qui

garde

la trace

de leurs

voies, tout soit incorpor l'uvreralit

du Christ; car

dpend de la spirituelle, la chose est subordonne la personne et l'inconscience morte aux consciences o Dieu s'imprima, de telle sorte que tout le dehors nous soit serviteur, comme dpendant de nos destines temporelles etmatrielleclestes.

Le Christ lui-mme, en nous adoptant, a adopt cet ensemble d'tres. Les royaumes du mondeet

leur gloire

oii le

ne l'ont pas bloui mais au moment Tentateur le pressait de les recevoir de son;

LA VIE DE TOUT EN JSUS-CHIUST.aide,

47

en avait l'empire, sans doute Jsus songeait-il l'empire moral qui lui revenait, lui, comme son hritage. Et Gethsmani, quand ils'il

comme

suait

du sang dans l'angoisse de ses responsabilits

redoutables, sans doute subissait-il la douleur decet univers en peine, et ses

gmissements

taient-ils

toute crature qui gmit et enfante , ceux de dit l'Apotre. Et chaque jour de sa vie, le soir, sous

firmament aux yeux de mystre, quand il priait longuement, ouvrant son cur inapais, sans doute prsentait-il son Pre cette vie universelle dont il tait le rpondant et le sauveur. Et maintenant enfin, au cours des ges o il tend sa prsencele

mystique, dans la srnit de son sacerdoce ternel,sans doute est-il

interpellant

pour nous, mais pour comme le disent nos prires rituelles. Quand le Dieu de la Gense a termin l'uvredes six jours et qu'il la regarde,travailleuril

non seulement l'universalit du monde ,

comme

le

bonfaite,

appuy sur

l'outil

aprs la tche

dclare propos de chaque

chose qu'elle est

bonne, et propos de leur ensemble qu'elles sonttrs bonnes.

Le Dieu de

la croix

ayant repris la

cration en sous-uvre, reliant au Pre cart parla faute les

cratures qui tenaient de lui leur bont,

ce Dieu peut dclarer de chaque chose renouvele

bonne et de leur ensemble qu'il est trs bon. Car, bon de sa bont propre, tout cet ensemble est bon, surtout, de la bont de ses services, en tant que milieu d'closion et de dveloppement pour les cratures pensantes, en tant que moyen pour leur rdemption la manire de la croix, en tant que canal de grce comme les sacrements dont ilqu'elle est

48

LA VIE CATHOLIQUE.

fournit la matire et prolonge l'efTicacit en repr-

sentant auprs de nous l'action permanente du Christ

de son Pre, tout cela en attendant qu'il soit bon, plus tard, comme milieu de vie dfinitive, quand les nouveaux cieux et la nouvelle terre surgiront de ce chaos relatif o nous mritons. L'Apocalypse, asseyant sur un trne l'Ancien qui va fonder la dure ternelle, lui fait dire Voici que je fais nouvelles toutes choses. Le prlude de cette nouveaut est pos ds maintenant; il consiste dans la nouvelle orientation et comme dans l'me nouvelle infuse toutes choses par leur adoption dans le Christ, toutes choses devant dsormais se relier au Christ et bruire dans sa pense, se soumettre sa volont, bnficier de son amour tendu des personnes ce qu'elles utilisent, tendre aux fins qu'il se donne en union avec le Pre et qui nous concernent. Seulement, il faut songer que la vie de tout en Jsus-Christ tant ainsi notre service, elle ne peut fonctionner sans nous, puisque notre service, tel que le Christ l'organise, exige notre adhsion et la coopration de notre effort. C'est par nos liberts, comme c'est par la grce multiforme du Christ, que les utilits de toutes choses se rvlent et nous sauvent. Montrer comment nous-mmes pouvons donner vie, vie surnaturelle tout ce qui nous enveloppe de cloison en cloison, de domaine en domaine, jusqu'au cercle dernier des sublimes embotements, c'est donc dcrire la vie de tout dans leet:

Christ.

Or, cela se

fait

d'abord par la

foi.

La

foi

peut faire

participer tout le rel, en nous, la vie dans le

LA VIE DE TOUT EN JSUS-CHRIST.

