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Chaignet, Antelme-Édouard (1819-1901). La vie et les écrits de Platon. 1871. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

La vie et les écrits de Platon par A.-Éd. Chaignet

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Chaignet, Antelme-Édouard (1819-1901). La vie et les écrits de Platon. 1871.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de laBnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 :  *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source.  *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produitsélaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit :  *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sansl'autorisation préalable du titulaire des droits.  *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèquemunicipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateurde vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de nonrespect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

Chaignet, Anthetm-Edouard

La vie et les écrits de Platon

J 17227

Paris

1871

LA VIE ET LES ÉCRITS

DE PLATON

OUVRAGES DU MÊME AUTEUR.

Paris. Imprimerie Adolphe Lainé, rue des Saints-Pères, te.

Vie de Socrate. 1 vol. in-i 2 3 fr.

Des Principes de la Science du beau. Ouvrage qui.'a obtenu une mention honorable de l'Academi&i~essciences

morales et politiques. Paris, )860. J fort 'vol. in-8. 7~fr.50

De la Psychologie de Platon. Ouvrage couronné pn]'

l'Aci~dHmiefrançaise. P<tWs,~8(!2.i vol. in-8. fr.

PARIS

LIBRAIRIE ACADÉMIQUE

DIDIER ET C~, LIBRAIRES-ÉDITEURS

Q))A)OESAUOUSTtN9,36.

1871Tous droits réservés.

LAYtEETLESÉCRITS

DE

TON

PruVt~' t\ ~f

PAR\L~

–S.EO. CHAIGNETProfesseur de littérature a~c'enne à la Faoutté des tettres de Poitiers.

AVERTISSEMENT.

La biographie n'a pas l'importance exagérée

et, je crois, funeste qu'elle a prise denos jours

dans la critique littéraire et philosophique. Si

l'homme ne se sépare pas de l'écrivain, il s'en

distingue; c'est une erreur de confondre abso-

lument la vie réelle avec la vie de l'imagina-tion et de l'intelligence. Qui donc n'a pas ap-

pris par l'histoire, comme par des expériences

personnelles et multipliées, que la valeur in-

tellectuelle d'un individu ne donne pas lame-sure de sa valeur morale, et réciproquement?Hélas! il n'est que trop vrai on rencontre des

esprits grands quif ont eu l'âme petite! Quels

contrastes fréquents et frappants entre la con-

duite et les maximes, entre le caractère et les

opinions! La faible nature humaine n'a pasdans son essence la parfaite unité qu'on lui

suppose, et il ne faut pas un effort extrême

d'attention pour apercevoir la contradiction

qui en est le vice incurable et la tache origi-nelle.

Je ne prétends donc pas, en racontant la

vie de Platon, y montrer le principe de son

développement philosophique, la racine et le

germede sa doctrine, et expliquer la généra-tion logique de ses idées. Est-ce à dire qu'ilest inutile de la connaître? Ce serait une exa-

gérationcontraire, et une autre erreur.

Si l'originalitédu génie consisteprécisément

danslapuissance de réagir contre la fatalité

de la nature et de l'histoire, et de résister aux

influences'dés faits extérieurs et des milieux

qui l'entourent, il est heureusement impuis-sant à les dominer tout à fait. L'homme est

un système,c'est-à-dire qu'il a en lui un prin-

cipe libre de développement,une force qui se

suffit à elle-même po~r atteindre sa fin; et en

mêmetemps il fait part~~unsystëme, c'est-

à-dire qu'il ne peut attet~sa fin que dans

et par le tout dont il n'est';qu'un fragment.

Plongé dans la mer immense de la vie univer-

selle, où se fondet se perd l'individualité vul-

gaire, l'individu énergique s'en distinguer et

maintient sa personnalitédeboutet ferme, sans

VI AVERTISSEMENT.

AVERTISSEMENT. vu

rompre le lien qui l'attache à {'humanité. Si le

grand courant des choses qui dissoutou broie

les roches de formation inconsistante et mal

agrégées respecte le bloc degranit, il parvient

cependant à en user les arêtes, à en arrondir

les contours, peut-être même à en modifier,

dans une mesurequ'iln'estpas possible d'ap-

précier, la compositioninterne et la substance.

Quelle que soit la puissante individualité du

génie de Platon, il est donc impossiblede nier

que les circonstancesau milieu desquelles il a

vécu, ont exercésur la tendance et le caractère

de ses doctrines une influence qu'il ne faut

exagérer ni méconnaître;sans s'imaginerqu'elleles expliqueratout entières, on peut croire quela biographie du philosophe répandra quelquelumière sur l'histoire de ses opinions,du moins

sur l'histoire de quelques-unesde ses opinions.D'ailleursla vie de ceshommes qui ont nourri

et nourriront tant de générations de la moelle

de leur pensée, qui sont comme la chair et le

sang de notre propre esprit, excite une curio-

sité universelle et un sympathique,respect.C'est lui-mêmeque l'homme honore et ad-

mire quand il admire et honore ces nobles

exemplaires de l'humanité si elle n'a pas

AVERTISSEMENT.vin

la beauté dramatique et l'importance philoso

phique de celle de Socrate, j'aime à penser quela biographiede Platon, qui formela première

partie-de ce volume, ne sera ni sans intérêt ni

sans utilité.

Il est certain, toutefois, que la vraie gran-

deur, la vraie individualité de Platon n'est pas

là; il n'a pas, comme son maître, missa phi-

losophiedans sa vie il l'a mise dans sesécrits,

qui ont donné à la littérature philosophiqueen Grèce sa forme la plus parfaite; c'est

là qu'il faut F étudier pour le connaître. J'ai

cru faciliter l'intelligence de cette vasteet sub-

tile doctrine, en exposant et en discutant les

nombreux problèmes que ces écrits ont soule-

vés. Cette discussion, suivie de la solutionquim'a paru la plus raisonnable, a pour objet d'a-bord l'authenticité; j'ai fait connaître, j'ai exa-

miné, et souvent contredit les principes géné-

raux et les applications particulières de la

critique allemande, sur ce point délicat, où,

tout en restant bref, j'ai cherché à être completet surtout précis; je n'ai, je crois, omis aucun

argument considérable, ni aucune solution sé-

rieuse j'ai mentionné les conjectures si diver-

ses et si nombreuses des critiques sur les dates

AVERTISSEMENT. IX

supposéesde la composition de chaque dialo-

gue, et les principes d'après lesquels on a cru

pouvoir les calculer, et enfin les classifications

dans lesquelles on les distribue par groupes

liés, tantôt par des rapports internes, tantôt

par des rapportspurement formels et externes.

Ce travail fait, il enrestait un autre plus long,

plus importantet aussiplus difficile c'était de

donner un résumédes dialogues.

Tous ceux qui ont lu ou voulu lire un des

ouvrages de Platon ne méconnaîtront pas

l'utilité de ces arguments analytiques, dont

je dois expliquer la méthode constante.

Après quelques détails historiques sur les

personnages mis en scène, je fixe, avec toute

la précisionpossible,le but et le sujet; j'établis

nettement le plan, les divisionset les parties,et surtout je cherche à suivre pas à pas lamarche des raisonnements et le lien des idées

qui souvent personne ne le conteste, tropsouventse dérobent. Ennn, je termine en ci-

tant les ouvrages et les travaux les plus auto-

risés, aussibien que les éditions spéciales, de

sorte qu'il n'est aucun dialogue de Platon, ni

aucune question philosophique traitée par lui

sur laquelle on ne trouve des renseignements

AVERTISSEMENT.x

bibliographiques, sinon complets, du moins

suffisantsà une étude approfondie et sérieuse.

Si J'illustre M. V. Cousin avait complété,comme il en avait l'intention, les arguments

philosophiques qui accompagnent son excel-

lente traduction, et dont quelques-uns sont des

chefs-d'œuvre de clarté, de profondeur et d'é-

loquence, je n'aurais pas eu la pensée, et en-

core moins le courage, de recommencer son

œuvre; mais on sait que ces arguments font

défaut à un certain nombre de dialogues, et

non pas aux moins importants, tels que le

Sophiste,la Républiqueet le Timée.D'ailleurs,

commeil n'entrait pas dans son plan de don-

ner ce que les Allemands appellent la littéra-

ture, c'est-à-dire les renseignements biblio-

graphiques, mon travail, que je demande en

grâce qu'on ne compare pas au sien, aura

peut-être, même pour les dialogues qu'il a

résumés, sonutilité modeste, maisspéciale.

Cette analyse est suivie de considérations

sur l'ordre des dialogues et sur les caractères

particuliers que présente la forme de l'ex-

position philosophique choisiepar Platon. J'y

cherche à expliquer pourquoi il a écrit, pour-

quoi il a écrit en prose, et constamment, ex-

AVERTISSEMENT. XI

clusivement, donné à l'expression de ses doc-

trines la forme dialoguée; après quelques

pagessur l'emploi qu'il fait du mythe et de l'i-

ronie, cette partie se termine par une appré-ciation littéraire des dialogues.

J'ai ajouté enfin, dans une troisième partie

supplémentaire, 'comme un document à con-

sulter, uneliste raisonnée des principaux bio-

graphes, commentateurs, éditeurs et traduc-

teurs de Platon.

Si l'exécution n'a pas trahi l'intention quil'a inspiré, cet ouvrage pourra être considéré

comme une introduction à l'intelligence et à

l'étude de la philosophiede Platon.

LAVIEET LESÉCRITSst

DE PLATON

PREMIEREPARTIE§i.LAV!E.

Favorin, dans son Histoire universelle (1), fait

naître Platon .dans la maison de Phidiadès, fils de

Thaïes, à Ëgine, où son père avait reçu un lot de

terre, quand les Athéniens s'étaient décidés à ex-

pulser les habitants de l'île, et à y envoyer une co-

lonie. Lachronologie ne rend pas impossible cette

tradition; seulement elle oblige d'admettre quePlaton est né dans l'année mêmeoù eut lieu cette

colonisation. Cependant l'historien ajoute que son

père Ariston ne revint à Athènes que lorsque les

Lacédémoniensvainqueurs rétablirent les Ëginètesdans la possession de leur île et en eurent chassé

les envahisseurs,c'est-à-dire à une époque où Pla-

ton avait vingt-sixans, et, comme ce détail ne s'ac-

corde nullement avec ce que nous savons de l'édu--t

(t)DMg.L.,ni,3.i

2 LAViEDËPbATON.

cation de notre philosophe dont les maîtres

habitaient Athènes, on préfère généralement rejetertout le récit de Favorin, et suivre celui d'Apollo-

dore(l), qui place le lieu de la naissancea Athènes,ou du moins dans le dème de Collyte, situé à un

quart d'heure de marche de la ville (2). La date est

moins certaine encore on la fixehabituellement a

la troisième année de la 87" olympiade, au 7 du

mois thargélion, qui correspondait au 21 mai de

l'an 429 avant notre ère, et nous admettons, de pré-férence à plusieurs autres, cette date, que semble

recommander, sinon confirmer, un remarquable

synchronisme, la coïncidencede l'année de sa nais-

sance avec l'année de la mort de Périclès, dont nous

sommesd'ailleurs certains (3).

(l)Diog.L.,m,3.(!) AntUéon,citéparDiog.L.,UI, 3. Jac.Spon,.OfPag.

<[«tC.,p.M.

(3) PourbiencomprendrelesdiMcuttésdecettechronotogie,il est bond'avoirsouslesyeuxle tableaudesarchontes,aumoinsdesdeuxOlympiades87et88,quej'emprunteàCasau-

bon,ct<t~(/:eK.,p.377.01.S7M.ArchontesPythodore.SiègedePotidée.

ë. Euthydëme.Commencementde la guerreduPéloponnèse.

Y' Apotiodore.a. EpMMtMn,ouÊpMieitMndas,ouAmei-

nias.Oi.ss «. Diotime.

6, Euclide.

f. Euthydëmet

S. Stratoclës~

p).S9ef. Isarque.Maintenantla CAfont~e~e.aH~'<e fait naitrePlaton

LA VIE DE PLATON. 3

Le jour précis, que sembleraient fixer avec

certitude les fêtes par lesquelles ses disciples en

01. 89, a, quiaa eu pour archonte isarque et correspond à l'an-

née 424 de notre ère. Eusèbe placesa. naissanceOl. 88, 4, c est-

à-dire eu 425, sous l'archontat de Stratoclès; Apollodore, Plut.,

Symp.tVtIf, t, l;Apul.ejPo?M. Plat.; Hermodore,01. 88,1,

c'està-dire en 428; Athénée, I. V, p. 2t7,la fixe sous l'archon-

tat d'Apollodore, c'est-à-dire 0).87,3===430.Diogëne,lH,3,

et l'auteur des Fro~y.eM a la philosophie de Platon, c. 2,

font, le premier, naitre Platon et mourir Périclès sous l'ar-

chontat d'Ameinias. Les Allemands changent dans le texte de

Diogenelenom d'Ameinias en celui d'Ëpameinon, se fondant

d'une part sur l'Anonyme, d'autre part sur Athénée, V, 2t7.

Saumaise, ad Solin., p. J57, avait, au contraire, changé dans

Athénée le nom d'Épameinon auquel il avait substitué

~[<.eMo~o~;Meursius, de /trc/:on<. Athen., 1.111,c. 3, a con-

servé le texte d'Athénée, et même restitué d'après cette leçon le

passagedu Scholiaste d'Euripide qui dans l'argument d'Hippo-

lyte portait~' ~p.E~o~o;. Le second fait naitre Piaton sous

l'archontat d'Ameinias, pendant que vivait encore Périelës.

L'auteur anonyme des (M~mpisdMramène la naissance de Pla-ton a l'arehontatd'Ëpameinon. Or nous savons que Périclès est

mort dans l'automne de l'an 429, 0). 87, 4, dans la troisième

année de la guerre du Péloponnèse, et Athéaée, V, p. 218, nous

apprend que cet événement eut lieu sous l'archontat d'Épa-meinon.

Quelle date choisir entre toutes ces dates? Et comment, si

Péricles est mort sous l'archonte Épameinon, et si Platon est

né sous un autre, a-t-on pu signaler un synchronisme entre

ces deux événements ? L'année attique commençait au mois de

juillet; l'année romaine, qui est devenue la nôtre, au mois de

janvier, en sorte que chaque année romaine correspond à deux

archontats; par exemple l'an 429 voit la fin de l'archontat

d'Apollodore et le commencement de l'archontat d'Ëpameinon.Il est probable que les chronologistes ontmèié et confondu

ces deux manières de compter, et c'est sans doute à cette con-

44 LAVtE DE PLATON.

célébrèrent longtemps l'anniversaire (1), présente

cependant des particularités qui éveillent de très-

fusion que sont dues les différencesde nombre dans les années

et de nom dans les archontes, différences qu'ont augmentées

encore ceux qui ont voulu les corriger.La date de ta mort est plus certaine on s'accorde générale-

ment àlaplacer 01. 108, 1, qui comprend lafin de l'année 348

etle commencement de l'année 347.Mais,comme la durée exacte

de la vie est très-diversement appréciée, nous ne pouvons

presque rien en conclure pour fixer la date de la naissance. Les

uns en effets comme Cicéron, de Senect., 5, Denys d'Halicar-

nasse, (<eComp. verb., font vivre Platon quatre-vingts ans;

d'autres, et c'est le plus grand nombre, quatre-vingt-un ans,

commeHermippe, cité par Diogène,!H, 2; Lucien,Afscn)6-, 20;

S. Augustin, de Civ. Del, VIII, tt; Censorinus, de J)t6M<t< 15;

les Prolégomènes,c. 6 Séneque, Ep.; 58, 31.Athénée, V,p. 217,

porte ce Nombre a quatre-vingt-deux ans, taudis que Valère

Maxime, Vtu, 7, extr. et Néanthès, cité par Diogène, Ht, 3,le poussent jusqu'à quatre-vingt-quatre.

Enfin, pour en finir avec les renseignements chronologiques,

Plutarque, Vit. Isocrat., 2, fait Platon de sept ans, et les Pro.

légomènes,c.2, aussi bien que Diogène,111, 2, de six ans plus

jeune qu'Isocrate, ne 01. 86,1, c'est-à-dire en 436.

C'est ce derniér'détaii qui, joint au synchronismede la mort

dsPéricles,nons invite à adopter l'an 429 de notre ère Platon

sera né 01. 87, 3, qui correspond au commencement de cette,

année; Périclès sera mort 01. 87, 4, qui en est la fin; de la

sorte Platon aura sept ans de plus qu'Isocrate, et, mort en 348,aura vécu quatre-vingt-un ans accomplis.

Consulter sur la question chronologique Corsini, Fasti Attici,

III, 229, b, et le mémoire ~e JMenatali Platonis, ejus ~<a~

et in J<<ïHaMt<}?ter!&M~,imprimé dans l'ouvrage de Antoni

Gorio, savant antiquaire florentin, intitulé SyMM~ /t~?'a~<~

o~M~cM~ttM)'t<tcoNtp~ëe<eK<e<.Florent.,i75i,8,p.80.

(i) Plut.,S!/m~. CM.,l.yUl, l,Apul., de Dogm.Plat., 1.

On a remarqué que le jour ou il place la conversation où se

LA VIE DE PLATON. S

légitimes soupçons. Socrateétait né le 6 du môme

mois thargélion, et les anciens eux-mêmes avaient

été frappés de ce rapprochement. «Le poSteIon, »

dit Plutarque (1), « a eu raison de dire que, malgréla différencequi se trouve entre la sagesse et la for-

tune, leurs effets sont très-souvent semblables. Du

moins elles semblentavoir disposé fort à propos la

naissance de Socrate et celle de Platon en faisant

d'abord qu'elles se suivissent de fort près; ensuite,

que celle duplus âgé, et qui devait être le maître de

l'autre, précédât immédiatement dans l'ordre des

jours celle du second. H Malgré le doute que fait

naître involontairement le rapprochement trop si-

gnificatifde ces deuxjours de la naissance de Platon

et decelle deSocrate, il n'y a peut-être là rien que de

fortuit, un jeu bizarre du hasard,qui a précisément

cela d'étrange,deressemblerà uneintention calculée.

Mais il y a autre chose encore tandis que Socrate

était né le jour où Athènes célébrait par un sacrifice

solennel la naissancede DéméterChloé,jourpropice'entre tous, et où l'on purifiait la ville (2), son dis-

ciplevenait au m&ndele jour où Athènes et les co-

lonies ioniennesfêtaient à Délosla naissanced'Apol-

lon, le dieu des arts, de la poésie, de l'éloquence,

discutelagrandequestiondelaRépubliqueétaitle 21"dumoisThargéfionmaisqueconcluredelà?

(l)Ptut.mp.QM.,).L1.

(2)Diog.L., 44; ~Et.,,N~. var.,i!, 25. 'H~pt:moM~xa!&Y<!t6mvahtct. C'était égajementle jour de naissanced'Alexandre.

66 -LAV1EUÈPLATON.

le dieude l'harmonie, de la grâce etdela beauté.

On connaît la prédilectiondesnéo-platoniciens pourcesmythes symboliquesdestinésàexprimersous une

forme populaire et poétique certaines idées ou cer-

tains rapports. A cet amour naturel chez eux de

l'allégorie et du symbole, se joignait le désir d'op-

poser aux légendes du christianisme naissant des

traditions non moins merveilleuses,et de lui enlever

le privilégé de s'emparer des imaginations et des

âmespar l'attrait prestigieuxdu surnaturel, toujours

puissant, et à cette époque tout-puissant sur les es-

prits. Delà toutes sortes de mythes, et particulière-ment ceux dont Platon fut l'objet, et qui le ratta-

chent tous à Apollon.Ce jour de naissance, coïncidant avec l'anniver-

saire de la naissanced'Apollon, sembledonc choisi,

commeles autres mythes qui le concernent (1), pour

exprimer l'impression que faisait son génie et l'idée

qu'on en concevait il est trop significatif, trop

expressif pour ne pas être suspect (2). Un si beau

génie ne pouvait être le filsd'un homme

O~e~Mt~SpO!;ys6v7]t0tomtKs~EVCft,c~à ftMto.

(1)C'estainsiqueFavorin,Diog.L., III,2,le faitnaitreà

Egine,danslamaisondePhidiadès,filsdeThalès.(2)Ottf)-.Mûiter,~.DorMM,.E~,translation,voLI,p.336.

"AoeordingtoDetiantradition, ArtemisandApoi)o(~ë3oj).m-TfETKx)werebornonthesixthandsevcnthdaysofthismoutb,eten note "tt is probabiya nctionthat (dermaieutische)Socrateswasbornontheformer,Platoonthelatterday.a

LÀ V)E DE PLATON. 77

Il fut donc le fils d'Apollon, qui avait ordonné

au mari de sa mère de ne pas s'approcher de sa

femme pendant les dix premiers mois de son ma-

riage (i) ce qui ne veut pas tout à fait dire, comme

l'interprète saint Jérôme, que les traditions grecques

faisaient du prince de la philosophie le fils d'une

vierge (2). Nous voyons ces mythes se reproduire a

toutes les époques de sa vie. Apeine a-t-il vu le jour,

que ses parents vont faire un sacrifice sur le mont

Hymette et consacrer leur fils à Pan, aux Muses et

à Apollon. C'est là, pendant le sacrifice, que des

abeilles viennent déposer leur miel sur la bouche de

(t) Diog. L., 111,2; Plut., Syntp., VIII, qu. i; Olymp., Vit.

f!a< Apul. Dogm.Plat., l;0rig.,c. Ce~ ). t, 37,eth Vt,s.

Origène compare la conception surnaturelle de Jésus avec le

récit de la conception de Platon par Apollon, et dans un en-

droit (I. VI, 8) il est d'avis que des malintentionnés seuls peu-vent douter de tels récits; dans l'autre passage (I, 37),.il dit

que le récit concernant Platon appartient aux mythes, parles-

quels on a voulu expliquer la sagesse et la capacité extraordi-

nairés de certains grands hommes; mais il laisse ici de côté le

récit de la conception de Jésus il pose donc en fait la simili-

tude des deux récits, donne à l'un une interprétation mythiqueet se tait sur l'autre. Ce qu'il y a de remarquable dans ces tra-

ditions, c'est que la légende parait s'être formée autour du nom

de Platon, presque de son vivant, si du moins il faut en croire

l'assertion de Diogène, II!, 2, qui nous affirme que le bruit

courant à Athènes d'une naissance surnaturelle était attesté

non-seulement par Anaxilidas, dont l'époque nous est inconnue,mais par Cléarque de Soles, disciple d'Aristote, et, ce qui est

plus grave_encore, par Speusippe, fils de la sosur de Platon

(serons Platonis filins. S. Jérôme, ~o~M., I, 23).

(9) S. Jérom.,c. Jot~K., 1. I, 23. SapientifBprincipem nonaliter arbitrantur nisi de partu virginis editum.

8 LAViE DE PLATON.

l'enfant endormi, afinque se vérifiât en sa personnece beau vers d'Homère

TovX~0~0Y~MMT)<~XtTO;Y~MV~EMjKuS~(i).

Le jour où son père le présente à Socrate, il se

trouve que celui-ci venait de raconter à ses amis un

songe qu'il avait eu la nuit précédente. H lui avait

semblévoir s'envoler de l'autel consacré à l'Amour,dans l'Académie, un petit cygne qui se réfugia dans

son sein, et s'élança ensuite vers les cieux, charmant

les dieux et les hommes d'une suave mélodie (2).

Platon,lui-méme,quelquesmoments avant de mou-

rir, se voit, en songe, transformé en cygne, c'est

l'oiseau d'Apollon, et, pour échapper aux mains

des oiseleurs, volant d'arbre en arbre (3). Enfin, on

remarque qu'il a atteint dans sa vie le nombre sacré

et parfait 81, ce qui annonçait, dit Sénèque,une

nature plus qu'humaine. Delà, en l'honneur de ses

mânes, un sacrificeoffert pardes magesqui se trou-

vaientpar hasard à Athènes (4).En enet, ce nombre

de 81 estle carré de 9, et 9 est le nombre desMuses,filleset compagnesd'Apollon.Tous cesmythes sem-

blent donc marquer l'impression que fit son géniesur les anciens et expriment l'idée qu'ils s'en for-

maient. Comme Homère, dont ils aiment à le rap-

()) ffo~ c.2 Apu!de.Do~M.Plat.,c.t; Olympiod.,c. t.

(!) Diog.L., 111,5;Apul.,de jPo~m.~o< t; Pausan.,Allica.

(3)7'ro~'jy.,c.<;0)ympiod.,o.<.~oMMVMxcvYapTAtipvEov.(4)Séneq.,ep.58. Ratiamptiorisfuissesorlisquanthu-

mantequia consummassetperfeciMsimumnumerumquemnovemnoviesmiiitiplicatacomponunt.»

LA VIE DE PLATON. 9

1

procher, Platon est pour eux le type vivant et

humain de la beauté morale, de la mesure et de

l'harmonie dont Apollonest le type divin (1).Sa généalogie réelle (2) lui donnait une origine

non moins glorieuse que celle que lui attribuait

cette mythologie symbolique il appartenait aux

plus grandes et plus illustres famillesd'Athènes (3),et par son père comme par sa mère était dé race

royale et même divine. Ariston, son père, faisait

remonter l'origine de sa famillejusqu'à Codrus, fils

deMéIanthus, lequel descendait lui-mêmede Nélée

et de Neptune(4). Cependant, malgré ce sang divin

qui coulait dans leurs veines, ni Ariston ni son pèreAristoclèsn'ont laissé de traces dans l'histoire. Sui-

vant l'usage des grandes familles de son pays, Pla-

ton prit le nom de son grand-père Aristoclès, qu'il

changeaplus tard, pour prendre celui sous lequel il

(t) Fro~c.t. Q~o<K~6!RttTM~,xon~o~MVtctx6(;6'Tt? x&xTouxatpoiiT<);Y~EjEmcTsxjMHpojteOctKÙToy~oUmvMtxo~o<Tet.TmuT6vyap~XMEpo;,*0(<.?)p6;TExa!!HetT<o~Tts~6~9K<n~,StàTa~Kpjto~orctÙTMv'n);~)pa<reM{.Olympiod.,c.6,.lecom--pareégalementà HomèreAuovape~Kt'j'u~e!~s~o~TtttYEvEdOcttM~c(p(t6~ot.

(2)Noustrouvonssa généalogiematernelletout au longdansProclus,in Tim.,p. 25,quicorrigecellesd'!ambtiqueetde Théonsur quelquespointsimportants.M.H. Martinadressécettetablegénéalogique,en en faisantremarquerlespointsobscurs il s'agitde savoirsi DropideetSolonétaientcousinsgermainsou frères.Comp.Meursius,de~feA.,t. I,C.XtH.

(3)SuivantAntiléon,aulie livrede saChronologie,il étaitdudèmedeCollyte(Diog.L.,III,2),quiappartenaità )atribu~Egéide.

(4)Diog,L., III, t.

tO LAViEDÉPLATON.

est universeMement connu, etqui lai fut donné soit

à cause delà largeur de sa poitrine (i), soit à cause

(1) Platon était beau et fort, si i'on encroitÉpictëte, Dissert.

i, 8, 13, et un beau buste que Visconti, Tco~oy.~rec~ J, 169,

p!. XV11I,considère comme authentique il avait les épaules

hautes, et ce fut pendant quelque temps la mode, parmi les

disciples de son école, d'imiter cette attitude, comme on imita

plus tard le bégayement d'Aristote et la tète penchée d'Alexan-

dre. Plut., <feZ'Mcen:. adul. et amie. Sa voix était faible et

grêIe.Diog.L.,111,5.

Le\Rect<eM<MHoy)'a'p/tt~MedePaber',l'/cono/o~MdeCaniai~,2,

le Trésor des Antiquités grecques de Gronovius3 contiennent

des images de Platon dont les antiquaires ont contesté, il sem-

ble avec raison, l'exactitude et même t'authenticité, unique-

ment fondée sur une inscription grecque, gravée sur un hermès

de ce genre et qui est apocryphe. Ce ne spnt que des têtes

idéates et barbues du Bacchus indien. Winckelmann croyait

authentique une tête gravée sur une cornaline et ornée, au-

dessus de l'oreille, de deux ailes de papitions, qu'il considérait

comme devant signifier l'immortalité de l'âme il supposaitdonc que c'était comme la désignation symbolique du philo.

sophe qui avait développé cette doctrine avec le plus de force

et d'éloquence, de l'auteur du Phédon. Mais,outre que ce sym-

bole est commun à plus d'un sujet mythologique, et que la

doctrine de l'immortalité et de la renaissance de l'âme n'est pas

exclusivement propre à Platon, il est difSciied'admettre, d'a-

près les traditions constantes dela sculpture grecque, que cette

têtebouc)ée et ornée de perles représente l'image d'un philo-

sophe grec. Le seo] buste que Visconti reconnaisse commeau-

thentique est celui qoi est gravédans son Iconographie et qui

appartient à la galerie de Florence c'est un buste en marbre,

de la grandeur de demi-nature, qu'on peut croire être le même

qui fut trouvé près d'Athènes, et au-dessous duquel on lit le

Imagines, n" <12.PI.XLV'm.T.J!,p.89.Mas.Capito! 1.1.p). 22.

Mon.inediti,n"M9.

M~VIE DE PLATON.

de la beauté de son large front, soit enfin à cause du

caractère large et étendu de son esprit (1).

At&TOT~K'AXtAMVCftre~TK~O~t?j< <pp<XT6M;.

nom du philosophe H).MM~.Il est représente à l'âge où la

Vieillesse n'a pas perdu la pureté et la fermeté des lignes du

visage, et où elle lui donnequelque chose de,grave, de véné.

rable, dé divin la tète est sereine, noble, belle, et, de face, a

quelque analogie avec celle d'Homère, dont elle se distingue

par l'ampleur du front et l'arc fortement accusé des sourcils;

elle est ceinte du cordon appelé strophium, marque ordinaire

des têtes de dieu. Le profil, où le caractère du type grec est

peut-être plus visible, laisse apercevoir également dans le mou-

vement des narines, de la bouche, cet air de vanité qui paraitavoir été son principal défaut, et que la lettre XIII, qui lui est

attribuée, ne fait pas difficulté de reconnaître. Il est probable

que ce buste, comme la statue que Cicéron possédait dans sa

villa de Tusculum (jBt'M< 6), comme la statue qui ornait le

gymnase de Zeuxippe, à Constantinople (Christodore, Analect.

J!<*MMC&t. H,p. 459), était une copie de la statue originale

exécutée par Silanion, d'Athènes, sculpteur autodidacte, qui

vivait après la guerre du Péloponnèse, et aux frais d'un satrapedu Pont, qui la fit placer dans l'Académie avec cette inscrip-

tion Mt9p[6dttY);6 'PoSo<MTOt'BepTYX&~Spm~T«OMEOtTOlïMTM-

w<, E~cM!«M~toht<re.(Diog: L., !M, 25, d'après Favorin.)Visconti n'est pas éloign.é de croire que la statue du gymnase

`

du Constantinople, décrite par Christodore, ne soit la statue

originale de Silanion il est vrai que Silanion n'a travaillé

qu'en bronze; mais, comme Diogène ne mentionne pas la ma-

tière de la statue de l'Académie, son silence, s'il n'autorise pascette conjecture, ne la renverse certainement pas.

(t) Anonym.; Diog. L., M, 4 Olympiod., Séneque, ep. 58

Apul., de jt)os~t.Plat. ~Mi< 1.1; Sext. Empiric.f. Math.,

f. 258; Hésychius, v. n~TMv, qui cite à l'appui du nom do

Platon le vers de Timon Tm~TtoMTt~5' -~To ~KtuTTXTo;.

TMtzèsChi).,Yl,40;X!,8a3.

Nous voyons Mi un double procédé de nomenclature des in-

dividus l'enfant, le Iils, prend le nom de son grand-père et

LA VIE DE PLATON.

La famille de sa mère, Périctione on Potone, a

joué au contraire un grand rôle dans l'histoire inté-

rieure d'Athènes et dans ses révolutjons et agitations

politiques. Elle se rattachait par Glaucon et Critias

à Dropide; frère ou cousin de Solon, qui descendait

également de Codrus (i). Critias, fils de Caliaeschros,

son grand-oncle, Charmide, son oncle maternel,

avaient pris parti pour le gouvernement oligarchi-

que, et après s'y être fait, le premier surtout, une

triste célébrité, étaient moi'ts le même jour dans le

combat queThrasybule livra aux Tyrans (2), et dont

le succès délivra enGn Athènes de leur violente et

non celui de son père; puis souvent il le change, tantôt pour

prendre celui d'un étranger, hôte de sa famille, comme le fils

de GHniasprit le nomdorien et tacédémonien d'Alcibiade, tan-

tôt pour prendre un sobriquet, qui devient un nom propre,comme Théophraste, dont le vrai nom était Tyrtame, et qui re-

çut son honorable surnom BmTaOE~oyT~ ~p<MreM<;c'est encore

ainsi que, d'après Suidas, Tisias reçut le nom de Stésichore,

qu'il avait mérité par d'heureuses innovations introduites dans

la danse et le chant des chœurs.

(t) Dropide.

CritfasI.~-Z~1CaUa'schros. Glaucon.

Critias Il, Charmide, Périctione*.1.

Platon, Glaucon, Adimantus.

(2)Xénoph.feMeM.,H,4',i9. ~ne6Kvovo'eyTc(u9aTMVjnv

TptKXMTCtKptTtOt; TM~S' EVnEtpa~! BexctKp~&~TMVX<![p(t[S~];6

r~auxM'<o<.

CettePérictioneadû épouser,en premièresou deuxièmesnoces,outre

Ariston,pèrede PtaMH,u~ Pyrilampe,p!:r)id'Aitiiphon,qui est eppete(~arm., 126,b) frère,parsa mère,d<Glauconet (!'A<!tu)an:e.

LA Y!E DE PLATON. 13

sanglante domination. Platon avait donc les reIatioHs

les plus intimes avec le parti aristocratique, et semble

n'avoir pas été insensible àl'illustration de sa race,

qu'il mentionne avec une certaine complaisance

dans /eC7MM'MMo?e(i) et le Timée (2). C'est par cette

parenté, et par suite de ses rapports intimes avec

Critias et Cbarmide, qu'on a voulu expliquer le ca-

ractère de ses idées politiques et ses préférences

marquées, bien qu'accompagnées de réserves expres-

ses (3), pour le régime aristocratique dont Lacédé-

mone était le type. Sans nier l'influence des tradi-

tions de famiUe,je tiens à constater qu'elles n'expli-

(() Charmid., t55,,a. iloppMS~{~to xa).Mùnmp)(E(&TcAT~

~o~o~ot(lu~Y~eict; et 157, e. "H T<yàp ~arp~K ~jt!vo!xtc(,

KptTtOUtoC dpMTtMou,XOttU~*~'«tXpEO~TOtXKi'&![&26~MVO<,XK!

un'c&~M~t[oUMvTtotT)T&~~YXExm~ftsjie~~NpK6ES6'rftt <!)<

&t9t~EpOU<TKxaM.EtTEXCtiotpe'K)XKiT'i)aU'j) ).6fOU.6~euSot(jJ.OVt(~.

(2) MM. 20, d. Critias, partant de Solon, dit THv o!v

oix~o<xct!d~oSpa~t).o~~jj! ApmfttSouïou ~po~~mtou, ce quisemble exclure l'hypothèse que Solon était le frère de Dropide.

Croirait-on que cette nuance d'orgueil est une des raisons

pour lesquelles Ast rejette le dialogue du CAon~Me,parce quece sentiment ne lui parait pasconforme avec le mépris que doit

faire un vrai philosophe des avantages de la naissance, et avec

le mot que Séoeque(ep. 44) prête a Platon PIato ait nemi-

nem regem non ex servis oriundum, neminem servum non ex

regibus? »

(3) Par exemple, l'éducation qui, à Sparte, négligeait l'âme

et ne s'occupait que du corps, la politique ambitieuse et avide

de domination, la passion guerrière, l'immoralité des femmes,sont sévèrement appréciées parPJaton. ~ep.,V!!J, M7,e.etM8, i

Z<U, S73,c.; Legg., I, 637, c.; Vf, 78t a VII, 806, c.;7{ep.,

V)I!,54S ~tàToï~~ &6t~{ Moutmtï~t ~ST&~6~0)~Texa! 'p!~o<ro-

Çtet!)U.6~?)X<t:tt XN!KpEOgutSpMtY~jtVK~Tt~ iMUCftX~TETtjMj-X~Ctt.

~4 LALAYtEDEPtiATON.

quent pas tout, et je réserve les libres détermina-

tions de la personne morale. C'est surtout le

propre des grands esprits de se dégager des in-

fluences extérieures et de se faire eux-mêmes et

eux seuls ce qu'ils sont. La fatalité des causes pure-

ment externes ne pèse pas d'un si grand poids sur

l'homme, surtout sur l'homme de génie, et il n'est

nullement nécessaire qu'il hérite des opinions et des

préjugés de ses pères. La politique de Platon est

dans un accord trop intime avec les tendances de son

maître, avec les principes de sa propre philosophie,

et particulièrement avec la théorie des Idées, pour

avoir besoin d'une autre explication.

Platon avait deux frères, Adimante et Glaucon,

qu'on a cru longtemps être les personnages de ce

nom qui figurent dans la RéPublique (i), et une

(1) C'était le sentiment d~ Plutarque, de~ro<erH.amore,

c. 12; deproclus, t. IV, p. 67, éd. Cousin, in-s", accepté encore

par Groen van Prinsterer, J'fOMpoy)'apMo:Plat., p. 2ti. Ces

deux personnages, qu'on retrouve dans le Parrnénide, avec un

demi-frère nommé Antiphon, ne peuventêtre les frères deJ'iaton,

parce que les deux fils d'Ariston, de la République, figurent à

un combat livré en 456, auprès de Mégare, et parce que ce dia-

logue est censé avoir lieu vers 430 av. J.-C époque à laquelleles frères de Platon n'étaient pas nés. Quant au Parménide,

comment Antiphon, s'il était frère cadet de Platon, pouvait-il

se trouver, avecPythodore, ami de Zénon, et chez lequel Parmé-

nide et Zénonétaient descendus, à une date où Socrate lui-même

n'était qu'un jeune homme de quinze ou seize ans? Onvoit dans

le Charmide, 158, a., un Antiphon, fils dePyrijampe, nommé

l'oncle de Charmide, qui était le frère de la mère de Platon. On

pent donc supposer, avec K. Hermann, que Pyrilampe, père

d'Autiphon, avait épousé une sœur de la mère de Charmide, et

qu'Aristoc, mari en premières noces decette même soeur, et père

LA VtEPE PLATON. 'H~

,r r y o m ~n t i.

sœur nommée Potone, dont te fils Speusippe succéda

à son oncle dans l'Académie (i).

Aucun des éléments qui, d'après les idées des

Grecs, constituaient une parfaite éducation (2), ne

lui manqua. Il eut pour maître de gymnastique

Ariston d'Argos, et l'on veut même qu'il ait assez

bien pronté de ses leçons pour remporter deux prix

aux jeux Olympiques et aux jeux Isthmiques (3). La

musique lui fut enseignée par Dracon, élève du cé-

lèbre Damon, et.par Métellus d'Agrigente (4). Tous

ses dialogues, et particulièrement le Timée, attestent

qu'il avait poussé fort loin tes études théoriques de

d'Adimante et de Glaucon, était le frère d'Aristoclès, grand-

père de Platon. Adimante et Glaucon de la République et du

fafM~nMf, n'auraient été que les cousins germains du père de

Platon, et ne sauraient être les frères du philosophe.

(<) Diog.L.,m,4.

(2) Olymp-, Vit. Plat. Tp!~B~x~ rauïK ettKtSeuovToo! *Mt).

'(TtTtKiBe;, ~~tBE'YpajijtOtTK,(JtO\)<TtX~,ttCf~CttEtv.

(3) Olymp.; p. t, éd. Didot; Diog. L., !n, 4, Vit. Anonym.,

Porphyr. ap. Cyrill. c. Jutian., p. 208,d.; Servius ad V~y. ~Ett.,

VI, 688 « Athletaenimfuit qui post omniumvictoriam se philo-

sophiœ'dedit. Ces renseignemehts sont peut-être suspects; maisnous n'avons aucun moyeu de les contrôler, ni aucune raison do

les rejeter. K. Hermann observe qu'avant decounaitre Socrate

Platon était trop jeune pour se présenter à ces jeux; et qu'aprèsl'avoir connu il aurait rougi de Je faire. C'est, je crois, juger

d'après nos idées modernes, très-étrangères aux Grecs, des goûts,non-seulement populaires, mais encore très-nobles à )eurs yeux.

Euripide n'avait pas dédaigné ces exercices de la lutte; Socrate,dans sa vieillesse, dansait encore, Il'faut avoir de bons yeuxpour découvrir dans le Criton, p. 52, b., l'origine de cette tra-

dition qu'on veut trouver fabuleuse.

{4} Id. Ptut., ~M., c. t7. Ce nom latin est peut-être d'o-

rigine sicilienne.

<66 LAVIE DE PLATON.1. 1

cet art, qui, dans l'antiquité, se rattachaient étroi-

tement aux mathématiques. Ce fut Denys le Gram-

mairien, mentionné dans les ~~a~s, qui l'initia à

cet ensemble dé connaissances libérales que les

anciens appelaient la grammaire (i), et longtempsavant son voyage en Égypte il avait peut-être en-

tendu à Athènes le célèbre mathématicien Théo-

dore de Cyrène (2), qui était venu visiter cette

ville avant la mort de Socrate. L'importance des

mathématiques a sans doute été grande à ses yeux;imais on a cependant beaucoup exagéré son opi-

nion, et il ne leur a jamais accordé que le second

rang dans la hiérarchie des sciences. Plutarque a

déjà remarqué que le mot fameux <~ -ysM~sTpe~rov

QtMne se trouve dans aucun de ses ouvrages (3),et c'est sans plus de fondement qu'on lui attribue

d'avoir fait placer au-dessus de la porte de son école

l'inscription ~YeMp.sTp~To~s~tTM(4), qui a plu-tôt une originepythagoricienne.ToutefoisPlatonfut

un des plus grands promoteurs de cette science (5),et s'il faut en croire une tradition rapportée parPrpclus et suivie par Montucla, c'est à lui qu'est due

l'invention de la méthode analytique et des sections

coniques(6).

(i) Diog.L.,m, 4.

(2)Diog.L.,UI,6; r~e~ 143,e.;Xën.,JWM.,IV,2,10.(3)Plat.,QM.Symp.,VIII,2, qui, cependant,lui trouveUn

caractèrevraimentplatonicienTou~aTm~txou/mpaxT<)p6;~<rtt.(4)Tzetz.,CA~VU!,972.

(5)Cie.,deOrat., 50 Platonemomnesin misartibus(laGéométrieet laMusique)preestantiBsimumfuissefatentur.

(6)Diog.L., III 24; Proclus,ot!JEMcM.,II p. i9et58

LA V!E DEPLATON. n

D'après des documents de famillequ'avait conser-

vés Speusippe, son esprit, dès l'enfance, vif et ra-

pide, docile et modeste, ardent et laborieux, mit à

profit cette éducation-libérale (1); mais, malgré les'

espéranceslégitimesque pouvaient faire naître et les

grands appuis de sa famille et ses propres talents,il renonça de bonne heure à la vie politique (2), la

seule cependant qui fût digne d'un homme, suivant

le sentiment de toute l'antiquité, et que lui-même

considérait non-seulement comme le plus grand

honneur, commele plus grand devoir d'un bon ci-

toyen, mais comme la perfection et pour ainsi dire

le couronnement de la vie philosophique(3). Si l'on

en croit In.vu" lettre, dontl'authenticité est acceptée

par quelques critiques, et dont le témoignage paraîtconsidérableaux yeux mêmes de ceux qui la con-

testent, il aurait essayéde la politique, et même pris

quelque part au gouvernement des Trente; mais il

Montucta,F~<.desMathém.,I, p. t64.Il ne dédaignaitpasmêmelesmathématiquesappliquées;Athénée,IV,t74,c., luiattribuel'intentiond'unehorlogedenuit semblableà la clep-sydreet onconnaitl'histoiredu problèmedel'auteldeDélos,queledieuavaitordonné;defairedudoubleplusgrand.(Ptut-,<!eGen.Socr.,c. 7 de c. 6 JM~rceM.,c. 14.

(1)Apul-eDo~t.Plat.,2 « Speusippus,domeslicisinstruc-tus documeutis,pueriejusacrein percipiendoingeniumetadmirandaiverecundiaiindolemiaudat,etpubescentisprimi-tiaslaboreatqueamorestudendiimbutusrefert,et inviroha-rumincrementavirtutumetceterarumconvenissetestatur.

(2)Onlevoitprendrelaparolenon-seulementpourdéfendreSocrate,maisaussipourdéfendreChabriasquetoutlemondeabandonnait.Dtog.L.,H!, 23.

(3)Rep.,VI,496,a.; VU,519.

<88 LA VIE DE PLATON.

y aurait vite renoncé, dégoûté par les excès et les

fureursdespartis(i).

Ce qu'Ëiien rapporte de la pauvreté de sa jeu-

nesse, qui l'aurait obligé de prendre du service

comme mercenaire, ne mérite aucune confiance (2),

et quoi qu'on doive croire qu'il a rempli à des épo-

ques et dans des circonstances qui nous restent par-

faitement inconnues les devoirs militaires imposés

àtousiescitoyeus (3), on ne peut ajouter foi aux

récits de Diogène et de ce même Élien (4), qui,

en dépit de la chronologie, le font assister aux

campagnes de Tanagre, de Corinthe et de Dé-

lium' (5).

C'est probablement pour expliquer le caractère de

son style ou quelques connaissances techniques qu'il

(!) .Ep.VU, p. 324, c. ~9);v M Ta xot~otT~t tto~eh);eù6!)<

te~oK.Conf. Fréret., ~ca~. t~cr., t. XLVII, p. 258.

(2) Elién,FMt. ~af., 111,27. Du reste, Ëlien, en rapportantle fait, déclare expressément qu'il n'en garantit pasl'exactitude.

(3) Élien ~M<. YH,14 Diog. L., Hï, 24. 'r~~p ~< Tta-

TptBo<~TpKTet)6(H)~.

(4) Etien même se contredit, car il raconte ailleurs, t!t, 27,

que Socrate ayant rencontré Platon qui venait de s'équiper pourune campagne, le détourna du métier des armes, et l'engageaà se donner tout entier à la philosophie.

(5) u y a eu deux batailles de Tanagre l'une a eu lieu,

0). 80, 4 Platon n'était pas encore né; l'autre a eu lieu

01 88, 3; celle deDélium, 01. 89,1. Ainsi, Platon avait quatre

ânsà la seconde, et six à la dernière. Perizonius, ad -~H.,

Vil, c. l4, suivi par Stanley, conjecture avec vraisemblance

qu'on a confondu Platon avec Socrate, qui avait, à Délium,

remporté le prix du courage, ou avec un autre Platon. Il

est vrai qu'il y a eu une autre guerre de Corinthe, en 394, à

laquelle on le fait assister à son retour de Mégareon d'Égypte.

LA VJË DE PLATON. 19

J. ~~` .&montre dans ses ouvrages (1), qu'on veut qu'il se

soit essayé dans presque tous les arts, dans !a pein-

ture comme dans la poésie, où il aurait abordé tous

les genres, le dithyrambe, la poésie mélique, la tra-

gédie, et môme, au rapport d'Élien l'épopée (2),

poussé sans doute par cette orgueilleuse ambition

qu'on lui prête d'effacer par sa gloire la gloire d'Ho-

mère (3). On ajoute même qu'il allait concourir

avec une tétralogie (4) et avait déjà. remis ses pièces

aux acteurs, lorsqu'il entendit Socrate (S); cela dé-

cida de sa vocation; il jeta au feu ses drames et tous

ses vers, qui ne valaient peut-être pas grand'

(<) Olympiod. et Vit. Anonym. T~ rmv ~pN(KitTM~TtOtxO.~

(u~Mht(Mt9ei~pouM~Ewt,et Olymp. ajoute aussi Ste ro &~AT~<

TpofYtx~t;~M)~ oe~o~ xa! ro ~pMtxo~.

(2).HM<r.,l.H,c.30;Diog.L.,ni,5.

(3) Dion. Ha! Fp. ad Po~tp., Vf, 756, éd. Reisk.; Athën., XI,

segm. Ue.

(4) La Trilogie projetée et enpartie exécutée du Sophiste, du

Politique et du Philosophe, serait à la fois un témoignage et un

résultat décès goûts pour l'art dramatique.

(5) Oiymp., Vit. Anon.; Ding. L., ]! 5 ~E)., HM.Var., H,

30; Eust. ad Hom., 1)., S, v. 392. Il n'y aurait rien d'étonnant

que Ptaton eût, dans un temps qui les voyait naitre par mil-

liers, au dire d'Aristophane, ~<M., 89, Aues,t444, risqué que)-

ques tragédies. Itest plus probable encore qu'il avait compose

quelques poésies lyriques, et il eo reste quelques-unes, qu'on

peut voir dans Diogène, et la délicieuse inscription sur Aristo-

phane, que nous a conservée Olympiodore. Du temps d'Aulu-

Gelle, on les considérait comme authentiques, et on les rappor-tait à )a période poétique de sa jeunesse. ~V./< XJX, «.

Eos esse Platonis philosophi affirmant, quibus ille adolescens

luserit, quumttagœdiisquoqueeodt'mtemporefaciendispraa-

luderet. » le caractère de ses poésies érotiques n'est maiheureu-

sement pas une raison suffisante pour en rejeter l'authenticité.

M LA V[E DE PLATON.

chose (1), et se livra exclusivement à la philoso-

phie il avait alors vingt ans (2). Une fois qu'il eut

été captivé par l'éloquence irrésistible de son nou-

veau maître, qu'il comparait lui-même à la voix en-

chanteresse d'une sirène, il ne le quitta plus jusqu'à

sa mort, qui arriva huit ou neuf ans après. Cepen-

dant une maladie lui ôta la consolation d'assister

aux derniers moments de son ami (3) et d'entendre

ce dernier entretien, dont il a fait le plus pathétique

de ses dialogues, et peut-être le plus parfaitement

beau (4).

Si Platon n'eut pas cette triste joie, il assista du

moins à toutes les phases du procès; il était un de

ceux qui s'étaient engagés à fournir caution pour

(t)Apul.,<!eMagKt,&.10.<'CujusnuHacMminaexstant,msiamoris etegia; nam cetera omnia, 'credo quod tam lepida non

erant, igni deussit.

(2) Diog. L., ït!, 6. Suidas, qui n'a pas compris le passage,

fait rester vingt ans Platon auprès de Socrate.

(3)'Près de mourir, il considérait encore le bonheur d'avoir

vécu dans l'intimité de Socrate, comme le plus grand bienfait

qu'il eût reçu des Dieux. Ptut., Mar., c. 46. n~My ~Mo5v~Bv)

Kp6(;TMTE~UTOt~Y~°~ S~Et TO~CfÙToO5(M(tO~Xx!T~~TÙ~V

!iTt().~K~OpM~tOt,Ehct°BH.7)V,OÙpdtpëapO;YE'/OtTO'tCpO;SETOÙ-

totç oTtTo~;SMxpmTou;~povoK&n~vT'<]<tEvYMe<rn&ÙTou.Conf.

Lact., J')<t)./H~M.,111, 19, ~7, et Diog. L., I, 33,qui rapportele mot à Thaïes.

(4) PA~OM, 59, b. n~TM~ S~ ofp.ott,~(r6~et.Plutarque (de

Virt. Jtfor., c. 10)semble attribuer cette maladie au trouble jetédans cette âme jeune et tendre par ce grand exemple de la

cruauté et de l'injustice des hommes Qui oserait comparerles terreurs de Dolon à la crainte d'Ajax, et la douleur de Pla-

ton à la mort de son maitre avec celle d'Alexandredésespéré de

tamortdeCtitus!) »

LA VIE DE PLATON. 2i

Socrate (1), et probablement aussi un de ceux qui

avaient offert à Criton leur fortune pour favoriser

l'évasion de leur ami commun (2); et même, s'il faut

en croire Justus de Tibëriade, cité par Diogène, il

essaya, au tribunal, de prendre la parole en faveur

de l'accusé (3); mais, après les premiers'mots, elle lui

fut violemment retirée à cause de sa jeunesse il

avait alors cependant bien près de trente ans.

Quoiqu'il fût encore bien jeune quand il fit la

connaissance de Socrate 'on peut croire (4) qu'il

(i) Plat., Apol., sub fin. C'est, comme le remarque Diogène,

Ht, 37, avec le /«Mos, p. &9,b, )e seul endroit de ses ouvragesoù Platon ait parlé de lui.

(2) Crit., 45, a..

(3) Diog. L., ff, 4f, et Vit. Anon. On a contesté avec quelque

raison cette anecdote, qui suppose que Socrate fut défendu

par d'autres orateurs encore NsMTarot <5v TMve~{ro ~tiftx&~6oMTft~.Non-seulement, comme )o fait observer K. Her-

mann, nous ne savons absolument rien de ces avocats, mais

comment admettre que Socrate après avoir refusé le discours

de Lysias, ait consenti à laisser prendre ia parole <)des défen-

seurs qui pouvaient encore davantage compromettre sa dignité?

(4)Cen'est pas cependant une nécessité. Aristote, jt/e~ 1,6,nous

dit que ses rapports avec Cratyle remontaient à sa jeunesse, ~x

wou.Commeon ne veut pas qu'une fois admis dans le cercle des

auditeurs de Socrate, il ait prêté l'oreille à d'autres maitres, on est

obligé de placer l'un de ces deuxfaits avant l'autre. Sur ce point,

d'ailleurs, Aputée, de .Doj/m.Plat. est formel KAntea quidemHeraciiti'secta imbutus fuerat, verum quum se Socrati dedis-

set. Diog.L., 111, 8, dit, au contraire, qu'il ne connut Cra-

tyle qu'après la mort de Socrate; mais il avait alors près de

trente ans, et cet âge ne s'accorderait guère avec les mots d'A-

ristote, ex véou,pris à la rigueur; Proclus, in Cratyl., éd. Boiss.,

p. 4, se borne à mentionner le fait. Olympiodore et la VieAno-

nymesuivent Diogène, et )e dernier de ces documents, au moins

~22 LA"VN BË PLATON.

avait cependant déjà reçu quelqueteinture de philo-

sophie, et particulièrement qu'il avait été initié par

Cratyleà la doctrine d'Héractite. Mais il est impos-sible de s'arrêter un instant à. l'opinion qui lui

donne encore pour maîtres de logique Parménide

et Zénon {1), puisque Athénée conteste même la

possibilité chronologique de l'entretien de Socrate

avec les représentants et les chefs de l'école d'Ë-

lée (2). M.K.-Fr. Hermann (3) ne veut pas que

l'enseignement des sophistes, qui avaient hérité

et abusé de la dialectique éléatique, et qui firent

tant de bruit à Athènes, ait pu contribuer à éveiller

chez Platon le goût des choses philosophiques, et à

former sontalent d'écrivain. Les raisons qu'il donne

ne mepersuadent pas; il objecteque les plus illus-

tres de ces maîtres d'erreur et d'éloquencen'étaient

plus à Athènes au momentoù Platon eûtpu profitérde leurs leçons. Protagoras, en effet, était mort, si

l'on suit les calculsde Fréret (4), en410 avant Jésus-

Christ Platon n'avait alors que dix-huit ans et ne

connaissait peut-être pas encore Socrate. Gor-

glas (B), il est.vrai, vivait encore; maisc'est en

Thessalie et non à Athènes que se passèrent les

dernières années de sa longue carrière. Prodicus

par la successiondespartiesde sonrécit, sembleplacerle

voyageenItalieavantlarencontreavecCratyle.(l)Photius,.B!M.Co~CCUX.(2)Athén.,Xf,505.Conf.K.Hermann,t. i.

(3)6MC/t.M.S~. derPlat.Philos.,p.47.

(4)~eaf{.tMcr.,t.XLVH,p.277.(5) Foss., de Cor~M ZeoM~MO, ~a~ <828, p. 2?.

LAV)EDEPLATON. ~3

enfin devait être cette époque à Thèbes, s'il est

vrai que la captivité de Xénophon,pendant laquelleil a suivi dans cette ville les leçons du sophiste,

tombe dans l'olympiade 92. Sans doute dans les

dernièresannées de la guerre du Péloponnèse,Athè-

nes, épuisée, irritée de ses défaites, inquiète de

l'avenir, n'offrait plus à ces artistes de la parole le

séjour agréabledont ils y avaient longtemps joui (1).

Mais, quoique les livres fussent encore rares à cette

époque (2), qui pourra admettre que ces doctrines,

professéesavec un tel éclat, accompagnéesd'ui) tel

retentissement et d'un engouement pour ainsi dire

universel, ne laissèrent, après le départ deleurs élo-

quents interprètes, nulle trace, nul souvenir, et qui

pourra nier qu'elles n'aient pu, qu'elles n'aient dû

susciter en Platon au moins l'instinct de la polé-

mique et le goût de la philosophie2D'ailleurs, parmiles disciples de Sbcrate, qu'il connut sans doute

même avant de s'abandonner tout entier à la di-

rection de leur maître commun, Antisthène, quiavait entendu Gorgias, Simmias et Cébès, quiavaient suivi les leçons de Philolaûs, et peut-êtreaussi celles de Prodicûs, Euclide, disciple des

Éléates et son ami particulier, avaient pu donner

quelques ouvertures à cet esprit chez lequel on doit

soupçonner, sans trop de témérité, une curiosité et

une ardeur précoces pour les questions scientm~

(1)Atbën.~V,59,p. 218.05<o~xs!xo! M~N:<&<~c[).M<SMXTpiëEM,

(2)Porphyr.inEu8eh.,P~.ct).,X,p.4H{i.

'LA.VJE-DE~LATON,

ques (i). Noussavonsen effetque le développementdu talent et du savoir fut rapide chez Platon, car il

publia, du vivant même de son maître) quelques-uns de ses dialogues.,parmi lesquels on place le

Z~M (2) et le Phèdre, qui fut, dit-on, son pre-mier ouvrage(3). Enfin Critias, son parent, et qu'ila trop souventmis enscène dans ses dialoguespour

qu'il soit téméraire de supposer entre eux d'in-

times relations, aimait à fréquenter les sophistesaussi bien que Socrate et a se mêler aux contro-

versesphilosophiques; quoide plus naturel qu'il aitinitiéson jeune neveuà ces goûts et à ces études

qui lui avaient valu & Athènes la réputation d'être

!S[MTt]~MBt~OTO(pOtS)<j)t)tOMBO;jJ!Ev!Sth)TCt~(4)?Ala mortde Socrate, c'est-à-dire en 399,Platon,

alors âgé de près de trente ans (5), suivit à Mégare

les disciplesdu sage, qui craignaient que le peuplen'étendît sur eux ses colères et ne se portât aux

mêmes excèset aux mêmes violences(6). A Mégare

(1)Quaot~àAnaxagore,Socratelui-mêmeavaitdu leiui faire.Mnna!tre.

~~(9)'Diog.L.,IJ]t,35.

(3)S'estle,sentimentunanimedesanciens.Diog.L.,H!,38;Anony!n.;p)ynipiQd.

L (4)Schol.adTim;,p. 20."HTCTMoS~xM~AoTo'pM~<n)ven)o{t')'<

XCtt'~ft~tO~X.A'

(6)Diog.L.,III,6, ditvingt-huitans, d'aprèsHermodore;maisjSocrateétantmorten399,Platon,neen429,devaitavoir

bieoprèsdKtrenteans.'

(8)Hermodore,eitéparDiog.L.,U,<08,etn!,6, dit quecefutparcraintedestyrans.C'estévidemmentuneerreurhis-

torique,puisquete régimede]a terreuroligarchiqueavaitfinien404,à moinsqueparuneinterprétationpiusingénieuseque

LA VIE DE PLATON. 25

.il trouva Euclide qui avait établi dans cette ville un

centre d'études philosophiques, et qui bien que

disciple de Socrate, avait adopté en grande partie les

théories des Éléates, du moins la dialectique, dont

son école abusa bientôt.

La Hermogène put l'initier à la doctrine éléati-

que (1), s'il ne la connaissait déjà., soit par les livres,

soit par les communications orales, comme il est

certain, par le FA~OM,qu'avaient déjà pénétré dans

Athènes les idéespythagoriciennes. Quôi qu'il. en

soit, il est presque certain que la direction de son

esprit dut être influencée par ce séjour à Mégare, où

il vécut'dans un commerce intime et peut-être long

avec des hommes voués à des doctrines que plus

tard sans doute il a combattues, mais qu'il admit

aussi en partie, en les modifiant et en les fondant

avec ses propres idées (2).

naturelle on ne veuille entendre par le mot Tupcc<vmvla tyran-

nie démocratique qui avait condamné Socrate.

Tandis que Platon et les autres disciples donnaient cette

preuve de faiblesse, le rhéteur Isocrate osait le lendemain même

porter publiquementle deuil de leur maître commun.

Il n'y aurait d'ailleurs rien d'impossible ou d'invraisem-

blable à admettre que Platon fut conduit à entreprendre ce

voyage comme les autres, uniquement par amour de la

science.

(t)Diog.L.,IH, 6, etO)ymp.,IaV«. Anon., au lieu du

nom d'Hermogene, donnent celui d'Hermippe, qui n'est proba-

blement qu'une mauvaise leçon l'édition Didot rétabiit le nom

d'Hërmogëne.

(2) C'est pendant ce séjour qu'ont été conçus et en partie

exécutés, d'apt'esStallbaum, tes dialogues du ï'A~~e, du.S'o-

pAM<e,du PoM<ty«e,du~rme~t~e, qui rappellent, au moins

LA VIE DE PRÀTON.26

En quittant Mégare (i), où il resta on ne sait pas

au juste combien de temps, il commença ses voya-

ges (2). Le commerce avait établi des relations fré-

quentes entre la Grèce et l'Égypte, l'Asie-Mineure,

la Sicile, l'Italie des rapports intellectuels avaient

dû nécessairement résulter des relations commer-

ciales, et les sophistes avaient singulièrement con-

tribué par leur système de conférences ambulantes

à cet échange des idées et à la diffusion des doctri-

nes. Platon pouvait ainsi connaître, même avant ses

voyages, les doctrines qui avaient pris naissance à

l'étranger C'est donc une assertion peu fondée de

prétendre, comme M. Stallbaum, que Platon était

les trois derniers, la manière sèche des logiciens de Mégare,mais

qui ne purent être terminés, toujours d'après le même critique,

qu'après ou pendant le voyage d'Italie, parce qu'ils contien-nent des traces de pythagorisme, qui cependant ont échappéaux yeux de M. K. Hermann.

(t) Diog. L., III, 6. "E~m e!c Kup~w. Comme il avait

quarante ans à l'époque où il vint en Sicile, d'après les rensei*

gnements de la lettre VII, p. 324, a, si l'on ne veut pas admet-

tre qu'il ait passé dix ans dans ses séjours à Mégare et en

Égypte, on peut admettre qu'il revint à Athènes, et que même

il put y commencer son enseignement. Mais ce ne sont ta que

des conjectures, et je préfère m'en tenir aux faits attestés parses historiens.

(2) Ce goût de lointains voyages, fréquent et vif chez les

philosophes antérieurs, est en opposition marquée avec les ha-

bitudes sédentaires de Socrate, qui n'avait fait d'autre voyage

que celui de Corinthe, pour voir une seule fois les jeux Istbmi*

ques. (Crt~. p. 52, b.)

Eusèbe) à l'Ol. 97) 4 389, dit Plato philosophus agnos-eitur. » Faut-il entendre cela de la réputation qu'il s'acquit à

Mégareou en Sicile?

LA VIE DEPLATON. 27

complètement étranger aux théories pythagoricien-nes avantd'avoir visité l'Italie et il est certainement

téméraire de tirer de ce principe, si légèrement

admis, la conclusionque l'on ne doit placer dans la

jeunesse de Platon aucun des ouvrages où se pré-sentent des traces des doctrines de Pythagore,comme par exemple le Phèdre. Mais, sans atler jus-

qu'à ces excèsde raisonnement, personne ne niera

l'influence que ces voyages vraiment scientifiquesont pu'exercersur l'esprit de Platon et les tendances

de sa philosophie, surtout si l'on réfléchit qu'une

partie de ces doctrines étaient l'objet d'un enseigne-ment secret, cachéessouvent sous des formes énig-

matiques(i), et exigeaient, pour être bien compri-

ses, unevéritable initiation.

S'il faut en croire Cicéron, notre témoin le plus

ancien, quoique déjà bien éloigné des faitsqu'il at-

teste, sonpremier voyagefut celui de l'Egypte, qu'il

commençapar une visite à Théodore de Cyrène (2).Au dire de Strabon, on montrait .encore de son

temps à Héliopolis la maison que Platon y avait

occupée, auprès du palais des prêtres, pendant un

séjour de treize années, avec Eudoxe, son compa-

gnon de voyages et d'études (3). La chronologie ne

(1)Parexempleles symboleset lessimilitudesdespytha-goriciens.

(2)Cic.,<!eFtn.,V,29 «Cur Plato~Egyptumperagravit?Cur,post,Tarentum? Z)fRep., <0 « Primumin ~Egyp-tum, discendicausa,post in Italiam'eth) Siciiiam.» C'estaussil'ordre ~ùesemHeadopterValèreMaxime,VIH,7,3.

(3)Strab.,XVII,c. p.446.Proclus,ad~cM., H,p. 19,

28 LÀ VIE DE PLATON.

permet d'admettre ni le fait du voyage d'Eudoxe (1),

ni le séjour de treize ans, que M. K.-Fr. Hermann

réduit, par* de bonnes et solides raisons, à trois (2),

de 393 avant Jésus-Christ, à 390. Diogène de Laërte

nous dit que Platon fut malade en Égypte, et qu'il y

fut soigné et guéri par les prêtres (3); et Plutarque

prétend que, poursufnre aux dépenses de ce voyage,

il avait fait dans ce pays le commerce des huiles (4),

attribue à Eudoxe d'avoir développé la théorie des sections co-

niques, dont le principe avait été trouvé par Platon. Un savant

allemand, cité par K.-Fr. Hermann, a prétendu qu'Eudoxe et

Platon n'Ont pas pu se trouver en même temps en Égypte,

quoique Clément d'Alexandrie (.StMM., I, p. 303, c) connaisse

parleurs noms les deux prêtres égyptiens qui ont initié les

deux voyageurs aux'mystères de la sagesseégyptienne. Aulieu.

d'Eudoxe, par une erreur évidente, Diogène, IH, 6, donne a

Platon pourcompagnon de voyage le poète Euripide, mort de-

puis bien longtemps, et envoie Eudoxe en Égypte, avec le mé-

decin Chrysippe, porter au roi Nectabis des lettres d'Àgésilas.

(1) Plutarque (de Pxm. Socy-t,c. 7) place vers la même épo-

que un voyage de Simmias, l'interlocuteur du Phédon, en

Égypte.

(2) Quelques manuscrits de l'abrégé de Strabon donnent

aussi ce nombre.

(3)Diog.L.,nt,6;P!ut.2.

(4) Hn'y a rien là qui nous doive surprendre les Athéniens

paraissent fort étrangers à nos sots préjugés contre la noblesse

du commerce et de 1'industrie. Selon, qui avait inventé le

pressoir à olives (Cic., de Finib., V, 29;Hor., ep. t,l2, v. 12,et lesschol.), et dontFréret (Acad. ~Mcr., XLV1I,p. 227)fait un

marchand d'huiles, Thalés, Hippocrate, s'étaient enrichis dans

le commerce, et Plutarque, à cette occasion, rappelle le beau

mot d'Hésiode,v. 287

"Ep~av 8' ouB~ (i~Bo<,~yCt) Set' 2'<Et!o<.

Pline (BM<.nat., XXVIII,2S) nous apprend que lé commerce

LA VIE DE PLATON. 29

2.

industrie considérable et très-lucrative dans l'anti-

quité.

On ne peut guère admettre une ipûuence directe

de l'Egypte sur les idées philosophiques de Platon

nous le voyons célébrer comme des inventions égyp-

tiennes la découverte des nombres, du calcul, de

l'écriture, de la géométrie, de l'astronomie, du tric-

trac et des dés (i); il vante les procédés pratiques de

leur système d'éducation (2); il loue leur sentiment

religieux et l'intention morale qui leur fait c.on-

sacrér aux dieux des jours de fêtes, et sanctifier tous

les arts, jusqu'à la dansé par la religion et la

prière (3); il vante enfin ces lois qui déterminaient

des huiles avait également enrichi Démocrite. On a voulu tirer

de ce fait ta preuve que Platon était pauvre. La pauvreté, sous

l'influence des idées cyniques, fut, à une certaine époque,l'attribut et comme une vertu spéciale du philosophe on ré-

péta donc sur tous les tons, pour qu'il ne lui manquatjrien des

vertus philosophiques que Platon était pauvre. Aul. GeU.,

III, 17 Tenui admodum pecunia familiari. Damasc., ~Ma'

t58 ïtM~< ~p Suidas, Apal., ~EUen,Ht, T7, qui, du reste,

met lui-même en doute l'exactitude du renseignement qu'iltransmet. C'est par le même préjugé que Sénèque ne voulait

pas qu'il fût de noble race. Platon, au contraire, appartenaità une famille illustre de grands propriétaires; il était riche,

tout le prouve sa Chorégie, quoique Dion voulut en faire

les frais (Diog. L., 111, 3), l'acquisition de la bibliothèquede PhiMaùs, son testament (Diog. 1)1, 41), sa manière de vivre

(Diog.L.,Yl,M; S.Jétôm.,a()v.Jot)t?! 11, 2U3), et j'ajoutemême ses voyages, luxe qu'un homme pauvre n'aurait pas puse permettre.

(t)f~<<r.74,e;~&t!t9,c.

(2) Legg.,VII, 8t9,a.'MeTctKottStK<Texa! ~So~ji~Oct~

(5)Le99.,VH,799.

30 LAVIE DE PLATON.

en Egypte le typedes productions de tous les arts,

et,interdisant auxartistes toute innovation, lescon-

damnaient à régéter servilement et éternellement le

modèle une fois adopté (1). Mais ses éloges, on le

voit, portent exclusivement sur des arts techniques,sur des procédéspratiques plutôt que sur des scien-

ces, sur des directions politiques et morales plutôt

que sur des idées philosophiques(2). Unephiloso-

phie égyptienne! On n'en trouve pas de trace, du

moins dans Platon.

On a d'ailleurs exagéré son admiration pour la sa-

gesseelles institutions désÉgyptiens il a vu d'assez

près ce peuple actif et industrieux pour le bien ju-

ger, et perdre, s'il enavait conçu à son égard, bien

des illusions; il lescaractérise par l'expression peuflatteuse dé t[)Ao/p-~aMv(3), et trouve que leurs arts

méritent le nom d'une assez méchante industrie

plutôt que celui de sciencexavoupY~va~n <ro!p(c(<(4).

Hsignale chez euxbien des institutions vicieuses(5);

(t) ~y.,]I,656, d.

(a)Cicéron,deFtn.,V,M;Apnleeet lesProMgomènesveu-lentquecesoitenÉgyptequ'Haitappris!agéométrie;Dio-dore,1, 98,prétendque,commeLycurgueet Soton,c'est auxÉgyptiensqu'il empruntélesprincipeset lesapplicationsdeses

lois; QuintUien,I, 12, qu'il a été initiéaux mystèresdeleursprêtres,Il a peudefondàfairesurdestémoinssiéloignés.

(3)Rep.,IV,436,a. Hestttës-remnrquabtememequedans

cepassagePlatondonneauxThracesetauxScythespourcarac-tèrete courage,auxÉgyptiensetauxPhéniciensi'amourdelarichesse,aux Grecsseulsl'amourpur et désintéresséde iascience,'ro~t).o)jut6e;.

(4) Zc~ V, 747. Cf. Waiçken., <on., p. 357.

(&) Legg., 657, d. ~U' ~TEpct(pOtuA*av e6po[<<tÙTo9t.

LA V!Ë DE PLATON. 34

on ne voit en lui aucune trace de ce fanatisme reli-

gieux qui poussait les Égyptiens à s'isoler des autres

nations, et, dans ses rêves les plus chimériques dee

constitution politique, il ne fait aucune place à l'é-

lément sacerdotal, organe essentiel de leur gouver-

nement. Platon, malgré tout, est un Grec, et même

un vrai Athénien (1); il ne voit dans le prêtre qu'un

magistrat et un serviteur de l'État (2). D'Égypte, it

alla en Phénicie, suivant Oiympiodore (3), dont les

Pères de l'Église (4) se sont empressés d'adopter le

sentiment. Ce fut la. qu'arrêté par la guerre, qui ne

lui permit pas de pousser, comme il le désirait (S),

jusque dans la Perse et dans l'Inde, il fut initié par

les mages aux doctrines de Zoroastre, et par les

Chaldéens a l'astrologie (R).

On peut sans crainte placer ces récits au nombre

des fables; mais il est certain (7) qu'il visita l'Italie

(1) Son mépris systématique pour la démocratie, le pired'entre les bons gouvernements, et le meilleur parmi les mau-

vais, n'étouffe pas toujours en lui le sentiment de la vérité et

de la patrie; le cœur )uH)at aussi au souvenir de Marathon..

(2)Ptat.,foM~,MO,d.AtC(xoyou~~<.

(S) Et Vit. <MO!tsm.,et tous les auteurs cités par Ménage,ad Diog.L., lit, 6 et 7 Fabric., Bibl. yr~c., t. Ju, 62; Brucker,

t.t,p.635etl48.

(4) Clem. Alex., Fro~-ep~ p. 46; Lact., .D~.7M<iy,2;

S. Aug., deCtp.D..Yn), t),etXL 21; dedoctrin. CAr~n,28.

(5) Diog. L., !H,7; Apu]., de Dogm. Plat.; Cicéron, TtMc~

IV, 2, lui fait visiter MMmo~~rra~.

(6)Pausan:V,32,4;PIin.fM<.?!<t<XXX.2,9.

(7) Rien n'est plus incertain que l'ordre et la duréede ces

voyages. Otympiodorc met le voyage eu Italie avant celui.

d'Egypte, etDiog.L.,nï, 6, Quinti)ien, I, c. x)v. la vie ano-

nyMe s'accordent avec lui. L'auteur de ce dernier document

32 LA VIE DE PLATON.

1 ~.1 8'1 11.méridionale, du il se lia avec ArchyLas a. Tarente,

Timée à Locres, Eudoxe de Cnide (~ et où il fit,

mais peut-être plus tard, la coûteuse acquisition des

trois livres de Philolaüs (2~. Après un séjour d'une

durée ignorée en Italie, il passa à Syracuse (3), où

n'attribue mêmeson désir de visiter l'Egypte qu'aux récits

enthousiastes que lui auraient faits les pythagoriciens de la

science et de la sagesse des prêtres de ce pays. J'ai suivi l'ordre

indiqué par Cicéron (de Fin., Y, 29 dé Rep., 10; TtMM~

I, 17)et adopté par K.-Fr. Hermann. Pour concilier les rensei-

gnements divergents Clinton (Fasti JM~tt., Il, p. 366) supposedeux voyages en Italie, supposition qu'autoriseApulée « Et ad

Italiam iterum venit. »

(t) Diog., L. III, 9; Cic., Rep., I, 10; Aul. Gell., H!, t7, éva-

lue cette somme à 10,000 deniers, équivalant à tOo mines at-

tiques(Diog. L., VIII, <&)et 40 mines d'Alexandrie. Diog.L.,

VIII, 85. Conf. Iamb., V. ~?0?., § i99.

(2) Cicéron, de ~'tn., V, 29, nomme encore Ëchéerate et

Acrion ou Arion Valère Maxime, Ccetus; Apulée, Eurytus, et

Diogène, Philolaus, qui devait être mort à l'époque de ce voyage.

(3) On donne aussi à ce voyage un but scientifique. Diog.

Laërt., !I1, t8 KaM 9MYTmvxp~pMv. Olymp., Diod. Sic-,

XV, 7. Athen., XI, segm. 116, p. 507. Ce qu'il y a de plus

singulier, c'est que de nombreux écrivains prétendeat que la

réputation de la cuisine sicilienne n'y fut pas étrangère. Apul.,

Tnémist., Or< XXIII, 2S5 'Ejct~tM'T'xctt TpeM~. Diog.L.,

VI, 25 Âtbén., XI, 507, b. Olympiodore ()~t<.Plat.) mentionne

ce bruit tout en )e réfutant, et soutient qu'il n'alla en Sicile que

pour persuader Denys de déposer son pouvoir. CornéliusNépos,

X, 2, et Diodore XV, 7, s'accordent à dire qu'il y fut appelé

par Denys, à la prière de Dion, et c'est à peu près l'opinion de

Plutarque (Dion, 4). La Vlle lettre, p. 324, a, 327, a, 336, b.,

prétend qu'il avait.voulu connattre par lui-même la législation

et les principes politiques qui gouvernajent la Sicile, et com-

mencer cette grande collection de constitutions, que réàtisa plus

tardAïistote.

LA VJEDE PLATON. 33 1

il fut mis en rapport avec Denys l'Ancien, et se lia

avec Dion. Une lettre qui lui est attribuée (1) lui

donne à l'époque de ce. premier voyage quaranteans c'était donc en 389 (2). Le philosophe, d'abord

bien accueilli, ne tarda pas à se brouiller 'avec le

tyran, qui ne l'épàrgna qu'à la prière de Dion et

d'Aristomène mais, lié en cemoment avecLacédé-

mone, le tyran déclara Platon prisonnier de guerre,et le remit commetel à Pollis, ambassadeur de

Sparte. Celui-ci le vendit à Ëgine, où les fureurs

trop légitimes des haines nationales contre lesAthé-

niens firent courir à sa vie des dangers auxquels il

n'avait échappéen Sicileque grâce à l'amitié et à l'in-

fluencepuissante de Dion(3). La générosité dévouée

d'Annicéris, son hôte de Cyrène, le sauva. Racheté

par lui au prix de 20ou 30 mines, Platon put ren-

trer dans sa patrie, après dix ou onze ans d'absence,vers l'année 388 avant Jésus-Christ (4).

(<)Ep.Plat.,VU,p. 324,o.M.V.Cousin,paruneconstruc-tionpeunaturelle,maispossible,fait,il estvrai, rapporteràDionlesmots<~eBAvërv]TeTTepaxo~Tav~o~cx.

(2)LescalculsdeCieéron,quifaittomberlevoyageà Tarentesousle consulatdeC. L. Camilluset d'App.Claudius,c'est-à-direen349,sontévidemmentfaux.

(9)Cedétaitaideà fixerladateduretourdePlatonà Athè-nes.LaguerredesAthénienset desËginetes,racontéeavecdé-tail parXénopbon,Hellen.,V,c. t, est placéepar DodweHàFOL98,1, c'est-à-direen 388,carelleprécédadetrès-peudetempsla paixd'Antalcidas,01. 98,2 387.C'estdoncuneerreurdeOtt.MùUcr,relevéeparStallbaum,del'avoirfaitdes-cendreà l'année385.

(4) DiogL., HLi8-2t;Plut.,Dion,c. tvet v,et deExil.,p.603,b.Luc.,deParas.,c. xxxv,rapporte,surletémoignage

ü;.

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~sË~ réaltsa.lznde~pl~sFat'déntsdésirsde:sâ~eu-

;ns~&gui:n~~i~~ de l'Aaâdémië

~jSN~~seign~ qu'il; ~p~d~ .pres~~

~~g~tit~iamë:S~'on ~ëept6, Socrate; qu~~prQp~'emeQt pap!e~,

~t~()~en~n~p~~ en:riant ?soâaavaayoua~co4,

~;qu~gr~e~~a~~rQUY~~Pla~~aM:~ ilé'Denys r:

!M8Ï;sSuCe~; ) ~r~ere?~S~~M~?~a~ la

~~s<gBorM~d~~s~~t~~

~~l~ëg~ farddans up

~a~Ht~t~t~p~rt~u.Rre~~ja~~

S~t~H~~t)OU~S~ mtérprétâ~

gt~el~

~n~fa~eettM&tt<

~n~n~au~e))~ToO~M~~M~ et sëretiratt dans~uù

~~a~i~~u~res~yë~tntën~~rS~ parEipuhers;

;o~~ë~~t~a!K!po~tt~p~ Ty~

E~)[~~emM;etat~r~1 gëânds gpinnakes

~~M~C't~b~X! l'État, ;,et luîpar

e~L

~Nnt~etM~eeMnnque;~t~p~~ la statue de

E~s~toS~utrëi~n~ hâtmncntsveeessâi~es aux éxereicës

~ëuM~e~H~r~fënBa~gmM~ <p'lantéd atbres~,y

~~Ë~t~pM~~q~~ avâ~t, dit on, consacre aus~

$WÊ~eS~t~y~et~ si~tue dél'Amori~

!6M~u~erf~ plùceB:c1#insla riiélrre ,~tribnAéa

~Nii~ Plàton posr3édatt~uti~pét>tlëi~drocon

~c~e!& par` hex~tageà'la p#'opiaete dë.

~P~ev~~f~)~fat~

~e~r~tM~a~~c~p~~ `prôprteté eqimrâiutié.

~~B~Kë~b~~d.i~p~ côn-

~t~â~e)~ie,8~p~ qtiéléGymqaisé'

jgsj~an~H~)t!S~nt~~t!n~ et' oceupes,

~F~ât~ct~ë~ëM'o~~ il àloüie=memeqùë`,

~S~~o(~t~s~q~uM~~s~par~an.~ al~ér"éu vUlè;.

~e't~~t~edtes~asMMër~~ D~oüy=.

~~t~M~ x

~M~f~SM~

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P~'IL

~p~(~U~,Mla~r~~Z~n~iQ~éëfe~nï&~

~~paye~~urs~I~ûils~~Jato~ trouvait ne a ce,,n'etaxt

~~paë~auae~la sagesse mais tenir bëutiquë'd~ pa-

~rotës~ë~ ~Sn~i'enuër l?e~~ ëns!ë)gn6-~

~îQer~gratu~~l~f~et~ pratique,:par,laquellër

~il~tse~t~e~~ fût; constam:~

~es~~Jo~I~~ë~ sôn. écùle (2);

~U~tS~

~~?~u~~o' un sâlàia e de:

'~iMt~t~~ëvmt~t~nc~pM s officiels,

~nëmmës~révocâËlps~pap~ au lièu de:rest~er

~maëp~ndants~t~r~M~ autrès sedtes

~e~ten~aËpr~~usq~'au'~mp la centrali

:satit)i~tnai~ dè l'enseigttement ùrié t 1

'da~ë~ir~t)~~aes,~hair~s~~ furent'éta-

~u~~t~s~lê8~ëcole& philosophiè.et Fde

~tp~S~

~];l)~t.~Aagn.~K~ ~,a~,ovaôywv2vy~(âv~e:~~qw5aô~oc

~eE~i~s~)~]~m~ ~as ~ssez consïderahle~'G~Eour

~t~forkùne de l'et~le,

~uo~[u~nte~e~{~~es,;< ..de pluàieurs d~suip~e~

~[(~[B~d~~ »Smdas),`8emnt ~ïentot

~t~u~ue~ çphfiseàtitins l'atteigtirrent

~Sjtfust~~s~t~~ms~Commenl in lc i p. v;!41

~~n~x~o~`

M'S~j~M~?~°

~~J~~ur~~ans~;pr~vtnM8~t;part)pu!~ a Athenes

.~D~f!)~tMie& ùn dociet lés'sûp=

!~)B~u~iN~9~J~rma.lesëc~

~itK~ea~gn~e~p~tC~~enco~e

'Sa~saÏ~S~ 3ean;iVlhla, Hàst, .CÏaronï,11, _p.;l87,

~u~m.~jPA~a~c.~ Z~non~,p. 79i ed: in-18

36 LA VIE DE PLATON.

Après avoir séjourné danssapatrie pendant vingt-deux années, qu'il consacra à l'enseignement et à la

compositionde sesouvrages, Platon se laissapersua-der par Dion de retourner à Syracuse, pour chercher

à faire dujeune Denys(1)le modèledu prince, en en

faisant un philosophe(2) c'était au commencement

de l'hiver de l'année 368 il confia son écoleet son

enseignement à Héraclided'Héraclée, et partit em-

menant avec lui Speusippe, fils de sa sœur(3).Mais Denys s'étant brouillé avec son oncle, et

l'ayant même exilé, Platon renonça à ses chimé-

riques espérances, de faire de la tyrannie un instru-

ment de politique honnête, et quittaen 365 Syracuseoù il eut l'imprudence' ou le courage de revenir

encore, quatre ans plus tard, à l'âge de soixante-

neuf ans pour essayer de les réconcilier. Ses efforts

furent inutiles (4) il courut même encore une fois

(f) Il avaitsuccédéà sonpèreen 368;chassépar Dion,en357,deSyracuse,il y rentraaprèslemeurtredesononcle,en347,maisil enfutdenouveauexpulséparTimoléonc'estalorsqu'Useréfugiaà Corintheou il sefit, dit-on, maîtred'école.

(2)Plat.,Ep,VII,327,e.Lebutderéaliser,àl'aidedudespo-tisme,laconceptionsocialisteetcommunistedela~MpMMt~Me,estattestépard'autrestémoinsquinevarientquedanslesdé-tails.Plut.,Philos.,c.prMc.,c.4, et Dion.,c. XI; Thémist.,Orat.,XVII,p. 215;Diog.L.,IU,21;Apul.

(3) Suid., v. 'HpoH~.1

(4)Diog.L.111,2t. Cornel.Nep.,Dion.,c. 2; Diod.Sic.,XV,7. Them.,Or<!<.IV;Athen.,XI, dernierchap.;Apul.,de

.Oo~m.M~. Ceterumtresejusad SicHiamadventus ille

primohistoriatgratia,ut naiuram~EtneBet incendiaconcavimontisintelligeret;secundopetitu Dionysi; tertiusejus

LAVtE DE PLATON. 37

3

des dangers que lui évitèrent difficilement les Py-

thagoriciens de la Grande-Grèce, ses amis (i), sur

l'invitation et sous la garantie desquels il avait en-

trepris ce voyage (2). Revenu définitivement à

Athènes, il partagea ses dernières années entre l'en-

seignement (3) et. la révision et la composition

de ses dialogues (4), et mourut dans un banquet

nuptial, suivant une tradition plus poétique que

certaine (5), la treizième année du règne de Phi-

lippe, la deuxième année de la i08° Olympiade,

l'an 34*7 avant j.-Christ. Les Athéniens lui firent,

dit-on, de magninquesfunéraiDes (6); son tombeau,

adventus fugientem Dionem,impetrata a Dionysio venia, patrifcSMBreddidit.

(1) n y a quelque contradiction dans les témoignages.: d'après

Plutarque, ce fut par Denys qu'Archytas et les Pythagoriciensde Tarente avaient connu Platon d'après la Vit* lettre de Pla-

ton, ce serait au contraire le philosophe qui, ayant fait anté-

rieurement connaissance avec Archytas (Cic., cfe~M., V, 29,Ta-rentum ad Archyta~n peragravit), aurait mis en rapport d'hos-

pitalité et d'amitié Archytas et'Denys.

(2) Plat., VU, 338, c.; Plut., D<0); c, 18 et 20 Aristid.,

'OM<H,p:304~Diog.L.,H!,22.

(3) S'il faut en croire Élien, V. III, 17, et Cicéron, do

'Om< IU, 34, il aida Diou dans sa tentative pour rendre la- li-

berté à la Sicile.

(4) Cesoin d'artiste ne l'abandonna jamais, et c'est sans doute

ce qu'il faut entendre par la phrase de Cicéron (de .S'eHCc~V,

l3),"scribensestmortuus".

(5) Diog. L., !H, 2. D'autres, au contraire, le font mourir

d'une affreuse maladie, la Sevré vermineuse. Diog. L., UI, 40.

D'aprèsSuidas, la mort vint le surprendre pendant le sommeil,

<<!Mm'gif)t,etsans~)tffKtnc< «sine «Uadeductione Sencc.

~p. M.

(6) Oiympiod.,p. 4.

T.t~,'Yl,EY Ï7~ Ty.~TOi~i

~~c~~E~~e~~Ëai~ dévl'Aea~~`mre~(~°~

!s:3~ rièusnè pou~ô~ïs~n~eri~paLBmr~ut~ que°-Wi~s

~~pï~Bt~stori~ ét on riedoWëro~s

~Ui'Ù~t~?~M~

~~S~o~~ ~.axa~lnmv.$e II),aTwvx,

~S~~f~i~~ p.~v

iva~uX~v~iôv

8' Yvxaw~:a;aôoc(~)~y,

`e

~$~~F~~sS~~ Ésculapé et P~atôn, don-

MB~M~ ~t, nâ3t~e; I'un'

potir~gt~`¢rtr1e

çorps,1'âulre, pour guérir~l;~me o~es a

~tMj~ iin bânquet,aünuel (3) où il~

~at)~<

~S~Ue~e~itefOI~m~ioË~ ~l;~yen a c~nq aat~~~'`

~SatS~ëi~ge~tt~ es~~lfâ'uteurd'uné d'éttt~o~ellée<.`t~l~

S~Minë~a~ l'-élntholtigiede Plânude, III~i, attrc~

~Sppë,~ga~ ,Iallusté~einarqué de iVI~:r r'

E~H~i~t~~ plüs"d~atithëriticite

~S~S~~â's~S~~cu les ~~ycs, et ies~Romams a°leur

M~S~iM~fl!~ lé~``chnnt;Îâ,

~t~t~S~E~~

etphhôs'opir~qugs,etaiéüG `;

S~K~~S~MëSSc! ~e'

~~t~~a~)MM~B~~ 'réanl6ûs,~a~la~~foa,s

~Si~~M~~ts~~ ïnst~tuedè pâr l~n=,

~~f~c~t~~ ~rEpiTlaatïüva5~a·lt~iGai~i~tovja

!BgMnM!M~a.~raM~ de ya-

~t~t~a~~ ~iéut conclure du 'pas~`'ag~;qû®no~té

~M< ;lt~nqûets;+assooiesa desséhrl~ces aüx Mu~es';`

!~m~us~ tlhrni~~y~u~'d~~s, yl que~ori

~S~u~t~Spën~M~~n~ d'_itûecot~~tton yntlibydn"`ellé~=

~~N~i~ ~~lAcédeïn~et'oût cé

~$~s~~ 39

~Ë~Êti~e~~ sâ nais~aïnoè .pâ~wde`s"

!h~p~no~ un.-ver°s (y), rët

? At~t()t~~i~ley~uQ~ÛteL~!c'6tMt8H~ à ~Âr.i§tote.

ë~qu~p~Ft~aitile devoir et de 'lui rèt~drè

't ce~Ië~~e~igna~admtratio de respect et de

Lre~onaa~a6~(~~PM(~Tjë~'é&i~~

~l~p~ â~i'x'te>'rnësdu.testameht.què'

~~(~d~a~ èü£ant

~Tr~ su l'on.rap

%f~p~i]Le~ ditriïnnta£,iie l',ég~éau

~e~~m~M~

j~d~a< vécüt, peïa (~):~L'hé-

M~t~dt~Fa~Atbënee~'dM'~an~~ts."(i~ locri

~iën<m&m~granÏmMrtên âplsrondqud

~~àtMta~n~mgt-~utt'~e~nombF~ d~ cette

'sy~~i(!puos9~~t~T(~~n~ auasETiw,"y

~l~({s~s.]my~r{ëu~~daps~ ou celà ugutil.

~iM~!q~ l'inti~ité do sâ'tàblé

~et;)ie~ens$gaem~~u6~ngt~ dè 'HSttMmrs~ecoItefS,

~~SN~i~ hmtdi~cipç,è§,t.~rastoiei.Speu

~M~iS~S~ ïcom,'Dt~s,'dOnt~MMt~~ lesdigIours le pros~âëùtYoirsurce

?~1~ sDiog I~·V, 4; ~Jônà~us,Sçript..

~tt~ti~~h, I;ehrs,,

p .2is

~).'f~t~t~~M)~ s

~I~ d'Ald,obrandm'et dë

~~N~S~

~j;w. p.1.l~4;vlt.

L~Ajas~ût~ tlogm:3~tat;

%3)~~d~j~Yo~~t~ ôs~&vo~ `

~B~ A&syâvTÔÛ~~{au.

~t~~p~c~iU~~ 151atonrsexsôroreneptiteuUwcértàln

~~THaap! a lyticrds;sophistedû' se~t~emesiècle

LA VIE DE PLATON.40

ritage passa bientôt à Speusippe, autre neveu de

Platon, qui en mourant le légua à l'école fondée

par son oncle et son maître.

§ 2. LE CARACTÈRE.

Cette biographie, dans ses points les plus im-

portants, nous montre le disciple de Socrate assez

peu fidèle, dans les habitudes de sa vie, à l'exemplede son illustre ami. Tandis que l'un limite sa curio-

sité intellectuelle aux principes directeurs de la vie

morale, et, satisfait.de l'observation intérieure, ne

quitte jamais, si ce n'est une seule fois, sa ville

natale pour recueillir les fruits de l'expérience

acquise chez des peuples étrangers, Platon, tour-

menté du désir de tout voir et de tout savoir, em-

brassedans son activité le cercleentier des sciences,et toute l'étendue des pays connus de son temps.Ce contraste nous apparaîtra plus vif encore, si

nous parvenons a retrouver quelques-uns des traits

qui composent la physionomie morale de notre

philosophe, aspect sous lequel il serait pour nous

plus intéressant encore à connaître que celui où

nous l'avonsjusqu'ici considéré.

Notre tâche serait facile et douce à remplir s'il

était vrai qu'on peut et même qu'on doit jugerl'homme moral d'après le caractère moral de ses

aprèsJ.-C.,parlecependant, 40,d'un!ibdePiaiontuéparlesBarbares.

LA VIE DEPLATON. 41

idées et de ses ouvrages (i) mais je ne puis iné

résoudre à accepter cette hypothèse, quoiqu'ellesoit aujourd'hui devenue, sous sa forme convertie,le principe généralement admis de la critiquelittéraire l'expérience de la vie, l'histoire de la

philosophie et des lettres, et ce qui est plus cer-

tain encore, l'observation de notre propre con-

science et l'examen de notre propre nature sont

d'accord pour nousdire que la vie de l'imaginationest profondémentdistincte de la vie réelle, que notre

nature morale n'explique pas complétement notre

personnalitélittéraire et intellectuelle, et réciproque-mentque notre esprit ne donnepas la vraiemesure et

ne montre pas la vraiecause de notre caractère et de

nos mœurs. Chezl'un le cœur vaut mieux que l'es-

prit chez l'autre l'esprit vaut mieux que le ceeur.

Ce serait donc un portrait de fantaisie qu'on tra-

cerait, en allant chercher dans la beauté, la sé-

rénité, la grandeur, l'harmonie, dans la perfection

esthétique de l'œuvre intellectuelle de Platon, l'i-

mage de son caractère moral et réal. Il faut bion le

dire ce n'est pasainsi que nous le dépeignent la

plupart de ses contemporains, dont ses admirateurs

eux-mêmesnous ont conservé les témoignages. Des

voix nombreuses signalent, outre des mœurs sus-

pectes, un esprit critique, mordant, satirique, une

conduite malveillante et des sentiments jalouxenvers la plupart des disciples de Socrate, un

amour-propre excessifet irritable, prenant souvent

()) Senec.,~). 114. Talishominibusoratioqualisvita.

'42"' LA V)Ë DE PLATON.

la forme d'un orgueilleux dédain, la passion de

l'argent, le goût des élégances et d'un certain luxe

de la vie comme des relations aristocratiques; son

mépris de la liberté et sa prédilection pour la ty-rannie et pourles tyrans, une impudence eBrontée

'a piller ses ouvrages dans les livres des autres phi-

losophes et à leur en ravir la gloire, enfin des

indiscrétions et presque des calomnies qui pou-vaient porter atteinte à la mémoire de Socrate. Et

ce ne sont pas des reproches qui, par le vagueet la

généralité des termes, ne mériteraient pas d'arrêter

les regards on articule des faits précis et souvent

significatifsqui,s'ils étaient bien prouvés, justifie-taient peut-être les accusations portées contre

son caractère.

Les épigrammes érotiques -queDiogène nous a

conservées comme son ouvrage semblent prouver

qu'il n'avait pas échappé à cette odieuse confusion

de l'amour et del'amitié, dont le nom et les détails=

souillentquelques-'unesdes pages de sesplus beaux

dialogues (t).~aî de la peine à trôûver quelqueombre d'excuse pour les ignobles et cyniquess

aveux qu'il met dans la bouche d'~lcibiàde, et les

épithètes d'<ifM~~et déxocrjjno<(2), données par un

(1)Diog.L.,in,29.ÂristippenommeAsteretDion;d'&ùt[e~Phèdre,d'autresArcheanàssa,courtisanedeColophdn.L'êpi-grammeàDionestuneépitaphe,et ona fait observerqu'àlamortdeDion,quifutassassinéà l'âgede soixanteans, il enavaitlui-mêmesoixante-treize,maisqu'est-cequecelaprouvesurleursrelationsdejeunesse?

(2)Diog.L.~ni, 26.

MV~ ~E:PLATON. 43

Grec à un Grec, ne me rassurent que médio-

crement. Antisthène dans un dialogue d'une vio-

lence outrageante l'appelait Sathon (1), et l'on

sait ce que ce mot désigne en grec ~oxopw~ e~

Ttat~Mvepp~M~,E~tToSN~otou(2). Ce qui peut dimi-

nuerl'effet de ces diffamationscruelles, c'est que

ceux qui en sont les auteurs sont connuspour être

sesennemis personnels, et les adversaires déclarés

de ses doctrines. Athénée qui lui est si hostile

reconnaît qu'Antisthëne, d'ailleurs violent et ou-

trageant envers tout le monde, ne pouvait sup-

porter Platon (3); les injures qu'il lui adresse

paraissent, mêmeà cecritique si malveillant,a?upM<;

xatt ~opTtXM:,aussi méprisablesquegrossières(4), et

nous n'en devons pas, j'imagine, faire plus de cas

que lui. Mais Athénée, à son tour, attaque vive-

ment le caractère de Platon qu'il qualifie par les

plus dures épithëtes malveillant, Jaloux, méchant

envers tout le monde,il le fut surtout envers les

autresdisciples de Socrate(5), et à tel pointqu'Hé-

gësandro de Delphesavait fait un traite spécial nsptT~ xpo; ~iitvTK!ToCnMTMw;xaxoyi~tK~. Outre quedans ses ouvrages on le voit calomnier tous les

(t) Athén.,XI,507 Diog.L., IU,35.(2)HësycM.,v.Lacafomuiefit sonchemin,etbientôtHero-

dicus,dansdesversattribuésà Aspasie,n'épargnapasSocratelui-même.Athen.,V,2t6.

(3)Athen.,XI,o07.(4)Athén.,V,220.

(5) Athëa., XI, 506. Auo'jte~; ttp6< &tt~Ta; 507,IIpot T~

xctxo~e~!j)6o'~p6t)to!!xKToiTQ~9o;oùSa{<.MqeMoxt(<.tM.

44 LA VtË DEPLATON.

poëtes, sans respecter mêmela gloire d'Homère,il dénigre les plus grands citoyens de sa patrie; et

tandis que le souvenir de Salamine ne protège pas

Thémistocle, tandis que la réputation universelle

de son intégrité et de sa justice ne défend pas

Aristide, il loue Ménon qui avait trahi les Grecsau

détriment de ceux qui les avaient affranchis. Dans

les relations sociales; il se conduit avec la même

jalousie acerbe. Gorgias, en lisant le dialogue qui

porte son nom,.ne pouvait s'empêcher de s'écrier,

sous l'impression vivede cette blessure terrible et

de cette puissante ironie « Quel satirique que ce

Platon(1) » Un jour quele sophiste revenait de

Detphesoù il avait été consacrer au dieu sa proprestatue en or, Platon le salua en cestermes railleurs

«Voicivenir à nous le beauGorgias tout enor(2) à

quoi le sophiste répondit non sans esprit eVoicile

nouvelet bel Archiloqued'Athènes. » Eschine était

pauvre, et n'avait qu'un seul écolier, Xénocrate

Platon le lui enleva; et, le rencontrant en Sicile

plongé dans la misère, lui refusa l'appui de son in-

fluence alors puissante, et des secours que le vo-

luptueux Aristippe lui donna généreusement (3).Non content de cela, il lui enleva l'honneur

d'avoir fait auprès de Socrate une dernière ten-

tative pour le sauver, et l'attribua à Criton. Envers

Phédon, il fut plus cruel encore; il lui intenta un

(1)Athén.,Xl, 505 *Q;xa).M;o~sIMtM~Mt~St~:(2)Athcn.,X!,505:'OxefMtTExttt~putjeutfopYK!(3)Diog.L., Il, 6t.

LA VIE DE PLATON. 45

3.

procès pour lui faire perdre ses droits et son état

légal d'homme libre enfin, envers tous ses anciens

condisciples, on peut dire qu'il a été comme une

marâtre, ~TputS~(i).Socrate l'avait deviné Platon

lui était apparu en songe transformé en corneille;

perché sur sa tête chauve, tout en frappant du bec

la peau de son crâne dénudé, il croassait d'un air

insolent (2). ll,n'est pas difficile de répondre à ces

accusations mettons de côté d'abord le rêve de

Socrate,qui n'est évidemment que la copie parodiéede la légende qui avait transfiguré Platon en cygneet semblecomme le revers de la médaille. Lesthéo-

ries politiquesde Platon expliquent suffisamment la

sévérité et si l'on veut l'injustice de ses jugementscontre les poëtes et les grands citoyens d'Athènes;on ne lui fera pas un crime d'avoir employé contre

les doctrines pernicieuses des Sophistes l'arme du

ridicule, que les honnêtesgens ne doivent pass'in-

terdire, et quantà sa conduite avec les autres disci-

ples de Socrate, et particulièrement avec Eschine,loind'être prouvées, les anecdotes qui la présententsousun jour odieux sont contreditespar Plutarque,

qui raconte un assez long entretien du philosopheavecDenys, pour l'amener à faire du bien à Eschine,« l'un des plus vertueux amis de Socrate (3). a Dé-

métrius soutient qu'en disant qu'Aristippe était

resté à Égine, pendant les derniers jours de la vie

(t) Athén.,XI,507.

(2)Athen.~X!,507.(3) Plut., de Adul, et ~m~c., c. 26: ~p TMte ~6~ mtp' <

MOU~ TM~X«)XpKTOU<~MpMV ~EtX<)<.

LA~~œ~E~_&

de Socrate, Platon veut faire allusion aux orgies

voluptueuses dans lesquelles il se plongeait en ce

moment même (i) mais n'est-ce pas prêter à son

langage des intentions gratuites? en constatant

l'absence d'Aristippe, ne constate-t-il pas aussi

la sienne? et enfin, si ce que Démétrius nous

rapporte était vrai, le reproche ne serait-il pas

mérite, et l'indignation contenue dont il serait

l'expression bien modérée ne lui ferait-elle pas

plutôt honneur ? D'ailleurs, la cour de Sicile, où,

dit-on, ils se rencontrèrent, rien n'atteste leur mau-

vaise intelligence, et Athénée se borne à dire.quePlaton rainait quelquefoisAristippe (2). Quant aux

rapports de Xénophon et de Platon, quelle qu~en

ait été la nature, on ne peut en tout cas en faire re-

tomber la responsabilité sur ce dernier, puisque,

d'après les conjectures les plus autorisées, les ou-

vrages de Xénophon où l'on croit saisir les traces

d'une certaine inimitié étaient antérieurs à ceuxde

Platon qui aurait été ainsi l'attaqué (3).

~) Démétr.,~e~oc., 3, 306;DtOg.L.,H, 65;Athén.,XI!,~~d.

.'(X),Athen:Xt,.507.(3)Surcettequestion,déjàtrès-controverséechezi6sanciens,

et qui nel'est pasmoinschezlesmodernes,voirÂthén.,XI,504;Diog.L.,111,34;Aul.Gell.XIV,3;M.Bockh.Z'e~MM~-7a!Ma!M<:<.Ct<MXeKOF/t.tK<f<'M'<MM/i°~M*

Lesraisonsqu'onallèguepouraffirmerleur inimitiéréci-

proquesontdesplusfaibles.etdesplusbizarres.Athénée,Xt,505,sefonde,probablementd'aprèsHégésandre:i. Surcequ'itsrapportentde Cyrus:J'undisantqu'ilavaiy

reçu,dessajeunesse,unecducationparfa'te.TautrequeCyrus

t~VtEDEPMTON. 47

Je ne voudrais pas répondre que Platon fut aussi

avait été un bon général, mais que son éducation laissait

à désirer; Xénophon accuse le Thessalien Ménond'avoir

été cause, par sa trahison, de l'assassinat de Ctéarque, et le

traite d'homme dur et débauché, tandis que Platon, fai-

sant allusion à ces critiques, lui donne un démenti complet:<Mx&TT'~tufto<MY"<o?fo<, et, contrairement à ses habitudes

de dénigrer tout le monde, comble Ménon de ses louanges.Tousdeuxont écrit un .Bsn~Me~,et, dans leur ouvrage,l'un

introduit des joueuses de flùte que l'autre renvoie l'un fait

boire à Socrate de petites coupes de vin, l'autre le fait boire

dans une coupe énorme, et cela jusqu'à l'aurore.

3. Enfin Platon, dans son J?Md'o)t,énuméraht tous les amis de

Socrate réunis pour lui dire adieu, n'a pas même nomme

[ Xénophon.

Diog., I!l, 34, pour preuve de la rivalité et de )a malveil-

lance de ces deux hommes, se borne à dire qu'ils ont écrit sur

des sujets semblables: un Banquet, une Apologiede Soo'<t<e,des

Traités de morale, celui-ci la 7f~MM~Me,l'autre la CyMp~e,

que Platon appelle une fiction.

Aul. Gell., XIV, 3, reprend quelques-unes des raisons précé-

dentes, et y ajoute dés détails nouveaux. Suivant lui, Platon

avait publié d'abord et séparément les deux premiers livres de

sa ~~pMMt~Me,etXénophon les réfuta en opposant il la meil-

leure desrépubliques la monarchie parfaite. En outre, Xénophon

soutient que Socrate, qui, dans les dialogues de Platon, parle si

souvent physique musique et géométrie, ne s'était jamaisoc-

cupé de ces sciences que les Grecsappellent mathématiques. La

conclusiond'Au!u-Gelleest toutefois plus sage. Entre deux beaux

génies contemporains, il y a, dit-il, toujours une apparence de

rivalité à laquelle il ne faut pas ajouter foi légèremeut. Platon

etXénophon, représentants illustres de la philosophie socra-

tique, ont paru, par leur grandeur même, des rivaux; mais ce

fut la faute deleurs partisans et non la leur c'étaient les autres

qui disputaient de leur supériorité reiative. M. Bockh s'est

donné la peine, peut-être superflue, de réfuter sérieusement

ces critiques' paradoxales; il a doctement prouvé:

48 LA VIE DEPLATON.

innocent, des sentiments d'orgueil un peu fier et

de certains dédains aristocratiques qu'on lui prête

i. Que le but de Platon et de Xénophon, dans leurs ouvrages,n'étant pas le même,ils pouvaient et devaient, sans motifs

de rivalité ou de jalousie, présenter Socrate, Ménon Cyrus;sous un jour différent, et leur prêter des opinions et des thèses

qui ne sont pas identiques.2. Cornarius signale dans ? BaM~Me<de Xénophonun discours

de Pausanias, qu'il suppose tiré du Banquet de Platon et

dont Xéuophon, par la bouche de Socrate, combat les con-

clusions. Il trouve là, d'abord, une preuve de l'hostilité des.

deux philosophes, ensuite une preuve du peu de fondement

qu'il faut faire de leurs assertions car, dit-il, Pausanias ne

dit rien de tout cela dans le dialogue de Platon, et on ne con-

nait aucun ouvrage de Pausanias, ni aucun autre ouvrage où

Pausanias soit introduit traitant de cette matière, Il faut donc

croire ou que Xénophon a menti, ou qu'il avait entre les

mains un texte du Banquet de Platon différent decelui que

nous avons..

Maisrien n'autorise Cornarius à supposer que les paroles de

Pausanias étaient tirées du Banquet de Platon. Comment,

d'une hypothèse gratuite, conclure a des faits calomnieux?

3. Enfin, si Platon n'a pas nommé Xénophou au nombre des

amis de Socrate qui figurent dans ~A~OK,peut-on lui en

faire un reproche, puisqu'àcemoment Xénophon était en

.Asie? 11 en a fait autant pour lui-même, et, en l'expliquant

par une maladie, il a témoigné sa propre absence. Si le nom

de Xénophon ne se trouve dans aucun desesouvrages, on peutseulement en conclure que dans ces deux hommes, dont la

vie et le caractère ne diffèrent pas moins que l'esprit, il yavait peu d'analogie et peu de penchants réciproques.

4. Jlest faux que Xénophon n'ait pas mentionné lé nom de

Platon il le cite même avec éloge, ~MeM.,111, 6, 1,et rap-

porte que c'est par amitié pour lui et pour Charmide, son

oncle, que Socrate détourna Glaucon de se mêler des affaires

publiques.5. Il n'y a dans le passage des ~moraMM, iV, 7, où Socrate

LAV1EDE PLATON. 49

il aimait ]a gloire (1) et ne savait pas s'en taire.

L'honnête homme, disait-il, doit laisser en mou-

rant un souvenir, soit dans ses amis, soit dans ses

livres (2); et l'amour de la renommée, suivant lui,

est le dernier vêtement dont les hommes se dé-

pouillent (3). Diogène le Cynique, qu'il appelait

avec quelque raison un Socrate fou (4), se vantait

de fouler à ses pieds sa vanité et son orgueil (S),

déclare qu'il avait renoncé aux sciences mathématiques aprèsles avoir profondément étudiées, rien qui semble faire allu-

sion à Platon, et, s'il y avait une altusion, elle s'adresserait

plutôt Aristophane.

6. Il n'y a pas lieu de s'arrêter un instant à ta lettre supposée

de Xénophon, Stobée, jMo!'t~ )! p. 106, où l'auteur fait

évidemment allusion à Platon. Comme l'ont déjà vu Eusëbe,

jP)-~p..Ef., XÏV, t2, p. 745,etfhéodoret, GM'c..4/ Cw., It,

p. 734, c'est évidemment l'œuvre d'un faussaire, tout aussi

bien que la 15'' d'Atlatius et d'Orelli, où Platon est nommé,

et accuse d'imaginer, sans fondement historique, tout ce qu'ildit de Socrate, tandis que l'auteur oppose à ces fictions poé-

tiques la sincérité et la fidétitéde ses propres mémoires. *Hjte!<

~TOt ~a~e~, OTtTOMUTCtOJXa.X7)x6a~E~,&). STtTOKtUTKOU

Su~<t}te6KK!foj<<t][..oveùeM'oùoEycipMjjL~~OttjT~, <!)n')tepxo.i

c~To~.Ces deux lettres ont été comptétement inconnues d'A-

thénée, do Diogëneet d'Au)u-Gel)e, qui n'auraient pas man-

qué de s'en servir à l'appui de leurs assertions sur l'inimi-

tié prétendue de Platon et de Xénophon, et leur silence s'a-

joute à toutes les preuves critiques qui en démontrent l'inau-

thenticité.

(l)Diog.L.,J!38. 'O'/o~M~Mru~v.

(2) Diog. L., H!, 40. Cela rappelle le proverbe anglais Aie

un enfant, plante un arbre ou fais un livre.

(3)Athén.,Xt,507.

(4) Diog. L.1, M.

(5) Diog. L., VI,26. T~ nM'[<<~o<xEvo<mouB[a:v,ou ràv Tu<pot.

LAVIE DE PLATON.50

mais il s'attirait cette verte repartie «Quelorgueiltu montres par cette affectationà paraître sans or-

gueil(1) ))qu'on rapporte encore autrement «Queta simplicitéserait belle, ôDiogène, si elleétait sim-

ple (2) » Aristote raconte un mot qui confirmerait

nos soupçons. Aristippe entendant Platon s'expri-mer d'un ton trop tranchant, à ce qu'il croyait«Ce n'est pas ainsi, lui dit-il, qu'aurait parlé notre

bon maître (3). » Après la mort de Socrate, tous les

disciplesétant réunis dans un repas, it prit en main

la coupe et leur dit de ne pas perdre couragecar il se sentait en état de remplacer celui qu'ilsavaient perdu. Apollodore, à qui il venait de boire

et à qui il voulait'passer la coupe, la refusa en s'é-

criant avec son exaltationhabituelle « J'aurais plusde plaisir à recevoir des mains de Socrate la coupede poison, que des tiennes cette coupe de vin (4).H

Eschine disait que son orgueil était si grand, quenon-seulement il faisait peu de cas des plus grands

hommes, tels que Miltiade, Thémistocle, Cimon,

Périclës, mais que son mépris s'attaquait même

aux dieux (S). Ennn on sent déjà, dans ses rapportsavec son maître, percer quelque chose de ce senti-

(i) Diog.L.,VI,26;Et-,H. V.,L XIV,33.

(2)Théon,Progymn.,205.

(3) Arist., Rhet., )i, 23. 'E~mYY~TtXMTEpMTt.

(4)Athén.,XI,507.

(5) Aristid., Oral. II Platonic., t. III, p. 474, sqq.; Canter.

M~ Sït HeptX~Mu; paEtM; at ()t[Ep([)po~<WKt, &)~a TO'.ouTo~,STO*

S 'ye .A!<t/iwi< <{it)<n'Mp! auTou, oït xoM TM; BojSexa 6M~ ~B~Ta

~mTtjtif)<re TosouTo~ auTM çpo~jMtTo; ~ept~v xtt< ToO (ttjSevtf (M]-

Bcvot Ct~o~ e~M ~o)tKe~.

LAVIEDEPLATON. s<

ment de supériorité. L'ayant entendu un jour, dans

un repas nombreux, réprimander sévèrement un

de ses disciples, Platon ne craignit pas de lui faire

uneobservation « Nevalait-il pas mieux,lui dit-il,lui faire ces reproches en particulier? Et toi,lui répondit Socrate, n'aurais-tu pas pu attendre,

pour me donner cette leçon, que nous fussions

seuls (i)? n

II semble aussi'qu'a cette fierté un peu hautaine

il se soit mêlé quelque vanité aristocratique. Ou

connaît l'intimité de ses relations avec les deux De-

nys et Dion, qui furent à la tête du gouvernementde la Sicile. Speusippe nousconfirme qu'il était fort

lié avec Archélaüs (2), quoiqu'il l'ait accusé d'avoir

tué soit maître; et nous apprenons d'ailleurs qu'ilavait fourni à Philippe les moyens de s'emparer de

la royauté (3). ]1 paraît certain du moins qu'il fut

lié avec ces princes (4), et, en acceptant ces rela-

tions, il dut en accepter les conséquences; c'est-à-

dire que, comme Sénëque, il fut peut-être obligéde

(l) Plut.,de .4fM.etAmie.,c.32.Quelsqu'aientpuêtrelesentimentdesavaleuretlaconsciencedesongénie,il n'estpaspermisdecroireou de direavecDenysd'Halicarnasse,qu'ilvoulutcroiser.leferavecHomèrelui-même,:etavec~Aristoxëne,qui se montraaussiacharnécontrelui quecontreSocrate,qu'ilavaiteul'intentiond'achetertousleslivresdeDémocrite

pourlesbrûler(Diog.L.,IX,40).Aucasmêmeoùcetteanec-doteseraitmoinssuspecte,onpourraitl'attribuerà unepassionmoinsbasseque la jalousie.La hainede cespetiteséglisesqu'onappelledessectesphilosophiquessuffiraità l'expliquer.

(2)Athén.,XI, 506.

(3).M-,M.(4)El.,H.r., IV,parlantdePhiiippeIRaïM~KMM~o~.

M LA V!EDEPLATON.

subir leurs bienfaits. Je dis peut-être: en effet,

Diogènenous dit bien qu'il reçut de Denysplus de

80 talents (1) mais il semble ailleurs se contredire

en prêtant à Aristippe, accusé de recevoir de l'ar-

gent de Denys tandis que Platon n'acceptait que des

livres, la réponse suivante C'est, dit-il, que j'aibesoin d'argent etque Platon a besoin de livres(2).))

Plutarque nie positivementle fait Denys lui offrit

beaucoup, Platon refusa tout (3).'

Socrate, malgré ses opinions, par la simplicité deses habitudes et de ses goûts, par son mépris des

élégances raffinéesde la civilisation,était un homme

populaire et démocratique Platon évidemment ne

fait pascette figure. Il est puéril de prétendre qu'iln'a fait tant de voyages en Sicile que pour vérifier

par lui-mêmesi les cuisiniers de ce pays méritaient

leur granderenommée (4); mais il pourrait bien sefaire qu'il eût aimé une bonne table et un certain

(1) Onlui a beaucoupreprochesesrapportsavecDenys.UncertainMolon,quiledétestait,disaitavecespritetméchancetéCequ'ily a d'étonnant,cen'estpasdevoirDenys&Corinthe,c'estd'avoirvuPlatonenSicile.

(2)Diog.L.,11,8t.

(3) Plut., 'Dio, c. 19. Mt;SEv).<gowMTt.

(4)Diog.L.,iH, 9; Thêm.,0).,XX]H,285.il étaitalléen

Sicile,M ~pT))MK~Mt tpct'!te!j).Éphippe,leComique,dansle

Naufragé,raillaitPlatonetquelques-unsde sesdisciples,&;~t' apYupuj)<Tuxo~(xvTou'<TCt<.Maisquelfondfairesurleslibertésde la comédiegrecque,quiallaientjusqu'àdésignerSocratecommeuncoupeurdebourse?Unelettre,évidemmentsuppo-sée,deXénophon(Stob.,.Hor!Meinek.,t. m, p. i06),!ui re-

proched'avoirr aiméla tyrannie,et,au lieud'uneviefrugaleet

suNpte,<nxE~K!)T:t<Y<MT{!&,&(tsi:poutpcfne~ct.

LÀ VIE DE PLATON. 53

luxe élégant et de bon goût dans toute sa manière

de vivre (1). Cela ressort de plusieurs traits con-

formesde sa vie (2).w

Ce n'est plus son caractère, c'est la tendance de

son écoleet la direction de ses principes politiques

qu'on attaque, lorsqu'on prétend, pour lui comme

pour son maître, que leurs disciplessesont montrés

impieset tyranniques, et ont cherché, par corrup-tion ou par violence,à détruire la liberté de leur payset à y établir la tyrannie. C'est, dit-on, dans les

belles leçons de la République et de ces Lois illégi-

times, TM~TMtpKvoun~No~M~que s'instruisirent au

crime ce Callippe d'Athènes, qui, pour s'emparerde la royauté de Sicile, égorgea Dion, son ami; cet

Évagore de Lampsaque, ce Timée de Cyzique, ce

Chéronde PeIIène, qui, après une vie scélérate et

ignoble (3), ont cherché et réussi a opprimer, à

trahir, à vendre leur patrie (4). N'est-ce pas une

injustice flagrante que de mettre à la charge d'un

philosophenon-seulement lesdoctrines, mais la con..

duite et le caractère desesdisciples; et ne pourrait-

on, parcette seule fin de non-recevoir, repousserles griefs dont on veut le charger? Mais il faudrait

au moins être complet,et, à côté de ces indignes

disciples, citer ceux qui ont honoré leur maître,etceux dont les actes et les fureurs coupablesprou-

()) AtheN-,XI, 609.no~uT~M~~onoCvToxo~ri)tEu(t0p~t0(t.TpOVOtM~tOMU~TO.

(2)Diog.L.,VÏ,26.`

(3) Athén., Xt, 509. aw<TtMtxodMo~M~ ptou~TE;.

(4)Athéa.,XI,508.

M LA YtE DE PLATON.

vent que le sentiment démocratique, l'amour de

la patrie et de la liberté n'étaient point étouffés

par les leçons de l'Académie~ il fallait rappeler

Timothée, Phocion, qu'il eut le couragede soutenir

dans son procès, Chabrias, grands citoyens et

grands patriotes (1); Héraclide et Python d'OEnos,

qui essayeront d'affranchir la Thrace, leur patrie,

par le meurtre du tyran Cotys (2); Chion (3)et Léonidès, meurtriers du célèbre tyran d'Héraclée

Cléarque (4); Aristonyme, qui donna des lois aux

Arcadiens; Phormion, qui en fit pour les habi-

tants d'Élis, et Ménédème (Athén., It, 59, c.) le

législateur des habitants de Pyrrha; Délius d'É-

phèse, qui fit avec Alexandre l'expédition de la

Perse (Philostrat., ~'o~A., 3, 485) Euphraeus, le

favori de Perdiccas (Ep. Plat., V, Athén., XI,

S06,c. 808,d.); Démosthène(Cic., de Orat., 1,20),

qui l'aurait abandonné pour suivre les leçons de

l'orateur Callistrate (Aul. GelL, 111,13); Hypéride

(Diogène L., 111, 46); Lycurgue (Vit. XOrat.,

VH,2); Isocratememe(Diôg.:L., 111, 8; P~e&

278, e.), quoiqu'il ait pu s'éloigner de lui plustard (Isocr., ~M; il8, ?M~ i2). Sur-

tout il ne fallait pas oublier que, suivant une tra-

dition qui les honore tous deux, de même que

(t) Diog.L.,tu, 23.( D;og.L., m, 46.

(3 Sousle nomduquelona quelqueslettresévidemment

apocryphes.(4)Justin.,XVI,5 Suid.,v.M. CeCtearqueétaitlui-même

nndiscipledePlaton.

LA VIE DE PLATON. ?r~

-1~ J't-t~A– 1-–1-

Périclès avait été le disciple d'Anaxagore, le plus

grand orateur de la Grèce, Démosthëne, avait été le

discipIedePiatbn(i).Athénée nous rapporte que dans sa Dx'a~~econ-

tre Platon Théopompe disait « La plupart de ses

dialoguessontsansvaleuret pleins de mensonges. Le

plus grand nombre ne lui appartiennent pas, et sont

tirésdes travauxd'Aristippe; quelques-uns, de ceux

d'Antisthene, beaucoup de ceux de Bryson d'Héra-

clée (2). )) Apulée,interprétant trop librement une

épigramme où le satirique sillographe Timon avait

donné carrière àsa médisance, l'accuse d'avoir ejn-

pruntéson Timée anx livres du pythagoricien Phi-

lolatis (3) tandis qu'Aristoxëne et Favorin sou-

tiennent qu'il a copiédans les Antilogies de Prota-

gorastoute sa République (4). Si ce reproche pou-

vait se justifier par quelques analogies, ce que nous

sommes hors d'état de constater, il serait facile

d'expliquer parle caractère large de sa philosophieles ressemblances de ses doctrines avec celles de ses

adversaires; mais il semble presque puéril de faire

un pillard impudent, vivant de compilationscachées

et de rapines audacieuses, l'un des écrivains les plus

originaux de la Grèce et'I'un de ses plus grands

(t) Plut.,~ew.,2;Cic.,<feOt'<!<l, 20;Diog.L.,111,46.(2)Athën.,Xï,508.(3)Diog.L.,vm, 85; A. Gell.,m, 17.Timonse bornea

dire, sansnommerle Timée,quec'estdansles livresdece

philosophequ'ii.a apprisà écrire "06sv~apxo~~o;YpapE~~fM~

<'4)Mog.L.n!,37et57.

M LA~1E DEPLATON.

penseurs. De telles imputations sans preuves ne

sauraient porter atteinte ni à sa gloire ni à son ca-

ractère. Ce qu'il y a de plus cruel dans les attaquesdont il a été l'objet, c'est le reproche d'avoir mé-

connu même envers Socrate les droits de la re-

connaissance, du respect et de l'amitié. Pourquoirévéler~sescyniquesdéfaitsdes rapports d'Alcibiade

et de son maMre, qui avaient échappéaux regards

clairvoyants et jaloux des poëtes comiques? Pour-

quoi faire dire àSocrate lui-mêmequ'il avaiteu pourmère une rude sage-femme, ~o?ups<~tat!, et pour

épouse une femme d'une humeur intolérable et

d'une, violence inouïe (i)? Je ne pardonne nulle-

ment à Platon la liberté de ses peintures du Ban-

<~Me~'mais il faut pourtant reconnaître qu'elles ont

pour effetprécisément et peut-être qu'elles avaient

pour but de rehausser la vertu de Socrate, et de

montrer dans un jour lumineux la pureté de ses

moeurs,sa force d'âme, etla chastetéparfaite de ses

sentiments et de ses rapports avec la jeunesse. On

en peut dire autant du portrait de Xantippe que

Xénophonn'a pas ménagéedavantage~et il ya long-

temps que Casaubon a relevé le contre.sens peut-être volontaire d'Athénée, qui veut prendre en

mauvaisepart le terme de ~o<rupS<(tc~ dont le sens

naturel est simplement une maîtresse femme.

Non, le ciel en soit loué nous n'avons pas ici le

douloureux spectacled'une de ces profondes més-

intelligences entre l'esprit et le cœur, entre la

(t)Athën.,Y,t9.

LA VIE DE PLATON. 57i

beauté du caractère et la beauté du génie, que

donne, hélas! quelquefois l'histoire de la poésie,

deslettres, des sciences, et aussi, soyons sincères,de-la philosophie. Que Platon ait prêté à Socrate

beaucoupde chosesqu'il n'a pas dites et qu'il n'a pas

faites(i) je croirai difficilementqu'il s'en soitplaint,et on peut affirmer qu~iln'a pas eu à s'en plaindre.Sa tendresse respectueuseet passionnée (2) se ma-

nifestepar tous les moyens il est un de ceux quis'offrent pour caution de l'amende à laquelle So-

crate consent à se condamner; maigre sa jeunesse,il tente un dernier effortpour éclairer desjuges irri-

tés, et lorsqu'onétouffesa voix et qu'on lui fermela

bouche (3), .il ne peut pas rester devant ce tribunal

odieux, et s'éloigneaccablé de douleur, n'ayant pasla force d'entendre leur arrêt sanguinaire (4). S'il

n'assiste pas, commeil le dit lui-même, aux der-

niers moments de son maître chéri, c'est qu'il était

malade (S), et peut-être de douleur et de déses-

poir (6). Enfin tous ses ouvrages, à l'exception de

trois, semblent consacrés à faire de Socrate le typeidéalde la sagesse, de la science, de la vertu, et

sont un monument éternel de sa piété, de son ad-

miration et de son amour (7).

(t) Diog.L.,!!I, 35;Anonym.;Athén.,Xt,607.

(2) Anon., p. 6. Eu~oùsTC(To<TMSMxpatEt

(3)Diog.L., 1!,41.Surl'autoritédeJustusdeTibériade.(4)Anonym,,p. 6.

(5) Phxdon, p. 59, b.

(6)Plut.deVirtut.~of., c. 10.

(7)Lesfaitsfabuleuxqui accompagnentiapremièreren-

1- il8858 LAYIEDEPLAT~~

Ajoutons que dans ces témoignages de son

respect il faisait preuve de quelque courage;et ce courage du dévouement et de l'amitié, il le

montra encore dans l'affaire de Chabrias, accusé

par le sycophante Crobyle, et que seul il osa dé-

fendre (i).S'il fut dévoué envers son maître et envers ses

amis, les rares documents que nous possédonsjious

autorisent à dire qu'il ne fut pas moins bienveil-

lant envers ses disciples, et se plaisait à témoignerde leurs talents et de leurs vertus. H est vrai que,itout en reconnaissant les vertus de Xénocrate, il

trouvait une austérité trop sévère dans ses habitu-

des et lui conseillait en souriant de sacrifier aux

Grâces(2) mais il proclamait bien haut que la vie

seule de Speusippe était une leçon de tempéranceet de sagesse(3).

Sans prétendre que Platon réalisa le modèle de

perfection dont il nous a tracé la magninque et

idéale image, en admettant même qu'à un certain

sentiment fier de sa supériorité et deson génie sesoit ajouté un goût pour des habitudes élégantes et

aristocratiques qui contrastent avec la tradition de

Socrate, on doit reconnaître sans fondement les

contredePlatonet deSocratesemblentattesterau moinsua

goûtprononcéde cedernierpoursonjeuueéteve,et noussa-

vonsparXénophoni~M., Ulie, qu'ill'avaitengrandeconsi-

dération.

(1)Diog.L.,Hi,23et 24.

(2)Ptut.,Co~~jPff)'cep<p.3t4,trad.fr.(9)Ptnt.)<teA~M{.e<ttc.,c.s'

LA VIE DE BLATON. o9

allégations qui portent atteinte à son caractère.

L'homme moral en lui, s'il n'égale pas l'écrivain et

lephilosophe,du moins ne le dément pas et ce n'est

passans une joie sincère, qu'après une discussion

complètedes faits on arrive à cette conviction que

Platonique recommandent assurément déjàsa gloire

de penseur et son génie d'artiste, a droit au plus

grandtitre de respect qu'il y ait en ce monde, celui

d'avoir été un honnête homme.

J'aurai terminé tout ce qui a rapport à la biogra-

graphie de Platon, quand j'aurai ajouté quelquesconsidérationsgénérales sur le tempsoù il a vécu.

L'hommeest soumis à d'autres influencesque celles

de la famille et des relations personnelles. Les évé-

nementscontribuent à l'élever, et les faits de la vie

générale ont leur contre-coup inaperçu et peut-être

imperceptibledans les individualités les plus énergi-

ques. Sans attribuer unepart trop grande à cette

action invisibledu milieu général où l'individu né-

cessairementse développe,il ne faut cependant pasla nier, et il est bon de l'apprécier dans une justemesure. Il n'est pas indifférent, même pour le pluslibre et le plus philosophique esprit, de naître dans

un temps de révolutions politiques, morales ou reli-

gieuses, ou dans une période relativement calme,

où des principes incontestés gouvernent et domi-

nent l'intelligence et la vie; de voir le spectacle et

de respirer l'air de la liberté ou de l'anarchie,d'une monarchie réglée ou d'un despotisme sans

contrôle et sans limites, d'assister aux défaites ou

aux triomphes de la patrie.

60 LA VIEDE PLATON.

Sousce rapport, Platon a été moins heureux queSocrate. Il est né vers le commencement de la

guerre du Péloponnèse, terminée par l'humiliation

et l'abaissement d'Athènes, qui ne s'en releva ja-mais complétement. Ala suprématie de sa ville na-

tale il voit succéder la grandeur passagère de Thèbes

et les débuts de la domination des rois de Macé-

doine. L'oligarchie des Quatre-Cents, la tyranniedes Trente, attristent les premières impressions de

sa jeunesse, et la victoirede Thrasybule ne suffira

pas pour effacer de sa mémoire l'horrible souvenirde ces déchirements et de ce régime de terreur.

Du moins, à défaut de l'empire qu'elle a perdu,Athènes a retrouvé la liberté intérieure, et le temps

n'est pasencore venuoù ira sombrer, d'abord dans

la monarchie macédonienne, puis dans la grande

république romaine, cette dernière consolation de

sonancienne puissance. Platon a donc vécu dansun

pays encore libre où le gouvernementappartenait à

la puissance de la parole, c'est-à-dire, en fin de

compte, à la raison. Laliberté, outreses autres bien-

faits, a encore le mérite de faire du gouvernementune école, une école de politique et de morale. La

grande politique d'Athènes, ces beaux débats pu-blicsqui exaltaientet passionnaient les esprits et les

âmes, mais ce qu'il y avait de plus noble en eux, ont

exercé une salutaire influence sur Platon et, sans

le garder de toutes les erreurs, l'ont préservé de

quelques- unes. C'est au précepteur d'Alexandre

qu'il est réservé de tenter l'explication philosophi-

que, sinon la justification de l'esclavage. Platon se-

LA VIEDE PLATON. 61

4

rait-il l'autour des Z-OMet de la République sans

Périclès(i)?Sous un point de vue plus spécial, cette liberté,

cette licence, cette anarchie, comme il l'appelait,lui a été plussalutaire encore. Tout aussi bien que

l'art, et peut-être plus que lui, la philosophie a be-

soin non-seulement du droit, mais du droit prati-

quéjournellement, de l'habitude de tout examiner,de tout critiquer, de tout juger, de tout penser, de

tout dire car qu'est-ce que la philosophie, si

ce n'est précisément la liberté de la pensée, et

par conséquent la libre expression de la pensée,nécessaire à sa pleine conception? C'est un

misérable sophisme de prétendre que la penséereste libre quand on peut et comment imaginef

qu'on ne le puissepas?–la formuler dans le secret

de soncoeur oul'exprimer dans le silence et l'isole-

ment de son cabinet d'étude. La pensée cesse alors

d'être vivante, et, quand l'homme a cesséd'espérer

quesa penséevivra, agira, agitera, il cessedepenser.La penséen'est complète, pleine, entière, que lors-

qu'ellea dans l'âme d'un auditeur ou réel ou imagi-

naire, mais possible, un écho qui non-seulement la

renvoie, la répercute, mais la modifie et l'achève.

Toutepensée estun dialogue, comme le dit Platonlemonologuen'est qu'une pensée altérée et faussée.

L'esprit individueln'est pas un tout parfait et com-

(i) L'établissementdestyranniesdanslaMacédoineet laSl-citeaduexercerquelqueinfluencesur sesconceptions))oH-tiques.

62 LA VIE DE PLATON.

plet l'homme vivant et même l'homme pensantest un système, et il fait partie d'un système; il faut

qu'il reste en communication perpétuelle avec les

autres êtres pensants, pour rester un être pensant.C'est une chaîneélectriqueet magnétique si un an-

neau est isolé, il perd sa vie et savertu. Il faut sàas

cesse que l'homme plonge dans le grand réservoir

de la pensée et de la vie universelle, qu'il donne et

qu'il reçoive le coup et FétiaceUe; vouloir l'isoler,soit dela vie, soit de la pensée générale, suspendre

cesrapportsessentielsetsubstantiets.leséparerdece

système, de ce non-moi où il se prolonge, se conti-

nue, se limite, où il se détermine et à la fois se

complète, c'est tout simplement le tuer. Les indi-

vidualités, détachées du tout qui les faisait vivre

et qu'elles faisaient vivre, ne sont plus que des

membres morts d'un organisme expirant, et l'orga-nisme vivant du monde moral est ramené à une im-

mense mécanique où il n'y a plus de mouvement

et de ~ie que dans le moteur. Il n'est pas plus possi-ble de penser que de parler dans le vide. Platon a

joui et pronté de cette liberté féconde etsalutaire

mêmeaux philosophes,et l'on peut affirmer que si

le sort l'eût fait naître à Sparte, sous ce régime dont

il nousa tropvanté la tyrannie bienfaisante, c'en était

fait de son génie et de sa philosophie. Mais il n'en

fut pas ainsi du libre citoyend'Athènes, qui, outreles souvenirs des grandeurspassées, outre le specta-cle dela liberté en action, se trouvait comme au cen-

trel.de toute la vie intellectuelle de la Grèce. Les

poëtes tragiques et comiques,les historiens, les ora-

LA VIE DÈPÏJÀTON. 03

teurs, les sophistes môme, développent à son insu

ce jeune et beau géme et contribuent à donner à sa

pensée et à l'ensemble de ses idées la mesure, la

grâce, l'harmonie. L'art plastique, dont les inimita-

bles chefs-d'œuvre ravissaient ses regards, ne fut

pas non plus étranger au développementcompletet

harmonieuxde cette rare intelligence, et la recher-

che des influences du génie de Phidiassur le géniede Platon (<) apu, non-seulement fournir un sujetde thèsespirituel, ingénieuxet piquant, mais encore

mettre en relief une de cescauses réelleset obscures

qui agissent sur le développementmoral et intellec-

tuel des individus, avec une puissance qu'on a

exagérée, mais qu'on ne doit pas méconnaître.Le spectacle des œuvres du grand statuaire' ne

pouvait manquer de développer et d'épurer le sens

et le goût du vrai beau dans l'imagination d'un àr-

tiste, et quel artiste que Platon! La profondeurde l'impression qu'il en ressentit n'a pas été étran-

gère, on peut le croire, au rôle considérable qu'ilaccordeà la beauté dans la philosophiecomme dans

la vie, et a la notion si pure et si sublime, et en

mêmetemps si originale et si vraie, qu'il en a donnée

lepremier.

(t) ThèsedeM.Ch.LëvëqueQuidPlatof/tMt~ffe~ <

(i4 LA~ED&P~ATON.

§3.L'RCOLE.

Un trait caractéristique de l'esprit de Platon, et

qu'on n'a pas stiffisammentmis en relief, c'est sa

vocationpédagogique il n' pas seulement la pas-sion de savoir et la passion d'écrire, il a là passion

d'enseigner. On peut considérer ses deux plus

grands ouvrages commedes traités sur l'éducation,et il a sur ce sujet évidemmentdes principes, une

méthode,,un système, qu'il à dûappliquer dansses

propres leçons. Sa vie tout entière, du 'moinsprès

de quarante ansde sa vieontété consacrés~l'ehsei-

gnement philosophique, et on devine, on voit qu'ilaf dû prendre entre ses mains une forme métho-

dique et systématique,j'allais dire scolastique.

Remarquonsd'abordqu'il estle premier eh Grèce,ou du moins à Athënes/qui aitfondë~~

,école; école libre et publique sans doute, mais

~enâuune~écde)c'est-à-dire un e~ dis-

:ciplinéet jusqu'à un certain pointèxcl~ et;spé~cial. D'abord il s'écarte de la foule recherchâit'Socrate (i), Ce n'est pas un apôtre enuaniméde~a

sainte passion de réformer les âmes et les esprits, lascienceet la Vie, qui va chercher partout des audi-

teurs, lesarrête quoi qu'ils en aient, et les contraint

presque de l'entendre; il ne se donne pas tout à

tous comme Socrate on ne te voit pas sur la place

(t)Diog.L.,n!,4p. 'E!M6tt~Eyx~ctuTo{.

M VIEDEPLATON. 63

4.

publique, dans les rues, dans les marchés, aux

tablesdesbanquiers, aux éventaires des marchandes

de légumes, aux boutiques des charcutiers et des

cordonniers, recruter des disciples et convertir des

âmes égarées (i); il ne va pas à la chasse des

jeunes gens il n'a ni l'ardeur, ni le dévouement

démissionnaire (2). S'il n'admet pas les réunions

mystérieuses et; secrètes, les portes fermées des

Pythagoriciens, il choisit cepeDdantpour local de

'son enseignement, un lieu~clos, quoiquepublic, et

là même Hs'y fait un'cercle d'auditeurs choisis et

dedisciples particuliers (3). Les détails nous man-

quent pour, connaître l'organisation primitive de

cette école mais le peuque nous en savons nous

laisse, voir-.déjaune discipline et une règle, qui

rappellel'tnstitut pythagorique,.et fait pressentirlecouvent. PIaton,exc],Utde cesanctuaire de lascience

le rire qui sem.ble.unoubli du respect et dissipe la

force d'attention nécessaire au travail (4). L'Aca-

(<)Onn'apercnit.ctfMlesauditeursh.ibitudsdeSocrate,auxquëfsondpt'në,cdMnteàeëuxdePiatot),tes nomsd'~T~pOt,Tu~ousta<t~,rienquirappelleunerègle,unediscipline,uneécole.Rienn'estfixe,détermine,pasmêmelelieudesréunions.

(2)0)yinpiod.UatxTOTOue'<<tyopaxoi!MtMv~pya<]rTt)p~My&(XTp~etv){a;iT<~tVMM~0!;pM\'T<x~oie~CatTC'u().9YOM<,Diog.L.,H),40:E~TO~~EBex~a6T6tT&~H<TTœ.

(3)Il semblequ'il yait eti commedesconditionsd'admissi-bilitéexigéespourfairepartiedecescercfes:MT)Se!<(itYEMjj.E-Tp))TO~eMtM.

(4)E).,FM. Y.,n), 35.JïpOTEpO~'X]t~[t:~~ScYE~KOrat~OUOtM ~OtC B~pEtY<'pX~ ~Cup.EtpM~TN Tà~MptOt; aëctTeV

~~OttT~.

F~~g`

;:>

~s~dëvien~~resq~n~ca~ë~?~

~s~sy.fMm~e~r~

,proprMte~et ses retenus, GËargë~d~nsei~~~~t~ënrt~ mais r~ëYMt~~ prélévés s

K~ab0rdsurleîands.commun,etËi6~

~par r~tat.~ cette organ,isation-.de1='e.nsei~t~e~

~i~iBî~TtOUs~vpyf~ bariquets;qun#se

~a~~t~a; tràdüion-.c~ë~Sôcr~teet'à

~e~~ës~o~M~s~~Mi~t~~ del'enséi- 1

~n~m~o~ ~devié

~~ë;Fa]~6Ue~etl~

~G~mt~ms,~

~a]'s!a~ue~t~~ tïn bôn:dfnet,

~p~tït~a~s~MïTtët'~Uë~ aiéntalmé;à

~i~t~~Mrsf~ts~l~m~ t~blepoür

~(~d~!o~ë)~~ë~ d°é~ârts~1 âme t

~e~<~ë~qd'~t~~ lé éétïade :I

~sJN~tt~e'~eB~ de yl'Académse,F~don·tY,il~Ë~~t~~d~i~uBS~RâM~ès~~ fiugâl`és'

~~e~jdigne~~cit]~~ que;;d'après

~1~M~~St~~ sës'leço»~p~l~sypai~ticulyre~s(~),r · `h =

~i~n~~ia~'509. .S;tv~`a~pâ~

~TO:6~w[Tt~VT~Xo!.TO j~t~~T~H6XEy'~n~tMft;~x&!:~g~<p&<<i~et~~eS~ âdoptéeplûstardpaéleâRo-'

g~t~ns~~t~Mt;~e~M~Mh3e~'ou~rag~de.~nhrqne~et'~~Rnë~S~j~.i~l~ ~h,~f~S~4t~~ a~sôa_sov

Iri:, 1, 4·. ~-o

~~ST~T~J~

.`

.(~~t~en~~<s Matonouhliait'ouc<M)na!ssa)tpasja j

,`,

~.C~~em~e~se~~ qiti:.

~"éfait~~ja~~se~~i~~

pit~j~tiin~i~iëit~~ et, outre!es~l~ 4

d~~eç~ns~on~pas~seGrMes,maisparti~c~~ .`

t~s-p~E~c~Iiët~~),~?'~a~ et privatissime~,cpnmiia:5~eQtrie~Bmands~ fat aussi&cet~!=

usage ~M; Y'?;

~Bna~ss~tous~ceu~qM~~(~Mttiï~i~~n:t)~ 'i~q"p~nàissÓl1S;~4iï:~~moi~rt~ën~ ~.G'étaient~'d'abôrd.sës

:amts~s~phërs,j{Speu§t~pe~Xë~

cla~ï~ra(~ee,tt6û~pppn~~

guës~~S~diëcipIes~~pu~fM~të, pM~

ir:a~e~d&'go~t~

seaiMë~ia~Ïï's~ryi~esëc~~

tnus<l'A~hipolis,Hëractidedu~P~

~Mnasp~d~ Bhocéë~ <~ qu~' s'ha"

biUaiëntpn~~ôminës~uFSul~ ses:cours,:êtldon:t::

dë~~ûu~ ~sont connuës~ i dit"

Maht~e;et~~M~~

a]oute~S%~p~ inisantlirope

j~u~as~~S~m '1e ~màt,hém~,ticlen

regtc, ra~rtM ~~i GeU., XtH~ 4, a yarfon, qui Hmite~Ie

~Mm~~d~~cohvive~~cetui des Gr:ou à celui des ll~ûses.

(l)~!y~piod.,Lt[<tS~~uKpot~6YjMy~~

,~j!'(2)~n),i~ ~"1 L .j'

""(3)~Et.B.It,9~E~ov M~ où~To:e{pon'&~<e-S,~

'ptjTm4tYt~tt~ Tt~UTOU &~o<M;&ouj6~~epntat6u..r 'i

~5~i~I.~t:I~~

C~m~A~x;w.tV,p.~a;t~emist~< p.9.5';i

~Àth6n~~tÏ,~79,~e.~tt,~54G,d.

LAVtE DE PLATON.68

Hermodore que Cicéron nous fait connaître comme

le premier éditeur des œuvresde Platon (1); Lucien,un philosophe du nom d'Ion et surnommé le Ca-

non, &Kctw)v(2). Commeappartenant à l'École on

nomme Érastus et Coriscusde Skepsis (3), Euceon,ou Euagon de Lampsaque (4), Hélicon,l'astronome

de Cyzique (5)., Hermias, le tyran d'Atarnée et

l'ami d'Aristote (6), Hippothalès d'Athènes (7),

Léonde Byzance(8),le devin Miltasde Thessalie(9),Eudème de Chypre, dont Aristote a immortalisé le

nom en lui adressant un de sesouvragesde morale,

TimonidedeLeucade(iO),Pamphilus,probablementde Samos où il entendit Épicure (H), Théétète

d'Héraclée du Pont (12), le rhéteur età la foispoëte

tragique Théodectede Phasélis, dans le Pont (13),

(t) Diog.L., ~foosm.2; Suid.,v. ~0~ Zénob.,Prov.Cent.,V,6 Simptic.in Physic.,f. 54; Br.344,a., 1.35onilestquaHOéd'~TMpot;Cicer.,ad Altic.,XIII,2t.

(2) Luc., Conv., c. 7.

(3)Strab.,XIII,f, 54,p. 608,lesappelledesSocratiques.(4)Diog.L., !)t,46;Athén.,Xt,a08,f.

(5)Plut.,J'Mo,t9;deGeK..Socr.,c.7 Ep.Plat.,XtH,360,c.;Philostrat.oK.,c.35.

(6)Diog.L.,V,3; Strab.,XIII,1, 57;D:od.Sic.,XVI,52;Suid.;v.

(7)Diog.L.,III,46.

(8)Phitostf..Soph.,2.

(9) Plut., Dto, c. 22.

(10)Id.

(tt) Cic.,deA~a<D.,I, 26.

(t2)Suid.,V. ·

(13)Suid.,v.Onlui attribuequelquefoisune tragédiedePhiloctètequiappartientàThéodecte,d'Athènes.V.Fabric.,B<M.C~e., Il, 19,p. 692,1"'édit.

69LA VIE DE PLATON.1.1

T!molaûs de Cyzique (i), probablement le même

qu'Athénée appelle Timée et accuse d'avoir aspiréà la tyrannie (2), Chéron de Pellène, qui fut, aussi

suivant le même érudit, un cruel tyran (3), le

Locrien Aristide (4). On y fait même quelque-,fois entrer les Pythagoriciens Archytas de Ta-

rente, et Eudoxus de Cnide qu'Ëratosthène(S)

appelleT~<Trotp&r~ n~TM~" ~xKSvj~KyeM~sTp~tet

qui y auraient résolu le fameux problème Délique.D'un autre côté, le discours sur l'Amour, 'Ep~tito;,attribué à Démosthène, raconte d'Archytas.que,

malgré les services qu'il avait rendus à Tarente,sa patrie, il resta méprisé de ses concitoyens

jusqu'à ce que ses rapports avec Platon leur eussent

montré savaleur et l'eussent relevé dans leur estime.

Mais le propos d'Ëratosthène semble une pure lé-

gende, et l'assertion du Pseudo-Démosthènesuppo-serait qu'Archytas et Eudoxus se seraient trouvés

ensembleà Athènes avecPlaton, fait qu'aucun autre

documentn'autorise, que rien n'interdit cependant

d'admettre, et qui est historiquement prouvé d'Eu-

doxus. Strabon (6) affirme que Platon et Eudoxus

s'étaient rencontrés en Égypte et s'y étaient lies;

d'après Sotion (7),Ja gloire de Platon l'aurait attiré

(i) Diog.L.,!H,46.

(2) Athén.,XI,59,a.(3)M.

(4)P)ut.,7'tmo!6; Conf.Fabric.M.j?r.,n!, l59<;tsqq,(5)Eutoc.,inArchim.deSphœr.etcyh. n, 2, p. 144.Oxf.,

citéparGruppe,überd. ffo~M.d. /h-cAt/<.(6)XVII,),p.806./(7)Diog.L.,VIII,86.

70 ~& VIE DE PLATON.

à Athènes où il ne serait resté que deux mois;Cicéron (1) l'appelle Platonis <!M<~o~ Stra-

bon(2)etProdus(3).son ~T~po?;Plutarque(4), d'a-

près Aristote, son ou~e~; Philostrate (S) dit qu'ilavait profondément médité les théories de l'Acadé-

mie, Tou~ev~MtSYj~K~oYou~hKtvM~exfpMVT~ct~,Aloxan-

dre d'Aphrodisiade(6), que c'était un des familiers

de Platon, n~M~o;-yvMp~MvAsclépiade, sur le

mêmepassage,quec'étaitun platonicien, un disciple.de Platon, axpoaT- Le récit de Plutarque, de CeM.

<S'oc?' c. 7, sur la solution du problème de la

duplicationde l'autel de Bélos,trouvée parEudoxus,

la recommandation faite par Platon à Denys le

,tyran, d'Hélicon, comme d'un disciple d'Eudoxus,

Ep. XIII, 360 c.; la critique faite par Platon de la

solution de ce problème qu'Eudoxus, Archytas et

Ménëchme avaient cherché à résoudre par des

opérations et des instruments mécaniques, au lieu

d'employer des démonstrations et des raisons pure-ment mathématiques~), tous cesdétails supposent,

malgré le peu de fondement historique que lesfaits

,possèdent, entre Archytas Eudoxus et Platon,c'est-à.-dire entre l'école pythagoricienne et l'école

platonicienne, des relations assez intimes qu'il est

(1).B6~H 42.

(2)XtV,2,14p.656.(3)~KBMC~d'. I, p. 19.

(4)' Col., 32, 9.

(5) I, 484.

(6)/K~J 9,p.99t,aj4.

(7)Plut.,QM.Sym~Vin,2,i,Warc.,t4.

LAVtEbËPtATON. 7t

intéressant de signaler. Eudoxus est d'ailleurs

comptécommeappartenant aux Pythagoriciens par

Diogènede Laërte (i), et par Jamblique (2).Cette écoleavait attiré, comme on le voit, autour

de Platon et à Athènes, non-seulement des Grecs,maisdes étrangers qui participaient au mouvement

de la civilisationgrecque et si, après la perte de

sa grandeur politique et de sa gloire militaire,Athènes eut le privilège de rester le centre et le

foyer de toutes les études philosophiques et de

toute l'activité scientifique, on doit l'attribuer en

partie à la grande école qu'y avait fondée Platon,

et qui engendra bientôt auprès d'elle toutes les

autres écoles de la philosophiegrecque.Le lieu habituel des séancesde ce cercle (3)nom-

breux avait d'abord été le Gymnase même; puisonle transporta dans un jardin attenant à l'Aca-

démie, qui lui donnason nom (4). Aristote adopta

plus tard l'usage de son maître, de faire ses leçons

ensepromenant(S), ce qui valut à son école le

titre qu'elle porte dans l'histoire et qui avait appar-tenu d'abord a celle de Platon.

Le Gymnasede l'Académieétait situé hors d'Athè-

neset à ladistance de six stades, à partir de Dipyle,

(') Vl!,9i.(2)JY:COM!t<AHt.,p.<t.

(3)Cic.,deF~V)1.2,Diog.L.,lY,i9et63.(4)H porteaussiceluide6mphtKïo;;Aristox.ap.EusëL,

~p..Ee., XV, 2..(&)ËL,V.,m,19,ehparlantdePiatondit 'Eg<x8~tt~pon,et de Speusippequi, absent,nepouvaitaiderson

oncledansl'enseignementM~aTo.; cu[igKBK6MtMïMvt.

72 LA VIE DE PLATON.

nom de la porte du Céramique (1). Le dème de

Colon, que Meursius plaçait entre Dipyle et l'Aca-

démie, se trouve à peu près à la même distance et

dans le voisinage, maisplus au nord et sur la droite

de l'Académie d'où Cicéron pouvait apercevoir la

statue de Neptune (2). Le parc du Gymnase avait

été planté de platanes et d'oliviers par Cimon (3).C'est là que se trouvaient l'autel des Muses (l'autelde l'Amour était peut-être dans le jardin) avec des

statuesconsacréespar Speusippe,telles que la statue

d'Hercule et celie de Prométhée, un Hiéron à

Minerve, et d'autres monuments qui le firent res-

pecter autant que le souvenir de Platon, même par

Sylla. C'est là que le satirique Timon nous le dé-

peint avecdes traits où, sous une nuance d'ironie,

on sent encore percer le respect et la vénération

ÏMVTtKVIMV0'~Y~"~CTCfTO;,x)t\*myop~T~'HouH~<TSTT~tv!<M'YpM[<0!OÏ6*E)MM'~jtOU

A~ptt ese~o~evot c~t ~tptoeMtv!X<nv

(4).

KC'estlà que se rendait leur maître à tous, Platon

au large front, dont la parole éloquente ravis-

sait, et dont les écrits ont une grâce et une dou-

ceur semblables au chant des cigales qui, cachées

(!) Cie,f{ej!M!V,l:SexiUaaDipy!o8tadiaconfecunus."n

(2) Id. "Meipsum,huemodovenientem.convertebatadseseColonus.

(3) Pausan., 29; Phtt., Ctm., 13; Horat., Ep. 2, 2, 45.

(4) Imitation des vers d'HomeK, IL, Ht, 150.

r~U' &YOpv,Tct!'Jo

'J!~9).0t MTïtYECOtV ~OfXOT~ 0!'TS X&O' 5/t;

AevBpEM e~6!,6(t~0t o~at ~Etpt6eŒca'/ te!

LAVIE DEPLATON. 73

s

dans les arbres d'Hécadémus, font entendre leur

voixharmonieuse.? »

Lejardin, qui est probablement le domainedési-

gné dans le Testament comme situé dans le dème

des E!pe<nMt,fut sans doute légué à l'école; car nous

le retrouvonsen la possessionde Xénocrate, de Polé-

mon,d'Arcésitas etde tous leurs successeursj usqu'ausixièmesiècleaprès J.-Ch. On l'appelait quelquefoisdu nom môme du Gymnase avec lequel il faut se

garder de le confondre. C'était, dit Plutarque (1),une petite propriété ne valant pas plus de 3000

drachmeset qu'habitèrent, après Platon, Xénocrate

et Polémon; c'est là qu'ils donnaient leurs leçons,là qu'ils passaient leur vie. On dit même que Xé-

nocrate n'en sortait qu'un jour par an, aux Diony-

sies, pour assister aux nouvelles tragédies. C'est

encorece jardin qu'il faut entendre par les mots de

Diogène(2) S~s -c* 'AxctS~~ ~eto-M.Le gym-nasede l'Académieétait un établissement public, où

il n'y avait pasplacepour un particulier. C'est dans

sonpropre domaine que Platon établit un musée, et

que fut placé le groupe des Grâces, par Speusippe,

qui n'y demeurait pas, puisqu'il s'y faisait porteren litière. Cette propriété ne suffit pas aux frais de

(1)DeExil.,c. <0.(2)!?; IV,6 conf.tV;3eU6 IV,39.Diogëne,quisemble

lesconfondrequelquefois,saitaussilesdistinguer,caril nous

apprend(t!I, 5)quePlatonenseignad'abordà {'Académie,en-suitedansle jardo<ituéprèsdu dèmede Coioner~ &px~

~xK5)]jt{<Efi;c( ï(j)x~tt<j)T<pxctpKT~!~M'/<M;et ils'ap*puiesurAlexandrePolyhistoret surHeracHte.

74 LA VIE DE PLATON."Í. ne~~t r_ -il-

l'entretien de l'école, car elle ne rapportait quetrois statères d'or; mais plus tard le domainefon-

cier s'accrut par des legs semblables faits par des

philosophes ou des amis généreux, et les revenus

encore insuffisants s'élevèrent à la sommede iOOO

statëresetplus(i).Les chefs successifs de l'Académie étaient dési-

gnés habituellement par celui qui Occupait cette

fonction et qui la déléguait en mourant a. celui de

ses disciples qu'il en trouvait le plus digne. Nous

voyons ainsi Speusippe,.sentant approcher sa 6n,faire appeler Xénocrate, pour l'inviter à prendreà son tour, et à recevoir de ses mains laidirection

de F Académie TcapetfoJ~au~ ~0~ xottt~vc~oM~8MS~s9<!n(2). Lacydès de Cyrène fut le premier et

le seulqui désignade son vivant ses successeurs(3)&la mort dé Cratès Socratidas, qu'il avait désignésans doute, céda ce poste honorable à Arcésiias.

Néanmoinscet usage ne supprimait pas soit le choix

de la corporation tout entière, soit au moins son

agrément le bon sens seul nous obligerait à l'ad-

mettre, quand nous n'y serions pas amenéspar leshabitudes de l'écolerivale desPéripatéticiens où, à

côté de la successionpar voie de disposition testa-

mentaire, nousvoyonsle principede l'élection sepro-

duire, et être recommandémême par testament (4).La régularité de cette transmission fit donner aux

(1)Sitid.,ir. IMtMM.(2) Diog.L., !V,3. (3)Diog.L.,!V,60. (4)Diog.L., V,70.npaeti-isdT!)M<t<MS'~~S~ {~o-

~ttjiëzvMo'M8[d(tt~MM te9~pKYjtato;}tMcuvetu~tvttei/.t<TTo:Bw-t'<)<rtT9Kt.

LA VIE DE PLATON. 75

chefsqui se succédèrent dans l'école de l'Académie

IenomdeM~otOude8tot8o~t)to{(i).

Pour consolider les liens d'affection entre les di-

versmembres de la corporation, ils se réunissaient,commel'avait déjà établi Platon, à des repas com-

muns, pour lesquels Speusippe, Xénocrate et Aris-

tote avaient fait par écrit des règlements, par

exempleet entre autres, celui-ci, que tous les dix

jours un président seraitchoisipar la corporation(2).

Les leçons se donnaient plus fréquemment dans

le jardin public du gymnase de l'Académie, quedans le petit enclosappartenant à Platon, et qui a

souventété confondu avec le premier. C'est ce quenous apprend clairement Cicéron; il suppose, au

V" livre du o~jFïM! ch. i~ un rendez-vous prisavecson frère Quintus, M.,Pison, T. PomponiusetL. Cicéron,pour faire une promenade à l'Académie)à l'heure, dit-il, où cet établissement est vide de

monde maxime quod is locus ab OMMM<M~aid

temporis vacuus e~e~. Il est donc évident qu~il

s'agit ici d'un endroit public et d'un lieu ordinai-

rement rempli par la foule; c'est là, ajoute-t-il~

que Platon donnait habituellement ses leçons, et

il fut le premier à instituer cet usage quem ac-

ce~:MîM~primum hic disputare solitum; il dis-

tingue expressément les vastes parcs de l'Académie

du petit jardin situé dans le voisinage, qui lui

(1)Suid.,v. IMTm~. (2)Athén.I, 3. etV,1S6,b.;Diog.L.,V,4."Q<TTEHKT&Stxet~jjtepcnaji~ovtct~o;M'<.Couf.Zumpt.Ff6et'<fM!Bestandder ~A~oMp/t.Sc/M<~Kin~MeM.Mëm.de

rAcad.deBer!in.PhnoItHi8tor.GIass.,lM2,p.32;

76 LA VIE DE PLATON.

rappelle aussi la mémoire de son glorieux posses-seur CM/MSetiam hortuli propinqiii non memo-

riam solum mihi afferunt,. sed ipsum DM~K~M~in

conspectu meo ponere. L'usage de Platon fut con-

tinué par ses successeurs, puisque Cicéron ajoute:hic Speusippus, hic XeHOcr<!<e~hic ejus auditor

Polemon, cujus illa ipsa sessiofuit quam V:C~etMMS;« c'est là même, à cette place, que Polémonavait

pris l'habitude de s'asseoir. »

Il n'est pas nécessaire de prouver par les faits

que ces leçons étaient orales la répugnance sans

doute un peu exagérée de Platon pour l'écriture,sa préférence justifiée pour l'enseignement oral,bien autrement fécond, parce qu'il est vivant, nous

le démontrent suffisamment. Cependant la parole

écrite, tout en n'étant que l'image et le fantôme

sans vie, eîSM~ de la communication vivante des

idées,a, mêmepour Platon, cetavantage,qu'elle fixe

et conserveun trésor de souvenirs qui serait perdu

pour l'homme, quandla vieillesse amène l'oubli. Il

était donc tout naturel, et nous le savons histo-

riquement commeun fait certain, que ses disciples

gardassent par écrit note de ses doctrines et de ses

leçons c'est ce qu'Aristote (1) appelleles 0~0~Soy-

~ctTz,Aristoxène(2)et Alexandred'Aphrodise(3), les

KxpeaMK,Simplicius (4) les ~oyotde Platon sur les-

quels nous aurons occasion de revenir.

Nous donnons ici le tableau deschefsdes diverses

(<)f~ IV,2. (2)De~fM~tC.,H,p. SO. (3)A!ex.dans

Simplic.,ad~A~ f"3' b. (4)Simplic.,adfAy< to4,b.

LAVIE DE PLATON. 77 11

écolesqui ont portéle nom d'Académies,et qui se ratta-

chaientà PlatonSOCRATE.

A!)TtSTHEMARtSTIPPE,Pn~DON,Et)CL)DE, PLATON,fond.des fond. des école ecote fondateur de

Cyniques.Cyrénafques. d'EHs. de.Mégare. t'Academfe.

ZENON, POUMON,

CÉSt[.tUS,

CUTOHAQnE,

· PHIt.Ott,

ABtSTOTE. SpmStPM,fondat. de )'ê-l" successeur

cotePéripitte- deP)aton,OLticienne. 108.

XENOCBATE,~'XÉNOCRATE,~2'suce. Cf. HO.

fondât, de l'école :esncc..0).lt6,desStotciens. –0).<27,S,sui-

~antEusebe.

CttÂTtsetCBM-TOtt.')"i.Hec.,suce.,succèdentàPo-temendesonvi-tant.

ABCEStt.M,5' suce-, fondât.de l'Académiemoyenne.0t.l24

LACtBt9,fondateur det'A-cedëmtenomet-

te.Ot.iM.a,SesucceMenr.

ËVtNBM, iTfesuccesseur.

HÉGËSINCSOUHE-

successeur.

CABX);ADE,restaurateurdeiaL

3*Acad.,OLi50,9esuccesseur.

Ot.iM.M'iiuec.

H'suce., OHM.fondateur de latt'Acadêmie.

ANMOCHES,i!<!succ.,0).175,fondateur de la5e Académie.

78 LA VIE DEPLATON.

La division et la discorde s'introduisirentunjourdans cette Académie si grave et si disciplinée. Les

faits sont diversement racontés, et il n'est pas in-

différent de les connaître, car ils peuvent expliquerla position ouvertement hostile que prit Aristote

envers les doctrines de son maître.

Le rhéteur Aristide (i) se borne à nous dire que

pendant le troisième voyage de Platon en Sicile

quelques disciples, appartenant à ce cercleplus in-

time dont Platon aimait à s'entourer,-cKv~Mtx

<i)~t~itoTMv,introduisirent des innovations dans la

doctrine, firent une sorte de schisme et élevèrent

chaire contre chaire (2). En appelant ces disciplesindociles des étrangers, -ct~~ou<wTK; (3), Aris-

toxène fait évidemment allusion à Aristote, que

nomment d'ailleurs Élien et Diogène de Laërte.

S'il faut en croire le premier de ces historiens, le

rôle d'Aristote dans cette scission prématurée, qui

annonçait et préparait déjà la grande secte du

Lycée, fut plus actif qu'honorable. Pendant une

absence de Xéoocrate, Aristote groupaautour de

lui et amena à ses opinions un certain nombre

des auditeurs et des élevés de l'Académie, aux-

quels il fit des cours dans le jardin même de

(1)T.H, p. 3!4.

(2)Arist.;1.t. TA;BiftTptga~e&~nxKTO[<rxeua!;E[V~!<ouv.Aris-

toï-, ap.Eus.,~'r.ep. XV,2. 'EKx~oTfMBmxa!mt<MxoSo-

~e~KuT<p.Il fautdirequ'Aristoctës,quiciteleproposd'Aristo-Mne, pensequ'il n'estpaspossiblede croirequ'Aristoxènefasseallusionà Aristotedontil a toujours,dit-i!, parléentermeshonorables.

(3)Aristox.,1.1.Ff~M. ~f~ ~r~c.K.Mutter,t. )t, p. 28~.

LA VIE DE PLATON. 791 1 e.

l'école (i).Speusippe, alors malade, ne pouvait

suppléer ni Xénocrate éloigné, ni le maître lui-

même, qui, âgé de quatre-vingts ans, avait presque

perdu la mémoire. Incapable de lutter contre un

rival jeune, intelligent et ambitieux, Platon'se re-

tira du jardin public, ToS.~)~ptwxTou(2), et donna

ses leçons dans le jardin particulier et fermé, Mo~

~t!:6, où il se retira avec les disciples restés fidè-

les. Le retour de Xénocrate mit fin à cet état de

chosespénible: il fit rougir Aristote et sespartisansde l'indélicatesse de leur. procède,et ramena Pla-

ton sur le théâtre de sagloire (3). Il est naturel quePlatonait gardé de cette conduite quelque ressenti-

[ ment, et il la comparait, dit-on, à celle du jeune

poulain, qui, pouressayer ses forces, lance des rua-

des même à sa mère (4). Suivant Aristide, les cho-

sesne se seraient point passéesaussi pacifiquement:

pour rétablir l'ordre dans cette réunion agitée de

jeunes gens ardents, la police dut intervenir, ou

du moins l'autorité de Chabrias et d'Iphicrate,sans quoi, dans ces rixes, qui annoncent déjàles luttes des écoliers du moyen âge, la chose

(1)E).,Hist.V., 19;IV,9. ~T<j)xoB6;M]<~ftuT~BtaTpt-6~ xa!ct~Tmcfpct~YKY~T<j)MpmaTtj)~Ta!pou;e~M~xx!6jjn-~Tdtt.Diog.L.,V,2. ttt~'n) (Aristote)IMTMw<ET)!Sv-~°<'

(2)Jecroiraisvolontiersquec'estdanscetintervalleoùAri-toterestamaitredu terrain,TouxspmKTou,qu'onprit l'habi-tudededésignersesadhérentsparle nomde6nephmTo;,qu'onappliquaitantérieurementà l'ëcoteplatonicienne.

(3) EL,F.y. ).1.

(4)Di.og.L.,V,2.

80 LA YiË PLATON.

eût tourné à la tragédie, et il y aurait eu du sang

versé(i).

Quelle était la forme de l'enseignement plato-nicien ? Après avoir tant critiqué et tant raillé les

longs discours, la forme oratoire et académiquedes

leçons dessophistes(2), Platon ne pouvaitguère imi-ter leur manière. Pratiquait-il donc la méthode de

Socrate, l'interrogation constante et l'analyse? mais

si cette analyse, qui procède par demandes et par

réponses, convenait merveilleusementau but de So-

crate, elle se prête très-peu et très-difficilementà.

l'expositiond'un système et aux nécessités d'un vé-

ritable enseignement. Sans doute l'interrogation

peut avoir saplacedans l'enseignement dogmatique,mais cette place est restreinte par la nature même

des choses, et, si on applique le dialogueà l'exposi-tion des doctrines, ce ne peut plus être qu'un arti-

nce de composition, auquel le papier se prête,mais que la réalité ne tolère pas. Quelquesexpres-sions employées par des écrivains postérieurs me

feraient volontiers croire que, sur ce point particu-lier de la forme à donner à l'enseignement, Platon

servit encore de modèleà son rival et à sonélève, et

qu'il fut le premier à faire une leçon, ~pS~n,un

cours, axpoa<m(3).

(1)Aristid.,t. il, p.325.iiiora&'1btt'lr£11.t~è&-rpœ"{l¡)aÍ4ç.(t) Aristid.,t. H,p. 325.tMtTtt ~x~ctt~M~rntptty~Bttt;.c.;(2)~<t~acfo~t~,commeil FappeUe,T'fot.328,e.; 334,c.;

Co~ 449,b.;Hipp.,J, 373,a.

(3)C'esttetermedontseservaitAlexandre,audiredeSimpH-cius,in fÂ~ f. 32,b quil'emploiepeut-êtredansle sensdecours, TT)TCEptT&YK6ou&xj)oc«iet.11estdifficilequeledévelop-

LÀ VIE DE PLATON. 81

5.

Cequime porte à le croire, c'est que les cours de

Platon étaient rédigés par tous ses élèves, nous en

avonsla certitude, et il paraît bien difficilede rédi-

ger une vraie conversation et un dialogue qui, à

chaque instant, rompt ou brouille le fil' duraison-

nement et le cours logique des idées. On ajoute

même que cette rédaction était presque une sténo-

graphie, puisqu'elle reproduisait littéralement et

jusque dans leur obscurité énigmatique les leçonsdu professeur (i). C'est ce qui donna naissance à

ces fameux e~pa~etSo~aTc:,dont nous aurons un

peu plus loin à nous occuper. Il paraît mêmequ'encertaines circonstances solennelles Platon faisait

une lecture publique de quelqu'un de ses dialoguesécrits (2). Un jour qu'une lecture de ce genre était

annoncée au Pirée, c'était, d'après Diogène, le

Phédon, une foule immense accourut de la ville

et de la campagne; mais, lorsqu'on le vit aborder

pementdesidéesdePlatonsurteBienn'aitdemandequ'une)e-

con.Ilfautdirecependantqu'ailleurs,Simplicius,M.,f., t04,b.,117,a., appellecemêmecourssurleBien,01Mp!T&yxeou16.

yot,termequi, d'ailleurs,nedétruitpasmoninterprétation.LesexpressionsdecwouatK,o~oSo;,dontseserventProclus,in Tim.,p. 205,J. Philopon.,in H6.deAnim.,t, 2, Suidas,v.&ytt6.Bcttjt.,et mêmeSimplicius,). L, nedisentriensur la

question.Aristoxène,JP~ymo)! p. 30,sesertaussidel'ex-

pression&xpea<!t<ïou&~a9ou.(t) SimpL,inPhys.,f.-3'b.OiTtctpe~o~ToTt«~Te<<tw~-

Ypct'j'&vxa!BtecMTCt~ToT~~So~ mÙTOu/d., f. 104,b., parlantd'Aristote,d'HéracHde,d'Hestiéeetdesautres '~6~4" T&

~9evT<ta!~jmTM5M;<&<~p~9<).(!t)Cettelecturecontinued'un traité,quoiqueécritsousla

formedialoguée,constitueunevraie!econ.

82 LA VIEDE PLATON.

les pointsdélicats de la question, et entrer dans des

raisonnements difficileset austères, tout le monde

s'éclipsa peu à peu, et il n'y eut bientôt plus au-

tour du maître que le petit groupe de disciples in-times et habituels (i). Diogène va plus loin, et ra-

conte qu'il ne resta plus, pour écouter l'orateur,

.que le patient et courageux Aristote (2). Je m'é-

tonne que ce seul trait n'ait pas suffià lui gagner à

jamais le coeurdesonmaître.

Nousavons admis plus haut qu'outre ses leçons

publiques, Platon avait un cercle d'auditeurs

intimes auxquels il donnait un enseignement plus

particulier: cela est dans la nature des choses, etle fait se reproduit sous des formes diverses,jusquedans les temps modernes, dans la France com-

me dans l'Allemagne où ces cours privés font

partie de l'organisation même de l'enseignement

public. Mais est-ceadiré quePlaton avait une doc-

trine ésotérique, communiquée mystérieusement

dans un enseignementsecret à un petit nombre de

disciples inities? On l'a prétendu, et on lesoutiënt

encore, surtout, je suppose, pour justifier les impu-tations d'Aristote qui, en se référant à ces fameuses

doctrines non écrites, ~Yp~~MY~acccf,attribue à son

maître des théories dont il ne reste pas la trace la

plus légère dans le texte des dialogues.

(1)Tbemist.,0)-XXt,p. 245,etAristox.,J~rm.,11,p.30,croientquec'étaituneleçonsurle bien,Mp!r' xydaou.C'estlà,dit cedernier,qu'Aristotereconnutla nécessitéd'amenerpardesintroductionspréparatoiresauxdifScuttMdelàscience.

(2) Diog.L.,III,37.

LA VIE DE PLATON. 83`

Non-seulement une doctrine secrète et mysté-

rieuse est contraire à l'idée même que se faisaient

Socrate et Platon de la-philosophie, au caractère et

à la forme si éminemment publics et populaires que

Platon donne à l'enseignement de son maître au-

quel il veut rester ûdèle, mais des faits clairs et in-

contestés semblent démontrer jusqu'à l'évidence

que la philosophie n'a jamais été pour lui une

science ésotérique et mystérieuse (i), révélée sous

le sceau du secret à un petit nombre d'élus, mais

qu'elle doit être, sinon prêchée sur les toits, comme

l'aurait fait volontiers Socrate, du moins enseignée

dans le plein jour de la place publique.

La.division qu'on signale dans Aristote entre les

sujets d'un intérêt général, traités dans la forme du

dialogue, parce qu'ils étaient destinés à des lecteurs

nombreux, et les questions plus difficiles et plus

hautes,*réservées aux disciples d'élite et expo-

(t) Hegel va plus loin, et soutient, avec raison, que, par sa

nature tneme, une vraie philosophie nesaurait être l'objet d'un

double enseignement, l'un puNic et simulant un certain carac-

tère, l'autre secret, sincère, et révélant une tout autre conceptiondeschoses-Le philosophe, dit Hégel, Hist. de la Phitos., ÛEuvr.,

t. XIV,p: 180, ne dispose pas à son gré de ses pensées, ainsi

qu'on dispose de ses richesses; il ne les possède pas, il en est

possédé; il ne peut parler que comme il pense, et il ne dépend

pas de lui de retenir ses idées. Hcget conclut donc comme nous,

quoique par des raisons plus subtiles, mais non sans force,

que la philosophie de Ptaton se trouve bien réeUement, bien

sincèrement et comptëtement exposée dans les Dialogues, et

qu'il estfam!: de dire et impossible de comprendre qu'il ensei-

gnait à ses disciples plus intimes une autre doctrine que celle

qu'il livraitau public.

84 LA VIE DEPLATON.

séessous la forme austère de la leçon, cette divi-

sion, qui provient d'une certaine manière de conce-

voir la philosophie, n'existe pas dans Platon. Tous

ses ouvrages sont écrits en dialogues, forme émi-

nemment vivante, aimable, populaire, et qui prouve

qu'il voulait que sa philosophieparvînt à toutes les

oreilles. Le choix qu'il avait fait, pour y donner

ses leçons, d'un lieu public, d'un jardin qui ap-

partenait à l'État et où tout le monde pouvait se

présenter, l'histoire même de l'Académie, devenue

si vite une écoleofficielle,une institution de l'Ëtat,

c'est-à-dire, assurément, une forme de l'enseigne-ment public, montre combien il était éloignéd'imi-

ter les Pythagoriciens, dont les réunions, à la fois

politiques et religieuses, étaient vraimentsecrètes,ou les sophistes, dont les leçons étaient privées et

'payées, méthode à la fois mercenaire et jalouse,

qu'iFn'a pas manqué de critiquer vivement et à

plusieurs reprises. Il se raille agréablement de ce

savant universel, Protagoras, qui, devant le com-

mun des auditeurs, débitait d'obscures énigmesdont il se réservait de dire secrètement à ses disci-

ples le fin mot (i).

Qu'on y pense d'ailleurs: à quoi bon un ensei-

gnement secret? En voyant quels sujets Platon n'a

pas craint d'aborder dans ses dialogues, on se de-

mande quelles auraient pu être les doctrines réser-

vées, et pourquoi il eût voulu' en tenir quelques-

()) TA~ 152,C.'0 TtOtVTO~O;TOUTOjtS~ ~i!<tTOT<j)~oM.M<n<p~tT~),tt~ 8~(tft!b)TfH;&jro~~T<j)T~vc(M9eMvs~vey.Cont.

Théét.,t56,a.

LAVIE DE PLATON. 85

unes cachéesdans l'ombre de l'école, aprèsen avoir

exposé de non moins graves dans la lumière des

gymnases publics. Et comment ce secret eût-il puêtre gardé? Tous les disciples étaient tenus de rédi-

ger les leçonsdu maître (i) étaient-ils donc obli-

gés de ne montrer à personne leurs cahiersd'école?

Et c'est dans Athènes, dans cette ville libre, où l'o-

pinion publique clairvoyante, curieuse et jalouse,surveillait tout, qu'onimagine ces procédés mysté-rieux d'éducation. Non-seulement cela ne peut sou-

tenir un instantTexamen, mais les faits renversent

cettebizarre hypothèse. Aristote s'en réfère à ces

rédactions, à ces cahiers d'école, tout aussi bien et

nbsolumentdanslesmémestermes qu'auxdialogues:ce qui prouve qu'ils étaient entre les mains de tout

le monde, ou du moins qu'ils n'étaient pas secrets.

Je n'ignore pas que l'hypothèse d'un enseigne-ment secret a été soutenue dans l'antiquité, chezles modernes, et, bien qu'abandonnée presque

généralement depuis Schleiermacher, elle a été re-

prise tout récemment avecardeur parM.Weisse(2),

par M. Stallbaum (3), et défendueavec plus de dis-

crétion, mêmepar le savant M.K. Fr. Hermann(4).

Brueker, suivant lequel Platon n'est qu'un espritsans mesure, sans originalité et sans génie phi-

losophique, qui attribue l'ironie de la méthode

(t) V.plushaut,p. 57,notet. y(2)Dansla traductiondela Physiqued'Aristote,et du de

J4nfm<

(3)Prolegg.Phxdr.,p.ctï.

(4)GeMtmm..4M<M~p.Mt.

-<

86 LA VIE DE PLATON.,.=,_ 1 Il- 1 adialectique à l'intention de dissimuler ses vérita-

bles sentiments, ne manque pas de soutenir

qu'après avoir pris le fond même de ses doctrines

aux Égyptiens et aux Pythagoriciens, il leur em-

prunta également la discipline du secret (i). On

comprend l'importance de cette question, puis-

qu'il s'agit de savoir si nous devons considérer les

dialogues comme la source où nous irons puiserla connaissance exacte, franche et complète de la

philosophie de Platon, ou s'il faut admettre, à côté

et au-dessus des documents écrits, les traditions

conservées par Aristote d'un enseignement secret,

expose dans l'ombre et le mystère, que le maître

du moins ne fixa jamais par écrit, et qui éclaire,

complète, corrige, et révèle dans leurs dermères

profondeurs et dans leurs premiers principes, les

théories dont les dialogues ne nous montrent queles côtés brillants, la surface ou les applications.On s'appuie d'abord sur Platon lui-même, et l'on

cite cepassage du P~~e (2), où il est dit que la

pensée écrite n'a pas de valeur propre ni vraie,

que toute son utilité se borne à réveiller les souve-

nirs d'une exposition orale et d'un enseignementvivant. Mais comment a-t-on pu tirer de là une

preuve de l'existence d'un enseignement secret?2

D'unenseignement oral, oui, assurément, et il n'é-

tait peut-être pas nécessaire de le démontrer mais

que cet enseignementfût secret, ou que, sans être

(t)Cf.s.Aug.,treCt!).D.,V)!f,c.4.(2) M<c~f.,274,b.

LA y)E DE PLATON. 87

secret il exposât des doctrines différentesde celles

des textes c'est ce qui est loin d'être indiqué parla théoriedu Phèdre car n'en devrait-onpas plutôtet très-légitimement conclureque lesdialoguessont

les textes écrits des leçons faites dans l'Académie,et sont destinés à remplir la fonction utile de l'écri-

ture, c'est-à-direnon pas à remplacer la leçonorale,mais à la compléter, en en fixant d'une manière

durable les souvenirs trop faciles à s'oublier?

Brucker se réfère ensuite, commesemble le faire

également Alcinoüs (1), à la phrase cétëbre du

T~Mee,où Platon reconnaît ((qu'il est difficilede

découvrir le véritable auteur, le père de cet univers,

et, quand on l'a découvert, qu'il est impossible de

le faire connaître a tout le monde (2). » Quel est

donc le sens de cette phrase si naturelle et tant

citée (3)? Les recherches sur la nature des choses

et sur la nature des dieux ne sont pas de celles

qu'on peut espérer de faire comprendre à tous les

esprits; la théologie est une science profonde,

obscure, difficile cela veut-il dire qu'elle doitêtre l'objet d'un enseignement secret ? Et que fait

donc Platon dans le Timée même, dans la ~epM-

blique, dans les Lois, dans le Parménide, s'il'fallait

(1)Atcin.,E!<MYM-c.XXVH.na'<\<you~~MyonrS~~P~Xtttfo!~e~pOXp(M<TtT~CXEptTO~O~OtSoOaXpOOt~SM<ji6Te8MXE.

(2)T~m.,28c. E~TKMTtt!Mwa':cvM- Bruckera le tort

d'ajouter,danssatraduction,à tM~OMibMe,lesmotsne/iM~tte,quiaccusentunsensétrangerautexte.

(3)Joseph.,c.Apion,11,3t Orig.,c.Ceb.,Vt),p. 360 Cy-rUl.,tS~tt/tOM.,t, p.30;Max.Tyr., p.15 CtemAlex.,S<roM.

V,p.585,B;Lactant.S.

88 LAVIE DE PLATON.

y voiravec Proclus toute la théologieplatonicienne?

N'essaye-t-ilpas, dans la mesure où peuvent les at-

teindre la pensée et la parole, de nous donner l'idée

la plus vraie et la plus complète du bien et de Dieu?2

Sans doute, il est difficile au plus beau génie de

pénétrer les profondeurs, de sonder les mystères

augustes de l'essence divine; il est impossibled'es-

pérer en traduire même c&que la pensée peut en

saisir dans une langue assez claire pour que tout le

monde le puisse comprendre mais où voit-on là la

trace d'unedoctrine secrète? Si l'aveu de la faiblesse

de l'esprit humain, surtout dans les massespopu-

laires, en face de la grande idée de Dieu, impliquela discipline du secret, le Christianisme lui aussi

est donc une doctrine secrète ?

Cicéron ne voit là qu'une contradiction d'un

homme qui s'étend sur un sujet qu'il avait déclaré

interdit à la raison humaine (i). La contradiction

que signale Cicéronn'existe pas existât-elle, com-

ment y verrait-on la preuve d'une doctrinesecrète?

À défaut du vrai Platon, on a recours au faux.

L'auteur de la VIF lettre du recueil qui nous est

parvenu sous son nom adresse auxparents et aux

amis de Dioncette observation, à propos des écrits

philosophiques qui lui étaient attribués «Je n'ai

jamais rien écrit et n'écrirai jamais rien sur ces ma-

(i) Cic.,de~af.j)., ï, 12.«JamdePlatonisinconstantialon-

gumest dicere;quiin Tim.BOpatremhujusmundinominari

negetposse:inLegumautemlibris,quidsit omninoDeusan-qoin oportetenon cengeat idemet inTinMMdicitet iu

LegibusetmundumDeumesse.etcce)am,etastra,etc.

LA VIE DE PLATON. 89

tières. C'est une science qui nes~enseigne pas,commelesautres, avec des mots. Je crois que de

telsenseignements ne conviennent qu'au petit nom-

bre d'hommes qui, sur de premières indications,

savent eux-mêmes découvrir ]a vérité. H Quelque

valeur qu'on veuille accorder aux lettres III, VU et

VIII, on nesaurait les prendre pour des documents

authentiques et pour un témoignage de Platon lui-

même et M. K.-Fr. Hermann, qui en exagèresuivant moi l'autorité, ne réûéchit pas qu'à ce

compteil faudraitsupprimer, comme dépouillée de

toute authenticité, toute la collection desdialogues.Les néo-platoniciens, qui ne se bornaient pas a

vouloirconcilierAristote et Platon, et à montrer les

analogiesde leur philosophie, mais prétendaient en

démontrer la parfaite identité, ont été les premiersà parler d'une doctrine ésotérique, non écrite, parce

que l'absence d'un texte précis autorisait les licen-

ces de leur intempérante interprétation. Numénius

avait écrit un traité sur les doctrines secrètes de

Platon (i). Clément d'Alexandrie, en attribuant

cettemanie dusecret, non-seulement à Platon, mais

aux stoïciens et aux épicuriens eux-mêmes, détruit

par cetteexagérationl'autorité de son témoignage(2).

J'espère qu'on n'en accordera pas une plus grandeà l'auteur inconnu du livre intitulé De la Théodo-

gie, qu'on donne quelquefoisà Aristote. « Les doc-

(1)Euseb.,jp<'a;p.Ev.,xm, 5.ne?!TM~Mtp&nMït.Mtcmop-p~TtM,etXIV,5, 7,~ attribuecettepratiqueà unemesurede

précautionetdeprudence.(2) .Knwt., Y, 9, p. 680 et 686.

90 LA VIE DE PLATON.

trines contenues dans cet ouvrage sont, n audirede

l'auteur anonyme, « conformesà l'enseignementse-

cret recueilli de la bouche de Platon, et à celui des

sages de Babylone et de la Perse. Mais de ce livre

platonicienattribué a.Aristote,le textegrecest perdu,et les traductions latines, souvent abrégées, quinous en restent, ont été faites d'après une version

arabe qui présente elle-même, par rapport au texte

latin, d'importantes lacunes (1).C'est cette tradition néo-platonicienne qu'ont

adoptéequelques-uns des historiens et descommen-

tateurs modernes. Patrizzi compare l'enseignementde Platon aux entretiens secrets des Pythagori-

ciens(2). Astconclut de là et affirme, sans la moin-

dre hésitation (3), quece n'est pasdans les dialogues

qu'il faut chercher les doctrines vraies, propres et

originalesde sa philosophie, et Socher imagine queles MYp~MY~Teétaient un ouvrage de Platon des-

tiné àservir defilconducteur auxdisciples initiés (4).M. K. Hermanncroit aussi que ce n'est pasdans les

écrits dePiatonqu'il fautchercherl'expression vive

etclaire de sa vraie pensée, et qu'il réservait l'ex-

position deses principesderniers à ses leçons ora-

les, tandis que les applications pratiques à l'art,

(.i)M.Ravaisson,Essaisurla Mét.<Mf~o<e,t.n, p. 543.(2)j)<MMM.J~M< I!f, p. 337 « Hœeverotaliafuissepu-

tandumestqnatesfueruntPythagoreorumsermones,quosma-thematavocabant,iiquesecretodisciputisquibusdamseleedseommunicabantar.

(3)DePlaton.P/ro, p. 146 «SineuHadubitationecon-iirntaverim.

j

(4) !7e6e<-JP/<t<OM'~Schrift.,p. 393.

LAVIEDEPLATON. Ot

à la politique, à la morale, étaient les objets desdia-

logues publiés et publics (<). C'est une conjecturebien bizarre cependant, comme le fait observer

M. Ed. Zeller (2), que d'imaginer qu'un philosophemontre au grand jour les applications de ses doctri-

nes et en dérobe avec un soin jaloux les principes;

car, d'abord, comment comprendre et adopter des

théories appliquéesdont on ignore les principes, et

ensuite, pourquoi cacher les principes si on décou-

vre les applications? Ce ne sont pas les idées méta-

physiquesen elles-mêmesqui sont dangereuses, et, si

l'on ne craint pas d'exposer leurs conséquencespra-

tiques, on ne voit pas quel motif on a de dérobe]*

dans l'ombre du mystère les principes, qui seuls

peuvent les expliquer, les éclairer, les justifier.D'ailleurs l'anecdote qui nousmontre Platon faisant

devant un public nombreux, attiré par la réputationde son éloquence et de son génie, une leçon sur le

Bien, assurément le plus élevé d&ses principes, et

voyants'enfuir peu à peu toute cette foule, a mesure

qu'il touchait des points difficiles et abordait les

développementsconcernant les nombres, les ma-

thématiques, la géométrie, l'astronomie, la limite

identique au bien, renverse complétement l'hypo-thèse du docte critique.

Au fond, la vraie raison qui engage MM.K. Her-

mann et Stallbaum à croire a un enseignement se-

cret de Platon, c'est qu'Aristote lui attribue des

(l)CM<HMm..46~aKd!p.Mi.(~)Philos.der§!-tec/t.,t. !I, p. ~24.

'82 LA VIE DE PLATON.

théories qu'on ne retrouve pas dans les dialoguessi elles ne sont pas exposées dans les dialogues,

qui ne contiennent pas alors toute sa pensée, il a

.bien fallu qu'il les exposâtquelque part où, si ce

n'est dans ses leçons? Maiss'il avait desmotifspourdissimuler certaines doctrines ou les passer sous si-

lence dans ses écrits, ces mêmes motifs devaient

agir dans son enseignement donc il avait un en-

seignement secret. On verra plus loin que je n'ad-

mets pas la majeure de cet argument, en ce sens

que je ne crois pas qu'Aristote ait raison d'attri-

buer à Platon les doctrines dont on signale l'ab-

sence dans-les dialogues. Parla tombera le seul

appui de cette supposition, que tout d'ailleurs re-

pousse et que rien ne connrme. Olympiodore

proclame que « Platon n'admit jamais l'orgueil-leuse fierté des Pythagoriciens, qui fermaient aux

profanes les portes de leur école (1), et dont la

maximeétait ctu-coç~et,le maître l'a dit; au con-

traire, il se montra populaire et se donna tout à

tOUS, TtO~tTtXMTepO~~KU'tOVTF~p~MVTtp~~0[VTa{(2). B

Proclus ne se borne pas à constater le fait, il en

montre la raison et en expliquelacause « C'estdu

commerce de Socrate, dit-il, qu'il avait retiré cet

amourdeshommes et cette facilité aimable à se lais-

(t) Stob.,.MorM,,XLÏ,9, attribueà Pythagoreceversor-

phique

'\E!cm <rovETO'[(jt Mpa; S' M9Mf)s pe&~Ot.

Sur les &t~tjTctdesPythagoriciens,voir WyttenbachadfAa'<!<M.,p. 134.

(2)Olymp.,Tt<.Plat.,

LAVtEDEPLA.tON. M

ser approcher(1).a En effet Socratedisait qu'il lui

aurait été plus facile de garder sur sa langue un

charbon en feu que d'y retenir une vérité (2). Je

reconnais là le génieathénien on n'a pas assez

remarqué que lesdoctrines secrètesont pour auteurs

desphilosophesétrangers à la Grèce propre et du

moins à Athènes, la patrie de la liberté de la paroleet de la pensée. Platon, malgré l'universalité de son

génie, est un Grec, et un Grec d'Athènes (3). S'il

incline dans ses théories vers les principes de la

politique dorienne et vers les doctrines métaphy-

siques de PythagQre, il reste, quoi qu'il fasse, un

des plus parfaits représentants du génie de cette

cité heureuse, enfant gâtée de toutes les gloires;

et, même après en avoirperdu le respect, il conserve

et pratique les habitudes de la liberté, qui a horreur

du secret comme du silence et de la nuit; il parlecomme il a l'habitude de penser tout haut.. C'est

Platon qui met dans la bouche de Socrate cette

magnifiquemaxime: «II n'estjamais permis de con-

sentir à l'erreur, ni de tenir la vérité cachée (4) »

et qui croira qu'il l'ait professée sans la pratiquerlui-même?

(i) ProcL,in?'<m.

(2)Stob.,More!XLI,5.(3)Ed.Zeller,fAM.derGriech,t. !t, p. 3t5. « J~a<owar

einGriecheunderwollteeinersein.(4) M~< p. i5t, d. ~Mct jMt ')<EuM! TE~uy/Mp~TOttXCt!&).

6~ &~6Mt(TMoMctjtM~ 6sjJH;

DEUXIÈMEPARTIE.

LES ECRITS DE PLATON.

§1. DE L'AUTHENTICITÉDESÉCRITSDE PLATON..

La longue vie de Platon ne fut pas exclusivement

consacrée à l'étude et à l'enseignement (1). Par un

contraste frappant avec la pratique de son maître

et avec ses propres théories, par un rapprochement

bizarre et inattendu avec les sophistes, Platon est

comme eux un écrivain de profession toute sa vie,

depuis l'âge de vingt-cinq à trente ans jusqu'à sa

mort 1, se passa à enseigner et a. écrire (2), et par une

(1) Hs'occupaitencore de législation politique, et rédigeait

desconstitutions plus ou moins empreintes de ses principes phi-

losopMques. LesArcadiens et les Thébains, lors de la fondation

deMegatopoliS)si l'on en croit Élien, N. V., H, 42, et Diogènede Laerte, ni, 23, les Cyrenëens,d'après Plutarque, o~ftKctp.

itierM~ ~t< p. 779) d., lui demandèrent un code de lois;

mais ses prétentions de fonder leur constitution sur une égalité

absolue firent échouer ces projets.

(a) Onsait, pardesanecdotesauxquel~es,il estyrai, il ne faut

pasattacher tropd'impot'tance,queqMlques-unsdèsesouvrages

étaient antérieurs à ta mort de Socrate (Diog. L., 111;35; Vit

LES ËCMT&DE PLATON.96

faveur du sort, méritée sans doute, mais exception-

nelle, nous avons à peu près la certitude de posséder

toutes les productions de cette plume féconde, dont

quelques-unes sont les chefs-d'œuvre de la littéra-

ture philosophique. Nous retrouvons en effet, dans

les nombreux manuscrits de Platon, tous les ouvra-

ges dont Diogène de Laërte nous a laissé le catalo-

gue, et aucun des auteurs anciens, sauf quelques

exceptions apparentes, ne nous cite le titre d'un

écrit de notre auteur dont le texte ne fasse pas partie

de notre, collection (1).

Anon.), et la tradition relative à la ~MpMMf~Me,qu'il retouchait

dans sa vieillesse, aux ZoMqu'il n'avait palleu le temps de

transcrire lui-même, le fait du Critias, qu'il laissa inachevé,

prouvent que cette activité d'écrivain fut l'occupation de toute

sa vie, comme l'affirment d'ailleurs les anciens, Diog. L., Ill,

37; Dion. Halie., de Comp. !)?& p. 208 Quintilien, Y1I1,6.

(f) Diog. L., 111, 6!, cite cependant cinq dialogues quenous n'avons plus: MtSm~ 'hnt6Tp')oo<aKtXE<, TMuBmv,

*E6S6jtt),*Et[tjte~S); Mais comme ils étaient, dans l'antiquité,et par Diogènemême, reconnus pour supposés, je ne vois passur quoi s'appuie M Stallbaum pour dire, dans la dissertation

qui précède le t" volume de son édition de Ptatoc, p. XH

«Tum multi etiam intercidisse videntnr. H est vrai qu'on

lit dans le rhéteur Ménandre deux citations-de Platon qu'onne retrouve pas dans ses dialogues. La première appartient,comme la seconde, au traité Hep! ~tSMXTtxmv.t Platon,dit-il dans l'une, appelle dans le Critias le ytM~e Sjtvo~ tou

na~T~, l'hymne de l'Univers. "Mais, comme Plutarque nous

atteste (Solon, c. 32)que Platon avait laissé à sa mort ~e Critias

incomplet, Tto~o!<xa~t; ~6~0~e~Yo~&TE~<M~xev, il ne faut

pas s'étonner que les expressionscitées n'appartiennent pas à

la partie de l'ouvrage qui avait été écrite. L'autre citation est

plus probante; au ch. 6, on.Ïit Kal tMpenMtïMv:'<p~ Ttf;xc(!

~0~0; Sm~s!, <!);apt 6 6M;o!T<i;(~ (t-~rpUtS;o<i<n)<'ri)<"Hpat

LESÉCRITSDEPLATON. 97

6

Cette collection est donc complète, ou du moins

nous n'avons aucun motif de supposer, de soupçon-

ner qu'elle ne l'est pas,.Est-elle tout entière authen-

tique ? Si elle ne l'est pas dans toutes ses parties,

quels sont les ouvrages auxquels il faut refuser ce

~t~OT). Le mythe indiqué semble faire allusion à Hercule,

et la phrase serait empruntée à un dialogue perdu dont on ne

connaît pas le titre. Mais ne pourrait-on pas croire à une

erreur ou à une inadvertance de Ménandre plutôt que d'admettre,

sur sa seule citation, un ouvrage de Platon inconnu à tous les

anciens, et qui n'est contenu dans aucun des catalogues de ses

écrits?Il resterait donc le dialoguede yMm~<oc<e,cité par Doxo-

pater (Schol. Aphthon., 7{Ae<.6t-<M.,Walz., t. H, p. f30)

"f.i<n[:p6 T6pt QejmrroxMou;Myo<QejtKTTOxMx~ttyEYpûmTKttM-

Tm~t.et le dialogue de Cimon, cité par Athénée (X!, 506).

M.K. Fr. Hermann(Geschicht. u. ~< p. 5&6)ne croit pas à

l'existence de ces deuxdiatogues, parce qu'ils seraient les seuls

exemplesd'écrits platoniciens dont les titres seraient empruntésdepersonnages antérieurs à Socrate. H suppose que Doxopatera voulu parler du r~/Me; d'autres croient qu'Athénée a fait al-

lusion au Gor~<M.Le Catalogue arabe, publié par Casiri (StM.

~r<!&.~cM~ta~ J, 302),mentionne encore quelquesouvrages apo-

cryphes, probablement d'après Théon. Nous aurons occasion de

voir que les Sttnp&jEttet a! yEYpotji~cttStKtpe<~t<sont moins

un ouvrage que certaines classifications et divisions scolas-

tiques utiles à l'enseignement, et conservées par écrit par lès

élevés.Lesotypa~KMy~TCtne peuvent pas davantage passer pourun écrit de Platon que nous aurions perdu. Leslivres Mp! ~o-

oo~itusont plutôt d'Aristote que de Platon, et ne contenaient

tout au plus que les rédactions de ses leçons orales. C'est sans

doute également du souvenir de ces leçons qu'Aristote tire les

expressions d'~uM~o'; au lieu d'&<j)9ct~< de o-~tBctxUaulieu de <paMYY~, d'&TTMYe~<au lieu de ~ueM;, qu'il cite

commede Platon (yop., VI, 2),j~qui n'appartiennent à aucun

deses ouvrages conservés~t~ç~p' j~o~docc quelque droit de

conclure que nousn'aMt~~tSu'.au'o~aes ouvrages authen-

tiques de Platon.mT~ H

LES ÉCRITSDE PLATON.98

caractère?C'est une questiondifférenteet plus grave,et dont la solution est encore aujourd'hui très-con-

testée.

Il est trop évident qu'avant d'interpréter et de ju-

ger un système philosophique, il faut en posséderune expositioncomplète et sincère, et il n'est pasmoins clair que, pour fonder une exposition com-

plète et sincère, il faut avoir vérifié la valeur des

textesqui la contiennent, et l'authenticité des sour-

ces qui nous en ont transmis la connaissance. Sans

avoir la prétention d'approfondir ce sujet moins ob-

scur qu'obscurci, il était indispensable de poser au

moins la question et de la résoudre aussi briève-

mentque possible. Cette discussion devenait d'au-

tant plus nécessaire, que la critique moderne en

Allemagne est alléejusqu'à supprimer la moitié de

Fœuvre authentique de Platon, et que M. Socher

s'accusede timidité et d'un respect superstitieux en

se bornantà retrancher ducatalogueauthentique des

ouvrages tels que le Politique, le Parménide et le

~op~M~e..Et d'abord on a mis en doute que Platon ait ja-

mais rien écrit c'est Léo Allatins qui a inventé et

doctementsoutenu ce beau paradoxe (1). H se fonde

sur deux phrasesà peuprès identiques, tirées~ l'une

-dela seconde, l'autre de la septième des Lettres at-

(i) ~p.Socro<p. 342.C'estlaconséquencedela thèsenon

moinsparadoxequeSocratea laissédesouvragesécrits,etc6sontprécisémentceuxqu'onattribueà Platon,lequeldéclarelui-mêmen'avoirjamaisrienécrit,etnevouloirjamaisrienécrire.

LES ÉCRITSDE PLATON. 99

tribuées a Platon, que nous avons déjà citée plushaut. Dans l'une et l'autre de ces épttres, après

avoir expliqué que la philosophie ne peut se trans-

mettre que par un commerce personnel, par une

communicationorale et vivante, et queles livres sont

impuissantsà produireles convictionsprofondeset la

dispositiongénéreuse de l'âme que cette science de-

mande,l'auteur ajoute « Voilàpourquoi il n'y a pas

etil n'y aura jamais unseul ouvrageécrit de la mainn

de Platon (1). Personne, sauf M.Grote, ne soutient

l'authenticité absolue de-'ces lettres, et tout ce

qu'on peut faire en leur faveur, c'est d'attribuer

cellesqui paraissent témoigner d'une connaissance

intime de la personne et de la vie de Platon, à

son neveu Speusippe(2). On est donc bien loin

d'avoir ici un aveu direct et personnel; mais d'ail-

leurs ne se presse-t-onpas deconcluresans examiner

le, vrai sens des textes cités? Aristide le rhéteur

les explique tout autrement. Dans son deuxième

Discours platonique, où il défend la gloire des

quatre grands hommes d'État et de guerre injus-tement.accusés par Platon, il dit (3) « Platon use

de son génie comme les rois de leur puissancenon seulementil prend des libertés avec la lan-

gue, mais il traite fort librement ses sujets. C'est '`

ainsi qu'il met dans la bouche de Socrate un éloge

(t) ~p.H, p. 3t4,c. At&TKUïctouBe~~«ntOT*tyM~ep!Toùïm~

~Ypet~ct,oùS'e<TTt~YYpKjt~an).ctT<o~o;oùB~,oM'~TKt.Conf.

~.VH.p. 34),c,(2)K.Ff.Hermann,Gesell.M..S~.(3)Aristid t. IH,p.<7<,sqq.Canter.

<<? LES ÉCRITSDE PLATON.

funèbre des citoyensmorts à Corinthe et au Léchée,où il est question de la paix d'Antalcidas. Or

Socraten'avait pas assisté a cesévénements,qui eu-rent lieu bien aprèssa mort. Un anachronisme tout

aussi grave est signale dans le Banquet. QuoiquePlaton soit le plus beau génie des Grecs, il ne faut

donc pas croire littéralement et rigoureusement vrai

tout ce qu'il dit. Biendes notions (1) se mêlentà la

vérité dans ses ouvrages: c'est une liberté et une

habitude du genre du dialogue. Il vise à une cer-

taine indépendance d'allure, à une certaine gran-

deur, et ne veut pass'assujettir à uneexactitudeser-

vile il donne carrière à sa riche'imagination (2).

N'acceptons donc pas les yeux fermés tout ce qu'ilnous dit, et tâchonsde le bien comprendre.Ainsi,

quandil vient nous afnrmer qu'aucun des écrits de

Platon n'est de Platon, et qu'il n'y en aura jamais

de lui; quesesouvragessont ceuxde Socratequand

il était jeuneet beau qu'ainsi l'auteur n'en est pasl'auteur (3), reconnaissons là les jeuxoù son génie

s'amuse, et n'allons pas les prendre au sérieux(4).a

lisuforait, en effet, deprendre au sérieuxet dans

la rigueur des termes les expressions des lettres II

et VII, pouren faire rejeter absolument l'authenti-

cité car personne n'a encore osé soutenir que la

(<)nMtejt:t'M.(!) (M TMVKMKtfTt~aXp(ëo~OYHTCf( CUy~MpEtT~] (pÙ~Et.

(9) Et9' & ttEv Ypct~cf;, où ~ypotfp~. T. ni, p. 477.

(4)E~oiteOctaÙTeuT&;~ouSto~.Onnevoitpasbiensi Julien,quiciteaussicettephrase,OM<.VH,IIp~o~MS.xu~ t. f,p. t89,Spanb.,)'apriseausérieuxounon.

LES ËCMTSDE PLATON. tOi

collection tout entière qui nous est parvenue sous

le nom de Platon ne contenaitque desouvrages-sup-

posés et je ne pense pas que ce soit ta ce qu'aitvoulu dire l'auteur, quel qu'il soit., des Lettres (1).Il a voulu continuer l'artifice de composition par

lequel Platon a mis l'exposition de sa doctrine sous

le nomde plus en plus respecté et vénéréde Socrate

son maître. N'allez pas prendre., nous semble-t-il

insinuer, ces dialoguespour les productions artifi-

ciellesd'un écrivain de profession ils sont la pen-séeet l'œuvre même de Socrate, dans la jeunesse, la

fraîcheur et la beautéde son génie (2).Il n'y a donc pas à s'arrêter un instant au doute

qu'on pourrait faire porter priori sur l'ensemblede la collection. La question d'authenticité est une

question de fait et de détail elle ne peut être

résolue, dans un sens commedans l'autre, que par

rapportà tel ou tel dialogue en particulier, etnous <.

ne sommespas dans la nécessité de les accepter ou ¢.de les rejeter tous également. La présence dans un

seul et m6me manuscrit ne donne aux dialogues

qu'il contient aucun caractère d'authenticité, ni

aucun caractère contraire. Il est certain que l'anti-

quité elle-même, peu soupçonneuse à cet égard,reconnaissait d~~Ies'editioQS publiées sous le nom"/

de Platon,-iïeaucoup d'ouvrages supposés vo9~-yo~t (3). Ainsi Diogène de Laërte non-seulement

(t) Il suffiraitd'attribuercesensAla lettreVupourendé-montrerlepeud'authenticité.

(2) ~~e~C~tr~&aXpCtTOUt~EOUXKtXK~OUYEYOWTO;.(3)Diog.L.,m, 62.

ft '.c

i02 1JESÉCRITS

déclare qu'on rejetaitd'un accord unanime (1 )comme

apocryphes tes dix dialogues, ~oMpu~E~eMr de

c~~t~M-r, les 7~oM!CMK~ /W~OM~ la Septième,

Épiménide, que nous avons perdus, et Éryxias,

intitulé aussi /M~'< ~4/eyoM(2), ~M~/ee (3),

intitulé également ~xe~o~ Axioclius, De~o~ccM~

que nous avons encore; mais de plus il constate que

Thrasylle doutait de l'authenticité des ~f~M-r (4);i

(t) Id. Ajjn)XoY°"< Diogène ne mentionne pastousles

ouvrages simplement suspects, et l'on ne voit figurer, ni dans le

Cat&togued'Afistophane, ni dans celui de Thrasylle, deux dia-

logues insignifiants que nous avons conservés sous le titre de

Ttep!dt)Mi{ouet ttep! ~pM~<

(2) C'est le seul que M. Cousin n'ait pas compris dans sa tra

duction j'ignore pourquoi

(3) Le texte de Diogène.donne, suivant les mss., tantôt ~xe.

ç9&ot~Hs'jtpo<, tantôt 'Axe~e< Hou~oc. Comme iemôtexe-

pQ~otdésigne, d'après Lucien (de CoMer<&.~<~<0! c. 23), un

ouvrage qui n'a pas d'entrée en matière, &jtpoot}na<TT«,quijettele lecteur brusquement dans les faits, et quece n'est pas le cas

du dialogue intitulé NMypAe,M.K. Hermann propose délire

&x~~ot ~c'est-à-dire huit dialogues sans introduction; le

chiffre serait une erreur appliquée aux dialogues non authen-

tiques de Platon; car il n'y en a que quatre qu'on pourraitatpsi qualifier, et ces quatre sont le de JtM<o, le de fM~M<e,

leJM<MO~,etl'~f~)p<<e.

Diogëne de Laërte, II, 60, mentionne sept dialogues &x~a).at

parmi les ouvrages d'Eschine le Socratique, et dit qu'ils sont

tres-faibiement ëctits et penses, et n'ont rien de la vigueur so-

cratique. Mais Pisistrate d'Ëphëse soutenait qu'ils n'étaient

pas de lui, et la plus grande partie d'entre eux, d'aprèsPersée, étaient l'ouvrage de Pasiphon d'Êrétrie. Suidas, v. At-

<t;<, mentionne aussi, au nombre des écrits d'Eschine, o!

XcAoùjtSVOt'~X~<P<~0[.

(4) Diog., L. IX, 37 SMKpoi ~'<T6p!ïOT<!n).KT!e< s!?:, ~<r!

epacù~ot.

Lt:SËCâiTSbE)'LATON.. j03

comme Ëlien doute de celle d'N~oa?'yHe (1), et Athé-

née rapporte l'opinion de quelques critiques qui at-

tribuaientl'Alcîbiade 7/àXénophoh (2). Il ne faut d

pas s'étonner de ce fait: l'époque qui s'écoule entre

Platon et Cicéron voit naître, ou du moins se déve-

lopper, l'industrie des faussaires) encouragée par la

formation des grandes bibliothèques d'Alexandrie,

de Pergame, et bientôt du Palatin à Rome, et par le

prix généreux donné par les Ptolémées et les Attales

à tous ceux qui venaient leur offrir des ouvrages

d'auteurs anciens (3). La forme même du dialogue

favorisait la fraude, qui s'étendait à toutes sortes

d'ouvrages, et paraît avoir travaillé de préférence

dans le genre du dialogue socratique.

(<)~t.,N.V.,vMt, 2.

(2) Athén., Xt.506.

(3) Galen.ad Hippocr., de Nat. /tom., t. 42, t. XV, p. 105;

npt~ ~Ctp'~0~~t'< ~~t~SpEt~t t: XCttII~pYKjtMfEtE~Kt pû[Tt\H<M XT~<mptëMm~~~OTt[<9E~TCt;,OuSEttM'}'E~BM;MSYEYpOMtTOT'JY-

YpX[tjiOt,~WitëtVEMS' &p~N)m'M~jit(r6A~TM~XO;nM'~Tt')~KUTM;

aGmtitJ.tJ.~rc~À~ll)ü'ttV~ç'civop/¡ç.o~:t(f)ç-(¡oY)'110).).&oj¡ElJobiçlmyp6.-TUYYpa().[MttK!~MUW~Oi'<SpO;,')3TM<:~B<)TtoMA'S'jSM;~tYp&-to~TEtexojjL~o~.!) répète a peu près la même chose, ft'ce/~Comm.,

11,p. 128. "Ce fut au temps où les rois des famines des Attales

et des Ptolémées se prirent d'émulation pour la possession des

livres, que fraude commença à s'appliquer aux titres et aux

recensionsdes ouvrages. David, Contmen~. ~fM~. Calegor.,

p. 28, a. «Lafalsification des ouvrages eut cinq causes: la pre-

mière, la disposition dés disciples à attribuer, par reconnais-

sance, leurs propres livres à leurs maitres tels sont les ouvragesattribués à Pythagore et a Socrate, qui ne sont pas d'eux, mais

des Socratiques et des Pythagoriciens; la seconde, fut !'ambi-

tion et tan~aUt~es rois. ta troisième, ia quatrième et la

cinquième, l'homonymie, soit des auteurs, soit desouvrage~,soit des mémoires.

LES ÉCRITSDE PLATON.<04

Il s'agit de déterminer quels '-ont les ouvrages

qui doivent être rayés du catalogue des dialogues

de Platon, et ne doivent plus servir à une exposi-

tion sincère et justifiée de sa doctrine, et l'embarras

est grand non-seulement pour poser les principes

critiques qui serviront à'séparer le bon grain de

l'ivraie, mais aussi pour en faire une judicieuse

application.

Les Allemands, dont on peut admirer l'érudition,

et ne pas imiter les hardiesses et les conjectures, se

décident surtout par des raisons internes (i). Ils se

font une idée de Platon comme écrivain, comme

homme, comme philosophe puis tout dialogue

leur parait suspect, tout passage même leur semble

altéré, qui, par le style, par les sentiments, par les

idées, ne s'accorde pas avec ce type, pris pour règle

et pour mesure. Qui ne voit combien est person-

nelle, arbitraire, variable, et pour parler leur lan-

(t) Cesarguments internes se ramènent aux points suivants

i. Examiner si le sujet traité, si le but ques'y propose fauteur,

sont tels qu'on puisse attribuer l'ouvrage à Platon.

2. Rechercher s'il n'y a pas des contradictions avec sesdoctrines

connues, ou des absurdités qui attestent la falsification.

3. Ou, au contraire, s'i) n'y a pas des traces d'une imitation,

d'une reproduction du style et des idées qui révèlent, parleur tittéralifé servile, un faussaire maladroit.

4. Vérifier si i'étocution est conforme à la langue habituelle de

Platon, et à la langue de son temps.

5. Enfin, rechercher les anachronismes qui, à eux seuls, suf-

fisent à renverser l'hypothèse de l'authenticité.

Aulieu d'une discussiongénérale, qui ne peut manquer d'être

v~gne, j'ai préféré examiner chacune de ces questions dans l'a-

nalyse des dialogues contestés, et c'est là qu'on les trouvera.