49

Christ, parce que la connaissance, introduisant en

nous tout ce que nous pensons, le mlant notre vie intrieure, le faisant devenir nous et nous lui, implique une possession idale que nous pouvons, par la foi au Christ, identifier son esprit. Nous avons dit que vivre en Jsus-Christ, c'est premirement croire en lui et ne faire avec lui qu'un unique esprit si l'intrieur de cet esprit commun l'univers s'introduit avec tous ses tres, pens par nous comme il Ttait au dsert et au Jourdain, sur les collines de prire o Jsus montait ou Gethsmani dan la grotte des penses sanglantes, nous donnons bien vraiment tout ce qui nous l'assoest une signification humano-divine cions vraiment l'incarnation. Au lieu de ce systme de cordages, de poulies et de roues dont parlait Diderot; au lieu de la mcanique oppressive tiquete par la science; loin de ce chaos anim que la contemplation incroyante traverse ainsi qu'un voyageur perdu, effraye de n'y pas trouver de sens, stupfaite de son nant autant que de sa splendeur, n'y constatant qu'une vaine autant que formidable agitation calme, un mystre de silence et de bruit, une course qui n'avance pas, une recherche qui ne va nulle part, une immense respiration de gant qui rve le chrtien voit dans la vie du monde comme un drame divin.

.

P

Tu es mon Fils, aujourd'hui Comprend-on l'allusion exalrace et la grandiose humilit

tante, l'motion vide d'orgueil qui reporte sur le

Christ la fiert de

la

du Dieu qui s'incline ? Tu es mon Fils, a dit Dieu, aujourd'hui je t'ai engendr : c'est donc qu'aprs sa gnration ternelle, le Verbe trouve en la chair une nouvelle gnration dont le Pre se fait gloire! C'est donc que,

dans Jsus, l'Esprit suprme a suivi l'esprit infrieur pour se joindre la matire et tout assembler! C'est donc que le corps est devenu corps de Dieu, matire pour des oprations clestes, mystre nouveau o les mystres saints et les mystres de la nature s'associent; objet sacr par consquent, crature diforme, objet d'adoration et d'amour! Oui, le corps, le corps de l'homme est devenu un sacrement et une multiple ncessit religieuse. Sans le corps, pas d'incarnation, pas de Christ, pas de maternit ineffable, pas de Vierge pouse de Dieu, pas de crche et pas de Calvaire, pas de Bethlem, ni de Nazareth, ni de Capharnam, ni de Jrusalem, ni de terrain de l'Ascension pour lancer loin de la petite plante, vers les mondes inconnus, la subtile et glorieuse chair du Ressuscit.

LA VIE CORPORELLE.

123

Sans

le

corps, pas d'eucharistie non

plus, pas

d'habitation de l'Esprit divin dans l'humble matire,

pas do triomphe complet pour V esprit d'adop" tion dont le chrtien est issu, pas de vertus surnaturelles dans le

compos sensible

et ragissant

chose baptme sanctifie. Et d'ailleurs sans le corps, pas de laquelle on ne songe point multiplicit dans la mme espce, donc pas de fraternit essentielle, pas de communion des saints au sens propre, pas de survivance du chrtien en d'autres chrtiens, le baptme n'ayant plus de place aprs les noces abolies. C'est le Pater noster qui prit ainsi; on ne peut plus dire vraiment et en toute proprit d'expression NOTRE Pre, car on n'est nous que dans l'unit de substance et, seule, la matire permet que la substance soit une, selon l'es-

que

le

:

pce, en de multiples individus.

Ne spculons passontl.

sur des hypothses. Les faitschair, dont l'incarna-

Tous nos mystres de

tion est le point de dpart, ont consacr la vie cor-

porelle et l'ont rendue efficace pour la vie des mes.