LES ÉCRITSMEPLATON. 105

gue, combien est subjective cette méthode, quidevait produire, et a produit en effet les résultats

les plus différents, les plus contradictoires, les plusbizarres? Parmi les critiques, il en est un qui n'a

conservéde l'oeuvre de Platon que onze ouvrages

sur quarante-quatre, et aucun d'eux ne s'ac-

corde ni sur le nombre ni sur la nature de ceux

qu'il faut exclure. Non-seulement cette méthode est

tout ce qu'on peut trouver au monde de plus arbi- <

traire et de plus capricieux, mais qui ne voit qu'ellen'est qu'un pur cercle vicieux? D'où peut-on se

formerune idée du style et du systèmephilosophi-

qne de Platon, si ce n'est de la lecture de ses ou-

vrages mais n'est-il pas clair comme le jour que si

vous supprimez à priori quelques-uns des traits

qui composent le caractère de son style et la phy-sionomie de son système, vous ne les retrouverez

pas dans la représentation que vous vous en faites,et qui dépend absolument du choix que vous aurez

déterminé d'abord? Loin donc d'être le résultat de

vos lectures, c'est cette idée qui a présidé et pré-existé à elles, et le portrait, comme on devait s'y

attendre, ne vous renvoie que ce que vous y avez

mig c'est un vrai portrait de fantaisie, une /<x&

que, comme dirait un peintre. Il est clair que si

vous ne voulez pas faire entrer le style et les idées

du Parménide dans l'image que vous vous laites de iPlaton, les idées et le style du Parménide ne seront 'ç

pas conformesà cette représentation, et par consé-

quent vous rejetterez /6/M<~M~ qui ne vous

renvoie pas cette image. Mais vraiment prend-on

106 LES ÉCRITSDE PLATON.

cela pour un résultat sérieux, et ces procédés pourune méthode de critique vraiment solide et scien-

tinque? Je n'oserais pas le dire moi-même;mais j'emprunterai les termes sévères d'un Alle-

mand pour caractériser ces jeux puérils où s'a-

muse le génie de l'investigation, mais où il s'é-

gare, et je dirai comme Nitzsch aux partisans déjàmoins nombreux des théories de Wolf ~y-MM

ne lusisse quidem ~)œM~e&!<~ed'~M'CM~OtMMMM

ya~~HeM !?~o?M?'e AaMO/a~oHz&MS(<). Finissons-en donc, et cherchons à poser les principes d'une

vraie critique historique.

Que tel écrivain ait produit tel ouvrage, c'est là

un fait dont la preuve ne peut être fournie que par< la tradition et par des témoignages nous aurons

donc à nous en référer pour chacun des dialoguesde Platon, d'abord à la tradition commune, cons-

tante, et pour ainsi dire universellede l'antiquitéelle-est le seul garant de l'authenticité de la plupartde nos textes grecs et latins, et on n'a pas plus de

droit de la suspecter pour Platon que pour les au-

très auteurs classiques. Or cette tradition nous a

non-seulement transmis et les cataloguesde Platon

et lesouvràges conformes à ces catalogues, mais

elle nous montre Platon en publiant lui-même

quelques-uns dans sa jeunesse, et autorise la con-

jecture que la plupart ont été publiés par lui ou de

son vivant, puisqu'il fit une lecture publique du

(t) De~f~o~e. ~f~MM, iMi, p.39,43et 46.M.Wetc-kera dela peineà digérercesdeuxmots lus'sseethario-

tart")McA.Cj/c!t.t,VorM<fe,p.vm.

LESÉCRITSDE PLATON. 107

Phédon, que certains critiques comptent parmi les

derniers qui soient sortis de sa plume. Il n'était pasmort lorsque Hèrmodore, son disciple, entreprit, 1

commeune affaire industrielle, une édition, desti-t

née à la vente, qui semble avoir été générale, etqui,faite avec l'approbation de l'auteur (1), sans doute

sous ses yeux, avait été probablement revue parlui car on connaît le soin d'artiste qu'il apportaitases écrits. A sa mort, le seul ouvrage qui n'avait

pas vu le jour, les LoM~fut recopie par Philippe

d'Opunte, qui, dit-on, Ie~co~~e~a. par /MO-mis (2). Nous avons doncdci la.trace de la publica-tion originaire, faite ou par Platon, ou par Hermo-

dore, ou par Philippe. Ajoutons, avec M. Grote,

que l'École de Platon, établissement régulier, près- j

que institution de l'État, ayant son siège fixe, ses

règles de succession,sa fortune mobilière et immo*

(1)Cic.,JEp.ad Attic.,XHt,!t. « Placetnetibiedereinjussùmeo?HocneHermodorusquidemfaciebat,quiPiatonislibrossolitusestdtvutgareex quoXavo~M'Epjt6SMpo<~)mop6ù<TC[t'v

Zenob.,Prov.Cent.,V,6. &'EpjioSMpo;&xpo&Tï);Y~o~En~TM*voçxatTOU~&TC'a~TOS<TWTE9Stjt~OU!~OYt<fjtOUtXOjt~MVE!~StXe*M~~ttM~.C'estunvérttab)elibrairetravaiUantpourt'expor-tation.$impliciusnouaapprend,d'aprèsPorphyre,queDercyl.tation.Simpticiusnousapprend,d'âpresPorphyre,queDercyl-!idas,quidonna,lui aussi,uneéditiondePJaton,altéra,enJecopiant,unmotd'Hermodoretirédesonlivresur)ephilosophe:T~AspXU~MS~T<)'~8«KTtj)T~);U~tM~O;<pt~OTO~«!'Ëp-jtOËMpOfTOUnACttMVO~~MttpOU~EStVtrO!p6fYj:«~«V~X !Kpt nM.c

TM~o;«uToucuY~pct~;(Simptic.,ad~)'<!<.pAys.,f.54,ed.Br.~p.344,a 3i). Je nevoispascommentM.K. Hermanna putirerdecepassagelaconclusionqu'Hermodorenes'etaitoccupéquedelà publicationdes~Yp~oiSoYjtaTof.

(2)Oiog.L.,111,37.

i08 LES ÉCRITS DE PLATON.

fbiliëre, administrée et conduite d'abord par un

neveu, puis par un des plus chers disciplesde Pla-

'ton, n'a pas pu laisser périr l'oeuvre du maître.Si

l'on compare cette histoire avec celledes ouvrages

d'A~stpte, \par exemple, dont on connaît la tragi- i

qtfe~t errantc''aestinee, on sera déjà rassuré sur

fatûhenticité des textesplatoniciens.

Quant aux témoins directs, immédiats, nous n'en

n'avonsqu'un, mais il estconsidérableà tous égards,

puisqu'il a été le contemporain, le disciple, le rival

de Platon, et qu'on ne contestera pas ni sa compé-

tence, ni sa véracité, ni sa sagacité. Et cepen-dant Ast prétend qu'Aristote lui-même a pu être

~.trompe (1) il faut supposer alors que les falsifica-

tiens se sontproduites du vivant même de Platon,

et que la contrefaçondu style et des idéesa échappé

aux yeuxd'un disciple si compétent, et qui devaitles

bien connaître. D'ailleurs, ajoute l'éruditAIlemand,

on ne peut jamais être sûr qu'une citationd'un dia-

loguede Platonvient vraiment d'Aristote et n'est pasFœuvred'un interpolateur en effet commentprou--vercela? Maiscommentaussi prouver le contraire?2

A ce critique, quidoute de tout, ne pourrait-on de-

mander de justifier ce qu'il avance, et de démon-

trer non pas la possibilité en général d'une falsifi-

cation, mais de prendre un fait particulier et de.le

prouver réellement? Pour moi, j'avoue que des ou-

vragesque l'antiquité tout entière rapporte à Platon,

(1)PMotMf.e6ctt ScAft~ p. 464.Stc/t<KM<~)nmedef

~HfMOcAS~M~M~t'MM <?<?!<MMa<<M~C~C~fec~ CM.Be;ce<!/<c<'t)e/<mmMMi!.

LES ÉCRITSDE PLATON. i09

7

et que cite Aristote sont d'une authenticité inatta-

quable le Platon qu'il connaît est pour nous le

vrai Platon.

Plût au ciel qu'il eût cité nettement et clairement

tous les dialogues, et fût venu donner partout à la.

tradition la grave autorité de son témoignage! Il

n'en est pas malheureusement ainsi .d~~neuj~Mu-ment sont nommés ou indiqués pafKrÏstote, qui

désignerarement le titre, plus rarement encore le

nomde Fauteur. Ainsi /eF~~oM, le Phèdre,le Ban-

~M~, J~MOM,le Jt~&y~e, le Gorgias, ~Z~M<M,sont cités avec leur titre, mais sans le nomde l'au-

teur, clairement indiqué dans les trois premiers,

plus vaguement dans les autres. Au contraire le

Théétète; le Philèbe, ne sont pas désignés par leur

titre, mais Platon est nommé. Lesautres ne sont re-

connusque par des allusionsplus ou moins claires.

Quant à la République; au T~'M~e,aux ZoM~leur

authenticité est hors de toute atteinte, puisque leur

titre est accompagnédu nom de l'auteur ce quin'a pas empêché de contester à Platon et ~aRé-

pMM~Me~et~e2ÏM!e~et/esLoM(i).

(I)Fr.Thiersch.,Ann.de HMM,vol.111,p. 69,cited'unms.deiaBib).de Munich,cotéCXIII;f. x)tx, cesmotsd'un

auteuranonymed'une~e deJ'foc<M~T&'ETttwjjno~~oBeùet6

6E!o;nji6x~O;Bt&T~<E!p<)(<n;Q[tTK![;'~M\EtSEXCtita!n'0~ttE(o:<,~o:T~Tt-oMou~6~<:tMveu;,xct~j~ StKXoytXM;YEYpK~Sftttm!To{'<

N6(1.ou.ôsM 'ro ~,j'f6.SUe mottx6œÀÀEtV aJasignilicationdeNop.ou;S~SMtT~aùTo.Sile mot~xëmUM~a la signiticationde

~oBeùs~,cequeM.Stallbaumconteste,il n'yauraitpasà s'ar-rêterà l'affirmationde l'anonymequiprêteàProclus,sur l'au-thenticité~e ? ~~p!<Mt?Meet desLois,une opinioncontre-ditepar sescommentaires.Cettephrasedu ms.deViennese

HO LESÉCRITSDE PLATON.

Mais, parce qu'un dialogue même considérable

n'est pas cité par Aristote, est-il par cela même

suspect? Socher l'affirme, et, comme le Parmé-

nide est dans ce cas, il ne veut pas croire à l'au-

thenticité du Parménide. Le procédé critique d'A-

ristote ne ressemble guère à celui de l'érudition

allemande Aristote cite et critique Platon en bloc,dans.ensemble de'ses idées, et ne procède pas par

citations scrupuleuseset exactes; il va jusqu'à lui

faire un procès de tendance, et à l'accuser de théo-

ries, qui sont peut-être une conséquence de ses

principes, mais qu'on ne trouve nulle part dans ses

écrits. Étonnez-vous,après cela, qu'il ne produise

pas le titre de l'ouvrage, le chapitre, la page, l'édi-tion On peut dire que les grands ouvrages se

défendent d'eux-mêmes: on y reconnaît la griffe

du lion; tandis qu'Aristote cite des dialogues qui

nous paraissent peu considérables: ce qui prouve

que le peu de valeur d'un dialogue ne doit pas le

fendre suspect. Mais, encore une fois, quelle sin-

gulière question ~PourquoiAristote ne eite-t-il pas `-

le Parménide?PourquoiCicéronn'a-t-il pas nommé

7e.S'o~M<6,ni C~~&/ni 7%ee~e, ni le Poli-

~Mc, ni JPa~~Se, ni /ejPM< Qu'en sais-je? '}

Qui peùtle savoir? et qu'est-ce que cela prouve?

Maisr si Aristote est le seul contemporain qui

puisse déposer directement sur l'authenticité des

ouvrages de Platon) il est d'autres témoins très-

retrou~emotà mot !tU26~ëhap.des .Pfo~. A~.pAM.<?Platon.

LÈS ËCRH~BË PLATON. i

nombreux,compétents et contemporains, dont nous

ne pouvons pas dédaigner les témoignages, parce

qu'ils nous sont transmis par des intermédiaires, et

que leurs propres travaux sont perdus. Ainsi Dio-

gène de Laërte, Athénée 'et d'autres encore se

réfèrent dans leurs citations à Aristoxëne, Dicéar-

que, Héraclidedu Pont, Polémon, Théopompe, Du-

ris, qui avaient connu personnellement Platon, et

la production de ces sources nouspermet de croire

que, là même où ils ne les produisent pas expres-

sément,ils s'appuient sur elles,' ou sur des témoi-

gnages de mêmevaleur (1).Enun il nous reste encore deux autres autorités,

demoindrëvaleur sans doute, mais qui n'en doi-

vent pas moinsêtre respectées, tant qu'on n'a pasdémontréqu'elles sesont trompées.-

Ce sont les catalogues des écrits de Platon, don-

nés par Aristophane de Byzance et par Thrasylle.La première de ces listes tout incomplète qu'elle

est, ajoute six dialogues aux dix~neuf certifiés par"~

Aristote, et la derniëre, dix autres,"ce qui porte

(i) LaLlittéràtutePlaton étantdéjà,dansrahtiqUi.te,consi-defabte.VoicilesautofitesproduitesparDiogèneL.et Athé-née i Speosippe,dléarque,AnaxHaMe,Apo!todore,Hermippe;Nêanthës,Ath~nodorejDiCéarque,-Timothee,Hermodore;Aris-toxene,SatyMS,Onetor,A!<!ime,AntigonedeCariste~Favori-nus,Painphylas,Héraclide,Atistippe,Idoménée,HégesandrSdeDelphes,Theopompe(Athën;,XI, 507),Perséede Citium

(~tbén.,iy,J7;J)iog;L.,11,6, etVH,36~~ËL, JH,i?);NiciasdeNicée(Atheu.,XI,&d6,d.) CercvUidas,dontl'ou-

vragesurPlaton,assezpeutoya),avaitaumoinsxt livres(Sim"plic.,<t(~< My~f; S4,Br.,p.344~, L3&):

iH: LES ÉCRITSDEPLATON.

à triante-~nq le nombre des ouvrages de Pla-

ton (1)~Pour ne pas être des contemporains, les deuxper-

sonnages que nous venons de nommer n'en ont pas

moins, dans la question qui nous occupe, une com-

pétence reconnue et une autorité considérable ce

qui n'exclut pas du tout la possibilité ni le fait d'ail. (

leurs démontré de quelques erreurs.

Aristophane de Byzanceétait l'élève et fut le

successeur de Zénodote d'Ëphëse, qui avait été le

premier bibliothécaire officiel d'Alexandrie (2).Havait ouvert dans cette ville, sous Philopator, et

continué sousÉpiphane, la première écolede gram-maire et de critique. Son érudition immense s'était

portée plus spécialement sur la poésie (3), et parti-culièrement sur la poésie scénique. Maisil n'avait

négligé aucune des branches de l'art, aucun des

genres de l'ancienne littérature grecque, et nous

sommes en droit d'affirmer que nul n'était plus en

mesure d'appliquer aux textes de Platon les .prin-

cipesd'une sageet pénétrantecritique. Les résultats

de ses recherches sur Platon ne peuvent donc être

renversés que par des preuves expresses et ma-

nifestes. Il est d'ailleurs bien présumaMé, comme

(t) C'estlenombreadoptépar l'auteurdesProlégomènes,c.25,q'itadmetMssH66t6tralogtesd6ThTasyUe.

(2) Klippel,dasAlexandr.Museum.6o<Ht)y;,18S8.Ritschl,~<Mto~BresL,i838.

(3)Sestravauxsur Homèrelui avaientvalule surnomde

4'tMjMjpo;.Cf.Wolf,.Pfo! Onlai doit, dansla reprodactic"destextes,lessignesde('accentuationet delàponctuation.Cic..~eFtM.,5,l9;a<Mc.,XV),U;~Of~tn,33.

LES ËCR!TSDE PLATON. «3

l'a fait justement observer M. Grote, que la biblio-

thèqued'Alexandrie, qu'il était appelé à diriger et à

compléter,possédaitdes manuscrits authentiques et

complets de notre philosophe, car elle avait été

fondéepar Démétrius de Phalèrê, contemporain et `

amideXénocrate.deCrantoretdePolémon, disci-

ples et successeurs immédiats de Platon à l'Aca-

demie, qui ont pu lui fournir des copies exactes,correctes et complètes. Ge n'est là évidemment

qu'une conjecture, toute vraisemblable qu'elle pa-raisse(1) et elle ne détruirait pas, même si elle était

plus certaine, la possibilité de quelques erreurs. La

fraudequ'un critique commeAristophane lui-même

n'aurait peut-être pas toujours découverte, pouvaitn'en pas être la seule origine. Les plus honnêtes et

les plus pieux disciples de Platon ont pu, sans le

savoir et sans le vouloir, y contribuer. Dans l'état

où se trouvait alors l'art de publier les livres,,qu'yaurait-ild'étonnant que des ouvrages écrits par eux,dans l'esprit, dans la doctrine, dans la forme de

ceuxdu maître, aient été plus tard confondus avec

les siens?

Quelleétait la nature du travail d'Aristophane (2)

(t) Eltel'estdevenuebienplusencorepar ladécouvertedu

prof.J. Osann,qui a trouvé,dansunmanuscritdePlaute,à

Rome,unextraitducommentairedeCsecius(Cœcitius?),dontil traduitainsiun passage Cattimaque,enqualitéde MMio-\thécairedu roi,avaitécritlui-mémeles titressurchacundes{volumesdela bibliothèqued'Alexandrie.Cesoinsupposedesrecherchescritiquessur l'authenticitédesouvrageset desau-teurs.

(2)Panmtius,néverst96av.J.-C.,s'étaitaussioccupédePla-

LES ÉCRITSDE PbATON.ii~

sur Platon? Ëtait-ce une édition revue, corrigée,

complétée, expurgée, une édition critique enfin,

ot')p9M<TK;(i)? Rien ne nous l'indique, et, d'après les

termes de Diogène, nous ne pouvons penser qu'à

une classification méthodique des dialogues, d'après

ton, qu'il appelait l'Homère de la philosophie (Cic., ï*M.sc., 32),

dans l'intention d'adoucir la sévérité de la morale stoïcienne par

les principes de!'Académie/et de réconcilier le nouveau sto!-

cismeaveo ta vie (Cic., ~F<M.V, 28). Ses études sur Platon

durent le conduire à des recherches sur l'authenticité des dia-

logues, recherches que Diog. L. (H, 64, Ht, 38) atteste et cite,

et aoxqupUes il a dû, comme disciple de Cratès et d'Aristarque

(Strab., XIV, 993, c), méier des études grammaticales. Son dis-

ciple Posidonius fut iui-mëme uu commentateur de Platon (Sext.

Emp.; adv. Math., VI!, 93; Plut., de Anim.gener., c. xxn;

Proclus, in J'm'MeMM.,t. VI, *!&,où H est désigné sous le nom

de ex 'PoM ~tM<ro<pot;Hermias, !A jPA~ p. 114, Ast).

(f) M. Grote avance comme un fait certain qu'il y eut des

éditions de Platon données par les Alexandrins même avant celle

d'Aristophane, et il cite celle d'Antigène de Caryste, qui était

tonte récente, \'sM<r~exSo9e~Ta.Je crois que le savant historien

s'avance ici un peu légèrement. Longtemps après avoir fait

l'énumération des ouvrages de Platon,:Diogènede Laërte(HÏ, 66)décrit lessignes graphiques dont tes mMMsents.Étaient accom-

pagnés et qui en facilitaient la lecture et, âprescettédescription,

ilcOndut,TK ~<n)jtEM(TWMXKrTû[p(6~KTO(JKUTCt'5)ttp .EMTT!

Mot~Tat's!' Tt; ~6~eBM~S'~Oit;jtt<r9à'<~T~EtTOY<)t6XTT)ii.~Ot<.Il

s'agit de savoir a quoi se rappotte oncEp.Si, comme le croit

Ménage, et commele semble indiquer la suite des idées, il ne se

rapporte qu'à tn~eMt,ce sont alors ces caractères typographiques,

pour ainsi dire, qui. venaientd'être inventés, et dont on faisait

payer lacommunicatioR (M. Grote traduit ce qui donnait du

prix à ces éditions). Au casmêmeoù&tEp se rapporterait aux

deux motsptëMofet <n]t;.EM(,ceserait encore ces marques cri-

tiques, dont les iivres étaient accompagnés, qui seraient toutes

nouvelles. En somme, le fait d'éditions alexandrines de Piaton

antérieures à celle d'Aristophane est loin d'être certain.

LES ËCMTSDE PLATON. <iS

un certain ordre, classincationqui n'en oomprenait

qu'un petit nombre et ne nous fournit, par consé-

quent, qu'un catalogue incomplet. Son canon sans

doute les comprenait tous; mais ceux qu'il n'avait

pas fait entrer dans les cadres de sa distribution

savante ne nous ont point été mentionnés par Bio--

gène.Le travail de Thrasylle, plus complet, et même

°

tout à. fait complet,n'avait pas sans doute d'autre

objet quecelui d'Aristophane.Cepersonnage assez obscur, astrologue favoride

Tibère, versé dans toutes sortes de sciences, s'était

enfinplus spécialementadonné aux mathématiquesetà la phHosophiepIatonicienne(l). Ilne'semble pasavoireu l'intention de donner une édition meilleure,une récension critique du texte de Platon il a plu-tôt pour objet l'exégèse, commele dit expressément

Porphyre(2), qui, sous ce rapport, lui préfère inû-niment les travaux de Plotin. Aussi nous le voyons

faire pourPlaton ce qu'il avait déjà fait pour Dé-

mocrite ranger par ordre les dialogues, leur don-

ner deux titres, tirés l'un du personnage princi-

pal, l'autre du sujet traité (3), les distribuer mé-

(<)Schol.Juv.,Vf,576;Tadt-HM.,20;Sueton.;Mer-,(4;DioCass.,LV,11 Conf.K.Fr.Herm.,deMro~Ko.

(2)V<~M~XX.tO,~p&;<T«~MTepov~'yT]Tt'<.(sj*Ta~ëpMM<?Me, le Fan~«e<, le ,Sop/<M~ et le fo/M~Me,sontlesseulsquisontdésignes uniquementet le contenu.

sontlesseulsquisontdésignésuniquementparleurcontenu.Dansles autresle premiertitreest lé seulauthentiqueet ori-ginal,le secondestuneadditiondesgrammairienspostérieurs.Y.Woif,o(î Sympp.,XXXV;Morgënsteiu,ad Polit., p. 29;Ast.HMerA.s.7~p.3~3.

LESÉCRITSDE PLATON.H6

thodiquement dans une certaine classification, et

peut-être les accompagner également d'une espèce

de préface, d'introduction générale destinée à en

éclaircir les difficultés(i). Mais il est clair que le

choix d'un pareil critique, admettant dans son

canon et dans sa classificationun dialoguede Platon,lui donne, jusqu'à preuve contraire, la marque de

l'authenticité.

Voilà à l'aide de quelles autorités nous allons

établir la liste des ouvrages de Platon, en y joignantune brève analyse, et en séparant ceux qui sont

authentiques de ceux qui ne le sont pas.

§ 2. ARGUMENTS ANALYTIQUES DES DIALOGUES.

I. Écrits non authentiques.

-Jecommencepar ceuxque, d'un commun accord,

8jM~oYou(~M<(2), la tradition des anciens considérait

comme apocryphes, que ne cite pas Aristote, et qui

(t) Diog.L,, 57; tX,4i, 45,49, seg.«. ~<ruMoc T$~[[YpcMpoj~fjttà~pAT<)~&~e~<&<r<M~T<5vAi<)jtoxj)houptë~tMv.

(2)Diog.L.,in, 62.Prolegg.adPlat.phil.,c.26.<'Queissontlesdialoguessupposés?Toutlemonderecounattd'uncommunaccordt'tnauthenticiteduSisyphe,duDémodocus,de~/cyeN,de/ry.)'M.!etdesDéfinitions,qu'onattribueà Speusippe.

Proclusconsidèrecommeouvragessupposést'ptKOMM;2*LaRépublique,T&<Tto~tTeh~,parcequ'ily avaitbeaucoup

de discourset pasdedialogues3°LesZob,pari a mêmeraison.4°Il rejettequatrelettresdontiltrouvelestyletropsimple.»

~7LESËCRrrSDE PLATON.

7.

ne se trouvent compris ni dans le canon d'Aristo-

phane, ni dans celui de Thrasylle.

'J/'A~cyoM(1), ou de la Métamorphose.

Nicias de Nicée (2) et Favorin (3) attribuaient à

Léon l'Académicien ce dialogue, qu'on trouve quel-

quefois réuni aux œuvres de Lucien (4) c'est un en-

tretien de Chéréphon et de Socrate, où il est fait al-

lusion à la fabuleuse bigamie de ce dernier et qui

roule sur la puissance merveilleuse de la nature et

des dieux, à qui rien n'est impossible (5). Il ne faut

donc pas douter de la vérité de ces métamorphoses si

nombreuses et si étranges, et par exemple de la mé-

tamorphose de femmes en Alcyons, dont les mythes

nous racontent l'histoire; car, faibles mortels que

nous sommes, comment assigner des bornes à la

(t) Presque tous les dialogues, et tous les dialogues authen-

tiques, avaient reçu de Thrasylle et d'autres grammairiens des

sous-titres, que nous reproduisons; mais il ne faut pas oublier

qu'ils ne sont qu'une invention récente et arbitraire des criti-

ques, comme nous le dit Proclus, ad ~emp., p. 350, !tpo<9EMt;T5v vEMTcpMVTtjt~;ou<nct(oMto~au6~Tt<M.Conf. Diog. L., Ht, 57.

Fr. Ang, Wolf, ad Symp., p. xxvm; Schleiermacher, Préface

<!M~<MM'fMde Platon; Buttmann, Athen. ~y</M! ont traité

cette question.

(2) Athén., XI, 506, c.

(3~Diog. L., H!, 62, qui le place au nombre des ouvrages

apocryphes.

(4) Muret, t. l, p. 24t; Hemsterh., <t< Luc., t. r, p. 442;

Ranke, Pollux e<ZMetan.; QuedHnb., 1831, p. 15.

(5) C'est le seul ouvrage que M. &ousinn'ait pas compris dans

sa traduction.

H8 LES ECRITS DE PLATON.

puissance des immortels?C'est là unethéorieétran-

gère à Platon, qui se plaît plutôt à relever la sa-

gesse et la bonté de Dieu.

2. J/Aa?McAMS<ousurla Mort.

Dialogueentre Socrate, Clinias et Axiochus, quirenferme un morceau d'uneadmirable éloquence,

et qu'onpeut comparer, sous plus d'un rapport, ausermon de Bôssuet.

Considérécomme apocryphe par Diogène(l), cet

ouvrageest en effet presque un sermon sur la mort

et l'immortalité, que fait Socrate au lit d'Axiochus

mourant, auprès duquel il a été appelépar le filsdu

malade, Clinias, pour lui rendre unpeu de courage.Dans un langage d'une beauté éloquente, il lui dé-

montreque la vie n'est qu'un-voyage,et qu'il faut la

quitteravec deschantsde joie. L'hommen'est qu'uneâme qui a soif, désir et regret de l'éther dont elle

partage la nature immortelle, et il doit aspirer à

mourir pour revivre dans les chœurscélestes. Lavie

corporellen'estqu'une successionde maux et demi-

sëres, d'autant plus péniblequ'elle se prolonge plus

longtemps. Tardez-vous à payer votre dette;à la

nature, comme une prêteuse à la petitesemaine,elle vousredemande ce qu'elle vous a prêté d'orga-nes et de sens. Cen'est pas a la mort que nous mène

là mort c'est à l'immortalité. Celui qui a dépouillé

ces crainteschimériques et puériles devient un

homme nouveau qui plane déjà.dans les cieux.

(t)UJ,6~

LES ËCM'i'SDE PLATON. ~9

Je trouve M. K. Hermann (<) bien sévëre pourcemorceau qui n'a pas sans doute la grâce simplede Platon, mais qui a des qualités de style incon-

testables. II le trouve si faible qu'il ne veut pas le

confondre avec t'~toc~M~que Diogène(2)et Suidas

comptentau nombre des dialogues d'Eschine, et où

il devait être question d'Alcibiade qui, au rapportd'Athénée (3), y était flétri comme un ivrogne et

un libertin. Encore moins veut-il l'attribuer à Xé-

nocrate de Chalcédoine, qui avait écrit un livre sur

la mort (4). II se range donc à l'opinion de Mat-

thias (S) qui pense que l'ouvrage appartient à une

époquepostérieure, et que l'auteur a puisé ses idéesdans le célèbrelivre de Cranter sur le Deuil, et dans

desécrivains de cette écoleet de ce temps. A quel-

que époqueou écolequ'il ait appartenu, c'était, à

mon sens, un éloquent écrivain, quoiqu'on puissereconnaître danssontalent quelquechosed'oratoire,une grâce qui s'éloigne un peu de la simplicité de

Platon. L'édition bipontine de Platon dit à ce sujet

quelquesmotsauxquelsje souscrissouscette réserve

« Dignussahe Socratis discipulo Axiochusvel ipsoSocrate, nativa quadam gratia commendabDis, ex

(t) Ouvragecité, p.4ie.(2)H,61.(3)V,p. 220,C.(4)Diog.L., IV,12.Vande Wynpersse,danssadisserta-

tion~e~'emoc)'a/eCAft!Mdott!o,Leyde,1822,8, a réfutécetteopiniondeMarsileFicin,adoptéeparMuretet Vo~sius,de~M.,Sef'<c.i3.

(5)~n?tt~<Sc~n/V.,p.5)..

LESECRITSDE PLATON.120

ipsa ingenii animique humani indole ac fine repe-

titus, et ad mortem minus metuendam accommodà-

tus. H M.Boeckhle nomme le plus remarquable des

dialogues supposés, et reconnaît également qu'ilcontient «plura prorsus divinaet Platone haudqua-

quam indigna ». Quelquescritiques anciens l'attri-

buaient à Eschine le Socratique, d'autres à Xéno-

crate (i).

3. L'-Éryxiasour~'<:SM<f<t<e(2),oudela Richesse.

Les personnages de ce dialogue, outre Socrate,sont Ëryxias, .Érasistrate et Critias, et traitent en-

tre euxla question de la richesse. Socrate veut prou-ver que les plus sagessont vraiment les plus riches;mais sur l'observation d'Éryxias, que ce paradoxene peut être l'objet d'un entretien-utile, parce que

personne ne veut s'en laisser convaincre, on passeaux deux questions suivantes d'abord, dans quelcas la richesse est honorable, dans quel cas elle est

honteuse; et en secondlieu, est-ce un bien ou un

mal pour l'homme d'être riche, discussionqui ra-

mène indirectement, la première. On a voulu voir

dans ce paradoxe Le sage est le seul riche, une

preuve que l'ouvrage était d'un stoïcien (3); mais

il est tont aussi socratique que celui qu'on trouve

(t) Suid.v.

(2)Cesecondtitre,quinese trouvepasdansles manuscrits

dePlaton,est tiréducataloguedeDiogène,M,62.(3)C.H.Hagen.,Obss.in~E'~e~M~dialog.~«tjB'f~<M<M-

cribitur,Kônigsb.,1822,lIepart.,p.3.

LES ÉCRITSDE PLATON. <2<

dans le Banquet de Xénophon Le sage est le seul

qui soit vraiment beau. La démonstration est encore

tout à fait de la même école car elle se résume en

cespropositions Le sage est le seul à qui la richesse

puisse être utile, puisqu'il est le seul qui sache s'en

servir; c'est ainsi le seul pour lequel elle puisseêtre un bien, et, puisqu'elle est un bien pour lui

seul, il est le seul qui possèdele bien de la richesse

ou la richesse même. Meiners (1) a donc eu

raison, avec M.K. Fr. Hermann (2), de considérer

le fond comme socratique et platonicien. Il n'en

est pas de même de l'exécution qui est' obscure,

pénible, embarrassée. Suidas (3) compte cet ou-

vrage au nombre des dialogues d'Eschine mais

il ne figure pas, à ce titre, dans le catalogue de

Diogène.

4. DuJuste.

C'est un des deuxdialoguesquine portent paspourtitre le nom d'un personnage; l'interlocuteur de So-

crate, qui d'ailleurs joue un rôle insignifiantet niais,

n'est pas en effet nommé.On y démontre, avecpeude talent et de goût, la thèse platonicienne que la

Justice est unescience, qu'en tant que science elle

nedépend pas dé la volonté, que par conséquent on

n'est pas injuste, c'est-à-dire méchant, volontaire-

(1)~M.<te l'Acad.deC«M~ t782,tom.V,p.49.

(2) GMcA,M.Syst.,p. 4)6et 682.

(3)V.Ata~t~ Suidascommetici uneerreuren considé-rant!r~t<M et !nM~<r<!<ecommedeuxdialoguesdistincts.

LESËCRtTSDEPLATON:f22

ment. La maxime OME\X6)V'lrov'ljpo<ôô/)'dxi,¡vgo,lx0telformulée maxime oM~;~xMvT~poc,ouS'axM-~jjLaxap,formulée dans un vers îambique, est attribuée à un

poëte qui n'est pas désigné ici, et que je ne con-

nais pas.

S. LeDémodocus,oudelaDélibération.

Cet ouvrage n'a rien de platonique ni dans le

fond ni dans la forme il se compose de quatre

amplifications sophistiques, qui ne sont nullement

liées l'une a l'autre, où l'on aperçoit à peine dans

les mouvements de l'argumentation quelquestracesdu dialogue, et où l'on discute, d'après la méthode

dialectique, la valeurde certaines expressions em-

pruntées a la vie ordinaire. La première est suppo-sée adresséeà Démodocus,personnage considérable

à Athènes, et qui figuredans le Théagès il a fourni,sansaucune raison, le titre de ce recueilsophistique.La première pièce de cette espèce de tétralogie a

pour objet de montrer la contradiction,cachéemais

essentielle, qu~il y a dans l'idée de délibérer et de

tenirconseil. Dansla seconde on se demandesi,

pour connaître la vérité dans un sujet débattu, il est

nécessaired'entendre les deuxparties qui contestent,et s'il nesuffit pasd'entendre celle qui a raison. La

troisième développecette pensée, que les hommes

n'ont pas le droit d'accuser ceux qu'ils n'ont pu

persuader de n'être pas persuadés: c'est à eux-

mêmes qu'ils doivent s'en prendre de n'avoir passu persuader. Enfin, dans la.quatrième, on se de-

mande à qui il faut se Ser est-ce à nos concitoyens

LES ÉCRITSDE PLATON. )23

et à nos connaissances? ou à des gens que nous ne

connaissonspas? Maissi les uns sont dignes de foi

et instruits des choses, et les autres, non, quefaire?2

H est très-probable que nous n'avons ici quedes travaux d'école, des exercices dialectiques où

l'on se proposait d'imiter la manièrede Platon dans

l'argumentation et ladiscussionsubtile des formules

ordinaires de la vie pratique.

6. LeSisyphe,oude laDélibération.

Ce morceau, qui n'est pas plus platonicien que

!e-précédent, est du moins un dialogue entre So-crate et un personnage entièrement inconnu, du

nom de Sisyphe. On y reprend la première des

questions débattues dans le Démodocus Qu'est-ce

que délibérer? et elle est développée avec plusd'étendue. Si ondélibère sur ce qu'on sait, à quoibon délibérer? Maiscommentdélibérer sur ce qu'onne sait pas, et alors comment le trouver et savoir

qu'onl'a trouvé?En outre, l'objet de la délibération

étant une chose à venir, c'est-à-dire une chose quin'est pas et n'a pas par conséquent de nature propre,celui qui délibère est comme un archer, qui non-

seulement tire oùil veut, mais qui n'a pas de but

ou viser et où décochersa flèche. Commentattein-

dre ce qu'on ne voit pas, ce qu'on ne vise pas, ce

qui n'est pas? et comment peut-on dire et- croire

qu'il y a des personnes qui, dans la délibération,

donnent up conseilmeineur que d'autres ?

124 LES ÉCRITSDE PLATON.

7. Dela Vertu.

Ce morceau a plus de valeur on pourrait le

considérer, avec Socher (i), soit comme une es-

quisse soit comme un résumé du Ménon, dont il

reproduit la discussionavectous ses arguments, ses

mêmes exemples-et presque littéralement dans les

mêmes termes. Dans l'un comme dans l'autre de

ces dialogues, la solution est que la vertu n'est ni

un fruit de l'éducation, ni un don de la nature, et

que par conséquent elle ne peut être qu'un présentdes dieux, une grâce divine, 6~ ~o:pK.

8.ZesJMfMtMM,~Anx~ef;tt;.

Les Divisions, que mentionne Aristote (2), en y

ajoutant quelquefois le déterminatifYEYpcf~yat(3),

paraissent moins un ouvrage que certaines classifi-

cations utiles à l'enseignement, et conservées parécrit par les élèves, parce qu'elles présentaient le

plan, les divisions, l'ordre des matières, et for-

maient comme un programme abrégé de leurs

(t)f~cA~ p. iss.

(2)DeCM.et Corn.,H,3.(3) DePart. Anim.,1,2; Met.,IV,<1.Cettecollectionétait

doncanciennesi elleremontean tempsd'Aristote.Diog.L.,(V.23),lecataloguearabe(Biblioth.Casiri,I, p. 307);SimpH-cius(adCateg.,V,7;Schot.,tM~fMo<p.<7,b.4(}),attnbaentàilAristotelui-mêmeunouvragedecetitrequ'AlexandreetPhilopon(in .ArM.dégen.e<corrupt.,p. 50,b)supposentn'êtrequela

reproductionfaiteparAristotedeeleçonsoralesdePlaton.

LESÉCRITSDEPLATON. ~2S

cours. Nous les avons admises ici, bien que le texte

en soit perdu, parce que laXIII" lettre (i) de Pla-

ton, aussi bien qu'Aristote, les nomment et que

Diogène cite dans les oeuvresde Speusippe (2) et

deXénocrate un livre de Divisions semblables, ce

qui prouve au moins que cet ouvrage existait dans

l'ancienne Académie.

Dans les livres de la G~~c~oM et de la Corrup-

~'OM,Aristote dit que Parménide a posé deux prin-

cipesdeschosesetPlaton trois, et celaevM~S~pMe~,où il fait du principe intermédiaire, un mixte ro y&p

jjtMov~Yf~* Sur cepassage, Philopon (3) se de-

mande cequ'il faut entendre par là « Le commen-

tateur Alexandre, ajoute-t-il, dit que l'ouvrage quicircule sous ce nom de At<~ps<m;comme de Platon,

n'est pas authentique, ~eue- et il pense qu'Aris-tote fait allusion aux St~peo~ aux divisionsdu -S'o-

phiste. Il faut savoir d'abord qu'il n'y a pas d'ou-

vrage écrit de Platon qui porte ce nom ~p~nII~aTM~O;~M; 6TTtY6YpC(jJ!.j~OttOu<j)Ep<M-Mt[;et ce qui est

dit par Platon dans le Sophiste n'a aucun rapportavec ce qu'Aristote expose, dans notre passage.

L'objet qu'il se propose, c'est-à-dire de faire l'his-

toire des opinions différentes des philosophes sur

la nature, n'a aucun rapport avec les divisions

dialectiques du Sophiste. Il vaut donc mieux ad-

mettre la conjecture que fait en dernier lieu Alexan-

(1)P.360,b.

(2)Diog.L.,IV,5eH3.

(3)ScAo~.in~<i:<f.50,b.

LES ÉCRITSDEPLATON.06

dre c'est qu'Aristote veut. parler ici des "Ayp~x

Soy~KTotde Platon qu'Aristote lui-même avait mis

par écrit, et qu'il appelleAtottpeM~.Car c'est là

que Platon posait les trois principes le grand, le

petit et le principe intermédiaire. » Brandis(i),en

acceptant l'opinion de Philopon et d'Alexandre, y

ajoute cette autre interprétation, c'est quecesAtcft-

peT6t(;,identiques aux ~yp~x <w~.m:Œ,ne sont autre

choseque les livres d'Aristote ~r /e F!'eK,qui por-taient encore le titre: De /aPA~oso~/t:e; et ces

derniers seraient la rédaction des cours oraux

de Platon faite par Aristote. Malgré toutes ces

conjectures, je ne puis m'empêcher de recon-

naître, avec Trendelenburg, qu'en renvoyant les

Atatps~ttaux'ÂYpa~ctSoY~c'Tct,on explique l'obscur

par l'obscur: Le passage d'Aristote (2) où il est ques-tion deYeYpa~f/.svcft$t;!ttps-rE[<;ne peut guère s'appli-

quer. à Platonqui n'est pas nommé, puisqu'il s'agitde la divisiondes oiseauxen aquatiques et nonaqua-

tiques. C'est au plan de division et de classification

du Sophiste que se rapporterait encore le mieux ce

passage.

9.LËsJ)e~MtMm~°OpM.."'«!

Ménage s'étonne de ne pas voir dans les catalo-

gues de Diogène (3) ce petit écrit que Casaubon

(t)De~'nM<.M'M<p.i7.(2)DeJ'art. animal.,t, 9.

(3)AdDiog.L.Ut,6-

LESËCMTSDEPLATON. <2T

considérait comme authentique (i), non enim lis

assentiri debemus, qui temere et contra auctorita-

tem vetHstissimorum sccriptorum illum librum à

Platane abjudicant. ?Quoique cité par Ammo-

nius (2), nous le rejetons, comme M. F. Hermann,

mais par des raisons différentes; les nôtres, on

le sait, sont tout historiques; les cataloguesdes an-

ciensne mentionnent pas l'ouvrage,et, s'il setrouve

dans les manuscrits de Ptaton, c'est peut-être

par un de ces concours de circonstances qu'on ne

peut deviner. M. K. Fr. Hermannsuppose que c'est

pour remplir les dernières pages d'un manuscrit

qu'on n'aura pas voululaisser vides Mï/M~amva-

Cui,circonstance à laquelle nous devonsde voirplu-sieurs fois desouvrages de caractère, de temps et

d'auteur très-différents, réunis dans un même vo-

lume. M. Hermann en rejette l'authenticité, parce

qu'il y trouve des doctrines étrangères au platonis-

me, par exemple les déunitions des vertus rame-

nées à des habitudes, e~[<,point de vue péripatéti-cien. M.Socher y voit, sans beaucoup d'apparence,une espèced'indexaux écrits de Platon, maisnecroit

pas davantage à leur authenticité. On trouve une

collectionsemblable indiquée parmile cataloguedes

oeuvresde Speusippe(3) et une autre imprimée à la

suite des œuvres de Galien.

(1)AdMeo~f. Cafac~c. 2.

(2)Ammon.,de<H/vocab.,p. lio.(3)Diog.L., IV,5, et l'auteurdesPt'oMye~ènM,en niant

queles.D~!t)tMC)Mappartiennentà Platon,les rapportentex-

pressémentà Speusippe.jP)'o<e~.ad Plat. Phil.,c. 26.

LESÉCRITSDEPLATON.128

10.Les~(MKjMt~c-~M~,/es T/teon'M?:<Mtécrites.

J'arrive maintenant aux écrits qui, tout en étant

admis par Aristophane ou par Thrasylle, n'en ont

pas moins été, ou par eux-mêmesou par quelqueautre des critiques anciens, l'objet de doutes plusou moins justifiés.

Ou'étaient-ce que ces doctrines non écrites sur

lesquelleson a construit tant d'interprétations aventureuses et hasardées de la philosophie platoni-cienne? Aristote ne les cite expressément qu'unefois c'est dans le 4° chap. du IV*livre de la Phy-

sique (1). Après avoir soutenu que dans le Timée

Platon identifie la matière et le lieu des choses,Aristote ajoute qu'il emploie le mot participant,

jjma~TtTtxov,dans ce traité, en un tout autre sens

qu'il ne le fait dans ce qu'on appelle ses Doctrines

non écrites. Onsupposeen outre qu'il est fait allusion

dans le traité de /Mïe par les mots ev-rb~Tcept

<pt~oMOM<~eyo~ot!(2), à ce même ouvrage.De,cette citation il résulte évidemment,que du

temps d'Aristote ces Doctrines non écrites avaient

été fixéespar écrit, et qu'Aristote en considère Pla-

ton commel'auteur, ouau moins comme l'éditeur

responsable.

Thomiste, interprétant le passage de la Physiquecité plus haut (3), ne fait que répéter les termes de

(t) Phys.,IV,4; 4, trad. B. Saint-Hilaire,et éd.Tauchn.,JV,2,

(2) ~e~tttM.c. 2.(3)In Phys.,f. 37,b.

LES ÉCRITSDEPLATON. 129

son auteur, sans s'expliquer sur la source où ce der-

nier les emprunte.

Alexandred'Aphrodisie (1) mentionne deux fois

deslivresd'Aristote où les théories de ladyadeet des

Idées considérées comme nombres étaient exposées

et critiquées comme appartenant à Platon, et il

donne à ces livres les titres du Bien ou dela Philo-

so~At'e.Il est remarquable que ces livres, ~~o-

M~M<,ou Mpt-c~YctO<M),sontici attribués à Aristote (2),tandis qu'Aristote les attribue à Platon.

Simplicius s'en réfère au témoignage d'Alexan-

dre et ne faitguère quele citer ~et xe~5/À~;c[ySp<il ne dit pas (3) et ne fait nulle part supposer queces livres fussent entre ses mains. Dans un autre

passage de son commentaire, il donne cependant

quelques renseignements importants (4) « Platon,

dit-il, posait la dyade indéfinie et l'infini même,

(t) fMAfe<opA.,t, 6.

(2)L.l. 'ût~To~~tEptT&YctSouMyet'Apt<TOT~<)~etplusloin,in Met.,I, 7, 5 6~To~~epi(p~oTo~tit;efp~xs.

(3)Simp!.adPhys.,f. 32,b.; Schot.Br.,334.Alexandreditque,«suivantPlaton,t'uhest leprincipede tout,etceluidesIdéeselles-mêmes,avecta dyadeindénnie,qu'ilappelaitlegrandet le petit.C'estceque mentionneaussiAristotedansseslivressur leBien.OnpourraittrouvercettemêmedoctrinedansSpeusippe,Xénocrateet touslesautresquiassistaientàla leçondePlatonsurleBien,o?mxpeY~ovToT~rnpîT&Y<t9ouTounXottMDo~&xpMMt,cartousavaientgardéet fixéparécritsonsystème, B6~aùtoOcu~EYpK'j'Kv.Diogènede L.IV,4,attribueeneffetà Speusippeun traité~ept~t).o<io!)"ot<,età Xé-noerateplusieursquiportentlestitresde~eptcro~Ktt,Mptipt-~ose~Kt,~tpt'c&j'a96ti.

(4)Simpl.,inPhys.,f. t04b. w

i30 LESÉCRITSDEPLATON.

toohtetpov,jusque dans les êtres intelligibles, et il en.

tendait par~es innnis, amEtpK,le grand et le petit.

C'estia ce qu'il exposait dans ses entretiens sur le

Bien, ~T<)t;nep~KY<!(9oCXoYOt!,auxquels assistaient

Aristote,Héràclide, Hestiée et d'autres amisde Pla-

ton, qui écrivirent les leçons du maître, et même

sesparoles textuelles, &<~pp~, quoiqu'elles fassent

obscures et mêmeénigmatiques, ~tY~TMSM!~p~-OsvTtt.Jamblique s'est vantéd'éclaircir cette doctrine

qu'il a exposée dans son commentaire sur 7ePAz-

lêbe. )) Nous voyons ici l'affirmation formelle queles leçons. M~/eBien ont été réellement faites par

Platon, et rédigéesavec une exactitude presque tex-

tuelle par sesdisciples.Jean Philopon ne fait pas d'usage de ces docu-

ments, et ne les cite mêmepas dans son commen-

taire sur 7a Physique. Dans les scholies sur le

Traité de l'Ame, dont il n'est pascertain qu'il soit

l'auteur, sur ces mots d'Aristote ~o~c Sexcn Tôt;

tce~m~oTO(j){M;)teYo~ey6[!Snopt~~T)(i)~ Philopon ditqueleglivreSsur le Bien, qui ne sontqu'uaeautredéno-

mination de ceux ~Mr P~Mo~e, sont un ou-

vraged'Aristoteoù il fait connaîtreles opinionsïïonécrites de Platon T&q<~p<~ou~M~H~TM~o;80~ (2).

(t) Arist., de~Htm.,t, 2, oùPlatonest accuséd'avoirsou-tenu,comntedansle Timée quel'âmeest formëed'éléments,quele Vivantest forméde ridéede l'Unet de la premièrelongueur,largeuret profondeur.

(2)J. Philop.,in «e~MfM.,p.2, '[aMp!T&YCteou~yo-}<tt~pt (p~oTo~!a<M-rec.VoirBrand.,Lieper~M.i~M~,H&rt~,p. 49,oùil citeencoredesextraitsinéditsdequelques~o~Kt,

LES ÉCRITS[)E PLATON. t3t

Proclus mentionneégalementles ~yp~outttuVouj~

dePlaton(1), qu'il'ne semblépasnon plus avoireues

entre les mains. Gàlien est dans le même cas, etson témoignage est'assezcurieux pour être cité ici

« Quoique Platon ait écrit tant d'ouvrages, cepen-dant ses disciples prétendent qu'il y a en outre de

lui des 'A~pct~8oY[jM[t<x,et,puisque sur ce point nous

voulonsbien les en croire, pourquoi h'admettrions-

nouspas qu'Hippocratea laissé des enseignementsnonécrits? a

Mais, si toutes les citations que' nous venons de

réunir prouvent que des leçons de Platon avaient

été rédigées par Aristote, Speusippe, Xénocrate, et

d'autres encore, malgré l'affirmation gratuite de

Simplicius, qui prétend que c'étaient la reproduc-tion textuelle des enseignements du maître, nous

pouvonscontester leur exactitude, et cela avec le

témoignagede ce même Simplicius (2). « Comme

Aristote)dit-il, afnrme en maints endroits que'Pla-ton avaitposé le grand et le petit comme la matière,il est bonde savoir,que Porphyre raconte que Der-

cyllidas, dans son XP livre ~M?'la PA!/<Mo~'e de

F~oM, à l'endroitoùil. parle de la matière, avaitco-

piéeen la falsifiant, l'exposition d'Hermodore, dis-

ciplede Platon; cette expositionétait contenue dans

tirésduCommentaifede PMtopon.''Ot[msp!T&Yo:9o~ptë~to~<iu\"te(!;M{~pt<tTote~;TC[CctYpe«{)OU;Tou.n~ctTmwtSo~a;xaTOtïctTTe:

]tKtjte)I.VT)TOttTOUTUy'tOtYjJ.ttTO;~p. '[({-?' ~pt'}'UXY);,~OVO(<.Ct-~M'<CtÙTàxM~<pt<~tXf)Te~tKt..

(t~K~tm~p.~oS.~

(i:)APAys;,f.S4;Schol.Brand;,p.344;

LESÉCRITSDE PLATON.i32

son J?M<o:yede P/a~OK~et Hermodore y soutenait

que Platon, en affirmant l'indétermination innnie

de la matière, prouvait par là qu'elle appartient aux

chosessusceptiblesde plus et de moins, dont font

partie le grand et le petit. )) Orla rédaction ou du

moins la publication des 'Aypot~ctooY~orcctestattribuée

parfois à Hermodore, qui faisait métierde vendre

les écrits de Platon. C'est peut-être là qu'Aristote a

pris la doctrinequ'il attribue à Platon mais quelle

garantie avons-nous que cette exposition d'Hermo-

dore lui-même fût sincère, exacte, authentique?

Philopon, dans son commentaire sur le Traité de

Geîzeratione.etcoyyM~M)?ïe(l),parlant des AtatpM.t;de Platon, qu'Alexandre considère comme un ou-

vrage supposé, ajoute que, d'après ce même com-

mentateur, lorsqu'Aristote parle des~pMe S~~TK

de Platon, qui étaient des rédactions faites par Aris-tote lui-même il.les appelleA~tp~E~(2).

Ainsi,d'aprèsPhilopon,les AK~tpecettn' existentpas,et les*A~pc[<jMtSoYj~~sontune rédactionfaiteparAris-

tote des leçonsorales de Platon, que Brandis iden-

ti6e avecles livres ~M.~e~(3) comme Muret, Phi-

lopon etSimplicius, et que Petit et Buhle en distin-

(i) Aristot.,I. M,c. 3; Pbilop.!M~fM< i., f. 50,b;Brand.Deperdit.librisArist.,p. 12et 13.

(2) 'O'M~avBpo; (pxTXM~ TtEpt TM~ &YP" S°Y~~M~ tou n).x-

TMVO<MYSM T~ ~ptSTOTE).~ aTTtp OtÙT&t ~ptTTOTE~; &~SYpKteTO

XatTOtUTaxOtAeMStXtpStFEt;.

(3)Aristox.B<M'M.,i!,30.«Aristoteseplaisaità raconterle

désappointementde ceuxquiavaiententendula leçondeP)a-tonsurle Bien,~t!sp!T&YKeoM&xp6!!6TM.Ptutarq.,<K!p.Co~<p. Itts, ed.Françf.,faitattusionà cesrésumésdesleçonsde

LES ÉCRITSDE PLATON. J33

81

guent.TrendeIenburg (1)yvoitune terra :o<aquisert de refuge à tous tes commentateurs téméraires

ou embarrassés. Nous ne savons pas clairement

de qui était la rédaction ceuxqui parlent de ces li-

vres ne les ont pas vus, nous n'en avons pas con-

servéune ligne, nous n'en connaissonsexactement

ni les rédacteurs, ni les titres, ni le contenu, ni la

forme.Il est difficilede lesconsidérer comme desdo-

cuments authentiques sur lesquels on puisse fonder

une expositionsincère de la doctrine de Platon.

Il estvrai qu'Aristote les cite, mais une seule fois,et qu'il attribue & Platon une doctrine qu'on ne

retrouve pas dans les dialogues. On est parti de la

pour supposer que les 'ÂYpc~K~oYuu~contenaient

également l'exposition de ce pythagorisme, decette philosophiemystique des nombres qu'on re-

proche si sévèrementà Platon.

Je ferai remarquer, de quelquemanière qu'on les

entende, que les 'Ayp~etSoy~otMne sont pas un livre

écrit dela mainde Platon ce sont, ou des rédac-

tions faites par Aristote ou par quelque autre des

disciples dePlaton, Hermodore, Speusippe, Xého-

crate.

S'ils sontd'Aristote, quand celui-ci renvoie à ces

documents, il ne nous renvoie donc qu'à sa propre

interprétation; or, quellequesoit l'autorité légitimede ce grandesprit, je demandes'il n'est pas et ne

PlatonécritsparAristote,<~~p~ToT~; To!;n~xtM~xo:!Ef-

P~.

(l)JM~ott,de.Met~,p.t9.

LESÉCRITSDE PLATON.134

doit pas être suspect. C/MM~testis, testis nullus il

est le seul témoin, et de plus ce témoin est un rival,et on peut dire un adversaire.

Quel est le philosophequi, donnant en public un

enseignementdont la forme au moins est improvi-

sée, consentirait à être jugé sur les rédactions de

ses élèves,s'il neles a ni revues ni approuvées?Qui

voudrait juger la doctrine de Luther sur là foi du

témoignageunique de Bossuet?Il ne suffitpas pourêtre exactd'être compétent et sincère. Il y a des si-

tuations quiont des entraînements irrésistibles, plus

puissants que l'intelligence et le caractère, et quiles font fléchir également. Il est démontréqu'Aris-tote s'est trompégravement sur le sens de certaines

doctrines de Platon; ce ne sont'pas seulementles

modernes (i) qui l'ont reconnu~les commentateurs

grecs Alexandre et Syrianus (2) s'en étonnent et

s'en indignent. Quel fonds peut~ondonc faire sur

ces ~Yp~ctSoYjtMaqui sont perdus, et sur lesquelsnous n'avons le moyen d'exercer aucuncontrôle ni

aucune vérincation? S'ils sont de Speusippe et

de Xénocrate, ils ont peutr-être, s'il se peut, encore

moins d'autorité car il faut se rappeler que Platon

n'est pas responsable des doctrines deses disciples.Il paraît, en effet, certain qu'après la mort du maî-

tre, et peut-être même de sonvivant, certains disci-

ples de Platon tombèrent dans les excès de la doe-

(t) Britmdis,~ep<-nM<.?., p. 2<28-48;jPaMettJM<e«<<.

Fe<-tp.,p. 342.

(2)SeAo<Af<pi t B8;S<!pMh~pi2'

LES ÉCRITSDE PLATON. 138

trine desnombres. Je ne contestepas leur bonne foi,

s'ils ont fait remonterà leur maître les définitions

de l'âme et de l'idée qui les réduisent à des nom-

bres. Rédigeant sous l'influence d'opinions person-nelles des conversations ou des leçons improvisées,dont tout professeur connaît les entraînements, les

intempérances de langage et d'idées, ils ont pu voir

dans les paroles dumaître une pensée qui obsédait

leur propreesprit. La tendance mathématique, ré-

glée, dominée dans le grand esprit de Platon, par le

sens métaphysique dontil est si évidemment péné-

tré, l'a emporté chezdes intelligencesd'un ordre in-

férieur et d'une trempe.moins forte. Or ce sont pré-cisément Speusippe et Xénocrate qui ont pris la

directionde l'écolea. la mort de Platon, et ont con-

tinué son enseignement. Aristote a doncpu confon-

dre dans sa critique le maître et les disciples quiabusaient de son nom.

Il faut remarquer, en effet, qu'Aristote ne distin-

gue jamais très-clairement les théories propres à

Platon decellesdes platoniciens qui lui succèdent à

l'Académie. Particulièrement dans les derniers li-

vresde /aJMe~o~t~Me, et en général partout oMI

est question du Bien, des Idées, des nombres, Aris-

tote ne nommepersonne la plupart du temps,ce sont des désignations générales, des allusions

vagues et quelquefois très-obscures, que les com-

mentateurs d'Aristote, pour la plupart néo-platoni-

ciens, appliquaient au fondateur de l'Académie, et

qui peuvent toutaussi bien et'mieux être appliquéesaux premiers successeurs, Speusippe, et Xénocrate

LESÉCRITSDE PLATON.i36

surtout (~. Ainsi, on trouve à chaque instant les

formules C~~.M~KT~, &~pMIO;6Ej~tVO<,ot Se TtpMTOtTTOt~-

ocMT~,5 StoxpdtT~ ot M. Alexandre explique cet

ci Si (2) paroi Trep~n~TM~ mais, quoiqu'il soit exact

(1) Platon n'est pas nommé

t. ~Ate., i, 4, et Magn. Mor., t, 1, où il s'agit du rapport des

Mées au bien.

2. De ~KMtt.,I, 2, d'où l'on veut tirer la preuve que Platon a

fait de l'Un l'intelligence, et des nombres les Idées. Je m'é-

tonne que le savant traducteur d'Aristote ait ajouté deux

fois, dans sa version, le nom de Platon, qui ne se trouve pasdans le texte.

Dans la Métaphysique, on applique exclusivement et propre-ment à Platon les passages suivants où il n'est pas davantagenommé

111,3, où il est questionnes Idées.

H!~6, où l'on montre que c'est en' partant des nombres

qu'on a dû arriver aux Idées.

VI! 14 )Objections contre la théorie desIdées.

IX, 8~

XI, 1. Rapports des Idées aux nombres.

XI, 2. Contre les Idées séparables.

X!f,3. Contre les Idées en tant que genres.

XH~6. Contre les Idéesen tant q'uéprivées demouvement.–

Les Idées mles nombres ne peuvent produire ni

la quantité ni le continua

XIII. 9. Contre le nombre idéal distinct du nombre mathé-

matique.

XIV, 1. Contre ceux qui ont peseta dyade, o! t~ BumSa&6-

ptTTO~TtOKtWTEt,

où Trendelenburg, à qui j'emprunte ce catalogue, observej

avec raison <tAristotetesfortasse minus proprie respexit quidet quomodo Plato tradiderit, quam quod ejus discipuli statue-

rint..

(2) ?< XH1, 6; XH!9; Xin, 4,XÏV,3. On trouve dans

lÊratosthehe (dans Eutoc. ~c~Me~. de ~p~?-e~ C~ n, 2, cité

par Gruppe, Ueber Archytas, p. 120) l'expression o! ~apû: Tm

LESÉCRITSDEPLATON. <37

que dans l'usage de la langue grecque la formule

équivaut au nom substantif propre, elle n'a pour-

tant pasla significationrestrictive, exclusive, indi-

viduelledu nom singulier. Cequ'Aristote fait n'est

pas précisément une histoire; son but n'est pas de

découvrir a qui appartiennent telles ou telles doc-

trines son .intention est polémique, et sa polémi-

que s'attaque à la tendance générale d'une école

tout entière (i) dont Platon est pour lui l'éditeur

responsable; et, tantôt sous ce nom, tantôt sousdes

termescollectifset vagues, il désigne, sans lesdistin-

guer, les auteurs des théories qu'il repousse et qu'il

n'expose que pour mieux établir la sienne.

Nous ne pouvons donc considérer les 'ÀYpc~ot

Soy~Tctcommeun des documents originaux sur les-

quels on peut appuyer une interprétation sincère

de la doctrine propre à Platon.

H. L'BftppanjfMe,oudefAmoMfduamm.

Ce dialogue, admis par Thrasylle, est rejeté una-

niment par la critique allemande et par M. Cousin;

déjà Élien avait exprimé un doute sur l'authenti-

!MïM~ ~xa&f)~~M~TpM.et it nommeArchytaset Eu-doxus.

(i) Nousretrouvonsencoreailleurscesdésignations~une-ratesquienveloppentuneÉcoleentière,sanstenircomptedes

divergencessouventtrès-gravesqui s'y sontproduites.Ainsi,quandit s'agitdesPythagoriciens,ildirao!xc~ou~otnuSotyo-pe:«t,et, parcenom.,il fautentendreceqneDicéarque(.PM'-~)~yf.,V. 66)appeUe'!) <tûcTa<M;&~ûi<rK'?)<ruvt(xo~6u9t)'K«!OteuT<

LESÉCRITSDE PLATON.i38

cité de l'ouvrage (i). Les motifs sont toujours les

mêmes réminiscences des dialogues de Platon,absence de portée scientifique, de plan, d'enchaî-nement logique, infériorité d'exécution, surtout

dans la peinture des caractères; de plus ici l'inter-

locuteur de Socrate n'est même pas nommé, et le

nom d'Hipparque donné au dialogue vient de quel-

quesdétails intéressants et curieux sur la personnede ce prince. Stallbaumveut bien reconnaître ce-

pendant que la langue du moins est saine et dela

bonne époque. Pourmoi,je réponds aussi toujoursavec le même argument. Le sujet est très-socrati-

que et platonicien tout gain enferme ridée vraie

ou faussede l'utile et du bien, et est par conséquent

naturel, légitime, universellement désiré et dé-

sirable. Tant qu'on ne m'aura pas prouvé que Pla-ton n'a pu produire que des œuvres d'une égale

profondeur, d'une égale portée scientifique, d'une

même force dialectique, d'une même perfection

esthétique, toutes ces preuves internes seront pourmoi sans valeur. Quandil s'agit d'histoire, il faut des

preuves historiques c'est-à-dire des faits. Si ces

preuves manquaient aux productions de nos écri-

vainscontemporains, la critique allemande leur au-

rait bien vite enlevé, avec ses arguments internes,

plus de la moitié 'de leurs ouvrages. M. Boeckh

a donné une édition spéciale de ce petit dialogue,

qui sembleune œuvre de jeunesse et comme un de

(1)H. V., J.VIH,?. E: &1<S~i!XO< O~TN-~!<TTtTqiS'<T'.

LES ÉCRITSDE PLATON. <39

cespremiersessais où tâtonne le génie qui s'ignore

encore et cherche sa voie, et il l'attribue, ainsi queleMinos, au cordonnier Simon tandis que M. K.

Fr. Hermann les donnea. l'ÉrétrienPasiphon (i).

12.L'AlcibiadeII, CM<!elaPrière.

Quoique cité par Élien (2), Athénée (3) et Dio-

gëne de Laërte (4), il est rejeté unanimement par

Schleiermacher, Ast, Socher, Buttmann, V. Cou-

sin, K. Fr. Hermann, C. Steinhart et Stallbaum.

Le but du dialogue admis par Thrasylle, qui en

fait la secondepièce de la quatrième tétralogie, est

cependant très-socratique il s'agit de montrer par

l'exempled'AIcibiade qu'avant de prier les dieux et

de leur faire des vœux, il faut acquérir la sagesseet

la vertu, d'abord pour nous les rendre propices,ensuitepour savoirles choses qui nous peuvent être

réellement utiles or il n'y a de vraiment utile

que ce qui est universellement et vraiment bon;demandons uniquement donc ces vrais biens, et

laissons à leur providence le soin de disposer des

autres (S).

(t)<?MC~.«. ~y~.d..PM.f/p~ p. 4i!).

(2)F.V.,V!7.(3)XI,p.506,C.(4)Diog.L.,111,59.

(5)C'estladoctrinede P)aton,cf.C/MfMt.,174,c.; Gorg.,468,d.; ~9' 687,c., et c'estaussicellede Socrate,Xen.,JM~m.,1,2,3.« Lesdieuxsaventseulsquelleschosessontvraimentbonnes;il fautdonc,enpnant.leur demander~imptemen~.dpnousdonnerdeschosesbonnes.

LES ÉCRITSDE PLATON.~40

L'exécutionrévèle, dit-on, bien des faiblesses,des

taches, despensées contradictoires à cellesde Pla-

ton la discussion est languissante, diffuse,rempliede repétitions inutiles, d'obscurités, de longs dis-

cours de Socrate, contrairement à la méthode habi-

tuellede Platon; le style est dépourvude grâce, d'es-

prit, d'ironie, demouvement même. Tout celane me

persuade pas complétement. D'abord, quant aux

contradictions, voici en quoi elles consistent. So-

crate, pour prouver sa thèse, avance que les dieux

pourraient bien, pour punir l'imprudent qui lés

sollicite, lui envoyer des maux au lieu de bieps,comme ils ont fait à OEdipe ce qui est opposé à la

doctrine de la République (t), où il est dit que les

dieux ne sont cause d'aucun des maux qui arrivent v

à l'homme il ajoute qu'en certain cas l'ignoranceserait moins nuisible à l'homme que la science,

comme le prouve l'exemple d'Oreste, à qui il n'a

certes pas été utile de'savoir qui était sa mère ce

qui est contraire à la doctrine la mieux établie de

Platon. Je trouve que c'est attacher à une œuvre-

bien légère une trop grosse importance eh quoi!

pour prouver qu'il faut être réservé dans les prièresà faire aux dieux, Platon ne pouvait pas, dans une

conversation si courte, faire usage des arguments

que lui fournissait la croyance de son pays, de son

temps, et que partage son interlocuteur? Ne peut-il

pas se placer un instant au point de vue de celui

qu'il interroge, et ya-t-il dans ces arguments de po-

(t) H,p. 379,C.

LES ÉCRITSDR PLATON, i4i

lémiquerien qui ressemble à une contradiction des

grands principes philosophiques de Platon? Quoi-

que la mention de la mortd'ArchéIaûs semble met-

tre la compositionou la révision dece petit morceau

après la mort de Socrate, cela ne change rien au

fond à ce que je viens de dire et, quant à la propo-sition que la science est quelquefois plus nuisible

que l'ignorance, neyien~ellepas se lier à cette pro-

position éminemment socratique, que la science,sans la sciencedu bien, est rarement utile? Les rap-

prochements que signale M. K. Fr. Hermann, en-

tre l'Alcibiade/et l'Alcibiade 77, et qui lui parais-sent des emprunts et des répétitions, ne m'ont pas

paru avoir ce caractère, et ne me surprennent pasd'ailleurs dans un ouvrage du même auteur. Ne

pourrait-on pas dire qu'un faussaire aurait eu bien

certainement assez d'esprit pour les éviter? Enfin,

quant au style et à la langue, où M. StaUbaum re-

lève commedes incorrections ou au moins des tours

sans grâce et sans élégance les phrases suivantes

xattS~AK&)ot~oyo~-couTOt!;etSït ev~(j!e~6~npotTK~TOt(1),

quand on accorderait le bien fondé de la critique,ellesn'ont pas empêchéThrasylle et le grand gram-mairien Aristophane de Byzance d'attribuer l'ou-

vrage à Platon. Pourquoi serions-nous plus diffi-

ciles, et qui oserait; en faitde langue, se croire plus

compétent?

(1)Alcib.Il, 150 b.,et encore15t,b.HSeM;o~fSot~6e-

~t~M ~<xuT~,locution,il estvrai,un peuétrange;maisellen'étonnepasun Français,qui a danssa langueletour ana-

logue.

i42 LES ÉCRITSDEPLATON.

Biester, en 1789, a donné une édition spécialede l'Alcibiade I et de 'l'Alcibiade II, réunis au

Ménonet au Criton; cette édition a été réimprimée,revue et augmentée de notes précieuses par But-

tmann, i8il à 1822.

~3. L6S~t.N!OK<s(i),oM<!e/cF/M~osopMe.

Dialoguedu genre narratif, où Socrate raconte à

ses auditeurs non nommés un entretien qu'il a eu

dans l'écoie de Denys le Grammairien, maître de

grammaire de Platon, suivant Olympiodore, avec

deuxjeunes gens dontl'un est tout entier à la gym-

nastique et l'autre tout à la'philosophie.H est divisé en deux parties. Dans la première

Socrate prouve que la philosophiene consiste pas à

tout apprendre car une trop grande quantité de

connaissances et d'études, sans précision et sans

profondeur, est peuutile, et la philosophie est sans

doute chose utiie. Dans la seconde, il s'attache à

prouver que la philosophie doit êtrecherchée dans

la justice unie avec la tempérance ou la sagesse,

e(.)!j)p<Mu~,qui nous permet de châtier et de rendre

meilleurs les autres hommes; mais pour cela il faut

les connaître,et, pour connaître les hommes,il faut

se connaître soi-même, puisque chacun de nous est

homme. Alors seulement le philosophe réalisera

l'idée entière du beau nom qu'il porte, et sera le

bon roi, le général habile, l'honorable père de

(t) Letitreest 'Epetc~dansOlympiodore,et ~TMMTmcheztouslesautresauteurs.

'dans Ét!4vrepacrTatche7,touslesautresauteurs.

LES ÉCRITSDE PLATON. 143

famille. En un mot la vraie philosophie est dans la

morale, et sa.portée et ses limites sont celles de la

morale elle-même (i). On n'élève aucune critiquecontre la langue et le style de ce petit morceau, où

brillent la pureté, la correction, la grâce de Platon

ou de Xénophon. C'est dans l'imperfection de la

discussionrn~êrnequ'on va chercher les argumentscontre l'authenticité. Les personnages n'ont pas ici

dephysionomie caractérisée, et de figure expressiveet accentuée on jl'aperçoit pas le sel de l'ironie

platonicienne; la vertu de .lajustice est confondue

avecl'institution politique judiciaire; on attribue à

la <TM<j)poou~)la vertu par laquelle l'homme se con-

naît lui-même enfin toute la phitosophie est ra"

menée à la notion d'utilité, ce qui est contraire a

l'opinion des grands dialogues de Platon. Voilà

pourquoi Schleiermàcher, Ast, Spcher, Stallbaum

etM. Cousin rejettent ce dialogue dans la classedes

œuvressupposées. Les raisons données me parais-

sent faibles, et la mèilleure,au point de vuehisto-

rique, c'est que Thrasylle doutait déjà.de l'authen-

ticité (2); ce qui ne l'a pas empêché de l'admettre

dans son catalogue, où il formela deuxièmepiècede la quatrième tétralogie.

(t)M.V. Gqasin,(2)Diog.L.,tX, 37.EMt:p01&v'Mpet<rta!!iMTM~<e!<rt,~o!

6pCt<TU~O{.

m LESÉCRITSDE PLATON.

Il. LesDialoguesauthentiques.

L~ ouvrages que nous allons citer maintenant

sont unanimement reconnus comme authentiques

par las anciens, ou du moins aucun soupçon n e s'est

élevé dans l'antiquité contre eux. La critique mo-

derne ne lesattaque qu'avecdes arguments internes,dont

j'ai déjà plusieurs fois décliné la compétenceet contesté la valeur; sauf pour les Lettres, ils me

semblent insuffisants à détruire les preuves de fait

tirées del'accord de la tradition, et des témoignages

d'Aris~ote,d'Aristophane, de Thrasylle et des autres

écrivainsde l'antiquité.

<4.L'Hippias,oMduMensonge.

fi Les interlocuteursdu dialogue sont Socrate, Hip-

pias, le sophiste d'Élis, dont le savoir encyclopédi-

que est signalé avec quelque ironie, et un troisième

personnage, Eudicus (i), aussi inconnu qu'Apé-mantus son père, et qui a donné l'hospitalité à Hip-

pias. La scène a lieu dans la maison d'Eùdicus;

après une leçon d'Hippias sur les poëtes'et particu-culièrement sur Homère, qui avait attiré beaucoupde monde, le dialogue se continue devant un petitnombre d'auditeurs restés après la grande représen-tation. Le dialogue, classéparmi les réfutatifs, est

le deuxièmede la septième Tétralogie de Thrasylle.

(t) NouslevoyonsdaMMHpp.\f,p. 286,commeunadmira-teurd'Hippias.

LES ÉCRITSDEPLATON. 145

!)

W

Il est consacré a la discussion des deux proposi-tions i° Que celui qui est capable de mentir sur

un sujet quelconque doit le comprendre, et, par

conséquent, est capable de dire la vérité 2° Queceluiqui ment sciemmentet volontairementestmo-

ralement supérieur à celui qui ment sans le savoir

et le vouloir. On a voulu voir là (1) un grossier pa-radoxeet un sophisme immoral et impie. La fai-

blessedes raisonnements et le principe maigre et

sophistiquesur lequel ils s'appuientontportéM. Cou-

sin, dans sonbelargument, àdouter de l'authenticité

de ce dialogue. Quant au principe, je crois qu'il se

ramèneàcette proposition très-peu paradoxale, quela moralité repose essentiellement sur la liberté

et l'intelligence de l'agent; principe qui aboutit

à cette doctrine de Platon le méchant est un in-

sensé. L'homme étranger aux lumières de la cons-

cience,à ses joies et à ses troubles, à ses scrupuleset à ses remords, n'est plus.un homme. Avoir la

consciencede la loi qu'on viole et le sentiment du

bien qu'on outrage, c'est assurément un degré de

moralitésupérieur à l'état d'un être pour qui il n'y a

pi loi ni Hen,et qui n'a ni intention, ni conscience,ni intelligence de ce qu'il fait (2). Quant à la forme,

(1)Arist.,Met.,V,c. 29.

(2)Ona d'autantmoinsledroitdecontestercettedoctrine,vraimentsocratiqueetplatonicienne,qu'ellese rattacheà la

grandethéoriequela vertuestunescience,et qu'onla trouvedansles~MmoraMMdeXénophon,où elleest exposéedans

Mentretiënd'EnthydëmeavecSocrate,IV,2-14 c'est vraimentpousserledouteàseslimitesextrêmesquederetournercefait

LESÉCRITSDE PLATON.146

il faudrait, pourle rejeter, admettre pour critérium

que Platun n'a pu écrire que des chefs-d'œuvre, et

que tout ouvrage d'une composition inférieure ne

saurait lui être attribué. Or qui oserait proposer ce

principe, quand Aristote(i), Cicéron (2), Alexan-

dre d'Aphrodisie (3), citent comme authentique le

dialogue suspecté? D'ailleurs je trouve M.Cousinet

M. Zeller bien sévères dans leurs jugements sur

l'exécution de l'ouvrage.'qui ne me paraît ni aussi

mesquin, ni aussi pauvre de raison, de sel et d'iro-

nie qu'ils l'ont fait. Un bon juge y voyait un fond

vraiment socratique, et dans la forme un tableau

rempli des traits les plus fins de l'ironie platoni-cienne(4). Celan'a pas empêchéAst (5), Schleier-

macher (6) et Zeller (7) de contester l'authenticité

soutenue par Stallbaum (8), Hermann (9), So-

contrel'authenticitédudialogue,et deprétendrequesiPlatonavaitcru devoirempruntercettepropositionà sonmaitre,ill'auraitdéveloppée,comptétée,rectifiée',et ne se seraitpasboMéà la reproduireavecsonfauxairdesophisme.

(1)J)Ve<V,120.Platonn'estpasnommédansletexte,mais.il l'estdansle commentaired'Alexandre.

(2)Ora<lU,32.(3)~~e< V.<20..

(4)M.K.F. Hermann,Gesch.M.S~< l'appellediesesM~tMCaberaechtsocratischeundmMdenfeinsteh.ZMjireK~~onMcAe)'IronieausgeführteC~MMe.Ast,au contraire,Platon'sLeben,p. 462,le trouvetout à faitMMoA)'a<MC/et le qualifiederéfutationsophistiquedusophisteHippias;

(5)P. 46S.

(6)T.11,p. 291.(7) .Ka<. S<M~ p. 150.

(6) Pro~. a~ ~p., )1.

(9)Z.<.~MF~'a;

I~S ËCRtTSDE PLATON.

cher (1), Steinhart (2) et Susemihl (3). Je ne

connaispas d'édition spéciale de ce petit ouvrage,

queM. StaUbaumest le premier et, je crois, le seul

à avoir commenté.

iU. LesLettres.

Le recueil des Lettres comprend, dans les édi-

tions ordinaires, treizepièces; mais M. K.-Fr.Her-

mann en ajoute dans son édition cinq autres sans

suscription, dont trois avaient été déjà publiées,maisséparément, par Orelli (4), et les deux autres

par Boissonade(5). Elles sont admises comme au-

thentiques par toute l'antiquité. Thrasylle en fait la

quatrièmepièce de sa neuvièmetétralogie, et Aris-

tophanela troisième de sa cinquième trilogie; Ci-

céron (6), Plutarque (7), Athénée (8), Élien et

beaucoupd'autres les citent sans exprimer le moin-

dre doute. Cependant, tout en les considérant

commeauthentiques, les anciens ont bien vu quece ne sont pas là de vraies correspondances, mais

descompositions en tête desquelles on s'est borné

(t) P. 144.

(2)Trad,ali.deM&tle~,t. f, p. <<

(3)Genet.,.MmtcA.d. Plat.jMH., p. il.(4) Socr. e~&)Ct'a~c.,jEpM~ Leips., 18)5,

(5)~Mee~.Gr.cc.,vol.)î,p. 84et 2H.

(6).Ep.adfam., t, 9,oùil citelaVclettre;deFin.,11,28,oùil citetaVil';de0~ t, 7; deFin.,It, 14,oùit rappellelaIX°cequiprouvequele recueilétaitdéjàformeetcomplet.

(7)DeDiM.~MM.,p.09.etFt<)wt.(8)Athén.,XII,527,c.

LES ÉCRITSDE PLATON.<48

à mettre le ~pE~(l), et qui n'ont ni l'éloquenced'un grand écrivain, ni le caractère du style épisto-laire (2). Ce n'est qu'une forme artificielle don-

née à des renseignements historiques sur la vie,la personne et les doctrines de Platon et c'est là

la principale raison qui me les rend très-suspec-tes (3). Il ne m'est pas possible d'admettre que

Platon, qui a été si sobre, si avare, dans ses ou-

vrages, d'informations sur lui-même, ait composé

exprèsces espècesde mémoires sous une forme quidevait être peu de son goût.

La lettre, constituée et traitée comme une forme

littéraire destinée à l'exposition d'idées morales,

scientifiques ou philosophiques (4), est une inven-

tion des sophistes, et il paraît peu naturel d'admet-

tre que Platon ait si volontiers admis et mis à pro-fit cette innovation récente et un peu artificielle.

Ce n'est que beaucoup plus tard que la lettre est

devenue un vrai genre littéraire; aussi tous les re-

cueils de cette nature qui remontent à l'époque de

Platon sont-ils sujets à.des doutes fondés et univer-

(1)Dëmétr.,<~.Moe.,c. 228.SuyYpKjttMtTotT&~'P~f~~MttpOYEYp<tjJt.[).~OV,XOtOMEpt0[nMtTM'/0<TM~M.

(2) Phot., Ep. 207. 'Tro~ Te tY); EMtWv ).OYt6'n;TO;xet Tou lm-

OTO~jta!ou TÙTou &M~ehto'/T(M.

(3)Conf.,sur ce sujet Ast,f/o~. Ze6.,p. 504; Herm.,OMC.cité,p. 422et 590;Weigand,Ept<<o<.~!<a:\P/o<.nominevulgo~!M'Mn<w;Giessen,1818,8; Salomon,dePlat. quxfe-<'M!!<MfepMÏoM~,1835,4.Berlin.

(4)Otéar.,tKOrelliSocrat.,~pM<p. 402.«yidenturmibiomninoepistolœHiaBexearumgenereesseqsaealiquidcum~sTcmsophistarumhabentescognationis.

LES ÉCRITSDE PLATON. 149

sels (1). En outre, on ne comprend guère comment

Platon, en admettant qu'il ait fait le recueil de ses

lettres, y ait conservécelle qui l'ouvre, qui n'est ni

écrite par lui, ni adressée à lui, mais qui est de

Dion Denys. Le contenu de ces lettres en trahit

l'origine au premier regard. Ne parlons pas de la

première, qui n'est pas attribuée ni adressée à Pla-

ton. La seconde, adressée à Denys, renferme des

idéesbien peu platoniques. par exemple, cette idée

bizarre que la sagesse et la tyrannie sont faites pour

s'aimer et s'unir, et quele tyran comme le philoso-

phe trouvent dans ce commerce intime chacun leur

profit et leur gloire (p. 3H, e.). Qui supposera ja-mais que Platon ait écrit cette phrase d'une vanité

outrecuidante et ridicule «Je suis venu en Sicile

avec la réputation du plus illustre philosophe de

montemps?))» L'opinionque la philosophie est chose

mystérieuse et doit être enseignée dans le secret et

sous le voile d'un impénétrable symbole (2) à un

(t) BenHey.Bpt~.jP/M:<<M-M.(2)C'estlà quesetrouvelaphrasecélèbre,p.3<a,d Tout

estautourduroidetout; il estla finde tout; il estla causedetoutebeautécequiestdusecondordreest autourdusecond

principe;et cequiestdu troisièmeordre,autourdutroisième

principe. LesAlexandrinset lesPP.del'ÉgliseontsouventcitecepassageconjointementavecceluidelalettreVI,p.323,d,pourmontrer,dansl'antiquitémême,destracesdudogmedelaTrinité.S.Just.,Mart.Apol.,I, 60,p. 8l, c.; Athënag.,

pro CAM~p. 301 Clém.d'Alex.,CoAo~.ad Gent.,45,c, p. 60 (Sylb.),et Strom.,V, 10, p. 598,Quelques-unsvoyaient;danslepremierprincipe,leBien;dansle second,le

Démiurge;dansle troisième,l'Amedu monde.Conf.Cyrill.,

150 LES ÉCRITSDE PLATON.

petit nombred'élus et d'initiés, est contraire à la

vraie penséede Platon; et l'origine suspecte du do-

cumentest manifeste lorsqu'on fait dire à ce fécond

écrivain de tant de chefs-d'œuvre «Aie soin dene

rien écrire sur ces matières, car le papier peut lais-

ser échapper nos secrets. Aussi n'ai-je jamais rien

écrit; il n'y a et il n'y aura jamais aucun ouvrageécrit de la main de Platon, et les ouvrages qu'on

m'attribuesont de Socrate, quandil était jeuneet

déjà remarquable par sa sagesse. » Cette doubleas-

sertion, qui contient une double erreur manifeste,suffit à compromettre, ou plutôt ruine l'autorité de

tout le recueil deslettres.

La troisièmelettre, à Denys, est une apologiede

Platon, qui expliqueles motifs desondoublevoyageà Syracuse et où il nie formellementavoir donné à

Denysle conseil de ne pas rétablir la liberté dans les

villesgrecques de la Sicile. Le style, moins pénibleet moins diffus que celui de la deuxième, semble

indiquer une autre main, et elle paraît avoir pourbut de défendre la conduite et les idées politiquesde Platon contre de malveillantes imputations.Commela septièmeet la huitième, elledonne sur la

personne du maître des renseignements tellement

circonstanciés, et avec un tel accent de sincérité,

qu'on,pourrait, avecM.Hermann,les supposer de la

main de Speusippe, ou de quelque' autre disciplenon moins versé dans sonintimité.

a~.VM7.,I, 3t, b.; V)H,271,à.; Eusëb.,P~p. VU,<3,p. 323,etd'autresencorecité:parAst,p. 5<o.

LES ÉCRITSDE PLATON. ioi1

Laquatrième, à Dion, lui témoigne l'intérêt qu'il

prend son entreprise, l'encourage à imiter les

grands politiques pour s'acquérir un nom glorieux,et le prie de lui donner sur ses affaires des ren-

seignementsprécis et certains lettre banale et

vide, et où l'on trouve des sentiments peu dignesde Platon et des idées peu conformes à sa philo-

sophie.La cinquième, à Perdiccas, probablement Perdic-

cas III, roi de Macédoine,lui donne le conseil d'u-

tiliserles servicesd'un personnagenommé Kuphrée,etexplique commentPtatoh, qui donne volontiers

des conseilspolitiques aux princes, n'a pas cru pou-voir se mêler des affaires de son pays. Ficin, ob-

servantqu'il est ici parlé de Platon à la troisième

personne, supposait que la lettre était écrite parDion.

La sixième, à Herméas, Êrastos et Coriscos,leur conseille de lier entre eux une indissoluble

amitié. Elle a une allore mystique,pythagorique,et Platon y joue le rôle d'un supérieur de couvent.

C'est là quese trouve, p. 323,d., le fameux passageoù Dieu est appeléle Guide, ~ye~a, de tout ce quiestet qui sera, et où l'on invoque le Maître, père de

ce Guide et de cette Cause, To~e~Ys~o<xott~rfou

~KT~-xxuptov.Langage et idées, tout est étran-

ger à Platon. Les citations nombreuses de cette

phrase, comme de cellede la deuxièmelettre, pour-raient faire supposer un auteur chrétien ou juif;les unset les autres cherchaient, en effet,dansl'anti-

quité grecque, des autorités et des précédentsà leur

i52 LESÉCRITSDE PLATON.

conception de la Divinité, et ne craignaient pasd'en fabriquer (1).

La septième, adressée aux amisde DIon, a un-ca-

ractère apologétique évident, et veut rendre raison

desvoyages de Platon à Syracuse, et deses rapportsavec le tyran. Ce nMmoire justificatif très-étendu

contient d'intéressants détails sur les événements

de la Sicile, et le rôle qu'y joua Platon. L'auteur

y raconte l'exil de Dion,l'aifranchissementdesSyra-

cusai-ns~lamort de leur libérateur assassiné par des

traîtres, et témoigne de la part qu'iiprend aux espé-rances conçuespar le parti démocratique, dechasser

le jeune Denys, et de rendre la liberté à Syracuse.La partie philosophiquede la lettre n'est pas très-

platonicienne on y distingue en toute chose cinqconditions ou degrés de connaissance i° le nom;

2" la définition; 3° Fimagé, To~Mypa~~evov;4° la

science; S° la vérité (2). On ne trouve rien dans

Platon qui rappelle cette division, et particulière-ment l'image, la représentation sensible d'une

notion, n'y tient pas le rang qui lui est ici donné.

La proposition que, pour comprendre les choses,il

faut qu'il y ait entre elles et l'intelligence une affi-

nité naturelle (3), quoique pythagoricienne, se rap-

(t) CommeAristobule(Valokenaêr,<~~'Mo~M~o~M~o.

Leyd.,i806),etPhilonquidonneaussiunpèreà r~yE~M~Mt-'cmyTm~S~c(}LEf<M(Grossmann,QMaM<MHMPhilon.Leips.,1829,

P.5t).('!)342,a.b.e.

(3) 344, a. TAt ~Yye'<T)ïou 'pK'j'NTa{ sSï' K'~Eu~OtSE~T:OH?j-

<!e(e~oTe,oÛTE~}tt).

LESÉCRITSDEPLATON. ~S3

9.

proche davantage des idées de Platon. On retrouve

ici l'opinion faussement attribuée à Platon que

la philosophiedoit être l'objet d'un enseignement

mystérieux, secret, esotérique, et ne doit pas être

profanée par la publicité du livre(1.);, Rienne milite

en faveur de l'authenticité de cette pièce, dont

Cicéron (2) cite cependant et traduit 'le passage

p. 326b., en le faisant précéder de ces mots: «Est

prœclara epistola Platonis ad Dionis propinquosin qua scriptum est his fere verbis. w

La huitième est adressée aux mêmes personneset roule à peu près sur le même sujet: elle exposeun plan de conduite pour le parti libéral que Dion

avait formé autrefois et qui survivait à son chef;Platon les inviteà adopter un projet de constitution

destiné à réunir et à réconcilier les partisans de la

tyrannie tombée et ceux de la liberté victorieuse,

qui s'abandonnaientdéjà à desdiscordes intestines.

Un anachronisme grave renverse l'authenticité du

document la lettre émet l'opinion de mettre à la

tête du gouvernement trois rois à élire, et parmieux l'auteur proposele fils de Dion or on sait,

parCornélius Nepos(3) et par Plutarque (4), queles fils de Dionétaient morts avant leur père.

Les lettres IX à Archytas (S), X à Aristo-

(l)P.34t,o.,d.,e.,342.a.,3<4,a.(2) y~MCMJ!.QM., V, 35.

(3)D)OM,S~. 4..

(4) Dion, p. 982. COMM~.ad Apollon., p. 119.

(5)Onremarquelabellemaximequel'hommen'estpasnépourluiseul,reproduiteparCicéron(DeOff.I, 7,22 DeFln.1!,14).

<54 LES ÉCRITSDE PLATON.

dore(l), XI à Laodamas, XII aArchytas, sont de

tout le recueil celles dont le contenu insignifiantrévèlele mieux l'origine falsifiée.

La lettre XIII, à Denys (2), lui recommande un

jeune pythagoricien nommé Hélicon, et lui rend

comptede commissions, d'achats et d'affaires d'ar-

gent dont Platon est censé chargé pour lui. On yvoit une affectationde secret et de mystère jusquedans la correspondance, qui est un indice suspect.Platon rappelleque le signe qui distingue ses lettres

sérieuses de celles qui ne le sont pas est qu'il com-

mencelesunes par Dieu, les autres par les dieux.

Ce qui achève de démontrer l'inauthenticité, c'est

que les ouvrages de Platon y sont désignés sous le

titre de XMxpa-rMt~oyoi,et le .Me~M sous celui de

6mpt~u~<Myo;,c'est-à-dire comme des ouvragesdont celui qui écrit la lettre ne se reconnaît pasl'auteur. Malgrél'opinion de Bentley,de Wessellinget deWyttenbach, nous la rejetons donc comme les

autres, et nous souscrivons absolument au juge-ment de M. Hase sur l'ensemble du recueil « Les

lettres qui existent sous le nom de Platon ont été

probablement composées peu de temps après sa

mort par quelque philosophe de son école. MAjou-tons cependant que l'inégalité du style et des idées

(t) CetAristodoreestcomplétementinconnu.(2)C'estàcettelettrequ'Ast,Ma<<MMZe&M,p. 527,rapporte

lesmotsavr~YETat&<oùtUc~MwcquisontmisenmargeàcotédelaX!I*danslems.deVienne,M-i,et lemss.MxvtdeMadrid.(Kollar,Supplem.adLambec.,p. 413,et Iriarte,Reg.Bibi.Matrit.Codd.gr.tom.t, p. 139.)

LESÉCRITSDE PLATON. 155

ne permet pas de les attribuer toutes à un seul et

même auteur.

16.LeClitophon,ou~'Ea'ho~cMoM.

Dialogue moral, qui formait dans la huitième

tétralogie la première pièce.C'est à peine ici un dialogue. Sur une interpella-

tion de Socrate,Clitophonexprime à ce dernier dans

un long discours, avecquelques élogessur la beauté

et la pureté de sa morale, les objections assez fortes

et assezvivesdes orateurs et des hommes politiquescontre l'utilité et l'application pratique dont elle

est susceptible. Le style ne manque ni de bon-

heur ni de vie, quoiqu'il ne ressemble guère au

genre du dialogue, et .tombe dans le ton oratoire.

Quelques anciens voulaient qu'on commençât parlui la lecture de Platon (1) c'est assez dire qu'ilsle considéraient comme authentique, et n'avaient

pas à cet égard le moindre doute (2). Nousn'en au

rions pas davantage s'il était vrai qu'Aristote y fit

plusieurs fois allusion, comme le croient Giphan et

Zell (3) mais lespassages cités paraissent a M. K.

Fried. Hermann se rapporter plutôt au Lysis (4) et

à la République (S). On ne peut s'empêcher d'avoir

()) Diog.L.,1)1,62.

(2)OnletrouvecitéparSynésius,Dion,p. 37.(3)~t~o<F<Mc.~ic.,VH!,4,4; ~M~em.,Vn,2;PoH<

!t, 1,16.

(4) P. 2t4, d.

(5) Rep., 1,35l, et V,462,

1S6 LES ÉCRITSDE PLATON.

quelque soupçon sur cet ouvrage, que rejetait

déjà de Serres parmi les voesuo~ou!,en y voyantune attaque si vive contre Socrate, et surtout une

critique qui porte, quoiquesouvent à faux, sur des

points particuliers des dialogues de Platon. Pour

expliquercettecontradietion, Tennemann(1)proposede le considérer comme le fragment d'un dialogue

incomplet, où manquela réfutation des critiques, et

Ritter (2),comme l'ébauche ensuite abandonnée du

commencementde la ~RepM~MC,où figure en effet

en personnage presque muet Clitophon. Mais

la ~ac~o~e~ si opposée à la manière habituelle

de Platon, ainsi que l'observent Schleiermacher(3)et F. Hermann (4), l'inexactitude dans la repro-duction des doctrines, que l'auteur dénature et ne

paraît pas comprendre, expliquent, si elles ne jus-

tifient pas l'opinion de M. Hermann, qui, malgrél'air d'authenticité que lui donnent la couleur du

style et la méthode, voit dans ce morceau un de

ces travaux d'école, où les disciples de l'Académie

s'exerçaient à traiter avec la dialectique platoni-cienne et à la manière socratique un thème para-doxal.

(i)S~P~.PAM.,voLI,p.ll2.(2)CMcA.d. Philos.,vol.H,p. 176.(3)Trad.allem.,vol.H,p.460.

(4) CMcA. M. S~ p. 426.

LES ÉCRITSDE PLATON. iS7

~7.LeJtftMos,oudelaLoi.

Dialoguepolitique, qui forme dans la neuvième

tétratogie la première pièce, et la seconde de la

troisièmetrilogie d'Aristophane.Socrate s'entretient avec un interlocuteur ano-

nyme, qui n'est pas Minos comme on l'a cru

longtemps par une erreur bien étrange, ni même

un Minos d'Athènes, n'ayant avec le roi de Crète

rien de commun que le nom, comme le sup-

posait R. Bentley ({). Le titre vient unique-ment de l'éloge qu'y reçoit le Minos des Crétois,

à l'occasion de sa législation. Le sujet, abordé

brusquement et sans préparation, est la loi, et il

est prouve, d'une part, que In loi étant l'expressionde la vérité, d'un rapport nécessaire et réel~ -ro~ov-

M;eSpestv,et la vérité étant chose universelle et im-

muable, la vraie loi ne doit et ne peut changer ni

suivant les temps ni suivant les lieux; d'autre part,

que la loiétant essentiellementbonne, tout ce qui est

mauvais peut parattre une loi, mais n'en est qu'une

apparence menteuse: le mal est toujours illégi-time (2). La fin du dialogue n'est pas mieux ame-

née que le commencement, et se lie mal aux ques-

(t) Respons.adBoyl. p. i55,ed.Lennep.SchleiermacherotBoeckhontprouvéquecenomn'avaitjamaisétéportéparunAthénien.

(2)C'est,suivantnotreformulemoderne,leprincipequ'iln'ya pasdedroitcontreledroit'.

LES ÉCRITSDE PLATON.tS8

tions débattues; mais je trouve de l'exagérationdans les critiques qu'on en a faites, et qui multi-

plient contre le choix du sujet, contre les idées,contre le style, contre la langue, les épithètes les

plus dures et à mon sens les plus injustes. Inepte et

stupide, voilà ce que répète à chaque page de ses

prolégomènes et de son commentaire, le docte

StaIIbaum.qui trouve cette composition si miséra-

ble et si méprisable qu'il ne veut pas même l'attri-

buer comme Boeckhau cordonnier Simon (i). Ce

critique, plus réservé et plus judicieux, tout en si-

gnalant du désordre dans la conduite dés idées, des

transitions brusques, une affectation à multiplierles exemples, de longues tirades qui succèdent à un

dialogue trop bref, a cependant l'impartialité dere-

connaître que le style en est sain, la couleur anti-

que, et qu'on n'y trouve rien d'indigne de la pé-riode du pur et vieil atticisme et il cite à l'appui de

son jugement le témoignage des critiques grecs

qui, dans une question de goût et de langue, ne

peuvent pas être si complétement mis de côté.

Or Plutarque(2) qui copie plusieurs passages,

Maxime, de Tyr, Clément d'Alexandrie, Ser-

vius, Proclus, Stobée, Alexandre d'Aphrodisie, le

tiennent pour être un ouvrage de Platon, comme

Diogène,Thrasylleet Aristophane(3), et, quoique ce

ne soit pas l'opinion de M.Boeckh, il reconnaît que

(t) Boeckh.,ComMen<.in jMa~on.~:M.,p. 83. p

(2)Jfo~a~776,e.; y~M.,7, a.

(3)Diog.L.,ni, 6t.

LES ÉCRITSDE PLATON. i89

le témoignage de cesbons juges oblige au moins de

l'attribuer à un auteur attique et à une période où

la langue était encore pure et saine.

Cet auteur est, suivant lui, Simon, d'Athènes, ce

cordonnier dans la boutique duquel Socrate aimait

à causer et à discourir, et qui, gardant par écrit

note de ces entretiens, en avait composétrente-trois

dialogues,lespremiers ouvragesqui firent connaître

au public les doctrines socratiques (1).

Remarquant dans le catalogue conservé de ces

ouvrages les quatre titres suivants du Juste, de la

Vertu, de la Loi, de l'Amour du gain, que l'on re-

trouve dans le catalogue des ouvrages de Platon,M. Boeckh en a conclu que, puisqu'ils n'apparte-naient pas à..ce dernier, ils devaient appartenirà l'autre car il y a dans les catalogues une

remarquable coïncidence, et les sujets traités sem-

blent en outre indiquer qu'ils partent tous de la

même main. Mais M. Stallbaum a objecté que ce

sont là et des titres et des sujets que l'on retrouve

chez tous les Socratiques, par exempleAntisthène,

Speusippe, Xénocrate, et qu'on n'en pouvait rienconclure. On n'est donc pas autorisé à croire quele Minos soit de Simon le Socratique, et comme,en matière de pureté et de correction, l'autorité

d'Aristophanede Byzance,de Thrasylle, de Diogèneme paraît valoir celle de M.Stallbaum, et que les

idéesdéveloppéesdans cet ouvragene me semblent

(t) Diog.L.,II, 122.o!ïo;, <pot<ttpMTQf:8~)~97)to~ Myou~;TOU;SMXpMTtXOUt.

LESÉCRITSDE PLATON.f60

ni indignes de Platon, ni contraires à sa doctrine,

je croisqu'il est encore plus sage de s'en rapporterà la tradition.

i8. ZeT~ea~, oudela Vraielnstruction.

Dialogue maieutique, qui faisait dans la cin-

quième tétralogie la première pièce.

Démodocus, riche citoyen d'Athènes, qui aprèsavoir rempli de grandes charges s'était retiré dans

sa vieillesseà la campagne, présente à SocrateThéa-

gès son fils (i), que la renommée des sophistes a

séduit et qui voudrait compléter son éducation à

leur école. L'entretien qui a lieu dans le portique de

Jupiter Libérateur s'établit entre le jeune homme

et son père d'une part, et Socratede l'autre; il se

divise en deux parties dans la première, le jeuneambitieux se voitarracher l'aveu que la science dont

il estamoureux, et qu'il désire avec passion possé-

der, c'est la science de gouverner et de maîtriser les

hommes, sinon par la force, qui est le propre de la

tyrannie, du moins par la persuasion. Dans la se-

conde, Socrate, à qui le père voudrait coniier l'édu-

cationde Théagès, qui le souhaite aussi ardemment,

(f) UestquestionencoredeThéagesdans!a~Mp.,VI,496,b.,ou est ditqu'ambitieuxde prendrepart auxaffairespoli-iiques,il auraitde bonneheurerenoncéà la philosophie,sa

premièrepassion,s'il n'eûtété retenuparsamauvaisesanté.

L'Apologie,p.33,b.,nousapprend,eneffet,qu'ilmourutjeuneetavantSocrate.Conf.~i., H. ~ar.,tV,15.

LES ÉCRITSDE PLATON. 161

répond que cela ne dépendpas de lui: on ne pro6tede ses entretiens que si Dieu le permet. Il ne sait

d'ailleurs qu'une chose, c'est l'amour.

Il n'est pasdifficilede voir ce que Platon ici veut

dire. Commel'a très-bien marqué M.V. Cousin, il

tient à montrer en quoi l'enseignement de Socrate

diffère de celui des sophistes, de l'appareil factice,dela méthode technique et abstraite d'une science

d'école.Socraten'a pas de système tout fait à trans-

mettre. Cequ'il peut déposer dans les âmes, c'est

ce qui est dans la sienne, l'amour, l'amour pour la

vertu et pour la vérité il peut communiquer à l'in-

telligence et au cœur le mouvement généreux quienfante les grandes pensées: il met le feu à la ma-

chine mais, pour cela même, il faut qu'il y ait,entre le maîtreet le disciple, un lien et presque une

fusion intime, secrète, mystérieuse, divine. Il faut

qu'il y ait sympathie, amitié, amour, affinité réci-

proque, pour rendre fécond cet échange de senti-

ments et d'idées. Or, ce rapport des âmes étant à la

fois nécessaireet inexplicable, Socrate le rapporte,comme toutes les chosesincertaines et obscures, a

son Démon, sur lequel il a l'occasion de s'étendre,

pour prouver que, quand le charme de la sympathieou ne s'établit pas, ou est rompu entre le maître et

le disciple,l'enseignement ne peut plus être profi-

table car ses entretiens sont moins un enseigne-ment qu'une influence vivante, animée et person-nelle. Les paroles tombent alors dans l'âme fermée

et froide du disciple comme le grain tombe sur le

rocher. Le germe reste stérile et meurt.

LESÉCRITSDE PLATON.162

Le dialogue, comme l'avoue Ast (1), est simple

et beau; un ton religieux et une gravité pieuse y

dominent., et, bien que quelques-uns des dé-

tails donnés sur le Démon ne soient pas amenés

nécessairement par le sujet, je ne vois ni dans le

sujet traité, ni dans quelques réminiscences (2), ni

dans la langue, pure et saine malgré quelques néo-

logismes qui ne doivent pas étonner dans Platon,

aucun motif de rejeter un écrit cité par Élien (3),

PIutarque(4),Denys d'Halicarnasse(S), et admis par

Thrasylle (6). Si Schleiermacher, Ast, Fr. Hermann,

Stallbaum (7) en contestent l'authenticité, cocher et

(t)P.496.

(2) Ces réminiscences me paraissent bien permises à un

homme qui a beaucoup écrit, et qui se répète quelquefois sans

le savoir et sans le vouloir, et prouvent plutôt contre la thèse

des adversaires de l'authenticité. A la p. tM, a., M.StaIl-

baum s'arrête et dit aHactenus colloquium non omnino inep-tum aut prorsus inelegans. Mais, arrivé au passage où So-

crate conseille au jeune homme d'aller demander des leçonsà ces maîtres habiles et savants, Prodicus, Gorgias, Polus, le-

quel se trouve dans l'Apologie,p. 19,e., le critiques'écrie <'Quœ

quissibi persuadeatabipsoPlatoneitaiterata esse? Mais outre

que la reproduction n'est pas aussi parfaitement identique qu'il

le dit, je lui demanderai à mon tour Qui se persuaderait qu'unfaussaire n'eut pas évité avec soin ces répétitions? Leseul écri-

vain qui puisse ne pas y prendre garde, c'est le véritable auteur.

(3) ~M<. V., VIII, 1.

(4) De /~o, \in, 367. Reisk.

(5) Ars. Rhetor., p. 405.

(6) Diog., L. III, 57.

(7) La conjecture de ce savant éditeur, qu'il est dû à un péri-

patéticien, et a dfi être composé à l'aide de documents laissés

sur le DaMnoniumpar Antipater de Tarse, ne repose sur aucun

fondement historique.

LES ÉCMTSDE PLATON. ~3

Knebell la maintiennent, et en excusent les imper-fectionsen.les attribuant à la jeunesse de l'auteur. Il

y a une bonne édition du Théagèsdue à ce derpier

critique, enrichie de prolégomèneset de notes esti-

mables, Coblentz,1833.

i9. LeLachés,DMduCourage.

Dialogue maieutique, qui forme dans la cin-

quièmetétralogie la troisième pièce.Les personnages de cette scène pleine de mouve-

ment, de~ie et degrâce, sont nombreux outre So-

crate, ce sont Lysimaque, fils d'Aristide le Grand,et Mélésias, fils de ce Thucydide qui fut pendant

quelque temps un adversaire redoutable de Péri-

clès(i); Nicias et Lachès sont les deux grands et

malheureuxgénéraux dont l'un périt dans la funeste

expéditionde Sicile, et dont l'autre fut vaincu à la

fatalejournée de Délium où Socrate montra une in-

trépidité héroïque (2). Les enfants de Lysimaque

())Athén.,XI,506,faità Platonunreproched'avoirditqueceLysimaqueet ceMélésiasétaientrestésau-dessousde la

gloiredeleurpère,etvoitlàunepreuvedecesentimentdeja-lousiedontil estpartoutanimé.Rienn'estpourtantplusexactetmieuxconfirmépar l'histoire.LescholiastedeDémosthène,adLept.,§95,dit de Lysimaque:OuB~e!tto~owMT~~6)~,&{xotTotT?j~!(rrop[eM~ojie~,mMjVOTI'~pt~efSouuio~,et deMélésiasnousnesavonsrien, si cen'estqu'ila faitpartiedu

gouvernementoligarchiquedesquatrecents.

(2)Lecombatde Déliumestde424 Lachèsmourutà Man-tinéeen4)8 c'estentrecesdeuxdatesqu'estcenséavoireulieuledialogue,d'oùil n'y a rienà conclurepourl'époquevraiedesacomposition.

LESÉCRITSDE PLATON.164

et deMélésiasassistent à l'entretien, mais ne disent

qu'un mot. Il s'agit d'abord de chercher quel est

l'objet d'une bonne éducation de la jeunesse; il est

évidentque c'est de lui inspirer et de lui communi-

quer la vertu pour cela, il faut savoir ce que c'est

que la vertu, et au moins, si la chose paraît trop

difficile,ce que c'est qu'une des vertusparticulièresdont l'ensemble forme la vertu même. Une lutte

d'hommes armés, à laquelle les interlocuteurs vien-

nent d'assister danslapalestrede Tauréas,fait choisir

parmi ces vertus le courage, dont on cherche la

dénnition, comme on cherche celle de la sagessedans le Charmide, qui est le pendant et commele

frère jumeau du /~c/~s.

Le courage ne consiste pas a tenir ferme à son

poste et à ne pas fuir ce n'est là qu'une définition

de la bravoure militaire, et encore elleest incom-

plète. Ce n'est pas non plus l'audace et la persé-

vérance car, si l'on n'y joint la raison, ce n'est

qu'une folie sans valeur morale et sans utilité.

Le courage ne serait-il pas la science des choses

qui sont à craindre et de cellesqui ne le sont pas?2

Toute vertu et le courage sont fondés sur la raison,sur une vueclaire, une conscience réûéchie et rai-

sonnée. Mais, s'il en est ainsi, si le courage est une

science, il ne peut pas avoir pour objet uniquementles chosesà craindre, c'est-à-dire le mal à venir, ou

les choses qui ne sont pas à craindre, c'est-à-dire

le bien à venir. L'objet d'une sciencen'est pas sou-

mis aux catégories du temps et de l'espace: il ne

change pas. Le courage sera donc la science, non

LES ÉCRITSDEPLATON. 168

pas seulement des biens et des maux à venir, mais

encore des biens et des maux présents et passés, ou

plutôt du bien même et du mat en soi. Il se con-

fondrait donc avecla vertu, et son caractère distinc-

tif et spécinque disparaîtrait.Le dialogue, du genre réfutatif, ne contient pas la

réponse à cette difficulté, qui n'empêchera pas Pla-

ton de maintenir et de reproduire ailleurs (i) cette

célèbre définition, si parfaitement d'accord avec sa

doctrine et aveccelle desonmaître. L'objection non

résoluequi termine négativementen apparence l'en-

tretien, soulèvenéanmoins dans la pensée du lec-

teur l'opinion qu'il doit y avoir, qu'il y a un pointde vuesupérieur où semontrent le lien de toutes les

vertus entre elleset leur unité dans la science, une

idée suprême à laquelle ellesne peuvent participer

qu'en perdant, dans une certaine mesure, leur iso-

lement et leur élément de différence. Il est tout à

fait conformeet à la méthode et à l'esprit de la phi-

losophie de Platon d'ouvrir de ces longues pers-

pectiveset de laisser à l'auditeur le soin d'y marcher

lui-même. Ast a contesté l'authenticité de ce dialo-

gue, qui peut-être se trouve désigné, mais en ter-

mes généraux, dans la Métaphysique d'Aristote (2).

Presque tous les autres critiques, Socher; Steinhart,

Schleiermacher, Stallbaum, K. Hermann, y recon-

naissent hautement le caractère de la doctrine pla-

(t)~e/.e~630,c.(2)Jtfef.,V,2. C'estl'opiniondeStahr,~f~oteMa,voi.11,

p. 40.Koppprétendtoutefoisqu'ils'agitduSophiste.

166 LESËCMTSDEPLATON.

tonicienneet en louent le fond en mêmetempsquele charmeet lagrâce(i).

20. J7.foH,ou de l'Iliade.

Dialoguepeirastique, qui forme dans la sep-tièmetétralogiela troisièmepièce.

L'entretien du rhapsode Ion et de Socrate a

pour objet de montrer que le rhapsode qui est l'in-

terprète du poète, comme le poëte est l'inter-

prète de la muse, ne doivent leurs succès ni à l'art

ni à la science, mais à une inspiration divine (2),

au souffle d'un délire poétique envoyé par les dieux,

et dont ils sont possédés plutôt qu'ils ne le possè-

dent. La poésie est donc chose inférieure à la

science et à la philosophie. c( L'Ion tout entier, dit

M. Cousin dans son très-bel argument, est dans ta

(t) Ce n'est pourtant pas l'opinion d'Ast, p. 454, qui ne voit

dans cet ouvrage qu'une imitation froide et maladroite du.Pfo"

~oras.' .&ssC<M;Mhat Mn drantatisches Leben, und so ist die

C/KfraMeMcA<Men<~e~H~. 11est cependant-difficile de ne pasadmirer le magnifique portrait de Socrate, p. 188, c., d.: MLors-

que j'entends parler de la vertu et de la science a un homme

vraiment homme, et qui sait mettre sa vie au niveau doses

discours, c'est pour moi un charme inexprimable. Cet homme,dit Lachès, m'offre l'image d'un concert sublime, qu'il ne tire

ni de la lyre, ni d'aucun autre instrument, mais de sa vie tout

entière montée sur le ton le plus pur; et dans l'harmonieux

accord de ses actions et de ses discours, je ne reconnais ni le

ton ionien, ni le phrygien, ni celui de Lydie, mais'le ton do-

rien, le seul qui soit vraiment grec.

(:!)OMx~.otp~,()e~Su'~[j.6t.

LES ECRITSDE PLATON. ier

célèbrecomparaison que Platon y fait du poëte, du

rhapsodeet des auditeurs avecune chaîne aimantée

dont la muse est le premier anneau, le poëte et les

rhapsodes les anneaux intermédiaires~le public le

dernier. n Ce n'est donc point a l'art, mais à l'en-

thousiasme et'a une sorte de délire, que les bons

poëtes épiques et les bons poëtes lyriques doivent

leurs beaux poëmes. Semblables aux corybantes

qui ne dansent que lorsqu'ils sont hors d'eux-mê-

mes, ce n'est pas de sang-froid que les poëtes com-

posent il fautque 1.'harmonieet la mesure entrent

dans leur âme, la transportent et la mettent hors

d'elle-même. «Les poëtes nous disentquec'est au-

près desfontainesde miel, dans les jardinset les ver-

gers de~ Muses,que,semblables auxabeilleset volantt

ça et là comme elles, ils cueillent les vers qu'ilsnous apportent, et ils disent vrai. En effet, le poëteest un être léger, ailé et sacré il est incapable de

chanter avant que le délire de l'enthousiasme ar-

rive. »

Le but de l'ouvrage, de diminuer l'influence et

le prestige des poëtes(t), la beautéde cette compa-raison fameusequ'un autre que Platon aurait diffi-

cilement trouvéeet exprimée avec une pareille élo-

quence, la conformitédes principes avec ceux du

Phèdre et des Lois (2), ne permettent guère de

(1)Qu'onserappellela placeimmenseque tenaient,dansl'éducationet danslaviegrecques,lespoëtes,surtoutHomère.

(2).P/ta~r..245,a.;deLegg.,IV,719,c.; ~o!. p. 22;c.Gonf.Cicér.,tleOf~ H,46,et ~e-Mt-'M.,t, 37;Horat.,Fp.ad FM.,v.297.OnlesretrouvedansXénophon,AfeM.,IV,2,

LES ÉCRITSDE PLATON.168

douter de l'authenticité, malgré quelques longueursdans la discussion, quelque langueur dans les

raisonnements, quelque monotonie dans l'exécu-

tion. C'est une scène de la lutte entreprise parPlaton contre tout savoir qui n'a que l'apparence,contre toute influence et toute autorité qui n'est

pas fondée sur la raison. M. Nitzsch a donné une

très-bonne édition de ce dialogue, Leips., 1822,sur lequel on consultera avec fruit deux disserta-

tions d'Arnauld, Mém. Acad. inscript., t. XXVII,

p. 1sqq. et t. XXXIX,p. 249. Ast, Schleiermacher,

Susemihl, condamnent le dialogue, dont l'authenti-

cité est soutenue par Stallbaum; Nitzsch, Socher et

K.-Fr. Hermann.

21. L'AlcibiadeI, oudela Naturehumaine.

Dialogue maieutique, qui forme dans la qua-

trième tétralogie la première pièce.Cet ouvrage autrefois si illustre était considéré

comme tellement authentique, que les Néo-platoni-

ciens, Démocrite, contemporain de Longin, Jambli-

que, Damascius,Harpocration, Proclus (i) et Olym-

10.TOU{yapT0[pOt'}'MS<)U<o!3{XT& ëtn]&Xj)~QWTCf<,CtÙTOU~? TKtvu~[Otou;6vTC[<.C'estla maximevraimentsocratiquela scienceest laseulechosequidonnequelqueprixetquelquedignitéà cequel'hommefaitetcrée.Hnes'agitpasdesavoirsi l'inconsciencen'estpasaucontraireunélément,unecondi-tiondelacréationesthétique.LaseulequestionestdesavoirsiSocratea professésurce pointla théoriedeGoethe,Kunst.u.~[Ker<A.,1824,p. 85,et lecontrairenefaitdoutepourpersonne.

(1)ProclusinAlcib.,p. 17,ed.Cous.~Mf~~oMS~xaix/

LESÉCRITSDE PLATON. 169

10

piodore l'avaient commenté dans des livres aujour-d'hui perdus, saufceuxdesdeux derniers auteurs quenous venons de nommer. » Celui qui veut s'appli-

quer à la philosophie, disent Albinus et Olympio-dore (1), devra commencer par l'Alcibiade la lec-

ture de Platon, » et Proclus nous apprend « que le

divin Jamblique, qui prétendait que toute la philo-

sophiede Platon est contenue dans dix dialogues, »

donnait à l'Alcibiade le premier rang dans cette sé-

rie, parce qu'il y trouvait en germe tous les déve-

loppementspostérieurs de la doctrine (2). C'est un

ouvragede cette importance et de cette notoriété

que Schleiermacher (3) et Ast (4) déclarent inau-

thentique, et dont Socher (8), Stallbaum (6),K. Her-

mann (7), Steinhart (8) et d'autres se sont crus obli-

gés de prendre la défense.

<Mi<~Tj~tS~.Il nelesnommepas, c'estpar le commentaired'Olympiodorequenouslesconnaissons.Olymp.,p. 95,48et49,205et 206.

(l) Alb.J&o~c.8; Olymp.inAlcib.,ed.Creuzer,p. to.C'estsansdouteàcescommentairesquefaitallusionDiog.L,111,62,quirappellecetordred'études.

(2)Procl.in~/C<6-,p.U. K"û<fT[Sp~p(KXT[TO~(j)Tt);OUjt-71(kaAÇlxelvwvatetébouOn peutcomparercedia-ttM~x~xE~eM8t~6Sou~poe~)<.(t~tj<.Onpeutcomparerce dia-logueauxPropyléescommeeUesconduisentausanctuaire,demêmeI'~<c<6ta<feintroduitdansle sanctuairedelaphilosophieplatonicienne,et cesanctuaireestleFat'mdnMe.

(3)Trad.allem.,1.11,p, 295.

(4)PlatonsLeben,p. 435.(5) Ueber Plat. NcArt~ p. H2.

(6)Fto!ey.adAlcib.(7)&McA.M,S~, Plat.jPAM.,p. 43p.(8)Trad.allem.,vol.I, p. t3a.

LES ÉCRITS DE PLATON.~70

Le dialogue se composede deux parties dans la

première Socrate prouve à Alcibiade, aveclequel il

a un entretien, après une longue interruption de

relations ordonnée par le démon qui préside à sa

conduite, que lui, Socrate, est nécessaire à la

réalisation des grands plans politiques que son ami

a formés. De là, il l'amène à reconnaître d'une

part qu'il ne sait pas ce que c'est que le juste, le

beau, l'utile, qui sont les objets identiques et néces-

saires de toutes les délibérations politiques, et,

d'autre part, qu'il croit le savoir, ce qui est la pire

espèced'ignorance car on ne cherche pas ce qu'oncroit savoir, et alors on ne le peut plus trouver. Dans

la seconde,il lui montre que cette ignorance ne peutêtre dissipée qu'à la condition préalable qu'il ap-

plique toutes les forces de son esprit à s'étudier et

à se connaître lui-même. Mais l'homme même, sa

vraie essence, sa vraie nature ne se trouve pas dans

les choses extérieures qui lui appartiennent et dont

il sesert. Le citharède n'est pas la cithare. Le corpsn'est que l'instrument dont l'homme se sert. L'es-

sence de l'homme, le moi, n'est donc pas le corps,mais ce qui se sert du corps, c'est-à-dire l'âme, dis-

tincte du corps dont elle se sert, auquel elle com-

mande et qui lui obéit; par conséquent se con-

naître soi-mêmec'est connaître son âme, et comme

c'est l'âme qui connaît, pour se connaître et se voir

l'âme ne peut se regarder que dans l'âme, et dans

cette partie de l'âme où réside sa vraie nature, son

essence, sa vertu, dans-sa partie divine, dans l'élé-

ment divinqu'eile contient. C'est-à-dire, en premier

<7<LES ËCMTSDE PLATON.

lieu,que la scienceestla seule causeréelle et effcace

du bonheur public commedu bonheur privé, et en-

suiteque la vraiescience est la science de soi-même,et que la science de soi-même est la sciencede son

âme qui a pour compagne la sagesse.Toutes ces théories sont parfaitement conformes

à l'esprit de la philosophie platonicienne; sans

doute le mouvement est un peu languissant, le stylemoins vif, moins dramatique, le colorismoins bril-

lant, l'art moins parfait que dans d'autres ouvra-

gées~); mais commentadmettre la perfection et

l'égalité de perfection comme critérium de l'au-

thenticité?2

Ast a donne une édition de cet ouvrage qu'il a

réuni au ~My~MM,en 1809, etButtmann a pu-

blié, en 1812, une quatrième réimpression de

l'édition de Biester, Berlin, 17~9, qu'il a améliorée

par ses notes et celles de Schneider et de Gott-

leber.

M. Cousin, dans son édition de Proclus, a publiéle commentaire sur l'Alcibiade, qui n'est pas com-

pletet s'arrête à la p. 116, a, du texte d'H. E~tienne.

Dansses7?M~PA~<Mo~M3ac rAeo/o~a?(2) M.Fr.

(t) Etcependantremarquonscombienlesopinionsdesmeit-leursjugessont,àcetégard,diversesetcontradictoires,etcom-bienil estdifficiled'arriveràdesconclusionshistoriquesfondéessurdesj ugementsdesgoûts.JeandeMùtter,dansunelettreàBon-stetten,ditdecedialogue:<'Riendepluscharmantquelepremierdialogued'Alcibiade;je l'appelleraispresqueleplusbeaumor-ceaude]alangue;iladeplusunesubtilitéd'esprit,uneRnessequiexigela plusgrandeattention,n

(2) Francf., !8M-25.

LES ECRITS DE PLATON.i72

Creuzer a joint au commentaire de Proclus celui

d'Olympiodore, et tous les deux ont été analysés et

appréciés dans les savant,sfragments de philosophieancienne de M. Cousin. L'argument que l'illustre

maître a placé en tête de ce dialogue est undes plusbeaux et des plus profonds qui soient sortis de sa

plume.Cependant,je trouve nécessairede remarquerune interprétation du texte, reproduite dans l'ana-

lyse de la page 129 b, contraire à l'interprétation

d'Olympiodore. « Pour bien connaître l'homme

individuel, dit M. Cousin ro auto ~<rcov, il

faut le rapporter à son principe, l'essence univer-

selle dont il émane, auro c~ro le moi a sesracines

et plonge dans l'absolu, en Dieu qui est sa subs-

tance. » Je ne crois pas que cette pensée, malgrésa grandeur, soit celle de Platon. Il commence,

p. 129 b, a essayer de chercher ce qu'est la chose

en soi, mais la chose dont il s'agit, c'est-à-dire

l'homme en général, l'idée de l'homme; puis la

discussion s'engage et il avoue, p. 130 b, qu'aulieu de ce résultat, il n'est arrivé qu'à reconnaître

la nature de l'homme individuel, ce que chacun

de nous est, mais ce. résultat sera néanmoins

suffisant auro~xctOTO~~XE~eBct?t &r~,xcttÏ<K<~e~efp-1xe<re[.

22. LeCharmide,oude ? Sagesse.

Dialogue peirastique, qui forme dans la cin-

quième tétralogie la deuxième pièce.

L'ouvrage est du genre narratif g~Y~ttt<xo<car

LES ÉCRITSDE PLATON. ns

iO.

Socrate est censé raconter à des personnages pré-

sents, mais muets et non nommés, un entretien

qu'a son retour de l'expédition de Potidée, il a eu

dans la Palestre de Tauréas, située vis-à-visdu Por-

tiquede l'Archonte roi, avec Charmideen présence

de Chéréphon et de Critias.

Chéréphon, ami d'enfance de Socrate, qui appar-tenait au parti démocratique dont il avait partagélespérils~était un homme généreux, ardent dans ses

amitiés comme dans ses antipathies et passionné

pour la philosophie. C'est lui qui demanda'à la Py-thie s'il y avait un homme plus sage que Socrate.

Charmide, fils d'un Glaucon qu'il faut distinguerdu frère de Platon, était de l'illustre et opulente fa-

milledesCritias; il se recommandait non-seulement

par sa beauté et sa jeunesse, mais encore par son

goût pour la philosophie etla poésie, par sa modes-

tie (t) et son esprit. Nous le voyons figurer parmiles auditeurs de Protagoras dans le dialogue de ce

nom c'était l'oncle de Platon.

Critias est au contraire l'oncle et le tuteur de

Charmide,fils deCallaeschros,et s'est rendu triste-

ment célèbre par sa participation au gouvernementdes XXX(2). Il soutient une partie de la discussion

(t) Xénoph.,Mém.,HI.7 et9; IV,29. Il estlà représentécommepauvre;il auraitdoncperdusafortunedansles folles

dépensesnécessitéespar lesJeuxNéméens,où il avaitvouluconcourir,malgrélesconseilsdeSocrate.Theag.1!8,e.

(2)Leschol.dePlatonditdeluiquec'étaitunenaturenobleetardente;qu'ilse plaisaitauxconversationsphilosophiques,etqu'onavaitpnsHabitudedel'appeleruntBKo~;parmiles

philosophes,etun philosopheparmilestSfmM:.

LES ÉCRITSDE PLATON.<74

engagée d'abord avec Charmide. Chéréphon ne fait

que saluer Socrate à son entrée dans la Palestre, et

assiste en silence à tout le reste de l'entretien.

Socrate dans ce dialogueréfute quatre définitions

de la sagesse, ou plutôt de la <rM~poou~,mot très-

vague qui s'entendait parfois de la tempérance,

parfois de la science, ~po~ott, parfois de la vertu

tout entière.

La sagessen'est pasla mesure, jj~rptoT~carla me-

sure s'entend du calme, de la réserve, et il est des

occasionsoù la lenteur est inférieure à la rapidité.La sagessen'est pas la modestie ni la pudeur, 'Í)

aiS)]jjM)<ru~,par la même raison.

La sagessene consiste pasà faire ce qui nous ap-

partient, T&~uToî!TcpaTMtv,car, prise dans son-sens

littéral, cette définition est manifestement fausse et

absurde et ses autres significationssont trop nom-

breuses pour ne pas induire en erreur ceux quine pénètrent pas la véritable.

La sagesse consiste-t-elle donc à se connaître

soi-même comme le dit l'inscription de Delphes?elle est alors une science et la science de soi-

même~), n'ayant pas un objet déterminé, autre

qu'elle-même mais une science qui ne sait rien

que la science, et qui ne connaît pas les objetsdes autres sciences, en supposant qu'elle soit pos-

sible, et elle l'est pas (2), nous serait parfaitement

(t) Lepassagede~msTT)~MtUTouà ~«m;~ ~etuT~testvrai-mentsophistique.

(2)Ellenel'estpas carceseraitsupposerunevuedelavue,maisquineverraitriendecequevoit!avue;elleseraitatns;

LESÉCRITSDE PLATON. 17S

inutile. Or la sagesse est sans doute une belle et

bonne chose.

On ne peut nier que les arguments de la réfuta-

tion ne soient souvent un peu sophistiques, et que

les définitions contestées ne se retrouvent dans les

ouvrages de Platon, mais autrement entendues par

exemple, la définition de la sagesse par la connais-

sance de soi-même, déSnitiôn qui est moins réfutée

qu'esquivée. C'est ce caractère qui a fait douter à

Ast (1) et à Socher (2) de l'authenticité de ce

à la fois plus petite et plus grande qu'eUe-méme car, étant la

sciencedes sciences, elle contiendrait à la fois et ne contiendrait

pas les objets de ces sciences.

(i) Ma<on'~jEe& p. 4t9. Doutes d'Ast fondés sur les points

suivants

i. La parenté de Critias et Charmide, par conséquent de Pla-

ton par Dropide, avec Solon, mentionnée p. 157, e., est con-

traire au nmde, p. 20, où il est dit de Solon qu'il était o!-

xe!o<xct~mpoBp~~o< ApM~Sou.Mais ce terme d'o!xe!o; s'ap-

pliquait, ditjiésychius, v. oMot, aux parents par alliance et

aux parents propres.2. La mention de cette illustre origine est peu convenable chez

un philosophe. Stallbaum et Schleiermacher répondent quecette boufféede vanité démontre que le dialogue a été composédans la jeunesse de l'auteur. Pour moi, elle ne prouve rien

si ce n'est que les philosophes ne sont pas insensibles à la va-

nité de la noblesse cela s'est vu.

3. La manière dont Socrate exprime l'impression que lui fait

la beauté de Charmide laisse suspecter des sentiments qu'il est

impossible d'imaginer que Platon ait voulu lui prêter. C'est

une accusation qu'avait déjà portée Athénée, Y, 187,e., mais

que la lecture du dialogue, étant données les habitudes du

langage autorisé par les NMeursgrecques, ne Justine en aucune

façon.

(2) Ueber ~<t<, Sc~ft/Y., p. 130.

i 78 LES ÉCRITSDE PLATON.

dialogue que défendent K. Fr. Hermann(i), Stein-

hart dans la préface de la traduction du Char-

mide, Schleiermacher, et Stallbaum dans ses prolé-

gomènes. Le caractère socratique de Iadi&cu?sion,l'absence de solution positive qui s'y rattache,le tour délié, subtil et parfois sophistique des rai-

sonnements, ne nous étonnent pas chez un disci-

,ple de Socrateet chez un Grec. Suivant M. Stall-

baum Platon a voulu faire entendre que la <rMmpo-

<yu~réunit et enveloppetoutes les déanitions isolées

qu'on lui applique, et suivant M. Cousin il a

voulu montrer par un exempleque la dénnition de

cette vertu était chose plus difficile qu'on ne le

pense ce serait donc une leçon de modestieet une

excitation, à une recherche plus profonde qui enserait le but.

On pourrait dire aussi que Platon se propose ici

moins de détruire des erreurs, que de montrer

commenton emploie fréquemment sur les pointsles plus graves des mots d'un sens vagueet équivo-

que, qu'on est dans l'impossibilité de déterminer

avec précision; commentdes opinions justes et dessentiments vrais quand ils ne sont pas fondés

sur des principes scientifiques et soutenus parune dialectiquerationnelle, quand on ne connaît pasles paroles enchantées, le charme magique, e~S~,c'est-à-dire la philosophie qui dissipe les nuageset fait fuir l'erreur et l'ignorance, peuvent être faci-

lement renversés au moindresouffle d'une discus-

(i)Ge.!C&.M..S.jM~.JPAM.,p.44!.

i77LESÉCRITSDE PLATON.

sionsubtileet adroite.Non-seulementon n'a vrai-

ment la notion d'une vertu, mais on ne possèdemêmevraimentcettevertu, quequandon en peutrendrecomptephilosophiquementà soi et aux au-

tres.Toutedéfinition,sionlaconsidèreensoi,isolée,

abstraite,estfausse ilfautla ramenerà un principe

supérieuret universelqui l'expliqueet la contient,

ce que Charmideest hors d'état de faire. Il n'y adoncaucun indicesérieuxcontrel'authenticitéde

cetouvrage.

HeindorfF(i)a donnéuneéditionspécialeavecun

commentaireplusgrammaticalque philosophique.

23.LeLysis,CMde~.AMt~.

Dialoguemaieutique,qui forme dans la cin-

quièmetétralogiela quatrièmepièce.Lascènedecetentretienpleindemouvementdra-

matique,de charmeet de grâce,estplacéedans la

palestrede Miccosqualiné,p. 204a, d'amiet de

grandpartisande Socrate,honnêtehommed'ail-

leurs, et assezbonsophiste,!x~o<~M-c~.Cegym-naseparticulierétait situéà côtédu Lycée,dans le

voisinagedu mur d'enceinted'Athènes,prèsde la

petiteporteoù se trouvaitla sourcedu Panope.La

conversationa lieu entre Socrate,Hippothalès,filsdeHiéronyme,Ctésippe,cousinde Ménéxène,quifiguredansl'Euthydème(2)et assisteavecMénéxène

(t)Ber!io,tS27.(2) P. 273, a.

LESÉCRITSDE PLATON-178

aux derniers moments de Socrate, Ménéxène lui-

même (1) et Lysis, filsde Démocharèset petit-filsde

Lysis (2), personnages tous inconnus d'ailleurs. Le

sujet est l'amitié, ou plutôt ce sentiment complexe,

quelquefoischaste, souvent impure confusion de l'a-

mitié et de l'amour, que les Grecsnommaient ~N,et on cherche a en déterminer la vraie essence.La

suite des idées, comme elles se déroulent à travers

les digressions de l'action et l'abandon de la con-

versation, està peu près la suivante Il n'y a que le

savoiret l'utilité qui nous attirent l'amitié des hom-

mes. Qu'est-ce donc que l'amitié? Ellene consiste

pas à aimer, car, si l'on n'était pas aimé, on ne se-

rait pas un ami elle ne consiste pas davantageà être aimé l'affection réciproque même ne la

constitue pas toute seule, car les pères aiment leurs

enfants avant qu'ils puissent répondre à leur ten-

dresse, et l'homme aime des choses, le vin, les che-

vaux, qui ne sont passusceptiblesd'aimer. L'amitié

n'est pas fondéeuniquement sur la ressemblancedes

natures; car, si le bon est ami du bon, leméchant est

haï du méchant, le potier hait le potier; d'ailleurs,

quand bien même on soutiendrait que les bons

seuls peuvent être semblablesentre eux, tandis queles méchants ne sont même pas semblablesà eux-

(i) Onretrouvecenomdansles inscriptions,Corp.~er.,Bœckh,1.1,p. 126,etdansIsocrate,Trapezil.,39.Ilnesese-raitdoncpasabstenudeparticiperà !a viepolitique.

(2)C'està tortqueBœckh.,Philol.,p. 12,accuseOlympio-dored'avoir,danssonCommentairesur <eFM&M(p.i3l,Wyt!enb.),confonducelysis avecle pythagoriciendecenom.

LES ÉCRITSDE PLATON. 179

mêmes, on ne peut tirer aucune utilité des rela-

tions de cette,sorte, puisque le semblable ne nous

peut rien donner que nous n'ayons par nous-mêmes.

Elle n'est pas fondée non plus sur la différence et

l'opposition, quoique le contraire ait besoin de son

contraire car le juste n'aime pas l'injuste; le vrai

estl'ennemi du faux, le bien du mal, l'amour de la

haine. Autrement on arriverait à dire que l'amitié

est amie de l'inimitié, proposition qui renverse

toutes les notions du sens commun et de la rai-

son.

Peut-être est-ce la beauté qui fait naître l'amour?

Le beau est bon or ni le bon ne peut aimer le bon;.ni le méchant, le méchant; car ce sont des sem-

blables il reste que nous aimions le bon parce quenous ne sommes ni bons ni méchants. La présenceen nous du mal ne nous rend pas mauvais et nous

fait désirer le bon. L'homme aime donc le bien, et

n'aime que le bien; mais le mal n'est pas la cause de

cet amour; car en supprimant le mal on ne suppri-merait pas le goût, le désir et l'appétit de l'âme

pour le bien. Ce goût a sa source dans un rapportnaturelde l'âme avec le bien qui est quelque chose

de conforme à son essence, ro o!xnov mais alors

commentpouvons-nous l'aimer ? s'il nous est sem-

blable, il ne nous peut plus servir à rien; et s'il

est contraire à notre nature, nous ne pouvons pasl'aimer davantage.Nous sommesdes êtres bien ridi-

cules nous prétendons être des amis, et ne savons

pasce que c'est que l'amitié.

Il n'est pas contestable qu'il y a quelque

LESÉCRITSDE PLATON.MO

sophisme dans les procédés de cette dialectique.Le mot <j)~o<est entendu dans des sens diftérents,tantôt appliqué aux hommes, tantôt aux choses,ici pris activement, là passivement; mais cette

objection, qui s'applique particulièrement à la

première partie du dialogue, ne suffit pas pourle faire rejeter des œuvres authentiques de Pla-

ton. Il y a en effet des propositions parfaite-ment conformes à la doctrine socratique et pla-

tonicienne, quoiqu'elles soient combattues sous

leur forme absolue par exemple, que l'amitié ne

peut exister qu'entre les honnêtes gens (1). L'a-

,mour, qui est un soupir vers le bien, est à la fois

le sentiment d'une lacune, de l'absence du bien

que nous désirons, et en même temps le sentiment

de sa présencepuisque nous l'aimons déjà, doctrine

que nous retrouvons développéedans le Banquet(2)et les Lois (3). L'Amour a pour fin suprême et der-

nière le Bien.

Schleiermacher,ordinairement plus sévère, acceptele Lysis comme un appendice du .P~ofre; Ast et

Socher (4) le rejettent. Une anecdote rapportée par

Diogène en placerait la composition dans la jeu-nesse de Platon, et avant la mort de Socrate (5);

(1)Xenoph.,Afem.,H, c. 6,§ ~-8 Plat.,deLegg.,VIII,837,a. b. c.; Go~510, b., et telleétaitlamaximedesStoïciensT~ <j)t~MMjtOKOK;T<K<OttOuBcttO~t~<HBM[TTjVôjtOMTYjTCf.

(2)p.20~,a. Cotif.f~~?- I, 24t,c.,257a.(3) p.837,a.

(4) p. 14t.

(5)Diog.L.,III,35 Vit.~KOK..Ka<.

LESËeRITSDEP~ i8t

11

Stallbaum (i), Hermann (2), Steinhart (3), Suse-

mihl (~) en reconnaissent l'authenticité, qui serait

difficileà nier, en face des allusions évidentes et

fréquentesd'Aristote (S). Heindorfa publié ce dia-

logueavec un bon commentaire.

24.~ePn)<a~o)'<M/oM~sSopM$<es(6).

Dialoguedémonstratif, ~8e[x~xo<,qui formedans

lasixièmetétralogie la deuxième pièce.

Cet ouvrage, un des plus parfaits, sous le rap-

port de l'art, qui soient sortis de la main de Platon,est rapporté par tous les critiques à sa jeunesse.

M.K.Bermann, qui place dans la première périodedeson activité d'écrivain tous les petits dialogues,admetune période de transition avant d'arriver à la

seconde, et cette période de transition commence

par le fyo~oyas. C'est une opinion qu'il est aussi

impossiblede réfuter que de démontrer. Les nom-

breux anachronismes qu'on y trouve avaient été

déjasignalés par Athénée (7).

(t) Proiegg.adLys.(2) P. 383, 431, 448, G12.

(3)YoLf.p.MS.(4) T. t, p. 23.

(5) B</t. Atc., VIH, c. 1. 2. <0:; p. 59, a. d.; p. 63, b.; Magn.

jfor.~ II, c. 11 p. 111, e; 112, o.; JM., VII, 2, 5; p. t62, b., c.;

165, b.

(6)Proclus,inRemp.,p.350,nousapprendquecesous-titreétaittrès-ancien,etneparaissaitpasavoirétéfabriquécommelesautresparles Mtiteufsrécent.

(?)Àthén.,Y,p.228,et XI,5Û6.Ledialogueestcenséavoir

182 LES ÉCMTS DE PLATON.

Socrate fait à l'un de ses amis le récit d'un

entretien qui avait eu lieu chez Caillas, fils d'Hip-

ponicus, entre Protagoras et lui, en présence d'Hip-

pocrate, d'Alcibiade, de Caillas, de Critias, de

Prodicus et d'Hippias, qui avaient pris quelque

part à la conversation, et de personnages qui étaient

restés muets tels qu'Éryximaque, Phèdre, Char-

mide, Andron, Pausanias de Céramis, le poëte

Agathon, les deux fils de Périclès, Paralos et Xan-

thippe, et d'autres encore.

L'objet du dialogue est complexe. C'est d'abord

une comédie vive, spirituelle, un persiflage d'ironie

mordante où la personne, la morale pratique et la

méthode logique des sophistes sont mises en paral-

lèle avec celles de Socrate, et sont immolées par la

lieu, 01. 90,1 = 420, l'année qui suivit la représentation des

C<M!tp<t~rKM'<~dePhéréc);ate,Ffo~327, d.;mais cette date ne

concorde plus avec les détails donnés p. 309, d., sur l'arrivée

toute récentede Protagoras à Athènes, où Eupolis nous le montre

déjà 01. 89, 3 ==422.Un autre anachronisme peut-être encore: le

père de Callias, Hipponicus, est supposé mort récemment, si l'on

interprète littéralement le passage, p. 3l5, d.; orit est mort a

Délium en 424; mais les 61s de Périclës sont présents à l'en-

tretien, et ils sont morts avant leur père, mort Ini-mêmeen

429. Tout ceci prouveque Platon se permettait, dans la compo-sition de ses dialogues, toutes les libertés d'un auteur drama-

tique, ce qui n'exclut pas la possibilité que certains anachro-

nismes aient été le résultat d'une révision postérieure. Il est

donc impossible de tirer des détails biographiques donnés ici

quelque induction légitime sur la date où l'ouvrage a été com-

posé. L'opinion que se faisait Platon de la valeur d'un livre

écrit lui rendait indifférentes ces fictions. et ces erreurs histo-

riques. Aussi Timon disait-il, Diog.L., tu, 26:

'f~ ~M~KTTen).XTMV,TtM).K(T~VKOaÙjtaTas!o<0;.

LË$ËGMf8 DE PLATON. 183

dialectique et par le ridicule. C'est en outre une

discussionthéoriquede cepoint grave, à savoir,si la

vertu est susceptible d'être enseignée, point qui ne

reçoit cependant pas de solution positive ce quia fait supposer à Stallbaum que la question théo-

rique n'était amenée ici que comme un exemnie

qui permît de montrer en face de la méthode

naturelle, vivante, féconde de Socrate, la stérilité

de la routine et la fausseté des idées de la sophis-

tique, dont Protagoras est- commele type person-niné.

C'est une erreur de restreindre à une question de

méthode la portée de ce dialogue, et une erreur quise révèlebien vite à celui qui se rappelle les gravesetprofondespenséesqui y sont exposées.

La connaissanceest la nourriture de Famé mais

les sophistes ne savent point distinguer la science

vraiede l'apparence du savoir, et neveulent pas voir

par exempleque toute vertu est une science, et quetoutes les vertus, que distingue le langage, sont

liées entre elles par une indissoluble unité. Aussi

toute action mauvaise, tout péché, a pour source

dernière et réelle, quoique cachée, rignorance.

Personne ne fait le malqui est .une douleur, per-sonne ne fuit le bien qui est un plaisir (i), volontai-

(t) Mn'ya. danscetteproposition,rien decontraireauxdoctrinesplatoniciennes.Lanatureduplaisir,étanttouterela-

tive,peutaussibienêtreconfondueavecleBienqu'enêtredis-

tinguée,etondoit,au pointdevuedePlatoncommedeSo-

cràte.icsconfondre,aussitôtqu'onentendparplaisircequisertau bonheurdel'homme;carle bonheur,la béatitude,estle

i84 LESECRITSDEPLATON.

rement ou sciemment. Le bonheur consiste dans la

moralité, et la moralité consiste essentiellement

dans la notion claire de la chose a accomplir.L'être

qui ne sait ni ce qu'il fait ni ce qu'il veut n'est plusun être moral doctrine juste au fond, et qu'onretrouve partout dans Platon et particulièrement-dans le Sophiste, p. 257; c., et dans les Lois, XII,

p.963.Le beau mythe où Protagoras expose l'origine

de la politique et de la~morale, et la ramène à la

conscience, au sentiment de la justice, a été com-

menté dans des dissertations spéciales d'A. Ek-

ker (i) et de Welcker (2). La chanson de Simonide,dont l'interprétation est l'objet de la controverse

entre Prodicus et Socrate, a été remise en vers parG. Hermann, dans l'édition de Heindorf, p. S98, et

par Schneidewinn dans son Delectus~o< ~o?e.

e~.M?M&!c.?M~ p. 379.

Les personnages sont les plus célèbres sophisteset les plus illustres citoyens d'Athènes Pro-

tagoras, le plus grand des sophistes, est comme

un roi entouré de sa cour dont il reçoit grave-ment les hommages. Le vaniteux Hippias, assis

sur un siège élevé et comme sur un trône, fait de

l'astronomie avec le médecin et physicien Éryxi-

vraibutde toutel'activitéde l'homme.Si,dansleGorgias,le

plaisirestdistinguéduBien,c'estleplaisirtelquel'entendaitlasophistique,c'est-à-direunesensationfugitiveet instantanée.

(t) Spec.fn.,<)tProtag.,apudPlatonemlabulamdeProme-

~o.Utrecht,lSM,8.(2)Mt'M.J!fM.,t.!i!,p.39t.

LESËGNTSDEPLATON. i8S

maque, et Prodicus donne un spécimen de ses

étudessur la grammaireet le dictionnaire; il raffine

sur les nuances de sens des mots xoM~et

«jJL(Pt<l67)T6!vet ep~EtV,6&SoX[~.E~et :WM~ET9ett,6&(t)pM~eo9ot[et ~SMQott.

Le mouvement dramatique et le jeu habile de la

scène, la peinturesi caractéristique et si vivante des

personnages, nous prouvent que la tradition n'a pastort de nous dire que Platon était un admirateur pas-sionné et un imitateur de génie des comédiesd'A-

ristophane et des mimesde Sophron. Le théâtre de

l'action et les personnages secondairesne sont pasmoins heureusement choisis et peints. Il s'agissaitde montrer la folle passion et l'entraînement irré-

fléchidu beau monde et de la riche jeunesse pourla sophistique. L'entretien a donc lieu dans la mai-

sondu noble et opulent Callias,beau-filsde Périclès,

Eupatride, et revêtu du sacerdocehéréditaire dans

safamilledepuis Érechthée (Xénoph., ~VIII,

40); son engouement pour les sophistes était tel

quesa maison était devenuecomme leur hôtel éom-

mun, et que sa fortune fut compromisepar ses im-

prudentes largesses. Aussi Athénée, XI, p. S06, n'a-

t-il pas tort de dire que Platon met èn scène et ex-

pose à la risée du public comme en plein théâtre la

vie de Callias, plus vivement que ne l'avait fait

Enpolis dansses Flatteurs.

Les éditions spéciales les plus autorisées sont

celles de Fr. Heindorf, Berlin, 18t0, qui conseille

de commencer par le F?'o<aya?''Mla lecture et

l'étude des ouvrages de Platon. Ast, dans son

188. LES ÉCRITSDE PLATON.

édition générale, lui a consacré des commen-

taires étendus et riches. On consultera avecfruit les

dissertations de W. Nattmann de P/a~oMMProta-

gora, Emmerich, 1834, et deR. Schone, UeberP/a-

ton'.sProtagoras, Leips., 1862.

2S.L'EM<&mejOK~)"M~Me.

Dialogue réfutatif, qui forme dans la sixième

tétralogie la première pièce.

Euthydème et Dionysodore, deux &'ères, origi-naires de Chios, exilés de leur pays, établis ensuite

à Thurium, lors de la nouvelle colonisation athé-

niennesur les ruines de Sybaris, étaient venussur le

continent, dans leur vieillesse,promener leur science

récemment acquise, et, après avoir fait des cours

de stratégie militaire, donner desreprésentations de

sophistiqueéristiquë. C'étaient des disciples et des

partisans de Protagoras, et leur principe, à l'aide

duquelils détruisaient toute difFérenceet toute di-

versité dans-les choses et les idées, était que Tmc~

TMvMSj~Mi;eïvott x~ <xE(,C?'a~. 386~ d.~maxime

qui diffère plus en apparencequ'en réalité de celle

de leur maître. Les autres personnagessont Criton,

OiniasetCtésippe.

Clinias, fils d'Axiochus, est le cousin germain

d'Alcibiade; Gtésippe est le cousin deMénéxène,avec lequel nous le rencontrons dans la prison de

Socrate.

Socrate raconte à Griton l'entretien que Glinias,

Gtésippeet lui-métneont eu, soit entre eux, soitt

LES ËCRttS DE PLATON. i87

avecles deuxsophistes, dans le Lycée, où la foule

n'avaitpas permis à Criton d'approcher; et le dia-

logue se termine par une conversation entre les

deux amis dans laquelle Criton exprime l'incerti-

tude et l'inquiétude de son esprit au sujet de l'édu-

cation à donner à ses enfants. En présence de la

puérilitéet de la niaiserie où était tombée la dialec-

tique, dégénérée dans les mains des sophistes, en

présencede cet abaissement qui compromettait la

philosophiemême, il se demande s'il doit dirigerses filsvers l'étude d'une sciencesi vide et si vaine,et les détourner pour cela de la vie des affaires, de

l'intérêt, de l'ambition et duplaisir; à quoi Socrate

répondqu'il ne faut pas juger de la philosophieni

par l'usage qu'en font des mercenaires avides, ni

surtout par l'opinion qu'en ont les logographes, ses

ennemisacharnés, arrogants et vaniteux,qui, tout en

profitantdes enseignements des sophistes, auraient

rougi d'être considérés comme tels, et se donnent

lenomdepolitiques;ilsprétendent ainsi tenir le

milieu entre les hommesd'étudeetleshommesd'Ëtat,et se plaisent à confondre dans le même mépris les

sophisteset les philosophes, maisils sont inférieurs <

en réalité à tous, et aux hommes d'État, et aux

sophistes, et aux philosophes, étant tout à moitié

moitié savants moitié politiques. Il faut jugerla philosophiepar elle-même, et, si elle 'est en soi

chose salutaire et précieuse, la cultiver et la faire

cultiver par ses enfants et tous les autres hommes.

Si Protagorasn'est pas le père du sophisme; ma-

ladie naturelleet peut-être incurable de l'esprit hu-

~~88 '-?' "LES~GMTS~E'PLÀTO~

main,. il est du moinsle père de la sophistique,c'est-à-dire du raisonnement fallacieux ramené à

des <brmu!.esgénérales, à un art et presque à une

science (i). C'est lui qui a mis cet instrument de

dominationet de puissanceentre les mains des gens

pour qui l'art de la parole est ou un métier lucratif

ou une nécessité politique(2). La sophistique, purartifice de langage qui consiste à dissimuler ou la

faiblesse ou la force d'un raisonnement, non-seule-

ment est utile à ceux qui font montrede leur talent

ou jaceux qui en font usage,elle plaît parce qu'elleest ingénieuse et qu'elle révèle des rapports inat-

tendus,'quoique purementapparents,entre leschoses

et les idées, ou plutôt les termes qui les expriment. [

La sophistique et ses artifices à la fois subtils

et grossiers qui répondent si mal à son insolente s

prétention d'enseigner aux hommes la vertu ne

fût-ce que la vertu politique, sont ici mis en

scène et presque réfutés par la précision des ter-

mes, avec une force comique, et au milieu d'un

mouvement si vif et d'une action si dramatique,

qu'on ne peut comparer cet ouvrage qu'à quel-

ques, passages des Nuées, où la verve bouffonne J

d'Aristophane s'est donné pleine carrière. Les

JVM~oSrent des analogies frappantes avec l'Eu-

~y~Me, ou mieux encore avec quelques-unesdes premières lettres des Provinciales; mais il ne

faut pas croire que le but du dialogue ne soit

(i) Diog.L., !X.&2.

(2)Eo~tOjjtC[T<tTo!pKYtt<xTo~')youT(Ttpos~YOtYE.Conf.Suid.,v.

"LE:S~~mT~DE~PLÀTON.. .69"

qu'un but d'art et de poésie. Platon a voulu faire

rire, mais rire d'une" chose qui compromettait laa

sciencequi lui était la plus chère et qui faisait la

force et le fondde sa doctrine, la dialectique môme.

Il a cherché à discréditer le sophisme, qui, sousdes

formes sans doute plus spirituelles et plus ingé-

nieuses, séduit tous les hommes, et séduisait sur-

tout les Grecs, dont le génie, par sa finesse même,

y a toujours unpeu penché. On peut juger de l'im-

portance que la dialectique sophistique.avait prise

et de l'iniluence qu'elle avaitgardéesurlesespritsparlesattaques réitérées non-seulement de Platon, mais

mêmed'Isocrate. Les fils déliésde l'argumentation

sophistique et de la réfutation par laquelle Platon

la détruit échappenta une rapide analyse. M.Stall-

baum en a donné une excellente, mais un peu Ion-

gue. Ceux qui se donneront le plaisir de relire

cette spirituellecomédie seront étonnés de voir déjàsous les formes/dans les termes et avec les exem-

ples consacrés, se dérouler ces syllogismescaptieux

qui traînent dans toutes les logiques, et auxquelsAristote n'a pas cru inutile d'opposer une nouvelle

réfutation dans un traité spécialqui n'est guère que

l'.E'<~Me sous des formules didactiques et scho-

lastiques (1). Maissi la réfutation est le fonddu dialo-

gue, on y rétrouve les thèses, qui sont les principesde cette réfutation, au moins indiquées, c'est-à-dire

on y oppose la morale et la dialectique socratiques

(!)Cousin a retevemecsointoustespassagesd'Aristotequirappellentoureproduisentlesréfutationsdel'BMM~<Mme.

LESËCR!TSDE PLATON.190

et les doctrines positives qui rappellent les idées de

Socrate et celles de Platon par exemple, la ques-tion de savoir si la vertu peut être enseignée, po-sée dans le Protagoras et discutée dans le JMeMOM.

La vraie scienceest la science utile au bonheur, et

le bonheur consiste dans la possessionet l'usage des

vrais biens. Le vrai bien consiste dans la sagesse,car seule elle nous enseigne à faire un bon usage de

tous les biens, même de la science. La philosophiene doit pas être confondueavec la vaine critique, et

domine par sa valeur morale, commepar sa di-

gnité, la vie littéraire et la vie politique.Ast (l)est le seul critique considérable qui ait

contesté l'authenticité de l'~M~~e?Ke~ dont des

éditions ont été données par1. L'Anglais Mart. Routh, Oxf., 1784.

2. Heindorf, qui l'a réuni avec le Cratyle et le

Parménide. Berl., 1806.

3. Winckelmann, qui s'est livré à un travail de

critique sur le texte et d'exégèsephilosophique très-

important, et a enrichi son édition du traité d'A-

ristote de Elench. Sophist., Leips., 1833.

4. Stallbaum, dans son édition générale, a fait

(1)P. 408.UnephraseoùProtagorasestnommé,etdontletoursembleindiquerqu'ilétaitmort,a portéWinckelmannà

placerla compositiondecedialogueaprès410.Onpourraitenêtrecertainsanscela,caren410Platonavaitdix-huitans.

Lecaractèresocratiquedesprincipesdela réfutationetdesdoctrinespositiveset utilitairessur la scienceet le bonheur

faitcroireàM.Stallbaumqu'ilestdela jeunessedel'auteur,etdoitêtreplacéparmilesécritso" Platonn'exprimepasencore

unedoctrinequilui soitpropre.

LES ÉCRITSDE PLATON. i9<

précéder ses notes savantes de prolégomènes éten-

dus. Gotha et Erfurt, 1836.

26. L'ApologiedeSocrate.

Dialoguemoral, qui forme la deuxième pièce de

la première tétralogie de Thrasylle et la troisième

de la quatrième trilogie d'Aristophane.C'est le premier ouvrage de la période de transi-

tion que M. K.-F. Hermann admet dans les pha-ses de la vie d'écrivain de Platon, et qui.se compose,outre l'~oo~oyM, du C~o~,du Gorgias, de l'Euthy-

p~oM, du~feKOMet de l'HippiasI. Denysd'Halicar-

nasse, cherchant à placer l'Apologie dans ses caté-

gories de rhétorique, avait raison de n'y vojr ni un

dialogueni un discours judiciaire (1). C'est un élogede' Socrate (2) sous la forme d'un plaidoyer; c'est

l'exposition de tous les motifs et de tous les pointsde vue qui avaient suscité son entreprise, et en

même temps sa justification et sa glorification et,comme sa personnalité se mêle intimement à sa

doctrine, l'exposition des principes de sa conduite

devait se mêler à celle de ses principes philosophi-

ques, confondus peut-être avec ceux de Platon.

Cediscours est diviséen trois parties. Danslapre-

mière, Socrate repousse l'accusation qui lui repro-chait sansfondementde selivrer à desétudes astrono-

miques qui l'amenaient à des négations religieuses,

(t) Dea<&t,et .Dem.,c.23.

(2)DionHah,ArsMe<c. 8 eUO."Exatyot,~xfejuo'

i92 LES ËCMTSBE PLATON,

de s'occuper de rhétorique sophistique qui réus-

sissait à troubler l'esprit de la jeunesse sur les no-

tions les plus certaines, les plus simples et les plus

importantes de la morale, enfin d'introduire le

culte de divinités non reconnues par l'État et de

violer ainsi le respect commandépar la loi et la reli-

gion officielle.Maissurtout Socrate, ou plutôt Pla-

ton, cherche à expliquer les raisons secrètesqui ont

soulevécontre lui et les accusateurs qui se nom-

ment, et les accusateursanonymes, plus dangereux

et plus perfides, qu'il ne saurait démasquer. Les

vraies raisons pour lesquelles il est suspect, c'est

qu'il croit avoir reçu des dieux une mission dont la

vérité lui a été certinée, alors qu'il en doutait en-

core, par la voix même du dieu de Delphes. Il est

appelépar les dieux à rendre les hommes et meil-

leurs et plus heureux. Pour réaliser ce but dif-

ficile, il aété obligéde démontrer à ses concitoyens

quel étaitle véritable état de leur. esprit et de leur

âme: l'un,plein d'erreurs, l'autre pleine de vices, et

de leur arracher, par une confessionpublique, né-

cessaireet cruelle, l'aveu de leur faiblesseet de leur

ignorance. Apprendre aux hommes s'étudier et à

se connaître, dissiper l'illusion d'une fausse science

pour y substituer,peu à peu, au prix de longs efforts,une connaissancevéritable de l'homme, de sa na-

ture, de sa destinée, de sa vie voilàce qu'il a fait et

voulu faire. C'est dans cette sciencequ'il place pourlui-même et pour les autres le bonheur, le devoir et

-la dignité de la vie. L'orgueil humilié de quelquesfauxsagesdémasqués,dequelques ambitieuxraillés,

LES ÉCRITSDE PLA~~ ~93

a soulevé contre lui des inimitiés puissantes, les ini-

mitiés des préjugés qu'il voulait détruire et des in-

térêts qu'il menaçait. C'est par amour pour les hom-

mes, par obéissance envers les dieux qu'il s'est

consacré à cette tâche qui se confond avec sa vie

même, qu'il ne peut pas abandonner et à laquelle la

crainte de la mort même ne saurait le faire renoncer.

C'est une chose bien extraordinaire que ce mor-

ceau, où je trouve des parties d'un pathétique

achevé, quoique contenu, et un accent de gran-

deur simple et héroïque, ait été jugé par quel-

ques anciens indigne et du génie du défenseur et

du caractère de l'accusé (i). Ast insiste encore sur

la pauvreté du fond, sur le défaut d'art de la forme,

et en conclut, avec sa témérité habituelle malgré

deux allusions évidentes d'Aristote (2), que l'oeuvre

n'est pas de Platon. Ce qui me confond, c'est que

M. Cousin, qui n'a nulle part exprimé ce doute,

me disait qu'il n'était pas éloigné de partager son

sentiment.

(1) CassiusSéverus dansM. Senec., C<M<<'oMM.M;c.,!H, prœf.t Eloquentissimi viri Platonis oratio, queepro Socrate-scripta,

est,Decpatrononecrebdigna." »

(2) NAef.,11, 23 et H!, 18. Ast, aussi savant et aussi cons-

ciencieux quehardi, ne te cache pas; il se borne à dire Aris-

tote 'paralt avoir eu notre Apologie sous les yeux, mais il n'y a

rien à conclure de là pour l'authenticité de l'ouvrage, MwanM

?ec!ocA/t<r<<te<;A<Ae{<~erMH'M!K{c~gefolgert werden A'a~ u

A plus forte raison ne tient-il aucun compte des citations de

Denys d'Halicarnasse, de Tbémiste, de Proclus, de Diogene de

Laërte, d'Origënè, d'Aristide, ni desvieux grammairiens, qu'ontrouvera produites dansl'éd. de Fr. Fischer, éd. 3, p. 66.

LESÉCRITSDEPLATON.194

Les raisons d'Ast sont singulières l'horreur et

le mépris que Platon et Socrate témoignent pour

l'éloquence judiciaire ne permettent pas de croire

que Socrate ait prononcé, ni que Platon lui ait

prêté un véritable discours sous forme oratoire.

La manière dont Socrate parle de lui (i) n'est

pas cette noble nerté qui part de la consciencedu

droit et de l'innocence, mais témoigne une arro-

gance et un orgueil insupportables, ou une naïveté

ridicule. Au point de vue d'une défense réelle, le

discours, en partie, est d'un caractère sophistique,en partie très-incomplet et insuffisant.Il nerépondni au premier grief, que Socrate corrompt la jeu-

nesse, ni au second, qu'il ne croit pas aux dieux de

l'État. Il y a contradiction entre l'idée que nous

donne Xénophon du Daemonium,et celle que nous

en donne l'Apologie (2). Enfin-le scepticisme de

Socrate à l'endroit de l'immortalité de l'âme est

contraire à la doctrine la plus authentique et la plusclaire de Platon.

Je ne veux pas réfuter ces objectionsqui tombent

toutes aussitôt qu'on veut bien se. placer au point de

(i) Allusionaux passagesoù il racontesamissiondivine,se présentecommelebienfaiteurde la patrie,et le seulsageparmileshommes,puisqu'ilest )eseulà savoirqu'jl nesaitrien.

(2)Asteûtduajouteret lePhèdre,p. 242,b.;maisil setired'embarrasen appelantlepassagedu fAMreM SejiEMc~e,uneglose.Uneautreraisondesdoutesd'Ast,c'estla ressemblance-deslocutionsde l' ApologieaveccellesdesdialoguesdePlaton.Maiscommentpeut-onvoirlà lapreuvequel'~po~ten'estpasdumêmeauteurP

LESÉCRITSDE PLATON. i9S

vue vrai de l'ouvrage. Je me borne à remarquer

que ce morceau, dont on accuse l'art imparfait, a

été loué, admiré et traduit par Cicéron, bon jugeen fait de goût et d'éloquence, et dont l'apprécia-tion ne peut pas être mise de côté par une simple

épithète der M~f~Mc~eCMe?'o.

Parmi les nombreuses éditions spéciales de cet

ouvrage, on signale surtout celles de Fr. Fischer,

Leips., 1783, qui l'a joint à l'~M~y~)/~o~ au C?'

ton et au Phédon, d'Heindorf, Berlin, 1805, et

enfin de P. Buttmann,Berlin, 1822.

27. Le CMoH, ou du DeooM'.

Dialoguemoral, qui forme la troisième pièce de

la première tétralogie de Thrasylle et la premièrede la cinquième trilogie d'Aristophane.

Criton, le vieil ami de Socrate, du même dème

et du même âge que lui, vient le réveiller de bonne

heure dans sa prison, et le presse de s'enfuir (i).Socrate s'y refuse, et dans la belle prosopopéedes Lois, lui prouve que cette conduite ne serait

pas conforme aux maximesqu'il a toute sa vie pro-fessées et pratiquées.

L'important n'est pas devivre, mais debien vivre,

c'est-à-dire de vivre selon la justice. Il vaut mieux

(<)Lefaitestreproduitpar Xenopb.,JFo~§23,et Plut.,vol.I!,p. llM.iS.Platony faitencoreaU)!sion,F/;a'~oM,99,a.Cependantl'honneurde la démarcheattribuéeicià Critonestdonneà EschineparDiog.L., H!~36,conf.H,35,etU,60.

06 LESËûR~D&PbATON.,

(1) C<M'9.p. 458, e,447,'c. t5~ Mov S~TM~;490, b.,mJAo[n <!v9pt07CO[;

Chéréphonest un Athénien, ami d'enfance de Socrate, nature

ardente et passiojtnée commeApo)!odb)'e, et qui avait été faire

à ta Pythieia question s'il y avait un homme plus sage que So-

crate. H appartenait au parti démocratique, en avait partagé les

périls, les persécutions,et n'était rentré à Athènes qu'avec Thra-

sybuIé.CaHiciës est également un Athénien dont NpuSne con-

naissons le caractère, ta personneet les doctrines que par PIa-

Dialogue réfutatif, qui forme la deuxième piècede la sixièmetétralogie de Thrasylle et manque à la

classification d'Aristophane.Les interlocuteurs Socrate, Chérepbon, Gorgias

et Polus sont réunis dans la maison de Calliclès,et

l'entretien a lieu devant un grand nombre d'audi-

teurs (1), qui viennentd'assister avec transport à

une leçon de Gorgias.

28.LeGorgias,oudela Rhétorique.

souffrir et mourir plutôt que d'en violer les com-

mandements. L'injustice est toujours un mal, et

elle reste telle, même envers celui qui a été injusteenvers nous. La justice défend de rendre le mal

pour le mal.

Cette thèse, qui pose la valeur absolue de la loi

morale,sans exception ni réserve, n'a pas préservénotre dialogue des soupçons ou plutôt de la condam-

nation d'Ast, qui le trouve, plus encore que l'~)o-

logie, pauvreet vide d'idées, et dépourvu de la

clarté et de l'aisance habituellesdu style de Platon.

LES ËCMTSM PLATON. ~7

Le but du dialogue est de détruire l'idée fausse et

funestequ'on se fait de la rhétorique et d'y substi-

tuer unenotion plus vraie et plus pure, en montrant

qu'elle se confondavec l'art d'enseigner aux hom-

mes la vérité et la justice.Jl se diviseen trois partiesdont M. V. Cousin, dans son éloquent et profond

argument, a montré le rapport nécessaire et le lien

intime.

Dans la première, Socrate interroge Gorgias sur

.l'idée qu'il se fait de la rhétoriqué; le sophiste la

déSnit l'art de persuader les juges dans les tribu-

naux, le peuple dans les assemblées publiques,et accorde qu'elle a pour objet le juste et l'injuste.Si l'on's'en tient rigoureusement aux termes de

cette dénnition, on arrive bien vite à reconnaître

que la persuasion dont la rhétorique est l'ou-

vrière n'est pas fondée sur une connaissance

scientifique, une vue claire et certaine, mais sur

une croyance incertaine et irréfléchie, et comme

l'objet de cettecroyanceest le juste,il en résultequela rhétorique renferme l'art de persuader l'erreur et

l'injùste.tout autant que le juste et le vrai qu'ellene produit qu'une pure opinion qui ne s'appuiesur aucune science réelle, et n'a aucun rapportavec la justice et avec la vérité. Car, si l'orateur

ton.Gorgiasest le fameuxrhéteurde Sicile,néversi'O).70,de501à 497,et quiétaitvenuà AthènescommeambassadeurdeLéontini,sapatrie,demanderdu secourscontreSyracuse,versOt.88,2,427.Po)us,d'Agrigeate,est son élevé:PM-

iostrate,VtfB~cpA;,J. p. 500,dit qu'i!étaitfortriche,etSuidasluiattribuequelquesécrits.

LES ËCMTSDE PLATON.~98

connaissaitvraiment et pouvaitenseigner la justice,il serait juste et ne pourrait se servir de son art pourune cause injuste mais l'expérience nous montre

qu'il n'en est pas ainsi il faut donc avouer que la

rhétorique n'est ni belle ni vraie. Mais, si elle n'a

aucun rapport avec la vérité, ce n'est pas un art,du moins un art véritable, qui est fondé sur des

principes certains et rationnels; ce n'est plus qu'unsavoir-fairepratique et une vraie routine le moyende faire illusion et de mettre partout l'apparence à

la place de la réaiité, de plaire, de flatter, de cor-

rompre au lieu d'être utile, de corriger, d'élever. La

rhétorique n'est qu'une apparence de la science quia pour objet la pratique de la justice, et toute

sa force consiste à en simuler à des yeux et des

esprits inexpérimentés les vertus, la beauté et la

dignité (1).Polus qui a pris la parole, lorsque Gorgias ne

savaitplus que dire, hésite à répondre, et, pour dis-

simuler son embarras, se met à vanter la puissance

que donne l'art de la parole à ceux qui en sont ar-

més. A l'aide de cet instrument magnifique de la

parole éloquente, l'orateur fait tout ce qu'il veut, le

juste et l'injuste, le bien et le mal, le fait impuné-

(i) C'esticiqueseprésentela fameusedivisiondesarts:la médecineet la gymnastiqueen cequiconcernele corps,ia puissancetégislativeet la puissancejudiciairequi con-cernentl'âme,sontcomparéesauxpratiquespernicieusesquine sontque!e simulacrede cesarts, tellesque la cuisineet la toilette,d'unepart, la sophistiqueet la rhétorique,del'autre.

LESMMTS DE PLATON. 199

.ment et arrive au plus haut degré de cette puissance

dont l'homme est si avide et si heureux.

Socrate contestechacune de ces propositions.On n'est pas puissant parce qu'on fait ce qu'on

veut, si l'on ne veut pas ce qui est juste et bien;et cela même n'est pas possible. Il faut distinguer le

but et le moyen de l'action humaine. L'objet de la

volontéest toujours le but, et le but est toujours le

bien nul être pensant ne veut sonmal. Le moyenest choisi et voulu en vue du but, et pour arriver

au bien. Ge n'est.pas la médecine que veut le ma-

lade qui se résigneà la prendre,c'est la santé, c'est-

à-dire le bien. Or, si l'homme fait le mal, on peutaffirmerd'une part qu'il ne l'a pas voulu d'autre

part que c'est par ignorance du rapport du moyen ala fin. Le pouvoir vrai consiste donc bien a faire ce

qu'on veut, c'est-à-dire à vouloir le bien, et à con-

naître et a pratiquer les vrais moyens qui peuventconduire a cette fin. L'ordre est le caractère, la me-

sure et l'essence de la puissance véritable qui est

un bien.

En second lieu, on n'est pas heureux parce quel'on fait tout ce qui vous. plaît, même le mal, eton-est-d'autant moins heureux qu'on le fait impu-nément. Quiconque est honnête et vertueux est

heureux mais quiconque est injuste et méchant

est malheureux. C'est un mal plus grand de com-

mettre une injustice que de lasouS'rir; et c'est un

mal plus grand encore de ne pas réparer, par la

peine et le ctâtunent, dans la mesure où elle est

réparable, l'injustice une fois commise. Car le

200 LES ÉCRITSDE PLA~~

sentiment universel le reconnaît lui-même: il est

plus beau de souffrir l'injustice que de la faire; il

est plus honteux de faire l'injustice que de la souf-

frir. Pourquoi?La beauté en toutes chosesse ramène à l'union de

l'utilité et du plaisir; de même la laideur ne peutse comprendre que par la douleur et lemal réunis

or il n'est pas plus agréable de souffrir l'injustice, si

cela est plus beau; c'est donc que c'est plus utile,ou que c'est un plus grand bien. H n'est pas plus

douloureux de commettre l'injustice c'est donc

que cela est plus mal. Et si cela est un mal, l'expia-

tion qui l'allége est un bien relatif donc l'impunité

augmente encore le mal. Ainsi le méchant est mal-

heureux le plus méchantest le plus malheureux et il

est d'autant plus malheureux qu'il reste impuni.Si vous avez commis quelque faute, hâtez-vous

de la confesser publiquement et présentez-vous de

bon coeur à la justice, comme'au médecin, poursouffrir les incisions et les brûlures sans regarderà la douleur. Il ne faut penserqu'à ce qu'on a mé-

rité. Sont-cedesfers? il faut leur tendre les mains;

une amende? la payer; l'exil? s'y condamner; lamort? la souffrir car l'homme coupablequ'on met

à la torture, qu'on déchire, à qui l'on brûlé les

yeux, qui après avoir souffert en sa personne des

tourments sans mesure, sans nombre et de toute

espèce, et en avoir vu souffrir autant à sa femmeet

à ses enfants, est enfin mis en croix, ou enduit de

peix et brûlé vif, est moins malheureux que s'il

échappait à l'expiation et passait sa vie entière dans

LES ËCRiTSDË PLÀTOK. Mi

les plaisirs, la puissance, la liberté, et jouissant de

soninjustice impunie.Contre cette théorie magnanime et profonde qui

établit si puissamment la relation de la vertu et du

bonheur, de l'ordre moraletdesinstinctsde la nature

sensible, il ne reste qu'une objection, c'est de con-

tester cette distinction même, et c'est ce qu'entre-

prend Calliclës dansla dernière partie du dialogue.Il n'y &qu'un ordre vrai, c'est celui du bonheur

sensible; il n'y a qu'une'vraie justice, une vraie

beauté morale, un vrai droit, c'est d'obéir au pen-chant de la naturequi nous invite au plaisir, et nous

y invite avec d'autant plus de forceque noussommes

nous-mêmes plus puissants et plus forts. La vérité

et la nature des choses le proclament également le

seul droit est celui du plus fort, et le but de la vie

est de se mettre en possessionde ce droit et de jouirde son usage, en satisfaisant librement ses instincts,ses désirs et ses passions. C'est en vain que les

conventions arbitraires de la loi positive et artin-

cielle, inventéespar les timides et les faibles, cher-

chent à déshonorer cette conduite, à discréditer

cettedoctrine et à renverser laloi naturelle ef l'ordre

des choses. C'est envain que les législations et l'é-

ducation faussée cherchent à faire prévaloir l'égalitédes droits et des devoirs, comme le principe et

la règle des relations sociales. C'est la maxime con-

traire qui est vraie: l'inégalité est la justice natu-

relle, et au fondtout le monde la pratique, dans la

mesure oùil le peut, et on ne s'en abstient que par

impuissance on par lâcheté.

LES ÉCRITSDE PLATON.202

Socrate ramène la réfutation de cette doctrine

sceptiqueet audacieuse aux deux points sufnsants

i" Il est faux que le bien se réduise au phéno-mène du plaisir.

2° La loi morale, et l'ordre légal ne sont point

opposésà la loi naturelle

Car, pour prendre ces arguments dans l'ordre

inverse, ou les plus forts sont les plus nombreux et

alors l'ordre légal qui reconnaît la beauté de la

justice, étant leur œuvre, est l'œuvre du plus fort,c'est-à-dire la loi de la nature; si l'on entend, au

contraire, par les plus forts, les plus honnêtes, les

plusjustes, l'opposition disparaît à l'instant même

le plus juste est digne de commander sansdoute.,mais parce que et en tant qu'il est et reste le plus

juste or la justice qui lui donne le droit de com-

mander lui impose le devoirde se commanderà lui-

même, et de respecter, aimer, servir les autres.

Maintenant on.ne saurait confondre et identifier

le plaisir avec le bien.

Car 1° le plaisir est un phénomènetout relatif en

soi, et renferme un élément de douleur, puisqu'il

est la satisfaction d'un besoin, c'est-à-dire d'une

.privation quiest nécessairement une souffrance. Le

bien est absolu et ne comporte aucun mélange de

mal il enest lacontradiction absolue.

2° Non-seulement le plaisir est relatif en soi,mais il est relatif parla diversité des sujets qui l'é-

prouvent. Il n'est pas le partage exclusif des fort?,des braves, des hommes libres et sages l'enfant,la femme, l'esclave, l'ignorant, l'homme faible, lâ-

LES JÉCNTSDE PLATON. 203

che et vil, ne le goûtent pas avec moins de viva-

cité.

3° Si le plaisir des sens était le bien, l'intensité

ou la durée du plaisir serait la mesure du bien

le lâche deviendrait un homme de bien en se sau-

vantdu champde bataille,parcequ'il jouirait d'avoir

sauvésa vie lebrave deviendrait un méchant parce

qu'il souffrirait en donnant la sienne à son pays età sondevoir.

4° Si l'on distingue .entre les plaisirs, et qu'onn'admette comme devant être- le but de la vie queceuxqui sont conformes au bien, c'est le bien quidevientla mesure et par conséquent qui détermine

lebut de la vie. Doncles moyens qui conduisent le

plussûrement au plaisir ne constituent pas un art,etcen'est paspar là que doit se recommander la rhé-

torique. Tout art, et aussi l'art de la vraie éloquence,a un rapport nécessaireavecla véritéet la vertu. Car

l'art véritable, d'un côté,étudie la nature du sujetsur

lequelil travaille,recherche lescausesde cequ'il fait,etpeut rendre raison de chacun de sesprocédéset de

ses eSets de l'autre, ménage à l'âme à laquelle il

s'adresse, non pas la jouissance du plaisir, mais

les avantagessalutaires et-réels du bien, en un mot

cherchea la rendre meilleure et parla plus heureuse.

La poésieet la rhétorique doivent donc se proposerd'éclairer et de perfectionner les hommes, et par

conséquentdoiventles étudier et les connaître; elles

doiventcontribuer à cette loigénérale et éternelle de

l'harmonie, de la beauté, de l'ordre qui préside àtoutes les parties et a l'pnsembie de l'univers, et

204 LES ÉCRITSDEPLATON.

lui a fait donner son nom, Ko<T(M<c'est en cela queconsiste essentiellement la notion d'art, r~~ xat

xo~o<xMï~T) (i). Il ne s'agit pas de vivre/maisde bien vivre, c'est-à-dire de vivre conformé-

ment à la loi absolue du bien, de la justice et de

l'ordre.

Et cette loi générale, universelle, éternelle, les

plus antiques et les plus respectables traditions du

genre humain nous l'exposent et nous la conser-

vent dans un mythe célèbre qui sous le voile d'une

fable cache une profonde vérité. L'âme, après la

mort, sera soumise à un jugement sévère et récom-

pensée, de ses vertus, ou punie de ses vices et de

ses crimes. Préparons-nous donc dès cette vie à

affronter ce tribunal auguste, a éviter la condam-

nation dont il nous menace, et à mériterla récom-

pense et la couronne qu'il nous laisseespérer. C'est

avec ces pensées saintes et vraies qu'il faut pra-

tiquer tous les arts, et l'art de l'éloquence en par-

ticulier, qui a pour but, commeeux tous, de rendre

les hommes plus sages, plus instruits, plus heureux;car si l'onpeut dire qu'il a pour fin de plaire, on doit

entendre que c'est aux dieux qu'il veut plaire (2).'Voila le résumé de cette longue et mémorable

discussion. Personne n'en a contesté la force, la

beauté, la grandeur; mais on s'est demandé quelleétait l'idée essentielle, le but principal qu'a pour-suivi Platon, et qui doit faire l'unité de son ouvrage.

(l)So~p.S07,d;508,a.(;!)'Ma~r., 273, e.

LES ÉCRITSDE PLATON. 205

i2

La première partie démontre que tout orateur

qui se respecte doit faire entrer dans la pratique et

la théorie de son art l'idée delà Justice.

Dans la deuxième, on prouve qu'en s'écartant de

cette règle, .l'éloquence n'assure à celui qui la pos-

sède ni la vraie puissance, ni le vrai bonheur car

la puissance et le bonheur ont un rapport nécessaire

avec la vérité et la vertu.

La troisième renverse la thèse sceptique de la

contradiction de la loi positive et de la loi naturelle,

et montre que l'ordre moral est ce qu'il y a de plus

conforme à la vraie nature de l'homme. Il est évi-

dent que si la rhétorique est le lien qui unit ces

trois parties entre elles (1), comme le soutenait déjà

(i) Steinhart divise le dialogue en cinq partiesLa i~, où on cherche la dëtinition et l'utilité de la rhéto-

rique.Lan% où l'on oppose l'art vrai à l'apparence fausse de l'art.

La m% où l'on oppose la loi morale divine au caprice de la

passion humaine.

La iv, où la loi divineest montrée commela seule loi humaine,

et où l'on arrive à l'Idée de l'ordre universel, de l'harmonie

générale du monde;

Lav", où l'on montre le rapport de la loi morale à la-loi uni-

verselle et divine.

C'estdanscette partie queseplacele mytheoùSteinhart,avecun peu de subtilité, veut voir l'épilogue du drame philosophi-

que,comme il retrouve, dans le résumé du dialogue, les traces

j de ces anapestes qui terminent l'exode des tragédies. Cette divi-

sionsejustifie mal, et s'accorde peuavec le mouvement de la dis-

cussion. Elle semble inspirée par le désir de trouver une analo-

gie parfaite du dialogue ou mime philosophique avec le drame, et

il a a-une erreurdans cette exagération, outre que le drame

grecn'a jamais connu la règle des cinq actes.

206 LES ECRITSDE~tON.

Olympiodore, ce n'est pas la rhétorique comme

art, et telle qu'elle sera examinée dans le P~mais considérée commel'organe de l'activité poli-

tique, qui était, dans l'opinion des anciens, l'acti-

vité morale par excellence. Or cet art, quand on le

ramène à ses principes vrais et rationnels, se con-

fond.avec l'idée de la philosophie pratique, à la fois

politiqueet morale, et c'est souscette réserve qu'on

peut dire que la rhétorique est le point central de

toute la discussion.

Parmi les anciens, dont Olympiodorenous acon-

servé les opinions assez divergentes (i), les uns en

petit nombreadoptaient ce point de vue; les autres

croyaient que l'idée principale était la justice;ceux-ci la doctrine d'un Dieu-Providence; ceux-là,

parmi lesquels Olympiodore lui-même, la discus-

sion des principes qui nous conduisent au bonheur

politique(2).

(t) t)amascius,~Ao~.Co~~92,p. 551,raconte,à proposdecettediversitéd'interprétationdu Cor~M,unt&itcurieux

Hiéroctës,Platonicienducinquièmesiècle,et chefdel'Écoled'Alexandrie,avaitexpliquéle Gorgias,etundesdisciplesavaitmisparécritsoncommentaire.Quelquetempsaprès,Hiéroclèsrevintunesecondefoisàcetouvrage,commeilétaitnaturel,o~E!x6<,etle mêmeélevéécrivitencoresonexégëse;maM,quandi)ilvintà comparerlesdeuxinterprétatioM,il netrouva,pourainsi

dire, pas un motsemblable,et cependant,ce qui paraitraincroyable,toutesles deuxpénétraientdansle fondde la

penséede Platon.Cefait peutdonnerune idéede cegénieimmenseet profondcommela mer 'HMxov apzt6 tMv

cpE';m~'nE\ctYO<.(2)Olymp./Commet.~Co~init.

LES ÉCRITSDE PLATON. 207

SchleiermaGher(i), qui a cru découvrir que les

ouvragesde Platon forment trois grands groupesliésentre eux, et dont chacun comprend des dialo-

guesd'un sujet identique, soutient que le Go~'<Mest à la tête du groupe destiné à servir de préludeet de préparation aux sciences réelles telles que la

morale et la physique, et qu'il doit montrer,

parun exempletiré de la rhétorique et de la poli-

tique, la distinction de la science fausse et de l'art

simuléavec la scienceet l'art véritables.

Ast (2) a contesté ce point de vue trop généralet pense que l'objet principal est simplement la

politique; Socher et Bonitz croient que la ques-tion est de savoir si le vrai bonheur (3) doit être

cherché dans la philosophie ou dans la vie po-

litique armée de l'éloquence. K. F. Hermann se

rapprochede l'opinion d'Olympiodore(4). Le noyaudu dialogue, dit-il, est de prouver que le bien est

la chosevraiment utile; Reinhart, avec lequel s'ac-

corde Susemihl, est'd'avis qu'il a pour objet de

monter dans la philosophie le véritable art de la

vie morale et politique, 'qui, conciliant les opposi-tions de la science et de la puissance, de la. théorie

et delà pratique, est le fondement du vrai bon-

heur, et la source de tous les biens (8).

(1)Trad.a)l.desCE)iYKSdePlat.,vo!.n,pr.part.,P~d/p.3.

(3)F/o<oM'e&e!p.l33.(3)Socher,P~oK's Lebenp. Mt; Bomt!F!a<ott.Stud.,

p. 1-40.

(4)G<NcA.M..S.,t.I,p.477.

(5)Trad.aH.dePtat.,parMû)Ier,vo].I!,p.3a9,sqq.

208 LES ÉCRITSDEPLATON.

Nous avons éonservé d'Olympiodore un longcommentaire composéd'une introduction et de cin-

quante leçons, ~p<~e«;Routh a publié le texte de

l'introduction dans son édition de l'Euthydème et

du Go~'<M.(i), et M. V. Cousiu a analysé le com-

mentaire entier et en a donné des citations éten-

dues dans ses Fragments de philosophie ancienne.

Outre l'édition de Routh, on distingue celle

d'Heindorf enrichie des remarques de Ph. Butt-

mann, Berlin, 180S et 1829. Ast a consacré à ce

dialogueun commentaire des plus étendus.

29.L~t<~p~<M,OKde<<tS<ttH~<e.

Il forme la seconde pièce de la quatrième tri-

logie d'Aristophane, la première de la première té-

tralogie de Thrasylle, et est qualifié par ce dernier

de dialogue peirastique, d'épreuve, d'essai.

Ledevin Euthyphron, sans doute le même per-

sonnagequeleCratyle(2) nousfait connaître comme

(1)Oxford,1784.

(2)396,d.NousneconnaissonslepersonnagequeparPlaton,etc'estdeluiqueNuménius(Eusèb.,ffa~p.Ev.,XtH.p.651,a)et Diogène, 29,tiennentles renseignementsqu'ilsnousendonnent.Vaniteuxet orgueilleux,il était,d'aprèsla peinturequ'ilnousenlaisse,unsotetpresqueuninsensé.Us'étaitoccuped'Homère,et sesinterprétationsaHégonqueset étymotogiquesdu poème,particulièrementdesnomsmythiquesdesdivinités

homériques,étaientinepteset ridicules.Onvoitqu'ilsedonnedesairsdé théologienprofondet savant.Euthyphr.,c. te:

'l'Itet8-tj'ltep'tœye6etœ1UÜÀIIJ'tœ'P~çelôiVlI:1&v&pcimCùV.DiogénedeL.,Il, 29,racontequ'aprèscetentretien,il renonçaà sonprojetdeH,29,racontequ'aprèscetentretien,il renonçaàsonprojetde

LES ËCMTSPE PLATON. 209

i2.

appartenant au dèmede Prospalta (i), rencontre,

sousle portiquedu Roi, Socratequi y avait étéappelé

pour répondre à l'assignation de Mélétus, et lui ap-

prend qu'il intente 'contre son père une accusation

d'homicide, en soutenant qu'il agit en cela confor-

mément aux devoirset à l'idée même de la sainteté.

La conversations'engage sur ce mot et les deux in-

terlocuteurs cherchent en quoi consisteprécisémentce qui est saint, analysent Fidée, l'essence même de

la sainteté (2). La théologiepositive, que représente

Euthyphron,nous enseignequ'il faut croire à l'exis-

tencedes dieux, et ce qu'il en faut croire. Or, sui-

vant Euthyphron, la sainteté est cequi est agréableaux dieux. Si les récits mythologiques nous mon-

trent les dieux divisés d'opinions sur certaines ac-

tions, c'est qu'elles ne sont ni saintes ni impies, et

on peut compléter la définition, en disant que lesaint est ce qui plaît a. tousles dieux sans exception.Maintenant le saint plaît-il aux dieux parce qu'ilest.saint, ou n'est-il saint que parce qu'il plaît aux

poursuivreenjusticesonpère,cequiseraitdonneruneréalité

historiqueà cetentretiendeSocrateavecEuthyphron,quin'enasansdoutepasplusquelesautres.

(<)M.V.Cousina pris, parerreur,cemotpourlenomdesonpère.Eupolisavaitdonnéà l'unedesescomédieslenomdeotnpoomATtot.C'estpar une simpleconjecture,et quinesefondesurrien,queBergk(deCom.Attie.reliq.,p. 357)a sou-tenuqu'Euthyphronyjouaitun rote.

(2) P. 6 e. 'ExeMo otùtà T~ E~So~, TttUTCfrà 3<Ka6<rtC(~ttv

!~o6m yap xou (f.{tj.t5&~TK te oNo'ns &WTK[e~cn, xat tôt Sstct,

SMot. TauDyt~v !MaM On voit ici paraître !a tangue et la

théorie des Idées. L'Idée est appelée même ~«paBMY~K.

~~0 LES ÉCRITSUËPLAtON.

dieux? En un-mot la vérité de l'idée morale et du

sentiment moral dépend-elle de lavolontédesdieux,ou se !égitime-t-e!ie par elle-même? C'est là une

grande question.Plaire aux dieux, dit Platon, n'est pas l'essenceet

la nature même de la sainteté, ce n'en est qu'une

propriété sans doute le saint plaît aux dieux, niais

i[ ;aun titre à leur amour c'est précisément qu'ilest saint. Qu'est-ce donc que cette essence.de sain-

teté ?C'est lajuëtlëe, non pas la justice tout entière,mais cellequi regarde les rapports de l'homme aux

dieux. Enquoi consistentces rapports? dans des sa-

criSceset desprières, c'est-à-dire qu'ils aboutissent

a donner aux dieux quelque chose afin de recevoir

d'eux davantage. Ceserait donc une espècede trafic.

Dansce trafic,l'on voit bien l'avantage deshommesmais quel est celui des dieux? Si l'on dit que le

saint a la faveur des dieux, c'est-à-dire qu'il leur

plaît, on retombe dans la définition précédente quia été détruite, et on ne sait plus comment sortir.de

la difËculté. Le dialogue se termine en effet sans

solution positive apparente, comme tant de dialo-

gues de Platon. Mais il n'en pose pas moins tous

les principes. L'idée du bien, du juste, est parelle-

niôme sainte et sacrée, et nous lui reconnaissonsce

caractÈre imprescriptible, non pas dans les tradi-

tions religieuses et les dogmespositifs, qui souvent

la déngurent.Iadéshonorent oul'abaissent,maisdans

la conscienceet la raison. A cette critiquedessuper-stitions païennes qui corrompaient le sens morai et

la notionde lavraie piéféj,*semÈleindirectement une

LESÉCRITSDE PLATON. 2H1

apologiede Socrate, accusé d'irréligion et d'impiété

par ces mêmes hommes qui se faisaient une idée si

fausseet si grossièrede la religion et de la sainteté.

Cette intention visible de l'auteur a suffi à Ast (1)

pour rejeter l'ouvrage, qu'il trouve d'ailleurs d'une

pauvre exécution car, dit-il, il est contre les prin-

cipes duGorgias que l'honnête homme accusé doive

se défendre. Mais c'est là une interprétation erronée

du Go~M~ qui prouve seulement que l'honnête

homme accusé justement doit avouer sa faute et

courir au devant de la réparation qui l'efface.

Schleiermacher (2) a eu la singulière idée de lîer

ce dialogueau Protagoras qu'il complète, suivant

lui, et au.P<M'M<M~qu'il prépare et annonce. Il

faut avoir de bons yeux pour découvrir ces rap-

ports. StaIIbaumen trouve de plus naturels avecle

Zac/~ où il est traité du courage, et avecle Char-

?Mi!'<~ôù il est traité de la tempérance, et même

avec le Ménon, 'où il esttraité de la sagesse: ces

quatre dialogues semblent épuiser en effet la dis-

cussion sur les quatre idées morales, les quatrevertus de la tempérance, du courage, de la piété,de la sagesse. On pourrait y joindre le Cn'<o~silavertu de la justice n'y était pas envisagée d'une

façontrop populaire et trop peu philosophique.

Éditionsspéciales Forster, Oxf.,1748 et 17S2, et

Fr.Fischer,Leips., t783.

(()PJ'a<OK~Ze&eM,p.469.

(2)Tom.II,pajft.H,p.53.

LESÉCRITSDEPLATON.2t2

30.LeMénon,oudela Vertu.

Dialogued'épreuve, suivant Thrasylle,qui en fait

la quatrième pièce de sa sixième tétralogie; il n'est

pas compris dans la classificationd'Aristophane.Comme le Cratyle et le -P~e&e~ le .Men<M

manque de cette introduction où Platon d'ordinaire

décrit les personnages, les circonstances, le lieu de

l'entretien, et dont il fait en quelque sorte l'expo-sition de l'action qui sedéroule dans l'ouvrage. Mé-

non, l'interlocuteur de Socrate, est un nobleThessa-

lien, de Pharsale, élève de Gorgias, qui avait servi

dans l'armée grecque de Cyrus (i), et dont Xéno-

phon nous fait connaître le caractère, la vie aven-

tureuse et la mort (2). Anytus, qui intervient dans

le cours de la conversation, est le célèbre accusa-

teur de Socrate.

La question agitée dans ce dialogue, la vertu

peut-elle se transmettre par l'éducation, occupaitalors tous les esprits. Platon y est revenu plusieursfois dans le Pyo~oya~ l'J?M~y<~K~ le Zac~,

sous des formes différentes, et nous savons qu'Es-

chine, Criton, Simon, Antisthène et d'autres so-

cratiques avaient écrit sur ce grave sujet (3), qui

(t) Diog.L., It, t50. n appartenaità la puissanteet richefamilledesAleuades,qui étaientleshôtesdu grandroi; ilsdevaientsansdoutecetitreauxservicesqu'ilsavaientrendusàXerxesdmslaguerrentëdique.Paams.,vn'.

(2)~M&f,tt.(3)Diog.L.,n,<21.

`

(3)Diog.L., II, t2t.

LES ÉCRITSDE PLATON. 2i3

avaitpour les Grecsdu cinquième siècle un intérêt

d'autant plus actuel, que c'était le moment où se

présentaient les sophistes comme des maîtres de

morale, de politique et d'éloquence.On ne peut pas discuter la question de savoir si

la vertu peut s'enseigner avant de connaîtrecequ'esten soi la vertu et par là,on demande, non pas la

définitiondes différentes espècesde vertu, relatives

ausexe,à l'âge, à la constitution, mais au contraire

ce par quoi toutes ces vertus différentes sont cepen-dant des vertus en un mot, quelle est l'essence et

l'idée universellede la vertu (i)? Ce n'est pas la fa-

culté decommanderaux hommes, car on peut exer-

cercettepuissance d'une manière très-contraire à la

vertu ce n'est pas non plus la faculté de comman-

der avecjustice, car la justice est une vertu et non

pas la vertu même. Il faut bien se rendre comptedes conditions d'une bonne définition, qui porte

toujours sur le général, sur un caractère commun

à tous les objets qu'embrasse le mot à définir. La

vertu est-ellel'art de se plaire aux belles choses et

de se les procurer? mais si le beau est bon, quiest-cequi ne désire pas le bien? et, de plus, com-

ment l'art de se procurer les belles choses serait-il

la vertu, si on ne les acquérait pas par des moyensvertueux? On définirait donc la vertupar la vertu

c'est-à-dire on répondrait à la question par la

question même.

(1) 72, c. °E~ yi ït etSo; TxuT~ ehmcott ~ou<r[, Et* ô e!<t!v

Kpsra!.

LES ÉCRITSDE PLATON.3)4

Ici Ménon, ne sachant plus rien trouver, élève

une'difficulté sophistique, et demande à Socrate

comment on peut arriver à se poser et à résoudre

une question quelconque; car, dit-il, tu cherchesce

que tu nesais pas, et comment alors peux-tu même

le chercher, puisque tu ne sais pas ce que tu cher-

ches (i) ? et en admettant même que tu le trouves,comment sauras-tu que c'est précisément ce que tu

cherches, à moins que tu ne le saches auparavant?Mais si tu le savais, à quoi bon le chercher? Socrate

répond en exposanttrès-rapidementla doctrine delà

Réminiscence~fondée sur- la théorie d'une vieanté-

rieure de l'âme qui ne meurt jamais, mais tour à

tour s'éclipse et reparaît. Dans cette existenceanté-

rieure, ellea appris, vu, su toutes choses,et, comme

toutes les choses de la nature sont liées entre elles

par un lien intime (2), il suffità l'âme de se rappe-ler une seule chosepour retrouver toutes les autres.

Chercher et apprendre n'est absolument que se res-

souvenir (3). Enseigner n'est alors que l'art de ré-

(t) C'estuneapplicationà l'espritde~apropositione~KtMo

M</<~« Onnepeutconcevoirundevenirproduitpartenéant.Leibnitz«Leshommescherchentcequ'ilssaventetnesavent

pascequ'ilscherchent.

(!) 8t, c.*'&TEyapt~ !pù<Teo~<MM<n]<(n)YY~ot);o5<n]t,xai)<.e-{ta6t;xuEo[;T~;~u~; cHK~TK.Astproposedesupprimerlavirguleaprèso5<nr);,et_detraduire <-l'Ameayantuneaffinitédena-tureavecl'universalitédeschoses.Mais l'argumenttombeaveccetteinterprétation.Carc'estparle lienqu'ontentreellesleschosesques'expliquelachainedenosidées,etquelesouvenirdel'uned'ellespeutréveillertouteslesautres.

(s)La théoriedesIdéesn'estpasindiquéedanscëpassage,maiselley estévidemmentsous-entendueetcommeannoncée.

LESËGMTSDE PLATON. 2io 5'

veiller dansl'Amede l'ignorant les idéesqui y som-

meillent à son insu, c'est-à-dire qu'enseigner c'estbien interroger et l'esclave de Ménon, interrogé

par Socrate et répondant aux questions de géomé-trie qu'il lui fait, fournit la preuve vivante de la

vérité de cette déhnition. Voilà donc comment on

s'explique la possibilité, l'origine et la condition

de la connaissance humaine.

Le lien des idées est encore une fois rompusur les instances de Ménon, et malgré les observa-

tions de Socrate, qui persiste à dire qu'on ne peut

pas chercher si la vertu peut être enseignée si l'on

n'a pas trouvéla définitionvraie de la vertu, on re-

prend la première question de Ménon, et, à l'exem-

ple des géomètres, on la'pose sous cette forme hy-

pothétique Si la vertu est une science, elle peutêtre enseignée. Or tout ce qui est utile et bon n'est

bonet utile que par un usage intelligent et éclairé,c'est-à-dire par une science donc la vertu, qui est

assurémentutile, est une science, et, partant, elle

est susceptibled'être enseignée.Mais si elle est enseignée, on peut en nommer

les maîtres. Seraient-ce les sophistes? Anytus, quiintervient ici, Se récrie avec indignation, et prononce contre ces mercenaires corrupteurs et vani-

teux un jugementplein de colèreet de mépris. Se-

raient-ce les hommes d'Ëtat, les politiques ? mais

comment le croire, dit Socrate, quand nous voyons

que lesplus célèbresd'entre eux et lesplusvertueux,

Thémistocle, Aristide, Périclès, Thucydide, n'ont

rien pu communiquer eux-mêmes de leur vertu à

2i6 LES ËCRtTSDE PLATON.

leurs fils,ni trouver quelqu'un qui la leurcommuni-

quât. Sur quoi Anytus répond d'un ton menaçantet prend déjà lé rôle d'un futur accusateur. Mais,continue Socrate, s'il n'ya pas de maîtres de vertu,c'est alors quenous avons eu tort de dire que c'est

une science.

En effet, si lavertu consiste dans la rectitude de

l'esprit, l'opinion vraie, le sentiment nonraisonné,maisexact, le dirigent tout aussi bien que la science,

qui endiSere parce qu'elle est nxe, certaine et in-

faillible,au lieu que l'opinion est changeanteet très-

sujette au doute et à l'erreur. Les opinions vraies

pe.uventdevenir desconnaissancesfermes et stables

et constituer une science,lorsque l'esprit les nxe(1)en établissant entre ellesle lien de la cause à l'effet.

C'est précisémentce qu'on appellela Réminiscence.

Jusque là l'opinion vraie est autre chose que la

science or, puisqu'elle n'est pas un présent dela na-

ture (2), commeelle n'est pas d'ailleurs unescience,il reste qu'elle soit une inspiration d'en haut, une

faveur, une grâce divine, 6eTctt<.otpct(3).L'homme

politiquevertueux estdonc, commele devinet lepro-

phète, un homme inspiré, animé par la divinité,un homme divin.

Il yabien deschosesdansce dialoguequi ont paruàAst desmotifsd'en rejeter l'authenticité d'abord un

(t)98,a."EN<~T(<(~To~M<~a!tKft~oYt<tf<.(jt.(2)Leraisonnementn'estpascompletPlatonveutdiresans(2)Leraisonnementn'estpascomplet:Platonveutdiresans

douteque,si la vertuétaitnaturelle,étaitparnature,pù<rE[,dansl'homme,tousleshommesseraientvertueux.

(3)100,a.

LES ÉCMTSDE PLATON. anId

art decompositionmoins accomplidans l'exécution

desdétailset dans l'ensemble; le peu de liaison dans

la discussion,rompue et reprise plusieurs fois sans

transition rentable; la théorie de la Réminiscence

mal amenée et incomplètement développée, sans

rapport avec la théorie des Idées; mais surtout la

proposition que la vertu n'est pas une science, et.

repose sur un sentiment irréfléchi, inspiré par lesdieux et dû à une grâce divine. Il est certain quecelaparait bien peu conforme auxprincipes de Pla-

ton etàceuxdeSocrate, qui ramenaient égalementtoute vertua lascience.Tandis que Platonsépare ici,

dans la définition de la vertu, les choses qui nous

viennentde la nature, t.uT:t~pKYt'j'wu.~ov,leschoses

susceptibles d'être apprises, StoKXTov,et celles quisont l'effetde là pratique, ~x~, il dit ailleurs que

précisémentces trois choses, yuT:?,~rwT~j et~sr~,doivent toujours être unies (1). Morgenstein (2) et

StaDhaumexpliquent ces contradictions par une in-

tention ironique qu'il est bien difficilede décou-

vrir Ast, par la maladressedu faussaire. Qn~nt à

nous, qui ne posons pas comme un principe à

/M'MMqu'un grand philosophe, dans le cours de sa

longueviede penseur, et le développement succes-

sifde ses idées, ne peut laisser passer aucune con-

tradiction, ni qu'un grand écrivaindoit êtretoujours

(1)P/Mpefr.,269,d. CommeAristote,Polit.,VU, <3,c. 12,§6,lie?ucr[;~Myotet Mo:,et d'autresmoraiistes(Diog.L.,V,18),rapprochent~u<rt;,)t<M<)<7neta<nn)t:t!.

(2)jprayr., QuidPlatospectaveritin dialogoquiMenoins-cribitur. HaUe,<774.

LESECRITSDEPLATON.218

égal à lui-même, c'est-à-dire parfait, nousne trou-

vons dans le Ménon, ni dans le fond, ni dans la

forme, rien qui nous autorise à douter de l'authen-ticité d'un ouvrage que cite Aristote (i). Si on se

rappelait plus souvent le caractère de la philo-

sophie platonicienne, très-marqué dans le M~o?~.si on se la représentait comme un système de re-

cherches(2), plutôt que d'y voir un systèmed'afnr-mations dogmatiques, on serait moinsdisposé à ces

soupçons. D'ailleurs on exagère les contradictions

que semble contenir ce dialogue. Platon ne recon-

naît nullement que la vertu n'est pas une science;mais d'une part il soutient que ce ne sont pas les

résultats de l'enseignement théorique des sophistesou les leçons pratiques des hommes politiques qui

peuvent prouver qu'elle en est une; d'autre part, il

admet, commepour réfuter d'avance les objections

qu'on pourrait faire à la thèsesocratique de l'identité

de la science et de la vertu, qu'il y a eu parmi les

hommes d'État des individualités illustres et desci-

toyens pleins de talents, d'honneur, de vertu, et-il

conclut que le principe de leur conduite ne se trou-

vant pas dans une connaissancerénéchie, raisonnée,

systématique du bien et du beau, elle ne pouvaitêtre

attribuée qu'à une faveur, à une grâce particulière

(i) Aristot.,Analyt.Post., 1, §7.(2) 80, c. Ou yoip eÙTtopm~auto; Tou; oM.ouc-~ono~tope~, aMA

<;<to< (iaUfw ûtut~ &i:op2M.Conf. Cre<y< 384, c. Je ne sais pas

ce qu'il en est; mais me voici prêt à ie chercher en commun

avec toi 0<ixo~ o!So:~v) Ttote To &<)0~ ~t cui~e~ (tMTOt

!hfH)M( 6t(MXO~<rotMU K.~MU~(j)XOt'~i.

LES ÉCRITSDE PLATON. 219

desdieux. Cette réservepleine de sens n'est-elle pas

aussi pleine deprofondeur? La vertu estune science

pour Platon elle est un acte libre de la volonté

pournous mais peut-on nier qu'il s'y mêle un

élément étranger et à la raison, et à la volonté?

L'hommeest le maître de sa volonté, maisen est-il

lemaître absolu? et jusqu'où s'étend sa puissance?

Si sa puissance et sa raison ont une limite, c'est à

cette limite que commencele domaine de la grâce,c'est-à-dire la part certaine et inconnue que Dieu se

réservedans la conduite du monde et de l'homme.

Il ne faut pas dire L'homme s'agite et Dieu le

mène (1); mais si l'homme agit, Dieu aussi agit,et commentcette action ne limiterait-elle pas celle

de l'homme? Reconnaître un élément divin dans la

vertu et dans la raison, c'est tout simplement re-

connaîtreque l'homme n'est pas un être absolu et

parfait, mais un être imparfait, limité et relatif.

Cen'est pas parce que j'y trouve professéedans une

mesure exquise cette grande vérité, que le .Me~on

me sera suspect.L'édition particulière la plus recommandée de

cet ouvrage est la 4° de Ph. Buttmann, Berlin,1822. Outre le programme de Morgenstein cité

plushaut, on peut consulter les deux dissertations

de M. F.-H. Lachmann DeM~M<e<~oce~aet dis-

eeH~asec. ~eMo~e/M,Zittau, 1816; et Qua mente

Plato negaverit t)!~M~M ~e ~oeeMa~M.Zittau,i830.

(1) Homère, O~M., XI. o!o< Mouron, ton Se <yxtcnxfccouTt.

LESËCMTSDEPLATON.220

3i. LIIippiasl, OMduHMM.

Dialogue réfutatif, qui forme dans la septième

tétralogie la première pièce.Socrate rencontre le sophiste Hippias (1), tout

glorieux de ses récents succès à Lacédémone, où il

a enlevéles applaudissements universels, mais d'où

il a rapporté peu d'argent. Le discours qu'il y a lu,et qu'il doit répéter le surlendemain à Athènes,

avait poursujet les belles occupations de l'homme,et amène la questionde Socratequi fait porter toute

la discussion sur la définition du beau.

Le sophiste, plus habitué à développerqu'à ana-

lyser, à discourir qu'à définir, répond successive-

ment que le beauest toutechosequi est belle, et par

exemple une belle jeune fille; puis'toute chose quidonne de la beauté à ce à quoi elle s'ajoute, comme

l'or; c'est pour l'homme d'être riche, bien portant,honorable. Enfin, conduit parSocrate, il essaiedes

définitions générales et abstraites, et en proposetrois que Platon caractérise avecprécision et com-

bat avec une grande force et un peu de subti-

lité. La beauté est déunie d'abord la convenance,c'est-à-direla dispositionou l'arrangement des par-

(i) Cepersonnage,de la villed'Ëlee,en Élide,souventdé-

putéparsesconcitoyensa Athènes,sevantaitdesavoirla rhé-

torique,la politique,l'arithmétique,lagéométrie,l'astronomie,la grammaire,la musique,etde possédermêmelesartsma-nuels.C'étaituneEncyclopédievivante,ou,commeleditThé-miste,Ora<.XXIX,S~p~.x«t co~Ht;.

LES ËCtUTSDE PLATON. 22)

ties; en second lieu, l'utilité; enfin le plaisir ob-

tenu par le sens de la vue et de l'ouïe. Maisce n'est

pas le plaisir, parce que la beauté des choses mo-

rales ne peut pas être un plaisir de la vue ou de

l'ouïe; en outre le plaisir de la vue n'est pas beau

parce qu'il vient de la vue, car alors il exclurait

de la beauté le plaisir de l'ouïe, et la réciproquen'est pas moins vraie. Il faut donc que ce qui fait

du plaisir de la vue et de celui de l'ouïe le principede la beauté soit un caractère commun'aux deux et

propre à chacun; or ce caractère ne peut être quele plaisir même, qui ne saurait être, on v ient de

le voir, confondu avec l'essence absolue de la

beauté le plaisir est un phénomène changeant,

passager, variable. La beauté n'est pas l'utilité,

parce quel'utile n'est qu'un rapport, et quele beau

ne pourrait être que ce qui est utile à une bonne fin,

c'est-à-dire le bien on pourrait croire qu'il se con-

fondrait alors avec le bien; mais non, car le beau

serait la cause, le père du bien, et non-seulement

celarenverserait la hiérarchievraie des idées, mais,si la causediffère de l'effet, le pèredu fils, il faut

que la nature du beau diffèrede la nature du bien.

Enfin, le beau n'est pas la convenance car, si les

parties sont déjà belles avant d'être disposées dans

un certain ordre, ce n'est pas cet ordre qui constitue

leur beauté; si elles sont laides, comment l'ordre

les transformera-t-il réellement, et non pas seule-

ment en apparence? comment en changera-t-il la

nature?

Il y a dans ce dialogue un persiflage évident du

LESËCRtTSDEPLATON.222bel Hippias (i), qui parle en si beaux termes de si

belles choses, et ne peut même pas dire ce que c'est

que la beauté; mais il y a aussi une réfutation

courte, mais forte et profonde, des diverses solutions

de ce difficile problème de la nature et de 1'es-

sence du beau. L'issue négative de ia discussion est

commune à beaucoup de dialogues, et .ne peut être

produite 'comme un argument contre son authenti-

cité. Ast (2), qui le rejette comme Schleierma-

cher (3), ne se fonde que sur des raisons de goût il

en trouve l'exécution inférieure, tandis que M. Cou-

sin y voit une composition grande dans sa brièveté,

ibrte et rapide, malgré quelque subtilité une mé-

thode parfaite et un vif intérêt. Stallbaum, dans les

PfoMgomènes, et Muller (4), Socher (S), K.-F. Her-

mann (6), tout en ne partageant pas l'admiration de

(!) L'ironie est vive, et la satire mordante; mais ce que nous

rapporte Xénophon (~m., IV, 4 et 6) du personnage, o~E?.H

MtpMjMtxatvo~ ft XeyEtv&st, les paroles que lui met dans la

bouche S. Clément d'Alexandrie, S~ottMt., VI, p. 264,a, où il se

vante d'emprunter à Orphée, Musée, Hésiode, Homère, aux

poètes, aux prosateurs, aux Grecs et aux barbares, les étêments

de ses discours, et d'efi faire quelque chose de déiieieux et de

nouveau, xeffo~xa[ 'no~.u~i]T&vMyo~T[Ot~<rojMH,prouventque

Platon n'a fait que le peindre avec vérité, en le montrant pleinà la fois de suffisance et d'insuffisance. Si sa dialectique se

montre puérile, il faut se rappeler que c'est le caractère de la

logique avant Socrate, qui, le premier, a montré que la défini-

tion devait porter sur le genre.

(2)Pe6erMo<.ScM/'t.,p.2ii.

(3) .Pr<y.a ~V~p. I, t. If, p. 399.

(4) G~e/t; d. Theor. des Kunst, 1.1, p. 59.

(5) UeberPlat. Schrift., p. 2(5.

(6) Gesch. d. Plat. f/H<p. 487 et 618.

LES ËGR!TSDE PLATO~. 223

M. Cousin, admettent sans hésiter l'authenticité.

Si l'issue du dialogue estnégative, la discussion est

loin de présenter ce caractère. On y trouve les

propositions que le beau est identique au bien,

à l'utile, qu'il enferme comme un de ses éléments

le plaisir innocent, ~6~6~, qui seront ou complé-tées .ou-modinéesdans les autres dialogues. La ter-

minologie et la théorie même des Idées et les for-

mules de la dialectique platonicienne se montrent

déjà parfaitement précises; car on cherche KuTo-co

MtM~Tt~) ce qu'est le beau en soi (1) on af-

firme que toutes les chosesbelles doivent ce carac-

tèreà la présence de la beauté (2), qui est ce par

qUOiËX!~tS~a TtMtTNXOS~TKtXC~XOt~t:M~6TOn(3).Il n'y a donc aucune raison, môme spécieuse, de

douter de l'authenticité, et il yen a de très-solides,même de démonstratives~de la reconnaître. Cicé-

ron (4), en effet, Quintilien (5), Philostrate (6),Dion Chrysostome (7), Thémiste (8), Suidas (9),

paraissent bien évidemment avoir emprunté de cet

ouvragetout ce qu'ils nous rapportent d'Hippias.Heindorf a publié un bon commentaire avec le

texte, Berlin, 1802, réédité en 1827.

(t) Hipp.,P.286.

(2)/287,b.(3) Id., 289, d.

(4)DeOra<H[,32.

(5) /M<. Orat., XII, <l,

(a) }''<<o~A.,t, n.

(7) Orat., LXXI, p. 626.(7)0<-a~ LXXi,p.625.(8)OM<XX!X,p.4i7.(9)V. 'hat:a!.j

LESÉCRITSDE PLATON.224

32. LeCratyle,oud61aPrqprtëMdesmots(i).

Dialogue dialectique suivant Proclus (2), logique

suivant Thrasylle,qui en fait le premier membre de

la secondetétralogie, tandis qu'Aristophane en avait

fait !e troisièmedans la seconde trilogie.Les interlocuteurs sont Hermogène, Cratyle et

Socrate. Hermogène est un noble citoyen de l'illus-

tre famille des Hipponicus et des Callias fils de

Protarque et frère de Callias, qui, ma!gré sa grande

fortune, le laissait dans la misère. Il avait renoncé

aux principes de Protagoras qu'il avait d'abord

adoptés. Diogène, qui en fait un des maîtres de

Platon (3), prétend qu'il professait les doctrines

éléatiqueset particulièrement celles de Parménide,

qu'il aurait fait connaître à Platon (4). Il était,comme Socrate lui-même (5), fort lié avec Cra-

tyle (6) celui-ci, appartenant à l'école d'Héraclite,

avait certainement connu Platon et l'avait initié dès

sa jeunesse aux principes de sa secte (7).

(t) Denysd'Ha!ic.,deComp.!??'&p. 95,lui donneunautretitre Del'Étymologie.

(2)V.Cousin,JVo<sMfleCratyl.,t. XI,p. 501.

(3) M,6.

(4)Ast,Groén.vanPrinstereret Stallbaumrepoussentcetteassertioncommetoutà faitimaginaire.

(5) C)'<t<y! p. 430. "EyM TExat eu, <j)t).otovre;.

(6)Cfa: M&M.(7)Aristot.,jMe<ï,6,Apu).,de.Oo~Ht.jMa<p.2;01ympio-

(toreetrAnonytne.AstelSochernientquecesoiHemêmeper-

LESECRITSDE PLATON. 22S

13.