Jsus naquit d'une chair pure qui tablit la liaisonentre le Fils de Dieu et la terre nourriciretous, avec lui,oii

nous

nous nous sustentons. Dans la nuit de Bethlem, comme dans la nuit de la terre une petite racine, l'Rnfant suait avidement son lait et en laborait son sang comme une sve humaine. Marie l'avait d'abord engendr, c'est--dire nourri de soi, nourri en se nourrissant elle-mme; elle le nourrissait ensuite de son sein elle le nourrit ensuite de son pain. Jsus dut s'accrocher, ainsi que nous, la glbe et aux coteaux pour y trouver ce;

124

LA VIE CATHOLIQUE.fait briller

qui reconstruit, fomente et

quelque tempsbut,

sur terredormit,

le

foyer de la pense.il

Comme

mangeail

comme

comme il marcha, comme ilet

comme

il

subit les gnes

corporelles et fut revtu de notre infirmit, Jsus se

souvint dans son enseignement que telle tait la

ne parla point en idologue, ni en songe-creux il s'appuya constamment sur la vie relle, et il savait bien que la vie relle commence la chair. Il eut piti des souffrances physiques comme de celles de l'me. Non qu'il les vt gales; mais les unes symbolisent les autres et elles s'y ajoutent, et leurs contraires galement s'associent. C'est pourquoi Jsus, avant de dire iVe cherchez pas le pain qui prit, commence par multiplier les pains par piti de la foule et, mme aprs sa rsurrection, au bord du lac, dans le matin blanc qui aurole sa vie nouvelle, on le voit cuire lui-mme du poisson et dire aux siens qu'une stu Venez, mangez, peur affectueuse paralyse il leur avait cri de la plage L'instant d'avant, Enfants, n'aez-ous rien manger? et il avait donn des indications pour la pche du poisson ceux qu'il consacrait en mme temps pcheurscondition de ses frres.Il;

:

:

:

d'hommes. Les deux soucis de notre Christ fraternel ont beau tre subordonns l'un l'autre, la chair servant l'esprit, il semblera parfois que la pauvre chair exigeante et faible accapare l'attention, d'une montagne accapare l'espace.

comme

la

base

Dans

l'vangile, les miracles les plus

nombreux

ne sont pas des conversions, ces miracles d'me : ce sont des miracles de chair. L est le signe du Sau-

A VIE CORPORELLE.veur; djil

125

prlude aux sacrements. Par

l,

il

dmontre, ligure et accomplit pour une part sa mission; il saisit l'mc par le corps comme le vase parl'anse.

Ce

n'est pas sans cause, avons-nous dit, qu'il a

rattach son eucharistie un repas. Rien ne pouvait

chair et me, mieux marquer que tout s'unit humanit et divinit que la religion est une intgration; que le salut est un redressement et un achvement en Dieu de tout notre tre. Nous avons reu une lc(,'on suprme quand, au lieu d'un symbole idologique, Jsus, cherchant un signe et un moyen pour la vie spirituelle, a choisi le pain.:;

La consquence de cesnousles

faits et

des doctrines quila

commentent,

c'est

que

viele

physique,savions:

elle aussi,

est en Jsus-Christ.

Nous

nous voulions le redire, pour qu'un faux spiritualisme ne vnt pas, chez le chrtien, produire les fruits de paganisme habituels aux spiritualismes faux, savoir le dbridement de la chair et toute licence laisse des tendances qu'on nglige de relier auxmotifs de vivre.Si la chair ne signifie rien, qu'elle suive donc sa

pente

raisonnement instinctif de celui qui Au contraire, la sachant divinise en Jsus, divinise en nous par solidarit, devenue, grce l'habitation de TEsprit divin en tout notre tre, comme la crypte du temple de Dieu, nous la traiterons avec respect et sagesse; nous voudrons la sauver en nous sauvant, puisque elle aussi est nous, et que la dgager!

tel est le

n'incorpore la vie religieuse que l'esprit.

126

LA VIE CATHOLIQUE.la

du mal,

pousser au bien devient une part de la

vie chrtienne.

Les devoirs particuliers qui ressortent de l sont connus de tous j'indique seulement le principe qui les assemble. Nous devons accorder au corps, sauf;

cas particuliers, le ncessaire vital, c'est--dire ce

qui permet au corps de subsister, de fonctionner

normalement, de servir les fonctions suprieures, de favoriser l'expansion de nos facults personnelles et communes, d'assurer dans d'humaines conditionsla croissance

faut toujours laisser la vie, si l'on

du groupe, de maintenir ce large qu'il e veut pas la

voir touffer dans ses bornes.