Cratyle ayant soutenu que l'origine des mots est

naturelle, tandis qu'Hermogène prétend que les

choses et les idées n'ont reçu leur expressiondans

le langage que de l'usage et par suite d'une conven-

tion,. Socrate cherche à démontrer théoriquement

d'abord, et ensuite par une série d'exemples et de

faits grammaticaux et étymologiques, la thèse de

Cratyle.Il y a des jugements faux et des jugements vrais,

c'est-à-dire qui répondent ou ne répondent pas à

la nature et à la réalité des choses. Or les juge-ments ou propositions sont composés de mots

donc ces mots, parties des jugements, peuvent et

doivent répondre à la nature des choses, s'ils sont

exacts. D'ailleurs, si l'usage et l'habitude produi-saientseulslesmotsd'une langue, un individu aurait

le droit de donner à une seule et même chose une

multitude infinie de noms et quelle confusion, s'il

en était ainsi

On ne pourrait légitimement adopter ce principe

qu'en admettant -aussi celui de Protagoras. Si les

chosesn'ont pas une essencepropre et objective, si

ellesne sont que ce qu'elles paraissent être, en sorte

que la sensationindividuelle, mobile, infiniedu sujetsoit leur seule mesure, alors en effetchaque homme

a ledroit de donner auxchosesplusieurs noms, et de

les changer au gré de ses sensations changeantes.

sonnage,sefondantsurle rôletroppeuhonorabie,d'aprèseux,queluidonneiciPlaton,et qu'iln'auraitpasdonnéà sonan-cienmaître.Je nevoierienquijustifiecetteopinion.

LES ÉCRITSt)E PLATON.226

Mais la thèsede Protagoras supprime toute distinc-

tion entre la science et l'ignorance, la sagesse et la

folie, comme celle d'Euthydème, qui prétend quetoutes les chosessont identiques pour tous les hom-

mes, et celapartout et toujours, supprime toute dis-

tinction entre le bien et le mal il faut donc recon-

naître que les choses ont une nature propre, une

essence qui leur appartient et qui.est indépendantedes sensations et des conventions arbitraires des

hommes. S'il en est ainsi des choses elles-mêmes,il en sera de même des actions qui ont rapportà elles et qui ont aussi une essence propre et

ne peuvent pas dépendre de nos caprices. Les ac-

tions sur les choses doivent donc se faire confor-

mément a la nature des choses et à leur proprenature. On ne peut couper que comme le veut la

nature de la choseà couper, et comme le veut aussi

la nature de la chose qu'on appelle couper. Or,

parmi les actions qui ont rapport auxchoses, il faut

compter le langage il n'y a véritablement un lan-

gage que lorsque les motssont conformes à la na-

ture deschoses qu'ils doivent exprimer, et confor-

mes à l'essence même, à l'Idée et à la fonction

propre du langage.Le mot est un instrument qui doit être confec-

tionné d'après l'Idée mêmede la choseà laquelle il

doit servir, et il doit servir à la communicationdes

idées. Il se compose de sons et de syllabes ces

sons et cessyllabes doiventdonc répondreàla nature

des chosesqu'ils exprimeront. Les mots sontcomme

des~magesdes chosesexpriméespar la voix, images

LES ËCMTSDE PLATON. 227

qui doivent être naturelles si elles sont exactes. Et

si l'on veut examiner avec soin la constitution des

motsde la langue grecque, on verra que, bien ana-

lysés, ils exprimenttous avecplus ou moins de clarté

la chose qu'Us sont chargés de signifier et de repré-senter.

Socrate entre alors dans une série de recherches

étymologiquesoù nous ne pouvons pas le suivre,dontla plupart sont fausses,quelques-unes étranges,et qui peut-être ne sont pas toutes sérieuses (i) ce

qu'il justifie d'ailleurs en observant que beaucoupde mots grecs ont été empruntésà des langues étran.

gères, ou altérés par un long usage, ou modifiés

par les besoins de l'harmonie.

Mais il ne faut pas se borner à étudier la signifi-cation des mots en eux-mêmes on peut pousser

plus loin l'analyse, arriver à la macère élémentaire,au son primitif et simple,à l'atome vocal,pour ainsi

dire, des mots. Ceséléments des mots ont aussi leur

signification propre, leur vertu naturelle d'expres-sion et les mots ne seront bien faits ques'ils sont

ibrmés de sons qui imitent, non des propriétés ex-

(1)Platonpeutsejouericicommepartout,maisil n'estpaspossibledenevoirdanscesrecherchesqu'unjeuironique,con-sistantà imiter,reproduireouexagérerlesessaisétymologiquesdesesadversaires;carcesmêmesétymologiessontrépétéesparPlatondansdesdialoguesoùtoutest sérieuxetoù onnepeutsoupçonnerla moindreintentiond'ironie.Ajoutonsentinquequelques-unesd'entreeltessontsi fondées,qu'ellessontentréescommecertainesdanslasciencemoderne.Parexemplet'lutondérivede ~ouro!.

LES ÉCRITSDE PLATON.228

térieures, accidentelles, mais la nature essentielle

des chosesqu'ils sont chargés de signifier.Et Socrate, saisi d'une espèced'enthousiasme sa-

cré et de délire divin (1), essaiede montrer par quel-

ques exemples la signification naturelle, essentielle

de quelques lettres du pqui imite et exprime le

mouvement, de qui imite et exprime la ténuité et

la pénétrabilité.Ici Cratyle intervient dans le dialogueet continue

la conversationcommencéeavec Hermogène il ap-

prouve la thèse de Socrate, mais il entire cettecon-

clusion sophistique.Les mots, de leur nature, expriment et imitent la

nature des choses or, le discours se composantde

mots qui tous expriment la nature vraie des choses,il n'y a plus de place pour l'erreur. Car, s'il y a des

compositionsde lettres et desonsqui ne répondent

pas à la nature des choses, cene sont plus des mots

ils n'expriment et ne signifientrien cene sont plus

que des bruits. >.La dernière partie du C'ya<y/eest consacréeà la

réfutation de ces thèses sophistiques.Le motest une image de la chose; mais l'image

se distingue toujours de la chose qu'elle imite et

n'en est pas l'équivalent absolu, sans quoi le nom

de Cratyle serait la personne même de Cratyle. Ce

sont deux choses différentes, et par conséquent il

est possibleque par ignorance ou mauvaise foi on

,t (l) 42S,a, c.Uestfaiticimentiond'Euthyphroncommeayantlamaniepassionnéedesétymologies.

LES ÉCRITSDE PLATON. 229

rapporte le mot image à un objet autre que ce-

lui auquel il se rapporte naturellement d'où la

possibilité de l'erreur. C'est encore par cette dis-

tinction nécessaire que s'expliquent dans la com-

position des mots la convention et l'arbitraire, car

il y a place pour un art dans la composition de

cette image elle est plus ou moins parfaite, com-

plète, exacte. Il y a donc un élément subjectif et

arbitraire dans l'imposition des mots aux choses; il

peut y avoir et il y a des noms mal faits et plus ou

moins mal faits. Ainsi on reconnaît, dans certains

mots qui expriment la dureté, des lettres qui repré-sentent et imitent la douceur, et réciproquement.Direque quand un mot est mal fait, que quand une

image n'est pas complète, l'image n'est plus image,le mot n'est plus mot, c'est une exagération erro-

née car cette imperfection est de la nature même

de l'image, qui ne peut pas contenir tout ce qui est

dans l'essence de l'objet.Les mots ne sont doncpas produits seulement par

lanature des choses,mais en partie aussi par la con-

vention et l'usage, qui n'est autre chose que la con-

vention. C'est pour cela que la connaissancephiloso-

phique ne doit passeborner à étudier les mots, car il

peut se faire qu'ils ne représentent pas exactement

ni complètementles choses;il faut étudier les choses

mêmes, comme l'ont fait nécessairement ceux quiont institué le langage et qui ne pouvaient étudier

les choses dans une image qui n'était pas encore

faite, qu'ils ont faite suivant leur manière de conce-

voirles choses, et qu'ils ont quelquefoismal faite. Il

LES ÉCMTSDE PLATON.230

semble, en eifet, par l'analysedesmotsexaminésplus

haut, qu'ils aient cru que l'essence des choses était

mobile, changeante, variable. Or le beau et le bien

en soi existent, et chacun est un être toujours iden-

tique à lui-même. Une chose quelconque même-ne

pourrait pas être ce qu'elle est, ni même être, si elle

était emportée par un mouvement et un change-ment incessants. Demêmela connaissanceimpliquela nécessitéd'un repos, d'abord parce qu'il ne sau-

rait y avoir de connaissance d'un objet qui n'aurait

pas une essence fixe, stable~une manière d'être dé-

terminée, ensuite parce que la connaissance doit

demeurer connaissance, ne pas cesser d'être con-

naissance. Donc l'hypothèse d'Héraclite d'un flux

éternel et universel supprime et l'être et leconnaître

des choses, et on se laisserait aller àcette erreur, si

on ne les étudiait quedans les langues mal faites,

qui n'en expriment pas la vraie essence.

La théorie des Idées apparaît ici comme déjà for-

mée dans l'esprit du philosophe, mais présentéesans préparation ni développement, comme une

espècede vision, de rêve métaphysique (i).

(1)L'Idéedubattant;389,b ~MuM~)npA;~M~oto etBo<ctù~S~<TTtxEpxK.Sur la locutionftùr~8 ~<m/voirPAtB<foM,75,b.Rep.,X,M7.

L'Idée du nom': Crat., 389, d, f~EmMTCtKpo<auTO ~M~o 2

SoT~ ow[t<t. ttMvtK Ta o~ojtKTtt 'notE!'<xftt tMe~Kt. 390, a, T~v

KÙT~V!6e<t~OntoStStj). TOTOUO~OJMtTO;efSo;CMMS[3<jt.

396, b. Dieu appelé !:<~<,.Hvcf, parce qu'il est la cause de la

vie des êtres, 5'* ôv ~'< &~ Tt&ytTo~ t&xnv ()Mp~et.

439,d.Lebeauetle,bonexistentpareux-mêmesetsontchacununêtre,!vhMt<tt<Mi;My~WM,et toujoursidentiqueà lui-même.

LESÉCRITSDE PLATON. 23<

L'édition la plus recommandée est celle de Hein-

dorf, qui a joint le C~<M<ea l'EM/Ay~eme.M. Cou-

sin a traduit dans ses notes quelques passagescurieuxdu Commentaire de Proclus sur le Cratyle,

qui n'est qu'un extrait de ses Scholies, et qui a été

éditéparM.Boissonade(i).

Stallbaum, dans ses Prolégomènes, et Ast, dans

la Vie de Platon (2), ne voient qu'une critique

ironique dirigée contre l'école de Protagoras dans

les recherchesétymologiques du Cratyle. C'est une

opinion que ne justifie guère la lecture de l'ouvrage.

L'origine et la nature du langage est une question

grave et très-philosophique qui a préoccupé et di.-

visé les anciens commeles modernes (3). La solu-

tion de Platon est aussi sensée que forte il y a un

élémentnécessaire et objectif et un élément contin-

gent, arbitraire, libre, capricieux, subjectif dans le

.langage. Ses étymologiesne sont pas heureuses ni

scientifiques, mais ce n'est pas une raison pour ne

pas les croire sérieuses. Depuis quand donc la

(1)Leipsig;1820,8. ~Mrp<aex.ProcHM~oM~inCratylum.(2)P. 265. ~tHe(~MfC~aH~t~efe)'fit/?a~e~erM~M<~c/!eMSpt'acA/bt'M/ter.L'ironiese montreassurémentdansquelques

Spracla~'o~~sclaér.L'ironiese montreaiiSurément.dansquelquestraitscontreProdicusavecsesleçonsde 50drachmeset d'une

drachme,p. 3s4,b; contreEuthyphron,396,399;maiscelane

prouvepas queles étymologiesdu Cratylenesoientqu'uneplaisanterie.

(3)'Mo~tra owjMTN~MEt.Sext.Emp.,~t~. JM<!</t.,I, 37;Aul.Gell.,~V.~«., X, 4. « Remsanein pbi'osopMeadisserta-tionibuscelebrem.~Anatoteprendpartipourlasecondethèse,deBerm., 2,t. LesStoicienss'étaientprononcéspourla pré'mière.

LESÉCRITSDE PLATON.232

science du langage et une doctrine rationnelle des

étymologies sont-elles fondées (1)?

Les principes du moins sont profonds et vrais.

La création du langage tient de l'art et de la science.

Comme œuvre d'art, il doit avoir un modèle, un

type, une Idée; pour faire un mot, il faut savoir ce

que c'est que le mot eh soi. La science du langage

nous apprend à le ramener à ses éléments, à le di-

viser, et à déterminer la signification de chacune

de ses parties (2).

Ast a voulu fixer approximativement la date du

dialogue. Il est question, p. 426 c., du mot !ec[<que

l'on écrivait autrefois, dit Platon, par un e, et qu'on

écrit maintenant par un Or on sait que les deux

lettres -/)et w, qui complètent l'alphabet ionien de

vingt-quatre lettres, n'ont été introduites à Athènes

(t) Les travaux de Bopp, de Pott et de Curtius n'en ont pasenlevé tout arbitraire et toute fantaisie, et il y a bien des éty-

mologies nouvelles qu'Ast trouverait ironiques si elles étaient

de Platon. Du reste, il reconnait lui-même que le sérieux se

mêle au persiflage si intimement qu'on ne peut pus les sépa-

rer, ni toujours déterminer ce qui est ironique de ce qui ne

l'est pas.

(2) Boethius, ad Aristot., de Interp., p. 3t4. '<Plato vero in

eo libre qui inscribitur Cratylus aliter esse constituit, oratio-

nemqne dicit supellectilem quamdamatque instrumentum esse

significandi res eas, quainaturaliterintellectibusconcipiuntur,

eumque intellectum vocabulis discernendi quod si omne ins-

trumentum secundum naturam est, ut videndi oculus, nomina

quoque secundum naturam esse arbitratur. x Mais ce n'est là

qu'un côté de la thèse de Platon, et Aleinoûs. c. 6, a raison

d'ajouter apesx~ Se &ÙT(d9MM u~xp~ei~tio~ &o(MtTMV.TTj<

&p9M~TX..

LES ÉCRITSDE PLATON. 233

quesous l'archontatd'Euclide, 0!. 94, 2==403(i).Donc le dialogue serait postérieur à.cette date. Mais

il est certain, par un fragment d'Euripide (2), queces 'AïTtxM-~pa~TKétaient déj~ en usage du tempsde ce tragique, mort en 405, non, il est vrai, dans

les actespublics, mais dans l'usage particulier. Cela

sufnt pour ôter à la remarque d'Ast et à son argu-mentation toute force démonstrative.

Ons'est quelquefoisdemandé quelle était la por-tée philosophiquede cedialogue, et pourquoi Platon

avait institué une discussion si approfondie sur la

questiondu langage, qui n'entrait pas naturellement

dans le cercle de ses méditations. La pensée qui

paraît avoir inspiré cet ouvrage se révèlevers la fin.

II s'agit de savoir si l'étude des mots peut suffire

pour connaître les choses, question qui ne peutêtre résolue que par une analyse du langage, qui

permet de saisir la nature de ses rapports avec les

idées et.les choses. Orc'était là une question philo-

sophiqueau premier chef et d'un intérêt tout à fait

actuel, puisque certaines écoles, abusant de !a mé-

thode de définition instituée par Socrate, les Cyré-

naïques, par exemple, et les Mégariques, rédui-

saient les Idées à de purs mots, et la logiqueà une

éristiquepurement verbale et par conséquent stérile

et vide, tandis que les sophistes, s'emparant à leur

tour de la confusionde l'idée et du mot, et les

(i) Wesseling,ad S. Petit. Legg.s«tc., p. f94; Corsini,Fast. a«<c.,t. Ht,p.276;Matthiœ,Gr. Ct-M?.,I. I, p. 23;Wolf,Proleg.M!FoM.,p. 62.

(2)AHieu.,X,p. 454.

234 LES ÉCRITSDEPLATpN.

identifiant, niaient la possibilité de l'erreur et rui-

naient le fondement de la scienceet de la philoso-

phie. Déterminer les rapports vrais du mot à l'idée,du langage à la connaissance, est un problèmeéminemment philosophique, et on ne peut guères'étonner qu'il ait occupél'esprit de Platon.

33.LeT/t~<e,OM6!6faSMeHce.

Dialogue d'essai, qui forme la premièrepièce de'.la quatrième trilogie d'Aristophane, et la deuxième

de la deuxième tétralogie, de Thrasylle, et par le-

quel quelques Académiciensconseillaient de com-

mencerla lecture de Platon.

Euclide de Mégare (i), le célèbre fondateur de

l'école qui porte ce nom, et quelquefois le nom

d'école éristique, rencontre à Mégare, sur la place

publique, Terpsion, ami commelui et commelui

disciple de Socrate (2), à qui il raconte qu'il vient

de reconduire sur la route d'Athènes le jeune

Théétëte, blessé, qu'on y ramenait de Corinthe. Le

nom de Théétëte rappelle à Euclide un long et in-

(t) SurlesrapportsdeSocrateaveccetEuolide,qu'ilnefaut

pasconfondreaveclecélèbremathématiciend'Alexandriede.cenom,voirDiog.L.,H,47,10C,<60,etIJJ,6;Au].Ge!l.,JV,a:«.,V!,<0.AlamortdeSocrate,c'estauprèsde lui queseréfu-

gièrent!esdiscipleseffrayésetquesereformal'écoledispersée.(2))t nenousestconnuqueparPlaton,quile faitassister,

com!NeEuc)ide,audernierentfetieade leurmaitrecommun.fA~oM,59, b.

LES ÉCRITSDE PLATON. 835

téressant entretien que ce jeune homme intelli-

gent, laborieux, instruit autant que brave, avait eu

avec Socrate en présence de Théodore, l'illustre

mathématicien (1). C'est cet entretien, qu'Euclide

avait eu soin de conserver par écrit, et de complé-

ter avec les remarques et observations de Socrate

même, qui est lu aux deux amis par un esclave.

Qu'est-ce que la science? te! est le sujet de la dis-

cussion (2).

Si on la ramène à la sensation, cela revient à dire

avec Protagoras que l'homme est la mesure des

choses, en ce sens que les choses ne sont que ce

qu'elles paraissent être dans la sensation mobile,

personnelle, changeante. Le fondement de cette

maxime, c'est le principe d'Héraclite que tout est

(l) Théodore de Cyrene, mathématicien, astronome, musi-

cien; que Platon avait entendu à Cyrène, et peut-être à Athènes,

figure honorablement dans trois dialogues le M<~<e, ~e ~o-

))/<e et le Politique. Conf. Diog. L., Il, 8, )03; Apul., de

Do<)M.Plat., p. 2. Thcétcteest un Athénien qui est mentionné

également dans les deux derniers. Po~c.,p.257,&~M<

218, b. C'est peut-être le mathématicien célèbre mentionné

par Proclus (ad BMC~M.,11, p. 19) et auquel Suidas et Eu-

docia attribuent le premier traité sur les cinq corps réguliers.V. K.-F. Hermann, GMC~.u. Syst., p. 658 et Boeckh., JP/i!-

M.,p. i63.

(2) Avant d'entamer la discussion, Socrate s'explique sur sa

propre méthode et sur son art particulier d'accoucher les esprits,sur lamaieutique. Impuissant à produire, Socrate excelle à

tirer de l'esprit des autres les pensées dont il est plein et, pourainsi dire, gros, p. 148, e, MStyst;')' Eta ïo xsvoc, a).~

xu(<.M~e~on. L'âme de l'homme n'est jamais vide: elle est

pleine d'idée; i) s'agit de mettre au jour ces idées qu'elle pos-

sède, et éet art, c'est la dialectique.

236 LES ËCMTSDE PLATON.

en mouvement rien n'est en soi et n'a en soi une

qualité, propriété, essence déterminée et fixe

mais, au contraire, chaque chose n'est que dans et

par son rapport à une autre, n'est que ce rapportmême par lequel elle est ,ce qu'elle est, ou plutôt

par lequel elle devient ce qu'elle paraît être. Rien

n'est; toute chose n'est qu'un éternel devenir, et il

faut dire cela non-seulement de l'objet que la sen-

sation fait percevoir, mais du sujet qui le perçoit

par la sensation. Il en résulte que toute sensation

n'étant qu'un rapport individuel, mobile, mais réel

du sujet et de l'objet, toute sensation est nécessai-

rement vraie, car il n'est pas possible de nier qu'onsente ce qu'on sent. Lasensation étant nécessaire-

ment vraie, et n'étant pas susceptible d'erreur,constitue la science même. Maisde cette proposi-

tion, il résulte

i. Que l'animal tout comme l'homme, en tant

que capable de sensation, est la mesure deschoses.

u. Que la sensation de tout homme valant pourlui celle d'un autre; personne n'a le droit de pré-

tendre, pas même Protagoras, qu'il en sait plus

qu'un autre.

m. Que la mémoire, excluant par sa nature -la

sensation actuelle, ne peut être considérée comme

une connaissance.

iv. Si la sensation est la science, en regardantun objet avecunoeilouvert et l'autre fermé, ou sait

a la fois et onne sait pas.

Aces objections, Socrate lui-même réponde au

nom de Protagoras

LES ÉCRITSDE PLATON. 237

Ala première, que ce n'est pas une argumenta-tion ni unepreuve logique;

A la deuxième, que la supérioriténe consiste pasdans leplus oumoinsde vérité des opinions, qui sont

toutes égales sous ce rapport, mais dans la situa-

tion plus ou moins avantageuse, utile, qu'elles font

à chaque homme. Les opinions ne sont pas plus

vraies, mais elles sont meilleures les unes que les

autres;A la troisième, que dans un système où l'on

admet que tout est dans un changement perpétuel,on ne peut admettre le phénomène de la mémoire

qui implique f'identité du sujet; et quant à la der-

nière, l'homme n'étant pas un, mais plusieurs, et

ces plusieurs se multipliant à l'infini puisque le

changement est incessant, il n'est pas étonnant

qu'on puisse dire que ce qui paraît un et ne l'est

pas, sache et en mêmetemps ne sache pas.faut donc serrer de plus près l'argumentation.

ï. En -reconnaissant que toute opinion fondée

sur une sensation est nécessairement vraie, Prota-

goras accorde que l'opinion de ceux qui contredi-

sent sa doctrine est vraie, et par conséquent il est

obligé par son principe d'avouer que son principeest faux.

n. L'opinion que certains individus voient plus

juste que d'autres le résultat à venir d'une action

présente, et donnent aux individus comme aux

États des conseils plus utiles, –et l'utile regardele tèmpsà venir,–ou doit être repoussée, ce qui est

contraire à la plus vulgaire expérience, car l'homme

LES ÉCRITSBË PLATON.238

n'a pas en lui la règle des chosesà venir, et il est

trop clair que les choses ne deviennent pas pourchacun telles qu'il se figurequ'ellesseront; ou bien

elle impliquequ'il y a desopinions vraies et desopi-nions fausses, une connaissanceet une ignorance,ce qui renverse le principe que toute scienceest

sensation, est égale en tant quesensation (1).ni. Le principe d'un mouvement et d'un chan-

gement éternels et universels, dans la catégorie de

l'espace, comme dans celle de la qualité, supposentla possibilité de la sensation elle-même car puis-

qu'elle est par hypothèse le rapport de deux termes

incessamment changeants, ce rapport change aussi

sans cesse, devient incessamment autre qu'il n'é-

tait, et ne peut jamais être fixé, ni parJ'esprit, ni

par le langage. Si à un moment donné ce rapportest la sensation, à ce même instant il cesse aussi

d'être la sensation, puisqu'il change sans cesse. Il

n'y a doncpas d'idée ni demot qui puisse représentercette fluidité, ce néant du devenir éternel. Si donc

la sensation est la science, la science est une chose

dont on ne peut pas plus dire qu'elle est la sensation

que dire qu'elle ne l'est pas:

(t) Iciseplaceunvéritableépisode,unedigressionsurlavie

philosophiquecomparéeà laviedesaffairesetdela politique.Platonsoutient,t76a, quele malnepeutpasêtredétruitsurla terre,et dansnotrenaturemortelle,quoiqu'ilne faillepasvoiren luiuneessencedivine;quela perfectionétantétran-

gèreàcemonde,poury arriver,it faut le fuir,etquele fuirn'estautrechosequedes'efforcerderessembleràDieu,souve-rainesagesseetvertuparfaite.Lui ressembler,c'estdoncêtre

justeet saintavecintelligence.

LES ËUfUTSCE PLATON. 239

La discussion sur l'hypothèse d'Héraclite et de

Protagoras ( i ) semblerait devoir amener une dis-

cussion sur l'hypothèse contraire de Parménide et

des Ëléates mais Socrate l'ajourne (2) et examine

en elle-même la définition donnée par Théétete de

la science.

Les sens ne nous donnent que 'des sensations et

des idées individuelleset isolées, et chacun d'eux a

son domaine propre d'où il ne peut sortir. Or les

qualités qui sont communes à plusieurs objets qu'iln'est pas du ressort du même sens de connaître,commentarriveront-elles jusqu'à nous, s'il n'y a pasen nous une Idée unique, une âme où se rappor-tent tous nos sens et en fait l'unité (3)? La notion

de l'être, de l'identité, de la différence,du nombre,de la beauté et de son contraire, du bien et de son

contraire, par quel sens nous seront-ellesconnues?

Notre âme les voit par elle-même, o~ Si'o: car

nous n'avons pas d'organe sensible pour les voir.

Il y a donc des choses que l'âme connaît par les

sens, et d'autres qu'elle connaît par elle seule, et

par elle-même: et de cette dernière catégorie est

l'essence, dont la connaissance constitue la science

même; car qui ne connaît pas l'essence d'une

chose, ne connaît vraiment pas la chose.

La science n'est donc pas une sensation, mais

(i)Onpeutla voirexposéedansSextusEmpiricus,fj/w!.llyp., 2t6-2i9,et «dt, Ma</t.,VU,59-64et369-388.Conf.

Diog.L., X,5t;Cicér.,~e<M~)t, 49.

(2)C'estdansle SophistequelesÉléatessontprisà partie.(3)Théét.,184,d.

LES ÉCRITSDE PLATON.240

une réflexion opérée par l'activité de l'âme sur ses

sensations, et cette opération s'appelle l'opinion

vraie, le jugement vrai, -?)~e~ So~

Ici intervient, un peu épisodiquement, la re-

cherche sur la nature et l'origine de l'erreur.

i Examinée au point de vue du sujet, l'erreur

est bien difficile.à comprendre car c'est, dit-on,un jugement faux mais ou je sais de quoi je juge,ou je l'ignore si je le sais, comment mon juge-ment peut-il être erroné si je l'ignore, comment

en puis-je porter un jugement?2. Si l'on rapporte l'erreur à l'objet,,et qu'on

dise qu'elle consiste à affirmer comme étant un ob-

jet qui n'est pas ou le contraire on répond d'a-

bord que ne pas se représenter un objet, c'est ne

pas juger, et alors il n'y a pas de place à l'erreur;et ensuite que le non-être n'étant pas susceptiblede

se représenter à l'esprit, l'erreur n'est pas davan-

tage admissible.

3. Si on prend l'erreur pour la confusion faite

par l'esprit entre ses différentes affirmations, on

retombe dans les mêmes difficultésque précédem-ment car quel esprit ayant présentes à lui-même

deux représentations différentes, les confondra en

une seule et même, c'est-à-dire prendra l'une pourl'autre?2

4. Expliquer l'erreur par la différence des re-

présentations de la mémoire avec les sensations

présentes, laisse en dehors de l'explication les er-

reurs qui portent sur les Idées abstraites, généra-

les, métaphysiques.

LES ËCMTSDE PLATON. 241

14

5. L'expliquer en admettant que l'on peut pos-

séder un savoir latent et virtuel, distingué d'un

savoir en acte et appliqué (i), c'est admettre qu'on

sait à la fois et qu'on ne sait pas une même chose,

et renverser le principe de toute connaissance. Mais

il est probable que toute recherche sur la cause de

l'erreur est mal engagée, si on ne connaît d'abord

la vraie nature de la science. Nous avons dit quele jugement vrai la constituait mais c'est une dé-

finition inacceptable comme on peut s'assurer parcette simple observation. La rhétorique parvient,sans connaître et sans faire connaître la vraie es-

sencedes choses,à inspirer aux juges et aux mem-

bres des assembléesdu peuple, des opinions et des

jugements vrais. La science est donc autre chose

que le jugement vrai.

Obtiendrons-nous enfin un résultat plus satisfai-

sant, enajoutant à notre définition les mots avec

M~/)e<o?ï, ;~T&Myou,en sorte que la science soit

lejugement vrai accompagné d'une explication?Observons d'abord qu'on a eu peut-être raison

de dire que les éléments simples dont sont compo-sées les choses, l'univers comme l'homme, sont

inexplicables parce qu'ils sont indécomposables.Lescomposésseulssont susceptibles d'une explica-

tion, d'une démonstration; qui consiste précisé-ment à les ramener à leurs éléments simples;

(t)Possédern'estpasla mêmechosequ'avoir,ou ro!~ ~.o(Tc~TOt(pothsTcttebxExT~BMTt? Onsaisiticil'originedelafameusedistinctiondel'acteetdelapuissance,p.197,(!.Co))t.

Tren<ietenburg,de~n<m.,p.314;maPsyclaol.dePlat.,p.403.

LES ÉCRITSDE PLATON.242

ceux-ci par conséquent ne sont ni explicablesni

scientifiquement connaissables il faut se borner à

les percevoir et à les nommer.

Prenons pour exemple la syllabei. Si la syllabe est la totalité de ses éléments, et

si l'on admet qu'on puisse avoir une science de

la syllabe, on aura une science d'une totalité,sans avoir une science des parties de cette totalité.

2. Dira-t-on que la syllabe est une forme une en

soi,:v TtYeyo~o~e~o!,p.Kxv!5eo(v,diSérentedela totalité

de ses éléments, et qu'un tout, c~ov,est différent

d'un total, TH~? Cela ne peut en tout cas avoir

lieu dans un tout qui a des parties, et quel tout

n'a pas de parties? Il faudraitdonc reconnaître quela syllabe n'est pas une totalité, qu'elle n'a pas de

parties, qu'elle est simple, et que comme telle elle

échappe à une explicationscientifique.3. D'ailleurs l'expérience ne nous apprend-elle

pas au contraire que c'est par leurs éléments sim-

ples que nous avons appris à connaître les choses,

par les lettres isolées à former et à assembler les

syllabes? En toute chose les éléments sont plus fa-

ciles à connaître que leurs combinaisons. Ainsi, il

est déjà diffibile.d'admettre que la science est un

jugement vrai accompagné d'explication, et nous

nous en assurerons davantage encore si nous exa-

minons tous les sens de ces mots (~& ~oyou.i. Onpeut entendre par Myo;l'image de la pen-

sée exprimée par la parole maisil est clair que

toute~penséevraie expriméedans le langage serait

alors une science.

LESÉCRITSDE PLATON. 243

2. On peut entendre l'énumération des éléments

isolés mais l'exemple de la syllabe montre que si

on ne connaît l'essence des éléments, on ne peut

avoir une science des composés.

3. Enfin, on peut entendre la détermination

du caractère propre, de la différence de la chose,et c'est cette détermination de la différence propre

qui constitue la science. Mais alors la science est

le jugement vrai accompagné de science, ce quiforme un cercle, puisque la science est définie parelle-même.

La définition de la science n'est donc pas trou-

vée, et il faut appliquer à ce grave sujet de plus sé-

rieusesméditations, que Socrate ajourne à un autre

temps.L'entretien se termine la.sans conclusion dogma-

tique et positive.Aucune difficulténe s'élève entre les interprètes

de Platon sur la pensée fondamentale et le but du

dialogue il s'agit de rechercher quelle est la vraie

essence de la science. La méthode employée à la

discussionde ce grave problème est une méthode

négative et critique, qui écarte toutes les solutions

proposées de la question ou comme fausseset con-

tradictoires, ou comme obscures, ou comme insuffi-

santes, mais qui, tout en ne substituant pas expres-sémentà ces solutions unedoctrine propre, sème à

pleine main les principes qui doivent y conduireet

la préparent. La science a pour objet ces éléments

indécomposables,antérieurs et supérieurs a. toute

impression des sens, et à toutes les sensations qui

LESÉCRITSDEPLATON.244

en sont le résultat, notions que notre âme voit parelle seule, par son activité propre, qu'elle possèdeen puissance ou en acte, dont elle est pour ainsi

dire grosse telles sont les notions de l'être, de l'i-

dentité, du nombre, du beau, du bien, du juste.Orces notions que sont-elles?Précisément les Idées

de Platoh.

Cedialogue, l'un des plus intéressants et desplus

parfaits de l'auteur, n'a pas été l'objet d'études ni

d'éditions spéciales récentes je ne connais quecelle d'Heindorf, enrichie des remarques du sa-

vant Buttmann, Berlin, 180S et 1829.

34.ZeSop/tM~,oude/'J~fc.

Dialogue logique, qui fait la première pièce de Ja

secondetrilogie'd'Aristophane, et la troisième de la

seconde tétralogie de Thrasylle.A l'exception d'un personnage anonyme, qui

défend ta philosophie de l'école de Parménide et

de Zénon, nous retrouvons les mêmes interlocu-

teurs que dans le Théétète, c'est-à-dire Socrate,Théétète et Théodore. La question proposée,parSocrate est de déterminer la vraie nature du so-

phiste, et de marquer en quoi il se distingue de

l'homme d'état et du philosophe (i). L'étranger

(1)Apresavoiriciréunilesnomsdusophiste,dupolitiqueetduphilosophe,p.217,a,.Platonprometplusloindeconsa-crerà cedernierunerecherchespéciale,semblableà cellequiestl'objetdu,So~A«<e,p. 254,h., età cellequ'il consacreau

LES ÉCRITSDE PLATON. 248

t4.

d'Ëlée est chargé de la résoudre sa méthode con-

siste dans une combinaison de la définition et de

la division, qui poursuit et décompose sans relâche

l'espèce qui renferme l'objet, et cette division est

régulièrement bipartite. Il prend le genre le plus

élevé dans lequel est compris le sophiste, et par la

division arrive à la différence la plus propre. C'est

ainsi qu'il place tour à tour le sophiste dans le genre

du chasseur, et spécifie l~s différences qui consti-

tuent son art et le séparent de l'art de tous les

autres chasseurs. Il obtient par là les dénnitions

suivantes La sophistique est une espèce de chasse,

ou d'art de prendre, par l'appât trompeur de la

Politique, où il reproduit cette promesse, p. 257, a. Tx~x Se

ys &~E<X~<ret<Teu'n~ T[)m).<M!ctv(xctpt~ ~tEtSo~T~ TE~oXmx6v

cmepYacMvTCtC(rot xxiTo~<p~6<jo~ov.Ce dernier ouvrage a-t-il é'ë

exécuté? Schleiermacher croit te trouver dans le Phédon et le

Banquet, qui présentent Socrate commel'idéal du philosophe;à quoi Stallbaum objecte, non sans raison, que c'est le cas do

presque t&us les dialogues de P)atou. Quant à ce dernier, il

croit voir dans 7e .PofM~Mece troisième membre de la trilo-

gie promise, TpuAMicM~ap~,que je n'y retrouve nullement.

Car d'abord le Parménide ne me parait présenteren aucune

façonl'idéal platonicien du philosophe; en second lieu, les ac-

teurs et la scène sont .complétement changés et ne se lient pasavec~s Sep~t~; enfin ce n'est plus ni l'hôte d'Ëlée, niSoMate,

qui jouent le grand rôle,'et quelque idée qu'on se fasse de la

valeur de l'ouvrage, ce n'est pas assurément Parménide quePlaton aurait présenté comme le parfait philosophe. Suidas,v.~t).6<ro<po;,nous apprend qu'on désignait aussi sous ce titre le

Xni" livre des Lois. (Conf.î<ic.f<<AM.,I,3,Cba)cid. ~M.,

p. 348.) Onnesait pas quel ouvrage veut désigner le mythe-

graphe cité parBode, p. 171, par ces mots '<Plato ipse in tibro

qui (j)tMeo~o<inscribitur, testis est. »

LESÉCRITSDEPLATON.246

science, et tout en poursuivant un salaireen argent,les jeunes gens riches ou distingués; ou l'art d'ac-

quérir à l'amiable, par le négoce des choses de

.l'âme, et en vendant des discours et des connais-

sances relatives à la vertu; ou encore l'art de ga-

gner de l'argent par la discussionet la controverse;ou l'art de purifier l'Ame par un enseignement et

une éducationqui emploient comme procédé la ré-

futation, afin de confondre en nous la vanité de la

fausse science. Mais de toutescesdéfinitions, quelleest celle qui convient proprement au sophiste et

enseigne à devenir un sophiste? Il est certain quec'est un disputeur (i) qui paraît posséder sur toutes

choses une science apparente, apparente, disons-

nous, car il est impossiblequ'un seul homme sache

réellementtout. L'art du sophiste n'est donc qu'une

pratique d'imitation trompeuse,le talent defaire illu-

sion, un prestige agréable et menteur. Ici s'élève

une difnculté grave, et que Ja thèse de Parménide

rend plus grave encore.

L'art de faire illusion, de parattre et d&nepas

être, de dire quelquechosequi semble vrai et n'est

pas vrai, l'erreur, en un mot, est bien difficile à

comprendre car elle implique l'être du non-

être, que nie expressément Parménide. En effet,celui qui ne dit rien nepeut faire une erreur; ce-

lui qui dit quelque chose, dit quelque chose qui est,et comme on suppose que c'est une erreur, ce

quelque chose qui est doit être supposé en même

(t)%~oYtxot,p.M2,b.

LES ÉCMTSDE PLATON. 247

temps comme n'étant pas, puisque l'erreur est le

contraire de ce qui est. Or, si le non-être n'est abso-

lument pas, commele soutiennent Parménideetson

école, il ne peut être ni exprimé ni pensé aucun

attribut ne peut lui être appliqué, pas même celui

du nombre (I), pas même celui de faux, d'inexpli-

cable et Parménidedonne ainsi aux sophistes un

principe métaphysique qui leur permet de soutenir

scientifiquementl'impossibilité de l'erreur. Si donc

nous croyons qu'il y a des opinions fausses et des

jugements erronés, nous sommes obligés de mon-

trer que le non-être est, que l'être n'est pas, et

dans quel sens nous devons entendre ces termes

lorsqu'ils sont ainsi appliqués.Cherchons d'abord ce que c'est que l'être. Parmi

lesphilosophes, les uns posent trois, d'autres deux

principes deschoses; d'autres en admettent un seul,

l'être ce sont les Éléates. Prenons-nous-en à ceux-

ci. Suivant euxl'être est un; mais si l'un ne diffère

pasde l'être, il n'y a dans leur proposition que deux

mots pour une-seule chose et l'on ne comprendmême pas qu'il puisse y avoir un mot quelconque,une forme et expression quelconque de l'être; car

ou le mot différera de la chose exprimée, et voilà

encore deux principes, ou, s'il est identique à la

chose, il arrive que c'est un mot qui ne répondaucune chose, que c'est le nom d'un nom, le mot

d'un mot, et comme ici il est identifié à l'un, l'un

(t) Onnedoitdoncdireni au singulierle non-être,ni au

pluriellesnon-êtres,puisquelenombrenepeutluiappartenir.

.LES ÉCRITSDE PLATON.248

c'est l'un de l'un, et non plus l'un du mot(l), c'est-

à-dire que l'un n'a de rapport qu'avec lui-même,et n'en a plus même avec le mot qui devrait l'ex-

primer.Autre argument.Les Éléates donnent à cet un la forme d'une

sphère et le conçoivent comme un tout mais alors

il doit avoir des parties, un centre au moins, et une

circonférence; et si rien n'empêche qu'un tout

composé de parties ne participe de l'unité, il est

impossible qu'il soit l'un même, qui ne se dit ri-

goureusement que de ce qui est sans parties et

dans ce cas l'être, identifié avec le tout, participerabien del'unité, mais neserapas l'un même, et s'il en

estdifférent, nous voicirevenus à poser deux princi-

pes au moins dans l'univers. Dirons-nous que l'être

M~jo<Mun tout, puisqu'il ne fait que participer à

l'unité, et maintenons-nous que le tout est? alors

l'être n'est pas il est le non-être l'être semanqueà lui-même et de plus l'être et le non-être, ayantchacun leur nature a.part, posent encore la plura-lité des principes.

D'autre part, si le tout n'est pas, non-seulement

l'être n'est plus à son tour, mais il n'aura jamaisexisté car tout ce qui arrive a~l'existence y arrive

en formant un tout. Ainsi, si l'on supprime l'attri-

but être du tout et de l'un, on supprime l'être

(1)Jesupprimeici, p. 244,d, la correcttondeSchleierma-

cher,qui lisaitxata! Touov6)tMo<aurA etj'adoptela

leçondeStaMbaum,quidonneoùTon~6(tem{,x.T.

JLESÉCRITSDE PLATON. 249

même, et, si on le maintient, on pose la pluralité

des principes.Voilà quant au nombre des principes, et à la

question de savoir si l'être est unité ou pluralité.Mais si nous voulons rechercher quelle est son es-

sence, nous arriverons encore a reconnaîtreque la

nature de l'être présente autant de difficultés quecelledu non-être.

Les uns (l)confondentle corps et l'être; les au-

tres~) ne reconnaissentpour'êtres véritables quedes

espècesd'Idées ou de formes intelligibles et incor-

porelles(3) le corps n'est qu'un devenir, c'est-à-

dire un mouvementpour arriver a l'être.

On peut réfuter les premiers, en leur demandant

s'ils ne pensent pas que l'être animé soit un corpsoù vit une âme,' et s'ils n'attribuent pas à cette

âme des propriétés réelles, telles que la sagesseet la justice. S'ils l'admettent, ils sont forcés de

reconnaître dans l'âme et dans ses propriétés es-

sentielles des êtres incorporels. S'ils résistent en-

core, peut-être admettront-ils cette définition de

l'être (4). L'être est ce qui possède naturellement,

(t)Lesphilosophesdel'écoleionienne,lesAtomistiquesetles

Cyréna!ques.(2)D'aprèsSchleiermacher,l'écoledeMégare.Silaconjecture

estjuste,leméritedeladoctrinedesIdéesluirevientenpartie.Mestvraiqu'ilsfaisaientdecesIdéesdesêtresimmuables,immo-biles,sansvie,Ahstot.,Me<XIV,4, ou<Hct<otx~Tou~,sansrapportavecla réalité ni entreelles,des Idéespurementabstraites.

(3) p. 246, b. N<H)TK(ÎTTCtXC(iKTMjMtTOtE!5?).

(4) 247, e. To xo~ 6~0M~ow xt)tTt)~~o'< Mw[u~ etr' et; T&

LES ÉCRITSDEPLATON.250

dans une mesure quelconque, la puissancede faire

d'une chose une autre, ou de recevoir, ne fût-ce

qu'une fois, d'un agent quelconque, la modifica-

tion la plus légère. En un mot, s'ils admettent quel'être n'est autre chose que la puissance, il faudra

qu'ils avouent quel'être n'est pas le corps.Maintenant que dirons-nous aux partisans des

Idées, qui les considèrent comme des essences im-

muables, sans vie, sans mouvement, sans rapportsni entre elles ni avec le monde extérieur et réel,

pour qui l'être est essentiellementen repos et n'est

susceptibleni de causer ni d'éprouver aucune mo-

diiicàtion, de quelque genre qu'elle soit? Ils dis-

tinguent le devenir de l'essence ou de l'être. C'est

par le corps et au moyen de la sensation que nous

communiquons avec le devenir, par l'âme et au

moyen de la pensée que nous communiquons avec

ces êtres éternels et immuables, qui se distinguent

précisément par leur identité et leur éternité du

monde incessammentchangeant et mobile du deve-

nir. Or cette communication est une action ou

une passion,résultat d'une puissance, Suva~eM~,et de

la puissancedes deux êtres mis en rapport (i). S'ils

disent que cette puissance, soit active, soit passive,

n'appartient pas à l'être absolu, mais au devenir

tCOUt~~CepO~~TtOUVTte~UX~E~TEE!<TOKCt9s~Xf<!ftfttXpOT~toV(t~OTOU~KU~OtCtTOU.ta SvTCtt!);E<TTtVOMXKÛOT!~).t)v5UKO!jtt~.ProfondedéCnitiottquerecueilleAristote,et dont i! sembleavecLeibnizavoirravià Platonla gloire.

(t) RemarquezqueledeveniresticipourPhton uneforce,unepuissance,soitactive,soitpassive.

LES ËCtUTSDE PLATON. 2at

seulement, nous leur demanderons Admettez-vous

que l'âme connaît, que l'être est connu? Ils ne

peuvent pas le nier car comment sans cela pose-

raient-ils l'existence des Idées si notre âme ne pou-

vait pasles connaître, si les Idées ne pouvaient paressence être connues? Ils seront donc réduits à

cette absurditéde~soutenir que connaître n'est pasune action, qu'être connu n'est pas une pa?sion.

Oui, c'est une absurdité de prétendre quela penséeest autre chose qu'une certaine modification, une

certaine affection de l'être pensant et de l'être

pensé, c'est-à-dire un mouvement.

Quoi! l'être absolu n'aurait pas le mouvement?

Il n'aurait donc ni la vie; ni rame, ni la pensée? Il

ne sera ni connaissant ni connu sans le mouve-

ment, il n'y a plus de connaissanceet plus de peu-sée d'aucune chose. Or i! est certain que la con-

naissance existe (1), donc le mouvement existe, et

il existedans le sujet qui connaît pour qu'il puisse

connaître, dans l'objet qui est connu pour qu'il

puisse être connu.

Mais, d'un autre côté, si tout est livré àunmou-

vement absolu et perpétuel, rien ne pourra plus

être identiqueà lui-même, ni dans ses modes ni

dans sa durée; ce qui -parvient à la consciencedoit

rester cependant le même, au moins dans l'instant

fugitif où il est perçu car, s'il change à l'instant

où il est perçu, la connaissancen'est plus possible,

())Cetteprémissen'estpasexpriméemaiselleestlefonde-mentlogiqueet nécessairedetoutle raisonnement.

252 LES ËCMTSDE PLATON

elle-même change et devient autre chose que la

connaissance (1). Or non-seulement la connais-

sance est possible, mais elle est réelle et certaine

donc le repos est, commele mouvement. Mais le re-

pos et le mouvement (2) sont des contraires réunis

et unis dans l'acte de la connaissance.Il faut donc

admettre que les contraires coexistent dans le

même sujet, et qu'on peut dire d'une chose à la

fois qu'elle est une et plusieurs, en mouvement et

en repos, même et autre, en un mot à la fois

qu'elle est et qu'elle n'est pas; il faut admettre

qu'on peut allier les genres et réunir les Idées, et

repousser ces logiciens à outrance qui ne permet-tent pas de dire une chose d'une autre. En effet il

n'y a quetroishypothèsespossiblesà l'égard de cette

communication des genresi. Ou aucune Idée ne participe à une autre, et

alors le mouvement et le repos ne participant pas à

l'être ne sont pas, et l'opinion de ceux qui ad-

mettent le mouvement et la pluralité, comme de

ceuxqui ne reconnaissentque l'unité immobile, s'é-

croule en même temps. Mais c'est là une opinion

absurde queréfute le langage même de ceux qui la

soutiennent car iisnepeuvents'empêcher d'unir

en pensant et en parlant ces genres, être, le même,autre.

H. Ou bien toutes les Idées communiquent in-

(l)Mêmeréfutationdans!eCfa~!e,p. 440.

(2)Outrelemouvementet lerepos,UfautpoMrl'être com-

medistinctdesdeuxautres,carit seditdesdeuxetparconsé-

quentnepeutêtreconfonduniavecl'un niavecl'autre.

LES ÉCRtTSDEPLATON. 253

1S

différemment entre elles, ce, qui est encore plus

absurde, puisque le mouvement serait le repos et

l'être serait lenon-etre.

m.Il reste donc que certaines Idées puissent

s'unir entre elles, et certainesautres non. La science

qui nous apprend quelles Idées peuvent s'unir,

quelles Idées ne peuventpas s'unir entre elles, c'est

la dialectique, la dialectique qui consiste a divi-

ser par genres, et a. reconnaître l'identité des gen-res identiques, et la différence des genres diffé-

rents. Pour en déterminer la nature avec plus de

précisionencore, disons qu'elle renferme ces quatreconditions:

i. Voirl'Idée unique qui embrasse une pluralitéd'individus différents,ou former la notion.d'espèce.

2. Apercevoir.le lien pour ainsi dire extérieur

qui embrasse,dans use Idée une, une pluralité d'es-

pèces différentes, c'est-à-dire constituer la notion

du genre.

Ain~id'abord la dialectique cherche à découvrir

le rapport de convenance qui lie les individus à

l'espèce, et les espècesa.u genre puis elle doit

3. Distinguer les uns des autres et les espèceset les individus enveloppésdans l'unité de l'espèceou du genre, et considérer en soi, à part, une seule

espèce ou un seul individu,4. Et considérera part une pluralité d'espècesou

unepluralité d'individus différents et distincts (1).

(1)M.StaUbaom,N~Sqp/e.,253,d,entendunpeuautrementCepassageobscur:

1. Voircommentlanotiongénérale,l'idéedugenres'accorde

2~4 LES ÈGMTSDE PLATON.

C'est-à-dire apercevoir le rapport de différence

qui sépare les uns des autres les individus, les

espèces,et les genres.En un mot, saisir l'identité comme la différence

dans l'analyse et la synthèse, voilà la fonction du

dialecticien.

Maintenant, si nous appliquons cet art de divi-

sion.et de synthèse, cette perception des rapportsde convenanceet de différenceaux cinq genres du

mouvementet du repos, du même et de l'autre, et

enfin de l'être, nous verrons que la nature de l'au-

~rc, se trouvant dans tous les genres, rend chacun

d'eax autre que l'être, et en fait par conséquent du

non-être, puisqu'il n'est pasceque sont lesautres.Le

non-être dont nous parlons ici, le non-êtrelogique,n'est pas le contraire de l'être c'est quelque chose

d'autre. Il n'est question que des différentes si-

gnifications d'un même mot (t), de différences lo-

giques et verbales. Le non-être est donc, puisqu'ilest l'autre. Le non-être ne supprime pas l'être

avecet pénètredansles espèceson genresinférieursdiffé-rents.

3.Commenttesespècesou genresinférieurssontcontenue

dansle genresupérieurouuniversel.3.CommentchaqueIdéeen soi formeuneunité~enliant

dansl'unitétouteslespartiesquilacomposent.4.Commentsedistinguententreelleset sedifférencientune

ptnralitéd'Hées.(t)SocM~251.Conf.Plut.,adv. CoM.,c. 15. Platona

merveilleusementdémontréquele T& e~atdiffèredetôtSye~Mtt.enëeque l'un supprimetoutel'existence,et l'autre

marqueseulementla différencedu participantet duparticipé,<!ttp6'n)'MTau)n6~xTou%e!Tt)3{tSTe~o~TO;.'<

LES ÉCRITSDE PLATON. 2~8~A~ .v. W

des choses auxquelles il s'applique au contraire,il le pose plutôt, puisqu'il établit simplement leur

différence,c'est-à-dire leur donne une essence, une

nature différente de l'essence des autres choses.

Quant au non-être absolu, aunéant, nous n'essaie-

rons mêmepas de discuter s'il existe ou non, s'il

peut ou non être défini. II nous suffit d'avoir mon-

tré que l'autre existe, c'est-à-dire que les choses

contiennent un élément de différence; que la na-

ture de l'autre, que l'Idée de la différence pénètredans tous les êtresquand on les compare les uns

aux autres, et chacun à chacun; enfin que c'est cet

élément de différence,comparé à l'être des autres

choses, que nous appelons le non-être. En ce sens,

de mêmequ'on peut dire que le non-être est, on

peut dire aussi de l'être qu'il n'est pas, puisque

toute chose'qui est est différente de toute autre

chose, et par conséquent n'est pas ces autres cho-

ses. La négation qui précède un moi ne signifie

pas lecontraire, maisseulement quelque chose de

différentet d'autre (i).

Maintenant, âpres avoir prouvé que le non-être

existe, et comment il existe, nous dirons queFerreur vient de ce que le non-être se mêle à nos

pensées (2) et au langage qui en est l'expres-

(t) C'estévidemmentdecepassagequ'Aristotea tirésadoubledéfinitiondunon-être,quitantôtsignifienégationpure,&~i5'~tTtt,et supprimel'existencedelachose,tanMtestreiativee

pnvsftîve,et nie~ëolementquelque~ttribwtdél'objet. ~fe<sp~m,63!

(2)Puisqu'onpeutàfnrmerqueleschosessontautresqu'elles

LES ÉCRITSDE PLATON.2S6

sion (i), et le sophiste, dont nous cherchons la dé-

finition, est précisément celui qui mêle au hasard

lé non-être à ses pensées et à ses discours, ou qui

possède l'art d'imiter et de produire, à Faide de la

parole, des simulacres, c'est-à-dire des imitations des

choses, faites sans la connaissance vraie des choses

imitées. Telle est la race et tel le sang, comme di-

rait Homère, du vrai sophiste (2).

Je n'-iF pas hésité à donner avec une certaine

étendue l'analyse de ce dialogue, aussi considéra-

ble que difficile. II renferme

ne sont, c'est-à-dire qu'elles sont ce qu'elles ne sont pas, ou

no sont pas ce qu'elles sont.

(i) C'est dans le développement de ces idées que se trouve Ja

belle définition de la pensée un dialogue de l'âme avec elle-

même, 2R4, a.

(2) Al'occasionde cette définition, on trouve encoredans Platon

une division importante que nous devons taire connaitre. Il y a

une puissance qui est cause que ce qui n'était pas devient, qui

produit par exempleles êtres vivants, les végétaux, les métaux.

On peut attribuer cette puissance poétique, créatrice, soit à la

nature, considérée comme une cause mécanique et aveugle, soit

à une cause douée de raison et de science, c'tst-à-diM à un dieu.

Pour nous, le devenir est l'ouvrage d'undieu.xaïc: 9tM eùTà

Y~MSm, p. 265. Mais la puissance de production de Dieu se

divise enproductions d'œuvres réelles et en productions d'œuvres

apparentes, telles que les songes, et la puissancede productionde l'homme se divise de même en productions d'oeuvres réetles,

telles qu'une maison, et d'œuvres apparentes, telles que les ta-

bleaux de la peinture, qui ne-sont qu'une espéce de songe de

notre composition, à l'usage des gens éveitiés; et cet art d'imi-

ter se divise encore suivant qu'on connatt scientifiquement ou

non les choses qu'on imite ou qu'on copie, et qu'on croit ou

tKMtles savoir. Cesdistinctions sont importantes, et nécessaires

même, pourcomprendre les théories esthétiques de Platon.

ËES ÉCRITSDE PLATON. 2S7

1° Une méthode de divisions et de définitions

que, tout en les plaçant dans h bouche d'un

Éléate, et en se permettant ainsi de les exagérer un

peu et d'y mêler une légère nuance d'ironie, Platon

adoptepour son proprecompte, commeil le montre

ailleurs (1);.2° Une critique des principes logiques et méta-

physiques des écoles d'ËIée et de Mégare;3° Une expositionde la nature et des sources de

l'erreur, fondée sur une profonde4° Doctrine de l'être et du non-être qui n'existe

qu'à la faveur de l'être, et n'est que la différence

d'essence.

C'est dans cet important ouvrage que Platon,s'arrêtant sur la voiede l'idéalisme éléatique, mon-

tre que l'être, et l'être parfait, n'est passubstance

pure, nue, vide, mais vie, pensée, force, cause,

par conséquent mouvement, par conséquent rap-

port c'est-à-dire que l'absolu enveloppe le relatif,l'immuabilité le mouvement, la permanence le

changement, l'identité la différence, l'action la pas-

sion en un mot, que l'être est l'unité où se conci-

lient les contraires.

Cette profondeur d'analyse n'a pas empêché So-

cher de contester l'authenticité du Sophiste, (2),

qu'il croit contraire au platonisme, et qu'il attribue

à un mégaricien. M. Stallbaum, qui combat avec

(t)PA< 9<~d;j~M<285,a; PMet., )6,c.(!)Aristotey faitclairementallusion,Met.,V,2. ~o n~Mïm~

tpM[<~Ttyaoùxctx&t~ptT~a'o~MTtx'~TO(t~6~el~ev.

.88~ :EES'ER~T~

raison cette opinion,a tort, suivant moi, de ne voir

qu'une critique ironique dans la pratique de la

méthode des divisions. Outre l'édition de ce,docte

interprète de Platon, je ne connais à recommander

que cellede Heindorf, Berlin, i8i0. Porphyre avait

écrit sur le Sophiste des commentaires cités par

Boèce, et qui sont ou perdus ou enfouis ignorésdans les manuscrits des bibliothèques. On trouve

dans Théoiste, Orat. xxtu, une imitation peu pro-fitablede certaines parties de cet ouvrage.

35.LePolitique,oudela Royauté.T

Cedialoguelogique, d'après Thrasylle qui en fait

là quatrième pièce de sa seconde tétralogie, forme

la seconde de-la secondetrilogie d'Aristophane.

Commeau 7'~ee~e est lié le 6'o~Mi'e, puisquece dernier dialogue est supposé avoir lieu le len-

demain du preiQier (i), et entre les mêmes inter-

locuteurs, le Po~~Mee~lié ~o~~<e; car

hous y retrouvons eucore les mêmes personnages,

~Socratê, Théodore, rétrangerd'~Ê~ Théëtëte,

plus un jeunehomme du nom de Socrate, qui avait

assiste aux deuxprécédentsentretiens (2), et la con-

versation est censée avoir lieu le mêmejour que

celte du Sophiste. Seulement, c'est le jeûne Socrate

qui répond aux interrogations de l'étranger pour

(1).PoM«C.,258,a. 06<M'c~T<j)[t~o!vKÙTOtttowEjjn~a.)(~;;MYM'7.'

('))yM~<47,c;Soj)&i8,)j.

LES1ÊCMT&~~LAtON.. 259

reposer Théétëte des deux entretiens antérieurs

dont il a supporté toute la fatigue (i).Commeon a cherché précédemment ce qu'était

!e ~o~AM~on cherchemaintenantce que c'estque

le Politique, eton procède de la même manière,c'est-à-dire par la division successive et persëvé-rante de l'idée la plus générale sous laquelle on

puisse l'embrasser.La Politique est une science; les sciences se di-

visent ensciencespratiques et sciencesspéculativesla science spéculative se divise en sciencede com-

mandement et science de jugement; la sciencedu

commandement se divise en science du comman-

dement qui présideà la production desêtres animés,et sciencedu commandement qui préside à la pro-duction des êtresinanimés. La sciencedu comman-

dement qui préside à la production desêtres animés

se divise en éducationparticulière et éducation com-

(1) Onveuttrouver(StaIIb.,fro!~?. adFoHMc.,p. 37)dans

les rapportsextérieursdecestroisouvrages,un indicecertaindeladatedeleurcompositionSophisteetPoliticiarctiorest

cumeo(fKëa'!tëto)cbpuIatM,quamutvelabsolationisveleditio-n)s tempusmultumdiversumessepotuerit.BEtpourquoidonc?Commentttrente ans, quaranteansaprèsavoirécrit undia-

logue,Platonne pouvaitpasenécrireun autrequi eût lesmêmesinterlocuteurs,lamêmeméthode,et quifûtcenséavoirlieu dansle mêmeendroit,et le mêmejourque le premier?ScttIeier!aaeher,jP~o<.~rAe.voI.If,part.n,25i, etK.Fr.Her-mann,CëtcA.M.Syst.,p. aOiet 502,croientle JPo~~Metrès-postérieurau ~o~A~e,262,b. Maiaqu'onendonnedoncuneraison1Ilest tmpessiMedeprendreunemesureplusarbitraireetplustéméraire.L'histoiresecomposedefaitsquel'imagina-tionnepeutpasdeviner,ni la raisonnementdéçouyri)'.

LES ÉCRITSDE PbATÔN.260

mune. 1/édncation en commun se divise en édu-

cation des animaux apprivoisés et éducation des

animaux sauvages (i). Les animaux apprivoisés et

vivant en commun habitent les uns l'eau, les autres

la terre ferme. Les animaux terrestres se divisent

en ceux qui volent, et ceux qui marchent ceux qui

marchent se divisent en espèces à cornes, et espèces

sans cornes; l'espèce sans cornes, en animaux qui

reproduisent, et en animaux qui ne reproduisent

pas en s'accouplant avec d'autres espèces ceux-ci

(t) Ici se placent quelques règles logiques sur l'art de divi-

ser, et particuticrement celle-ci il faut que les parties obte-

nues constituent de véritaMes espèces; et plus loin, 266, d, on

observe que la méthode seule est importante, et que le con-

tenu auquel elle s'applique, nobleou. vil, est indifférent. Illogi-

que platonicienne est donc formelle, et ne se confond pas.commecelle deHégel,avecl'ontoiQgie.ouscieneeducontenu. On retrouve

p. 284, etsqq., encoredes observations sur la méthodedialectiquedes divisions, où Platoh montre en quoi l'on pèche habituel-

lement d'une part, en se hâtant de réunir des choses dis-

tinctes parce qu'ot~s'imagine qu'elles sont semblables; d'autre

part, en ne divisant pas en parties et en espèces celles qui

sont contenues dans un même genre. La seule et vraie mé-

thode consiste, après avoir reconnu dans une pluralité d'objetsun caractère commun, à ne pas les abandonner avant d'avoir

découvert, sous cette ressemblance, toutes les différences qui

peuvent se trouver dans les espèces diverses, c'est-à-dire, à di-

viser la pluralité en toutes ses espèces et, quantaux différences

qu'on remarque dans cette pluralité, de poursuivre l'examen

jusqu'à ce qu'on trouve un caractère commun, une ressemblance

qui permette de les enfermer dans l'unité essentielle d'un genre.

Enfin, p. 287, c, la règle de la dichotomie est posée H faut di-

viser par membres naturels, xM&)).sA<quand on ne peut pas

diviser par deux, car il faut toujours, dansles divisions, choisir

le nombre le plus prés de celui-là.

LES ÉCRITSDE PLATON. 261

i5.

en bipèdes et en quadrupèdes, et les bipèdes en bi-

pèdes à plumes et bipèdes sans plumes ces der-

niers sont les hommes.

Un mythe nous aidera à compléter et à rectifier

cettedéfmition. Toutes les traditions rapportent quele mondea éprouvé dans sa constitution et ses lois

des changementsprofonds.Le monde(1) est un être

vivant, et doué d'un mouvement spontané, ~Movëv

auTojjt.ctTo~.Il a repu de celui qui l'a ordonné,ttuvap-

(<.o<MvM<,la raison. Tant que Dieu préside à son mou-

vement, il suit un mouvement régulier, et prendune direction sage; mais il est des périodes fatales,<ttTtepMoottocnpo~xo~To!,où il faut (2) que cesse l'ac-

tion de Dieu sur le monde, qui reste alors livré à

lui-même. Or, comme il a un corps, et que l'im-

mutabilité, l'identité, la persévérance dans l'être

et l'essence n'appartiennent pas à ce qui est corpo-

rel, le mondelivré à lui-même prend un mouve-

ment contraire qui trouble et bouteverse la nature

entière et fait sentir ses effets déplorables sur

l'homme même (3). Ce mouvement est produit

par une forceinnée, passionnéeet fatale, ~p~vv) te

xcn ~<j)uï0!~ujtM (4). Et si Dieu, le temps voulu

étant arrivé (S), ne venait pas reprendre le gou-vernail du monde un instant abandonné par lui,

(t)269,d.a.(2) 272, e, ~SEt.

(3)Conf.Mm~e,7,b;36,b,c;3~c;68,e.

(4) M2,6.

(5) npoeMwtOt txcMou )(p6~ou ~et5~) tHMTMVToùtm~ ~po~ot

~T~E<M!), xa! (tetKëoM~ EBetyi'~MOoM.

&E~ 1?E°:~A.TON~ Il ''L1

l'univers, assailli par l'effroyable tempête du dé-

sordre, irait sombrer, échouer, comme un navire

désemparé, dans l'abîme de l'antique chaos d'où

ill'a tiré déjà (1). Dieu sauve le monde menacé,

et reprend la conduite de l'humanité dont il est le

pasteur sage et bon. Dieu est donc le vrai Poli-

tique, celui qui s'occupede conserver et d'amélio-

rer le troupeau des humains conné a sa garde. Il

est du moins le type idéal et le modèle du vrai

roi, du vrai gouverneur,, tandis que nos hommes

d'État actuels ressemblent plutôt aux gouvernés. Il

ne faudra pas perdre de vue ce modèle exemplaire `,dans nos recherches suivantes qui ont pour but de

dénnir la vraie royauté. La discussion est reprise,et. après avoir fait observerquelques erreurs com-

mises dans les divisions précédentes, l'étranger

d'Ëiëe recommence, en appliquant la'même mé-

thode, et en l'appliquant à l'art du tisserand pris

pour exemple, a. chercherla définition de la vraie

politique.lOn distiiiguetroissortes dgouvernements, dont

les deux premiers se peuvent diviser chacun en

deux espèces, ce qui porte le nombre des formes

politiques à~cinq:,

(i) II est impossiblede mieuxmarquerdeuxcausesactivesconcourant,commeJe dira le Timée,coopérantà ~état numonde,!u'<othMt.Lechaosprimitif,t'antiqueet primitivena-tare, T6'n]<ma~mo~cuasM!{u~Tpo~o~(concretumnaturœ)estlacausedetoutcequ'ily adelaidetdemat;Dieu,Tacausedetoutcequ'ilya debeauetdebiendanslemondetelqu'ilest.

273,'c.-

't~~ëCR!'rS~PLATbM.' â63

i. Lamonarchieou le gouvernementd'un seul,

qui règnepar le consentementdescitoyenset con-

formémentauxlois;2. La tyrannie ou le gouvernementd'un seul

qui règne contrela volontédescitoyens,et n'a de

lois que celles qu'il établit arbitrairementlui-

même;3. L'aristocratie,gouvernementd'unpetitnombre

deriches;~.L'oligarchie,gouvernementd'un petitnombre

de pauvres;S. La démocratie.

Maissi la Politiqueest une science(1), et une

scienceaussidifficileet aussirare que touteautre

science, on ne peut pas espérer rencontrer,soit

un peuple,soitune oligarchie,soitune aristocratie

qui lapossèdent.Le gouvernementparfaitestdonc

celui d'unseul(2), maisd'un seulagissantd'après`

lesprincipesde la science,quisont bien supérieursauxlois, et qui les remplacentavantageusement.Car la loi ne considèrepas les milleaccidentsquidiversifientles actes et en changentle caractère

moral par sa généralitémême, la loinepeut te-nir comptede ces variétésinfinies,et manqueson

(i)C'estdéjàla thèsequiseramagnifiquementdéveloppéedanSta\R~iMM~Me,vn!,pr55t,c,sqq.

(2)C'estla théoriedelatyranniesageetvertueusequenousretrouveronsdansles~o~,IV,709,e: nDonnez-moiunevmesoumiseàà untyranayanttouteslesvertus,sivousvoulezqu'elleaitlegouvernementleplusparfait,etquilarendeleplusheu-téusepossiNe."»

LESÉCRITSPE PLATON.264

but. Le vrai roi est laloi animée, la raison vivante,

W{tO<~{'U~O<(l).

Cependantles hommesrépugnent à cegouverne-

ment, parce qu'ils désespèrent de rencontrer ce roi

en qui la scienceapour ainsidire incarnéla loi, et ils

préfèrent le gouvernementdeslois à tout autre..Quel

qu'il soit, legouvernement qui veut se rapprocherde cet idéal de perfection aura pour objet et pour

but, d'abord de rendre tous les citoyens, par l'édu-

cation, aussi bons que possible; ensuite par là lé-

gislation de séparer les bons des méchants, et de se

débarrasser de ceux-ci soit par l'exil, soit par la

mort, et enfia, remarquant que dans la vertu même

il y a des parties contraires, comme la force et la

douceur, il cherchera à réunir dans l'âme de chaque

citoyen, dans l'organisation des pouvoirs légaux, et

dans l'État tont entier, ces deux vertus, de manière

à en-faire un mélange harmonieux et solide, et à

croiser, dans un habile et magnifique tissu, à l'aide

de l'amitié et de la communauté des idées, les ca-

ractères énergiques et forts, et lescaractères modé-

résetdoux(2).La lecture de cet ouvrage, si intimement lié au

(1)M7b.,Conf.Rép.,IV,425.Il n'ya aucuneloi, aucuneconstitutionsupérieureà la science.H n'estpasjustequela

raison,quidoitcommandera tout,obéisseetsoitsoumiseàquiquecesoit.Xénophoaappelleaussile princeparfait,pM-t[<MTo[W(JW.Cyrqp.,vm,t,22.

(2)It ya, danscetartderamenerà t'unite,parunjustemé-

langeet une proportionexacte,iescaractèresopposesetcon-

traires,et deproduirel'harmonieparl'accorddesdissonances,

quelquechosedepythagoricien.Onretrouvela mêmepensée

LES ÉCRITSDE PLATON. 86S

Sophistequ'on pourrait dire qu'ils ne forment qu'un

seul et même dialogue, fait naître plusieurs ques-tions intéressantes et délicates.

Pourquoi cet abus de la forme logique et de la

méthode de divisions etdedé6nit!ons, si opposée à

l'art et à la grâcequi règnent dans tous les ouvragesde Platon?

Pourquoi ce long mythe qui, outre des partiesobscures et d'une interprétation difficile, ne se lie

pas très-intimement au sujet?

Enfin, quel est le vrai but que s'est proposél'auteur? Stallbaum veut voir dans la forme sèche,

aride, qui domine ici, comme dans le Sophisteet le .PanM6/M~ une preuve de l'influence

qu'ont exercée à un certain moment sur l'espritde leur auteur les logiciens de Mégare et d'ËIée

et cela suffit pour le convaincre qu'ils appar-tiennent tous les trois à la même époque, c'est-

à-dire à l'époque du voyage à Mégare. Il oublie

de nous expliquer comment le Théétète, auquelil fixe la même date, a. un caractère si différent.

Je trouve d'ailleurs ces conclusions téméraires

car il est loin d'être certain que Platon ne fasse

que reproduire et peut-être .charger la méthode

analytique des Mégaricienset des Éléates, sur la-

quelle on n'a pour ainsi dire aucun renseigne-ment. Ce sont là de pures conjectures; il est

toutefois intéressant de voir avec quelle science

danslaRép.,II, 374;Ht,4i0,b;dansle ytm~e,p.t8,b,etdaMlesdeuxpremierslivresdesLois.

266 L~ÈCMTSD~~

ingénieuse M. Stallbaum cherche à leur donner

l'apparence d'un fait historique (1). Le but du

dialogue nous est exposé par Platon-lui-mème

comme le Sophiste, comme le Parménide, le

Politique est un grand exercice de dialectique et

un apprentissage d'une excellente méthode de re-

cherche philosophique &'sxo:ToSw:p~TravraStcf~fx-

-ctxMtepon~YvE<!eett(2).Il n'y a pas en effet un

homme de sens qui voulût consacrer tant de peineet de temps à la définition de l'art du tisserand

pour cette définition même(3). Mais les habitudes

d'esprit qu'on contracte dans ces analyses métho-

diques et ces dénnitioas sévères, on les transporte

partout nf~ n~TK(4), et s'il est bon de les mon-

trer à nu, dans leur sécheresse et leur aridité,

pour mieux en faire saisir le mécanisme et le jeu,

quand l'esprit s'est fortifié et aiguisé dans ce rude

exercice, il peut et il doit admettre une forme

moins austère et non moins rigoureuse de l'ex-

position philosophique (5). Il n'y a donc pas lieu

(t)jPro~i)~.ac!,Po~c.,p.62,sqq.(2) FbM«c.,285,d.

(3) FoH<<c.,M.(4)Laméthodeseréduitadeuxopérationsidiviserpourar-

riverà ladifférencepropreet spécifique,qui,ajoutéeaugenreleplusprochain,donneralavraiedéncitioh2°opérerd'abordsurdesidéesanalogues,maissimples,claires,familières,prisespourexemples,c'est-à-direemployer,commeSocrate,l'exemple,autrement.dit,l'induction.Maisl'inductionestunesynthèse.Laméthodeparfaiteestdoncl'uniondel'analyseetde la syn-thèse.Voit,surcesujet,le J'MM6eet lePhèdre,p.265,d.

(5)Hya, eneffet,etvisiblement,uneintentioncritiqueet

".LËS~ëRtTS~bE-~LAtON.~.26?'

de s'étonner de trouver trois dialogues, et de n'en

trouver que trois écrits dans cestyle celasuffitpour

exposerta théorie et l'éclairer pardes exemples.

Maintenant quoiqu'il soit bien entendu que

l'objet auquel s'applique la méthode dialectiqueest indifférent, Platon est-trop artiste et trop pé-nétré de la/valeur pratique de la philosophie pour

appliquer un exercice de logique à des sujets vrai-

ment indifférents. Si l'influence des sophistes dans

la Grèceexplique le choix duSophiste, le rôle, plus

important encore dans la vie du peuple athénien,des hommes d'État, explique le choix du Poli-

tique, et comme il est démontré ici que le véri-

table hommed'État n'est autre que le philosophe,le sujet s'agrandit, et à l'intérêt logique vient s'a-

jouter l'intérêt politique d'une part et l'intérêt

philosophique de l'autre. Telles sont par exempleles parties où Platon exposeses idées sur la dignitéde la politique quandelle consiste en une connais-

sance scientinque, sur la vanité ridicule de la

routine expérimentale et du savoir-faire pratique

qui la simulent et !a déshonorent, sur l'idéal du

gouvernement, sur les formes diverses qu'affectentles constitutions républicaines de la Grèce, sur les

arts différentsqui ne sont que les auxiliaires infé-

rieurs et les ministres mercenaires (i) de la vraie

politique.

ironiquedansquelquesfautescommisesdansMsdivisionspro-longéesetrelevéesparPlatonlui-même,commedansl'exagéra-tionfastidieuseetmonotoneaveclaquelleellessontpoursuivies.

(i) Il est remarquabledevoirPlaton,danscetteclasseinfé-

LESÉCRITSDEPLATON.268

On, peut reconnaître dansées aperçus rapides et

ces vues résumées sur la politique les principes qui

se développeront avec ampleur dans les grands

ouvrages de la République et des lois. Déjà ces

idées larges et profondes répandent un intérêt qui

se refuserait à la recherche dialectique exclusive,

et introduisent dans le fond comme aussi dans

le style un élément de variété nécessaire pour sou-

lager l'esprit. C'est encore l'avantage et l'effet

du mythe, assez mal rattaché d'ailleurs au sujet,

et dont le but paraît être de montrer que, même

dans l'univers soumis au gouvernement excellent

des dieux, il est une loi fatale qui le, condamne,

à certaines périodes de son existence, à tomber

dans le désordre, et presque à être précipité dans

le néant (i). Il ne faut donc pas demander aux

rieure, avec les hérauts, les scribes, les devins, placer les prêtres

qui, en Égypte, avaient une supériorité incontestée. La pre-

mière place appartient toujours, chez Platon, à la science, c'est-

à-dire à la pensée réBéchie, à la raison.

(t) Cette pensée, que Dieu abandonne à lui-même le monde

formé par lui, a paru a Socher si contraire à la doctrine

soutenue par Platon (de JM~ 900, c; J'AMe& 30, c; ~c-

don, 62, b ), qu'il s'en est appuyé pour rejeter l'authenticité

du.Politique. Il auraitdureconnaitre queDieu,aprèsavoir laissé

au monde l'usage de sa liberté, et le voyant en user si mal

qu'il compromet sa propre existence, accourt à son aide et

reprend le gouvernement du navire qu'il avait un instant laissé

à cet aveugle pilote. Y a-t-il, sous ce mythe, commeune indi-

cation vague de ce fait, que la liberté humaine est impuissanteou insuffisante sans le concoursde la Providence, et, comme le

dit Platon lui-même, sans le concours de la grâce de Dieu?

M. Stailbaum croit qu'il veut montrer que parlout où la raison

LES ÉCRITSDE PLATON. 269

gouvernements humains d'assurer aux peuples un

bonheurparfait et un bonheur éternel. Tout, à la

longue, se change et se corrompt, et cette loi de la,

corruption et de la déchéance est si universelle

qu'elle n'épargne pas même le monde placé immé-

diatement sous la main et l'œil de Dieu. La philo-

sophie grecque, comme la poésieelle-même, s'em-

parait des mythes qui étaient entrés dans les

croyances populaires et exerçaient sur les esprits

l'empire du merveilleux et le prestige du passé;

mais, comme la poésieaussi, elle les traitait libre-

ment et les modifiait suivant les exigencesde ses

thèses. C'est ainsi que Platon a agi avec le mythedes âges, qu'il transforme profondément et plie à

ses conceptions propres sur l'origine et l'histoire

du mondeet de là nature et s'il emploie le mythe

plutôt que l'exposition philosophique pour expli-

quer sa penséesur ce sujet obscur, c'est que préci-sément par son essence, la nature matérielle, le

monde des corpséchappeà une sciencevéritable, et

que l'esprit humain ne peut atteindre dans ce do-

maine qu'à une opinion plus ou moins vraisem-

blable. Platon cherche par ce mythe à se rendre

compte des transformations qu'a subies le monde,et il est obligé pour cela de toucher d'une part à la

philosophiede la nature, de l'autre la métaphy-

sique, c'est-à-dire de se faire une idée de l'essence

etl'espritnedominentpas,il ne fautpasattendreunedirec-tionsageetheureuse,soit dumondede la nature,soitdece

petitmondequeformentles sociétéshumaines.Ceseraitlà,suivantlui, leliendu mytheausujetdudialogue.

~i"~ LES~MTS~~

de l'univers matériel, une idée de Dieu et des rap-

ports de Dieu et du monde. On voit donc que la

philosophie, dans ses parties les plus hautes, se par-

tage avec la dialectique et la politique l'intérêt du

dialogue, et qu'ici, comme partout, le goût de l'ar-

tiste et le sentiment philosophique de l'unité des

choses, la nécessitéde l'accord intime du fond et de

la forme, ont conduit l'auteur à réunir, ou plutôt à

unir dans un même ouvrage des points de vue qui

paraissent différents et opposés. Mais, pour Platon,la connaissancede la nature, de Dieu, de l'homme,et la connaissancedes loiset des principes qui doi-

vent régir les sociétéset les États, ne peuvent ap-

partenir qu'a celui qui a appris à chercher et quisait comment chercher la vérité en toutes choses

c'est-à-dire au philosophe, qui est le seul vrai po-

litique, parceque seul il est dialecticien.

36. LeParménide,ott t~esMëes(1).

Le Pa?tM~MM?eest placé .par Thrasylledànsiaclassedes dialogues logiques, et forme la première

pièce de sa troisième tétralogie. Aristophane ne

l'a pas comprisdans ses trilogies, et le considé-

rait commeun de ceux qui doivent être pris

(f) Cettesecondeinscriptiondonnée,dit Proclus,Comment.<MP<M'w.,]. 1, p.14,parquelquesécrivainsaudialogue,est

fortancienne,M'(MK&Kto~o5(T<!t~,M.,p.M,

"L~ËCHn~~B~M~ro~ 271

isolément, individuellement,. et sans un rapport

et*un lien nécessaires avec les autres, x~' xwt

CtTaXTM;.

Cetécrit,difficile et obscur, n'est pas précisément

un dialogue (i) c'est la reproduction faite par Cé-

phale, de Clazomène (2), à des auditeurs qui ne sont

pas nommés, du récit qu'a bien voulu, à sa prière,

reproduire Antiphon, frère maternel de Platon,

devant les deux frères germains de ce dernier, Adi-

maate et Glaucon (3), d'un entretien que Socrate

dans sa jeunesse avait eu avec Parménide et Zénon

d'Ëlée: Antiphon ne l'avait pas entendu lui-même,

mais il le tenait de Pythodore (4), qui y assistait

avec Aristote (S).

(1) Il appartient à la forme que certains grammairiens dési-

gnaient sous Mitre de En)Yt)(MtTtx~

(2) Ce n'est donc pas le Céphale de la République,.qui est de

Syracuse. Celui-ci représente sans doute l'opinion des philo-

sophes de l'école d'Anaxagore de Clazomènecomme lui.'

(3) Malgré quelques difficultés chronologiques qui n'embar-

rassent guère Platon, dit M.Cousio, je pense avec lui que ce sont

là les frères de Platon.

(4) Pythodore,fils d'Ischolochus, était un disciple de Zénon,

commePlaton nous l'apprend~ ~M6.,t, p.tl9,a; Conf. Xé-

noph., Hellen., Il, 3, i; Lysias de Sacra Olea, 9 Diog, L,

IX, 54. ·

(5) Cet Aristote n'a rien decommun avec l'illustre fondateur

du Lycée. Platon nous apprend, dans le Parménide même, qu'ilfut un des trente tyrans. Xénophon fait mention de lui, Hellen.,

H, 2, 18; II, 3, 2; Il, 3, 46.

Rien ne s'oppose à la vraisemblance de l'entretien de Socrate

avec ParmenMe,~ut~m)rtà Athènesa l'âge de soixante-cinq ans,dans la 83"01., époque à laquelle Socrate avait à peu près vingt-

cinq ans. 11 semble que Platon, par cette fiction, ait voulu

DE 'PLATUN.

L'ouvrage se divise en trois parties d'inégaleétendue et d'inégale importance.

Dans la première Socrate fait quelques observa-

tions à Zenonqui venait de lire un de ses écrits où,

pour soutenir à sa façon la thèse de Parménide il

montrait qu'en admettant, comme le faisaient les

Ioniens, la thèse de l'existence de la pluralité, il

s'ensuit des conséquencesencore plus absurdes quecelles que ses adversaires s'eSorcent de tirer de la

proposition éléatique: que tout est un.

Dans la seconde, Socrate introduit la discussion

sur les Idées, et la soutient avec Parménide.

Dans la troisième, Parménide entame avec Aris-

tote cette grande et obscure recherche sur l'Un,dont la signification et le but sont'l'objet des plus

graves contestations parmiles savants.

La première partie n'offre aucune difnculté, et

n'a guère d'autre intérêt quede nous renseignersur !e contenude l'ouvrage de Zénon, et d'amener

l'entretien sur le sujet des Idées, dont Socrate pose

l;existenceen soi, qu':il reconnaît commedes êtres

existant par eux-mêmes, eur~xctO'a&T~-r&eS~.

Dansles choses multiples et sensibles qui ne font

que participer des Idées, il n'est pas extraordinaire

qu'on puisse reconnaître l'existence simultanée des

contraires car il est clair que l'homme réunit en

lui à la fois l'unité et la pluralité, la ressemblance

marquerta tendancedesaphilosophiederapprocheretd'unirles principesde Socrateavecceuxde Parmenide.Voir,surcepoint,~<A~t.,!X,p. 3M; Macrob.,So<!<rH.,l. l; Synes.,C<t<f.~tcoM.,c.17.

LiËS ËCRrrS DE PLATON 273

et la dissemblance. Les choses reçoivent donc en

elles, par la participation, les Idées contraires mais

ce qui serait prodigieux ~), ce serait qu'on démon-

trât que les Idées subissent cette même loi, et que

par exemple l'unité en soi reçoit la p!uralit6 en soi.

Il faut donc non-seulement poser l'existence des

Idées, mais les considérer comme des êtres en soi,

absolus, simples, identiques, constants dans leur

manière d'être, ne pouvant se mêler les uns aux

autres, ni se séparer les uns des autres ~uton

Suva~MM&UYxepd~UT9a!TexeAStKXp~'Etff)Nt(2). Les Idées

sont différentes des choses qui participent à elles.

Que sont et comment sont ces Idées? Et d'abord

de quoi y a-t-il des Idées? Y a-t-il des Idées de tout?

Nullement et quoique cette pensée puisse venir à

l'esprit, il serait absurde de le croire il faut la re-

pousser (3), car elle précipiterait l'esprit dans un

abime sans fond. Distinguons donc

(I)Tepcf(;âv, ofjj.cH, Partout cette expression est appliquée,dans Platon, a une chose absurde, insensée. Conf. M(M<163,d;

~F.jtf<300,c,jEM<A~296,c.

(2) Cependant, dans le Sophiste, nous avons vu les Mées se

mêler les unes auxautres pour former la pensée et te discours;

j'en conclus qu'il ne s'agit pas des mêmesIdées, c'cst-a-dire

des Idées prises dans le mêmesens; dans Je Sophiste, il s'agis-sait de logique: ici, dans cette partie du ~rM~Mt~e, il s'agit de

métaphysique. La question de la métaphysique est posée dans

sa redoutable profondeur il faut maintenir l'existence im-

muable, simple, identique, absolue, indivisible de t'Etre en soi,du divin, et ne pas supprimer ses rapports avec le monde ma-

tériel et imparfait, maintenir l'existence un soi, indépendante et

absolue de chacune des tdées, sansnierleur rapport entre elles.

(S) Aristote nous atteste quec'est bien là la pensée de Pla-

1 "274~ t.E~ ÉC~MSI~~ATÔK.

i. L'existence de certaines Idéestelles quecelles

du juste, du beau, du bien et de toutes les autres

semblablesest hors de doute (1).2. Il en est quelques autres sur lesquelles l'es-

plit est incertain et doute, tellesque cellesde l'eau,du feu, de l'homme en soi (2).

3. Mais les Idées du poil, de la boue, de l'ordure,de tout ce qui est abject et vil, n'existent certaine-

ment pas (3).Cette distinction ne dissipe. pas les difficultés

propres à la théorie des Idées que Platonprésentelui-mêmeavec unesincérité, uneperspicacité et une

force telles qu'Aristote n'en a pas trouvé d'autres à

y opposer (4).

Supposons~doncque les Idées sont des êtres exis-

tant chacun en soi et par soi. Comment les cho-

ses particulières pourront-elles participer de ces

Idées?

I. Si l'Idée passe tout entière dans chaque chose

ton,caril luireprocheprécisémentdenepas'admettredésMéespourtoutesleschoses,ma!gréleprinciped'onMtirel'existencedesIdées.

(<)Cesontlà ]esIdéesdeperfection,constitutivesdenotre

raison,et refletdudivinennous,quenousavonscontempléesdansuneexistenceantérieureet supérieure.

(2)Cesontles Idéesdeschosesnaturelles,desgenreset es-

pècesquilescontiennent.

(3) Entantqu'êtresabsolusetdivins,bienentendu.

(4)Cesdifficultésserapportentà troispoints:i. QuelleestlanaturedesIdéesséparéesdeschoses?Ya-t-ildes

MéesdetouteschoMs?2.Quelrapportexisteentrelesidéeset leschoses?3. Commentarrivons-nousà laconnaissancedesIdées?

"É~~DE~t.A~

particulière, et reste cependant une et identique,elle sera séparée d'elle-même, et par conséquentdivisible. Doncles chosesne reçoivent pas l'Idée en

totalité.

II. Si elle n'y passe pas tout entière, mais planeau-dessus de chaque être, comme le jour qui nous

éclaire, ou un voilequi couvreplusieurs têtes, il est

certain qu'il n'y aura dans chaque être qu'une par-tie de l'Idée et alors d'une part les êtres ne parti-

ciperont pas a toute l'Idée deleur genre; de l'autre

l'Idée sera divisée. Donc les choses ne reçoivent

pas l'Idée en partie. A moins peut-être qu'on nedise que l'Idée, tout en se divisant dans les êtres,conserve après cette division son unité mais, si

on divise la grandeur, chacun des objets grands,

qui ne sont grands que parce qu'ils participent à la

grandeur, serait grand par une partie de la gran-

deur or une partie de la grandeur est plus pe-tite que la grandeur; les choses grandes seraient

doncgrandes par une chose petite ce qui est ab-

surde. Il enserademêmedelapetitesseen soi sion la divise; car sa partie sera nécessairement plus

petite qu'elle, et elle-mêmesera plus grande. La

petitesse sera donc grande; chose absurde, moins

absurde encore que l'autre conséquence, à savoir ·.

si onajoute à la petitesse en soi une des parties

qu'on en a retranchées, on aura une chose qui, enrecevant de la petitesse, devient non pas petite,mais plus grande.

Ainsi les chosesne reçoivent l'Idée, ni en par-

tie, ni en totalité. Or, comme il n'y a de possible

2?e: ~~s~<mns~BE(pMr(~

que ces deux manières de participer, il en résulte

que la participation est inexplicable (t).III. Cherchons à nous expliquer autrement la

chose supposons que l'Idée ne soit qu'un genreobtenu par la comparaisondes caractèresqualitatifscommuns à un certain nombre d'êtres particuliers,comme de la comparaison de plusieurs choses

grandes nous pouvons abstraire l'idée logique de la

grandeur. Qu'arri\e-t-il? c'est que l'Idée va perdreson caractère essentiel d'être une unité, d'être une

en nombre, et va au contraire se multiplier infini-

ment:a~stpKToTiMiOoi;.En effet, si nous posons d'un côté les choses

grandes, de l'autre la grandeur, et que l'Idée de

grandeuraitétéj acquise par ta comparaison d'un

caractèrecommun auxchosesgrandes, rien ne nous

empêcheet toutnousobligeau contrairedecomparer

égalementet la grandeur et les chosesgrandes, quiauront certainement quelque. chose de commun a

quoi elles participent toutes deux. Ce sera ungenre

~supérieurde la grandeur; mais ce genre supérieur

pourra de nouveauêtre comparé et aux choses mul-

tiples et aux genres inférieurs, et alors, au lieu d'Mne

Idée, j'aurai un nombre inûni d'Idées de la gran-

(1) Hestclairqu'icilaquestionestposéeet résoluecommesi t'Idéeétaitunechosequant'tative/etquele toutet lespar-ties sontentendusd'untout étendu.Mais,commeil y d'au-tres' manièresde concevoirle tout, cettedifficultén'atteint

paslefonddeladoctrinedesIdées,elleprouveseulementqu'ellesBesecommuniquentpasauxchosessuivantlesmodesdelasub-stanceétendue.

LESjÊCR!TSb&PLATON. 377

16

deur. L'Idée n'est plus numériquement une, et elle

perd son essence,elle n'est même plus uneIdée (1).

Ainsil'Idée, si elle secommunique aux choses, ne

peut être ni une et entière, ni tout entière et divi-

sée, ni numériquement une, c'est-à-dire considérée

comme une unité réelle.

IV. Les Idées ne sont peut-être 'que des notions,des pensées, n'ayant d'existence que dans notre

intelligence, ~jrrrK (2).Mais la pensée est la penséede quelque chose, et

de quelque chose qui existe réellement, qui est un,

quiest en toutes les choses, quiest l'essencedetoutes

leschoses or cette essence, que la pensée pense en

toutes les choses comme quelque chose d'un et

d'existant, c'est l'Idée même. Si l'Idée est l'essence

dés choses, et si tous les êtres individuels partici-

pent à une Idée, il. résultede l'hypothèse que cha-

que être individuel sera composé, chacune des réa-

lités multiples sera formée de pensées alors toute

chose est en soi une pensée, et par conséquentt

tout pense, ~xaSTOV~xW)f)uLŒTM~sÏv~tx~ Tro~M~os!v

(t) Mlldée estconsidéréecommeunepurenotionlogiqueetabstraite,obtenueparvoiedecomparaisonet degénératisa-tion.Maiscetteobjectionnedétruitpasladoctrineplatoniciennequin'expliquepasl'originedesIdéesparun procédélogique,maisparuneintuitiondirecte,la Réminiscence,laquellenousdonneetnousfaitsentirl'Idéedanssonessenceet sasubstance

objective.Sic'estlàl'objectionfondamentaled'Aristote(letroi-sièmehon)me),etietombedevantl'hypothèsedela RëmiMiscence,etc'estpnurcelaqu'Adstoten'a mentionnequ'uneoudeuxfois,etengtissant,cettehypothèse,fondementdelathéoriedesIdées.

(2) P.132,b. c.

2~ LESËCMTSDË PL~

conclusion absurde qui nous interdit d'accep-ter cette manière de concevoir la nature de

ridée(l).V. Les Idées ne pourraient-ellespas êtredes types

exemplaires, des modèles des choses existant dans

la nature (2)? Les choses alors n'en seront que les

imitations, S~otM~TK,et laparticipation s'expliquera

par la ressemblance(3). Maisl'objectionqui s'oppo-sait à la troisième hypothèse s'oppose également à

celle-ci car la ressemblancen'est qu'une comparai-son. Sil'Idée est un modèle/et la chosesensibleuneimitation de cemodèle, il en résulte que l'Idée et la

chose sensible se ressemblent; mais le semblable

ne peut être semblable à son semblable qu'en par-

ticipant à la même Idée, et ce par la participation

de quoi les semblables deviennent semblables, c'est

(<)Doncl'IdéeN'estpas,pourPlaton,simplementunepen'sée,uneformedela raisonhumaine,maisun principeréel

d'essenceetd'existence.

(2) 'Ect~cft~T%<pu<T6t.Onretrouvecesmotsdansla Rép.,'X,597,b;598,a,etdansle Phédon,i03,b,ouPlatondit «Lecontrairenesauraitêtrecontraireà lui-même,nien nous,nidansta nature. Cemot~wn<sembleclaiMmentexprimèrlaréa-litéobjective,aussibienla réalitéintelligiblequelaréalitésen-sible.Proclus,o~JParm.,t. V,p.iet, a doncraisondedirerPlaton a l'habituded'appliquerce motauxchosesintelli-

gibles.»

(3)Cetargument,qu'onretrouvedansla JMp.,X, estcom-battupar Aristote,quiprouve,qu'enconsidérantainsil'Idée,lesmêmesréalitésseraientà foisexemplaireset images,mo-dèleset copies,et enoutre,quepourune seulechose,parexemple,l'homme,il faudraitadmettreplusieursmodelésl'animalensoi,lebipèdeensoi,l'hommeensoi.

279nESËCRtTS DE PLATON.

l'Idée. Il est donc impossible qu'une chose soit

semblable à l'Idée, ni l'Idée à unechose, sans quoiil s'élèvera toujours au-dessusde l'Idée obtenue une

autre Idée, etcela sans fin (1). L'Idée n'est plus nu-

mériquement une, mais numériquement infinie;

ainsi, qu'on cherche à expliquer ridée soit par la

notionde quantité, soit par cellede qualité, soit parcellede ressemblance, on retombe toujours dans les

mêmesdifficultés, si.on persiste à considérer l'Idée

commeun être en soi et par soi Kuràxc(6'~u-c<x.

VI. Il résulte de ces raisonnements que les Idées

n'ont aucun rapport aux êtres particuliers et mul-

tiples.Nousne pouvonsdonc pasles connaître puisque,

étant en soi et par soi, elles ne peuvent être en

nous, et que notre intelligence ne peut comprendre

que ce qui est présent en elle.

VII. Celles d'entre les Idées qui sont ce qu'ellessont par leur rapport entre elles, ont leur essence

dans ce rapport, et non dans un rapport à la nature

des choses réelles tK~ap' apud nos, in Aaefe-

fMMnatura quam conspicimus. Et de même les

chosesréelles, homonymes des Idées, n'ont de rap-

port qu'entre elles, et n'en ont point avecles Idées.

Ainsi cet esclave n'est pas esclave de ridée de

maître, ou du maître en soi, mais de ce maître.

L'Idée de l'esclaveensoi, l'esclavage n'est pas l'es-

clavagede tel maître, mais par rapport à l'idée gé-

(t) C'est-à-direquet'tdéene peutêtre ni du mêmeordrenidumêmegenred'êtresqueleschoses.

280 LÉS ~RITS DE PLATON.

nérale de maître(i). Les Idées n'ont de rapport

qu'avec les Idées, les objets individuels et réels

qu'avec les objets réels et individuels.

La science en soi, l'Idée dela science se dérobe

donc à nous nous ne pouvonsconnaître que les

chosesparticulières leur essence vraie, leur genre,

leur Idée, nous échappent, et à son tour Dieu(quiest ici nécessairementconsidéré commeune Idéeet

habitant avec elles) ne peut connaître que les Idées

et nonles choses il reste étranger à l'homme et à

l'univers. Le monde divin et le monde sensible

n'ontrien de commun.Dieuneconnaît pas l'homme,l'homme ne connaît pas Dieu. C'est là une doctrine

monstrueuse, qui méconnaît à la fois et la nature

de l'homme essentiellement intelligent et pensant,et la nature de Dieuessentiellementbon et connais-

sant tout parfaitement.

Ainsi, ou les Idées ne sont pas des êtres subsis-

tant pareux-mêmes, et formantchacune uneessence

une, distincte et séparéedes choses ou, si ellessont

.telles, il fautavouer que nous ne pouvons pas les

connaître, et d'un autrecôté si on n'admetpas qu'il

y ait de telles Idées, si on ne ramène pas chaqueêtre individuel à une Idée, et à une Idée qui est une

et identique, c'en est fait de-la pensée, de la dialec-

tique et de la philosophie, qui ~existent qu'à la

condition~d'avoirpour objet un universel.

La secondepartie se termine ici, et commence

(t) L'objectiondeParménideconfondla naturelogiquedesIdéesavecleurnaturemétaphysique.

LË&DE'PLÂTON.

28<

16.

alors la troisième qui est de beaucoup la plus éten-

due, sinon la plus considérable.

Socrate, qui n'est représenté dans le dialogue quecommeun tout jeunehomme, maintient énergique-ment ses assertions à l'endroit des Idées, mais il ne

sait comment résoudre les objections que lui fait

le vieux et habile logicien d'Ëlée (i). Parménide,

voyant l'embarras du jeune philosophe, lui en ex-

plique la cause. Avantde s'attaquer au fond des

choses, et aux parties supérieures de la science,avant d'oser entreprendre de déunir son objet di-

vin, le beau, le juste, le bien il faut posséder un

instrument discipliné et un esprit assoupli et

exercé(2)parunefortegymnastiqueintel!ectuelle(3).Le vulgaire ne voit dans les exercicesdialectiques

qu'un pur verbiage et il faut reconnaître que ces

jeux sont laborieux et pénibles (4) à jouer. Maisle

vulgaire ignore qu'on ne peut avoir un esprit ca-

pable de saisir, apte à comprendre la vérité, sans

ces discussions et cet art de raisonner qui le font

suivre la piste des Idées, et pour ainsi dire voyageret errer à travers toutes choses-(5).Ainsi il ne faut

pas reculer devant les dégoûts et les longueurs de

(1)Il nefautpasoublierquel'écoled'Ëteeestnon-seulementuneécoledemétaphysique,maisaussiet surtoutuneécolede

logicienset delogiquescolastique.(2)'E'<TÙ~o~T<tt~ &~)6M~ou~oye~ Onreconnaîticil'impor-

tanceattachéepartoutei'éeoteélcatiqueet mégariqueà la lo-

giqueformellequ'ellesontfondée.

(3) "i&x~Kj~vJSsswrcM xst YUj~tMfH.

(4) Up&Y(tC(TEKoS~ftOttSiot~TtKt~M.

(5) "~EU TauTt)! tt); BtM'!tMTM~Bte!65ou TEXOttTtMMY~.

282 LES Ë<mîTSID~P~~

ces voyages et de ces exercices Hfaut tendre son

intelligence avec un effortcourageux,si l'onne veut

pas laisser s'affaiblirla faculté, la force du raisonne-

ment (1). Il n'est pas permis d'aborder la sphère et

la région divine des Idées, sans avoir aiguisé et for-

tifié sonesprit. Il semble donc bienclairement an-

noncé par Platon que nous n'avons pas affaire ici

à l'objet au contenu de la science, mais & une mé-

thode pour y'arriver, à un exercice destiné à per-fectionner l'instrument. C'est un Tpo!ro<-r~yu~c:dont le livrede Zénon a fourni un premier exemple,et dont Parménide propose un second tiré de ses

spéculations habituelles.

Mais cette méthode même est"elle celle de Pla-

ton ? On peut en douter. Cette logique serrée, nue,cet art de déduction à outrance, cette longue série

d'abstractions et de syllogismes formels qui ne

laissent pasapercevoirles réalités, objet seul sérieux

de la philosophie, n'est guère de l'école deSocrate

ni de Platon, et ne peut être pources esprits, l'un

< attaché tout entier à l'induction, l'autre y joignantl'intuition sùprasensiblé, le dernier mot et la

perfection de la méthode philosophique. Ce n'est

pas là ce qu'entend Platon quand il dit ailleurs

qu'il y a un art de perfectionner l'organe de la vé-

rité, et de tourner vers elle l'œil de l'âme. Aussi

le dialoguene met plus en présence que Parménide

et un personnage inconnu, qui n'a aucun rapportavecl'eccIedeSocrateetde Platon. Bparaîtdoncque,

(4)EtPo~EtfMt~O~YUjJ~a'jO~V~T~TOUBM[M')fM<i<MM~ajUY.

~ESËCRt~BËPLATON. 283

sansdédaigner ces jeux sévères de la dialectique, etcette discipline de l'argumentation purement for-

melle, qui peut être un très-bon apprentissage,Platon n'entend pas prendre a son compte la mé-

thode de discussionmême dont il va être donné un

exemple, et qui ne ressemble guère à la science

telle qu'il la conçoit, libre, pleine, claire, lumi-

neuse, enjouée, gracieuse, sublime. On remarquera

que le F<Mw:~M<~eest le seul avec le Sophiste et le

Politique à présenter cette formed'exposition, non-

seulement aride et rebutante~ mais encore profon-démentobscure, et pour ainsi dire énigmatique (i).La philosophiede Platon est une philosophie pour

tout le monde.,et il n'a jamais fait fermer, comme

les Pythagoriciens, les portes de son école. Ainsi je

pense que la grande discussion sur l'Un, qui va

suivre, ne contient pas unedoctrine métaphysique;mais un exemple, commecelui du J~o/ï~Me~d'une

méthode d'analyse et d'argumentation dont Platon

ne méconnaît pas les avantages, mais où.il ne voit

qu'une bonne discipline, et comme une phase quedoit traverser l'esprit dans son développementphi-

losophique. Et quand ce serait une doctrine méta-

physique,quandily aurait, cachéessousces obscures

formules, une ontologieet unethéologie, jepEétends

que ce ne serait pas cellesde Platon.

Toutefoisce sentimentque partagent Tennemann,

(t) Etdanscestroisdialogues,Socrate,c'est-à-dire,ceper-sonnageideaYnqttTPtatoB<;oh8etexposïtiondesapensée,n'est

plusqu'unsimpleauditeur,et lesvéritablesacteurssontdesEleates.Uestdifficileden'ajouteraucunesignificationàcefait,

284 LÈSÉCRITSDE PLATON.

Schleiermacher, Ast et Cousin(1), acontre lui l'in-

terprétation des Alexandrins anciens et modernes,

je veux dire de Proclus et de Hegel, suivis parMM.Zelter, Cuno Fischeret Fouillée(2). La granderaison decesdoctescritiques, c'est quesi onne donne

pas à la troisième partie du dialogue une significa-tion positiveet réelle, mais un butpurement formel,on en rompt l'unité, et l'on ne voit plus de lien

entre la deuxième et la troisième partie. Pour eux

donc la discussion sur l'Un représente le fond de la

pensée platonicienne, et résout toutes les antino-

mies, toutes les contradictions, relevéespar Parmé-

nide contre la théorie des Idées. Proclus ne veut

pas que l'objet du Parménide soit simplement de

donner un exemple de la méthode dialectique des

Ëléates maispourquoi? <~parce que Platon n'aurait

jamais mis en jeu pour un si mince résultat le plusineffabledes dogmes(3). a Cette raison qui suppose

et desupposerquec'estParménidequePlatonachargédefaire

comprendreSocratetavraiedoctrinephilosophique.(1) Af~t.surZénon.F'faym.dePhil.ancienne. Ptatoas'y

proposaitdefaireconnaîtrelaphilosophieétéatique.»

(2)LeIh~redecetéloquentet profondinterprètedePlaton,dontj'admireletalentsanspouvoiracceptersesopinions,m'est

arrivetroptardpourque je pusseen profiterdansmonana-

lyse. Commeles Alexandrins,il voittoutelaphilosophiedePlatondansleParménide;il reconnaîttoutefoisque ledia-

loguea underniermotquePlatonneditpas,maisqu'ilforcelelecteurà deviner.Maisquellecteurl'a jamaisdeviné?Etd'ail-

leurs,poserdesénigmessanslesrésoudre,indiquerdesproposi-tionssanstesdévetopper.ni lesprouver,nimêmelesexprimer,est-celàtaméthodesocratique,platonicienne,philosophique?

(3)Procl.,inParm.,t. IV,p.24.

LES ËCR!TSDE PLATON. 28S

que la disc.ussion sur l'Un avait pour Platon comme

pour Proctus je caractère d'un dogme ineffable, sufët t

à l'enthousiaste commentateur pour voir dans le

Parménide cumme une espèce d'Apocalypse, une

révélation de quelque divinité (1). Il roule, suivant

lui, sur l'ensemble des êtres considérés sous ce point

de vue qu'ils viennent tous de l'Un, que l'Un donne

naissance à la cause universelle, et que tout être a

reçu de l'Un ce qu'il peut y avoir en lui de divin (2).

Je crois que le lecteur aura de la peine à retrouver

tout cela dans le texte, et dans l'analyse exacte qui

va suivre.

Hégel pense que l'exemple de l'Idée de l'Un et

de celle de la Pluralité peut servir à expliquer la

nature de toutes les Idées (3). Hermann voit autre

(1) C'est encore l'opinion de Damascius, de FWMCtp.,p. 122.

Conf.Suid., v. Map!vo;,qui constate que, dans l'école de Proclus

même, tous ne l'entendaient pas ainsi, puisque Marinusestaccusé

d'être un petit esprit pour n'avoir pas adopté l'interprétation

de son maître sur le .Parm~Me. Conf. Pbot., ~M<o<A.cod.

242.

(2) Procl., t. IV, p. 34. Suivant Proclus, il y a dans la philo-

sophie deux parties la théologie et la physiologie..La physio-

logie dePlaton est exposée dans te y~c; la théologie dans le

J'arm~tMe. D'après JamMique, tout Platon est dans ces deux

dialogues. (ProcL, in Tim., p:5; Theol. sec. Plat., ). c. 7.)