Les bornes frontires dont je parle seront marpremirement, par le nuisible; deuximeques ment, par l'excs de la superfluit; troisimement, par l'oubli de circonstances diverses qui peuvent toujours venir vicier une action louable en soi. Il ne faut pas oublier que tout se tient, dans la vie morale; que les objets des vertus sont connexes, donc aussi les vertus, et qu'il n'y a de valable, en fait de sagesse du corps, que le respect par le corps de toutes les sagesses. Encore bien moins convientil de laisser au corps une facult de ibordement qui aurait tt fait de ruiner la sant de l'me, de verser dans la race un virus corrupteur et qui, au lieu de nous tenir la hauteur de nos tches, individuelles et collectives, prcipiterait en nous l'effet des tares originelles dj si largement rpandu. Le ncessaire vital sagement pris, comprenant donc, en de des excs, un peu de ce superflu.:

LA VIE COUPORKLLE.chose trs ncessairesophe, c'est la rgle.

127

pour lequel plaide un philo-

Reste aprs cela que nous donnions satisfaction celle de certains retrancheune autre ncessit ments asctiques en vue de diverses fins que nos:

thologiens numrent. Par exemple, un office spcial

remplir

:

tude, apostolat, sacerdoce, voire

pour ceux qui en font profession et qui sont convis, eux aussi, sanctifier leur tat. Par exemplesport,

encore, les ncessits de la lutte contre les passions,lutte

dont Tenjeu vaut bien un sacrifice en matire

encore l'exercice de la volont en vue du meilleur; une justice exercer contre soi sous forme de satislaction pour ses fautes, et finalement l'exemple, le luxe la faon de Flambeau dansphysique.\

Ou

Aiglon, la faon des saints dont

le zle

pnitent

du hros qui inspire courage aux autres. La chair entrane assez de gens aux excs jouisseurs pour qu'on ai" le droit, en raction, d'excder quelque peu en sens contraire.est celui

Pour que ces lois de l'action corporelle soient obies et que la vie du corps soit sainte, il faut que l'me se soit dveloppe en mme temps que le corps et ne se soit pas laiss dborder, submerger par lui, et il faut aussi que l'esprit ne se soit pas tellement exalt par l'orgueil qu'il ait laiss son

compagnon sanscelle volupt cet orgueil

frein et sans surveillance. L'orgueil,l'esprit, est le frre

de

de la volupt,

de

la chair.

Que

l'me ait donc et qu'elle exerce continment

sur son frre charnel une suprmatie paisible, ner-

J28

LA VIE CATHOLIQUE.

gique, modeste, et que l'humilit de son gouverne-

une forme de sa soumission l'Esprit divin. L, dans cette hirarchie se trouve toute l'utilit comme toute la grandeur de notre humble vie physique. Le corps, par le moyen de l'me, tient l'ternit il prend sa part du rgne de l'esprit; il obit la raison cratrice et triomphe en elle. Pour lui aussi, sernr Dieu, c'est rgner . Fonctionnant conformment aux grandes lois, qui sont des lois morales, il ne subira plus en esclave les petites lois physiques, dont la nature, aveugle et impuissante par elle-mme, ne peut tirer la ralisation de nos fins. Dfaillance, souillure, garement voil ce que peut le corps par lui-mme soumis l'me, celle-ci se tenant soumise son Dieu, il se relve, s'pure et, lui aussi, prend la route cleste. Si vous vivez selon la chair^ dit saint Paul, vous mourrez (Rom., viii) mais si, loin de vivre selon la chair, nous vivons selon l'esprit mme dans notre chair, nous vivrons d'une vie plus complte et plus vraiment ntre. Ntre, dis-je, par nature, puisque la chair entre dans la dfinition de l'homme, disent les philosophes; ntre selon notre foi, qui nous prche l'incarnation et, en consquence, la vie chrtienne dans la chair; ntre enfin en raison de la mystique unit qui permet de dire nous, quand du Pre, du Fils, de l'Esprit et des fidles assembls en glise, sous leur chef humano-divin, il ne se fait plus qu'une seule vie surnaturelle o la nature, la nature physique afaiblesse soit;

ment sans

:

;

;

4'4

servi de point de dpart et de support.