(3) Gesch.d. Phil., t. H, p. 205. Proclus voyait dans les mys-tères orphiques l'origine de la doctrine de l'Un, considéré comme

premier principe (in Parm., t. V, p. 22). Pythagore et l'école

italique l'avaient mise dans un demi-jour; maiselle n'a reçu

que de Platon, dans le Parménide et !e So~~e, son dévelop-

pement comptet. Cf. Fexcettente thèse de M. herser sur Proclus,

p. 17; Ficin., Argum. In Parmenide omnem Plato complexusest theologiam, ad cujus sacram lectionem quisquis accedet,

~2~ 'Rr~Pl~TC~.

chose le 6'ojpAM<ea démontre que le non-être est

non pas le contraire mais l'autre de l'être; le Par-

M!e?K6~prouve que même l'être sans son autre

porte en soisa contradiction, et que par conséquentcelui-làdoit avoir un rapport nécessaireaveccelui-ci

et se refléter en lui. PourZeller et Cuno Fischer, le

rapport dés Idées aux choses;qui fait le fondement

desdifficultésexposéesdans la première partie, peutet doit se ramener au rapport de l'Un et de la plu-

ralité. Carsil'Idée n'est que l'Unité d'unepluralité,et que les chosesmultiples et distinctessoient en-

fermées et enveloppéesen ellecomme dans l'unité

d'un seul et même genre, la notion de l'Un n'est

plus seulement un exemplede l'Idée, c'est le prin-

cipe logique de toutes les Idées. Alors la notion de

TIdéede l'Un contenant ensoi, pourainsi dire enpuis-

sance, toutes les Idées, est elle-mêmel'Idée pure et

abstraite. Toutes les contradictions que soulève le

problème du rapport de l'Idée aux choses se ra-

mènent donc aux contradictions de l'Un au mul-

tiple. Résoudreces antinomies,c'est donc résoudre

le problème même des Idées et tel est l'objet de la

troisième partie du Parménide (i) qui se présentealors commeun tout dont les parties sont parfaite-ment liées entre elles. L'analyse va montrer tout à

l'heure si cette interprétation est justinée.

priussobrietateanimimentisquelibertatesese prseparetquamattrectaremysteMaMatestisoperisaudeat.T

(1)C'est-à-dire,defonderdtateot'quementla doctrinedes

tdees,en réfutanttoutesles objectionspossibles,etenseser-vantpourceladela méthodelogiquedesËéates.

'tE$'~TS~Ë~AT~ ~87'Ce n'est pasque j'admette que la dialectique, qui

va être exposéedans un exemple, soit absolument

videet purement formelle. Mais, s'il est impossibledeséparercomplétementdans la logiquele contenant

du contenu, qui sont l'un et l'autre des Idées, et par

conséquent d'opérer cette distinction dans le~a~-

m~M!'6?e,il n'est pas nécessaire ni légitime de con-

clure que la logique'n'est pas distincte de la méta-

physique, et que toute la philosophiede Platon est

contenue dans la discussion sur l'Un, qui est em-

pruntée a. un système différent du sien et réfuté

par lui dans le Sopldste.Je reprends l'analyseIl faut donc, dit Parménide à Socrate, savoir s'y

prendre il faut suivre une méthode dialectique

pourarriver à la vérité. Par exemple(1), je suppose

que tu veuilles discuter l'hypothèse(2) qu'avaitadmise Zénon il faudra se poser cette suite de

questionsI. Si la pluralité existe, qu'est-ce qui arrive à la

pluralitéi° Par rapport a elle-même;2° Par rapport à Funité?2

II. Si la pluralité existe, qu'est-ce qui arrive à

l'unité:

i° Par rapport à elle-même;2° Par rapport à la pluralité?

Et nous devrons suivre le même ordre de ques-

(t) o!<M.lae,a. G'estdoncunexemple.(2)Ladiscussionpart doncd'unehypothcse,etmêmedeshy-

pothèsescontraires.

288 LESÉGMTSDE PLATON.

tions dans l'hypothèse contraire, à savoir: si la

pluralité n'existe pas.Mais au lieu de cette hypothèse, dit Parménide,

j'aime mieux prendre la mienne c'est-à-dire

examiner l'hypothèse de l'existence et de la non-

existencede l'Un, et voir cequ'on en doit conclure.

La question doit se subdiviser ainsi

I. Si l'Un est, quelles sont lès conséquencesquien résultent

1° Pour l'un lui-même;2" Pour le non-un?

11. Si l'un n'est pas, quelles sont les conséquen-cesqui en résultent

1° Pour l'Un lui-même;2° Pour le non-un?

Et le résultat de la discussion, c'est que dans les

deux hypothèses il y a contradiction pour les deux

termesqu'elles comprennentSi l'Un est, tout commes'il n'est pas, lui et les

autres choses, et par rapport à eux-mêmes et par

rapport les uns aux autres, sont et ne sont pas, pa-raissent et ne paraissent pas être absolument

tout(i).Ainsi des deux cotés la pensée arrive également

à la contradiction.

Première question.Si l'Un est, que résulte-t-il de l'hypothèse pour

lui'même?

(t) C'est-à-direqu'onpeutleurdonneraussibienqueleurrefusertousiesprédicatspossibtes.

LESECHUSDEPLATON. 289

17

i" conséquence Il n'est pas multiple, par consé-

quent n'a pas de parties, par conséquent n'est pasun tout.

2° S'il n'a pas de parties, il n'a ni commence-

ment, ni milieu, ni fin, ce serait le diviser quede lui en attribuer.

3" il est donc sans limites, sans forme, sans

figure car toute figure enveloppeun rapport d'un

milieu à ses extrémités.

4° Il n'est donc ni e~ lui-même, ni en aucune

autre chose car, s'il était enlui-même, il s'envelop-

perait lui-même,' se contiendrait lui-même; or un

même sujet ne peut pas faire et souffrir dans son

toutla même choseen même temps donc il y auraitt

lieu de distinguer dans l'Un le contenant et le con-

tenu, l'enveloppé et l'enveloppant, et il ne serait

plus Un, mais deux. S'il était en une autre chose,cettechose le toucherait et en serait touchée; il yaurait des points de contact, qui supposentdes par-

ties il y aurait une figure, la figure sphérique, ce

que nous avons vu être impossible. S'il n'est ni en

lui-même ni en autre chose, il n'est nulle part..5° S'il n'est nulle part il n'a pas de mouvement,

ni de mouvementde translation, ni de mouvement

d'altération. Le mouvement d'altération fait d'une

choseune autre, et l'Un cesse d'être Un pour deve-nir autre. Le mouvement de translation est ou sphé-

rique ou rectiligne. Le mouvement sphérique sup-

poseun centre immobile, et des parties qui tour-

nent autour du centre; le mouvementrecti)igneou

curviligne suppose non-seulement que l'objet qui

LES ÉCRITSDE PLATON.290

se meut est quelquepart,ce que nous avons vu être

impossible, mais encore qu'il arrive quelque part.Mais il est clair que ce qui arrive dans un lieu

n'est pas encore dans ce lieu, et cependant n'est pasen dehors de ce lieu, puisqu'il y arrive. Or cet état

ne peut appartenir qu'à une chose qui a des par-

ties, parce qu'elle peut être en dedans par quelque

partie, en dehors par quelque autre, et par consé-

quent on pourrait dire qu'elle est a la fois dehors

et dedans. Maisce qui es~sans parties doit néces-

sairement être tout entier à la fois dedans et de-

hors (i). Or lUn est sans parties, donc il ne peutêtre partiellement à la fois dedans et dehors, donc

il ne peut se mouvoir.

68 De même qu'il n'a pas de mouvement; il n'est

pas en repos car ce qui est en repos est dans le

même lieu,' et par conséquent dans un lieu ce quine peut arriver a/l'Un quin'est nulle part comme

nous l'avons vu.

7° L'Un ne peut être ni identique à un autre ni

Mui-même ni différent d'un autre ni de lui-même.

Il ne peut pas être identique à un autre car il

serait cetautre, et non plus lui-même il serait autre

que l'un. Il ne peut pas être identiqueà lui-même,

parcequela nature del'Un n'estpasceuedel'identité;en effet, cequi devient identique ne devient pas Un

pour cela, puisque ce qui devient identique plu-sieurs devient évidemment plusieurs et non pas

(t) Carit nesauraitêtrepai'tte)!emeht0: successivementlàau il est.

LES ÉCRITS M PLATON. 2<~

un. Si l'identité ou !a nature du même n'est paslanature del'Un, l'Un, en devenant identique à lui-

même, participerait à une autre nature que la

sienne, et cesserait d'être Un; il aurait deux prédi-cats l'unité et l'identité. 1~ne peut pas être diffé-

rent d'un autre car la différence emporte avec

soi l'idée de la pluralité et exclut celle de l'Un.

Il ne peut pas être diSérent. de lui-même, car

alorsil deviendraitun autre, et cesserait d'être l'Un.

Ainsi on ne peut lui attribuer ni l'identité ni la

différence.

8" L'Un n'a donc aucune détermination ni au-

cune relation il n'est donc ni semblable ni dissem-

blable soit a lui-même, soit à autre chose; carie

semblableest cequi souffreun rapport d'identité, et

le dissemblable ce qui souffreun rapport de diSe-

rence, rapports qu'exclut également l'Un, qui,, parla mêmeraison, n'est ni égal ni inégal soit à lui-

même, soit à autre chose. En effet l'égalité est,

commel'inégalité, un rapport à une mesure, et l'Un

ne souNreaucun rapport, par conséquent aucune

mesure, outre quesi l'Unrecevait en soi un nombre

égal ouinégal de mesures, il recevrait la quantité,c'est-à-dire la pluralité.

9" L'Unn'est donc pas dans la catégorie de l'é-

iepdue il n'est pasdavantage dans celle dutempsil n'estni plus jeune ni plus vieux que lui-même

car ce rapport enveloppe dans l'être la différence;ni plus jeune ni plus vieux que les autres choses,

où ce rapport est plus manifeste encore.

10' Si l'Un n'est pas dans le temps, il n'est ja-

292 LES ÉCRITS DE PLATON.

mais, ni dans le présent, ni dans le futur, ni dans

le passé. Il n'est donc pas du tout car tout ce qui

est, est connu sous les conditions du temps.

11° Mais, si l'Un n'est pas du tout, il n'est même

pas Un.

12" S'il en est ainsi, si on ne peut donner à

l'Un aucun attribut, il ne peut être ni nommé, ni

exprimé, niperçu-parla sensation, ni saisi par

l'opinion, ni connu par la pensée (i).

Sur cette première partie de la discussion, on

peut remarquer qu'on n'a pas pris. dans son tout

l'hypothèse elle-même, et que l'analyse a séparé,

contrairement à lasupposition

l'un existe,

séparé l'existence et l'Un, pour ne considérer que

]'unité abstraite (2).

'Mais si, au lieu de séparer ces deux notions unies

(t) Uest clair que, si par l'Unon entend la négation de toute

pluralité, et si l'on considère comme pluralité les détermina-

tions positivesde l'essence et l'existence même, la thèse: l'Un est,

qui paraît positive, aboutit au fond et logiquementà cette con-

clus)on l'Un n'est pas; car eile équivaut aceci: l'Un est prive

de tout ce qui constitue l'être réel. Mais une pareille conceptionde l'Un n'est donnéequepar l'abstraction et un procédé purement

logique. Aucune réalité n'est enfermée dans un pareil raisonne-

ment. C'est ce qui meporte a croire que Platon ne fait ici que

l'exposer comme un bon apprentissage et un bon exercice d'a-

nalyse et de déduction.

[2) Cunô Fischerajoutë ''Comme cet Unmémenepeutarri-

ver à la pureté de son essence propre qu'en écartant la diffé-

rence, c'est-à-dire en se différenciant de ce qui n'est pas lui,

l'Un, précisément parce qu'il cherche à se séparer de ce qui dif-

fère de lui, est toujours au moment de passer dans ia différence.

Car il est évidentqu'U sëradiffcrehtdëcëqùi n'est pas lui. L'Un

cherche douea passer dans le multiple, c'ést-a-dirc dans l'exis-

LESÉCRITSDE PLATON. 2M

dans l'hypothèse l'Un est, c'est-à-dire l'Un est

étant, l'Un participe à l'existence, on les considère

dans leur tout, on arrive à des résultats contraires

h ceux quenous venons d'analyser.Secondequestion s

Si l'Un est (1), c'est-à-dire est étant, et participe

ainsi à l'être, qu'arrive-t-il? L'être de l'Un n'est pas

identique à son unité donc l'Un qui est, forme un

tout dans lequel l'Un d'un côté, l'être de l'autre, se

distinguentcommeparties: il estdonc déjà.multiple;

mais, comme chacune des parties qui composentce tout, est, et est une, et qu'elles se composentcommelui-même et ainsi de suite à l'infini, il n'est

pas seulement multiple, il est une pluralité in-

finie.

Si môme on prend l'Un en soi, d'une manière

abstraite, etenle séparantparlapensée,r~ St~o~(2),de l'existence à laquelle il participe, nous le ver-

ronsencoreapparaître comme multiple; car, si l'Un

diffère de l'être,– et il en diSere, puisque fa pen-sée l'en distingue et l'en sépare,–ce n'est ni par

tenceextérieure Qnreconnaîticice fameuxpassagedel'es-senceabstraitea l'existenceréellequecroîtavoirtrouvéHëgei.Quoiqu'ilensoit, il n'yariendeteldansle~arm~Me.

(i)Aprèsavoirconsidèretemotestcommeunesimplecopule,onFuidonnemaintenantlesenspteindel'être.Ilestévidentquecepassaged'unsensdu mot a unautren'estvéritablementqu'unjeu, ~ouSM~~a~M~;del'Unabstraitonpasseà t'unitcconcrèteet réelle.

(2)t43,a. Il est tres-sinKuHerdovoir içi-t'Unséparedet'être,contrairementAla manièredont il doitetreconsiderosousle secondpointdevue.

LES ËCMTSM PLATON.294

l'être, entant quatre, ni par l'Un, en tant qu'Un,

qu'ils diffèrent, mais bien par la différence. Il y a

donc dans l'Un qui est, l'Un, l'être, et la différence,

c'est-à-dire le nombre deux et le nombre trois avec

toutes leurs combinaisonsqui sont infinies. L'être

est ainsidivisé en un nombre infini de parties aux-

quelles correspond dans l'Un un nombre de parties

égal, puisquechacune des parties de l'être ~<MHe.

L'Un est donc Un(1)et plusieurs,. tout et parties,limité et illimité en nombre.

2° Commetout, il a uncommencement, un mi-

lieu, une fin.

3° Il a donc:une figure.4" Par conséquent, ilestenlui-même et en autre

chose en lui-même, puisque les parties de l'Unsont dans le tout de l'Un; en autre chose, puisque

le tout n'est pas dans les parties, ni dans toutes,ni danschacune.Il n'est pas dans toutesles parties,

car, s'il était dans toutes, il serait dans une quel-

conque desparties mais,si le toutest dansune par-

tie, comment serait-ildans les autres; et, s'il est une

partie où il ne se trouve pas, comment serait-il en

toutes ?Il n'est donc pas en toutes-;à plus forte rai-

son il n'est pasdans quelques-unes, caralors le plusserait dans le moins. Doncl'Un, en tant qu'il est,un

tout, est en quelque choseautre que lui-même, et

en tant qu'il est toutesles parties qui le constituent,

il esten lui-même.

,8'*Par conséquent, il est toujours en mouvement

(t)Carc'estuntout, etuntoutestuneunitéquia despar-ties,et lesvraiespartiessontpartiesd'untout.

LES ÉCRITSDE PLATON. 295

et toujours en repos. En mouvement puisqu'il est

dans une autre chose, et n'est jamais dans le

mêmelieu, ou le même temps, ou le même état.

6° En repos puisqu'il est en lui-même, c'est-

à-dire toujours dans les mêmes lieu, temps état.

7° L'Unest identique à lui-même, et différent de

lui-même etidentique àl'autre etdifférentde l'autre.

a' Identiqueà lui-même, car il n'est ni le tout

de lui-même, ni la partie de lui-même, ni autre

que lui-même il est donc le même que lui-même.

p' Différentde lui-même, car il est toujours dans

un autre (temps,lieu, état) que lui-même.

Y'Différent de l'autre, car à ce qui est différent

de quelque chose, cette seconde chose s'opposecomme quelque chose de différent: toute chose

autre n'est autre que d'une autre: or tout ce quin'est pasun est autre que l'Un. L'Un doncason tour

est autre que le non-un (~ -MaM~).S' Identique à l'autre, car le même et Fautre

sont des contraires qui ne peuvent coexister dans

le même sujet; le même ne se trouvera jamais dans

l'autre, jamais l'autre dans le même donc jamaisl'autrene se trouvera,dans un être quelconque, quireste toujours identique à lui-même, car il se trou-

vetait alors dansle même,ce qui est contre sa na-

ture. L'autre (t) ne peut donc se trouver ni dans

l'Un ni dans le non-un. Par conséquent, l'Un ne

peut différer du non-un, ni le non-un de l'Un. La

~C'est-a-dire, l'é!émentdedifférence,la différenceelle-meme.

LESÉCRITSDEPLATON296

différence entre eux s'évanouit, car ce n'est que

par la différence et non par elles-mêmes que les

choses diffèrent; et de plus le non-un, n'étant pas

Un, ne peut former un nombre, qui est composé

d'unités il ne peut donc former des parties il n.est

donc ni la partie du non-un, ni le tout dont le

non-un serait la partie.

L'Un vis-à-vis du non-un, n'étant ni dans le

rapport du tout à la partie, ni dans le rapport de

la partie au tout, ni dans le rapport de différence,

lui est identique (i).

8° L'Un est donc semblable et dissemblable à

lui-même et aux autres.

</ Car l'Un diffère de l'autre absolument comme

l'autre diffère de l'Un ils sont donc semblablement

différents, et par conséquent semblables, en ce

qu'ils diffèrent également l'Un et l'autre l'Un de

l'autre. Ils participent tous deux de la même chose,

(1) M. Cuno Fischer remarque avec raison que la notion de

l'autre, ïo eTepo~,est introduite dans l'hypothèse sans y être lo-

giquement justifiée ;~onsort donc des conditions qui avaient été

posées,et ce n'estplusdu raisonnement seul quesoBttires lesar-

guments l'expérience ajoute ses notions à celles que l'hypo-thèse avait posées. Cela prouve que !e raisonnement est im-

puissant à tirer toutes nos idées d'une seule, avec quelque liberté

qu'on la traite et l'on voit ici traiter les idées avec une grandeliberté. Ainsi, après avoir montré que l'Un estdifférent del'autre

(7°, y), immédiatement après on 'ie la réalité de l'élément

différentiel; après avoir déclaré que l'Un est tout et parties, on

nie qu'il y ait dans l'Un Tesrapports du tout et des parties. G'est-

à-dire, qu'on joue, comme la sophistique, sur le sensdes mots,et qu'a chaque pas de l'argumentation, on ouMie ou on.ignoreles résultats antérieurs de la démonstration..

LES ÉCRITSDE PLATON. 2f7

17.

la différence, et de la même différence. Ainsi, tout

est semblable à tout précisément parce que tout est

autre quetout.Et l'Un est dissemblable à l'autre précisément

parcequ'il est le même que l'autre, car le même a

pour contraire l'autre or c'est parce qu'ils étaient

autres l'Un que l'autre, qu'ils étaient semblables

si les contrairesproduisent les effetscontraires, c'est

donc parce qu'ils sont le même, que l'Un et l'autre

sont dissemblables(1).Et par là, si l'on se rappelle quel'Un est lemême

et autre que lui-même, il est en outre démontré

que l'Un est semblableet dissemblablea lui-même.

p'. Il suit de là que l'Un étant en lui-même et

dans l'autre, touche lui-même et les autres choses.

Maisen mêmetemps il ne toucheni lui-mêmeni les

autres choses; car tout contact suppose deux choses

ou deuxparties; mais l'Un ne pouvant être deux ne

peut se toucher lui-même; et il né peut pas non plustoucher les autres, car il faudrait pour cela que les

autres choses participassent de l'Un, et perdissentleuressencepropre;mais,si lesautres chosesneparti-

cipentpas del'Un,l'Un est seul il n'y a pasdeuxcho-

ses, etpar conséquentil n'y a pasde contactpossible.

Enoutre l'Un est égal et inégala lui-mêmeet

aux autreschoses.

a. L'Unest égal à lui-même et aux autres cho-

(t) Aufondil estvrai quetoutedifférenceenveloppeune

analogie,touteanalogieunedifférence.Cesontdespointsde~uedivem;-mais~coordonn('s,soit dei'ctre,soitde la pensée;maislapreuveestbiensophistique.

LES ÉCRtTSDE PLATON.298

ses; car la petitesse et lagrandeur existent par elles-

mêmes, mais ne peuvent entrer dans aucune autre

chosequ'elles-mémes, et par conséquent dans l'Un.

]Eneffet,,si la petitesse par exemple entrait dans

l'Un, elle serait répandue dans tout l'Un, et lui serait

égale, ce qui est contraire à son essence; ou elle

envelopperait extérieurement l'Un, et alors serait

plus grande, ce qui Test encore plus.

Mais/si la petitesse ni la grandeur ne peuvententrer ni dans l'Un ni dans les autres choses, il est

doncégal à lui-même et aux autres choses.

p. Il est inégalàtui-même(i) et auxautres choses.

a'. L'Un est en soi-même,il s'enveloppedonc lui-

même, il est donc à la fois plus grand commeen-

veloppant, et comme enveloppé <plus petit quelui-même.

p'. L'Unest inégal auxautres 'choses, car toutes

les choses qui sont, sont quelque part l'un et les

autres choses sonnet il n'y a rien en dehors de ces

deuxcatégories de choses. Où sont-elles? La'où

elles ne~peuyentmanquer d'être, si elles sontquel-

que part, puisqu'il n'y a rien où elles puissent

être en dehors d'elles-mêmes. L'Un est doncdans

l'autre, l'autre est dans l'Un l'Un est donc plus

grand et plus petit que les autres choses.

L'Un est donc en nombre égal, plus grand et

plus petit queles autres choses et quelui-même.

(1) Onvientdenierquel'Unpuisseentrerdans,la catégoriedetagrandeuretdelapetitesse.Maintenant,pourprouverl:an

tithese,onvainvoquerunautreprincipe.C'est,sommeledit

Fischer,p. 47,ledeusM:MtfK'AHMqui intervient.

LES ÉCRITSDE PLATON. 299

9" Si l'Un est, il participe du temps, du temps

qui passe; il devient donc plus vieux et plus jeune

que lui-même, puisque plus vieux n'est qu'un rap-

porta plus jeune, et queles deux termes du rapport

sontégalement l'Un et non-seulement il le devient,

mais il l'est, puisqu'on allant du passé à l'avenir,il ne peut manquer de traverser le présent, pendant

lequel tempsil cesse de devenirpour être. Et cela

éternellement si l'Un est, c'est-à-dire s'il est tou-

jours dans son existence.accompagné du présent.Étant égal à, lui-mêmedans le nombre, il est égal

a lui-même dans le mouvement de l'être et du

devenir, et est par conséquent du même âge quelui-même.

Ht~e même par rapport aux autres choses,l'Un est plus vieux que les autres choses car les

autres choses sont un nombre, et le nombre est né

de l'Un mais l'Un a un commencement, ce qui

suit le commencement,–une fin, où /e<~K (i); orc'est la iin qui achève l'être l'Un n'est

donc né qu~pres le commencement(2) et le reste

ilestdoncplùs jeune que les autres choses qui.I<"

précèdent.

Mais le commencementest l'MMedes parties de

(1)Onvoitquelesautreschosessontentenduesicidespartiesdel'Unconsidéréescommeuntout;plushautc'étaitdunon-un.

(9) Cen'estpasunebonneraison.L'ordrelogiquen'estpasl'ordreduréel.Jenepuis,il estvrai,mefairel'idéedumilieusans.avoirprécédemmentconçucelteducommencement;mais

een'estpasuneraisonpourque,dansl'ordredel'ètre,lenu-iMiM~ilA~B~Msoient pasnésdans te mêmemomentquelecommencement.

300 LES ËCRtTSiDE PLATON.

l'Un 1' UHest né donc avec le commencement parla même raison, il est né en même temps que le

milieu, et que la fin il est donc du même âge queles autres choses.

Et non-seulementil est tel, mais il devienttelparce

que les choses qui sont nées les premières diffërent

de celles qui sont nées plus tard, et celles-ci de

celles-làd'une partie de leur âge toujours différente.

L'Un devient donc et plus vieux et plus jeune queles autres choses, et, les autres choses deviennent

plus vieilles et plus jeunes que l'Un; mais on peutdire aussi qu'il ne devient pas tel parce que la dif-

férence des âges évaluéeen nombre reste toujours

égale. L'Un et les autres choses deviennent donc

aussi du'mème âge.10° Si l'Un est dans le temps, il participe donc

du présent, du passé, du futur..

11'' irestdoncréellement.

12° Et, s'il en est ainsi, on peut lui donnertousles attributs de l'être il peut être nommé

primé, perçu par la sensation, saisi par l'opinion,

connu par la pensée (1).'MM. GunoFischeretZeller veulent voir dans.ces

deuxquestions uneantinomie, c'est-à-direune thèse

(t) Lapremièrequestionaboutitmontrerl'absurditédelathësedeTUnabsolu,repoussanttoutpredtcat,mêmeceluidel'être,et se supprimantlui-mémeen voulantresterétrangerà toutedifférence.Maisladeuxièmequestionn'aboutitpas,dansPlaton,àuneconclusionsemblable,etprouvesëuiementque,si ondonnel'existenceà l'Un,onestobligédelui donnerd'autresattributs,ct!qu'iln'exclutpastoutedifferetice;enquoiPlatonneditnul-lementquecelarépugneà sanatureetà sonessence.

LES ÉCRITSDE PLATON. *30t

contredite par une antithèse; mais c'est, je crois,

une erreur. L'antithèse pour constituer une anti-

nomie doit évidemment porter sur la même ques-

tion or ce n'est pas ce qui a lieu ici, où il y a

évidemment deux propositions différentes exami-

nées la première, l'Un est, prise au sens de l'un

est l'Un la seconde,l'Un est étant, c'est-à-dire par-

ticipe a l'existence. Aussi Platon, arrive à cet en-

droit, dit en continuant Passons à la troisième

question (1). Mais,comme cette troisième questionne peut être considérée comme le commencement

d'une seconde antinomie, et dérange leurs classifi-

cations, MM.Fischer et Zeller en font une annexe,unsupplément de la première (~H/MM~),sans nous

expliquer commentune antinomie peut contenir,outre'la thèse et l'antithèse, encore une annexe.

J'en conclus que leur classification ingénieuse est

peujustifiée par le texte.Troisième questionSi l'on réunit les diverses conclusions de la pre-

mière et dela deuxièmequestion, on voit que l'Un

est Unet multiple, et ni Un ni multiple; qu'il par-

ticipe du temps, parce que l'Un, puisqu'il est (2),

participe de L'existencequelquefois, et, puisqu'iln'est pas, n'y participe jamais.

Cesont là descontraires qui ne peuvent coexis-

ter dans le mêmesujet dans le mêmetemps: il

reste doncque ce soit dans une successionde temps

(t)155,Œtt8ti't&Tpfi;a-<3.~mt).Ey.(2)'Jenetrouy6pfscepassagebienentendupar fesdiversmmcntateurs.

LESÉCRITSDEPLATON.302

différents (1), que l'un des contraires appartienneà l'Un dans un temps, l'autre dans un autre. Tantôt

il prend part à l'être, tantôt il n'y prend pas part:or c'est là devenir et périr. L'Un étant Unet mul-

tiple, puis'devenantet périssant, périt commemul-

tiple endevenant Un, et commeUnlorsqu'il devient

multiple.

Ilsedécomposeen devenant multiple, se com-

pose en devenantUn il est dans l'acte de similation =

puisqu'il devientsemblable, dans celui de dissimi-

lation puisqu'il devient~dissemblab!e,grossit, dimi-

nue, s'égalise, puisqu'il devientgros, petit, égal (2).Il nepeut concilier ces divers côtés de sa nature

qu'en passant de l'Un à l'autre; c'est dans ce pas-

sage que l'Un,périt quandl'autre naît il y a donc

en lui une successiond'états; par exemple, le reposet le mouvement ne peuvent coexister dans l'Un

qu'à laCondition qu'il passe du mouvementau re-

pos ou du repos au mouvement. Maisdans le pas-

sage mêmel'Un n'est ni eh mouvement ni en repos;or ce sbnUàdes états qui appartiennent a. la caté-

gorie du temps: donc dans le passage même l'Un

n'appartient plus Maca~omêdu temps, puisqu'iln'est, dans ce passage,ïii en mouvement ni en

repos, et qu'il n~ya pas de'Ïsoyen .de concevoirune

(J)ÏIyaMi~ihdéfautderaisonneTheMtévident:dansl'alter.cativeoù l'Ch~eparticipepasa l'Être,il neparticipepasau

tempsCont'mentalOMpeut-ondtrequ'ilestcecidansuntemps,celadansunautre?

('!) C'est-à-dire,pmsqn'itarnveai'~tatdegros,:petit,égai,ita<Mfaireunacte-quiamènecetétat.;

LES ÉCRITSDE PLATON. 30

chose qui, placéedans te temps,ne soit ni en mou-

vement ni en repos.Ce point intermédiaire en dehors du temps, qui

constituele passagede l'Un d'un contraire à l'autre,

c'est l'instant, t~ût~ dont la nature est desplus

étranges,caril est placé entrele mouvement et le re-

pos limitecommunede ces deuxétats (<),iln'appar-aient pas au temps; c'est le point central et comme

le foyer où setermine le changement de l'Un quanddu mouvement il passe au repos, et d'où il procède

quand du repos il passe au mouvement.

Si donc l'Un est en repos et en mouvement, ce

n'est que par suite d'un changement qui impliquela successiond'un étatà l'autre; maiscechangement

ne peut s'opérerqu'en traversant lalimite qui les sé-

pare, l'instant, pendant lequel l'Un n'est plus dans

le temps, et n'est ni en mouvement ni en repos.Or ce qu'on vient de dire du passage de l'Un du

mouvementau repos, onpeut le dire deson passagede l'être au non-être, de l'Un au multiple, du grandau petit, et réciproquement. C'est donc là un phé-

nomèneétrange, puisque l'objet nousapparaît con-

traint, pour arriver d'un état à un état contraire, de

traverser un moment indivisible placé en dehorsdu

temps, où n'existent ni l'Un ni l'autre, qui cependantles contient tous deux (2), et dans lequel l'Un, par

(1)Pointdevuedesplusprofonds,l'Idéedela limite,unitédescontraires,oùnesontnil'un ni l'autred'entreeux, etoù

ils sontpourtantvirtuellementprésents.(':)M.GunoFischer,p. 73, ~<M.N~Mder l~ee~.se~seinerGe-

gensâtze,<<.A.c!<f~MyeH&HcA:~<,assimilecetUnplatonicienà

LES ÉCRITSDE PLATON.304

exemple,n'est ni Un ni multiple, ni ne se divise, ni

nese compose, ni ne grossit, ni ne diminue, en un

mot n'est jamais ni dans l'état qu'il va quitter, ni

dans celui où il va entrer.

Voilà tous les états que subit l'Un, s'il est (1).Passons à la quatrième question.Si l'Un est, dans quel état se trouve les autres

choses, ~AAtttoS~?

Les choses différentesde l'Un doivent avoir des

parties. Car si elles n'avaient pas de parties., elles

seraient l'Un même. Mais, si elles ont des parties,ellesforment un tout, c'est-à-dire une unité com-

posée de parties, car les parties ne sont pas sim-

plement parties, maisparties d'un tout, c'est-à-dire

d'une certaine Idée et d'une certaine unitéque nous

appelons un tout, unité complète forméepar la réu-

nion de toutes lesparties ensembte. Déplus, chaque

partie doit être une unité.

Leschoses différentesde l'Un participent donc, et

comme tout et comme partie, deTUn.

l'instantlui-même,etconsidèrecetUninstantcommele typedel'Idéeplatoniciennequi,confondueavecl'IdéedeHegel,repré-sentepourlui l'unitégénérale,l'indifférenceabsolue,quinieàlafoisetconservelesdifférences,et sortdesonindifférenceparsonindifférencemême.Platonnedit rienquipermetted'iden-tifierl'Un'avecl'instant,la limite,lepassage,leproseM;il dit

seulementquel'Ontraversecettedernièrelimite,cequin'estpaslamêmechose.M.CunoFischerajoutequel'Unétantl'ins-tant, l'Unest età la foisn'estpas.Conclusionquin'estpasdansPlaton,où il estdit seulementquel'Unest et n'estpasun,multiple,grand,petit,enmouvement,enrepos,etc.

(t) <57,b. Tauta TûtTm6'~(MTctTKMT*avTt<xo~&tTOëv,d{<tTtV.

LESÉCRITSDEPLATON. 30H

Mais,différentesde l'Un,M~ef,elles sontautresque

l'Un, s'T6pKTo?~o;, elles sont donc pluralité en soi,

et unepluralité infinie car une pluralité finie con-

tiendrait déjàen soi l'unité. Cen'est qu'en recevant

l'Un qu'elles reçoivent la limite.

Ainsi les chosesdifférentesde l'Un, siTUn existe,

sont à la fois limitées et illimitées, par conséquentsemblables et dissemblables, soit entre elles, soit

à elles-mêmes, en mouvement et en repos; enfin

elles réunissent tous les contraires, TrajetTa e~r~

mi~-r,(i).On peut considérer la question sous un autre

point de vue

Outre l'Un et,les chosesdifférentesde l'Un, il n'ya pas une troisième chose, où les deux premières

puissent se réunir et coexister (2) ils sont. donc

toujours séparés. Les autres choses ne participent

donc jamais à l'unité: elles ne sont donc pas plu-

ralité, car, si elles étaient plusieurs, elles seraient

ou tout ou parties, ce qui est impossible, si elles ne

participent pas à l'Un elles excluent le nombre, la

dualité et la triplicité, la ressemblance et la dissem-

blance-; car chacun de ces attributs ferait Un, et

tous deux feraient une pluralité par conséquentelles n'admettentni l'identité ni la diiféreuce, ni le

mouvement ni le repos, ni aucune qualité. D'où il

résulte que si l'Un est, il est toutes choses, n~rct;1

(t)l59,a.·

(2)Ehquoi n'ya-t-ilpasla timuodontonvientdemontrerqu'elleest('unitédescontraires?P

LES ÉCRITSDE PLATON.306

mais, étant toutes choses, il n'est plus Un, ni pour

lui-même, ni pour les autres choses (i).

Après avoir examiné les résultats de l'hypothèse,

si l'Un est, pour l'Un et les choses autres que l'Un,

Parménide examine ce qui résultera, pour l'Un et le

non-un, de-l'hypothèse contraire si l'Un n'existe

pas.

(t) Ceciest une conclusion qui necorrespond plus a la ques-tion Qu'est-ce qui arrive aux autrés choses, si l'Un est? Nous

trouvons pour réponse que l'Un est tout, et qu'étant tout,il n'est plus Un. M.Cuno Fisehei oublie cet écart du raisonne-

ment dans son analyse, qu'il termine Unde sequitur, ut

multa quibus unum omnino desit, neque multa sint, neque

ipsa sint. M

En somme, tous ces arguments aboutissent à des propositionscontradictoires:

f. L'Un ne peut être ni inhérent aux chosesmultiples, ni absent

d'eltes.

2. Le multiple ne peut être ni inhérent à l'Un, ni absent de l'Un.

Le texte de Platon oMigede tirer cette double conclusion, quise détruit d'eUe-meme

1. Il est impossible que l'Un et lejhultiple soient séparés et op-

posés donc ils sont identiques.,2. H est impossible que l'Un et le multipte soient identiques

donc ils sont différents et opposés;

Platon ne propose nullement, ni ici ni la fin de l'ouvrage,

une solution décès cpntradictMns, eton ne peu~, sans porter

atteinte a son texte formel et à la conclusion clairement négative,lui prêter ta théorie de l'identité de l'Un et du multiple dans

l'Idée considérée comme une unité enfermant en soi la plura-

lité, et une pluralité enfermée et tiéepar l'unité. Car, suivant

M. Fischer lui-même, on n'arrive là que par le mouvement de

développement, le procès dialectique interne de l'unité à ta

pluralité, et le mouvementrégressif diaiectique de la pluranté a

l'Unité, théorie dont il n'y a pas trace dans P!aton, queHequ'ensoit d'aiHeurs la valeur.

LES ÉCRITSDE PLATON. 307

1. Si l'onidit: l'Un n'est pas, on ne le peut dire

qu'à condition de distinguer l'Un de ce qui n'est

pas Un, commequelque chose de différent et même-e

de contraire. Maisalors on pose dans l'Un un élé-

ment, un principe différentiel, on lui donne les

attributs de la ressemblance, de la dissemblance,

de l'égalité et de l'inégalité, attributs réels qui sup-

posent dans l'Un, qui les possède, l'être (i).

Il faut que le non-être~o~unnon-être, car, s'il

n'était pas unnon-être, il serait un être. Le non-

être participedonc de l'être pourêtre un non-être,

comme l'être participe du non-être pour n'être pas

un non-être (2). L'Un qui n'est pas possède donc

r&tre;maig, puisqu'il est supposé n'être pas, il

possèdeaussi le non-être, c'est-à-dire qu'il changede manière d'être, par conséquent participe au

mouvement,qu'il faut pourtant nier de lui, s'il

n'appartient d'aucune façon aux êtres. Il en sera

(<)C'est-à-direquelaconnaissanceval'être unechosepen..séeestnécessairementpenséedistincted'uneautre,etparcelaseulellea une,essenceet uneexistence.Onne peutpaspenserlenéantabsolu.Sidonconpose,onaffirme,onpenselanon-exis-tencedel'Un,onposepar là sonexistence;et, si l'onneveut

pasposerla non-existencedel'Un,parcequeceseraitposeren

mêmetempssonexistence,il fautn'enriendiredu tout; il n'aaucunrapportà notreconnaissance,à notrepensée,et nepeutmêmerecevoirunedénomination.

C'estta théoriede la connaissancede la TMpMtMt/Meet du

TM~~e,et qu'onpeutappelerl'argumentontologiquedans

touteproposittonityaderêtre.~) e'esHaHiëoNBSu~opM~e,quiexpliquelavraieidéedela

négation,et montrel'Mrédansle non-êtrequin'estquel'autredel'être.

LES ËCRtTSDHPLATON.308

de même du repos, et il résulte de cette premièremanière de considérer Fhypothèse,que l'Un, qu'on

suppose n'être pas. est et n'est pas, change et ne

change pas, se meut et ne se meut pas, naît et ne

naît pas, périt et ne périt pas.2. Mais il y a une autre manière de comprendre

les termes de l'hypothèse. Si par l'Un n'est pas, onvent dire qu'il n'est pas d'une certaine manière, et

qu'il est d'une autre, les conclusions précédentes,toutes contradictoires qu'elles sont, sont justes.

Mais,si l'on entend par là au contraire nier absolu-

ment tout être à l'Un; il faut lui refuserabsolument

tous ces attributs. On ne peut le penser, le connaî-

tre, le déterminer par un nom et ici nous n'avons

plus ces prédicats contradictoires qui peuvent co-

existerdans le non-être relatif, qui n'est que l'autre

de l'être, mais qui disparaissent absolument dans

la négation absoluede l'être.

Il nous reste à considérerles résultats dela même

hypothèsenon plus pour FUn.-maispour les choses

autres que l'Un.

Si l'Un n'est pas, qu'en résulte-t-il pour ce qui

n'est pas.Un?i. D'abord les chosesautres que l'Un sont quel-

que chose de différent non de l'Un, puisqu'il n'est

pas, mais elles sontdifférentes entre elles. Cen'est

pas par un nombre quelconque de leurs éléments

intégrants qu'elles diffèrent entre elles, puisque

tout nombreest composéd'unités ce ne peut être

que par des masses qui, ne contenant pas l'unité,

sont infinies en nombre et infiniment divisibles, ne

LESÉCRITSDEPLATOiS. sou

sont ni grandes, ni petites, ni égales, et en qui se

perd et s'efface toute différence et toute limite.

Elles peuvent donc, à un regard négligent, pa-raître a~oir les attributs de l'unité, de la ressem-

blanceet de la dissemblance, de la grandeur et de

la petitesse, de la différenceet de la limite en réa-

lité elles neles ont pas. Si l'Un n'est pas, les choses

autres que l'Un ont donc simplement l'apparence et

l'ombre de ces déterminations qui s'évanouissent

quand on les considère de plus près.2°Si l'Un n'est pas, les choses autres que l'Un ne

sont pas davantage(i), carelles ne peuvent être nii

une seule chose ni plusieurs, ni semblables ni

dissemblables, ni se touchant ni isolées: elles ne

sont rien de ce qu'elles pouvalent paraître.Si l'Un n'est pas, rien n'est.

ConclusiongénéraleDans la double hypothèse que l'Un est et que

l'Un n'est pas, le raisonnement déductif amène à

reconnaître

Quel'Un et les choses autres quel'Un, dans leur

rapport à eux-mêmeset dans leurs rapports réci-

proques, sont absolument tout et ne le sont pas,

paraissent absolument tout, et ne le paraissent pas.C'est sur cette conclusion que Platon termine,

(t) M.Zellerreconnaîtque'cettethèsen'estpasl'antithèsedela première,car l'uneprouvequ'onne peutpenserle non-

unqu'aumoyende l'Un, et !a seconde,que,si l'onrefusede

le penserainsi,il sedérobelapenséeetàl'etre. Hveut'ncaM-moinsvoirencoreiciuneantinomie.

LESECRITS,DE PLATON.3t0

sans ajouter un mot, le dialogue, qui peut paraître

incomplet ou inachevé.

Suivant moi, l'ouvrage a pour objet immédiat de

montrer que la thèse des Ëléates, discutée suivant

la méthode des Éléates, aboutit à une contradiction

qui la détruit; cela n'empêche pas qu'au coursde cette réfutation, et à côte de ce résultat négatif,Platon ne sèmedes vues des plus profondes et des

plus positives, ce qui d'ailleurs va de soi-même

car comment renverser une thèse sans édiner en

mêmetemps la thèse contraire? et la thèse positive

qui se dégage du Pa?'M~MM~c'est que, de même

que nous ne pouvonspenser un être réel quesous

la forme de l'unité, de mêmel'esprit est contraint

de mettre une pluralité quelconque dans l'idée

même de l'unité, quand il la conçoit comme réelle

et concrète. Le parfait ne se conçoit que dans et

par un rapport avecl'imparfait; Dieu ne se conçoit

que dans et par son rapport avecle monde.

Je me range donc. à l'opinion de Karsten(t):«Plato in toto hoc dialogo Eteaticorum argumenta

~premensdisputando àrguit, hœcgênera ~0 3v et

Tb Sv,ïo ~vet T&wo~ quanquam ratione discer-

nantur, ita tameninter se cohaerere,ut aliud abs-

,quealio mentecomprehendinequeat, et multa esse

ipsis inter se communia.M. K. Stumpf dans un ar-

ticle sur les Rapports du Dieude Platon a l'idée du

Bien(2) est de cet avis « Der Parmenides will

(t)~<eMopA<M.,p.t!!9.~(2)Zeitschrift/M/' f~oMpAte,~<cA<e,t8<}9,p. 199.

LESËCHtTSDKPLATON. 3fi

die eleatischeLehre mit ihrer eigenen Methodead

absurdum führen, wie der Euthydemus die So-

phisten.a»

Outre l'édition spéciale de Stallbaum, on peutconsulter sur lePa/TMeM~eles analyses raisonnées

de Schleiermacher, Ast, Socher; le Mémoire ex-

trêmement clair de Cuno Fischer; les Études pla-

toniques de Zeller Th. C. Schmidt, Platon's Par-

menid., Berlin, 1821; Werder, de P~OM. Par-

meMM<Ad. Hatzfeld, de Parmenide; A. Fouillée,

/6! PAt/oso~AM<~eJP/<!<OK,t.I; enfin un article de

M. Ueberweg, A~e Philosoph., 1864,

p. 97 sqq., oùil conteste l'authenticité du dialogue,

qu'il considère commel'œuyre d'un sceptique.

37. LePAe~re,oudel'Amour.

Dialoguemoral, qui formela quatrième pièce de

la troisième tétralogie de Thrasylle il fait partiede ceux qu'Aristophane avait laissés en dehors de

sa classification.

Le Phèdre était dans l'antiquité déjà considéré

commeun dés pluscélèbresécrits de Platon, suivant

lesmotsmêmesdeDenysd'Halicarnasse,&'o;~ë~ouTMv~aw?Mpt6tM]TMv(l).C'est, eneffet, une œuvre pleinedévie dramatique., de force mimique et d'ironie.

Thrasyllelui donnepour secondtitre nept~pMTo;(2),et en fait un dialogue éthique, c'est-à-dire socra-

(t)Pe.<t<b)t.t!t~em.,c. 7; JSp.ad Ct).Fomp.,c. 2.(2)Diog.t.JH,58;conf. MaximePianude,Sc/ioK.ct~Her-

MtO{f.Mf<.Gt'.cc.,t.V,p.i)i3,Waiz.

LES ËCJMS DE PLATON.3t2

tique. D'autres lui donnaient pour sous-titres

nep~<t'u/?)<~), TtEpIXK~ (2), 'mot pYjTOptX~~'Kep~Trwx-

9ou, TTEptTO~!TtpMTO~iXet).oS,TTEptTO'UTMVTcSomoUXN~oS(3)

ce qui témoigne de la diversité d'interprétation du su-

jet chez les Néo-Platoniciens. Le premier est attesté

par Aristote (4) et par Denys, qui nous apprend

que le dialogue tirait son inscription du nom du

personnage, de Phèdre, à qui Socrate adressait ses

discours (5).

L'authenticité du jP~e~?'~ a moins qu'U ne faillc

lire le P~e~oM dans ce passage, a été mise en doute

par Panœtius, s'il faut en croire l'épigramme sui-

\ant& que David attribue à Syrianus (6).

E? j~en~KTMVOUYpatj/S,8uh)n~TMV6?SY~O~W.

2MXpC[Tt)tMVoaPNVMV8EKTtNVT'X<~pM.

/Â~Ot ~o6ov ETE~MceïlKM{TH)<' p ~K~STCe

Kctt ~U~V9\«;T' XXJASVoOovTS~SCEt.

Quelques-uns des anciens commentateurs, et M.

(l)C)em.,S~om.,V,572,d.;Sy)h.

(2)Desmss.c()mmecetm deKtareketlems.cotéadeFto-

rcnce, que suit Ficin.; cpnf. Greg.Cor. ad Hermog., 7! Cf~c.

't.VU,p.

(3) Ce dernier, attribHëaJambHque, est adopte par Hermjas,7n<ro< in jPAa*6f! p. 62, éd.Ast.

(<)Arist.c<I!I,7.TK~T<tSptj).

(5) L. L ou ï'/i~s~~p~ e~ïj<ps to ~tê)-tov.

(6) SchoU. Arist., p. 30, ~b, 9. letpmvo;jj(.ev ~œp6 ~nMcro~o;

emYpa'i'eTm~aiSpM(<I'<xtSM'<t?)vo6s\)o[<.E'/(p6~6Tt~o;nct'<NtTtou

~cf./tM~. t)t ~fe<. (76,a, 39), pariant du M~fMt: n~Khto;

YŒpTt ~TO~~CE~oOsUTfMTOVS[x).OYO'<

LES ËCRUSDE PLATON. 313

Krische (t) entend par le mot quelques-uns, Pa-

nsetius, prescrivaient de commencer la lecture des

dialoguesdePlaton par le P~e~'e, ce qui ne veutpasdirequ'ils se soient occupésde l'ordre chronologiquede leur composition. Hermias (2) nous apprend que

plusieurs le considéraient commeTrpoTpHmxo;e! <~Ao-

M~. C'est un des dialogues que Cicéron admire et

cite le plus (3); Hle traduit même souvent (4),et l'a par conséquent lu et étudié avecsoin. Athé-

née (8) prétend qu'il y a un anachronisme à faire

dePhèdre un contemporain de Socrate, mais il n'en

donne aucune raison, et celle qu'on est réduit a

imaginer est mauvaise (6).Le T~e~re se divise en deux parties principales

la première, qui va jusqu'à lap. 237, sesubdivise en

trois sections..

La première section est remplie par le discours

érotique de Lysias lu par Phèdre, et par les juge-ments de Phèdre et de Socrate sur l'œuvre du cé-

lèbre rhéteur. On est à peu près d'accord en effet

aujourd'hui pour considérer ce premier discours

comme l'oeuvrepersonnelle de Lysias, et non pascommeune imitation de Platon, qui aurait eu vrai-

ment trop beau jeu pour en entreprendre la criti-

que, aprèsy avoir mis lui-mêmetous les défautsqu'il

(t) e~er ~a!<M.<M, p.6.('2)7))~'oc!.MF/M<Ki)'p.62.(3)Cic.,(<ebnt< 1, 7 deLegg.,H,3.

(4)Gic.,deAep.,VI,25 Tusc.,t, 22.(5)Athen.,XI,p. 50o,e.

(6)V.Krisch.,). ).,p.9.

LES ÉCRITS DE PLATON.3i4

signale (1). Socrate n'en trouve ni l'invention heu-

reuse, eSpeotv,niladispositionsage, SMOecw.

La deuxième section est remplie par le premierdiscours de Socrate sur le sujet qu'avait traité Ly-

sias, et le dialogue s'établit entre les deux interlo-

cuteurs à ce propos. Il attribue le fond de son dis-

cours à dessouvenirs d'anciens poëtes Ttct~t~xKl

oMxA<Mpe<re it~Yu~xec,et il nommeparmi eux la

belle Sappho et le sage Anacrêon.

La troisième section contient le seconddiscours

de Sbcrâte, la palinodie, dont il attribue l'inspira-tion àStesichore. C'est là qu'il établit la théorie des

quatre espècesde délire:

1. Ledélire prophétique, dû a Apollon,dont l'un,

[Mtvtti~,est tout divin, l'autre, ~o~Mv~tt~,tout

humain, préside aux présages.IL Le délire puriScatif,~ TeXeMtx~,x~p;j~,&Y-

vt~o<,~6- assigné aBâcchus, qui préside auxini-

tiations et aux expiations.111.Le délire poétique, reportéà l'inspiration des

Muses.

IV. Le délire erotique,ou l'amour philosophique,attribué a Vénuset à Ëros, le plus noble de tous.

Pour bien comprendre la vertu de cette dernière

forme du délire, il faut connaîtrela naturede l'âme,ses facultésactiveset passives, ~ucebxmpt,~6!]rt x~

~a. C'est une recherche difficile et nous ne pou-vons guère nous faire unenotion exacte de l'âme

que sousla forme d'une image. Comparons-la à un

(i) SurMttequestionv.ttrisch:, L,p. 26sqq.

LES ÉCRITSDE PLATON. 3<S5

char ailé, attelé de deux chevaux et conduit par un

cocher. Toutes les âmes, celles des dieux comme

cellesdes hommes, cherchent à gravir les sommets

radieux où résident, dans un lieu supra-céleste, les

Idées car les dieux ne sont dieux qu'autant qu'ilsrésident auprès d'elles. Toute âme qui doit être hu-

maineles doit avoir contemplées,de plus près ou de

plus loin. Carc'est par la contemplation des Idées

que l'âme peut avoir des notions universelles. Sous

cette formesymbolique Platon expose sa doctrine

sur l'essence de l~âme, force motrice de tous les

corpsvivants,/principe de son propre mouvement,

partantéternelle et immuable. Trois facultésia cons-

tituent la raison, la volonté, la sensibilité et ces

trois facultés se ramènent à deux activités, une ac-

tivité rationnelle et uneactivité irrationnelle, unies

en une seule nature, ~u~uro!S~a~n. Comme l'âme

de l'homme anime et vivine son corps, l'âme du

monde pénètre en toutes ses parties et dans le tout,meut et vivi6ele corps de l'univers.

La connaissance ne s'explique que par l'innéité

des principeset l'inhérence de la science, ~oBox e~-

~[Mj. Laphilosophieest l'amour de la vérité, et l'art

de réveillerde leur sommeilen nous-mêmes et dans

les autres, de dégager du fond obscurci de l'âme,ces Idées autrefois entrevues dans la pure clarté

d'une vie incorporelle, et parmi lesquelles rayonnel'Idée du beau, dont l'amotfr constitue chez l'hom-

me la puissance créatrice. Le mythe exposeen ou-

tre, sous une&rme souvent obscure, les rapportsde l'âme humaine au divin; son passage à une

LES ÉCRITSDE PLATON.316

vie terrestre, ou son rapport avecla matière; la dis-

tinction des individualités, car les âmes humaines

se distinguent les unes des autres, et toutes des

âmes des bêtes enfin la Réminiscence, qui a son

fondementréel dans la Préexistence, dont la Rémi-

niscence est à son tour le fondement logique. Hfaut remarquer que la nature de l'âme est poséecomme primitivement parfaite, commeune essence

naturellement en rapport avec ledivin, ou les Idées.

Le mouvement va 'du parfait à l'imparfait. Cet im-

parfait, qui résulte de ce que l'âme ne peut jamaisvoir que de plus ou moins loin les Idées, est uneloi,loi naturelle, fatale, es<r;o<,vo~o;~SpoM'rEM<(1), un

hasard, <~vru~T~ c'est-à-dire une nécessité, une

condition de l'existence inférieure de la chosesen-

sible, expriméesom-~uneformemythique.La conversation qui s'échange ensuite prépare la

seconde partie du dialogue, qui roule sur la rhéto-

rique, et porte sur sa définition, sa fonction, sa mé-

thode, sonbut, qui est à la fois d'émouvoir les hom-

meset de plaire auxdieux,son usage et sa pratique.On trouve là un éloge magnifique de Périclèscon~

sidéré commeorateur, qui semble contredire le ju-

gement sévèreporté dans le Gorgias (2)sur ce grand

hommed'État. Onen a vouluconclureque le Phèdre

était d'une date postérieure au Gorgias et attestait

un esprit plus mûr, revenu à des sentiments plus

(;t) 248,c. Onla retrouveappeléewjMte~otpjtevotdansle

T~mée,41,e.Contdelegg.,IV,709~b.e.oq.hniv'tOt,~Ot¡(Lô't,xTjm~e, 4t, e. Conf. ~e /.e~ tV, 709, b. 6~04~ ~mm, xx! ~a

OeouTu~Tjxa! xcttpo; TctvOpNjtwatBtsxuëeptM~i.

(2) P.517.

LES ECRITSDE PLATON. 3i7

13.

équitables, et à.une justice plus généreuse et moins

passionnée, comme si ces deux jugements, divers

sansêtre contradictoires, ne pouvaient pas et ne de-

vaient pas s'expliquer par les points de vue divers

où se placentles deux dialogues.La théorie oratoire que Platon opposeaux procé-

désmécaniques, et a l'habiletépratique des Tisias et

des Thrasymaque, se ramène à la dialectique, c'est-

à-dire à l'art de penser. Lapremiër~ règle est de sa-

voir et de pouvoir exprimerclairement de quoiil est

question, c'est-à-dire qu'il faut savoir dé6nir. Pour

cela, il faut conna!tre l'art de diviser une Idée géné-rale en ses espèces, et de reconstituer l'unité dis-

séminée dansune pluralité d'individus ou d'espècesinférieures. Savoir faire un et savoir faire plusieurs,c'est la fonction propre du dialecticien. Cela n'ex-

clut pas la nécessité d'études préparatoires, mais

il ne faut pas les confondre avec l'art même, irpo

T?j<T~Y)!~KyxetM[ACt8~[ÂK'Kt.

L'éloquence, bien supérieure au misérable métietL'éloquence, bien supérieure au misél'ablemétiet

de composerdes livresécrits, est la puissancede tou-

cher les âmeset deles émouvoir, ~u~YM'~K.Pour la

posséderilfautd'abordconnaîtrela nature etl'essence

de l'âme, connaissance qu'on ne peut espérer d'at-

teindre sans la connaissance de l'âme de l'univers,où la nôtre est inhérente et comme attachée par ses

racines. En second lieu, il faut savoir quelles sont

ses facultés actives et passives, les objets sur les-

quels elle peut exercer son action, et ceux qui

peuventexercer une action sur elle; enËn analyserles différencesde nature des âmes individuelles, et

3188 LES ÉCRITSDE PLATON.

approprier à ces différences les différentes formesdu discours, et les différentes nuances de la pa-role. Le discours, considéré comme une œuvre

d'art, doit en avoir toutes les qualités, et les quali-tés de l'œuvre d'art seramènent aux trois suivanteselle doit être, pour ainsi dire, vivante, &nKp!:Mov,être une et complète, <!u~<!To~«[,et, par leur ordre,leur place, leur étendue, ses parties doivent présen-ter une harmonie et une proportion parfaites et

entre elles et avec le tout.

P. Buttmannapubliéen 1827, à Berlin, l'édition

corrigée d'Heindorf; maislescommentaires les plus

importants sont ceux de Stallbaum et ceux d'Ast,

qui a joint au texte les Scholiesd'Hermias.

38. LeBanquet,oudu Bien.

Dialoguemoral, suivant Thrasylle, qui en fait la

troisième pièce de la troisième tétralogie, où il se

trouve réuni avec le jPanM~Ma~qui la commence,et au jPfMJf~qui la termine. Aristophanene l'a pasfait entrer dans sa classification.

L'ouvrage appartient au genre de ceux qu'on~ap-

pelle St~T)jj.!itTtxo(.C'est le récit, fait par Apollodore

à l'un desesamis et à plusieurspersonnagesqui res-

tent muets, d'un entretien qui avait eu lieuchezAga-

thon, le lendemain du jour où celui-ci avait convié

de nombreux amis pour célébrer sa première vic-

toiredans les,concoursde la tragédie (1). Unsecond

()) SuivantAthén.,V,9t7.0L,90,4.==4t7av.J.-C.

LESÉCRITSDE PLATON. 3i9

banquet réunit à ~a table quelques-uns des convives

de la veille, et d'autres tels que Socrate et Aristo-

dème (~), qui n'avaient pas assisté au premier.

C'est Aristodeme qui a raconté à Apollodore tous

les détails de cet entretien dont celui-ci fait, à son

tour, le récit à ses amis, avec d'autant plus de udé-

lité qu'il l'avait déjà fait à Glaucon, peut-être le

frère de Platon.

Les personnages qui assistent au banquet ou du

moins qui prennent part à l'entretien sont, outre

Socrate, Agathon (2), Phèdre, Pausanias (3), Éryxi-

maque (4), Aristophane et Alcibiade.

Fatiguéspar l'orgie de la veillequelques-unsdes convives,Pausaniaset Ëryximaqueproposentdene pas continuerde boire,mais de renvoyerla

joueusedeSûte et decharmerleur réunionpar des

(<)Aristodeme,ami~etauditeurassidudeSocrate,dontilimitaitleshabitudesaustères,etparticulièrementl'Awtto&~ot.v..P/MMh\,2;!9,a.

(2) Poète tragique de mérite, comme prouve son succès,

Agathon était en outre un des hommes les plus beaux de son

temps. ~'fo<<tyor.,3ta,e..A hstophanel'accused'affectertesublime

et la délicatesse. TAMt~ 52,58. C'est par une erreur, réfutée

par Bentley,et Wotf, que le soholiaste d'Aristophane (~cH-,v. 84) lui attribue des comédies.On a conservéHestitres et quel

ques fragments de ses barrages dramatiques un Thyeste, la

F~Mr, y~pAe, les ~Me~. Aristote fait souventmention de

cepoëto(F<)e< e. t5 etl8; ~e(., tl, 19;Ii,4),etM.Ritschtlui a consacré une dissertation spéciale de Agathonis'vita, af~et <ro~C6ft.reliquiis. Hall. 1829.

(3) Pausanias d'Athènes, de mœurs corrompues, et uétries par

Xénophon.S~mp.)Vin,32.

(4) Médecinet fils du médecin Acuménns.

LESÉCRITSDE PLATON.320

discours, dont Ëryximaque se charge de fournir le

sujet.Chacun devra faire un élogede l'Amour. L'ou-

vrage, sans l'introduction, se composedes six dis-

cours prononcés par les six premiers personnagesnommésplus haut, et d'un discours d'Alcibiade en

l'honneur de Socrate.

Phèdre, qui a inspiré l'idée decet élogeà Éryxi-

maque, prend le premier la paroleY

L'Amour, dit-il, est le plus ancien des dieux, et

celui qui rend le plus de services aux hommes,en leur inspirant la honte du mal et l'émulation

du bien car en présence de celui qu'on aime

on rougit de malfaire, et on est heureux d'avoir

bien fait. Il donne a tous ceux qui le ressentent

le'courage, et en fait des héros. II n'y a que

parmi ceux qui aiment que l'on sait mourir l'un

pour l'autre. Les dieux honorent les dévouements

héroïques d'Alceste et d'Achille, et particulière-ment ceux qui ont pour objet l'être dont on est

aimé car celui qui aime a déjà sa récompense.Aimer est quelque chose de plus divin que d'êtreaimé.

PaUsaniasdistingue deux Amours comme deux

.Vénus, l'un céleste qui répond à Vénus Uranie,l'autre populaire qui répond à Vénuspopulaire.L'Amour noble et céleste consiste à aimer, non la

jouissance corporelle, maisl'âme; il faut s'attacher

à un ami dans l'espérance de se perfectionner parlui dans la science et dans la vertu. Il est beau, il

est glorieux d'aimer pour la vertu; cet amour

LESÉCRITSDE PLATON. 321

obligeet l'amant et l'aimé de veiller sur eux-mêmes,

et d'avoir soin de se rendre mutuellement ver"

tueux.

Éryximaqueprend le tour deparole d'Aristophane

empêchépar un hoquet violent dont il lui indiquele remède; et montre que l'Amour exerce son em-

pire non-seulement sur le coeurde l'homme, mais

sur toutes les parties de la nature. Les éléments quientrent dans l'organisation du corps humain, et lui

donnent des inclinations particulières, peuvent l'é-

prouver, et, parmi ces attractions réciproques, il

y en a de saines et de vicieuses. Le bon médecin

est celui quipeut détruire l'Amour vicieuxet intro-

duire l'Amour bien réglé dans le corps. Mettre l'u-

nion, l'accord, l'harmonie, l'Amour enfin, môme

entre les contraires, voilà l'art de la médecine, et

on peut dire que c'est à cela que seramènent tous

les arts la Gymnastique,la Musique,l'Agriculture,et même la Divination.

Aristophane, guéri par le procédé de son ami,raconte un mythe sur l'origine des hommes quiavaient primitivement trois sexes, deux visages,

quatre bras, quatre jambes, en un mot tous les or-

ganes doubles. Redoutant leur puissance, et pour

punir leur révolte, Jupiter les a séparésen deux et

voilàcommentest né l'Amour, qui n'est que la ten-

dance de l'être primitivement un, maintenant dé-

suni, à rentrer dans son unité primitive Le désir et

la poursuitede cette unité, c'est l'Amour, et, quandchacun de nous a retrouvéla vraie moitié dont il est

séparé, il retrouve le bonheur.

LES ÉCRITSDE PLATON.322

Agathon reproche à ceux qui l'ont précèded'a-

voir plutôt célébré lesbienfaits de l'Amour .que louéi'Amour même; et cependant la bonne manièrede louer est d'expliquer d'abord quelle est la choseen question, puis quels effetselleproduit.

L'Amour est le plus heureux des dieux, car il est

le plus beauet le meilleur.

Le plus beau, car, doue lui-mêmed'une éternelle

jeunesse, il.,accompagnela jeunesse, parce que le

semblable s'attache à son semblable; il est tendre,car il n'habite quedans ce qu'il y a de plus tendre,

l'âme, et encore dans les âmesles plus tendres par1~subtilité de son essenceil pénètre inaperçu dans

tous les coeurs il est revêtu d'une grâce invincible,car l'amour et la laideur sont partout en guerre, et

il neseplaît qu'au milieu des parfums et des fleurs.

II est le meilleur; car il n'offense personne, et

ne peut être offensé par personne; la violenceest

incompatible avecl'Amour: chacun sesoumet à lui

volontairement. Il est donc juste il est aussi tem-

pérant, puisqu'il domine toutes les autres ;passions.Il est le plus fort des dieux, car il soumet Mars lui-

même. Il inspiretous les arts, et donne à tous ceux

qu'il animele don de poésie. Tout ce qui a vie est

l'ouvrage decegrand artiste, et, de même que la vie,

l'ordre vient de l'Amour qui est l'Amour du beau

car jamais l'amour ne s'attache à la laideur.

Socrate enfin prend la parole, et, feignant de dé-

sespérer'de pouvoir trouver quelque chose de nou-

veauaprès de si éloquents discours, seborne à repro-duire ce qu'il a entendu dire de l'Amour à une

LESËCRtTSDE PLATON. 323

termne de Mantinée, séante sur ce sujet et sur

beaucoupd'autres, à Diotime.

L'Amour est un désir de la beauté or, comme on

ne désire pas ce qu'on possède, il suit que l'Amour

ne possède pas la beauté. Ce n'est pas à dire pour

celaqu'il soit'laid. C'est un être non pas divin, mais

intermédiaire entre les dieux et les hommes, un

démon(1). L'office des démons est de lier et d'unir

les dieux et les hommes, et d'établir le commerce

de ces deux sortes d'êtres si différents ils entre-

tiennent l'harmonie des deux sphères de l'être, et

sont le lien qui unit le grand tout.

Quant à l'Amour, il est fils de Pénia et de Poros,

et a été conçu la naissance de Vénus. Comme fils

de Péhia, il est pauvre, maigre) défait, toujours mi-

sérable; commeËts de Porps, il est toujours à la

piste de ce qui est beau et bon, entreprenant, ro-

buste, passant sa vie à philosopher, enchanteur,

magicien, sophiste. Il n'y a à philosopher quecelui

qui n'est ni sage, car le sage possède la sagesse; ni

ignorant, car l'ignorant croit la posséder et ne la

cherchepas. L'Amour amoureux du beau, et la

sagesseest la plusbelledes choses, est doncphilo-

sophe, c'est-à-dire tient le milieu entré le sage et

l'ignorant.

(t) Ladéûnitiondel'Amourcommeundémon,lanotiondumondecommeuneharmonie,!a beautédésignéemêmecommeharmonie,p. 187et906)ToS~xct)~&p)J.oTïov,rappellentlesdoc*trinespythagoriques.Cf. Lobeek,~~aop/ p. lt36;ProcL,ad ~M&p. 66.Tt.~jtOtSoxEtxod&n~TM~,~p&M~ap' 'Op~t0~K~l:~TO~TO~OeotX~"EpMT&XodStM~MK(JLEY~K'KM!<)~'Jp.Ë'<T<)ctYtt~TNt~at&Mt~<;t&~totouto';up.~ov.

LES ÉCRITS DE PLATON.-324

Lorsqu'on appelle l'Amour le plus beau, le plus

parfait, le plus heureux des êtres, c'est qu'on con-

fond celuiqui aime avec l'objet aimé et aimable,qui est en effetbeau, charmant, accompli, céleste.

Maintenant quel service rend-il aux hommes? Tout

être qui aime le beau et le bien cherche à le 'pos-séder pour devenir heureux. L'Amour, pris en gé-

néral, n'est que la tendance vers le beau et le bien;mais ce nom appartient particulièrement au désir

de posséder toujours le bien et le beau, qui conduit

à la production dans la beauté selon le corps et se-

lon l'esprit. L'union de l'homme et de la femme

est production, et cette production est œuvre di-

vine, en ce'qu'elle constitue l'immortalité de l'être

mortel. Voilà donc l'objet de l'Amour, l'immorta-

lité de l'être, et cette immortalitése réalise par la

génération, qui'n'est possibleque dans la beauté. La

génération conserve l'être et la vie de l'espèce; c'est

la seule forme d'immortalité permise à l'homme,

qui se prolonge dans ses rejetons, et le seul moyen

par où il puisse se perpétuer car tout périt et tout

change dans 1 individu, l'âme aussi bien que le

corps.Les natures grossières ne cherchent à se perpé-

tuer que corporellement; mais l'âme aussi est agitéedu besoin de se perpétuer et d'être immortelle, et

par conséquent d'engendrer dans la beauté, quiseule excite ces ardeurs viriles et ces transports fé-

conds. Les âmes nobles cherchent de tous côtés des

âmes belles, pour y déposer et y engendrer des

fruits de vertu et de sagesse, des enfants plus beaux

LES ~CRU'S DE PLATON. 32S

<0

et plus immortels que les fils de leur sang. Mais

pour arriver a aimer ainsi, il y a une méthode et

un art, l'art d'aimer, ou la philosophie.11faut d'abord chercher et aimer la beauté sen-

sibledans un individu, puis )apoursuivre dans l'es-

pèce et dans le genre, et reconnaître que cette

beautéest dans toutes les chosesparticulières uneseule et même beauté. Aprèscela il faut considérer

labeautédeFa.me commebiensupérieure, s'éprendre

d'amourpourelle et yenfanter des discours propresla rendre plus vertueuse on considérera cette

beauté de l'âme dans la sphère de l'action d'abord

puis ensuite dans celle de la spéculation, c'est-à-dire dans la. vertu et dans la science. Arrivé à ce

degré d'initiation, on n'aura plus devant soi une

beauté particulière, soit de tel corps, soit de telle

vertu, soit de telle science, mais on aura en face

de ses yeux.éblouis et ravis la beauté elle-même,la.

beauté ensoi, éternelle, non engendrée, non péris-

sable, exempte de décadence comme d'accroisse-

ment, au-dessusdes conditions du tempscomme de

l'espace, absolumentimmuable,invariable, toujours

et partout identique àelle-même, universelleenfin

seulecontemplationqui puisse donner quelque prixà la vie,~eule beautéqui soitdigne de notre amour.

Si nous parvenons à la voir, à la comprendre et a

l'aimer, nous seronschérMdes dieux et deviendrons

des êtres immortels.

Sur ces entrefaites arrive Alpibiade ivre, venu

pour couronner Agathon; mis au fait des conven-

tions desconvives,il ne.refuse pas de payerson écot,

326 LES ÉCRITSDE PLATON.

mais ne veut louerni hommeui dieu, si ce n'est

Socrate; il célèbredonc, en racontant plusieursdes faitsde la vieprivéeet militairede son ami,sa sagesse,sa patience,soncourage,sa divineélo-

quenceetsaparfaitechasteté.D'autresconvivessur.

viennentéchaufféspar le vin; l'orgieetia'débaùche

recommencentde plusbelle; peu à peules invitésseretirentdus'eMormeat.SeulsAgathon,Aristo-

phaneet Socraterésistentjusqu'auleverdu.soleil,et

discutentlaquestiondesavoirsi le génietragiquese

confondavecle géniecomique.EnfinAgathonet

Aristophanesontvaincusparle sommeil,et Socrate

sort avecAristodème,va prendreun bain,et serend

auLycéepoury vaqueTàsesoccupationsordinaires.Le sujet dudialogueestclair c'estl'Amourphr-

tosbphiqueou platoniquesLe véritab~ amourest

l'amourdelabeauté, etla véritablebeautéestl'être

universel,éternel,immuable,parfaitem~ beauet

par&itementbon, D~ L'Amour'vzâi.sPô~nfomddoncavecla philosophiequi est I'~l'âmje-vers~a yéMté ~s~ssë)~G~

assidue'et~ardentë des ~cho~~Maes~que~~hiio-

sophen&!doi~paasÈ~ornér~~oûtgrsëtiI,~h~qu'ildoitG0)m~nique~e~répa~ dàns:tou~sl'6sâmes

capables'd~~articipePa ce~ ~bËles~j~~ La `

phuosû~ie~n~est 'ipl~~pRsiâé~ seulement

science;elle ~~ahiOttr~et~

des chosesdivines ,mais~~tn~elle

e~donc-limiërë.et'chat-ït~~`

La Beautén'estqu~d~Aniour; sa finet

ga~ëssencKest~s~ delabeautéi

LES ÉCRITSDE PLATON. 337

dela véritéet de lavertu, desfruitspleinsdevertu,de mérité,de beauté, et dese perpétuerainsi elle-

même.Pourcelalaphilosophieabesoindel'Amour,

qui seul a la puissance,virile et créatrice; elle a

aussibesoindela raisonet de la dialectique;cha-

leuret lumière, amouret dialectique,mouvement

et consciencedela fin de ce mouvement,la philo-

sophieest la suprêmeharmoniede la vie intellec-

tuelleet delavie moraledel'homme.

Ace but supérieurdu dialoguesejoint, comme

presquepartoutdansPlaton,l'intentiondemontrer

soussonvraijour, danssa figurevivanteet idéale,lapersonnedeSocrate,puis d'exposer,enles réfu-

tantdoucement,lesopinionsvulgairesdespoëtes,dessavants, des lettrés ou des sophistesde son

temps.C'est à cela que servent les discoursdes

autresinterlocuteurs.

Unfait assezcurieux,et qui a donnélieu à bien

dessuppositionset des recherchesérudites, c'est

quele Banquetde Xénophonreproduitquelques-unesdës'idéësdu de Platon,presquedansdestermes identiques,et queSocratey exposela

doctrinequePlatonprêtea.Pausanias.faut-il croire

que l'un des deux écrivainsa eu sous les yeuxl'œuvrédel'autre,oùqu'unentretienréeldeSocrateleurafournià tousdeuxlesidéesquileursontcom-

munes? Cettedernièresuppositionne devraitpas

noussurprendre onsaitqueles anciensne dédai-

gnaientpasdecauserà tabledes'plùshautesques-tionsdelalittérature,delapoésie,del'érudition,dela philosophie.LesGrecsont tiré de cettehabitude

LESÉCtUTSDEPLATON.328

un genre littéraire, le dialoguesymposiaque, et ce

genre paraît avoir commencéde très-bonne heure,et du temps même de Socrate.

Jos. Fr. Fischer (1), Fr. Aug. Wolf (2), Ast (3),

Wyttenbach(4), Rückert (5), AI. Hommel (6), ont

donné des éditions spéciales du Banquet; recom-

mandables par la critique du texte et l'érudition des

commentaires. M. Stallbaum indique encore des

travauxparticuliers de MM.Th. Rotscher, A.Schwe-

gler et Fr. Susemihl.

39.LéMénéxéneon!'OfMMM/'MKd6re.

Le Ménéxèneest une oraison funèbre supposée,dont le but est de louer les guerriers morts pourla patrie usage dont on ignore l'origine certaine,mais exclusifet propre aux Athéniens (7).

L'auteur développe le thème ordinaire de ces

discours la supériorité d'Athènes, fondée sur l'é-

galité descitoyens.Les autres peuples sont composésd'hommes de

races différentes, dont l'inégalité d'origine se tra-

duit dans la forme de leurs gouvernements des-

potiques ou oligarchiques. Là, lescitoyens se divi-

(t) Leips.,1776,in-S.

(2) Leips., 182S, 2"cdit.

(3) Jéuâ,18t7.

(4) OuplutôtReynders,quia ajoutéà sesnotescellesdt

Wyttenbach.Groning,,ISM.

(5) Leips., ISM.

(6) teips., t834.

(7)'R.H<'rmann,~<i)-6Ke/<,§M.

LESÉCR)TSDEPLATON. 3:i

sent en esclaves et en maîtres pour nous et les

nôtres, qui sommes frères et nés d'une mère com-

mune, nous ne croyons pas être ou les esclavesou

les maîtres les uns des autres. Nous ne reconnais-

sons entre nous d'autre supériorité que celle de la

vertu, du talent et des lumières ~Se~ ~UM~ir~xe~

~~on~~peT?i<;So~x(t~po~6M<.Les Athéniens seuls

sont de pur sang grec e~txpt~ "E~ve~ ~yet;

psfpëKpMf.L'authenticité a été attaquée par des considéra-

tions assez fortes. On s'appuie sur la compositionde ce discours épidictique, traité tout-a-fait suivant

la manière des rhéteurs et des orateurs ordinai-

res (t). En outre, les opinions exprimées sur la

constitution athénienne paraissent et sont tout a

fait contradictoires aux principes les plus essentiels

de la doctrine de Platon. On signale, dansl'intro-

duction qui amené ce discours, des plaisanteriesassez niaises (2), et des traits peu vraisemblables

dans la peinture des caractères, même de celui de

Socrate; enfin on fait remarquer l'anachronisme un

peu fort qui place ce discours dans la bouche de

Socrate, à l'occasion d'un événement qui n'est pas

déterminé, mais a certainement suivi sa mort de

plus de trois olympiades (3), et le suppose com-

et) Conf.Shonborn!/e6e)'das ~et-MMnt~,tt'e<c/<e))t7~<j'o~ ~eMKeentM:MdemEpitaph.desLysiass<e/ti',Bres)au,tS3o,4..

(~) Par Exempte, 336 cetd f omo5u~ta6p~Totc9Ki ~apicat!}).?!~o"<

(3) Il y est question, p. 345, e, du traite d'Antuicidas qui est

de l'an 387, et Socrate est mort en M9.

LESÉCRITSDE PLATON.ï330

posé par Aspasie, morte depuis plus longtemps en-

core (1).Dansla philosophieplatoniciennequi n'apas, mal-

gré sa tendance spéculative, oublié Je but pratique

que lui avait posé Sccrate~la politique, dont l'é-

loquence est l'instrument, occupe une très-grande

place,comme on peut s'en assurer par les dialogues

qui lut sont consacrés la politique en a trois~e~la rhétorique trois également. Le discours ~MMe-

Mea~nene doit pas surprendre chez le pMIosophe

qui a écrit ceux du P~~<?et du J~~M~. Un écri-

vain qui s'était livré dans sajeunesse à la poésiea

bien pu se permettre une harangue panégyrique.La grossièreté même do l'erreur chronologique

écarte, comme l'a remarque Socher, le soupçond'une falsi6cation;en6n rien ne prévaut contre

l'autorité d'Aristote, qui lecite deux fois (2), confir-

mée, sielleavaitbesoin del'ètre, par Plutarque(3);Athénée (4), Denys d'HaliGaLBnasse(5), Longin(6)

Proclus (7), et Cicérone qui nous apprendqu'elle

(t) yoir.surcedtatogue,Kruger's~t~.jpM<Studien,Berl:;1837;'Ast,Platon's~e6eH,p. 446;ZeHeif,~a< p. 1414.K.Hermahn,Ce~/& d.'PZât..phh.,p.'52Óet677¡'Stallb.,d:ths son cdttioa comptcM, ï'f6!e~ t..tV, sect ï SochëT, ~t6er

.P~<OK'~ScM/i{.

(2) ~e< i, 9. 'Qtc iSMxpoLT~~~EYe~, où ~ct).Eno'< ~9t)'<a!où<

~9ti~<tt'on~o[!V6M;id., Hî, 14. 'OSmxpoiT~v Tm hnTCt~fm..

(3).Tt<e!te<c.24.

.(4}"Xt,p.~06,'e.

(6).Pea~)!~em.,p.l027.

(6)~e~Mtm./XXt!r,4,ëtXXV!n,t.(7)~P<tfM.,t.ï,p.92.

LES ÉCRITSDE PLATON. 331

était, par une dispositionlégale, obligatoirementrécitéechaqueannéeen public(i).

M. Cousin y voit à la fois « une critique (2) des

oraisons funèbres ordinaires, et l'essai d'une meil-

leure manière, le genre admis n (3), c'est-à-dire une

(t) Ctp OM< 44; Plato « In populari oratione, quamos

estÀthehis laùdaruhconcione eos qui sunt in pr(BliMinter-

fecti, queBsic probata est, ut eam quotannis, ut sois, iUo die

recitari necesse sit. Tuscul., V, 12. Synésius,.p. 37, éd. Pet;

Aristid., t.I,p. 86. Proclus, t. IV, p. 22, M. Cousin.

(2) Cette critique est contenue dans le petit dialogue d'intro-

duction. Contre qui cette critique ëst-elte particulièrement di-

rigée? Cen'ost pascontre l'Oraispn funèbredeThucydide,qu'elle

suit pas à pas; il n'y a pas le moindre indice que ce soit contre

Ajcidamas, quoi qu'on en dise, ou contre Lysias, comme le

suppose Spengel,~f«.;Scf!ft., 147; la mention d'Ârchinus,

ume a~ëc !e nom de Dion, ne permet'pas de faire porter ta

conjecture sur l'un plutôt que sur l'autre. Il est plus nature]

et plus vraisemblable d'admettre que la critique de Piaton s'a-

dressetous lesrbëteurs de l'école 8icili6nne,àtomcenx qui ne

donnent pas au moins pour but à l'éloquence une xeritè morale.

Maisil est difficile de voir, avec StaUbaum,.Pfo!e~, p. 17,18,

la plus légère nuance d'ironie dans le discours même. Comment

soutenir qu'il y a une intention Visible d'ironie dans un dis-'

cours que les Athéniens trouvèrent d'une beauté si parfaite,

qu'il devait en être fait chaque année une lecture publique?P

StaUbaum est obligé d'admettre que l'ironie qu'il ya découverteavait échappé aux regards des Athéniens, éblouis par les élogeset aveuglés par la vanité. Elle a de même échappé à cecritique

perspicace et peu enthousiaste de Platon, Denys d'Haticarnasse,

qui l'appelle, de A~M.f! Dem. c. 23, le plus beau de tous les

discours politiques, et Rhet., VI, 1, le propose avec celui de

Thucydide comme le modèle du genre, ~KpctSe[Y))L~KM-fmv~ttM-

<!)!M~;é)pgerépété par Hermogene, Ideis orat., t. Il, c. 10. '0

? TTOt~tj~Ùpt~M~~OYM~TMt)AtO"t06tt~TM; th) S~OU n~KTM-

'<tx6<.

(3) Argum. du ~<& t. IV, p. )77.

LES ÉCRITSDE PLATON332

oraisonfunèbre où, tout enflattant la vanité natio-

nale, en observant les formes et l'ordonnance tra-

ditionnelles du genre, en admettant jusqu'au stytc

d'usage, cependant le caractère, la tendance, l'es-

prit, sont changés. Le Panégyrique devient ici « le

moyen d'un but supérieur, l'élévation morale de

ceux qui écoutent, H et se rattache par la à la

philosophie.

40.LePhédonoude ~Ame.

Thrasylle, qui qualifie cet ouvrage de moral, lé

place commela dernière piècede sa première tétra-

logie, avec le Criton, I'1/M/oyMet l'J?M/H

Aristophane en fait la secondede sa cinquième tri-

logie, qui commence par leC'~<M!etnnit par les

~e~M(i).

Le P~~OMrenferme un doubledialogue, dont l'un

se tient à Phliunte et l'autre à Athènes. Dans une

conversationavec Ëchécrate, où paraissent assister

des personnages muet9 que Stallbaum suppose être

despythagoriciens, Phédonraconte le dernierentre-

(t) Ona contestel'authenticitémêmedansl'antiquhe.Scho!).Aristt.,p. 576,/tt!.~r~<;me<c. 7, p. 99t, b, 1.3. Surces

motsd'Aristote6~SeT~~atSm~to6ïM;~0~ Asc!épiadeob-serve Aristotemontreiciclairementquele.M<MonestdePia-ton. Carun certainPanétiusavaitoseattaquerrauthenticitc

parce,que,soutenantlui-mêmequet'âmeestmortelle,etvou-tant tirer de soncôtéPlaton,il trouvaitdansle Phédonladoctrinedel'immortalitédeFamé.LePhédonestcitéparAris-tote,deCM.e<Corr.,tl, 9 ~e< t, 7, etXU!,5 ~eo! H,2.Cicéron,7'iMC.,t, 32,sebornea direquePanctiuss'écartaitdeladoctrinedePlatonsur cepnintseutement.

LES ÉCRITSDE PLATON. 333

tien de Socrate avec ses disciples et ses amis, dansla prison où il devait subir le dernier supplice. Les

interlocuteurs de cette scène tragique sont au nom-

bre de huit les personnages muets sont plus nom-

breux encore (1).Phédon d'Élis était de noble famille; fait prison-

nier trës-jeune, il fut achetéet rendnà la liberté,sur les instances de Socrate, par Alcibiade, ou Cri-

ton, ou Cébès(2). Il s'adonna à la philosophie (3),et vécut avec Socrate dans une intimité étroite et

tendre, comme l'atteste le dialogue où sa douleur

est si vivementpeinte, et où Platon nous montre le

maître jouant avec les cheveuxde sonjeune ami (4).Il s'était rendu a Phliunte auprès du pythagori-cien Echécrate (5), de Locres, qui avait été obligé

de quitter sa patrie à la suite des persécutions vio-

lentes et des haines populaires soulevéescontre les

sociétéspythagoriciennes.

Apollodore n'est guère connu que par la mé-

lancolie exaltéede son âme, qui lui avait fait don-

(t).Cesont, parmiles Athéniens,Aristobule,Hermogène,Épigènc,filsdeCnton,Eschine,Ctcsippe,Ménéxèneetd'au-

tresquinesontpasnommés;parmilesétrangers,Phédondès,Ëactide,Terpsion.Platonmentionnelai-mêmesonabsence,etl'expliquedanslePhédon,59,c, commedansle Km~, par lamaladie.

(2)Aul.Gell.,n, t8;Macrob..Sat.,t,li;Diog. L.,]ï, 31.(3)n fondaplustardl'ÉcoleËHaque,appeléeaussid'Érétrie,

du nomde)avi)tenataledeMénëxene,sonsuccesseur.

(4)FMd.,89b:noti!:M~~T&ttp:~t.(5)Cië.,(feMM.,V,M;V~t.Max.,V!H,c.7, 3; JamM.,Vit.

~<A.,25o;Diog.L.,Vn!,46.i9.

LESÉCRITSDE PLATON.334

ner le surnom de l'Enthousiaste, ro ~~tx~xx~e~-

6~(1).

Criton, dont les fils, Critobule, Hermogène et

Ëpigène (2), assistent à l'entretien, est le vieil ami

de Socrate que nousconnaissonsdéjà.Simmias et Cébès sont deux amis, et pour ainsi

dire deuxfrères, tous deuxde Thèbes,où Platonveut

qu'ils aient entendu Philolaûsdiscourir de l'immor-

talité de l'âme. Leur ardeur philosophique se tra-

duit par les objections plus ou moins solides qu'ils

opposent à la théone de Socrate. Cébëssurtout se

montre fin, pénétrant, curieux, et moins facileà se

laisser ébranler et convaincre(3).Le lendemaindu jour où l'on apprit quela galefe

sacrée était de retour, tousces amis, et d'autresen-

core, se réunirent pour la dernière fois auprès de

leur maître vénéré. Quand ils entrèrent, on venait

de lui ôter les fers des jambes et de lui annoncer

que c'était lejourdusupplice. Sa femmeXantippe

était assise,auprès de lui avec.un petit enfant. A la

vue des disciples qui venaientluifaire leurs adieux,

Xantippe éclate en.sanglots, et Socrate se sépared'elle enla faisant reconduire à sa maison.

L'entretien commence alors par une remarque

(t) Plat.,Conv.,i73,d.(2)Sonquatrièmefils,Ctésippe,nepeutpasêtreleCtesippe

nommédanste J'A~o~parPlaton,parcequ'ilétaitdudèmedePseanée,tandisqueCritonet séantsétaientdu dëmed'Alopèce.

(3)tt estdifficiledecroirequele Tableau,nh' soitdece

Cébes,puisqu'ony faitmentiondesPenpatéticiensetde&Cri-tiques,àmoinsqu'onnesupposequecespassagesn'aientétéinsérésdansletexteparquelqueinterpolateurmaladroit:

LES ËCptTSDE PLATON. 335

fine et plaisante de Socrate sur le rapport intime

du plaisir et de la douleur, qui se suivent, se lient,

et, pour ainsi dire, se confondent l'un avec l'autre.

Cébès interroge le maître sur les motifs qui l'ont

poussé à faire un hymne à Apollonet à mettre en

versles fables d'Ésope, lui qui ne s'était jamais oc-

cupé depoésie; puis il demande commentil se fait

qu'on dise que la mort n'est point un mal, et que

cependant nul n'ait le droit de se donner là;mort.

A quoi Socrate répond d'abord que~s'il;s'est oc-

cupéde poésie, c'est dansla crainte de n'avoir pas,en s'occupantde la philosophie, qui était pour lui la

grande musique, suffisamment compris l'indication

d'un songe qui lui avait ordonné de s'occuper de

musique. Puis il aborde la difficulté posée parCébes.

On enseigne dans les mystères, e~~o~wn M-

Yo;(1), quenul ne doit se donner la mort; parce

que l'homme est sousla garde (2) et comme la pro-

priété des dieux, et ne doit pas quitter sans leur or-

dre le poste qu'ils lui ont comté.

La mprt n'est point un mal si dans cette vie

mêmel'homme est sous la protection des dieux, il

doit être rempli d'une plus profonde espérance de

(t) Onpeutentendrecemotsoitdesmystèresd'Éleusis,soitde!a doctrinesecrètedesPythagoriciens.

(x)Le <ppoupKpeutsetraduireencorepar Noussommesdanslecorpscommedansuneprison.Lesancienseux-mêmeshésitaientsur lasens.ytMC«! 30:S<w)H.Scip.,p. 43;Cat.jtfo~20. CederniersensestconfirmeparCrotyl.,<oo;c, etBoecM).,PMM.,p. l5t.

LES ECRITS DE PLATON.Mfi

se retrouver, aprèsla mort, sous l'œil de cesmêmes

dieux et dans une condition meilleure.

La mort n'est point un mal, surtout pour le phi-

losophe car la philosophie n'est qu'une prépara-

tion une méditation, un apprentissage de la mort.

Philosopher, aimer la vérité et la vertu, ri'est au-

tre chose que détacher les liens qui enchaînentt

l'âme au corps et la tourner vers l'amour et la con-

templation de la sagesse, amour et contemplation

que troublent les passions et les vices nés de nos

sens. La mort est la séparation de l'âme et du

corps, qui permettra à l'âme de connaître et de

contempler la vérité elle-même, que nous ne pou-

vonsici-bas apercevoirqu'à travers les ténèbres des

sens et les brumes de la terre. La mort qui nous

donne, j'en ai, dit Socrate, sinon la certitude, du

moins la ferme espérance, la mort qui nousprometun tel bonheur, ne peut donc être un mal.

Mais, après cette séparation, que devient l'âme?2

se dissipe-t-elle commeune fumée ou une vapeur ?Nonune autre vie l'attend.

Ici commencele sujet principal du dialogue des-tiné a prouverl'immortalité de l'âme (i).

Une vieille tradition(2) .nousmontre les âmes

(t) Macrob.,S<Mttn..Sctp.,ï,1 «SicinPha:done,incxpugna-bitiuni)uccrationumanimainveramdignitatempropriœim-mortalitatisasserta,sequiturdistinctiolocorumqusehanctitamrelinquentibusea tcgedebentur,quamsibiquisquevivcndosanxent.

(i) nCltÀCltÍÕ;rapporté parOlympiodoreladn~=; p.45et

(2) n~<no4MY°!!rapport<parO)ympMdore(a~PA~<p.45et<03;cd. Finck)auxOrphiques,auxPythagoriciensetàEmpé-docle.

ES ËCRtTS DE PLATON. 337

descendantaux enfers et remontant des enfers sur

la terre donc l'Ame ne périt pas à la mort de

l'homme. Or cette tradition est prouvéed'abord parla loi universelle et éternelle des contraires. Tout

contraire, dans la nature, naît de son contraire; le

grand naît du petit, lepetit du grand. La vie et la mort

sont des contraires nous voyons que la mortvient

de la vie doncla vie ne peut venir que de la mort.

Tout mouvement, tout changement va d'un

contraire a l'autre l'un est le point de départ, l'au-

tre le point d'arrivée. Le passage de l'un a l'autre

est rempli pardeuxmoments ou états, suivant quelemouvementse produit du premier contraire au se-

cond ou du second au premier. On passe du som-

meil à la veille par le moment qu'on appelle se ré-

veiller on passe de laveille au sommeil parle mo-

ment qu'on appelle s'endormir. On passe de la vie

à la mort par le momentintermédiaire qu'on ap-

pellemourir; et si la nature n'est pas boiteuse, si la

loi du changement et dumouvement reste univer-

selle et permanente, il faut qu'il y ait un mouve-

ment en sens contraire qui de la mort ramène à la

viepar lemomentintermédiaire qui est l'acte dere-

naître ou de revenir des enfers. Sans cette alterna-

tiveet cette récurrence éternelles, toutes les choses

vivantes tomberaient bientôt dans l'empire de la

mort, et la vie disparaîtrait de la nature (1).

(1)Autrementdit L'âmeest unesubstancedontlepropreestlnvie.et lavieestmouvement.Ortemouvementdel'âmenepeutlui faire-perdresonessencepuisqu'ilestdesonessence:lamortn'estqu'unefonctiondelavie.

LESÉCRITSDE PLATON.338

II. La réminiscence connrme encore la doctrine

de l'immortalité de l'âme, ëi apprendre n'est que se

souvenir, il-faut que nous ayonsappris dans une vie

antérieure ce que nousnous rappelonsdanscelle-ci.La réminiscenc&estunfait psychologiquedont nousavons tous conscience. A la vued'un objet, la~pën-séed'un autre objet uni au premier par quelquerap-

port, soit deressemblancesoit de différence,s~veiHeen nous en voyantune lyre s'éveille la penséede

l'ami qui s'enservait. G'est ainsi queles chosessen-

sibles quenouspercevonspar les sensations réveil-lent en nous des idées universelles que nousne de-

vonspas au corps, qui préexistentà toutesensation,

que nous avonseues de tout temps, et, par consé-

quent, avant même dena!tre. Donc l'âme, lieu de

ces idées, a vécu et pensé avant de vivredans ce

corps; et parla loi de l'alternative, il faut bien que,sortant du sein de la mort pour arriver la vie pré-

sente, elle existeencore après la mort qui l'attend,

puisqu'elle doit retourner encore Mavie.

ïll. Onpeut fournir encore un autre argument

del'immortaUtédel'àmë.Lamort ne se peut com-

prendre que par la.dissolution; orla dissolution ne

peut atteindre qu'une substance "composéede par-

tiessêparaMes. Le corps est composé)etil a les ca-ractères de tout ce qui est composé perceptibleà

nos sens.changeant .périssable mais l'jame est

simple, car elle échappe à nos sens. Comme le

semblable est connu par le semblable, et qu'elleconnaît les Idées simples, identiques, permanentes,l'âme est doncsemblableaux Idées, c'est-à-diresim-

LESÉCRITSDE PLATON. 339

pie, identique, permanente, éternelle comme son

objet. Sonacte, qui est deconnaître, n'est pur quedans la contemplation du. suprasensible, et lors-

qu'elle fait taire en elle les impressions des sens,

lorsqu'elle se sépare, pour ainsi dire, du corps pourrentrer enelle-meme;ellecommande au corps, et

par conséquent s'en distingue donc elle n'a pasà craindre la dissolutionqui le frappe après qu'il

est tombéen poussière,elle vit et dure.

Mais à ces arguments Simmias et Cébès oppo-sent des objections. Le premier dit L'âmeest-elle

vraiment une substance? ne pourrait-elle pas être

simplement un rapport, une proportion, une har-

moniedes parties du corps qui se dissiperait avant

même ladisparition totale des parties (i)? Et Cébès

objecte qu'en accordant mêmeque l'âme ait vécu

avantlecorps et soit par sa nature plus durable,rien ne prouve qu'elle soit éternelle. Le corps estcomme un vêtement qu'elle porte et use; elle peuten porter et en user plusieurs; mais qui nous assure

qu'elle.ne s'épuise pas peu à.peu à porter tous ces

vêtements,a animertous ces corps, qui nousassure

que le corps que nous avons en ce momentn'est

pas ie dernier qu'elle aura la force de vivifier et

d'animé! et qu'il ne durerapas plus qu'elle?A !a premièreobjection, Socrate répond qu'eue

est contraire à la réminiscence, qu'admettent ce-

(1)Cio.,7'!MC., iO,attribuecetteopinionpythagoriciennea ATHtmiëne~tpainscofporisintëntionemquamdam,ve!ut

incantu,etf[Qibus;qu~ta)rmonia~icitur,sicexcorporistotiusnatura,et Agurà.variosmotuscieri,tahquamin cantusonos.

LES ÉCRITS DE PLATON.340

pendant ses deux amis si l'âme a vécu avant le

corps, elle n'en peut pas être l'harmonie. L'harmo-

nie a des degrés l'âme, en tant qu'âme, n'en sau-

rait avoir; toute âme est toujours et en chaque être

également une âme. Deplus, les diverses vertus de

l'Amese peuvent aussi ramener a l'idée de propor-tion et d'harmonie il y aurait doncdes harmonies

dans une harmonie, ce qui n'a pas de sens. En-

fin le vicepeut et doitêtre considéré comme-le con-

traire de l'harmonie comment l'âme, sielle estune

harmonie, pourra-t-elle renfermer son contraire?

H faudra donc admettre, puisque toute âmeest éga-lement âme; que toute âme est également harmo-

nieuse, mêmel'âme des animaux; c'est-à-dire que

personne n'a ni plus ni moins de sagesse et devertu qu'un autre, que toutesles âmesrestent tou-

jours également sagesiet vertueuses, puisque, étant

harmonie; l'âme ne peut cesser d'être harmonieuse,et que lavertu est harmonie, D'ailleurs, c'est unfait

de conscienceque l'âme comtBande~~a~ le

faitohéir a.ses ordpes~

si rame n'est qu'un Gertain état d~ plus ou

moins tendu ou détendu M~o~MM~M et re-

.~M~Mt.

Pourrènverser les objections deGébës, Hfaut ex-

pliquer ce que c'est que l'essence, cause vraie de

l'existence etdë la nature dès choses; et àce proposSocrateraconte ses premièresétudes phifosophiques

dirigées d'abord sur la nature, puis ses grande~

pérances excitées,par le ):n~~ d'A-

naxàgore, qu'une raison divine a ordonné l'univers

LESECHiTSDEPLATON. 341

et y conserve l'ordre qu'elle a établi puis ses dé-

ceptions en voyant que, dans l'explication des

choses, ce philosophe ne faisait,- pour ainsi dire,

aucun usage de sa maxime. Pour lui, il .enest ar-

rivé à croire que la cause vraie des choses de la

nature consiste dans une Idée, c'est-à-dire dans un

principe interne, essentiel, simple, incorporel, su-

prasensible immuable,Éternel, qui fait que les

choses sont ce qu'elles sont (1), et qu'elles ten-

dent a leur perfection. Lavraie essence des choses

est leur perfection.

La matière est ce sans quoi la cause ne pourraitêtre cause ellen'est donc qu'une causecoopérante,

ou un moyen(2).

Chaquechosen'est ce qu'elle est que parce qu'elle

participe, soit par présence, soit par communica-

tion, 6ÎTEXOtW~M,SÎT6TtNpOU~, une N00. ÏOUtC

chosegrande est grande parce qu'elle participe a. l'I-

dée de la grandeur; toute chose belle est belle

pMcequ'eIIeparticipe à l'Idée de la beauté. Cen'est,

i) est vrai, qu'une hypothèse; mais on peut la con-

sidérer comme vraie, si, en examinant toutes les

conséquencesqui en dérivent, on reconnaît qu'elles

s'accordent entre elles. D'ailleurs, rien n'empêche

qu'on ne chercheun autre principe plus général et

plus sûr, jusqu'à cequ'enûn on arrive un principe

qui satisfasse pleinement la raison. Jusque-la on

(t) M:V.Cousin « L'idéeestdanschaquechoseFeMment

intMieui'et essentietqui,S'ajouiant&)a matière,l'organiseetlui donnes!t forme.L'idéeest )e typeinternedetoutechose.«

(2)EuvxfTto~.Phécl.,99.c Politic.,Mt, e; '7'<m.,'tn,d.

LES ÉCRITSDE PLATON.342

peut se tenir à ceci toute chose est ce qu'elle est

par sa participation avec une Idée,, et toute Idée

existeensoi.

Maintenant, les Idées n'admettent pas, comme

les choses, leurs contraires Simmiaspeut être à la

fois grand et petit grand par rapport à celui-ci,

petit par rapport à celui-là mais la grandeur ne

sauraitêtre petite, ni labeauté, laide. Lescontraires

naissent les uns des autres, mais chacun d'eux ne

peut être contraire à lui-même. Et non-seulement

les Idées n'admettent pas leur contraire, mais les

choses mêmesqui, sans avoir de contraire, contien-

nent nécessairement uneIdée qui en a un, n'admet-

tent pas ce contraire. Ainsi trois n'a pas de con-

traire, -mais il contient l'Idée de l'impair: il ne

pourra donc pas admettre l'Idée contraire, c'est-à-

dire celle du nombrepair.

Transportons ces principes à l'âme l'àme n'a

pas de contraire, mais elle contient la vertu essen-

tielle de la vie, qu'elle apporte partout avecelle,car c'est elle qui fait vivre tous les corps qui vivent.

Donc l'âme ne peut admettre la mort, qui est le

contraire de la vie. Si la mort se présente, l'Ame,

plutôt que d'admettre cecontraire de la vie, se retire

immuable et intacte, et il n'y a que le corps qu'ellecesse d'animerqui est sujet à dépérir (1). Ce quenous appelons la mort n'est proprement qù'un

(t) Cetargumenttirédeta naturedel'âmeseretrouveRep.,t. 353,a; Ze~ X, 80S.SaintAugustinl'a empruntéde7m-mort.<M!tm.,§14sqq.Hreposesurl'identitédeFidéedel'âmeetdel'idéedelavie.

LESËCRÏTSDE PLATON. 343

autre mode de la vie. L'Ameest immortelle. Il y a

des conclusions pratiques à tirer de ces vérités

spéculatives.L'âme est immortelle; une autre vie

l'attend, mais cette vie seraheureuse ou misérable

suivant qu'elle aura mérité, par ses vertus ou ses

vices, d'être l'un ou l'autre. Le mythe antique ex-

prime cette croyance universelle après un juge-ment solennel auquel il faut toujours penser et tou-

jours se préparer, les âmessont conduites, les une!-

aux enferspour y expier leurs fautes et s'y purifier

parlechàtiment et le repentir, les autres dans des

dentures célestespour y jouir, avecles âmes pures,d'une vie bienheureuse. Socrate, &ce sujet, fait

une descriptionassezobscure delà terre, des lieux

célestes, séjour des âmes bienheureuses, des lieux

souterrains, théâtre deschâtiments et des supplicesdesméchants.

La.dernière partie du dialogueest remplie par les

dernières paroles de Socrate à ses amis, ses adieux

a.ses-fils, a.sa femme, à ses parentes; par la scène

héroîgue,et tragique où il boit le poison avec un si

fermecourage, une sérénité si touchante et si vraie;

par la peinture de la douleur et des larmes de ses

amis; enfin, par quelques détails sur sa mort.

On aperçoit dans cet admirableouvrage des in-

tentions diverses, fondues par un art suprême dans

une parfaite unité. Il est évidentque Platon voulu

présenter une image de Socrate capable de toucher

les âmes, d'exciter l'admiration,le respect, l'amour,

et, chez ceuxqùîTavaient condamné, un éternel re-

mords. C'est l'élément poétique dé l'oeuvre, qui en

3H LESÉCRITSDE PLATON.

fait, en opposition au mime comique du Pro~o-ras, une tragédie d'un si touchant pathétique.

La partie philosophiqueest contenuedans lesar-

guments de l'immortalité de l'âme; arguments so-

lides, profonds, mais qui n'ont pas pour Platon lui-

même la force d'une vérité démontrée (i). C'est

une foi, une espérance dont il faut s'enchanter, et,

pour ainsi dire, embaumer son Ame. Cettelongue,

calme, profonde discussion, soutenue avec tant de

grâce et de gaieté aimable, sur l'immortalité, parun homme qui va mourir, ajoute encore a l'effet

dramatique 'de la scène. Le contraste est saisis-

sant, il pénètre et enlève l'âme. Ce rire serein fait

involontairementjaillir les pleurs. C'est par là quese révèle l'intention du moraliste. Ce n'est pas seu-

lement par des raisonnements qu'on peutapprendreaux hommes à bien vivre et à bien mourir, c'est

surtoutpardes exemples; et quel plus, grand,plus

héroïque, plus touchant exemple que la mort de

Socrate, qui, fort de sa consciencepure, de sa vie

sans reproche, soutenu aussi par une conviction

éclairée et une doctrine rénochië, ~voitarriver le

moment suprême avec calme, sérénité et presqueavecun sourire Le Phédon, ce chantdu cygne(2)

(1)Phédon,84,c, d; 85,c; 90,e;9t,a,b; 107,sqq.Eonf.f~

CM'Ï'M~M<t, il ''Evotvediligenter,inquit,Ptatoniscumtfhcumquiestdoanimo am~iusquoddesi()Ct'eS)nihi)erit.

Aquoil'a~diteui'repottd «Fect,mehercule,et,q'udetnsa;-

pius sednescioquomodp,dum lego,assentior;quumposuilibrum,et ntocumde immdrtatitateanimorumccapicogitare,assen~ioomaisinàctabitm'.

(2) PM~8&,nb.

LESMCRtTSDEPLATON. ~4S11. Il

expirant, cherche moins à démontrer dialectique-ment une thèse qu'àcommuniquer aux âmes une

forceet une vertu morales. Voilà pourquoi Platon ya déployétant d'éloquence,d'art et depoésie. Car la

poésieet Fart, la beauté, en un mot, a seule le don

desoulever les âmeset de les porter a l'admiration,

et delà à l'action du moins à Faction intérieure,c'est-à-dire à une détermination libre de la volonté

vers le beau et le bien.

Les éditions spéciales les plus estimées du /V~-

don sont celles de Wittenbach, Leyde, 1830; de

Heindorf, Berlin, 1810. Cetouvragea été, enoutre,

l'objet de travaux très-nombreux et distingués dont

je citerai seulementles plus importantsFranc. Pettavel De .e~M ~M~Ms<i~~

f/a~. anw~MMMMMO~a~e/eH~Mr~ Berlin,

18'IS.H.KuhnhardtP~a~M'~P~Lubecit,18t7.

Ch. G. HiJdebrand De~/a<. a?M/oyo~M/~œ~

MMcr!M~, Dusseldôrf,1836.

Ad. Schmidt ~M~a~'o~MM~?' <?MWM

~6B~o~ee~~e~<i!,Hal. 1827..Van Beck Câlkoen de Plat. ~<p~'o Utrecht,

1830.

Wiggers J?.r~?:e~~MM!. Plat. ~'o M!M!o?'

~M!?M~Rôstoch,l803.

Les Scholies*d'Qlymp),odore,leseutdes nom-

breux commentaires des anciens sur le jP~~o~quinoussoit resteront été imprimées éditées pour !a

première fois par Christ. Finck, Heitbronn,1847.

346 ''L~M~i~MN;

~s$~ ~M~P&

.Le~jR~u~~t~ti~ ~-j,n'~,Pascoypris

dans~Ês~ca~~ ~orz~tedans cèllé.de

-s~lea~

,,co~~Ê~ ,u,

"e~j~sf~t~ ,nç~bre~ çee

~S<$~~M~~&~ (2)' ya~d~s

~g~~tM~~a~ faotplû~eùrs

.iëjL§~~ ma~squ~~e~so~t~asyn~mrriésetne

~prennent~~fl~~ L'exorid,ef4r.t

'S~~N~ ,positye,ét~d~~mat~qu,eest

une thèse~à~é~ontrèr~,ou d'md~,çat~ôtl~êmede.la

~~ScSM~~ëu~$~t~~ sans

.~eaj~e~s~ c~uele~co~~nien.~g~~pt~~la~i'inde,Q~ag~n~ acheve~~t~)',

.t~ r.en~plâce

'S~ ~ôut£len9me~t_siwrareeN~gr~pS~ c'estunpersoi~tiage

"d'NwMi~Ï'ta~ avmt,lamaasusé~e~éttrehbëtte;p~et~que.y

,ë)~!M~~ znconna:=Flatonylénommef1s

,<ËataM~ mémegme~toentiQnn~dans=leCratylë,p ssr~~Cest=~leutt~hoznmeqmsedeclaréaudi:

~të~K~~tgt~p~a,~

~)S~a.~n~MjMi~i~J~~o~rp-~33!

~DE~L~T~. 34?

pablede~pMcuT~àitoûslës~hommesune~ie heu-

reuse(t).Philëbe et ~rotafque sont d'avi~q~leplaisi~~Soëi~të~Soutientque:c'est~l~

ipl~e~asi~)~~ ïnültîplie;et

~sës~~tie~ionâë~'sc'nt non=seulemèritdiffé~

~reStës-a~js~contrài~~ cesser.d`'~tre

~t~ rioir'ét 1`eblaüc''sontrcb~tï'àirés

~6~:<)~IëuK~Bo~l~~là;scrëùcèli'elt~ent-

:i~a~ ~enetre

~pItU~M~t~~ °cyes't'ûrié'grôsse

~~<aM~)Lië~ 's'agît.pâ~icitle'cho-

~s~a~~Ujë~i~~ °oû=ilest.facilè et

!j~~a!t~ cüttéon en

'eRë~Ss~ 'qué plûsn'ùr's`sôzity. TI.°s'à~

~d$:ë@8~u!tttë~ là gërié-

~ë~N~~ t è~mmè~:pàrvexèmple

!B~ beau'

~Mg~~aN~i~~ souvoralnbten;tan~âgttée3darisl'aat~qp~ÿe,.eta4t~geopar~pnulesSoorahqu~s,qu!~llodkv~sa~t.

~A~ ugueiPlaton,~ysemble~airealhusion,a~tt~oate&~lacaos~d&ptaMfSjPA~e~,4~7,c aTa,ç~,$ovxc~ts

~S~ L~ûôhdelepïé·~~mtë~je~Ë~ sëarfond,,atèûrsPtïédbu

~~M~S~i~~q'ui~UM;ëtm~~ pli~st 1mtél~yenceetla soienceCü,&~M~Mm~ ~d,ûonumsoluqressedicébàrit,

:~(t<i~~Mi~~ i3tidèm~s8m~rern Giç.,bd.~~JH~ b`on~my ipïe_~te po~itum et ,~ep-

~M~~ag; Tells ana~l.l~oplni,nn~~N~S~ us 0

~~S~M~~ ~~V~~eee~irl·

LES ÉCRITS DE PLATON.348

bon car à l'égard de ces sortes d'unités in-

telligibles,I. On conteste qu'elles existent réellement

11. On demande comment chacune d'elles peutêtre affranchie de la loi de la génération et de la

corruption;III. Enfin on doute si l'on doit dire que ces unités

sont répandues, en se divisant et devenant plu-

sieurs, dans la, multitude infinie. des choses sen-

sibles, ou s'il vaut mieux croire que dans chaque

objet chacune est tout entière, auquel cas elle se-

rait hors d'elle-mêmeet existerait à la fois dans une

et dans plusieurs choses(i).Toutes les chosesauxquelles onattribue toujours

retre(2) sont composéesd'un et de plusieurs, du fini

et del'infini, et cette loide l'existenceestuniverselle

etéternel)e;maisel!e n'apprend pas grand'chosè. Il

faut découvrir, mesurer; calculer, définir par des

nombres ce rapport de l'un à la pluralité, du finià

l'infini. Ainsi, après avoir trouvé l'Idée une danss

une pluralité, il faut chercherdans, cette Idée une

les espèces ou parties qu'elle contient en soi, et

combienelle en contient. Ce n'est pas savoir la mu-

sique ni la grammaireque desavoir que la voix est

une et plusieurs; mais il faut connaîtrele nombre

de ses éléments et de ses intervalles distincts, et

(t) Lesquestionsposéesnoreçoiventici aucunesolution,et

mêmenesontsoumisesàaucunediscussion.

(t) Jecroisquec'estparunefausseconstructionqueM.V.

Cousina étéconduita traduireTm~&tt).tYott~MyehM aux-

quellesonattribueuneexistenceeternc))e.

LESECRITSDEPLATON. 34t)

20

quels ils sont. Connaître les intermédiaires entre

l'unité et la pluralité, c'est ce qui distingue la dia-

lecliquede l'éristique.Pour savoir si le souverain bien est le plaisir ou

la sagesse, et pour bien savoir ce que c'est que le

plaisir et la sagesse, il faudrait donc les diviser en

leurs espèces maiscettedivisionn'est peut-êtrepasnécessaires'il est vrai que le souverainbien n'est ni

l'un ni l'autre, mais une troisième chosedifférente

des deux et meilleure que toutes les deux. Car le

bien étant parfait et ayant pour caractère de se suf-

fireà lui-même, ni le plaisir sans la sagesse, ni la

sagesse sans le plaisir, ne remplissent ces condi-

tions sans intelligence, sans conscience, sans mé-

moire, sans attente, sans espérance, on ne sau-

rait ni espérer, ni se rappeler, ni même percevoirla

sensation du plaisir. Toute sensation dont on n'a

pasconscienceest comme si elle n'était pas.Le souverain bien ne peut donc consister qu'en

un mélange du plaisir et de la sagesse; mais dans

quelle proportion doit être'fait ce mélange, et quelélémenty doit dominer2 c'est ce qu'il s'agit de re-

chercher.

Il y a dans la nature des choses quatre classesà

distinguer`

1. Cellede l'infini, quiest de sa nature multiple,

toujours trop ou trop peu, perpétuel changement du

plus et du moins, opposéà toute limite, à toute me-

sure Bxe,à tout nombre. v

2. Il y~ la classe-des êtres contraires, qui ren-

ferme tout ce qui a une mesure, une limite, un

3SO LES ECRITEDE PLATON.

nombre fixe, clair, constant, et qu'on peut appeler

le genredufini.3. La troisième espècecontient tout ce qui est

produitparleméisnge des deux autres, et que la

mesure qui accompagnele fini fait passer à l'exis-

tence. Cette limitation mesurée de l'infini produitla santé, l'harmonie, la beauté, la force de toutes

choses. -Y'

4. La quatrième estia causeproductrice decemé-

lange, et, parconséquent, la causecréatrice et for-

matrice de tout ce qui devient(i).Le plaisir est de l'espèce inférieure de l'infini,

toujours en mouvement du plus au moins ou du

moins au plus; il n'a en soi ni oommëncement,ni

milieu, ni fin, ni mesure ni nombre il ne doit

donc pas dominer dans le mélange.

L'inteNigeace, ou la sagesse, est bien au-dessus

du plaisir, car elle est de la même famille que la

cause, et à peu près du mêmegenre. La est

la reine du'ciel etdë la terrb. ~l'n~ 'pouVonscroire que~'ûrdre de l'univ~ soit d<\auhasu'l'd,commentn~admett~ pas, pŒl1Í'enexpliquerles merveilles,Uneintelligence, et, parconséquent,une âme qui en soit la cause, l'intelligence ne pou-vant résider que dans une âme? ;Et, de Hi~me'quenotre corpsest tiré des élémentscorporelsqui cQns-

tituent le corps du monde) d'où pourjions-nous

(~ OndOjt.emaj'que)'jcll'it)ilueBcedes idéespythagori-c~ehnes,commele fait, observerProolus,Meo!??< Ij s,

p/ts: n!,7, p/lït; Com~ (t~ p.26et 54.Conf.

Boeckh,jP/M~ao~,p. 47;

LES ÉCRITSDE PLATON. 3Ht

,avoirtiré notre âme, si le monde n'en avait une

dont la nôtre est une parcelle (1)? Ainsi, non-seule-

ment l'âme de Jupiter, mais l'âme de l'homme est

cequ'il y a deplus semblable à la cause, et par con-

séquent, tout cequi se rapporte à elle est d'une ca-

tégorie bien supérieure au plaisir.

II fautnéanmoinsentrer plus profondément dans

l'analyse décès deux grands phénomènesde l'âme.

Le plaisir appartient au genre de l'inuni, mais

sesespèceset ses formes déterminées ne tirent leur

origine que du mélange de l'infini'et du .fini; c'est

lorsque dans ce mélange, qui emporte l'idée de

changementet demouvement, l'harmonie naturelle

del'etre est rétablie, qu'il y a plaisir; il y a douleur

quand elle estdétruite. Telle est la loi de la condi-

tion humaine, qui marque l'infériorité de notre

nature, puisque le plaisir môme enierme l'idée d'un

besoindouloureux qui l'a précédé. Les'dieux seuls

en sont exempts.Outre ces plaisirs de la sensation, il y en a qui

reposent sur l'attente de l'avenir, et qui supposentla mémoire du passé c'est de la quenaît le désir,

qui, cQnjmeces sortes de plaisirs, est un phénomène

(:))C'estencorelà unedoctrinepythagoricienne.Diog.L.,VIII,28.PythagoreenseignaitetvKtT~~u~~~oa-~M~Ke~po~,c'est-a.difeque!'âmehumaineestuneparcelledétachéedel'Amedu woRde.Cic.,<fejv~.D., I' 11, NamPythagorasquicen-suitanimumessepernaturamrerumintentumetcommeantem,exquoaojiminostt-icarperentur.ca~ c.ai « Audie-))!nnJPythagoramPythagbreofqueomnesnunquamdubitassequinex.univeFsameote~iYinàdetihatosanimoshaheremut..·

Conf.Proo!Meo~.Ma<p.99.

LES ÉCRITS DE PLATON.352

de l'ame.Cesplaisirs néanmoins nesontpaspurs,carvoicicomment ils se produisent. Le corps éprouvantun besoin,un videdouloureuxqu'il ne peut satisfaire,

l'âme, en espérant ouen se rappelantl'objet qui doitle faire ou l'a fait cesser, se procure un plaisir pro-

pre, mais qui se mêlea une souffrance du corps et

celle-cicorrompt la pureté de sa propre jouissance.Il faut, pour bien connaître la nature duplaisir,

ne pas oublier qu'il y a de fauxcomme devraisplai-

sirs, du moins quant à leur objet; car ces plaisirsnaissent des images que la sensation a déposéesdans nos âmes, et les images pouvant être fausses

peuventproduire en nous de faux souvenirscomme

de fausses espérances, et par conséquent de faux

plaisirs. Le plaisir est positif, et non pas seule-

ment, comme on le prétend quelquefois, une

exemption de la douleur; mais il est lié à la dou-

leur~puisqu'il est lié à la satisfactiond'un besoin,état douloureux par lui-même. Il résulte de là quela vivacitédu plaisir dépendde la violencedes be-

soins, et est le partage des intempérants étudesma-

lades plutôt que des hommessages et sains.

Non-seulementle plaisir est lié à la douleur en ce

qu'il lui succède, mais, en certains cas, il se mete à

elle et coexisteavec elle dans le même sujet et le

mêmetemps.Ainsil'homme qui a lagalesouffrede la

démangeaison, et jouiten mêmetemps d'un très-viff

plaisir s'il se gratte. Ce mélange inséparable a lieu

non-seulement dans le corps, mais dansl'àmc, dont

certainespassionsqui lui sontpropres, telles que la

colère eti'amour, sont a la foisde cuisantes douleurs

LM8ÉCRITSDEPLATON. 3;i3

20.

.et d'ineffables plaisirs. Certains arts provoquerontnécessairementce mélange la tragédie, par exem-

ple, où les larmes sont délicieuses, la comédieoù

le rire a pourobjet le mal d'autrui joie malsaine

qui ne peut naître que du sentiment douloureux

de l'envie que l'on porte à son prochain. Et il en est

ainsi, non-seulement au théâtre, mais dans la tra-

gédieet la comédiehumaines, qui unissent intime-

ment le plaisir à la douleur. Le corps sans l'âme,l'âme sans le corps, et tous les deux en commun,

éprouvent mille affectionsoù la douleur est mêlée

au plaisir.

Cependant il est quelques plaisirs où ce mélangen'a pas lieu ce sont ceuxqui naissent de la satisfac-

tion de besoins dont la privation ou n'est ni sentie

nisensible, ou n'est pas douloureuse. Telles sont les

plaisirs que nous procurent les belles couleurs, les

bellesSgures, et souventaussi les odeurs et les sons

ajoutons-yles plaisirs de la science, car le désir de

sa.vair.ne cause pas, au commencementdu moins,une vraie douleur. Il faut entendre ici non les

beautésréaliséespar les arts, maisles beautés idéa-'

les que ceux-cicachent sous leurs formessensibles,

en même temps qu'ils les révèlent. Or ce sont là

les vrais plaisirs, parce qu'ils sont purs, purs de

douleur, et non parce qu'ils sont les plus vifs les

plus vifsétant, commenous l'avons vu, mêlés à la

douleur.

Mais~~mèm~dans cet état de pureté qui cons-

titue sa vérité, le plaisir est relatif, a toujours un

but. autre que lui-même, est toujours en voie de

384 LESÉCRITSDEPLATON.

génération, en un mot est un phénomène mobile,

fugitif, sans permanence ni identité, n'ayant

pas d'existence par lui-même. Il a pour butle bien, et n'appartient donc pas à la classe des

biens.

EnSn, il ne peut être le souverain bien, parce

qu'alors il serait la mesure de la valeur moraledesêtres. Souffrirserait la marque delà méchanceté,

jouir celle de la vertu proposition que l'observa-

tion et la conscienceréfutent suffisamment.

L'analyse de la science est plus brève et plus ét-

oile quecelleduplaisir.Il n'y a p~sde sciencede ce qui passe, de ce qui

change, de ce qui n'a aucune Bxiténi stabilité. Ces

objets, en se mêlant à la science,la corrompent etla rabaissent. II n'ya de vraie science que de ce quiest universelet nécessaire telle est la dialectique.Danschaquesciencemême, il y ena deux;l'une qui

a pourobjet;Ieconcret; lesensible, pourbutl'utilitë

pratique; l'autre qui apourobjeti'abstcait, l'univer-

sel, le nécessaire; et se proposeuniquement la vé-

nté. Tel est le vrai principe de la hiérarchie et delà

classificationdes sciences. Les unes sont pratiques,

ont pour objet les besoinsnécessairesde la vie; les

autres servent à l'embelli et à reanoMir. Les plusbelles sont celles qui ge~hent aux mathéma-

tique~, qui emploient J&t ïe nombre,telles

que l'anthmétique, j~j~ la statiqae les

autres sont la musig~m vulgaire, l'a-

griculture, rarL aau~q~e stratégie, tl y a de

plus deuxsortes <te ~éométr~e~de musique/de

LES ÉCRITSDE PLATON. 3SS

médecine,suivantqu'elles seproposent un objet tout

pratique, ouun objet théorique et scientifique (1).

Nous avons dit que le souverain bien pourl'homme consistait dans un mélange de la sagesseou science et du plaisir; mais comment faire ce

mélange? Pour être parfait, il doit réunir les ca-

ractères suivants la vérité, la proportion, la

beauté. La notion du bien s'évanouit ainsi dans

celle dubeau (2). Or, en prenant ces trois carac-

tères pour mesure du mélange, nous devrons yintroduire toutes les sciences, même empiriques,mais en exclure les plaisirs qui naissent de la folie

et de l'intempérance, et n'y laisser entrer queceuxqui tiennent le plus à la raison et qui accom-

pagnent la tempérance, la science, la sagesse. Et ce

choixmontre que des deux élémentsdont le souve-

rain bien de l'homme se compose,le plaisir ne peut

pas prédominer; car le plaisir est trompeur, et le

mélangedoit être vrai; Je plaisir est sans mesure,et le mélangedoitêtre harmonieuxet proportionné;

(f)StatlbàumdécouvrecinqdegrésdaMla classincationdesarts~tdessciBnces:,l.Ladtale~tiquepulaphilosophie.2.Lesmathématiquespures.3. Lesmathématiquesappliquées.4.Lesartsmanuelsqutetnpruuteutau'!naathématiquesquel-

quechosede teurprecistonetdeleurclarté.5.Les,artsmanuelsuniquementfondéssurla pratiqueexpëri-

mentaIe_j6t~traLngersaIathéqne.(2)Hest très-remarquablequetapluralitésetrouveparcette

définitionauseindel'tdéedubien ilestvraiqu'ilnes'agitpasdubienabsolu,maisdubienrelatifa l'homme.

LES ÉCRITS DE PLATON.356

le plaisir est souvent. laid et honteux, et le mélange

a pour caractère la beauté. Or la sagesse réunit

précisément ces trois caractères du bien.

On peut ramener à cinq classes les biens dont se

compose ce bien suprême, et établir entre elles la

hiérarchie suivante

Le premier des biens est la mesure,le juste-

milieu, l'à-propos.

Le second est la proportion, le beau, le parfait,

ce qui se suffit a soi-même (1).

(t) Que sont ces deux premiers biens, et en quoi difterent-itsl'un de l'autre? C'est ce qu'il n'est pas fàcile de déterminer.

Stattbaumcntend par le premier "Idéalités optimse, seu summi

boni, Tofthto~, idque idcate, dans la mesure où l'esprit hu-

main peut ta comprendre. Cen'est donc pas l'idée objectivect ab-

solue du bien, comme l'interprètent Trendelenburg etK. F. lier-

mann. Le second est "Vitaoptima ad idem illius Memptar

conformata, sive summumbonumad quod homini enitendum,

Te~u.~ptYt~vof, ïo reale. t) est bien difficile d'admettre et

presque de comprendre cette interprétation. Si ce second bien

est la réalisation du premier, comment n'enferme-t-it pas tous

les autres? Trendelenburg comprenait par cesecond bien :<'J[dea!

boni simulacra in rerum natura expressa. Mais alors tous les

phénomènes de la nature en feraient partie car il n'en est au-

cun où ne britte un reflet de l'Idée du bten ou de la penséedi-

vine. Ast, Platon's Leben, p. 296, propose t'interpretation sui-

vante

<.TA~Eptt<,tatimiteet)acauseïtmifaote.2. 'r&axetpw. (Maiscomment t'indeuorpourratt-it être un bien,

et le second des biens, puisqu'il représente t'étément matériel

et sans forme, « das Matérielle, der formlose Stoff »?)3. La synthèse réelle des deux premiers éléments, oufta beauté.

4. La synthèse idea!e, ou !es sciences, et en pfe!a:er!ieu la phi-

Itdsophie (qui serait ainst subordonnée l'art).5. Le plaisir, t'etementsensiNe de ta nature humaine.

LESÉCRITSDE PLATON. 3K"i

Le troisième est l'intelligence et la sagesse.Le quatrième comprend les sciences, les art?,

les connaissances véritables, qui appartiennent à

Faméseule.

Le cinquième renferme les plaisirs que nous

avonssignalés comme exempts de douleur, per-

ceptions pures de l'âme qui viennent à la suite des

sensations.

La sagesse ne constitue pas plus que le plaisir le

souverain bien de l'homme; mais, dans la hiérar-

chie des biens qui composent ce bien suprême, elle

occupe le troisième rang, tandis que le plaisir est

rejeté au dernier.

On a remarqué, dans cet ouvrage, l'absence

de mouvement dramatique, de vie animée dans

l'expression et le dialogue. Il n'a ni introduc-

tion ni dénouement véritables, quoique le sujetsoit épuisé. Les personnages n'y ont point de

caractère individuel pas même Socrate. On

pourrait donc admettre, avec M. V. Cousin,

que ce n'est qu'une esquisse, une ébauche,à laquelle l'artiste n'a pas mis la dernièremain,

M. Stallbaum a publié en 1822 une édition spé-ciale duF~/c~ qu'il a fait suivre du commen-

taire d'Olympiodore, dont M. Cousin, dans ses

Fragments'de Philosophie ancienne, avait déjàdonne une intéressante et savante analyse. D'a-

près ces scholies d'Olympiodore, on voit qu'un

commentaire, sur le même ouvrage, avait été

fait par Proclus il est aujourd'hui perdu ainsi

3S§ ~.]6m~f~EIiA~

gue~jE~~ à; Enl~ulus:ët aà (

;B]U~(~j;b~M~,SjL~ txavau~ccrit~quesa~modernes~.con'-

cernantcediaic'guc sont cëux~~

S~~ ~{~<j~~ Leips;~,809, ~etEde

~e~d~e!ïbu?g' consilïzi,~Ber:.=

~IlQ~S~~°a; 'f~r=,~

':&€ i~

aflw. vc >~

f,

~l~~s~ °~idelccJu&t~c~~s~

:C~MnTag~~ua~~î~ exenc~üs~et~epum~me

t~u~ et l.elplus^p~rf~~tr~le.Pl~

.Rj~~M~ tr~lo~~édontil

~!$~°*S?~~ë'

~t~o~ie~dn~~ doFnposaitle second

irie~~nb~e,~e~t~s~uxçpmx~e~z~çytpar Ief.Chl~to~~on3(,2).

~ch~I~

la

~JM~M~

~r~u~~Q~j~n~i~~<!tm~finSf~~ ~nais`~~tit~re~~ônp~~çédé'

~&

-ï' I 5tj$,et~ii~r~c`ss,~2)~~L.P;?~~(~S~

{4)~fO<!).a~Mjp.,ip:i~9~ -i~

'~Ë~t~M~ 3~9

~u~du~ët~~i~~aMis~ue~~n~ï'

jointau titre servant&cetol~et un~atitM~Eap!M&tit6

du~etsoiMm~?p~Q~~(i~ ~tË~jt~~ qiie..cessaM~tiJtres~du~B~ms'n~iM~eîit e

t'Iato~j~i~ de~Pro`~lcts,~do~t

~ManB~ons~

~;jqui~,a~ai~ ârbrtz~airriè.ét

cen~j~de~ues~6~~ titre,=

q~que~M~~ Grotre~tle~~d~~

aYoir~t~i!T~ si ~t'oanË(à

comm~~t~~ ô~~le~Sssa~ (3),

Itt~~K~i~~ (~')`:On~ri'i'~ieùt`di.re

~t~~lat~ di~°l'iÿrès;çltieè,:ilés6 itêùrs

~(~rt~ui~sMLS~oùtBâcësc~~tiqtresd'A'~e~a~idriè

;t~!it~tv~i~a~ emlrvrésüô-

~e~Eët~)~~ ~üvrsxori=,yqùintest

~p~int~~ ëte'dà~u~lRqùélle

~ë~ai~a~ "nâtùrëtlesdû

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J~~a~~s~a~~r'M~MS~

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"t~~ I~ `

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~(e)~BMhf)~Y,:p.4t5! ~c

LES ECRITS DE PLATON360

blance être attribuée au bibliothécaire Aristo-

phane (i).

Quelque opinion qu'on adopte sur lé vrai et fon-

damental sujet de l'ouvrage, on est d'accord pourreconnaître que la politique y joue un grand r61e;c'est même, au dire deCicéron (2), le premier livreconnu de philosophie politique dans la littérature

grecque, assertion qu'autorise l'histoire, à moins

qu'on n~ajoutefoi à l'accusation d'Aristoxene, qui

prétend que Platon l'aurait copié tout entier dans

les ot~tAoymotde Protagoras(3). Les avT~oYtxotde

Protagoras n'étaient qu'un recueil de lieux com-

muns d'argumentation, un répertoire de réfuta-

tions de toutes les propositions possibles, à l'usagedes rhéteurs, des orateurs et des sophistes (4).Si l'accusation d'Aristoxène, que nous a conservée

Diogène,n'était pas pure calomnie, il faudrait né-

cessairement changer dans son texte la leçon ac-

tuelle en celle de ev Toi<Tro~~xon,qui désignerait

l'ouvrage de Protagoras, intitulé ~piTto~Mt~,dont

Platon aurait tiré ce qu'il dit dans son T~o~o-MM(5). Mais, s'il faut en juger par cet extrait, il yavait là bien peu de philosophie politique, et rien

qui pût enlever à Platon la gloire d'avoir le premier

(t) K.Fr.-nernMnn,GMc/Mc/t<eMHc!Syst.derPlat.f/<Mo<

p.693.(2)DeZe?; H,6.

(3)Dtog.L., 37,quicHeégalementà l'appuidecette

assertionFavorinus,III,57.

(4)Ari9tote,dansCic.,B<'M<.)t2.'&)Dat, Pt-o<p.322,h.

LES ÉCRITS DE PLATON. 36i

2)

conçu ce genre d'écrit. Aulu-Gelle (1) rapporte que

deux des livres qui composent la République avaient

paru d'abord détachés (2) et avaient < sous cette

forme, fourni à Xénophon l'occasion d'y opposer sa

C~o~ee~'e. C'est en s'appuyant sur cette assertion

que Schleiërmacher et K.-Fr. Hermann ont voulu

prouver que les différentes parties de cegrand traité

de morale et de politique avaient été composées à

des époques fort éloignées les unes des autres, et que

notamment les i" et t0° livres n'appartenaient pas

au plan primitif de l'ouvrage assertion que ne jus-

tifie pas, suivant moi, la composition et l'unité de

plan du dialogue dont il nous reste à donner une

rapide analyse.

Socrate (3) raconte à quelques amis, qui ne sont

(t) Aul. Gell., XIV, 3 <' Xénophoninclyto illi operi Plato-

nis. lectis ex eo duobus fere libris, qui primi in vulgus exie-

runt, opposuit contra conscnpsitque diversum regim adminis-

trationis genus. ~u

(2) Ainsi s'expliqueraient chronologiquement les allusions

faites par Aristophane (Eccles., v. 590 et 610) à la communauté

des femmeset des biens; car cette pièce a été jouée Ot. 96 ou

97 ==396ou 392 av. J.-Ch., c'est-à-dire avant le premier voyagede Platon en Sicile. Maison n'a pas réfléchi que les deux pre-miers livres ne contiennent rien de ce qui concerne cette double

communauté, et qu'elle pouvait avoir été soutenue par quel-

ques autres socratiques. D'ailleurs tout le monde convient quela division en livres n'est pas de Platon.

(3). L'entréeen matière un peu brusque a fait supposerque ie

commencement de lajHf'pMM~Me n'était pas complètement

achevé à la mort de Piaton, et on se fonde sur la tradition, mal

interprétée, qui rapporte qu'on trouva à sa mort ce début <r~-

{SMrMmen<<MM~.

362 LESÉCRITSDE PLATON.

nommés qu'au commencement du Timée (1), uneconversation qui avait eu lieu ta veille au Pipée,chezPolémarque, filsde Céphale,entre lui et Giau-

con, Thrasymaque, Adimante et leurs deux hôtes,et à laquelleassistaient, sans y prendre part.,Lysias

etEuthydëmë, frères de Polémarque, Gharmanti-des de Pœanée, Clitophon, fils d'Aristonyme (2),

Nicérate, fils de Nioias. Le vieux Céphale, en ac-

cueillant gracieusement tous ces hôtes, est inter-

rogé par Socrate sur la manière dont il supporteet dont il faut supporter la vieillesse. Il répond

qu'elle est supportable et même douce à celui quia la conscience pure et a vécu suivant la justice,c'est-à-dire a été loyal et sincère et a donnéà cha-

cun ce qu'il lui devait; proposition que les objec-tions de Socrate à Polémarque, qui a pris la paroleà la place de son père, obligé de sortir pour conti-

nuer un sacrifice domestique commencé, amènent

celui-cià restreindre etàtransformer,en cette autpe

Lajustice consisteà fairedu bien à sesamis et dutnal

(t) CesontTimée,Critias,Hërmoo'ateetûn ~àtdëtnequn'estpas nommé. ~Y.

(2) GlAuconet Adtmante~pnt.probab)ëmentlesdeaxfrèresdePlatont'olén~arque,Lysiaset Euthydèmiesontles NtsdeCephate,célëtretheteurdeSyfa.cu~eoudeThurii,quePert-ctësMaitatttréà Atbenës/etqdrà~aitunquatrièmeM Bra-chyHe.Onne sait rien deChaMnantidM,ds CtitophoaetdeNicérate.Thrasymaqueest un célèbrerhéteurdeChalcédoinequts'étaitd'abordadottnéàlaphUosophieet dontPlatonpeintle caractèresonsdoscouleurspeuaimables.Surla pt'osopogra-phiede cedialogue,.consntterf~oFo~y'aj)/i:ajp~OK<CNdeGroenVanPrinsterer,etSt-tUb.,fro< ad/:e~ p; ex,sqq.

LES ÉCRITSDE PLATON. 3(!3

à ses~ennemis.Mais.dansquelle~ circonstances? Si

l'onrépondt dansla guerre,la j usticedevientinutile

en temps de paix; si l'on ajoute dans les affaires et

le commerce,il y a bien des cas où le conseil d'un

marchand de chevaux est plus utile que celui d'un

hommejuste. Borne-t-on la justice à savoir garderet restituer un dépôt d'argent? mais l'argent déposéest inactif et inutile la justice est donc utile à une

chose inutile.

D'ailleurs qu'entendons-nouspar nos amis? sont-

ce les gensqui sont réellement bons ou ceuxqui le

paraissent? Il est trop commun a. l'homme de s'y

tromper, et, lorsqu'on se trompe dans lechoixde ses

amis, il arrivequeJa justice vousamène à faire du

mal à des gensde bien et du bien aux méchants. Si

l'on dit qu'il est juste de faire du bien aux bons et

du mal aux méchants, il nous arrivera d'être obli-

gés par la justice de faire du bien à nos ennemis et

du mal &nos amis.

Ën6hl'hommejuste est bon, et l'hommevraiment

boh ne fait de mal à personne, ni à son ami, ni à

sonennemi.

Sur ce, Thrasymaque interrompt brusquement et

grossièrement l'entretien, et soutient la maximeque

là justice naturelle est ce qui est avantageux au

plus fort, et par le plus fort il faut entendre celui

qui ne peut même pas se tromper dans l'intelligencede ce qui lui est avantageux. A quoi Soorate ré-

pond Tout art a uniobjet sur lequel il s'exerce, in-

férieur a.lui-même et différent de lui-même, et au-

quelil est utile, à l'avantage de qui il travaille. La

364 LES ÉCRITS DE PLATON.

médecine est utile au malade et non au médecin;et si l'on dit qu'elle est utile aumédecin qui vit de

son salaire~ il faut bien reconnaître que ce salaire

n'entre pour rien dans l'art de la médecine, quin'est pas moinsparfait lorsqu'il est gratuitementexercé. Il doit en êtreainsi de la puissance et delà

force politiques. Le prince doit travailler au bien

desessujets et nonau sien.

Thrasymaque le,nie,etvantela puissance mise

au service des passions etdes intérêts de celui quila possède dans sa perfection, comme le seul

moyen d'être heureux, et le but secret, mais réel,où tendant tous les désirs deshommes. L'injustice,arrivée à son comble, est sagesse et vertu. Voici

par quelle argumentation Socrate renverse ces as-

sertions

Un hommequi possède la perfection de son art

ne désire pas l'emporter sur un autre hommequi

possède la même perfection dans le même'art; ilchereheseulëmentà se montrersupérieur à celui quien sait moins que lui, et qui, par conséquent, dif-

fère de lui. Oron voit l'injuste chercher à dominer

tout le monde, ceux qui possèdent Ja science et la

vertu, commeceux qui ne les possèdent pas. Cefait seul prouve qu'il ne possède' ni la science ni

la vertu il est donc un ignorant et un méchant.

Au contraire, et par la même raison, la justice est

vertu et science elle est donc plus puissante que

l'injustice, car qu'y a-t-il de plus puissant et de

plus fort que la science? EMeest aussi plus heu-

reuse, car elle est une vertu elle bonheurconsiste

LESÉCRITSDE PLATON. 3H5

dans l'exercice et le développement des fonctions

naturellesde l'être, c'est-à-dire dans la vertu. Ainsi

le bonheurde l'âme est attaché'à sa vertu, c'est-à-

dire à la perfectionde sonaction, c'est-à-dire encore

àla justice. Ici Socrate fait ( ~server que la dis-

cussiona suivi une marche peu logique, puisqu'ona recherché si la justice était science et vertu~ et

quelle utilité ellepouvait avoir ayant desavoir ce

que c'est que la justice il faut donc revenir sur

nos pas et chercherà Ëxer, par une dénnition pré-

cise, la notion,l'essence, l'idée de la justice.C'est dans le second livre que cette importante

discussion est abordée par Adimante et Glaucon

qui prennent la place de Thrasymaque, réduit au

silence.

Il y a, dit Glaucon, trois sortes de choses les

unes quisont désirées et recherchéespour elles-mê-

mes et elles seules les autres qui sont à la fois re-

cherchéespour elles-mêmeset pourl'avantage qu'onen retire; les troisièmes, qu'on ne recherche pas

pour elles-mêmes, mais uniquement pour lesavan-

tages qui en sont le résultat. Toute la question est

de savoir dansquelle classeil.faut mettre la justice.

L'opinion communeest bien loin de la mettre dans

la première ou mêmedans la seconde,et elle ne re-

commande la justice que par les conséquences quien résultent.

Pour résûudm~et.tedifncilequestion, il .fautdonc

d'abord considérer en soi, dans sa nature, son es-

sence,son origine, et abstraction faite des consé-

quences, la justice. On pourra soutenir, aprèscela

369 LES ÉCRITSt'E PLATON.

seulement, que ceuxqui la pratiquent la pratiquent·

comme une chose nécessaire, et non pas comme

une chosebonneen soi, et que la vie de l'injuste est

plus heureuse que celle du juste.Si l'on n'écoute que le sentiment de la nature,

commettre l'injustice est unbien, la souffrir est un

mal; mais l'expérience a enseigné auxhommes, et

surtout aux faibles, qu'ils éprouvaient plus de mal

à la souffrir que de bien à la commettre. G'est'pourcela qu'ils ont établi ces règles conventionnellesqui

partent toutes de ce principe, éviter de se faire au-

cuneinjustice.Telleest l'origine des lois et la nature vraie de la

justice aussi tous ceux qui sont arrivés à ce degré

de puissance, de ne plus craindre aucuneinjusticede la part d'autrui, ne se font aucun scrupule d'en

commettre~Nul homme n'est volontairement juste,et chacun de nous désire avoir plus que son pro-

chain, ce que prbavesurabondammeBtI'aventufiede

Grygès.Il faut~il est vrai réaliser le Ghef'-d'ceuvre

de l'jnjustice, quiestdeparaîtrejustealorsiqu.'on ne

l'est pas. Celui-là jouit à la fois dés pronts de l'in-

justice et de l'honheur de la justice. Le juste, au

contraire,si on veut le considérer en lui-même, sera

juste et paraîtra inj uste il ne commettraaucunein-

justice et en souffrira de toute sorte et les pluscruels supplices, etl'infamie laplus odieusementim-

méritée d'où l'on peut facilement conclure quelest le plus heureux.

Adimante succèdeà,son frère, et soutient que la

plupart des hommes, et le père de famille dans ses

LES ÉCRITSDE PLATON. 367

conseilsdomestiques, et les poètes dans leurs poé-siesmorales, ne célèbrent la justice que par ses ré-

sultats. C'est par elle, disent-ils, qu'on arrive à la

gloire, à la puissance, au bonheur dans ce monde

et dansl'autre. Quelques-unsconsidèrent,il est rrai,

la justicecommeun bien, mais comme un bien pé-

nible et rude, tandisque l'injustice, Ûétriepar l'o-

pinion et la loi, est agréable et douce tant qu'elle

reste ignoréeet impunie. C'est donc à ce but qu'il

faut tendre, lorsqu'on s'est assuré contre les châti-

ments de la loi humaine par une puissance sans

limite, etïneme contre ceux des lois divines par

d'opulents sacrifices et des cérémonies expiatoires

qui apaisent la colère des dieux. S'il est vrai qu'ilexiste desDieux; etqu'ils s'occupent des hommes,o& peut, grâce ces précautions, jouir en toute

sécurité des profits,de l'injustice et du renom de la

justice.Socrate reconnaît que la logiqueexigequ'on cher-

che quelleest en soi la nature de la justice et, pour

faire cette rechercheavec.plus de facilité, il se pro-

pose d'imaginer la fondation d'un État idéal, d'une

citéparfaite, qui n'existepas sur la terre, mais ayant

sonmodèleauciel (i); la justice devra nécessaire-

ments'y trouver présente, et il sera plus facile de

l'étudier parce qu'elle y sera plusvéritableque dans

le cceurhumain.

Les hommes dans l'isolement sont faibles et im-

(<) ~p., IX, 59!, a', b: 'H<t6~t; ~MYot<xe~ oOpcMM

~TMtTKtpOtBEtYjMt&'«ME[T«t.

LES ÉCRITSDE PLATON.3M8

puissants;ils ont besoinlesuns des autres': delà

l'originedela sociétéou de l'État,'dans lequelilstrouventle moyendesatisfaireà leurs besoins.

Lesbesoinsde l'alimentation du vêtement, du

domicile,et tousceuxquis'y rattachent,fontna!treuneclassesocialedestinéeexclusivement&produireouàconfectionnerles chosesqui répondentces be-

soins je dis une classespécialej car on fait bienmieuxcequ'ona à faire quandon s'y livreexclu-

sivement.Lesbesoinsdusuperuu, qu'onne peut suppri-

mermêmedansl'étatsocialle plussimple,engen-drent la nécessitéd'unagrandissementdeterritoire

qui, ne pouvantse fairequ'auxdépensduvoisin,amènela guerre; celle-ciexigela classespécialedesguerriers, qu'il fautchoisirparmilesindividusdouésdecertainesqualitésphysiquesetdecertaines

qualitésmorales.Laqualitéessentielleau guerrier,c'estle courage,Bu~t,c'est-à-direunecertainecha-

leur et irritabilitéde l'âme, qui doit être dirigéeavecsoin pourne pas dégénéreren violenceet en

férocité,.caralorslesdéfenséursdel'Ëtâtendevien-draientles oppresseurs.L'éducation,qui s'adressedirectementaucorpset indirectementà l'âmepar la

gymnastique,quis'adresseuniquementM'âmeparla musique,doitformerdes caractèresoù la dou-

ceuretla force,l'or et le fer,soientmêlésdansune

parfaiteharmonie.

L'éducationembrasselapoésieetlamusiquepro-

prementdite pourconvenirà desguerriers,ellede-

vraêtrepieuseet religieuse;il faudradoncécarter

LES ECRITSDE PLATON. 3M

2h

de la jeunesse ces poëtes qui montrent les dieux

coupablesde tant d'actes odieux, criminels, infâ-

mes, et choisir avecsoin les fablesqui seront mises

sous leurs yeux. Par-dessus tout, il est indispensa-ble que ces fables démontrent d'abord que Dieu est

bon, et étranger par sa nature à toute faiblesse rno-

rale et à tout mal; en second lieu, qu'il est simpleet immuable et ne saurait changer de forme car il

ne saurait en changer que pour en prendre une

meilleure ou une pire or l'une et l'autre des deux

hypothèsesporte également atteinte à sa perfectionabsolue. Voilàdans quels sentiments de piété et de

religion doivent être élevés ces guerriers, qui doi-

vent être les gardiens de l'État.

Le troisième livre contient le développementde

cet ordre d'idées. Les poésies destinées à élever

nos jeunes guerriers ne devront rien contenir quiéveiUeen eux ces folles terreurs qui énervent le

courage; il faudraleur inspirer l'amour de la vérité

nécessaireaux chefsd'un État, et l'amour de la tem-

pérance qui consiste obéir aux chefs et à modérer

ses passions; enfin les habituer à comprendre la di-

gnité et la beauté de la justice, sujet sur lequel nous

reviendrons plus tard.

Voilà ce quiconcernele fond et la matière des

poèmes destinés à l'éducation de la jeunesse; mais

la forme.estloin d'être indifférente, et nous sommes

obligés de rechercher sous quelle forme cet ensei-

gnement, cette éducation de l'âme, cet apprentis-

sage de la piété, du courage, de la tempérance et de

la justice, devra être présenté.

370 LES ÉCRITSDE PLATON.

Touteproduction littéraire ne peut être exprimée

que sous troisformes:

Ou bien l'auteur' éxposesous son nom ses pro-

pres sentiments comme dans la poésielyriqueOubien il fait agir et parler d'autres personnages

commedans la poésiedramatique, où l'auteur dis-

paraîtcomplétement;Ou bien il mêle l'une à l'autre cesdeux formes

d'exposition, comme dans l'épopée.«

Cesdeux dernières formesne sont qu'une imita-

tion, c'est-à-dire un mensonge, et sont in dignesd'une éducation virile et généreuse la premièreseule convient à nos jeunes gens, parce que seuleelle est franche et sincère.

La poésie ne consiste pas seulement dans les

idées et les paroles elle est chantée et accompa-

gnée, c'est-à-dire -qu'outre les paroles, expressionsensiblede la penséeet des sentiments, elleenferme

le rhythme et l'harmonie, qui' doivent naturelle-ment convenir~ paroles; Ondoit tout d'abord

écarter les harmonies lydienne et ionienne, .parce

que ~l'Ùnees~plaintive et 'l'autre voluptueuse et

efféminée il ne reste donc,à choisir que l'harmo-

nie dorienne, simple, mâle et forte. Il ne 'faudra

non plus admettre parmi les~ qùe. ceux

qui.âûront.cecâractere.Telles sont les règles qui seront imposées,non'seu-

lement à tous les ppet6s, mais encoreà tous les ar-

tistes admis dans notre cité, pour y' faire naîtreet

y déveiopper l'amour du beau qui est le but de

toute éducation/de toute poésie, de toute musique.

LES ÉCRITSDEPLATON. 37<

L'éducationgymnastiquene s'adressepas, comme

on pourrait le croire, exclusivement au corps. La

santé et la force de l'âme ne dépendent pas de la

santé et de la force du corps c'est tout lecontraire.

Il faut habituer le corps à la tempérance, a.'la fru-

galité, Ma fatigue, et c'est là encore plus exercer

l'âme que le corps.

Le gQUvememeHtde l'État appartient à ceux de

ces gardiens qui ont, dans une longue vie, témoigné

de leur amourpour la patrie, et de leur intelligence

desesintérets.

L'union, l'amour de tous les citoyens les uns

pour les autres est la première condition de la durée

et de la force de l'État. Il faut donc qu'ils se ré-

gardent tous comme des frères. La nature n'ayant

pas 'fait tous les hommes aptes a toute fonction,chacun doit exercer et accepter sans murmure la

fonctionà. laquelleil est propre. Quant à la classe

des guerriers, pour les garder de toute' tentation

d'oublier leurs devoirs, ils seront nourris aux frais

de l'Ëtat, mais ils n'auront aucune propriété per-

sonneHp,et vivront dans une communauté parfaiteetetitiëre..

Quatrième livre. Pour que l'État soit heureux, il

faut que chacun y remplisse bien sa fonction pro-

pre il importe donc d'en écarter à la fois la pau-vreté et la richesse, qui introduisent l'une la mol-

lesse et la, lâcheté, l'autre l'abattement et la

négligence, .L'.unité(1) de l'État est le principe de

(1)Aristoteamillefoisraisond'accuserPlatond'avoircon-

373 LESÉCRITSPE PLATON.

sa vie et de sa prospérité ce principe mesure son

agrandissement, qui cessed'être avantageux quandil fait naître des partis, divise la République, et

dans un État en engendre plusieurs. Undes meil-

leurs moyens de maintenir cette unité est de con-

server religieusement les institutions établies, sur-

tout en ce qui concerne l'éducation et particulière-ment la musique. Il importe égalementde ne pas

multiplier. le nombre des lois. Les principes, quenous avons posés, instruiront les citoyens qui les

acceptentà régler eux-mêmesla constitutioHde l'É-

tat, la communautédes femmeset des enfants et,

pour les institutions religieuses, les oracles des

dieux en décideront.

L'État que nous avons imaginée étant par hypo-

thèse parfait, doit contenir toutes les vertus; mais

oùse trouve en lui, et en quoifaut-il y faire con-

sisterlajustice?

La, sagesse ouprudence de TËtat consiste à se

bien gouverner et administrer lui-même, ce qui lui

arriyesi seschefspossèdentces qualités. Il «1e;t~e

mémede son courage: l'État sera cpUrag~ux~

défenseurs armés le sont, c'est-à-dire s'ils savent ce

qui est et cequi n'est pas à craindre, et sont enme-

sure de repousser les dangers qui menaGientla. pa-trie. Mais la tempérancequi consiste àmaîtriser ses

passions, et à se gouverner et se vaincresoi-même,

doit être une vertu commune toutes les classes

des citoyens, et non propre une seule. La justice

fondu'M(toe")V(o!~avecla <TM[t~Mv(o:,c'est-à~ire!'unité avec'union.?-

LES ÉCRITSDE PLATON. 373

est la causeet la condition de toutes ces vertus et le

principe de teur durée; car elle consiste en ceci

que chacun des ordres qui,composent FÉtat fasse

ce qui lui appartient de faire et ne se mêle-pasd'autres choses, ni de plusieurs occupations sans

elle tout tombe dans le désordre, l'anarchie, l'im-

puissance.Telle elle est également dans l'individu, où nous

retrouvons les mêmeséléments intégrants que dans

l'État. Notre âme n'est pas absolument simple etune. II y' a en nous des facultés, e~ différentes

et~opposees,correspondant aux trois premiers or-

dres de notre République car aucune chose ne

peut, par une mêmepartie d'elle-même,faire ou

souffrir des actions contraires. Or nous sentons

trës-bien en nous qu'il y a des désirs de notre âme

que réprime et dompte notre âme. Donc la force

qui, en nous, désire, est distincte de celle qui, en

nous également, soumet et vainc ces inclinations.

Nous avons donc raison de distinguer la- raison,t&)~tott~,et~ede8ir,(!)[.

Cette dernière peut être subdivisée en deux le

désir" proprement dit, et le courage, 6 e~o!,

~~e~ji&tSEt)sentiment irritable et généreux, quivient au secours de la raison en combattant nos

passions, et par conséquent se distingue du dé-

sii'Y~'

Ces trois facultés de l'âme répondent aux trois

ordresdel'Êtat: la raisonrépond à l'ordre deschefs,-M~ou~eut~ le courage l'ordre des guerriers,

~txoupt~y;le désir à l'ordre des gens de travail et de

374 LES ÉCRITSDE PLATON.

commerce, tous occupés à gagner de l'argent,

)((Hi}HMtdtxov.Si la justice est dans l'État la vertu qui fait que

chaque ordre remplit la fonction qui lui appar-

tient,. ellen'est pas dans l'individu autre chose quela vertu par laquelleil donne et conserve à chaquefaculté de l'âme sa fonction, son ordre, son rôle,

sa dignité dans le gouvernement de la vie, et qui

produit la plus belle et la plus riche harmonie de

son;'étre.

L'injustice est dans la République comme dans

l'individu l'état contraire. Onvoit donc à la fois

quelleest la nature et l'origine de là justice et de

l'injustice voyons quelle est celle des deux quidonne à l'État et a. l'individu son vrai bonheur.;

H y a cinq formes d'Ëtat social, cinq formesmorales de ~'âme. L'une d'elles ceUeque nous

avons décrite, est la forme'excellente ei parfaite.,H

y en a quatre autres, toutes inférieures, mais quiont entre elles divers degrés de corruption. Nous

allons les examine]~tour à IpUB.~~s~ de

commencer cet examen, Platon revient dans le

cinquièmelivre sur la communauté des~f~

leur participation à tous les travauxet à tpu~ les

fonctionsdes hommes il fonde ce dernier paradoxesur l'identité de natureet d'organis~ tlel'hom.-

me et de la femme; et le premier sur la nécessité

de rendrerabsolue l'unité'de l'État, par la suppres-sion des familles particulières remplacéespar la

grande famille de la patrie, dont chaque membre,

<préGisémentpMcequ'il ignore de qui il est le fils,

LESÉCRITSDE PLATON. 373

ou le frère, ou la sœur, considère tous ceux qui

par leur âge pourraient l'être comme un frère, une

soeur,un père. La communauté desfemmes est donc

le vrai moyen de faire naître et d'entretenir dans*

l'Ëtat la concorde, l'union, l'harmonie, qui naissent

de rameur.

Une telle organisationsociale est-elle possible?B'abord l'éducation y peut beaucoup il faut donc

y veiller avec soin. En outre, si elle paraît irréali-

sable aujourd'hui, cela tient à ce que les chefs do

l'Ëtat ne sont pas des philosophes. Il ne faut espé-rer unbon gouvernement politique que lorsque les

philosophesseront rois, ou lorsque les rois seront

philosophes.t/a politique Véritablene diffère pas de la vraie

philosophie. Qu'est-ce donc que le philosophe?2

C'est celui qui aime et s'efforce d'atteindre la sa-

gesseet la science mais la science réelle, parfaite,

absolue, cherche à découvrir l'être véritable, ro

~M.)!%v,l'essence, l'idée de toutes choses, et ne

s'arrête pas auxchosessensibles, corporelles, chan-

geantes, qui ne peuvent laisser dans l'àmequ'une

impression changeante comme elles, une espèce

inférieure de Connaissance,appeléeSo~,c'est-à-dire,la représentation et l'opinion, tandis que l'intui-

tion des ïdéès fonde la sciencecertaine, immuable,infaillible.

On distingue en effet d'une part l'être absolu et

parfait; de l'autre le nôn-etfe. A l'être tend la

sciënc6,i'ignorancerépônd auhbn~-êtré: car c&quin'est absolumentpas, ne peut pas absolumentêtre

376 LES ÉCRITSDEPLATON.

connu. Entre l'être et le non-être roule le monde

des chosessensibles et phénoménales qui tient de

l'un et de l'autre, et est l'objet de l'opinion, pla-cée entre la science et l'ignorance, comme l'être

phénoména!est placé entre l'être absoluet l'absolu

non-être. Le vulgaire est absorbé dans cette demi-

connaissance incertaine et obscure, tandis que le

philosopheaspire à contempler dans leur Idée ab-

solue et parfaite, dans leur, vérité et leur essence,

le juste, le beau,le bien.Sixième livre. C'est donc ~.ceux-ci, aux philo-

sophes, qui seuls savent,apercevoir la notion vraie

de la justice, et qui, tournant les regards sur la vé-

rité même qu'ils contemplent dans leur âme, comme

les peintres sur leur modelé, peuvent en reproduiredans le monde réel le divin exemplaire, c'est aux

philosophesqu'il appartient de gouverner l'État ce

dont on se convaincra mieux encore si l'on étudie

avec soin la'vraie essencedu philosophe. Enflai

d'amour pourl'être vrai et réel, il ideteste,le men-

songe eMa fraude, et n'aime que la.;vé~të. ~out

entier àceg études e~~ dédaigneles plaisirs du corps, et est à la fois libérai tempé-rant et modéré. Au point de vue~s

place, laivie humaine lui paraît de peu de, prix il

méprise la mprt, et se distingue par sa grandeurd'âme et son courage il est juste, équitable, in-

teUigent, do,ux, plein de mesure et :de grâce,amoureuxde la beauté, et lui-même aimable. Voilà

à quel$hommes il faut connerle gouvernement de

.l'Ëtàt.u.i/ .r~

LES ËCMTSDE PLATON. 377

Si l'on répond que ce n'est point ainsi qu'on

juge habituellement les philosophes qui sont con-

sidérés comme des êtres toujours bizarres,'souvent

insupportables, parfaitement incapables et inutiles

dans les Républiques, il faut attribuercette opinion

tres-fausse a la corruption des citoyens, qui s'ima-

ginent que lapolitique n'est ni unart ni une science,

et qui ne demandent à leurs chefs que de servir

àvcùglémëntleurs intérêts et leurs plaisirs. Objecte-t-on que les philosophesne s'offrent pas à cette vie

politique? Maisce n'est pas au médecin à s'offrir

au malade c'est au malade à implorer le secours

du médecin.Il y a une autre objection plus spé-

cieuse, c'est l'abus qu'onfait du nom de la philo-

sophie compromiseet avilie par d'indignes repré-sentants. D'aiuëurs il nesufnt pas d'avoir reçu de

la nature les facultés morales et intellectuelles né-

cessaires, il faut encore qu'elles soient développées

par une éducation rationnelle, sans quoi elles

dégénèrent, et lesmeilleures natures deviennentles

pires; car la ntéchahceté consomméepart d'une

âmepleine de vigueur, dont l'éducation a dépravéles excellentes qualités. Or l'éducation actuelle

commenceà corrompre~ et !a vie actuelle achève

de pervertir les âmes nées avec le goût et l'amour

dë'Ia philosophie. Peu échappent à cette corruption

générale, etceux qui ont ou ce bonheur, grâce à

une protection divine, évitent da,se mêler de poli-

tique, paTce"q~eIeufs concitoyens leur demande-

raient des services que la dignité de leur âme, leurconscienceet leur raison se refusent également à

LES ÉCRITSDE PLATON.378

leur-rendre. Dans un Ëtatoù le peupleest le maî-

tre, comme il ne peut être philosophe, il ne com-

prend ni ne goûte la philosophie. Que reste-t-il

donc faire aux philosophes? Usse réfugient dans

la:vie privéecommiedans un,port, pour y éviter les

tempêtes de la vie politique, qui ne peuvent man-

quer de,s'eleyeriau.milieu de ces foules .aveugles,

ignorantes, passionnées et toutes~puissanteSt:Mais

il n'eniest pasmoins vraiquele vrai philosopheestleseul en Ëtat de rendre un peuple heureux et pros-

père)et que, si cette espérancede trouver, au milieu

de;la corruption générale, un seul~ hommeiqui y

échappe, et un peuple disposé a lui obéir, est di Si-

cile à réaliser, celan'est pasabsolument impossibledans toute la suite des temps. H convient

d'organiser,avecun soin tout particulier l'éducationde ceuxqui sont désignés, par leurs qualitésd'espritet de corps, pour devenir les chefsde l'État, 6t quiseuls peuvent assurer sa prospérité et son; bon-

heur.

LCetteéducation doit tëndjët.ou~ëre~~

les mettre a niêrne de contempler ndée du bien.

Capice?n'egbpasle,'plaisir qui est le but suprêmeet

supérieurdé'Ia vie mQ!'aleet:poH~que~puisqu'i]Ly

adesplaisirs qui ne sont pas bons ce n'estpas non

plus la connaissance en soi, mais îaconna~du bien. Il faut doncarriver à cette connaissance

souveraine. NouStnous en pourrons faire une~M

au moyen d'un&îmâge.ee que le soleil est dans le

monde visible,IHdée du bien l'est dans le monde

intelligible. Le premier donne aux choses la pro-

LES ËGMTSDE PLATON. 370

pNétéd'être visibles, et aux organes des êtres la fa-

cuite de la:vue. Demême l'Idée du bien donne aux

choses inteUigibles la propriété d'être connues, et

à l'intelligencela faculté de les connaître.De même

quel'fsil estl;'organe le plus semblable au soleil, de

mêmela raison, sans être identique au bien, est ce

qu'il y adeplus semblable à lui, et encore, de même

quële soleil donneaux choses qu'il éclaire un ali-

ment,unenourriture et ainsi leur donne en partieleursubstance, de mêmel'Idée dubien fait non-seu-

lement'l'intelligibilitÉ deschosesintelligibles, mais

aussi leur essence.:Elle est donc la source de toute

vérité, de toute connaissance, de toute essence elle

n'est'pas l'essence même, mais quelque chose de

plushàutencore.Le mondesensible et le monde intelligible se

divisent~Ghaoun~endeux parties.

Dans le preHitér on distingue 1° l'être réel,comme les êtres vivants, les produits de l'indus-

trie et de l'art des hommes; 2" les représenta-

tions .les imitations, les copies de ces sortes de

choses~

Le second comprendi° les idéespures et:en soi,

par la contemplationdesquelles, partis d'une hypo-thèse, nous montons, sansrien emprunter au monde

sensible, au principe universel et suprême, w

M~o<<xp~v,c'est-à-dire à l'Idée du bien 2" en

secondlieu, des Idées mêléesdereprésentations sen-

sibles, qHinous &at~dKer non plus à un prm-

cipe; mais à une 6n,TE~euT~;comme les notions

géométriques qui, tout intelligibles et générales

380 LES ÉCRITSDE PLATON.

qu'elles sont, ont besoin de s'appuyer sur des re-

présentations ngùr~es.Les formes de la connaissance correspondent à

ces formesde l'être.

La connaissance de l'être sensible est l'opinion,

So~; celle de l'être intelligible est la science,

~to't~t).Les chosesréellessensiblessontconnues par cette

partie de l'opinion qu'on peut appeler-)Th'tt<,la foi,

la, croyance.Les images des chosessensiblessont connues par

cette autre partie de l'opinion qu'on appelle riaia-

gination,6!xot<:M,c'est-à-dire So~ TMVt~ovM~.

Les Idées pures, sans mélangede représentations

sensibles, sont connues par la raison, le NoC!,bula

NoY)<!t!

Les Idées abstraites, mêlées à des représentations

sensibles, commecelles qui sont l'objet dessciences

mathématiques~ sont connues par la St~oh ou le

raisonnementdiscursif., M

Les mathématiquestiennent donc le milieuentre

la science, qui, partie d'idées pures, traverse des

idéespures pourarriver à une idée pure, et la con-

.~MMMM~M~~M~

~S~~èmMF~Au lieu decette éducationrationnelle et phitoso-

phique, qui amènepar une série progressived'étu-

des a la connaissance du bien, dù vrai, à la vue

éveillée et claire de l'être, les hoiNmes,s'arrêtant à

la fréalité ~éhsible, sont commeplongés dans les

ténèbres d'une caverne, où leurs yeux trompés

LESÉCRITSDE PLATON. 381

perdent la faculté de voir la vraie lumière, et con-

fondent l'apparence avec la réalité, les ombres des

choses avec les choses elles-mêmes. L'effet de l'é-

ducation n'est pas de faire descendre dansTame

la vérité. Toute âme humaine a reçu la faculté de

la discerner, et aveccette faculté les principes mê-

mes et les germes de la science. L'oeuvre de Fédu-

cation est simplement de bien diriger cette faculté,et d&développerces germes. De la, la nécessité d'un

plan d'études progressives, qui, du jour ténébreux

qui environne l'Ame, l'élève jusqu'à ce qu'il y a de

plus lumineux dans l'être, c'est-à-dire jusqu'à. l'Idée

du Bien. Ce plan devracomprendre tout ce qui est

propre.à élever l'âme de ce qui paraît être et n'est

pas à ce qui est véritablement; à lui faire connaître

l'essence des choseset non leurs accidents, et cette

distinction est facile à fairedans les perceptionsdes

sens car les unes appellent la rénexion, parce

qu'elles sont enveloppéesavec des'perceptions con-

traires, et ce sont ceMes-làqui seront~utiles a notre

but; les aûtres,'ne provoquant pas ce retour de l'es-

prit sur lui-même, précisément parce qu'elles ne

renferment pas cette contradiction, ne devront pasÊtrel'objet de nos études.Ainsi ce plancomprendra

1° l'Arithmétique, mais celle qui s'occupe de trou-

ver la~raie essencedes nombres; 2° la Géométrie3"la Stéréométrie; ~° l'Astronomie et la Musique,sa sceur (i), qui découvrent les rapports harmo-

(1)MaximedesPythagoriciens,quienseignaientquela tnu-

siqae'n'est qu'uneimitationde t'harmoniecdeste,et que lemouvementdumondeproduitunemélodierhythméeetharmo-

382 LES ÉCRITSDE PLATON.

niques, l'une, dans 'les mouvements perçus par les

yeux, l'autre, dans les mouvements perdus par les

oreilles; 5" énnn l'étude qui couronne et acheté

toutes ces étudespréliminaires; où s'arrête le voyageet où commencele repos, c'est la Dialectique~qui,en nous apprenant à nous rendre raison-de ce que

chaquechose, est en soi,; conduit l'esprit ;dela con-

templation des phénomènessensibles à..Iacontem-

plation de l'être véritable, à l'essenGepropret deschoses. Avingtians commencent les études prélimi-

natres ce n'est qu'a trente qu'il faut abordeBla dia-

lectique. Apresy avoir passé cinq .ans, ceux'quien

sont reconnus capables exerceront pendant quinzeans les grandes magistraturespolitiques ..et mili-

taires. Aprèsavoir donnéce tempsaux intérêts delà

République, ils pouprontà partir de cinquante ans

seUvrer exclusivementà la recherchedu Bienen soi,

anudeperfectionner, d'âpres cedivin et parfait mo-

delé, eux, leurs concitoyense~~ Ilest'bien,en-

tendu que les*femmes,qui en seront capables~

rontcomme les hommes aspirer ~tettë noble

sion.i- ."A-F~t~

-j}uitiènt&:ltvre. i ~<

Voilàdoncl'ÉtatparfaitauquelcorrespondI'homïne

parfait; car nous avons déjà dit plushaut qu'il y a

cinq fornaes de gouvernement 1° l'Aristocratie;2° la Timocratie; 3'l'Oligarchie;~ la Bém

S''laTyrannie, auxquellescorrespondentchez les in-

nieusequiéchappeauxsensgrossiersdel'homme.Conf.Plat.,Ct-a<4o6, &;Gicër.;SomM.~ct~ ë. a; ? IIT,11;Censoru).,deBteM<t~.)c.t3;Ptotem.~F<tfm.,HJ,8.

LES ÉCRITSM PLATON. 383

dividus cinq caractères de l'âme. Il faut les étudier

les uns et les autrespour savoir si nous devonspra-

tiquer la justice ou l'injustice, a.8n d'être heureux.

Les diverses formesde gouvernement naissent l'une

de l'autre par la corruption de la forme supé-

rieure. L'Aristocratie elle-même, par une nécessite

fatale, ne peut demeurer éternelle elle se corrompten Timocratie lorsque la classe des guerriers veut

devenir propriétaire, asservit les autres classesde

citoyens, et que chacun d'eux par orgueil cherche à

l'emporter sur les autres. L'argent étant un instru"

mentpuissant pour se procurer cettesupériorité, larichessepîend bientôt une importance considérable

et dominante dans l'État qui devient alors une Oli-

garchie. Ktaisdès.ce moment l'État n'est plus un

il ya d'uncoté les riches, de l'autre les pauvres, qui,étant les plus nombreux, unissent par être les plus

forts, et établissent la Démocratie, c'est-à-dire le

gouvërn~meHtoù président l'égalité et la liberté.

Maiscettelibefté, étant sans limite, devient bientôt

sans mesure elle dégénère en,une licence effrénée,dont un favorKiu peuple profite pour établir, sous

prétexte de le protéger, un gouvernement tyran-

nique, Je dernier degré des formes politiques et le

plus abject desgouvernements.

Les caractères individuels,suivent la mêmepro-

gression de décadence le filsde l'hommejuste de-

vient unambitieux; le Bis del'ambitieux, un avare;le fils de,ravare s'abandonne sans mesure ni règleà,tous les désirs et à toutes les passions qui se dis-

putent l'empire de son âme.

384 LES ËGRU'SDE PLATON.

Neuviëmelivre.

Celui-cidu moins, en livrant sonâme A tous les

désirs, sans en exclure aucun entretenait par là-

même une sorte d'équilibre que nesaura .pas gar-der sonfils, qui deviendra la proied'une passionex-

clusive, éteignant en lui tous les désira vertueuxet

les sentiments honnêtes, et le dominant tyranni-

quement. C'estlà le parfait scélérat, qui sera le plusmalheureux des hommes, précisément parce,qu'ilen est le plus méchant, de même qu'il n'y a pasd'État plus misérable que celui .qui est dominé pat-

là Tyrannie. Car l'analogie se poursuit partout il

y a une âme dans l'État, et un État dans l'âme.

Le plus misérable des hommes et eoméme temps

le plus scélérat, c'est le tyran, c'est-à-dire icelui

qui, outre les passions criminelles dont il, est,, dé-

vore, parvient a une situation qui lui en assure

la jouissance sans bornes, et l'impu.nité. Le yéyi-

table tyrann'est qu'un misérable esclave,et~uclave condamné,.à la plus dure et à la pUtS!abjects

SM~

( L'analogiede l'âtïi~tyt'anntsée; par. passion

ayec unÉtat qui gémit sous la plus cruelle tyrannie,nous a déjà;fait ~oir~oitse~rouye le ~'rai bonheurde l'homme. MaisnQnspQUYonsnous en, convaincre

plus profondément encore.II y a dan s l'âme;:trois facultés, EÏS7),la raison,

.l'orgueil, la sensualité) ÀoytG"I'tXÓ~¡L6up.QtÓ~I'Q

eTtt9u~T~d~.A ces facultés correspondent autant de

plaisirs et de désirs et autantde cayactëres moraux,

suivant que~ùneouTautre domine dans l'âme. Si

LES ÉCRITS DE PLATON.

22

nous voulons porter un jugement sur la manière

de vivre qui procure à l'homme le plus réel plaisir,il faut consulterl'expérience, la réflexion, la raison

or le philosophe, en qui domine la raison, a aussi

plus d~expérience, plus de réflexion, et, lorsqu'il

proclame que de tous les plaisirs ceux de la vertu

sont les plus doux, les plus durables, les plus vrais,son jugement a tous les caractèresde la certitude.

Enfui nous avons un dernier argument pour prou-

ver que le sage seul connaît le vrai et pur bon-

heur.

Le vrai plaisir est quelque chose de positifet non

simplement de négatif, commele croient ceux quile confondent avec la privation de la douleur. Il

consiste en uneplénitude de développementde l'être

que ne précède et n'accompagne aucune douleur

cette plénitude suppose sans doute un vide que le

plaisir vrai doitremplir. Maiscequ'il y a demeilleur

pourchaque être est ce qu'il y a de plus conforme

à ëà nature (i). Donc,si la raison, l'intelligence, là

science, la vertu, sont ce qu'il y a deplus conforme

à !a nature humaine,cesonttes plaisirs qui s'y rat-tachent et que ne trouble aucun mélange de dou-

leur qui constituent son vrai bonheur.

il y a en lui un

ange doux et pacifique,,un animal féroce, une bête

immonde lâchez la bride à la bête et au lion, ils

dévoreront l'ange. Pour être heureux, l'hommedoit

t(i) :Mp.,tX,586,e Tope).Tt<jw{x~T())~'rouTOx~o!xeto-

MTOV.

386 LESÉCRITSDE PLATON.

être gouverné par un maître sageet divin, soitqu'ilhabiteau-dedansde lui-même, cequi serait le mieux,soit qu'il le gouverne du dehors. Il faut doncqu'ilchercheà régler sa vie de manière a. y faire régner!a vertu, la justice, l'harmonie de toutes les facultés

deson âme c'est là le vrai musicien, !e vrai pou-

tique, qui ne dédaignera pas de se charger ide

l'administration des affaires,, mais dans sa Ré-

pubuque à lui, qui existe dans nos discours, jpais

qui n'existe pas sur la terre, cité qui a au ci,el un

modèle pour quiconqueveut le contempleret réglersur lui son âme.

Dixièmelivre. ~b-

Mais, si le philosophe doit ôireun musicien, il

faut bien se garder' de croire qu'il faiHe entendre

par ce mot ce qu'on entend aujourd'hui. Comme

nous l'avons déjà dit (t), la poésie imitative ne doit

pas être admise dans l'État parfait et c'est mainte-

nant seulement (2) qu'il convient d'en donner,les

raisons<<Cesraisonsse ramènent ~deuï l'imitation

est ~rës-éloignée~de la connaissancevraie et ~atlQn-

nelle; et de plus elle nuit à l'âme en nattant et'e~

corrompant ses facultés inférieures.

Ïl y a trois sortes de choses les chosesfensoi,les Idées, les types primitifs, dont Dieuest l'auteur,

!j)utoupYo<leschosesseH.sibleS)faites par l'ouyrier, 8))-

~toup~ot;,sur le modèle des premières les.copies deces réalités sensibles qui se bornent à les imiter et

(t) AupremieretaudeuXtèmeliyre.

(2)Piatou,autroisièmelivre,p.392,c,avaitpromisdereve-nir~t'ce sujet.

LESÉCRITSDEPLATON. 387

à les peindre tels sont, les tableaux, les statues,

lespoëmes.Toute imitation est doncautroisième degré de la

réalité vraie Farf, c'est-à-dire l'imitation, n'est

qu'un jeu qui vise uniquement au plaisir, et qui ne

s'inquiète pas plus de la méritequ'il ne se préoc-

cupe de la vertu. Par la peinture ardente et vive des

passions humaines il exalte les parties les moins

nobles~'delà nature humaine, la sensibilité, la fai-

blesse,la terreur il énerveet amollitl'âme, et ]a rend

incapable decourage, de modération, de constance,

de fermeté; enun mot, Udétruit l'empire de la rai-

son. L'imitation, mauvaise en soi, vivant dans la

compagniedes mauvais penchants de l'âme, ne pro-

duit que des fruits mauvais.Nousne devonsdoncpasrecevoir dans notre cité cette muse dangereuse; il

ne faut pas nous laisser détourner par sesséductions

du grand combat de la vie, d'où il nous faut sortir

hommesde bien.

L'homme de bien reçoit déjà danscette vie le

prix de~savertu mais il en reçoit un plus grand

encore aprëssa mort, dans la vie immortellequi at-tend son âme.

En eS'et l'âme est immortelle ce que l'on peut

prouver~ainsiToute chose bonne conserve et sauve ce à quoi

elle est bonne toute chose mauvaise détruit ce a

quoi'elleestmauvaise. Qu'est-ce qui détruirait donc

I~&me,si eH&était pénssable? évidemment ce quiest mauvais l'âme, c'est-à-dire le vice. Mais nous

voyonsqu'il n'en est rien. Si donc l'âme n'est pas

388 LES ÉCRITSDE PLATON.1 1

détruite par le mal qui lui est propre, à plus forteraison ne peut-elle l'être par le mal du corps. La

mort du corps n'a donc aucune influence sur

l'Ame: elleest immortelle.

Si les âmes sont immortelles, leur nombre

est toujours le même il est évident qu'il' ne

peut pas diminuer, et comment pourrait-il aug-menter? il faudrait que ce qui est mortel devînt

immortel et alors à la fin tout deviendrait im-

mortel.

Mais, si l'âme est immortelle, considéréedans le

fond de son être, elle doit être simple et non com-

posée car tout ce qui est composé est sujet à

périr.Pour connaître sa vraie nature, on ne doit pas

la considérer dans l'état dégrade où la, met son

union avec le corps, qui lui communique comme

quelque chose d~étfanger il faut la contemplerdans sa pure essence, c'est-à-dire dans sa tendance

versie divin et l'éternel.

Quoiqu'il en soit, même en cette vie) nousavons

vu que la justice est le plus grand bien de l'âme, la

j usticeen eUe-memeet abstraction faitedes avantages

qui y sont attachés. Maintenant nous pouvons bien

parler de ces avantages, qui viennent des Dieux et

des hommes, et qui payent à l'homme juste le prixde sa vertu et pendant sa vie et après sa mort; car

la vertu finit toujours par être connue et honorée

comme elle le mérite. Mais ces récompenses hu-

maines ne sont rien au prix de cellesque les Dieux

lui réservent dans l'autre vie, et que nous fait con-

LES ÉCRITSDE PLATON. 389

22.

naîtrele mythedeHerle Pamphylien(1),qui,,tuédans un combat, était descenduaux enfers, et en

était revenu après douzejours pour raconterce

qu'il yavaitvu.Sonâme, débarrasséedesoncorps,était arrivéeà deux ouverturescreuséesdans la

terre, auxquellescorrespondaientdeuxouvertures

semblablesdans le ciel; par là montaientet des-

cendaientlesâmesdesmorts. Aumilieusiégeaientlesjugesdevantquiellescomparaissaientlesâmes

vertueusesmontaientà droiteversle ciel lésâmes

méchantesdescendaientà gauchedans les enfers,

pour y subir au décuplele châtimentmérité parleurs fautes. Cette expiationdure milleanset est

diviséeen dixpériodesdecent annéeschacune.Ce-

pendantil ydes âmestellementperverses,celles

des tyranspar exemple,que ce long supplicene

suffitpasa les purifier.Quantaux autres, aprèsles

milleannéesde purgatoire,ellessontamenéesdans

unlieumagniBquepoury faire,sousla surveillancedes Barques,le choixd'une nouvellevie. Chaque

âme:est libre danssonchoix(2), et Dieun'est pasresponsablede l'erreur qu'elle peut commettreet beaucoupen. commettent;il importedonc,dès

cettevie, de nousmettre à mêmede bienchoisir,

(t).pntrouvecenomdansla Bible,GeK.,c.xxxYnt.s3Juda.ayantquittesesfrères,épousa]a BUed'utiChananeen,dontil eutuniits qu'il ttommaHer,')~.

(X) Cependantl'ordre dans ieque) tes âmessont appeléesdé-

pend du h&Mrd,uF;fa~ bon choix, il faut non-seule-ment s'être apptjtué la philosophie, mais encore n'être pasappelé des derniers.

390 LES ÉCRITSDE PLATON.

car, une foisfait, le choix est irrévocable;Lachésis

donne à chaque âme un démon qui doit veiller à

ce qu'elle remplisse le choix qu'elle a fait. Avantde

les introduire dans le corps qui désormaisva leur

appartenir, elles sont toutes conduites au bord du

Léthé pour y boire l'eau de l'oubli selon qu'ellesen ont plusou moinsbu, ellesperdent plus ou moinsla mémoire du passé. De là, accompagnéesde leur

génie, elles remontent sur la terre pour y recom-~

mencer encore une fois la vie.

Tout donc, dit en terminant Platon, tout, et la

raison et l'intérêt, doit nous inviter à connaître, à

aimer et à pratiquer la justice, qui nous assure le

vrai bonheur dans cette vie et dansl'autre.

Que s'est proposé Platon? d'approfondir l'idée de

la justice ou d'exposer un plan d'organisation poli-

tique ?.Gettequestion, tant agitée et si diversement

résolue par les pluséminents critiques (i), estpeut-être mal posée. Platon établit en principe que la

justice est le fondement detout ordre .socialet pd-

KtiqUe;~et'd'ûnautre~côt6, sommera,justieean'a'sa

place q~ dans les rapport~~ciaux et po~chercher la mëiUéureërgânisationpolitique~

(l) Proclus,Comment.ad Plat.FoM<p.309,sqq.;Morgen-stërn,c<. Rep.,PoMM~a~t794;TenaemaOD/M.jp~< t.lV, p. 173;ScNeier~~ ÎII;Rettig,Pro<e~.a:d~AeMjp.<8ta traductionaiie~andede PlatondeJ. jMùnèr,vot.V,p. 3;Snse~ibl,CeMe<.BM<wtcA.(! .1vol.~lt~p.s8~'Stallbàùm,1p. 58;Stallbal1m,.Pro!e~.<:<a<RewF.; Serhhard,deCoK~Ho~'ModjPK~po-M< N&f~~(!CM<tM;est.;~C<.SocM~. jCetp~ 1836,8, t.'î,

\p.M7' 1~~

LES ÉCRITSDE PLATON. 39<

analyser la notion mêmede la justice, et en pour-suivre les applications pratiques. La justice est une

vertu qui ne peut être atteinte par leshommesqu'au

moyen d'un système général d'éducation, dont la

République expose le plan, et en même temps la

vraieRépublique, l'État parfait, n'est que la pra-

tiqueet par conséquentlà connaissance réfléchie et

raisonnéede la justice. C'est ce que Platon exprimelui-même en présentant sous une double forme, et

enen renversant les termes, la fameusepropositionil faut que les chefsde l'État soient philosophes, et

il faut queles philosophessoient chefs de l'État. Il

y a un État dans l'âme, ~~v~tvwo~e~ (1), commeune âme dans l'État l'homme est unmonde en pe-

tit, a-t-il dit dans le~e (2) ici il dit que l'Étatest un homme en grand.

Le problèmede l'organisation politique nediffère

donc pas du probtème du perfectionnement moral

de l'homme, et vouloir en faire deux questions et

chercher quelle est celle que s'est proposéede ré-

soudre'particulièrement l'auteur de l'ouvrage, c'estméconnaître le point de vue supérieur où il s'est

placé, et d'où il les embrasse et les confondtoutes

les deux (3). L'État parfait est l'Ëtat où tous les

(l)I;.IX,p.a9i,e;592,e;X,608,!].(2)P. 29.C'estuneopinionqu'ontrouvedéjàchezLycur-

gue.Plut., ~ye.,31 Sc-Mp~t &v6p&;p[~xoft~Mt S~L'Ëtatn'estpasunmécanisme,maisunorganismevivant.

(3) BroclusAvaiidéjàdiLt,e(!~em~3St 't Cesdeuxbutsn'enfontqu'un;carcequelajusticeestdansl'âme,legouver-nementidéall'estdansunÉtatbienadministré.

392 LESÉCRITSDE PLATON.

hommes sont ou deviennent parfaits :,orla perfec-tion sociale,politique, humaine, c'est la justice, ou

l'harmonie de toutes les facultés de l'homme obte-

nue par la connaissance de l'Idée du bien, ou la

philosophie. Il est donc indifférent de dire que l'ob-

jet de Platon est la Politique ou la Philosophie,

puisque pour lui, et c'est le trait caractéristique de

sa doctrine, la Politique, la Musique et la Philoso-

phie, c'est tout un.

Les institutions que la T~oM~~Mede Platon met

enjeu supposent la vertu et ne peuvent se soutenir

que par elle d'où il suit que toute la politiqueconsisteà former les hommes à la vertu, afin qu'ils

puissent recevoiret conserver, comprendre et pra'

tiquer ces institutions de l'état parfait. Donc au

fond le problème politique se confondaveccelui de

l'éducation, qui seule petit fonder la prospérité et

le bonheur de l'État~ parce que seule elle le,fonde

sur des mœurs, c'est-à-dire sur les maximesréQé-

chies d'une conscience éclairée, libre, d'une âme

forte et tempérante, transformées eh habitudes par

rexercice.'r6pétë.11 s'agit donc d'apprendre à l'homme a mettre

l'harmonie, l'ordre, l'unité, dans. sonâme, ce quiest le seul moyen de les établir dans l'État; mais

d'un autre côté T'hotnme ne peut arriver à mettre

cesvertus dans son âïne, que s'il est élevédans un

État parfaitement organisé. On voit qu'il y a un

cerclevicieux, dont Platon n'a pu sortir qu'en sup-

posant qu'il pourrait naitre pour fonder sa cité

idéale, dans un coin de la terre, un tyran phHo-

LESÉCRITSDE PLATON. 393

sophe,c'est-à-direla plusirréalisabledetoutesles

chimères,et la plus manifesteimpossibilité,puis-

qu'il y a contradictiondans les termes. On peutdonccontesterle pointde vue de Platon,mais il

faut savoirle reconnaîtreet ne pas refuserà son

chef-d'œuvrela qualitémaîtressedesproductionsde l'art, l'unitéet de sujet et decomposition.La

penséefondamentalede l'ouvrage,quienfait l'har-

monieet l'unité, c'est l'Idée du bien d'où découlela parfaitejustice; la Républiqueest la conceptiond'un ordremoralpratique, pourl'individucomme

pour la sociétépolitique,maisqui nepeut êtreréa-

lisé pourl'individuque danset par une sociétéor-

ganisée,c'est-à-direparet dansl'État. Carles Grecset Platonn'ontjamaisconsidérémêmela possibi-lité abstraited'un développementquelconquede

l'individuisolé etplacéhorsdesrapportssociaux(t).L'hommeest un êtreessentieHementsocial,poli-tique,commele diraAristote.Iln'estvéritablementt

hommequelorsqu'ilestmembred'une communauté

politiqueet d'une associationquelconque.Delà,chezlesGrecg,l'union et presquel'unité dela po-litiqueet de la morale.Maiscetteorganisationpra-tiquedelaviehumainedemande,pourêtreconçue

etréalisée, uneconceptionplus haute, la contem-

plationspéculativeet théoriquedu bien absolu,de

ridée du bien, de la perfectionsuprême,de Dieuen un mot, sourceet principe de toutevertu, de

(t)K.Fr;HermaBn,6M<MMm~<MaK~p. )36: «tndi-viduutnandStaatsindnachPiatonurquantitativ,mchtqua-viduumundStaatsindnllchPllltonurquantitativ,nichtqua-litativunterscMedef!.

394 LES ËCRtTRSDEPLATON.

toute connaissance, de toute beauté, de tout être.

Les théories politiques de Platon, et particulière-

ment la communauté des biens et des femmes (~,

l'admission de ces dernières à tous les emplois po-

litiques et à toutes les fonctions sociales, ont été

dans l'antiquité et de nos jours l'objet de railleries

et de critiques sérieuses .toutes fort sévëres (2).

Kant a cherché à le défendre (3) et K.-F.Hërmahn

a démontré qu'il s'était moins éloigné qu'on ne le

pense des coudrions expérimentales et réelles, telles

qu'il les trouvait dans son pays et dans son temps (4).

Proclus a laissé sur la .Re~M~~Me un recueil, de

dissertations ou de leçons qui sont loin d'en être un

véritable et complet commentaire; l'ordre des ma-

tières n'y est pas suivi, et il semble que son but ait

été moins de faire comprendrelapenséë de Platon

.(t) La communautédes femmes est uneexpressiomnexacte

Platon impose le mariage; chaque citoyen 3é)'ordt'e dés magis-

trats, -car il n'y a qu'eux à user de cette prérogative, h'ë-

pbusequ'unëfëmme, ma)s)a durée de l'anton ês~

lement. Qr il faut remarquer 'que. cette classe do~

philosophes est nécessairement, par suite des conditions si nom-

breuses et si diffieitesqu'eUe exige, très-peu nombreuse, <pu<~

Â~Y'TT.o~~t~MNt Yevo);(B~ IY, 4i9)~ Spo:6b(;

&5ùvMa~e~ttt (M., Vr, 494, a). C'est donc un privilége sembla-

Meà celui des rois francs, et qui est loin d'etaMir, comme une

règle générale, la promiscuité des sexes.

(2) Les plaisanteries d'Alexis, dansDiog.L-, 11},26, M;À'tËé-

nee~'VI,246~VJ!1,394 ~Ans~te~jpoa~

"(8)~ant,CfM9'M6~e~~<tt<.tp~fe.

(4) GMSwm.~f'H~ p. 132. GeM/<.M.Syst. d. Plat. P/tM..

p. 693. Plotin avait conseille a l'empereur Gallien de fonder

une ville sur les principes de Piaton, qu'on appellerait Plato-

nopolis.

LES ÉCRITSDE PLATON. 3J5

que de justifier Homère, en expliquant ses fictions

par l'allégorie philosophique. C'est ainsi que Con-

rad Gessner en traduisant en latin ce morceau a

pu l'intituler Apologia pro So?Me?'o arte ~oe-

~ea'(l). Si Suidas ne fait pas erreur en nous disant

que l'ouvrage de Proclus avait quatre livres, il ne

nous est pas parvenu complet; le texte a été édite

à BAteavecIecommentaire sur le Timée, en 1S34.

Les éditions spéciales les plusestimées de la JR<f-

publique 'sont celle d'Ast, i8i4, Leipsig, accom-

pagnée de riches et savants commentaires, et celle

deKârlSchneider,Leips., 1830-1833, que recom-

mandesurtout la critique du texte. Les meilleurs

travaux à consulter sont, outre l'édition de Stall-

ha.um~

1. Car. Morgensteiïi, de Plat. ~~9. CoM~e?!

<i!OHes~'e~Hall., 1794.

2. Perd. Rettig. Pro~ey~. mP/. ~e~. Berne,18A8.~

3. K.-Fr; Hermarrn, GessM~e&e~MaM~M~yeM~

p.'î~eoëtting,;l8~ ?"'

43.LesLois'oudela Législation.

Ce grand ouvrage, diviséen douze livres, formait

dans la classificationd'Aristophanele premier mem-

bre de la troisièmetrilogie complétéepar le Minos et

l'MOMtM (2), et dans cellede Thrasylle, le second

(l)Zarict]i,lM2.(2) Ce:t3'it)rede<~oh porte deux antres titres t.Mem-

blée nocturne, et le 7't!oso~~e.

396 LES ËCRtTS DE PLÀTON.

membrede la neuvièmetétralogie, composéecomme

la trilogie d'Aristophané, et complétée par les

Lettres. Commele Minoset la République, les Lois

appartiennent évidemment, commele dit Thra-

sylle, au genrepoli tique (i).Les personnages sont réduits à trois un Athé-

nien qui est venu visiter des amis en Crète (2), et

par la bouche duquel Platon exprime ici sa pensée,Clinias de Crète, Mégiile deLacédémone. On voit

que Platon semble avoir voulu mettre en présence,et opposer l'une à l'autre, la législationdorienne et

la législation athénienne (3), ou plutôt la législa-tion platonicienne. Clinias, chargé de conduire à

Magnésie une colonie et d'y fonder une nouvelle

ville, a l'esprit naturellement préoccupé des lois

qu'il doit lui donner ce sont celles de sa patrie,

(t)Diog.L.I,60,6t,62.(2)Hn'estpasnomme.

(3)Leschol.Bekk.,p. 445,ancommencementdel'ouvrage,soutientquet'étranget'estPlatonmême,ens'appuyantsurle

passage~e~e~.V,739,oùil estdit qn'ityatrois sortesoude-

grésdecoustitutioopolitique,runequt est taperf~~ letypeetJe modeteparfait,xpf&'n!Ko~ KapKBEtYp.ct~oitte~; la

deuxièmequis'en rapprochele pluspossible;la troisièmequideuxièmequis'enrapprochele,plusppssib,le.latroisièmequiseral'objetd'unautreouvrage.Ilestvraiquelesmots~B~tut~)t6!<~tM)(6tp-r)XK)<.eynefontpasa)iasionà!aJ:~p<<Mt?Me,maisaurésumedecedernierouvrage,donaédansles7<OM,V,p. 739,et queparconséquent]e SchoMastea tort dedire quecelui

quiparledanslesMt~ydéclarequ'iiadéjàfaitailleursle pland'une autre république,et que par conséquenti'étraagerd'Athènesn'estautreque Platon.Diog.L-,HI,52,reconnattquecepersonnage,commeceluideSoerateetdeTimée,exposelesopinionsde Platon,maisestunpersonnageinventécommeceluiduSopAMe.

LESÉCRITSDEPLATON. 3U7

23

dont Jupiter est l'auteur, comme Apollon l'est de

cellesde Lacédémone.L'Athénien le prie de lui en

faireconnaître les principes, et l'interroge particu-

lièrement sur les repas communs, les exercices

gymnastiques, et le système militaire d'éducation,

adoptés par tous les Doriens (1). Oinias répond:

La guerre est l'état perpétuel et naturel des peupleset des individus l'homme est naturellement en-

nemi de l'homme; la supériorité à la guerre doit

donc être l'objet de toute constitution politique

prudente. Tel a été celui de la constitution de la

Crète 6t deLacédémone.

L'Athénien n'accepte pas ce principe; car il serait

absurde si on retendait aux divers villages d'une

même cité, auxdiversesfamillesd'un même villageet à l'individu, quoiqu'il faille bien reconnaître

que l'homme est souvent en désaccordet commeen

guerre avec lui-même. Mais, en admettant cet état

de lutte commeun fait, ne serait-il pas plus utile à

tous,, plussage et plus beau de réconcilier l'hommeavec lui-même, les familles et les peuples entre

eux, plutôt que d'entretenir et de cultiver ces fer-

mehts.de violenceet de haine? La guerre ne doit

doiic pas être le vrai but de l'organisation politi-

que, et les vertus militaires ont pour objet de ga-rantir la paix, du moins la paix intérieure des

États. La courage, d'ailleurs, n'est qu'une partiede la vertu, et ce n'est pas la plus estimable. Une

bonne législation doit donc se proposer autre chose

(i) Lesujetestamenébrusquementetsanspréparation.

398 LESECRtTSDE PLATON.

que de développer cette qualité, qui n'est pas la

plus précieuse ni la plus rare, car on la rencontre

fréquemment chez les plus vils mercenaires.

Les lois ont pour but d'assurer le bien del'Ëtat.

Il y a deux sortes de biens les biens humains, tels

que la santé, la beauté, la force, la richesse les

biens divins, qui sont en premier lieu la sagesse,

puis la tempérance, ensuite la justice, et enfin le

courage. Des biens divins dépendent les biens hu-

mains, et l'on peut dire que tous les autres biens

dépendent de la sagesse, fppov~. C'est donc sur

cette vertu que le législateur devra avoir les yeux

quand il réglera le mariage ou les rapports de la

famille, l'éducation, la sociétécivile, les sépultu-

res, le gouvernement. Or il ne semble pas que niMinosni Lycurgue aient entendu ainsi le problèmede la législation; ils ont exclusivement pensé à

développer le courage~ et encore ils ont négligécette partie du courage qui est la plus difficileet

la plus estimable, et qui consiste à vaincre le

plaisir et à combattre du moins les passions, quisont comme autant de fils et de cordes qui nous

poùssent~l'action.Les repas communs,tels qu'ils les ont admis, ne

sont partout que des causes de discordes, car la

tempérance y est mise dansun aussi grandpéril queI.t chastetédans leurs exercices du gymnase, où

les jeunes filles lacédémoniennes, obligées de se

présenter nues, désapprennent le sentiment délicat

de la pudeur, ce qui explique la vie libertine des

femmes à Sparte, où de plus les jeunes gens sont

LES ËCm'fS DE PLATON. 3~IJ

exposés aux séductions des ignobles amours inven-

tés en Crète. Ce n'est pas qu'on ne puisse tirer un

bon parti des banquets ou syssities; mais il est im-

possible de le montrer sans dire quelque chose de

la musique, et l'on ne peut parler de la musiquesans embrasser l'ensemble de l'éducation.

L'éducation est le fondement de toute bonne po-

litique (1), car les jeunes gens bien élevés seront

un jour de bonscitoyens elle a pour but d'habi-

tuer l'homme dès l'enfance, par la discipline bienentendue du plaisir, à aimeret à pratiquer la vertu.

b'honnete homme est celui qui sait donnerle gou-vernement de sa vie à la partie la meilleure de son

âme. Or il trouve dans son âme deux conseillers

puissants et dangereux, le plaisir et la douleur, et

une partie excellenteet douce, qui décide ce qu'il yde bien et de mal en chaque chose, et qui porte le

nom de loi quand ses jugements sont acceptés par

t un Ëtat. Pourque la raison soit maîtressedela vie,il faut que l'âme soit aguerrie non-seulement con-

tre la douleur, comme rpnt cru Minos et Lycurgue,mais encore contre le plaisir; et c'est a. cela que

pourraient servir les repas communs, s'ils étaient

présidéspar un homme d'un âge mur, d'un carac-

tère grave et tempérant,qui sût y maintenir l'ordre

et la décence, et qui les emploierait à étudier, à

sonder, à éprouver, à exercer les âmes des jeunes

(1)Toutel'orgattisatioMpolitiquen'estaufond,danslesLoiscommedansla jMpMM~e,qu'unvastesystèmed'éducationdel'enfantetdel'homme.Platonleditentermespropres<?Z-e~.!X,p.867,e.

400 LESECRtTSDEPLATOf).

gens, en les mettant aux prises avec les séductionsdu vin. On pourrait et on devrait en faire uneécole

de tempéranceet de courage, une discipline de la

vie, une gymnastique morale. C'est donc une ins-

titution vraiment politique, puisque la poHtiquen'est autre chose que l'art de rendre les hommes

meilleurs;

Liv. IL L'éducation est la discipline du plai-sir et de ia douleur, qui soumet à l'ordre nos

plaisirs et nos peines, nous fait aimer et haïr ce'quimérite notre amour et notre aversion, avant quenous soyons en état de nous rendre compte des

raisons'qui'justifient ce choix, en un mot c'est

l'harmonie de l'habitude et de la raison. Les ban-

quets sont un moyend'éducation. Il enest un autre,les exercices du chœur, qui comprennent la danse

et le chant (t). L'homme bien élevé est celui quisait bien chanter de beaux chants et ;bien danserde

belles danses. Tous les ôtres animés ont des

dieux la tendance a: se~mouvoiret a: Crië~~ `

ces mouvements;aàturels, qu'accompagne 1~

sir, l'homme a reçu; par un privilège spécia!, le

sentiment de la mesureet de l'harmonie, c'ëst-a.-dire le sens du be&udans les mouvements dû corpset de la voix. Le beau n'est pas uniquement l'a-

gréable comme l'art n'est qu'une imitation' des

moeur?,la beauté n'est que l'expression sensible de

bonnes mœurs; c'est donc quelque chose do uxe,

d'universel, de permanent; les lois devrontdonc,

~1) Le~ toujoursmêlérepas, onvoitle lien.des'-ittées.

LES ÉCRITSRE PLATON. 401

commeen Egypte, interdire aux poëtes, aux musi-

ciens, aux peintres, de rien changer aux modèles

où l'on aura 6xéune foispour toutes la vraie beauté.

Onpourrait dire, il est vrai, que le beauest ce qui

plaît; mais il faudrait ajouter ce qui plaît aux

hommes sages et -vertueux,doutesd'intelligence et

de courage, qui doivent non pas obéir, mais com-

mander aux entraînements du public ignorant et

mal étevé, qu'il est risible de voir,établir en jugedes choses de l'esprit et du goût. La poésie et la

musique ne sont que des moyens, des enchante-

ments pour attirer les enfants et les hommes par le

charmed'un plaisir délicat à, ce que la raison dit

être beau et bien. L'art doit donc recevoir sa règlede la morale, qui est sa fin.

Le but des chcsurs est d'enchanter l'âme par la

peinture de la vertu et du bonheur qui y est néces-

sairement attaché car le vrai plaisir, inséparabledu bonheur, est également inséparable de la vertu

en eSet.silebonheurétaitsépâré de la vertu, com-

ment recommanderait-onsans cesse la vertu? et s'il

n'en est pas séparé, comment la vertu serait-elle

heureuse, si elle ne goûtait pas le plaisir ?Les chceurs devront chanter de beaux chants et

danser de belles'danses,: à quoi reconnaîtrons-nous

cettebeauté?

Les choses qui nous plaisent, ou se bornent à

nous plaire, sans nous être ni utiles ni nuisibles,

ou, au plaisir qu'elles procurent, s'ajoute une uti-

lité, une bonté intrinsèque. Dans les arts d'imita-

tion, outre l'élément du plaisir, il ya un élément

402 LESËCRtTSDEPLATON.

d'utilité- qui consiste dans la vérité de l'imitation.

La beauté d'une ceùvred'art ne dépend donc pas

uniquement du charme qu'elle excite, mais de son

utilité, qui consiste dans la vérité de l'imitation,d'une part, et la moralitéde l'objet imité, de l'au-

tre. L'ûBuvre d'art- doit être l'expression ûdète etvraie du beau moral l'essence de l'art est dans sa

vertumorale. Pour être unjuge éclairé, il faut donc

connaîtretrois choses 1. l'essencede l'objet imité;2. la justesse de l'imitation; 3. la beauté (i),

qui consiste à la fois et dans le plaisir innocent

qu'elle procure et dans la valeur morale qu'ellecontient.

La première loi de l'art est la proportion~,la con-

venance, l'harmonie, le rapport exact des .choses,des sentiments, des expressions, des idées par

exemple, il ne faut pas donner à des hommes des

sentiments ni un langage qui appartiennent aux

femmes il ne faut pas confondre les modes et les

danses qui conviennent 'a des' citoyens avec ceux

qui sont bonspour des esclaves.

La seconde loi est l'unité, qui exigenon-seule-

ment qu'on n'unisse pas ce.que la nature a séparé,mais qu'on ne sépare pas ce que la nature a uni.

Par exemple, qu'on ne nousfasse pas entendre des

vers ni voir des dansessans musique; qu'on n'exé-

cute pas des mélodies sur la Sûte ou la lyre qui

(i) 669,b. 1.o,T[E<rtt;2.&;&p9Si;;3.<b;eS. roT~TtM.C'estdumoinsainsiquej'interprètecetSS.qu'onnepeu~guereentendredela perfectiontechniquequi se confondraitaveci'eMeUtadeetlavëritëdei'imitation.

LESËCMTSDE PLATON. 403

n'accompagnent pas des paroles. L'emploi des ins-

truments sans ta voix est une vraie barbarie.

C'est le chœur des vieillards qui sera chargé d'en-

tretenir la pudeuret la décence dans les banquets,et Fordre dans les exercices du chœur. Ils com-,

prennent, outre la poésie et la musique, la danse,

c'est-à-dire le mouvement du corps réglé par le

rhythme.Tout animal, quand il est jeune, éprouvele besoin de s'agiter, de sauter, debondir. Par un

noble privilège, l'homme a de plus recule senti-

ment de la mesureet du rhythme, qui lui permetde régler lesmouvementset de leur donner la forme

de !a beauté(i).Liv. III. Unevraie législation doit se rapporter a

!a vertu, et puiser le détail de ses lois dans chacune

des espècesqui ta composent,dit Platon au com-

mencement du premier livre. Il ajoute ici que la

tempérance est la vertu par excellence, car elle pro-duitla justice, et suppose le courageet.la prudence.EH6est doncaussi nécessaire aux États qu'aux in-

dividus. C'est pour avon' méconnu cette vérité

qu'ont péri tpus les gouvernements, dont Platon

recherchel'origine et raconte l'histoire (2).

(t) Lesquestionsrelativesà ta musiquesontbrusquementabandonnéespourêtre repriseset achevées1.VU,p. 796.Surlerotedela musiquedansl'éducation,d'aprèsPlaton,consulterTex,de<)<Mutéesad~co~en~MM~om~eM Mn<e~t<tF~Utree~t,l8t6; B!ume,de f~<t<.!<6ero!'Mme<fMeaH~ofwmdis-

c~)HM<t,HaU.,l8t8~(2)Telest du moinsle lien des idéesqu'a cru trouver

M,.Cousin;carcettehistoireest introduitesmsla moindrepréparation,et cen'est que dans le courantdu récitqu'on

404 LESÉCRITSDE PLATON.

S'i! faut en croire des traditions respectables, l'o-

rigine des sociétés actuelles est relativement ré-

cente. De grandes catastrophes, en bouleversant à

plusieurs reprises la terre, ont autant de foisdétruit

les sociétésqui avaient dû s'y former, dont il n'est

restéaucun vestige,et dont nous avons perdu même

le souvenir. On a seulement conservé la mémoire

d'un déluge auquel ont échappé un petit nombre

d'hommes réfugiés sur les hauteurs; ils ont len-

tement réinventé les arts nécessaires, et organiséune société sans lois~composée de familles isolées,

lesquelles vivaient sous un gouvernement patriar-cal. A cet état primitif et barbare, ont succédé les

villes et bourgs, dans lesquels les familles réunies

ont senti la nécessité de l'institution de lois. Le pa-triarcat a fait place à l'aristocratie ou à la monar-

chie Troie a été bâtie, puis détruite par la guerre.

Delà, Platon passe à l'histoire assez confuse des

gouvernementsgrecs, où est née la démocratie. La

confédérationdorienne comprenait trois États, dont

deux, Argos et Messène, ont péri à causede leur

tendance trop exclusivement guerriëre, et de la

mauvaise division des pouvoirs politiques. Sparteseule a survécu, précisément parce qu'elle a, dans

sa constitution, mieux réalisé la tempérance, der-

nier but de l'État. La meilleure constitution politi-

que est uneconstitution tempérée, c'est-à-dire par-

ticipant de la monarchie et de la démocratie, les

aperçoitcerapportentre~esfaitshistoriqueset tescausesmo-ralesquilesontamenés.

LESÉCRITSDEPLATON. 4M

23.

deux constitutions politiques mères de toutes les

autres, et tenant entre elles un juste milieu. H n'ya point d'âme qui soit capable de soutenir le poidsd'un pouvoir souverain, sans limite et sans contrôle,

de manière à ce que la plus grande maladie, l'igno-

rance, ne s'empare pas d'elle. Tout pouvoir humain

doit être mesuré,limité, le pouvoir du peuplecommecelui du prince. C'est ce tempérament

qui permet de maintenir dans l'Etat la concorde,les lumières, la liberté, conditions nécessaires

de sa prospérité durable. Athènes a trop penché

d'uncoté, et la Perse de l'autre. La Perse s'est

affaiblie, parce que l'obéissance des peuples est

devenuela servitude, et le pouvoir du prince un

despotisme. L'empire d'Athènes a été compromis,

parce que la liberté du peuple y a dégénéré en li-

cence, et que les lois et les magistrats y ont perdu,

les unes presquetoute autorité, les autres presquetout pouvoir. Dans,un État bien ordonné, la puis-

sance politique doit être distribuée en proportionde la vertu or les degrés de la vertu sont ceux-ci

1. Lesbièns de l'âme, unis et liés ala tempérance;2. les biens du corps; 3. la richesse. C'est au sagede gouverNer, à l'ignorant d'obéir, et par igHO-rance il faut entendre cettedisposition de l'âme où,tout en jugeant qu'une chose est bonne et belle, au

lieu de l'aimer on l'a en aversion; et l'on est en-

core dans l'ignorance lorsqu'on aime et qu'on fait

ce qu'on sait être mauvais ou injuste. Le bon légis-

lateur doit faire en sorte que l'État soit libre, uni,

éclairé, ce qu'il ne pourra être que sous une légis-

406 LESËGRtTSREPLATON.

lation mixte et tempérée, où la puissance et le res-

pect seront mesurés par les différents. degrés des

biens.

Clinias, chargé de conduire une colonie à Ma-

gnésie et de lui donner des lois, prie l'Athénien

d'exposer dans son entier le plan d'une législation

qui serait fondée, comme on vient d'en .montrer la

nécessité, sur la vertu, et particulièrement sur la

tempérance, celle des vertus qui produit ou supposetoutes les autres. C'est parla qu'est amenéle: qua-trième livre et la secondepartie de l'ouvrage, c'est-

à-direrexposition,précise de la iConstitutiQn~etdes

lois (1), dont les trois premiers ne sont guèrequel'introduction générale. --</

Il s'agit donc de fonder un gouvernement, un

État qui se rapproche autant .que possible de la

perfection.Cherchons à déterminerd~ les con,~

ditions extérieures les plus favorables dan~ les-

quelles il peut-être placé.Ce ne sera pasune ville maritime (2),~cades,cités

adonnées au commerce, et surtout~ commerce

maritime, ne ~pensétit/~plus~qu'auxbénéSces.et~au

gajn~~prennent ie goùt~d'innovations;mcessaGtes,

oublient dans l'ardeur del'espritmercântile la bonne

(1)M.Cousin,d'âpresBoeckH.,Mtn.,p. 69, considërëtequatrièmelivrecommeappartenMta l'introduction,et nefait,commelui, commencerle sujetvéritaMequ'aucinquième,p,734,e.

(2)Cf.Cic.de NeF.,M,c. 3et 4 (Romutus)sensitaeviditnonesseoppOTtunissimossitùsmaritimosurbibusli~,quœad

spemdiutumitatisconderphturàtqùëimperii,

LES ÊCRITSDE PLATON. 407

foi etla?cordialité, qui doivent partout*et toujours

présider aux relations des hommes, et perdent en

outre la tempérance et même le courage, égale-ment incompatibles avec la vie des hommes de

mer.

La question de savoir s'il faut désirer une po-

putation tout entière de même race, de m6melan-

gue, de imêmereligion, est plus difficileà résoudre.

Sans doute il y a dans oëSconditions plus de ga-ranties pour laGoncorde, l'union, l'amour des ci-

toyens~~naisil y aura aussi bien des obstacles à

vaincre<pou!F'Ieurdonner des moeurset des institu-

tions autres que celles de leur première patrie et de

leurspëres'. I~èiterritoiredoit6trepeuétendu,et me-

surejsur les'besoins de la défense et de l'alimenta-

tiondela population, quine doitpas excéderSC~Oha-

bitants. l~a'&rtune a -une grande influencesur le

suaeèsdes cSosesihdniaineseliéen a unegrande sur

le succèsd'uniËtatq.ui! se fonde. Il est permis de

G&mpterpouàlà cité'fu~ sur quelques chances

heurêusBs,eb l'une des plusiieureusesquilui puisse

arri~er~ ëst~a~ir a.isa~téte, outre un excellent

legislateup qui'iukdonhej'des lois, un tyran jeune,

intelligent, énergique, magnanime, et surtout

m~d'éré, qui les fasse appliquer car, sans modé-

ration ou tempérance, il n'y a pas de vertu du-

rable.

Quelle forme de gouvernement doit avoir notre

Gite?La monarchie,est l'État oùle pouvoir est entre

les mainsd'un seul homme l'aristocratie, celui où

Hest entre les mainsd'un petit nombre la démo-

408 LESÉCRITSDE PLATON.

cratie, celui'où il est entre les mains du peuple. Le

nôtre sera entre les mains, non d'un homme, maisd'un dieu, le seul vrai maître des hommes, et ce

dieu,commeautrefois Saturne (1), y fera régnerdeslois qui ne seront que l'expression de la raison quiseront faites eh vue de la justice et du bonheur de

tous, et nondans l'intérêt d'une factionquelconquedansl'Ëtat. C'est ainsi la toi, expression de la -vo-

lonté et de la sagessedivine, qui sera ~maîtressede

notre cite (2). La garde des institutions et l'autorité

nécessaire pour assurer l'exécution des lois,, dé-

vront appartunir.celui qui sei sera distingue parson obéissance; car le magistrat le chef de l'État,

qui paraît commander, doit en réalité toujours

obéir, mais obéir à la loi dont il est le ministre,

c'est-à-dire le serviteur, et lajoin'~ lé repré-sentantde la raison. Il seraen même temps mo

parce que la tempérance est chère à~M~ auquelil doit s'efforcer deressembler, et parce queDieuest

la mesuresuprême des choses ~.Enûni~ serarali-

gieux, et pourra, par son cornmexceavec le$.;D,iem,

du ciel et desspfers, avec le~~d~ les,,héros

tutélairesrdeyia cité appeler la protection ;diviM

(t) lofse trouveunmythetrès-courtsurle règnedeSaturne

pendanttëqueHëshommesêtatentgouvernéspardëMenf&isantsgénies,p. 713,c. Comp.le ]nytheplusétendudu Politiquep,~69,asqq.