Quandfils

je vgte selon le corps et

me comporte

en

de la terre; quand je

me mets

table, ou que je

LA VI K COIIPORELLE.

12)

sommeil, ou que je vaque aux soins matriels qu'exige la pauvre animalit toujours dfaillante; quand j'accomplis les rites du matin et du soir, ceux de la sant et de l'activit ou ceux de la fatigue, de la maladie, du besoin, je dois songer que Jsus fut sujet ces misres, et qu'en tout cela il est mon modle, et qu'en tout cela il veut vivre en moi de cette humble vie qu'il assume afin de la grandir et de la porter l o il monta. Saint Augustin nous dit que Dieu s'est fait homme afin que l'homme ft fait Dieu il faut que cela s'tende tout Thomme. Dieu fait homme, c'est-dire Dieu fait me dans une chair homme fait Dieu, c'est--dire Ame faite Dieu en union avec sa chair. Tel est donc le programme de la vie catholique pour ce temps de la grce, et tel est, pour le temps sans bords, pour le temps sans course affole, le programme de gloire.le:;

me couche pour

Car,

si la

vie physique, close la premire, doit

tre la dernire reconstitue, toujours est-ilelle,

que sans

que nous ne pouvions ni natre selon l'esprit ni renatre au Saint-Esprit ainsi nous ne pourrions vivre en Dieu en pleine harmonie naturelle ou surnaturelle, car notre esprit serait alors coup de ses communications avec la matire, sa sur par nature, et l'Esprit-Saint ne trouverait pas en nous son entire et triomphante expansion.de:

mme

VIE CATHOLIQUE.

I.

XIII

LES PASSIONS

Si nous

sommes

faits

l'image des btes en

mme

temps qu' l'image de Dieu, et si, mls de corps et d'esprit, nous ne sommes en quoi que ce soit corps ou esprit titre exclusif, il faut songer la faon dont se comporte en nous la portion d'me qui nousest

commune

avec nos frres infrieurs

;

il

faut pr-

voir le rgime des fonctions qui dj ne sont plus

uniquement corporelles, tels le boire, le manger, le dormir, mais o la connaissance et les instinctsinterviennent:

tels le dsir, la crainte, l'espoir, la

colre, la tristesse, la joie.

langage de nos matres, ces fonctions de l'me s'appellent les passions. Les animaux les prouvent comme nous; elles sont l'animal, raisonnable ou non, ce que sont aux vgtaux ou aux minraux leurs proprits naturelles. Chez l'homme elles offrent des particularits qui tiennent au voisinage de l'esprit, au ptrissage de la civilisation, et ces particularits, il dpend de nous de les rendre glorifiantes et heureuses mais elles peuvent galement, si l'me s'abandonne, nous ravaler bien audessous de la bte.le;

Dans

LES PSSlOiSS.

13l

Les passions n'ont d'elles-mmes aucun caractremoral. Sileurs

violences et

leurs complications

prennent tournure de vices, en ce qu'elles provoquent aux excs ceux qui ngligent d'y opposer lasagesse, toujoursest-il

qu'en soi elles sont neutres,la

comme11

le

temprament de nos corps ou

nuance de

nos yeux.

y a

l

une vrit souvent mconnue, source prL'tre

cieuse, pourtant, d'indulgence l'gard d'autrui et

de

consolation pour soi-mme.

mal dou,

que de tristes ou redoutables hrdits poussent aux dbordements sans qu'aucune volont, actuelle ou ancienne, en soit complice, cet tre invite au regret ou la commisration peut-tre, mais non pas au blme. 11 ne peut y avoir blme que l o il y a choix; le donn n'est jamais blmable. La providence gnrale, qui est ici seule en cause, prend la responsabilit de son fait. Puisqu'elle impos le fait, elle en doit compte la conscience morale notre conscience personnelle n'a ni s'en accuser ni en rougir. Surtout, qu'elle ne s'en dsespre point, et que le prochain, c'est--dire nous tous, se garde de condamner ce qui est le point de dpart des responsabilits, mais non pas leur uvre.celui;

On

peut

mme

dire que le premier devoir, c'est,

pour chacun, de s'accepter soi-mme tel qu'il est, y compris ses propensions regrettables, y compris les lacunes de son ducation et les reliquats dsavous de son pass. L'tre qui nat la vie morale et chaque instant nous y renaissons, si nous le voulons, puisque chaque acte de libert notre me est toute neuve cet tre, dis-je, a son cas tout entier devant

132

LA VIE CATHOLIQUE.;

lui

ce qui est en arrire ne le concerne point ou en

tout cas ne le juge point; c'est sa matire d'action,

tailler

son marbre. Michel- Ange eut plus de mrite son David dans le marbre abandonn et compromis par de maladroits statuaires, qu'il n'en et pu obtenir avec un bloc neuf. Le mrite est une proc'est

portion, ce n'est pas une quantit simple.

On

exigera beaucoup de celui qui Von a beaucoup

donn , a dit l'Evangile (Luc, xii, 48). Comprenons d'ailleurs que cette matire d'action, qui est ad libitum l'gard de ses emplois, favorise d'autant mieux ceux-ci qu'elle est plus riche, supposer qu'elle ne soit pas dj qualifie d'une faon trop dfectueuse. Si le marbre de Michel- Ange ett gt plus fond, peut-tre

lui-mme;

et-il

d

renoncer en tirer

laissant le travail possible,

chef-d'uvre on peut croire qu'il l'aida par l'effort mme qu'il en exigeait. Ne rpte-t-on pas que les contraintes du vers stimulent et soutiennent la facult potique? C'est presque un enfantillage de dire Les natures qui ont de grandes impulsions ont aussi de grandes ressources, elles vont loin et elles peuvent revenir deletel qu'il tait,:

loin. Cette

vidence est pourtant ddaigne souvent.

Beaucoup se sont tonns que les Joyeux, la guerre, aient pu faire d'authentiques hros, et non pas seulement braves, mais mesurs dans leur bravoure, mais disciplins.sions vives et

Ce sont

l

des gens pas;>^

d'un temprament explosif; il leur faut des clats, des assauts. Jetez-les dans des aventures de guerre, ils s'y dtendent et ils s'yassagissent; l'quilibre est trouv, au lieu du bouil-

comme

*

lonnement qui crait des malheurs. Dans

la jeunesse

A

LES PASSIONS.surtout,il

133

arrive que l'imptuosit de nature qui

donnait naissance aux mauvaises passions favoriseaussi les bonnes, et fasse passer tant d'Augustins

de l'abus des plaisirs au noble excs des sacrifices et

des grands travaux.Arrire donc les timidits qui, dans l'ducation,

dansa

le

vit et la

gouvernement, n'admettent que la passidocilit moutonnires. Tout gouvernement

besoin d'une opposition collaboratrice et toute

ducation d'lments d'abord prilleux parce qu'ilssont sans rgle, mais ensuite adjuvants et enrichissants.

Je n'ai que faire de vos bons garons, disaitcollge,

Emerson un directeur de

donnez-moiil

les

mauvais.

Mme

pour

le surnaturel,

est besoin

des ressources naturelles et de l'effervescence des ardeurs vitales. Rglez les impulsions; rendez-lesgnreuses, sanctifiez-les, mais de grce, laissezles

vigoureuses et hardies mnagez les liaisons des pouvoirs de l'me, o l'infrieur fait la force du suprieur autant que son pril; ne rompez pas la;

connexit que Dieu a voulue entre les plus sublimeslans

de

volont ounotre univers

d'intelligence

et

les

forces

lmentaires qui rsident dans la chair et le sang.

psychisme intrieur en reproduit les temptes, mais c'est au bnfice des mmes closions, si nous savons rgler et matriser au bon moment le dclanchement desle

Fils de

mouvement,

forces.

Ne nous

faites

pas des mes de satin, bleu et

blanc, enrubannes et ouates, tides et veules.

Un

peu d'indpendance dans la soumission, un peu d'tat sauvage dans la civilisation, un peu de jaillissement naturel dans le surnaturel, c'est une nces-

134

LApriipordiale.vie,

yi: PATIfOlijqUE.

it;

Du nerf, non dela

la fadeur

mystique;

de la

non de

mort!

instinctive

Le fond de la vie passionnelle, c'est la recherche du plaisir et la fuite de la douleur, parceplaisir,

que

douleur se trouvent relis par des liens

dans la vie dfinitive, par des liens tout fait rigoureux au bien et au mal de l'homme. Ce que nous prouvons en face d'un objet est toujours relatif ce qu'il vaut pour nous, la satisfaction qu'il donne notre incoercible amour de nous-mmes, et ce que vaut un objet pour nous a pour signe tout d'abord, puis pour couronnement la joie ou la tristesse qu'il nous cause. La jo|e et la tristesse sont donc les plus profondes affectiqns de l'me, et c'est l surtout qu'il ne faut pas lsiner sur la quantit, mais viser la qualittroits et finalement,et l'orientation vertueuse.

de puissants leviers. Quiconque se rjouit peu ou s'attriste peu prouve par l qu'il n'attache de prix rien et n'est qu'un mdiocre. C'est une grande marque de mdiocrit, a crit Vauvenargues, que de louer toujours modla joie est comme la louange accorde rment au dedans de nous aux objets dont nous tirons oujoie

La

et la peine sont

:

attendons de la vieest adverse.

;

la

peine est

le

rejet de ce qui

Honneur donc ceux qui ont de grandes

joies propos des grands objets, de grandes tris-

tesses pour leurs contraires.

Ce sont

l les vrais

vivants; et dans l'ordre chrtien, ce sont les propul-

seurs de toutes les grandes entreprises vertueuses,les hros et l'orgueil

du royaume des cieux.

LES PASSIONS.Il

135

donc qu'erreur et danger dans cette pense stocienne que les passions, par elles-mmes, seraient nuisibles et constitueraient comme des maladies do l'me . Ce ne sont pas des maladies, ce sont des forces. Elles n'ont pas la raison en elles et elles peuvent facilement s'y opposer; mais si la raison se les soumet, bien loin que la raison en ptisse, elle y trouve un nouveau terrain d'extension, un support, des services, et la foi, guide de la raison au surnaturel, en bnficie son tour. Un gouvernement ne brille-t-il pas d'autant mieux qu'il a sous soi plus de sujets et plus de serviteurs d'lite? tendre sur la matire corporelle et sur ses combinaisons l'empire de la raison difie, et, parla, pousser son rgnen'y aet seseffets;

jusqu'au cosmos et ses puissances

cratrices

relier

en nous l'animal et l'ange en unelever les

seule

natureloi

droite;;

sens

au niveau

rationnel et divin

intgrer la cration en la plaant

sous la

de l'Esprit crateur et domestiquer ainsi

les puissances de la

nature les plus redoutables, les

plus indpendantes de nous et les plus ncessaires la vie humaine, c'est

un triomphe!

C'est l surtout qu'il est vrai de dire avec

Gthe

:

L'homme

qiii

s'est

vaincu lui-mme est venu

bout de la force qui enchane tous les mondes.

Le

dterminisme est la base de la psychologie animale comme du rgime de la foudre ou des eaux. Les fluides de l'air vibrent dans nos cerveaux le vent souille en temptes intrieures; la violence du torrent pse sur le sang de nos veines et le prcipite les crets des plantes vnneuses passent dans nos humeurs. Triompher de ce dterminisme oppri;

;

mant

et faire trner la

libert

sur ses

nergies

136

LA VIE CATHOLIQUE.

captives, c'est la gloire

du hros moral

et

du

saint.

Cela sera d'autant plus vrai de ces passions qui, en raison de leur importance pour les fins de la vie, sont de toutes les plus vhmentes. Il en est dont

emportements semblent cerou annihiler tous nos autres pouvoirs esprit, mmoire, imagination, sens. Les soum