(2)L~deede la justtCen'estdoncpasabsentedeta concep-tionpolitiquedécritedanslesLois,commet'affirmo Zeller.

(PM<ûM:52.)~(s) 715,e. PtatOncite la fameusemaximeorphique Dieu

estlecommencement,le milieu,la findetouteschoses.

LESECÏUTS))E PLATON. 409

sur !a citénaissante (1), et communiquer à ses con-

citoyens la piété envers les Dieux et la résolution

fermedepratiquer l'honnêteté, la vertu, la justice.Avant d'entrer dans le détail de l'administra-

tion, il faut nons rappeler quenous faisons des lois

pour des hommes, c'est-à-dire pour des êtres intel-

ligents et libres; avant de leur donner un ordre im-

pératif, avant de les menacer d'un châtiment, il con-

vient'déies avertir, de les éclairer, de lespersuader;car ohne doit fonderl'obéissance que sur la raison.

De là la nécessitéde faire précéderlàrëglë impéra-tive de considérants, d'un exposé de motifsqui en

explique le but, lequel doit être toujours moral; et

Platon ehdonne un exempleconcernant le mariage,où la prescription légale est précédée d'un' exposédes raisons et des intentions morales et religieusesde'M loi. Lëlivre se termine par quelques prescrip-tions relatives au respect et à l'amour que l'on doit

à ses parents.Livre: Le commencement de ce livre est con-

sacreral'exposition des principes généraux et des

maximesmorales (2)d'après lesquels doit se diriger

la: législation'positive, dont il forme comme le

préambule. Platon y parle de l'importance relative

des biens du corps et des biens de l'âme, que toute

bonne constitution a pour but d'assurer aux ci-

(t) Cetappelausentimentreligieuxe8tcommele préambulegénéraldetoutela législation.(2) LeUvret)féeedents'estterminépari'exposHMndesprin-

cipesreligieuxdunouvelÉtat; voicimaintenantlesprincipesde~morale.

4<0 LES ÉCRITSDE PLATON.

toyenst Après les Dieux, ce que l'homme doit sur-

tout honorer, c'est sonâme. Honorer son âme, c'est

la purger du vice, de l'erreur, de la lâcheté mo-

rale qui la fait céder au plaisir, et la porte à éviter

le péril et la peine que commande la vertu. Quantaux avantages corporels, d'une part, et aux biens

extérieurs, de l'autre, tels que la richesse, les hon-

neurs, le grand nombre d'enfants la médiocrité

vaut mieux que l'excès, qui nous inspire un sot or-

gueil.. -,i~Le bon citoyen doit être respectueux,envers les

Dieuxde sa race, tendre à ses amis, aS'ectueUxen-vers les hôtes et surtout les suppliants. Pour!'être

heureux, il doit pratiquer la justice, et pourprati-

quer la justice avoir une dose égale de colère et.de

douceur de généreuse colère contre les vices'incu-

rables des méchants, de douceur miséricordieuse

pour les fautes légères, car on n'est jamais méchant

volontairement. Ce n'est pas assez de pratiquer etd'aimer la justice, il faut la faire aimer auxautres,et lespousser, les forcer à la pratiquer eux-Hîêmes.

1/égoïsmeest la source des plus grands~défautsde

l'âme.'L'homme a sa dignité a-sauvegardér il ne

doit pas l'abaisser en se livrant sans mesure ni au

rire ni auxlarmes. Dans Fadversité même, qu'il se

garde du désespoir, qui est une impiété il semble-

rait croire que l'homme de bien est abandonné de

Dieu. A cesraisons divines qui nous recommandent

la vertu, parce qu'elle est ce qu'il y a de plus hono-

rable, il fauten ajouter de plus humaines. Le plaisiret ladouleursontles deuxgrands mobilesde l'âme;

LESÉCRITSDE PLATON. 4«

c'est cequi 'noustient le plus au cc&ur.Or on peut

prouver que la vie qui contientle moins de douleurs

et le plus de plaisirs, c'est la vie vertueuse, parce

qu'elle est tempérée, courageuse, sensée, salubre,tandis que l'autre entraîne la folie, la lâcheté, l'in-

tempérance, lesmaladies.

Il est temps de passer à la législation proprementdite. Elle comprend deux parties l'institution des

magistrats, et l'établissement des lois qui doivent

déterminer, fonder et contenir leur pouvoir.

Quelquesprécautionspré[iminaires sont encore à

indiquer. Onchoisira les citoyens du nouvel État

exclusivementparmi deshommesvertueux; le nom-

bre en e&tlimitéà S040 (1). Les terres de ta colonie

seront partagées entre euxet divisées, a ceteSet, en

autant de lots parfaitement égaux. Le législateurdevra respecter les temples consacrés, et se soumet-

tra, en tout ce qui concerne la religion, aux pres-

criptions de l'oracle de Delphes, de Dodone, de Ju-

piter Ammon.La propriété est donc conservée,

quoique entourée de réserves et contenue dans d'é-

troites limites pour empêcher le développement de

la passionde la richesse. La propriété est un mal,

maisun mal nécessaire, au moins dans la constitu-

tion présente.

Il y a trois formes politiques l'une parfaite, re-

posantsur la communauté absolue; mais c'est un

État qui n'est ou ne sera habité que par les Dieux

oules fils de Dieux; c'est un modèle irréalisable à

(t) Nombrechoisiparcequ'ilestundeceuxquiont !epiusdediviseursquisesuivent il ena 59.

~2 LES ÉCRITS DE PLATON.

l'homme, et trop parfait pour sa condition actuelle,

u.Eti~vxotto;T~ Ys~otv,mais sur lequel il faut

avoir les yeux pour réaliser les autres. La seconde,

peu éloignéede cet exemplaire immortel, est l'objetde l'entretien actuel. Quant à la troisième, le planeu sera exposéplus tard, si Dieu le permet (i).

En conservant la propriété dans nôtre Ëtat, il

faut au moinsen éviter les plus graves inconvé-

nients, etc'est dans ce but que sont institués divers

règlements concernant les lots de terre, qu'on ne

pourra ni'diviser, ni accroître,ni vendre. Il n'y aura

pas de monnaied'or ni d'argent. La monnaieétran-

gère sera interdite, sinon dans des cas spéciaux. Il

sera défendu de donner et de recevoir une dot, de

placer oude recevoir de l'argent a intérêt.

Malgrétoutes cesprécautions, et a.causede la fa-

culté accordée aux habitants d'apporter des biens

meubles avec eux, l'égalité de biens ne pourra -pasêtre maintenue entre eux. OBferadoncquatre clas-ses de citoyens, déterminées par le cens; mais le

plus pauvre devra avoir au moinsson lot de;terre,et le plus. riche ne pourra pas avoir plus de quatrefois la valeur de ce lot.

Tout le pays,'au milieu duquel est située la

ville, est divisé en douze parties, les habitants en

douzetribus, et la villeelle-mêmeen douzerégions,à chacune desquelles préside un dieu. Dans tous

les règlements, il faut bienfaire attention que toute

(t) Platonn'a dit ni fait entendrenullepart quelleétaitcettetroisièmeformepolitique.

LESÉCRITSDE PLATON. 413

chose a sa mesure déterminée; les magistrats de-

vront donc connaître la sciencedes nombres, utile

dans l'économiesocialeet domestiqueet à la culture

de tous les arts; mais il ne faut pas la dégrader à

n'être qu'une routine misérable, comme l'ont fait

les Égyptiens et autres peuples, dont le penchant à

la passion de s'enrichir tient peut-être à la nature

despays qu'ils habitent; car il y a des lieux plus

propres que d'autres à produire des hommes ver-

tueux.

Le !ivre Vt renferme les règlements relatifs à

l'institution des magistrats, &la déBaition de leurs

fonctionset de leurs pouvoirs, au mode de leur no-

mina±ion,mination.

L'élection est le mode de nomination de presquetouslesmagistrats. La listeélectoralecomprend tous

ceux qui ont fait oufont encore le servicemilitaire.

On formed'abord une liste de 300 éligibles parmi

lesquels on en choisit encore 100, et parmi ces

iOOéligibles, on nommeenûn un conseilde37 mem-

bres chargé du pouvoir politique exécutif ce sont

les wj~~x~. On nomme ensuite les chefs militai-

res, élus par tous lès citoyens sur la proposition

des w~u).axe< les généraux ont le droit de pro-

position pour la nomination des officiers, qui sont

élue par les soldats des armes spécialesauxquellesils appartiennent.

Le pouvoir législatif est conné à un sénat de

360 membres,élus par tous les citoyens, mais quidevront être pris par quart dans chacunedes quatreclasses de citoyens toutefois les deux dernières

LES ËCtUTS DE PLATON.4)4

classespourront se dispenser de présenter une liste

de candidats qui leur appartiennent, tandis quecetteobligation est sévèrement prescrite sous.peined'amendes aux deux premières (i).

Les prêtres sont, les uns annuels, choisis par le

sort; les autres perpétuels, par l'élection.

Des magistrats spéciaux, élus, sont chargés de

faire la policede la ville et descampagnes,de main-

tenir les règles qui doivent présider au commerce;

d'autres, de veiller à tous les intérêts municipaux.Il y a des magistrats pourprésider auxexercices

de la musique et de la gymnastique, et leur auto-

rité s'étend sur les écoles, les gymnases les con-

cours musicaux et gymniques, les représentationsdes chœurs; d'autres sont chargés de l'ensemble de

l'éducation, et ont à leur tête un chef nommé pour

cinq ans, et élu par tous les autres magistrats, à

l'exception des sénateurs et des prytanes.Vientensuite l'organisation du pouvoirjudiciaire.Les tribunaux ont trois degrés 1. un tribunal

d'arbitres Hommes par les parties; 2. un tribunal

civil jugeantdes causes privées; 3. un tribunal ju-

geant les causespubliques qui intéressentla, société

ou l'Ëtat. Les juges de ces deuxderniers tribunaux

sontnommés par l'élection, et responsables comme

tous les autres agents du pouvoir. De plus, le jury

(i) Onvoit~percerjusquedansce détaill'espritgénérâtdes

Zo~,quiestde tempérerl'un parl'autre,l'élémentdémocra-

tique,libéral,ionien,par l'élémentaristocratique,discipliné,dorien.C'estlemilieu,essentielà toutbongouvernement,dit

Platonlui-même,entrela monarchieet ta démocratie.

LES ÉCRITSDE PLATON. 4<83

est institué pour tous les crimeset délits politiques,

et, autant qu'il se pourra, même en matière civile,

par la.raison profonde et vraie que ceux qui ne par-

ticipentpoint à la puissance judiciaire croient man-

quertotalement des droits de citoyen. Après l'insti-

tution des magistrats doit venir la législation, qui,

rappelons-le encore une fois, ne doit avoir d'autre

but que la vertu, considérée dans la vie privée et

dans la vie publique.Les fêtes religieuses, consacrées à chacun des

Dieux qui président à chaque partie de la cité et à

chaque tribu de FËtat, seront en même temps des

foires et des lieux de réunions, où les jeunes gensdes deuxsexes pourront se voir, se connaître et se

choisir. L'âge légal du mariage est, pour les hom-

mes, de vingt-cinq a trente-cinq ans. Des~pénalitéssont ûxécs contre le luxe desfêtes nuptiales et con-

tre le célibat.

L'usage de la dot est supprimé les convenan-

ces morales, donj, les parents sont juges, doivent

seules déterminer les unions. La règle qu'il faut

suivre dans le choix d'une épouse est moins le goût

personnel que l'utilité publique. Or l'utilité publi-

que recommande d'unir des caractères différents

pour les tempérerl'un par l'autre, comme on mêle

le vin à l'eau pourobtenir un breuvage sain et ex-

cellent. Parmi les possessionspermises se trouvent

les esclavesy propriété nécessaire et à la foisdange-

reuse; il ne faut être envers eux ni trop bon ni trop

sévère, mais toujours être juste.

Les jeunes mariés et leurs femmesdevront assis-

4)6 LES ÉCRITSDE PLATON.

ter auxsyssitiesinstituées pour guérir les trois gran-des maladiesde la nature humaine la passion de la'

boisson, de la nourriture, de la'volupté (i). On nedoit pas s'étonner de voir des règlements s'appli-

quer aux détails les plus intimes de la vie'privée.C'est une funeste erreur de croire que le législateurdoit rester dans les limites de la viepublique tout

ce qui n'est pas réglé fait tort aux règlements les

plus sages.Le mariage a pour but de mettre au monde des

enfants il importe donc de veilleràla procréationdes enfants. De sages matrones, donneront à cet

égard aux jeunes époux les conseils et même les

ordres nécessaires. Un registre des naissances et

des morts est tenu. L'âge du mariage des femmes

est fixéde seizeà vingtans. Ellesne pourront exer-

cer qu'à partir de quarante ans les magistratures,ouvertes à l'homme à trente. Lé servicemilitaire,

qui .commencepour l'homme à vingt ans et 6nit à

soixante,ne commencerapo.urellesqu'après qu'ellesauront eu des enfants, et durera jusqu'à, cinquanteans.

Le VIle livre est tout entier consacré à l'éduca-

tion.

A peine l'enfant est-il né, et, pour ainsi dire,

quand il est encore dans le seinde sa mère, il faut

penser déjà à former son corps et son esprit. Les

(t) Aceprpposunedigressionsur la viedeshommespri-mitifs,r~nthropophagieet les sacrificeshumainsconservésencoredansqueiquespays,et lesrégiesdelavieorphiquequisontcommeuneréactioncontrecesexcèsabominables.

LESÉCRITSDE PLATON. 4H

règles qu'il faut suivre dans cette éducation pre-

mière, si importante et si négligée, ne peuvent être

appeléesdes lois; c'est quelque chose de plus haut

et de plus puissant encore, car ce sont des mœurs,des habitudes qu'il faut créer et que la raison et

la persuasionpeuvent seules faire naître la con-

trainte légale serait, dans ces détails intimes de la

vie domestique, à la fois ridicule et impuissante.Le but de toute éducation est de donner à l'âme et

au corps toute leur beauté, toute leur perfection.

C'est pour arriver à ce but que les femmes, dans

les derniers mois de leur grossesse, doivent suivre

elles-mêmes certain régime, et pendant les pre-mières années doivent prendre certains soins de

leurs petits enfants. Depuis l'âge de trois ans jus-

qa'à six on laissera jouer ensemble filles et gar-

çons, sous la surveillancede femmes. A six ans, les

sexes sont séparés, et une éducation plus sévère

commence. Les enfants, même les Elles, appren-nent les exercices du cheval de la course, de la

lutte, des armes d'une part, de la musique de

l'autre. La gymnastique a deux parties la danse

et la lutte. La danse elle-mêmese divise en danse

mimique, ayantpour objet d'exprimer par les gesteset les attitudes du corps les pensées déjà traduites

dans les vers despoëtes l'autre n'a pour but quede donner au corps de la souplesse, de l'agilitéet de lagrâce. La lutte sera l'objet de règlements

qui auront leur place plus loin. La danse, partie

intégrante du chœur, nous conduit à la musique.Toutes les danses, toutes les poésies chantées doi-

4t8 LESËCtUTSDEPLATON.

vent avoirun but religieux et être consacréesà célé-

brer quelque divinité. Chaque Dieuaura ses chants

spéciaux, examines par un tribunal de censeurs,nxés par les magistrats ( i), et il sera interdit

d'y rien 'changer, car le changement, en toute

chose, est rnauvais en soi. Les chants sont des lois,

V0~0t(2).-Dedix à treizeans, l'enfant étudie la grammaire

de treize à seize, il apprend à chanter et à jouer dé

la lyre.Pendant ce tempsil est forméda ris lesgyronases

aux exercices gymniques et militaires nous en

avons déjà indiquél'utilité et l'objet. Mentionnons

seulementdeuxgenres de danses la pyrrhique oudanse militaire, l'emmélie ou danse pacifique.

Quantaux danses tragique et comique, eltësne se-

ront toléréesdans rËtatqu'apFes un examen~sévère'

des magistrats supérieurs. La jeunesse doit êtreini-

tiée au moins aux premiers principes de~

tique, deÙa~éoiNétrIë~de~Fastronomie~Parn~

exerciceset les divertissements, ir~& la.

(t) Commeta racedespoètesest incâpabtë de distmlebondumauvais,il fautbienque.lesmagistratsles contraignentd'observerdansleursproductionsla règledujuste,dubienet'dtibeau.

(2)AumilieudecesrèglementslaboriouxPlatonjetteuneré-flexionméprisanteet amèresur la viehumainequinemérite

guèrequ'ons'occupetantd'elle;carl'hommen'estqu'unmisé-raMeJou~tentreles,mainsdeDieu,uneombrevaine,qui n'a

qu'unefaibleétincelleet parceùedevérité. p. 803et 804,b..Gf.Ke'te~ 1,p.644,d. M.Gdusin,au'Iieu.'de~uj<.atTCt,pra!-stigioseimagunculœ,a 'tu âvecAstMio~t~;desaM<om~~

LESÉCRITSDEPLATON. 418

pêcheetia.chasse aux oiseaux, et ne permettre que

la chasseà courreet à pied.L'instruction dans la musique et l'art de la

guerre est obligatoire. Ce ne sont pas seulement les

exercicesde l'éducation de la jeunesse qui doivent

être déterminas par la loi, c'est l'emploi même de

toute la vie du citoyen, a qui il faut prescrire un or-

dre d'actions depuis le lever du soleil jusqu'aulen-

demain matin)c'est-à-dire pendant la nuit comme

pendantlejour.Le VIII' livre institue les fêtes religieuses, pour

lesquelles il est-nécessaiTede consulter l'oracle de

Delphes,et les jeux publics, musicaux, gymniqueset militaires qui les accompagnent. Platon s'élève, à

cette occasion, contre les ignobles amours que ne

punissaient pas les lois des Lacédémoniens et des.

Cretois, Puis il expose les lois qui ont rapport à la

vie des citoyens lois sur l'agriculture, c'est-à-dire

tout uncode rural contenant un règlement completsur les.irrigatiohs lois sur l'industrie et les métiers

manuels, exclusivement réservés aux étrangers et

auxméteques; lois sur le commerce, qui est sou-

mis à une surveillancejalouse et sévère.

Le 1X~livre contientle code criminel et le code

~~p~al.

Chaque.loi est précédée d'un exposéde motifs,d'un préambule explicatif. Platon y passe en revue

les~crilége (le jugement, dans ce cas; doit avoir

lieu sur des piëcesue'procédure écrites), les crimes

contre l'Ëtat, le le meurtre avecet sansprémé-

ditation, le suicide, les coups et blessures, les vio-

420 LES ËÇMTS DE PLATON.

iences. Deux digressions l'amènent à démontrer la

nécessitéde lois écrites, et à contester le caractère

prétendu volontaire de l'injustice.

L'homme n'est jamais volontairement méchant..

Il ne fautdonc pas distinguer l'injustice en volon-

taire d'une part et involontaire de Vautre; il faut

distinguer seulement l'injustice d'une part et le

dommage de l'autre. Le dommage, ou tort, peutêtre volontaireou involontaire; quand il. estvolon-

taire, il constitue l'injustice, qui de sa nature est in..

volontaire. Il faut doncla traiter commeune mala-

die de l'âme qui a sa source dans la colère, le plaisiret surtout l'ignorance; l'ignorance c'est-à-dire

l'aberration de nos désirs et de nos opinions au

sujet dn vrai bien. Le châtiment n'a pas d'autre

but que de la guérir, c'est-à-dire de la rendre

meilleure ou moins méchante. Quant au dom-

mage, il est nécessaire et en même temps facile

d'obliger le délinquant à le réparer..Les lois écrites sont nécessairesdans un État bien

ordonné, parce qu'il faut un maître dans l'Ëtaf, si

l'on veutque l'intérêt général, objet de la vraie po-

litique, y domine l'intérêt particulier. Si ce maître

nécessaireest un homme, cet homme, par suite des

faiblesses morales et intellectuelles de l'humanité,ne saura plus distinguer l'intérêt général deson in-

térêt personnel, ou n'aura pas la force de sacrifier

au bien de tous et de la justice son orgueil, ses pas-sions et ses plaisirs. L'individu qui pourrait seul

être maître de l'État devrait être moralement et.in-

teUectueUementinfaillible.

LES ÉCRITSDE PLATON. 42i

Laloi, qui ne tient compte d'aucune personna-

tité, et généralise toutes ses prescriptions en lesdé-

terminant d'après la notion de la justice, est donc le

seul maître que puissent reconnaître les hommes

dans unevraie société. Toutefois la loi, qui ne peutni tout prévoir ni tout distinguer, doit laisser une

certaine latitude aux juges, et d'autant plus grande

qu'ils sont plus éclairés et plus vertueux. Tout juge-mentdoit êtrepublic tout jugement doit être rendu

au milieu d'un silence graveet respectueux.Le X" livrea rapport aux crimesd'impiété, qui se

manifestent, soit par une violation des chosesdivi-

nes et sacrées, soit'par de mauvais traitements

exercés contre les parents. Les attaques ouvertes

contre la religion et les Dieux ne peuvent provenir

que des opinions fausses que les hommes se font

sur ce gravé sujet. Ces erreurs sacriléges et blas-

phématoiresse peuvent ramener a trois

1. II n'ya pas de DieuxIl y a des Dieux, mais ils neS'occupent pas

des hommes;

3. Il ya des Dieux, ils s'occupent des hommes;mais on peut Héçhir leur justice et apaiser leur co-

lère par des cérémonies, des pratiques religieuses'et dessacrifices.

Persuadé que tout \ice du cceur a sa source dans

une erreur, Platon croit que la meilleure manière

de corriger les uns est de rectifier et de réfuter les

autres, et c'est ce qu'il entreprend ici.

1. 11 ne sùfut pas, pour prouver qu'il y a des

Dieux d'invoquer l'ordre constant des phénomènes24

422 LESÉCHtTSDË~LATO-S.

naturels et le consentement universel. L'athéisme et

les-tristes doctrines murales qui en découlent et qui

ramënent à une origine arbitraire et accidentelle les

idées du juste, du bien et du beau, ont pour principe

logique le m&ténalisms, doctrineinsoutenable, parce

que la matière étant par essence inerte, et étant en

fait en mouvement (i), est nécessairement mue par

une force diNérento d'elle et se mouvant elle-même.

Cette force qui se meut elle-même est le principe de

Is~ie: c'est l'âme (2). L'âme est le principe dp tout

mouvement. Le monde se meut, il est matériel it

est donc mû par une âme, antérieure et supérieure

à la matière (3). Il y a deux âmes l'une bonne, et

Fautre mauvaise; l'une principedu bien, l'autre prin-

cipe du mal (4). Le mouYemënt du monde actuel, qui

(i) ï) ya to espèces de mouvement 1. te mouvement cir-

culaire, MpKpppdt;2. le mouvement de transtat~pn sans rota-

tion 3. le mouvement de ;translatibri aécon1¡:iagnÓdérntation;tion 3. le mbuvem6ntdetraasl&tibn accompagne do rotation

4. le mouvement de séparation; 5. le mouvementd'agréga-

tion .6. le mouvement d'accroissement 7. lëf mouyementde

diminution; 8. le mouvement de destruction, 'p9cf:« 9, le mou-

vement qui a sa cause en lai-même; 1 le mouvement qui a

sa.causehorsdelui.

(2)Gf..PAa?'(!)'245,d Gteér. VI, 25, ë~~ 23.

(3) Cf. rtM., 34; c; ~6~X~ 966, 1~;Epinonx. os0, d:

f/tMe6., M, c. Cepassage est reproduit pai'~us6b.iBp..E~

~Xn,50~p.;622,;d.. ~r

(4) De ~e~ X, p. 8H6, e: ~[Ou;, ~<{ou<

BUO~jtM YE'!tO~~atTOV~YjSs~tt9Mj).6~t~ T66~EpYEttSo;XN)'H);

T~&'<TnxSnvct~Yj~~ep~t!t6mt,E'estien vain queStaUbaum veut

interpréter ce texte de .maniet'e a en détruire le sens évident,

et a ne pas y voirla théorie de deuxajnMs, Suivant lui, ['latot)

n'en fëconnàit qu'une, tantôt bont)e, tantôt mauvaise, et s'ii

s'exprime d'utie manière inexacte, c'est pour s'accommoder à

LESËCUtTSOEPLATON. 423

tourne sur lui-mêmeautour d'un centre immobile,sans changer de Heu, a toute l'affinité et la ressem-

blancepossibleavecle mouvementcirculaire de l'in-

telligence donc l'âme qui le meutest bonne. Cette

âmeou ces Ames, principes des mouvements régu-liers de la nature, sont des Dieux. Non-seulement

donc il y a des Dieux, non-seulement ces Dieux

sont bons, mais on peut dire que tout est plein de

Dieux.

2. LaProvidencegénérale etparticuliëre des Dieuxest prouvéeparleuï perfection, qui est leur essence.

LeurProvidenceconsiste dans leur justice, en vertu

de laquelle ils donnent a tout être, et par consé-

quent à tout homme, et pendantsa vie et après sa

mort, la place et la fonction qui lui appartiennentdans la vie générale du monde.

U'individun'a pas le droit de se plaindre le tout

n'existe paspour lesparties, les parties existentpourle tout.

L'âmeetieeorpsue sont pas éternels, mais ils ne

t'intelligenceépaisseetgrossièredesesdeuxinterlocuteurs.Lesanciensinterprèteset les nouveauxreconnaissentunanimement

danscepâssageta théoriedësdeuxâmes.Cf.Plut.,dels.et0~t. H,p.369 <t(.!M.Coh)<.c. 9.Numénius,Atticus,dansProclus,ï'/M(~.JM6t<LV,c 7, tMMm.,p.tt4,K. Fr.Hermann,CeM/t.M.S~. d. ~<!<.fAM.,p. 709.Pourêtrejuste,il fautrecon-

naitrequeplusiôia,p. 897a, le texteestplusfavorableà l'in-

terprétationdeStatibaum,carPlatondit ')<~x't mj)o;-~[t6ou<m.&p9&xotteMtti(to«xtMtSctfMYe!Tt~TOL,&~o!<tSETUYYe-'<o(<ï)j[SMKe5 Tày~TtN,Et il coNtinueensedemandantnonpasquelleest celledesdeuxâmes,maisquelleespèced'âme

gouvernelemonde,~MepM4'ux~tY~o<,et il n'estpasévident

quepar'~o<;Platonentendeunedistinctionnumérique.

424 LES ÉCRITSDE PLATON.

doivent pas périr, car alors toute génération cesse-rait. Chaque homme est tel qu'il lui plait d'être,suivant les inclinations auxquelles il s'abandonne;mais Dieu lui donne la récompenseou le châtiment

qu'il a mérités, par la placequ'il lui assigne dans

l'ordre général.3. L'idée de Dieuprouve égalementqu'il ne sau-

rait se laisser corrompre par des dons cette opinionest contradictoire à la notion qu'on doit se faire de

sa justice.Acesdiscussionsphilosophiquessuccédentles lois

qui punissent les crimes contre la religion qu'ilsrestent dans la spéculation ouse produisent par des

actes. Les cérémonies religieuses privées sont in-

terdites. La magie est sévèrementpunie.Le XI' livre expose un code civil sommaire.Il

règle les principes des contrats civils, et traite suc-

cessivementde lapropriété des chosestrouvées, de la

vente des esclaves, de l'aS'ranchissement, de l'achat

et de la vente, des fraudescommerciales,du louage,de la tutèle, du testament, du droit des pères re-

noncer à leur enfant, de l'adoption, du divorce des

devoirsdesenfantsen vers leursparents des lois con-

tre les empoisonneurset les sorciers; du vol; de la

surveillancedes insensés des lois contre les propos

injurieux, de l'interdiction de la mendicité, du de-

voir de secourir les pauvres vertueux; du témoi-

gnage des conditions requises pour porter témoi-

gnage, des loiscontre lés faux témoins et contrôles

avocats.

Cesujet estcontinué da.nsleXII°livre. Il renferme

LESÉCRITSDE PLATON. 423

24.

les dispositions pénales contre !es ambassadeurs

ou chargés d'affaires infidèles; les devoirs du ser-

vicemilitaire, qui est obligatoire l'institution d'un

tribunal devant lequel les magistrats sont appelésà

rendre comptede leur gestion; te sermenten justicerestreint à des caspeu nombreux; l'obligation d'as-

sister auxchosursde musique, aux processions so-

lennelléset autres cérémoniespubliques, et de par-

ticiper aux fraisdes sacrifices.Il réglementele com-

merceextérieur; établit desprécautions sévèrespour

empêcher l'influence des mœurs étrangères; pose

les règles desdevoirsde l'hospitalité; traite des cau-

tions des perquisitions domiciliaires; de la pres-

cription depossession;durecel de l'entente avecles

ennemis de l'État; du péculat; ;du cens;des choses

qui peuvent êtreoffertes ensacrificeaux Dieux ins-

titue des tribunaux de première, de deuxième, de

troisième instatice énumère les devoirs des juges;dit quelques mots de l'autorité de la chose jugée,et finit en rappelant les devoirs envers les morts et

les fêtes funéraires (1).L'État est un être vivant; tout être vivant tient

naturellement à se conserver, et ne doit cette con-

servationqu'à dessensactifs et sains, surtout à ceux

de l'ouïe et de la vue, et à une intelligence supé-rieure etéclairée. Il est donc nécessaire, pour con-

server a. l'État que nous avons formé sa vie, ses

(1)AceproposPlatonrappelleladoctrinedel'immortalitédel'âme, entièrementdistinctedu corps,etqui seuleconstituenotreessenceindividuelle,tandisquenotrecorpsn'estqu'uneimage,etcommeunsimulacredenotreêtre.

42S LESÉCRITSDEPLATON.

moeurset sealois~d'instituer unconseiloù les plus

âges des gardiënsdes lois remplirontrof6ce de l'in-

telligence et, de l'expérience, et les jeunes gens

qu'ils s'adjoindront des yeuxet des oreilles.

Ceconseil, qui ne se réunira que la nuit, ou du

moins avant le jour,aura pour mission de veillerau dernier but de l'État, c'est-dir~ d'y entretenirles quatre vertus nécessairesà sa santé et à son bon-heur. Ils'occupera également de tous les sujets im-

portants dans des réunions quotidiennes, et s'effor-

cera d'imprimer à l'opinion publique unedirection

constante et sage. Pour obtenir l'autorité et les lu-

mières nécessaires à leur mission, les membres du

conseil devront seflivrer à des,études profondes sur

la nature de la'vertu, la foisune et diverse ,conmie

le bien et le beau,: et sur l'essence des.Dieux; et ils

puiseront cette sciencede Dieu et deil'homme .d'a-bord dansune analyse séYère;del'âme'humaine, an-térieure à tous lesicorps,-:et le plus ancien des.êtres

à la génération desquels le mQuyément.a.pré~idéet

auxquels il a donnéune essence mobile, et epsuite

dans l'observation des phénomènescélestes.~Ij'ordre

éternel et admirable des mouveîHeBtsdu .~toade,calculés avecune précision si parfaite, leur prou-vera qu'il y à une âmeintelligente qui meut et vi-

vifie chacun des astres du ciel et en règle d'une

manière harmonieuse tous les mouvements. En6n

ils cultiveront la musique et toutes les sciences qui

peuvent servir à puriner~les mceurs d'un Ëtat, a

mettre l'harmonie et le rhythme dans les âmes et'

dans les lois.

LES ECRITSDE PLATON. 427

Ce dialogue, qu'Aristote dit être postérieur à )a'

~~pMM~Me(1), et qui, suivant Plutarque (2), fut

composédans la vieitlessede l'auteur, était encore

à.sa mort sur la cire Philippe d'Opunte, son ami et

disciple, fut obligé de le transcrire sur le papier (3);et même,si l'on en croit quelquescritiquesanciens,

il aurait trouvéle texte dansun tel étatd'incorrection

et de désordre (4), qu'il aurait été obligéde le sou-

mettre à une révision et àdesremaniements dont on

ne peut pas mesurer la portée. Cefait expliquebien

des difBcultés,donts'est emparée trop facilement la

critique modernepour mettre en doute l'authenticité

de l'ouvrage. Unanonymegrec que nous avons eu

déjà l'occasion de citer plus haut (5), prétend queProclus rejetait avec la République les Lois, parce

que le caractère de la conversationet la forme du

dialoguey étaient effacésparla longueurdémesurée

des discours. G~estcertainement une erreur de fait,réfutée par l'existence des commentaires que Pro-

clus a consacrés à la jRepM~Me, et les cita-

tions qu'il fait fréquemment des Lois dans ses

ouvrages.Il semble d'ailleurs que l'autorité d'Aristote,

qui en a critiqué les principes et les vues politi-

(t) Arist.,foH< H,e.

(2)Plut.,deJï. et Osir.,c.48.(9) Diog.L.,IU,37.Suidas,v.<j)A6(jo!po6,lui attribuela di-

visionen12Iivres,quia étéconservée,quoiqueassezmalfaite.(4)jft'o~. ~eMA~pAMo~.~ePlat., e.24,Mtop6mTou;xoti

<jUYXE/U(te'<put.<fw9EMCn.

(5) P.!09,n.1.

428 LES ÉCRITSDE PLATON.

ques (i), et qui leur avait consacré, d'après Dio-

gène et l'anonyme de Ménage, un ouvrage spécialen deux ou trois livres, aurait dû suffirepour faire

taire un scepticisme téméraire il n'en a rien été.

Ast (2) a supposéque les passagesd'Aristote étaient

interpolés, et Zeller (3) qu'Aristote ayant quittéAthènes à la mort de Platon, pour n'y rentrer

que longtemps après, a été trompé, comme tant

d'autres, sur l'origine de l'ouvrage. Il y en a eu

en effetbeaucoup d'autres trompés on peut même

dire que l'antiquité tout entière a été ladupe'dé la

fraude, car il ne s'est jamais éle~'éle moindre soup-

çon contre l'authenticité des Zo~.

Persée de Cittium, disciple deZenon(4), et con-

temporain d'Antigonus (315-301 av. J.-C.), avait

écrit sept livresTtpo;Tob{ÎI~ïfjvo~~ou;. Les critiquesAlexandrins les ont admises sans hésitation dans

leur collection Cicéron, qui n'est nisans érudition

ni sans critique, n'éprouve ou ne témoigne aucun

doute(5); elles sont produites commetl'ouvrage de

(<)OntrouveradansFr. Engelbàrdt de !oc~J'~oM:et!

quorumAristotelesin conscribendisPoliticisvideturmemor

/M<Me,1858,l'indicationdespassagesoùAristoteciteouindiqueles Lois.Bornons-nousa mentionnerici .E<~<c.~Vtc.,!î, 2,p. ltû4 b, etPolit.,Il, depuislec. 4,oùil parlede l'auteurcommeétantceluiquia faitlaJMpitMt~we.

(2) Platon's Leben, p. 3J0.(2).K<M'<M!<'&<M,p.390.

(3) F~OM. S<wd'<es, p. 128.

(4)Diog.L., \H, 36.LesallusionsqueStalibaum,F~o!e~p.XL,croitdécouvrirdansIsocrate,0~<.adjP/MMj~).,etdansle fragmentd'Alexisle comique,citépar Athénée,p. 226a,sontaumoinscontestables.

(5) .Ce~M.,I,5;n,6;ni,6;dertf.,t, l;~e~Ni<.D.,t,l2.

LES ECRITSDEPLATON. 4M

Platon par Strabon (1), Athénée(2), Plutarque (3),

Sénèque(4), l'auteur du traité de Mundo, attribué

à Aristote (5), et enfin Diogène (6). 11faut donc,

pourlesrejeter, mettre tous les témoignages his-

toriques de côté (7), et n'admettre pour critérium

de l'authenticité que les résultats de la critique

interne, qui considère le contenu et la forme de

l'ouvrage, et en détermine ainsi les rapports aux

autres productions de l'auteur. Or voici, d'âpres

Zeller, les objections de lacritique contre l'authen-

ticitédes Lois.

Écrire les Lois, dont l'auteur se place à un pointde vue pratique, expérimental, empirique même,n'est-ce pas répudier le principe idéaliste de la po-

litique, qu'expose Platon dans la n~M~~Me? Ce

grandesprit, si spéculatif, si philosophique, pour

qui tout ce qui n'est pas idéal est faux et sans réa-

lité, a-t-il pu descendre aux considérations vulgai-res d'une politique toute positive? L'auteur des

Lois dit que le plan de la République est un idéal

inexécutable, irréalisable (8) est-ce Platon qui a

pu ainsi condamner, comme chimérique, la philo-

sophiede l'Idée? Bien loin de là dans la-R~MM-

(1)X,4.

(2) XIV, 504 e.

(3)Q:MM<.jM(t<111,2 deh. etOsir.,c. 48.

(4)~p.,94.

(5)Ch.4.(6) Diog. L., Ut, 34, 37, 39, 5?.

°

(7)Ï)ilthey,P~OM.K6)'o)'.delegg.~)MMet!,p. 6t -64,enadonnéla listecomplète.

(8) Ce Z.eyy., V, 740 a !tE~ov x~rà r~y yw '~s<nv.

430 LES ÉCRITSDE PLATON.

yM<?~au VUvre(i), où il traite de la possibilité de

réaliser son plan, tout en reconnaissant que l'exé-

cution est difficile, il Ne conclut pas à une im-

possibilité absolue; et le V', leVP le 'Vif livre, ne

contiennent que les moyens d'arriver à cette réali-

sation. Il y donc une contradiction entre les J~OM

et IaJ<M~'yM~ et les deux ouvrages ne peuventavoir le même auteur.

D'abord il y aurait. contradiction entre les deux

ouvrages, que cela ne prouverait pas qu'ils n'ont

pu avoir le même auteur. En vertude quellemaxime

est-il interdit à un philosophe, à un philosophe de

génie même, de se contredire, de se corriger, de se

convertir? L'homme n'est pas condamné Dieu

merci, à. persévérerdans une erreur'parce qu'il l'aune foisadmise. Maiscette contradiction prétendue

n'existe pas. Le métaphysicien n'absorbe pas toutle grand esprit de Platon il reste nn moralisteet un politique. L'absolu ne l'empêche pas de re-

connattre et de faire au relatif sa place et sa,parts'il .a~sens de l'idéal, il'aaussi'lë sens~d~réel,,etsait seplacer aussi biensur le terraih~ faits de

l'observation, que s'élance]', à l'aide de l'intuition

-suprasensible,dans la sphèredesIdées.DanslesLois,Platon dit lui-même pourquoi il renonce auxprinci-

pes absolus qu'il a posés dans la ~~o~Me (2). Il

n'y a pasla mbindre contradiction entrèlesdenx ou-

vrages, dont lesdifférences(3)s'expliquentparla di-

'(l)J)e~y,'A7t,'6..t' 'L.

(~&v,p.73a,c.(3)ParexempleLathéoriedesHeesnefigurepaSdansles

e

LESÉCRITSDE PLATON.. 431

versité des points de vue, l'un tout spéculatif, L'autre

pratique, où, à moins d'une intolérance singulière,

on doit permettre à Platon de se placer tour à tour.

Les Lois ne répudient pas la République, vers la-

quelle leur auteur tourne toujours les regards, et,

suivant la vive et juste métaphore de M. Cousin,

pousse comme un soupir de regret. Elles sont l'ap-

plication, des mêmes principes dans la'mesure du

possible, et en tenant compte de la réalité et des

faits. C'est ce qu'Aristote a parfaitement vu, et ce

dont sa critique sévère fait même un reproche à

Platon, 'car, suivant Aristote, tout en voulant éta-

blir 'ici un gouvernement qui se rapprochât da-

vantage des gouvernements vrais et réels, il re"

tourne insensiblement cette autre forme politique

de la République, xctt~ ~.txpov ~p~ T~tv ~po;

~j)~.TtoXtTË(KV('l).

~ot<;6n y admet te mariage et la propriété; on n'y voit pasiësimaii&es que les phitosophes doivent être les chefs de

t'Ëtat, qu'il y a autant de classes soeiates qMedeveftusdane

I'âme;quf !es femmes,sont égatesaux hopimes. Enfn)ia~~pM-

&Hy!(eécarte les lois fornmiées, tandis que c'est précisement le

sujet connnë le titre du second ouvrage.

(t)Xristot., .PoM~.tM,6, p. 1265, a; Apulée, (fe/MM<.doctr.

jP~a< I.H,p. :t7t, Nisard: ''BjUSmodicivitatetn nullis extrinse-

cus latis legibus indigere; regia quippe prudectia et ejusmodiinstitutis demoribus, quibus dictum est, fundata, ceteras iegeanon requirat. Et banc quidëm, ut ngnientûïn aliquod veritatis,

exempli causa, per se coMipositamvult esse RempuMicam. Est

et atiaoptima et satisjusta et ipsa quidemSpec'e et dicis causa

civitas fabtieatar non ut sttperiol' sineeyidentta, sed jani oum

aliqua substantia; in hac non suo nomine de statu et de com-

modiscivitatis requirehs, briginisejus principia et fundamcuta

<~2 LESËCRtTSDE PLATON.

Quant à ce qui concerne ta forme des Z.o~ ques.tion qui peut être envisagée sous trois points de

vue: 1°la méthode de discussion; S" l'art de la

composition 3° le style et la langue, où Zeller ne

reconnaît plus rien de Platon, il est facile de lui

"répondreSans doute l'argumentation est simple, naïve,

populaire elle n'a pas la subtilité, la prpfondeur,la sévérité de la dialectique mais cela ne tient-il

pas à la nature du sujet, et au but que se proposel'auteur? Le dialogue est lent; le mouvement de

la conversation n'a pas la vivacité, la grâ:ce, l'en-

jouement qu' onremarque dans d'autres dialoguesles longs discours abondent, et ren.dentJa marche

traînante n'était-ce pas une nécessité de la ma-

tière ? Ces longs discours se retrouyën aussi

dans le Politique, le ~e'<?~ le ~<y~c.i jËa d~yer-

sité du ton ne prouve que la souplessede l'artiste,

qui prend~tousles ~enres~etapproprie forme aux

divers suj6t&qu'il traite, J~ :Íd'desLois,et il

en fprmul&il aura'la langue sévère, grave, aus-tère même, du droits études iorrHules~junDans les pE~ambutesphifogop~~ rla,ux "oùil s~gjt de pr~cb~ ;robejssance;.etja y il s'é-

lèvera à l'éloquenGeoratoire, et'ne dédaignera au-

cun des laoyens qui enrendentle~eSëts si pathéti-

ques, ni la période,ni lenombye, ni les mouvements

dispomt sedeotendit, que~admpdumcjvjt.!is gttben~ejusmodiiooumconventusquemu)titut]inemnactus,juxtanaturampreMehtium''ëruniet cOnyënarum,debeatfacerecivi-

tatemptcoatn:bonarum)egnm;ct morumbonorum.

~~t~1~R!~S~SË'TOi~ ~:493'

53

hardis, ni la couleur pittoresque. Un peu de pro.

lixité, de langueur, et pour ainsi dire de lassitude

dans le style, outre que ce ton ne messied pas aux

personnages,qui sont âgés, sembleattester la vieil-

iesse même de l'écrivain; enfin les négligenceset

lestaches, qu'il est facilede signaler dans l'ouvrage,

s'expliquent par le fait que l'auteur n'a eu le tempsni de revoir ni de polir son œuvre,que la morta~ `

laissée incomplète.Dans les savants et complets prolégomènes de

son édition, des ZoM/et dans ses commentaires,

M..S'aUba.uma examiné avec le plus grand détail

et le plus: grand soin les reproches adreissés parM. Zeller à la languede l'ouvrage, et il a montré

qu'aucun .des faits allégués pour soutenir que la

langue n'avait ni la pureté ni la correction néces-

saires, n'était justiQé,etiI en conclut que, même

en se plaçant au point de vue très-exclusif et très-

périlleux de la critique interne, soit qu'on envi~

~sàge4ëhut~le sujet, les idéesdu dialogue des Lois,p soi! qu'ottexamine les procédés dialectiques, l'ar~

dela~composition, testyle, la langue, tout est con-

forme~aùxprincipes, et rien n'est indigne du gé-nie de Platon. Le personnage que M. Zeller veut

substituer au grand écrivain, comme auteur de

l'ouvrage, est Philippe d'Opunte, que quelques cri-

tiques',anciens désignaient commeauteur de 1'S MomM.Cette conjecture, absolument gratuite, n'a

guère de vraiseml)laneë/Mathématicien et astr~

n~me~Philippe était-lT enétat de composer un pa-f reil Monumentde politique philosophique? En

'?4 LESÈCMTSDE PLATON.

supposant qu'il en eût été capable, pour quels mo-tifs aurait-il caché son nom, et ne se serait-il pasdéclaré l'auteur d'un livre qui, malgré ses imper-fections relatives, aurait suffi à l'immortaliser

commeécrivain et comme moraliste En supposantmême une fraude, dont on ne peut deviner les rai-

sons, comment Speusippe, Xénocra.te,n'ont-ils pas

dénoncé la supercherie? Comment Aristote, quisans doute connaissait et le style, et la langue, et

les idées de son maître, a-t-ilpu s'y laisser tromper?

Répétons donc encore une fois que, en dépit de

quelque confusion dans l'ordre des matières trai-

tées, de quelque langueur dans la marche des dé-

veloppements,malgré quelques taches dans le styleoù l'on signale tantôt une sécheresse, tantôt une

exagération de couleur, qui ne sont pas habituelles

à Platon, les Lois sont un des plus beaux monu-

ments du génie grec et du génie de Platon, et

qu'elles ne peuvent être considérées comme sup-

poséesque par un aveugle parti-pris ou des préju-

géstrès-exclusiis.Outre l'édition de M.StaIIbaum, qui a amélioré

considérablement le texte par la collation dequinze

manuscrltsetp&rdescorreetionssages,ilfauf, signa-ler encoreréditidn spécialede Fr; Ast. Leips.,1814.

44.Le'nm~,oMd6~JVa<ar6.

Le Timée est classé par Aristophane commele

secondmembrede sa première trilogie, qui. com-

mence parla République et finit par le C'6!s. Ce

LKSËCMTSbÈ~LÂTOiS!.4M

rapport des trois ouvrages est conservé par Thra-

sylle qui en compose avec le C~'<opAoM/pourpre-mière pièce, sa huitième tétralogie.

Ce dialogue, classé parmi les ouvrages de phy-

sique (1), est lié, parla forme extérieure du moins,

auxentretiens sur la JRepM~MC~et est censé avoir

lieu le lendemainde ceux-ci, c'est-à-dire le 23"jourdu mois Thargétion, où l'on célébrait a Athènes

les petitesPanathénées. Les interlocuteurs, Timée,

Critias, Hermocrate (2), et un quatrième inconnu,

qui n'est'peut-etre autre quePlaton, doivent avoir

assistéaux entretiens de Socrate sur la République,et lui avoirpromis de le régaler à leur tour, et de

lui rendre avec des discours la mêmehospitalité

qu'ils en avaient reçue. Timée s'est chargé de par-ler dela naissance du monde, et de la nature hu-

maine Grillas doit lui succéder et parler de po-

litique. Mais, avant d'entrer dans le sujet même,Socrate résumeles conclusions de la ~e~M~~Me~et Critias raconteune vieille tradition sur Athènes

(t) Diog.L.,!!I, 60et6l.

(2)C'estle pythagoriciendeLocres,très-versédanslaphy-siqueet dansl'astronomie.Macrobe,Ss<M<'n.,1, se trompeenaffirmantqu'il n'a pasvécudutempsdePlaton,puisqueCicéron,de JPMt.,V,20; rMM.,I, 37~de.Rep.,t, 10,constateleursrapportspersonnelsenItalie.Ilya eu,dureste,plusieursTimée.L'écritsur~tote<<Mmondequi portece nomestévi-demmentapocryphe.Critiasestun nobleAthénien,homme

d'espritetétoquent,parentdePlaton,quienfaitsouventmen-tion Hermocrateestle généralsyracusainquenousconnais-sonspar Thucydide,tV,58;Xénophon,jHeKeK.,I,t, 27 Plu-tarque,Vit.~Ytc.

436 LES ËGRt'rSDE PLATON.

'que Solon avait apprise des prêtres de Saïs, en

Égypte. Cette tradition donnait à Athènes 9,000 an-

nées d'existence avant Solon, lui attribuait une or-

ganisation sociale semblable à celle de l'Egypte,

c'est-à-dire _le régime des castes, et une grande

puissance politique et militaire qui avait triomphé

de l'invasion d'un peuple redoutable, qui, sorti

des îles Atlantides avait menacé d'asservir toute

l'Europe sur les deux rives du bassin de la Médi-

terranée. Des tremblements de terre et des déluges

avaient fait disparaître à la fois l'Atlantide (1),

Athènes et le souvenir de ces antiques exploits (2).

Ici Timée prend la parole et divise son discours

en deux parties l'une traite de l'origine du monde;

la dernière traite de l'homme (3).

(1) Ce récit est-il une fiction pure? Repose-t-i! sur quelques

vagues traditions relatives à l'Amérique? C'est un sujet con-

testé par les savants. Conf. Strab., 1. H, p. 102; PIin.,j~M<.

Ka<ll, 92; Tertull., ~po< c. 40; Diod. Sic., 111,c. 54; Plu-

tarch.<or.,c.8;Amm.Marce!t).,I.XVII.

(2) Sur l'introduction.du Timée, voir Athén., IX, p. 382, a;

Quintil., IX, 4, 78; et l'abbé Garnier (Mém. de l'Acad. des

/MM)-.et B.-Lett., t. XXXII, p. 150), qui émet l'opinion quece

dialogue n'est pas un ouvrage sépare comme les autres, mais

un appendice aux dix livres de la ~~pM&H~Meet une véritable

digression. Cette digression était, dit-il, un usage de tous les

grands écrivains de l'antiquité, qui aimaient à terminer leurs

ouvrages par quelque morceau d'éclat, n'ayant qu'un rapportindirect au sujet qu'ils venaient de traiter.

(3) On trouve dans le ytm~e i° une métaphysique de la na-

ture, 2° un système astronomique, 31 une théogonie et une

zoogonie, 4° une somatotogie, 5° une chimie, 6" une psycholo-

gie, ou théorie des sensations et des facultés del'âme, 7° une

anatomie et une physiologie, 8° une noso)ogie, 9" quelques

LES ÉCRITSDE PLATON. 437

Il y a deux genres de choses ou d'êtres il y a

l'être éternel, immuable sans changement, sans

commencement, et l'être né, devenant toujourssans être jamais. Le premier est comprispar la pen-

sée et produit une connaissancerationnelle, l'autre

tombe sous la prise des sens et ne produit qu'une

opinion. Tout ce qui devient a nécessairement une

cause, et la cause se juge a l'effet. L'univers'est vi-

sible, matériel; il tombe sous la prise des sens i

doncil appartient au genre de l'être phénoménal et

changeant il a donc une cause. Mais, comme il est

très-beau, il a dû avoir une cause très-bonne, et

être fait sur le modèle de l'être éternel, immuable,

dont il est l'image. Par la mêmeraison on démontre

que l'auteur de ce monde n'a été mû, en le produi-

sant, que par sa bonté, qui ne lui a envié aucune

des perfections compatibles avecsa nature.

C'est pour cela que d'abord le Démiurge a mis

l'ordre dans la massedes chosesqui s'agitaient dans

un mouvementsans règle et sans frein puis il a

donné au mondeune âme, eta douécette âme de'Ia

raison,-enfin il l'a fait unique''comprenanttousles

êtres visibles,commele monde idéal et parfait com~

prend tous les êtres intelligibles c'est ainsi un ani-

mal vivant.

Le corps de cet animal est formé de terre et de

feu, d'air et d'eau, et ces quatre éléments sont entre

eux dans un rapport si harmonieux, dans une pro-

préceptesd'hygièneetdesconsidérationssurdessujetsdivers,<o"lathéoriedela métempsycose.

4~8 LESËGMTSDE PLATON.

portion si juste, qu'ils forment un tout parfait.La forme de l'univers est sphérique, son mouve-

ment circulaire, parce que c'est h plus belle des

formes et le plus beau des mouvements, en cequ'itest le plus analogue au mouvement de la raison.

Le corps de l'univers contient son âme et en est

contenu elleest au centre et aux extrémités qu'elle

enveloppe de sa puissance. L'Ame du monde est

formée de trois éléments l'élément éternel, im-

muable participant de la nature du même; l'élé-

ment divisible en présence descorps(1) et unélé-

ment mixte formé de la fusion des deux premiers.Ces trois éléments sont fondus en un seul par la

puissance divine et constituent la substance de

l'Ame du monde. Cette substance est divisée en

parties qui constituent par leurs rapports une

double proportion, géométrique et harmonique,ce qui fait qu'elle reste une, quoique composée.

C'est cette âme qui donne la vieet le mouvement

au corps du monde, et à tous tes corps qui le rem-

plissent c'est pourquoi elle est douée de tousies

mouvements que nous voyonss'y produire,le mou-

vement de révolution sur soi-même et le mouve-

ment de translation, l'un qui participe à la nature

du même, l'autre qui participe à celle du divers

avecle mouvementest produitle temps, changeante

image de l'Éternité. Lemonde né, apparaissent lesDieuxcréés, les astres, dont les révolutionsdiverses

(t) Heptrot~mjMtTKjjtEpEfTT-fjt,qu'onnepeutguèretraduire.pàr:t'ë)ëmentmatërie)etcorpo)'et.

LESÉCRITSDEPLATON. 439

mesurent le tempset font les nuits, les jours, les

mois, les années ils sont chargés d'achever l'oeu-

vre du Dieu suprême, et de la rendre plus sem-

blable à sonmodèle éternel, en produisant les ani-

maux du ciel, ceux des eaux, et ceux de la terre,

parmi lesquelsle plus noble est l'homme.

L'âmede l'homme est forméedes mêmeséléments,

quoique moins purs, qui ont formél'âme du monde.

Chaqueâme a son séjour dans un astre particulier,et a pour caractère d'avoir le sentiment religieux.

Quand, de cet astre où elle vit à l'état pur, elle

tombera dans un corps, naîtront en elle des pas-sions mauvaiseset la loi morale qui lui comman-

dera de les vaincre. Delà la vie morale de l'âme

qui, libre de ses actes, est seule responsable de sa

destinéefuture, qui dépend du choixqu'elle aura vo-

lontairement fait, et en est la sanction. Ce qui rend

la vertu difficileà l'homme, c'est la sensation, qui,

produisant en lui comme un tourbillon continu et

violent, dérange les mouvements réguliers dont

l'âme a la faculté.

Dieuet sesministres, dans la disposition du corpsde l'homme de ses membres, de ses organes, ont

eu uniquement en vue de réaliser l'Idée du bien

aussi parfaitement qu'il est possible. Le bienest la

cause première de toute l'organisation humaine

mais cependant on doit y reconnattre aussi la

trace d'une cause aveugle, dépourvue de raison et

agissant au hasard et sans ordre. C'est ainsi quenous devons à la vue la notion du temps, et la phi-

losophie elle-même, le plus noble présent que le

''4m LESËCRttS DEPLATON.

genre humain ait reçu des Dieux; à !à voix et à

l'ouïe, le langage et la musique, dont les rhythmeset l'harmonie, analoguesauxmouvements intérieurs

dé notre âme impriment doucement et délicieuse-

ment dans notre âme le sentiment du rhythme de

la vie et de l'harmonie morale.°

Mais à côté, quoique au-dessous de cette cause

divine et sage qui a tout organisé en vue du bien,il faut reconnaître une seconde cause, aveugle, vio-

lente, puissante, qu'on peut appeler la Nécessité.

Cettecauseest difficileà pénétrer dans sa nature.

Nous- avons reconnu deux espèces d'êtres l'être

modèle éternel deschoses phénoménales, conçu parla raison pure, elles chosessensibleset changeantes,

perçues par la sensation mais il faut bien admettre

que cette imitation sensible du modèle éternel se

produit quelque part.Le lieu où s'accomplit et s'engendre le phé-

nomène, qui est comme la matrice et la nour-

rice du devenir, que la raison nousforce de recon-

naître et qui échappe à nos sens, c'est l'espace,la matière; afin de pouvoir les prendre toutes, la

matière est dépourvue de toutes formes, du moins

de toutes les formes précises, claires, constantes,

qui constituent à chaque élément sa nature propreet son essence distincte. Car, avant l'intervention

de Dieu, la matière était agitée par un mouve-

mentpropre, maisdésordonné, qui brassait les ger-

mes. des choses, ébauchait les formés, mais ne

parvenait pas à leur imprimer la fixitéet .la per-manence. C'est ainsi que, dans la transformation de

LES~CMT~DE PLATON. 441

26!.

tous tes éléments les uns dans les autres, la terre,à cause de la nature indissoluble des triangles

élémentaires qui la composent, résiste à ce tour-

billon qui emporte'et broie tous les autres, et garde

sa nature propre.`

Telle est la cause qu'on peut 'appeler l'aveugle

Nécessité,qui coopère à la constitution de l'homme

et de l'univers. C'est d'elle que viennent la cha-

leur, le froid, la pesanteur,la légèreté, et les modi-

fications que, par suite de leur rapport avec les

corps doués de ces qualités, éprouvent et notre

corps et notre âme. Tels sont la douleur, le plaisir,

ces pernicieuxconseillers de l'âme, le goût, l'odo-

rat, l'ouïe, la vue. L'âmen'est pas troublée seule-

mentpar ces objets extérieurs et étrangers elle a

en elle-même un principe de désordre. En effet,elle n'est pas simple nous avons deux âmes, l'une

raisonnable, divine, immortelle; l'autre inférieure,

périssable, qui se divise en siège du courage, Ta

eujjuxov,et siège des désirs sensuels, 10 E~eu~Tt-

x< elles ont chacune leur place séparée dans le

corps humain l'intelligence dans la tête, le cou-

rage dans le coeur, le désir entre le diaphragme et

l'ombilic. Cette localisation, ainsi que la disposi-tion et, la place de chaque partie de l'organisme

humain, tels que le cœur, le poumon,le ventricule,

le foie, la rate, le ventre, la moelle épinière, racine

de la vie,le cerveau, les chairs, les nerfs, les os, etc.,

ont pour but de rendre plus facile l'exercice de

l'empire que l'âme doit avoirsur le corps.Le corps est sujet à des maladies dont le prin-

~442~<~PËGMT~ PLAT~N.

cipe est en partie dans le mouvement et la propor-tion des élémentsmatériels dont il est composé et

dont il s'alimente, mouvement et proportion quine sont pas toujours ce qu'ils doivent être; en par-tie dans l'âme, sujette elle-même à des maladies

plus graves, qui se ramènenta la folie et à l'ignô-

rance, par lesquelles l'âme est privéedeson essence

propre, l'intelligence. Toutes naissent de l'excès

des plaisirs et des douleurs, et non-seulement la

troublent elle-même, mais dérangent l'économie

de son corps. Personne n'est volontairement mé-

chant onle devient parsuite d'une mauvaise dis-

position du corps, ou d'une mauvaise disposition

de l'âme, qui tient elle-mêmeà une mauvaise édu-

cation, et personne n'est à l'abri de ce double

malheur. La règle suprême de la vie est donc de

faire que l'âme soit saine dans un corps sain. De là

la nécessité d'une éducation bien tempérée, qui

règle suivant les lois de l'harmonie les exercices et

les travaux de Famé et du corps. Or les lois de

l'harmonie exigent que nous exercions surtout la

partie divine et.immorteil.ede notre âme, que Dieunous a donnée comme un génie, et qui nous

élèvede la terre vers le ciel, notre patrie car nous

sommesune plante du ciel. Pour cela, il faut quenotre âmeimite et reproduise les mouvements de

l'âme du monde, dontelle est issue, se pénètre de

l'harmonie universelle, s'absorbe dans la contem-

plation des choses immortelles et divines, se rende,

en les concevant, conformeà l'objet qu'elle conçoit,

c'est-à-dire parfaiteet heureuse.

~E8~CRITS':DÊ~PI.iÀTd!St. ~443~

1- ~<C'est pourvenir en aide aux besoins de la nature

humaine que les Dieux ont produit les végétaux,

auxquels ils ont donné la vie, c'est-à-dire une âme

qui a quelqueaffinitéavec la nôtre, car elle parti-

cipe de la troisième espèce d'âme, éprouve comme

elle,le désir et la sensation(1). Maisles animaux ne

diffèrent en aucune façon de l'humanité leur

âme est absolument identique à !a nôtre. Les bêtes

ne sont que des hommes, que leurs vices ont fait

descendre a desdegrés différentsde la vie animale,

suivant les degrés différents de leur perversité les

uns, frivoles et légers, sont devenus oiseaux; les

autres, que lasensualité de leurs désirs a appesan-

tis, sont devenus les quadrupèdes, polypèdes ou

reptiles; les plusstupides sont devenusdes poissons.Ainsi peuplé des êtres mortels et immortels,

rempli de Dieux d'hommes, de plantes, d'ani-

maux, le monde est l'être le plus beau et le plus

parfait.Le but de l'ouvrage est clair. De même que la

politique et la morale, exposéesdans la République,ont été fondées sur les Idées et sur l'Idée du bien,.le Timéeprésente la physique platonicienne s~ap-

puyant sur le mêmefondement. Le.monde,ordonné

par la bonté de Dieu, réalise dans la mesure du

possible toutes les perfectionscompatibles avec l'in-

(i) 77ab. T'i)<fœptMpMm'~<;~Yv~ ~u<~M~<j)wrMoMx~tSefM;MdCtM~TSO'tMp~~Ù~TE~&c9*~TEpO~~MOVE~<M.COOf.Cudwortb).S!K<eH.,p.)71,Moshe!m;P!ut.e~ac.jPA«.,Y,26,10.Déjàdansle ~A:MJ!'eonlit p. 22b: jMo<mS<rt~uTo!;xa~~on a!pET6c.

'LE$:;Ë~~ D~`PLATON.

curable imperfection de tout ce qui est né. Le prin-

cipe de la cause finale renouvelle les doctrines cos-

mologiques et physiologiques, dont les détails sont

souvent empruntés à la physique des pythagoriciens

et a l'atomistiqued'Anaxagore. Quelques critiques

anciens (1), à qui ce rapprochement n'avait pas

échappé, l'exagéraient encore en accusant Platon

d'avoir dérobé soit aTimée, soit à Philolaus, l'en-

semble et les parties de son ouvrage

tIoM-MvS't~Y"?"~ (2) ~y~ ~K~To p!6~

'E~V a<j)OpjJt.Y)9e~t~KtOYpMfpEtVeTtS~E~pSt(3).

Il est plus difficile de déterminer la vraie signi-

fication de certaines doctrines qui y sont exposées.

(1) Timon le Misanthrope et un anonyme cité par Hermippe

(Diog. L.,VHI, 85).

(2). Lesuns disaient 100 mines. A. GeU., lu, 17 les autres,

Diog. L., 9, VIII, 15, trois talents attiques, ou 40 mines

d'Alexandrie.

(3)ProcL,~ Tim., p. let3;SohoU.Ptat.,tn7'tm.,20, a.

AuL Gett., nt, 17, donne le second vers d'une façon un peu

dtfférente

''09eVai'!t<ïp~6j~evo<YP~?~~SK~9]ri~.

Le fait de l'achat, attesté en outre par Jamblique, F. ~<A.,

§ 199,ne semble pas douteux car, si Diogènes'appuie sur un

péripatéticien, Satyres, contemporain d'Aristarque, qu'on

pourrait soupçonner d'avoir, par jalousie contre Socrate et

l'Académie, inventé le récit pour faire passer Platon pour un

plagiaire, nous avons deux témoins plus anciens qui le con-

firment, le sillographe Timon,qui,vivait vérs la.i27e 01. =272

av. J.-Ch., et Hermippe. Ce dernier, qui vivait sous Ptotémée

Ëvërgete, produit même en témoignage un ancien historien.

LES ECâtTS nË PLATON; 44S

Par exemple, le T~K~?contient-il une théorie delà

création e~M~~o.~La matière qui y est décrite est-

elle une réalité, un chaos existant réellement, an-

térieurement à la formation du monde, et coexis-

tant à Dieu, ou n'est-elle que la pure possibilité,

l'être en puissance de la matière réelle (1)? Qu'est-ce que l'âme du monde? est-elle distincte de Dieu?

Dieu-lui-memeest-il distinctdes Idées qu'il contem-

ple en formant son ouvrage? Quelle est la vraie

nature de ces Idées?

Ce sont la les graves questions que soulève la

lecture de cet important ouvrage, et qui dépendenttoutesdecelle-cidans quelle mesurel'élément mythi-

que et le caractèresymbolique, évidents dans cer-

taines parties du dialogue, doivent-ilsêtre appliquésà l'interprétation des autres? Question difficileen-

tre toutes, puisqu'elle ne peut être soumise à au-

cune règle précise, et dépend desvues personnelleset toutes subjectivesdu critique.

Les meilleures éditions spéciales sont celles de

A. T. Lindau(2), Leips., 1828, et de M.Th.-Henri

Martin, Paris, i84i. Chalcidiusa traduit une par-tie du dialogue en latin, comme Cicéron, et y a

(i) Chalcid.,p. 399 SuperestipsanobisadtractandumPIa-tonisde silvasententia,quamdiverseinterpretatividenturauditoresPlatonisquippeatiigeneratamdici ab eoputave-runt, verbaqueedampotiusquamremsecuti,alii verosinegeneratione.

(2)Schetiing(~<y.M..PAM.),a d'abordcontestél'authenticitédel'ouvrage,et sonopinion,qu'ila depuisabandonnée,a été

repriseet soutenuepar Weisse(~<o<,J' p. 274,350,471,et dansDieMeederGottheit,Dresd"1*33,p. 97).

~~4~~ .~EESË~TS;DF~I<ATON.~

ajouté un ampleet parfois intéressant commentaire,

qui a été publie, avecla version, en 1617, àLeyde,

par J. Meursius,et plus tard à Hambourg, par J.-A.

Fabricius, à la fin du secondvolume des œuvresde

saint Hippolyte.Les commentaires n'ont pas manqué chez les an-

ciens Porphyre cite ceux d'Adraste lepéripaté-

cien, d'Élien le platonicien; Proclus, ceux d'Albi-

nus, d'Aristoclès, d'Asdépiodote; d'autres men-

tionnés par Fabricius (1) sont ou perdus ou incon-

nus dans les manuscrits des bibliothèques. Le seul

qui nous soit parvenu est celui de Proclus, Bâle,i834 il n'est pascomplet, et a fatiguéparune abon-

dance souvent stérile les plus intrépides savants.

4S.L'JËptMom~~oK~eCoKset<Noc<MfKe,OM~F/M~opAe.

Ce dialogue, qui continue celui des ZoM, que

quelques critiques anciens (2) attribuaient à Phi-

lippe d'Opunte, disciple de Platon, était cependantcité commeouvrage authentique de Platon par Ci-

céron (3), Clément d'Alexandrie (4), Thébdoret (5),

Cyrille(6), Nicomaque(7),Théon de Smytne(8),

(!) .BM.sTtfe.,1.III,c.t et15.

(2)Diog.L.,II!,37,et Suid.,v. <ptMtro~o<.où,aprèsavoirdit

quePhilippedivisales loisenXIIlivres,il ajoute T&Y&ptyϞtA<ttpocSt~xtM'yettu.

(3) ,De Orat., III, 6.

(4)S<rom.,m,3; XIH,18.

(5)Therap.,H,p. 499a.

(6)~M.,Vin, p. 271.

(7)Arithm.,p. 20et70.

(8)~oMeM.,p. 3et f0.

LES ËGMTSDE PLATON..44?

et Proclus (1), qui lui donnent le titre de XIII'' livre

des Lois. Diogène de Laërte, le seul des historiens

anciens qui nous rapporte que quelques-uns,Mtot,doutaient de l'authenticité, ne le nomme

cependant pas au nombre des dialogues suppo-

sés, ~oesuop.Mot(2); et bien au contraire, en nous

faisant connaître les classifications des dialogues

authentiques, y~otot (3), imaginées par Aristo-

phane de Byzance et Thrasylle, il nous autorise à

affirmer que cesgrands critiques, qui l'y avaient ad-

mis, ne partageaient pas ces doutes.

Ce dialogue se présente comme le complémentdes Lois, et cherche en quoi consiste la science,

qui peut seule rendre l'homme et l'État heureux,en leur inspirant la vraie piété, et qui doit par

conséquentêtre enseignée aux membres du conseil

nocturne institué pour présider au gouvernement

des Magnètes.Cette science ne consiste pas dans

les arts manuels, qui satisfont des besoins néces-

saires mais vulgaires de la vie; ni dans les arts

d'imitation, qui n'ont pour but que le plaisir; ni

dans les arts plus relevés et plus utiles, tels queceux du médecin, de l'avocat, du pilote, qui ne se

conduisent que par des opinions conjecturales,et dont tout le fait réside dans la mémoire et la

routine, sans connaître d'une science certaine

la vérité même. La sagesse n'est pas non plus

!;t)7!tBMCM.,r, p. in Tim.,p. MOc.

(2) I~Og.L. HI,62.

(3)Diog.L Ht,56.

448 LESËCMTSDE PLATON.

cet ensemble d'heureuses aptitudes d'esprit, quisont des dons de la nature. La condition essen-

tielle de.la vraie sagesseest la science du nombre,

que nous a donnée l'auteur de tout ce qui est bien

en ce monde, et qui nous permet de reconnaîtrel'o-

rigine et l'essencedes choses humaines, des choses

divines, des Dieux eux-mêmes, parce qu'il n'y a

rien dejuste, de bon ni de beau où le nombre fasse

défaut, le nombre qui produit tout ce qui est bon,et qui ne produit jamais rien de mal. Quoique la

plus belle et la première des méthodes pour arriver

à la véritésoit la dialectique, c'est-à-dire l'art d'in-'

terroger, de réfuter et deramener toujours l'indivi-

duel à l'espèce (1) ou au genre, cependant l'auteur

ne s'étend ici que sur l'astronomie, où règne abso-

lument la puissance du nombre, et qui, de toutes

les choses visibles, s'occupede celles où se mani-

festent le plus clairement le beau et le divin c'est

la science qui nous inspire la vraie piété, en nous

faisant connaître le mieuxl'existence et la vraie

nature des Dieux. Mais, si nous croyons qu'il y a

des Dieux qui remplissent le monde, et dont la

providences'étend à tout, si l'âme est antérieure

par son origine et supérieure par son essence au

corps, si une raison divine a formé le monde,où

cette raison pourrait-elle être plus efficaceet plus

présente que dans les parties les plus magniGqueset les plus ordonnées du monde, c'est-à-dire dans

les étoiles? Comment pourrait-on concevoir que

(1)991C,T&X0t6'Tfj)MtT'EfSt;')tpO<MXTeo~.

LESECRITSDE PLATON. 449

des massessi considérabtes fussent mu~sd'un mou-

vement si régulier par autre chose que par une

âme, par une raison résidant en elles? Les créatures

terrestres auraient une âme, et ces êtres terrestres

n'en auraient pas! bien au contraire, nous devons

croire qu'elles ont une âme heureuse et parfaite;ce sont ou des Dieuxou des images des Dieux, des

Dieux visiblesauxquels nous devons une égale vé-

nération. Au-dessous des Dieux sont les Démons.

Car il ya cinq espèces différentes d'êtres vivants,

comme il y a cinq espèces d'éléments l'eau, le

feu, la terre, l'air et l'éther et, suivant que chacun

de ces éléments occupeune plus grande placedans

leur constitution, les êtres occupent un plus haut

degré dansl'échelle des espèces. Les Dieuxvisibles

ou les astres, ayant une nature de feu, occupent le

plus haut degré, les hommes, les animaux et les

plantes, étant de terre, le plus bas entre ces deux

extrêmes de l'échelle se trouvent interposées trois

classes de Démons. Les deuxclasses 'supérieures,.

composéesd'éther et d'air, sont invisibles; la troi-

sième, formée d'eau et de vapeur, tantôt se dé-

robe, tantôt se montreà nosyeux. Cesont ces Dé-

mons qui établissent les rapports et la communica-

tion deshommesaux Dieux.

Les hommes, placés bien au-dessous de ces Dé-

mons, sont exposésà la souffrance ils sontla proiedu désordre et de l'élément irrationnel de leur

nature, et bien peu d'entre eux peuvent ici-bas ar--

river au vrai bonheur. Cependant celui qui joint la

vertu et la connaissance des choses divines qu'en-

"4SO~ 'LË~CR~DË;TON.

soignel'étude des phénomènes célestes,à l'arithmé-

tique, à la géométrie, et surtout à la dialectique,celui-là peut avec raison être considérécomme un

sage, et êtreheureux il a en outre l'espoir, après sa

mort, de commencer une vie vraiment heureuse,

dans laquelle, affranchi de la multiplicitéde sa na-

ture présente, il vivra dans la contemplation du

ciel. C'est à ces hommes privilégiés, doués par lanature d'une âme bien équilibrée, et cultivés

par une bonne éducation, qu'il faudra confier les

magistratures de l'État, et ce sont eux qui devront

exclusivement composer le conseil nocturne quidoit le gouverner et le rendre heureux, pieux et

sage.Les raisons internes qui font rejeter l'authenticité

del'~moMMparAst, Sochcr et StaUbaum,se ra-mènent à deux le fond des idées est contraire

aux principes philosophiques, la formeest indigne

du'génie d'écrivain de Platon. Quant à la composi-tion et au style, il faut reconnaître que la manière

lourde et didactique dont le sujet est traité ne.rap-

pelleguère la grâce et le mouvementlibre du dia-

logue platonicien; mais qu'on se rappelle que cet

ouvrage étaitencore surla cire, et que Philippe

d'Opunte fut oMigéde le transcrire sur le papier.

Qu'y a-t-il d'étonnant alors qu'on ne trouve pas,dans ce premier jet informe, !es qualités de style et

de composition qu'on admire dans les autres ou-

-vrages du maître?

Quant à la doctrine, est-il bien certain qu'ellesoit opposéeà la vraie doctrine de Platon?Les Lois

LËS.ËCRITSDEPL~TOM. 4St

ne sont pas un ouvrage de philosophie, ni même

de politique théorique pure tous les problèmes

y sont ramenés et abaissés à un point de vue

pratique. Si dans ta jR<~M~Me la dialectiqueest la connaissance nécessaire au magistrat, déjàdans les Lois (1) l'astronomie est considéréecomme

le meilleur moyen pratique et réalisable, dans les

sociétés telles qu'elles se comportent, d'arriver

à la connaissancedes Dieux; et par là à la sagesseet au bonheur. Or telle est la thèse développée

dans l'jÉ~MMMmsil ne s'agit pas de la sagesse

idéale, de la perfection suprême, mais de cette per-fection possible, humaine, et pour ainsi dire im-

parfaite, qu'il est possible d'atteindre ici-bas et

dans les conditions actuelles'et réelles des sociétés

humaines, Suv~ov<MpMjrMj~v. Il n'est même

pas nécessaire de voir dans les doctrines de l'Épi-nomis une preuve du penchant que Platon mani-

festa, dit-on, vers la fin de sa vie, pour les doctrines

pythagoriciennes (2). Car ce n'est pas adopter ces

doctrines que de faire de l'astronomie et de la

science des nombres la condition d'une sagesseinférieure et pratique, rabaissée au niveau d'une

humanitévulgaire. On prête à Platon, fort gratui-

tement, ies doctrinesde Speusippe et de Xénocrate,

qui, en effet, penchèrent et tombèrent dans la doc-

trine obscure des nombres, et considérèrent abso-

lument les mathématiquescomme les organesde la

(i) L.XII,966,c.(2)Plut.,Vit.???., c. it QM.cs<-Platon.,p. 1006,c.

1 48~ LES ÈGRtTSDE PLATON.

philosophie, ~~<;<j!~oT~tt<;(1), et les nombres

commel'essence même des choses. Je ne crois pas'nécessaire d'adopter l'opinion plus discrète de

MM.Zeller (2)et K.-F. Hermann (3), qui attribuent

rj~KO~M à un disciple de l'Académie, entraîné

par les successeurs de Platon dans les principes

philosophiques des pythagoriciens. Je m'en tiens

au jugement de ThrasyDe et d'Aristophane, adopté

par toute l'antiquité, et même parTenneman(4)et Tiedemann(S).

46. Critias,CMdefAMaMMde.

Ce dialogue laissé inachevé par l'auteur, et dont

nous n'avons pas probablement conservé en en-

tier même le commencement, puisqu'on ne re-

trouve plus dans notre texte quelques mots cités parle rhéteur Ménandre (6), formait, comme nous la-

vonsdéjà vu, la huitième pièce de la premièretri-

logie d'Aristophane, et la quatrième de la huitième

tétralogie deThrasylle, qui leclassait parmi les œu-

vres morales (7).Cet ouvrage se lie intimement au Timée, qu'il

(l)Phit.eVM'<M<.MQra/p.45~d.(2)DieF/tMfM.d. Griech.,t. H,p.694.Il suppose,avecla

tradition,quel'auteurestPhilippe,mathématicienetastronome.

(3)GMcA.M.,S~.d..Ma<P/<M.,t.t,p.589.(4)S~<7~MM.,t.I,p.92.(5) De ~eo Platon., p. 184.

(6)DeEncom.,c. 5.(7)Diog.L.,m,60 et62.

LES ËGRtTSDE PLATON. 4H3

continue pour ainsi dire, et dont il reprend, pourle développer, un des sujets d'entretien par les-

quels on veut payer de retour Socrate. C'est Critias

qui prend la parole, et, se fondant sur des mémoires

manuscrits laissés par Selon, raconte la rivalité

des Athénienset des peuples de l'Atlantide, et dé-

crit leurs moeurset leur vie, a cette époque reculée

de l'histoire, qui précède Solon lui-même de 9000

années. Le portrait qu'il fait des usages athéniens

semble calqué sur la ~oM~Me, et cette partie de

son récit n'est pas plus romanesque que celle quiconcerne l'Atlantide, quoiqu'on puisse croire quePlaton avait eu connaissance en Egypte de vaguestraditions concernant une terre située dans l'océan

Atlantique.

QuoiquePlutarque atteste que l'ouvrage est bien

de Platon, puisqu'il raconte (i) qu'il mourut avant

de l'avoir terminé, Socher le rejette à cause de son

contenu trop romanesque,et où l'on trouve diffici-

lement quelques rapports à la philosophie.

§ 3. L'ORDRE CHRONOLOGIQUE.

Je conçois parfaitement les travaux qui ont eu

pour objet de déterminer quels sont, parmi les ou-

vrages qui nous sont parvenus sous le nom de

Platon, ceux qui doivent être considérés comme

authentiques car la sincérité et l'exactitude de l'ex-

position d'une doctrine dépend assurément des

1 (1)Vit.Solo.n.,c.31et32.

~E~ÊC~tTS DE PLATON.

sourcesoù on la puise; mais on comprend moins

la peine qu'on s'est donnée dans ces derniers temps

pour retrouver l'ordre chronologique de la compo.sition des dialogues, recherche à la fois inutile et

impossible.Je dis quec'est une oeuvredont on ne peut es-

pérer le succès et en effet, sauf pour unpetitnombre d'ouvrages, les preuves externes et vrai-

ment historiques font absolument défaut. Onest

donc obligé d'avoir recours à ces arguments inter-nes qui n'ont aucune valeur historique, et de les

fortifierpar des théoriesgénérales à priori, qui sontdes plus contestables.Ainsi Schleiermacherpart del'idée que la philosophiede Platon est un tout sys-

tématique, où chaque partie a par conséquent une

place nécessaire, déterminée par des lois logiques.Tout eh admettant quelques exceptionsqui contra-rient ce bel ordre, il pose. donccomme une suite

nécessaireles trois séries suivantes dialogues élé-

mentaires dialogues où la recherche est indirecte;

dialoguesdogmatiques, où la doctrine est objective-.ment exposéeou, pour meservir de ses expressions,construite. Dans chaque série, le même principe

logique sert a~établir la place nécessaire que doit

occuperchaquedialogue ceux qui nepeuvent en-

trer dansces cadres si méthodiques, et c'est le plus

grand nombre, sont appelés dialogues accessoires

ou dialogues de circonstance. M. K.-F. Hermann

fait remarquerque là supposition,d'où partSchteier-

macher,est très-arbitraire et peu justifiée. Quand

'it seraitvrai que la philosophie de Platon forme un

LESÉCRITSDEPLATON. 4~

tout systématique, dont les parties différentes sont

logiquement enchaînées dans l'ordre établi, com-

ment prouver et comment croire que l'esprit de

Platon a commencépar concevoirce vasteensemble,et que ce n'est qu'après en avoir reconnu, divise et

ordonné les parties, qu'il s'est mis à l'ouvrage, les

exécutant précisément dans l'ordre qu'exige le

système? En admettant même l'invraisemblable,c'est-à-dire qu'il- ait eu sous les yeux ce plan aussi

étendu que rigoureux, pourquoi n'en aurait-il pasexécutécertainesparties avant d'autres logiquementantécédentes?L'ordre logiquequi enchaîne les idées

n'est pas l'ordre chronologique de leur développe-

mentréel, ni surtout de leur expression.À cette classification,fondée sur un principe si

conjectural, M. F.Herm'ann en substitue une autre

qui ne meparaît pas plus justinée. Il prétend re-

trouver à priori la.série progressive des dévelop-

pements qu'a accomplis successivement l'esprit de

Platon, comme écrivain et comme philosophe car

l'esprit, en tant qu'organisme vivant, est soumis à

desloisnécessairesdanstous sesdéveloppements( i ).

(1)C'estainsiqu'il poseenprincipequele plusfacilea dû

précéderle plusdifficile,]emoinsparfaita dûprécéderleplusparfait.<?<McA.«.N~ p. 463 «DasLeichteredemSchWe-reren, dasminderVollendetedemVolikommenerenvoran-

gebenzuiassen.M.Stallbaum,quiaaussisesidéeset sonsystèmesurl'ordre

chronologiquedecompositionet depublicationdesdialogues,posedesprincipesau fur-etàmesuredubesoinqu'il&prouvë,etappropriésà la ihosequ'ilsoutient.Ainsi,pourprouverqueIey/iedM<e,IeSop/<lefoH<~Meetle .P<M'Htf!nMeontété

456 LESËCftiTSDEPLATON.

Le principe est pour moi des plus contestables je

crois que l'originalité du génie a dans ses mouve-°

ments une riche liberté d'allures qui échappe à l'œi!

de l'investigateur; mais en outre, combien l'appli-

cation en est incertaine et périlleuse! Quand l'état

composés à peu près vers le même temps, il montre le lien pu-rement extérieur qui rattache tes trois premiers de ces ou-

vrages l'entretien ayant lieu entre les mêmes personnages,dans le même lieu, et deux jours conséeutits. Pour prouver queles deux derniers n'ont pas été composés à Mégare, il montre

leur caractère pythagoricien, qu'ils ne peuvent devoir qu'au

séjour de Platon en Italie. Pour prouver qu'ils n'ont pas été

pùMiés pendant ses voyages, il se demande commentPlaton' >

presque exilé, n'ayant pour ainsi dire plus de rapports avecses

compatriotes, et cherchantencore les principes de sa philosophie,aurait pu penser à cette publication, qui ne se serait adressée a

personne; enfin, pour prouver qu'ils n'ont pu être publiés qu'àson retour de ses voyages,mais peu de temps après, il affirme

qu'il avait un intérêt évident à la publication immédiate. Au-

rait-il pu penser à la critique des doctrines d'Élée et deMégare,s'il avait laissé s'écouter un longtemps après lés avoir connues P

Aurait-il voulu d'ailleurs laisser trop longtemps, sans les ré-

pandre, ces doctrines pythagoriciennes qu'il était allé chercher

si loin, et dontia connaissance lui avait coûté tant de peines,

d'argent, de dangers? Ceux qui voudront se donner ta peine de

peser .la valeur de ces raisons les trouveront, je crois, bien lé-

gères en effet, d'abord le rapport et le lien dramatique des

dialogues ne prouvent en aucune façon l'identité des dates de

leur composition. En second lieu, que Platon n'aitpas pu écrire

on publier ses ouvragespendant son voyage en Sicile et en Ita-

lie, qu'it n'ait pu s'empêcher de faire connattre les doctrines

pythagoriciennes aussitôt que lui-même en eut connaissance;

que tous les ouvrages qui ne contiennent pas quelque trace de

ces doctrines doivent être placés avant les voyages de Syracuse

ëtdeTarente,YoiIades assertions qui ne reposent sur aucune

preuve démonstrative, et qui ne sont pas plus vraisemblables

que tes assertions contrai'es.

LES ÉCRITSDE PLATON. 487.

26

d'esprit que suppose le .PAe~oMserait postérieur à

l'état que suppose l'Apologie, pourquoi l'o/oyx'en'aurait-elle pas été écrite après le PAe~oM?La force

de l'imagination, la volonté de l'artiste, la mture du

sujet, ne pouvaient-eUesreplacer l'auteur un instant

dans ce milieu intellectuel et moral qu'il avait tra-

versé, peut-être un an auparavant, et dont le sou-

venir ne pouvait ett'e effacé? Il est des esprits, et

cesont précisément les plus grands, qui arrivent de

très-bonne heure à la maturité de toutes leurs fa-

cultés, et qui retrouvent jusque dans l'âge le plusavancé toute leur jeunesse et toute leur fraîcheur

de pensée et de style(1).

Et ce qui prouve combien tous ces principes de

classification chronologique sont arbitraires, c'est

la diversité et la contradiction des résultats qu'ils

produisent. Qn pourrait multiplier les exemples:jemécontenterai d'un seul, emprunté à Hermann lui-

même « Ainsi, dit-il en parlant du jLac~e~ «là

où Ast ne voit rien quesottise, désordre, une pau-

(t) Lestyle lui-même,étudieavecl'attentionla pinsdéli-cate,pourraitnefournirsouventquedesindicationstrompeu-ses.DiogènedeLaërte,111,37,etHermias,Sc/M<.odFA~r.,voientdansi'éiocutionbrillanteet paréedujP/tMreun accentdejeunesse;maisDenysd'Halicarnasse,deCom~.t~-t' c. 25,étendcettecritiqueà tousles ouvragesdePlatoai,àquelqueépoquequ'ils appartiennent.Cetéclatpoétiquen'estpaspourlui l'indiced'uncertainâge,maislecaractèregénérâtde sontalent.Hya plus:lespetitsdialogues,qu'onrapportegénéra-lementà sajeunesse,contrastentpar unecertainesécheresse,unesortedemaigreur,parl'absencede couleuretdemouve-

ment,avecl'abondanceet lavie pleined'art desgrandsdia-logues.

~8 LES ÉCRITS DE PLATON.

vreté misérable, se manifeste au contraire la finesse

dramatique la plus accomplie(i).))))

Il faudrait pourtant arriver à reconnaître quel'histoire, œuvre de la liberté humaine,riepeut passe deviner à priori et se construire.comme un sys-tème. Si t'en peut soupçonnerquelquesgrandes lois

générales, aussitôt qu'on entre dans le domainedes

faits particuliers, la liberté reprend son empire.Si les faits sont contingents, l'ordre decesfaits n'est

pas nécessaire, et il m'estimpossible de croire quel'une des grandes lois du développementhistoriqueou du développementde l'esprit aurait été violée

si Platon avait écrit les Lois avant la Républi-

~Me~au lieu d'écrire la ~e~M&M6 avant les Lo!~

comme Aristote nous apprend qu'il a fait.

J'écarte donc les arguments priori ou internes

pour retrouver l'ordre Ghronologique.dela compo-sition des dialogues et je ne crois pas possibled'arriver à unesolution satisfaisantede la question,

puisque les renseignements vraiment historiquesnous manquent, et que ceuxmêmes que nous pos-

sédons auraient peut-être ici peu de valeur.

En effet le but avouéqu'on se proposedans cette

recherche est de savoir quelleété la pensée dé6ni-

tive de Platon sur les diverses questions delà. phi-

losophie on oublie un fait qui rend à peu prësinutiles les résultats si douteux de cette investiga-

tion. On sait en effet qu'à l'imitation des poëtes (2)

(t)GeM/M.S~.(!Ma~.jPM.,p.48t.(2) Lespoëtesdramatiquessurtout,maisaussilesattires

LES ÉCRITSDE PLATON. 4SC

les prosateurs retouchaient, corrigeaient, .rema-

niaient leurs ouvrages(1) et Platon, commeHéro-

doteavant lui, commeAristote(2)ensuite, ne man-

qua pas de profiter de cette liberté. On trouva dans

ses manuscrits tournée et retournée de vingt ma-

nières différentesla première phrase de la A~M~

que, et lus quatre mots qui la commencentessayésdans presque toutes les combinaisonspossibles(3).Sans douteil faut voir ici une preuve de la passionde l'artiste pour la perfection de son ouvrage

épris de la beauté, Platon, nous le verrons, travaille

son style, et cisèlesa phrase avec autant de soin et

d'amour qu'Isocrate son ami. Mais qui peut être

assuré que ces retouches se sont bornées au style?2

Qui peut dire jusqu'où elles se sont étendues?2

Quels sont les ouvrages qui ont ou n'ont pas reçu

cette dernière main ? On connait les nombreux et

graves anachronismes que l'antiquité signalait déjà

tes fragmentsd'Empëdodeattestentdesretouches.(Fragm.Mül-!ach,d'eJ5mp.,p.xtx.)

(t) Hêrodoteavaitrefait Thuriisonhistoire,oudumoinsyavaitapportédeschangementsconsidérables.

(2)<'t.ep)'emierjetdeiaAM~<M'~M<dit M.Niebuhr(//M~.~om.,t.1,p.28),est uneœuvredojeunesse,qij'Aristoten'acesséjusqu'àlafindesaviederetoucheret d'augmenter.Cetterévisionprofondes'estétendueà d'autresouvrages,et, parexemple,a l'.NM<ot)'edesPlantes,oùd'innombrablesadditions,fonduesdanslecontexte;n'ysontplusaujourd'huireconnais-sables,M

(3)K.(Me&'jv)(?<E!<nEfpmc:Quatuor iiia verbapturi-mismodisscripta, dit QuintHien,Vm, c. Uonf.Cic.,Cat<.~t~ c. 5; Diog.L., 111,37; Dion.Ha).,de Camp.fe)'6.,c. 26.

460 LES ËCR!TSDE PLATON.

dans les dialogues(i): ils ne me choquent pas lemoins du monde; mais il n'est pas impossible ce-

pendant, comme le suppose Casaubon (2), qu'ilssoient le résultat d'une addition postérieure, et d'un

secondtravail sans doute celane supprime pas l'a-

nachronisme, mais en servant à l'expliquer, cette

hypothèse possible, et c'est tout ce qu'il faut ici,

d'une part ôte aux faits historiques mentionnés

dans les dialogues toute valeur pour fixer la date de

la composition,et d'autre part nous prouve que tous

les'ouvrnges de Platon expriment sa pensée vraie et

définitive, puisqu'il n'a dû y conserver, en les revi-

sant, que ce qu'il admettait encore. Il était donc inu-

tiled'établir oud'adopterun ordre chronologiquede

compositiondes Dialogues c'estune recherchequeWolf déclarait déjà impossible (3), et sur laquelle

Hégel exprime un jugement assez dédaigneux (4).

§ 4. L'ORDREM&IQUE.

A défaut de cette classification-chronologiquefallait-il en adopter une autre, et laquelle? Les an-

ciens en ont proposé plusieurs, mais dont on ne

(1)Athén.,V,spg.59,etXt,seg.113.Lesmodernes,Dacier,Schleiermacher,Ast.,Letronne,JournaldesSavants,182o,p.67S,Iesot!tëga!enientfeIevés.

(2)InAthen.,V,p. 217.

(3)Prolegg.in .Sont.,p. 240,éd.Glasg.<tNequealiterfecit

in optimisdialogissuis quamobcausamexquirerenonMee<

quandoquisquecompositussit. »

(4)<?<McA.~Mt< t. Il p. 156.

LES .ÉCRITSDE PLATON. 4M

26.

connaît pas la disposition complète, e~donton ne

devine guère le but et les principes (4).Le grammairien Aristophane avait groupé les

dialoguesen trilogies mais ce travail de classifica-

tion ne s'étendait qu'à quinze dialogues distribués

en cinq trilogies, dont la première réunissait la ~e-

publique, le Timéeet C'n<MM.(2),que rapproche en

effetPlaton lui-même, par la forme extérieure don-

née Ma discussion.

Les dialoguesde la seconde trilogie au contraire

semblent avoir été réunis à cause de l'analogie des

sujets et du contenu ce sont le Sophiste, le Poli-

tique et le Cratyle. Le même principe paraît avoir

formé la troisième qui comprend les Lois, Minoset

r.E'MtMMM,et la cinquième composée du Cri-

ton du Phédonet des Lettres; maisentre les deux

dialoguesdu Théétète, de l'Euthyphron et del'Apo-

logie, dontsecompose la quatrième, il n'est guère

possible de voir un lien nécessaire et de devi-

(t) Diog.L., IH, 62, seborneà direquelesunscommen-çaientla collectionparle Politique,d'autresparl'Alcibiade,ceux-cipar le r~o~,ceux-làparI'jEMMyp~cK,ceux-ciparlePhèdre,ceux-làparle Théétèle,quelques-unsparleClitophon,quelquesautresparle Tintée,la plupartparl'Apologie.Matsd'oùprovenaitcettediversitédedisposition?C'estcequenous

igaorons..Albinuset Porphyreavaientécritdes traitésspéciaux~ept

Tt,ç.~T&~su>ç.Twv.(in>,tw~TOÜ~lIa«Tmvoç,qui~~setrouvent~encore;~au diredeTM~~6MMvTouî)).KTm~o~,quisetrouventencore,au diredeFtspher(.Ka<.Cto<IV,Leips.,nss, p. t26),ma-nuscritsdanslesbibliothèques.

(2) est singulierde voirfigurerici leCritias,qui étaitinachevé.

~{' LES~R~DB%~TON.~

ner pourquoiils ont été réunis dans une mêmeclasse(i).

Les trente autres ouvrages avaient été laissés par

Aristophane, on ne nous dit pas pourquoi, iso!és et

sans ordre, xa~vx~KitTctXTNt.

Thrasylle avait raffiné encore peut-être à l'imi'

tation de Dercyllidas, il avait distribué les dialogues

en tétra!ogies(2);jet.un des derniers éditeurs de

(<) Ce n'était qu'un ordre recommandé aux iecteurs, et cet

ordre devait différer évidemment suivant qu'on s'attachait dà-

vantage à la forme ou au fond, à l'éthique, ou à la physique,ou à la dialectique. Alhinus, Introd., c. 4, nous fait connaître

d'une manière assez obscure le principe de Dercyllidas et de

Thrasylle, qui avaient adopté la division en tétra)ogies '< f)s

semblent,dit-il, avoir voulu soumettre a un ordre les personna-

ges et les circonstances de leur vie, So~o~B~~ottcpos'Mtto~xctt

~M~(sic,p!ûu?) ~Ept<:TOniE<Tt'9e~x~om~y~[{9e!YK(.Hsavaient

mis dans la première tétralogie d'abord l'FM<p/!?'oM, parce quec'est laque l'assignation est donnée à Socrate; en second lieu,

l'~po~ie, qui ne pouvait précéder l'assignation; le C~oM,

parce que !es'faits qui s'y passent ont suivi les débats et !a con-

damnation enfin le~eMoK, qui est nécessairement le dernier

acte de la tragédie. On voit que le principe est bien bizarre et

n'a aucun rapport avec les recherches actuelles. Quant à Ai-

binus, il croit qu'il n'y a pas lieu d'imposer un ordre absolu et

objectif d'études ou delëcture aux dialogues de Platon c'est

un cercle qui n'a pas de commencement ni de fin. Tout ordre

d'etudesn'a rien d'absolu, et est relatif à la nature d'esprit, à

l'âge, au. but de celui qui s'adonne aux recherches philosophi-

ques, et le conseil de commencer par l'~MMa~e, de conti-

nuer par la République, de passer de là au MMëe, ne s'a-

dresse qu'à celui qui, jeune encore, mais déjà initié aux tra-

vaux de.l'esprit par les mathématiques; ayant rë<f6ncëaux af-

faires eta)a vie politique, hedemandeàtaphitosophio qu'une

prëparatronàlavertu.

(2) Albin., ~ay..c. 6. E!o't ? xat o! xxT~MTp~oYfavStE~~f-'

LÉSANTS D~~M'ON.' 4~il<

Platon, M.K.-F.Hermann a.reproduit cette division,4

dont je ne parviens pas à deviner le principe philo-

sophique,laquelle je ne trouvemême pasd'explica-tion rationnelle. Peut-être la forme dramatique des

dialoguesa-t-elle produit cesgroupes, à l'imitation

des quatre piècesqui, anterieurementà Sophocle,de-

vaientêtre présentéesensemble au concours, et rou-

ler sur le mêmesujet. Maiscomme il est difficile de

trouver aucun dialogue qui joue, dans la tétralogiede Thrasylle, le rôle du drame satirique, M.K. Her-

mànn ne croit pas pouvoir admettre cette hypo-thèse (1).Ontrouve, il est vrai, dansPlatondes traces

de cetaccouplemëntpar quatre; et quoique aucune

de ces tétralogies nesoit complète, on suppose que

Thrasylle n'a fait qu'étendre à tous les ouvragescette distribution symétrique dont on aperçoit dansPlaton les vagues linéaments. Le principe de l'au-

teur, comme celuidu grammairien, serait alors pu-rement extérieur, un goût de nombre, de propor-

tion, de rhythme, tel que celui qui a présidé aux

-tétralogies d'Antiphon(2). Le nombre quatre, et le

Te< ~M!)]<e((jtAsp)tuUM7j<)MtiOpNTuMo~CeDercyUidasavaitfaitunouvragesur la philosophiedePlatonquicompre-naitaumoinsonze)iyres.Simptic.,ad Arist.Phys.,f.s4;SchpU:Afistt.344,a,I.3a..

(t) C'estpourtantcelledesanciens.Cf.fro~ey~c.24.KotTK

(<.C[<r)T~TMyTeT()XY!XM'<XK!TM~XO~txS'<.(2)Cetteanalogien'est nullementexacte les tétralogies

d'Antiphonont toutesle mêmesujet,traitéensenscontraire

pardeuxorateurs,etchaqueorateurajouieà sondiscoursune

réplique.Ijasymétrie,unpeuforcée,est pourtantdanscecas

plusnaturelle.

~~464~' LES ËëRtTSDE PLATON.

nombre 36, sommedes dialoguescompris dans les

neuf tétralogies, avaient, dit-il, quelque chose de

merveilleuxpour les mathématiciensgrecs, et Thra-

sylle, mathématicien, musicien et astrologue, aura

cédé à l'influencemagiquedes deuxpremiers carrés

de la série desnombres (4==2~ 9 ===3~)et de leur

produit (36 ==4 x 9 ou 2' x 3') (1). Si le principe

qui a guidé Thrasylleest vraiment cette idée puérileet superstitieuse, on ne peut pas attacher beaucoup

d'importance à ses applications, quoiqu'élles con-

cordent fréquemment avec les résultats de la cri-

tique aUemande(2).

Albinus, Platonicien contemporain de Galion(3),

présente deuxclassifications,l'une fondéesur le ca-

ractère mêmedes doctrines exposées,l'autre sur la

forme extérieure de l'exposition. La première re-

connaît trois classesde dialogues: les uns destinés

à purger l'esprit des sophismes, et l'âme des vices,

et appelés pour cette raison xctQcfptm~,se divisent

en deux espèces, les ~etpMttxo(et les ~e'pt-ctxo~la

seconde comprendceux qui réveiilect I~me de ses

langueurs, l'appellent à l'activité, allument en elle

le désir, l'amour et comme le pressentiment de la

vérité; enËnla dernière se composedes dialoguesoù est contenue l'exposition dogmatique de Ja

science, la théorie de la morale, de la nature et de

Dieu (4). On reconnaît ici au moins l'influence de

(i) C'estaussilenombrequ'adoptentles jPro~ c. 25.(2)C'estuneobservationdeM.Hermann,deT%f<MyMo,p.18.

.'(3)VerstMaMap.J.-C.(4)A)b.,J.!o?.,c.6.

LESÉCRITSDE PLATON, 4681

quelques théories platoniciennes; mais la seconde

classificationn'est inspirée que par un goût d'or-

donnance systématique, dedivisionset subdivisions

scolastiques, étrangères au génie de Platon et au

caractère de sesouvrages.Jeme borne à en dresser en note le tableau, sans

m'y arrêter davantage(i).Rien n'est plus arbitraire et plus imaginaire que

cette ordonnancesystématique, empruntée de l'es-

prit de la logiquepéripatéticienne, et imposéeaprès

coup et de vive force aux écrits de Platon. Établir

le lien, -soitextérieur, soit intérieur, qui, unissant

plusieurs dialogues, en fait un ensemble harmo-

nieux et un tout parfaitement un (2), fixer la limite

qui séparecetout d'autres groupes semblables, cher-

cher le principe qui préside à cette distribution sa-

vante et compliquée, c'est chercher quelque chose

qui n'existepas, et parconséquent qu'on ne trouvera

'(t) DIALOGUES~Y)Y<)Ttx6(; et ~TYjTtXOt

6EMpt)T!XO~ ttpKXfmO~ -fU[).')<MTm6(; ayM~tOT'XOt

<j'UT[x6t-X~mot~!i).tTti{o;9tXO; p.eMUTtM<-MtpCt.t'.))!'<d6tXT.-d~TpK'

L'abbéGarnier,danssessolidesmémoiressurPlaton,~ccf~.Inser.,t, XXXH,p. i73,faitcetteremarquejudicieuse:«Quel-queseffortsquel'on ait faitsjusqu'àprésentpourlesrangersousdecertainesclasses,ils ontéchappeà touteslesdivisions

auxquellesoua tentéde lesassujettir.Ledialoguequiporteletitredemo?'~u'est souventrempliquededialectique,et le

logiquerenfermeordinairementdesquestionsde moraleetde

métaphysique.(2) Alb., Isag., c. 4. 'EomsvKt Y~p KÙtà~ T~Eto~ 6'~TOtTE~!tj)

ox'~f.cctt xux).ou.

~LES~~

pas. Rien n'est plus opposé au génie grec et M'art,

antique que, cet appareil sco]astique,cet échafau-

dage lourd et inutile; Platon nous dit lui-même

comment nous devons considérer chacun de ses dia-

logues, envisagé comme oeuvre d'art nous devons

y voir comme un être vivant, un, dont les parties

sont liées et proportionnées entre elles et par rapport

l'ensemble, formant un tout complet, achevé, un

véritable organisme (1). N'oublions pas que Platon

est le dernier des philosophes artistes, comme l'a

dit M. Cousin, et ajoutons qu'il en est aussi le plus

grand.

Sans contester l'érudition des recherches que

l'Allemagne a consacrées à ce sujet, si l'on veut à

toute force établir une classification, suivant moi,

parfaitement inutile, il est prudent d'en revenir à

la simple division de Cicéron (2).

(i) Phèdr., p. 264, c; ProcL, w .Pa~M.,t, t. IV, p. 53.CoOy

Trendetenb., de .P/a<oM..PMeMconsilio, 1837, p.4:«Nam

qaidquid operis antiquitas finxit, et antiqui ingenii quasi nota

signavit, id per se anum, etquamvisada)iare]atum, itatamen

aliquatenus certe absolutum est, ut quasi ex se ipso natum

perseetiamiatettigiqueat." »

(2) M. V. Consin en a proposé, mais en passant, une autre,

dans son argument de l'Euthydème «On peut, dit-il, distin-

guer dans les compositions de Platon trois manières essentiel-

lementdifférentes )a première, où domine le caractère poé-

tique la seconde, où domine au contraire le caractère dialec-

tique la troisième, qui les réunit tous les deux. Cette distinc-

tion, MEKee<</bMfM<peut servir de principe à une nouvelle

classification des dialogues de Platon, et les partage en trois

séries. Je ne sache pas que M. Cousin ait jamais cherché à

démontrer que cette distinction était fondée, et a appliquer te

)'

'LES-ÉGRITS~DË'PMTiOiS'. 467'~

Il y a, suivant ce dernier, dans les ouvrages de

Platon, des dialogues où le but manifeste de l'auteur

est d'exprimer avec sincérité les enseignements de

son maître, et de remettre sous les yeux des Athé-

niens, animée et vivante, sa noble figure. H en est

principe à d'autres dialogues que l'jEM<Ay~Me.Il est bien dif-

ficile d'accorder que les trois manières soient &Me?!<MHeMOM/

<M/)~'eKi!M;eti) serait, je crois, impossible de trouver'un dia-

logue qui ne réunisse les deux premières, dans une proportion

différente, il est vrai, mais dont on ne peut calculer la mesure;

enfin il est évident que ce principe de classification ne prend en

considération que la forme littéraire, extérieure, de la composi-

tion, et qu'elle est insuffisante pour des oeuvres d'un contenu

si profondémentphilosophique. Ast, qui lui en avait sans doute

suggéré l'idée (.KaYo't'sLeben, p. 53), avait lié à la considéra-

tion de la forme celle du contenu et de la date de la composi-

tion. Les dialogues d'une forme poétique et dramatique ne re-

produisaient suivant) ui que )a doctrine de Socràte etontdù être

composés du vivant du maitre, et dans la jeunesse de Platon,qui

s'y trahit parla fougue, l'éclat, l'exagération juvénile delà com-

position etdustyle. D'autres, où la dialectique et la poésie se font

,pour ainsi dire équilibre, appartiennent à une époque où Platon

commence former ses propres idées, après lamortdeSocrate.

La troisième série, où )a dialectique obscurcit et éteint ]a fougueet l'éclat poétiques de l'expression, atteste, par sa formesévère,

austère, aride même, que l'auteur est arrivé à la vieillesse, a

l'àge de la méditation et de la contemplation. Quand il s'agit

d'appliquer ces principes, Ast est obligé, pour ne pas les ou-

blier ou les méconnaitre, de supprimer des œuvres authenti-

ques toutes celles qui les contrarieraient ou plutôt les contre-

diraient. Du reste, cette division d'AstetdeM. Cousin, qu'ontrouve déjà. dans Sydenham (St/no~M~M' yettera~ t)Mwq/' <Ae

Wor&s of Plato, Lond., 1759, p. 9), avait été présentée par

quelques anciens, Diog, L., m, 50, qui distinguaient Tou<

SpKjj.ctTtxou6,ïoù~BSS~Yt))Jurnxoù<,ro~S~ )JnxTou<.Mais Diogène

fait l'objection sensée quec'est appliquerunprincipe purement"littéraire à des œuvres philosophiques.

.es" LES ËCtUTSOEPLATON.

d'autres, et ce sont à la fois les plus .nombreux et

les plus considérables, où, se sentant en pleine pos-session de sa pensée et de son talent, nourri des

hautes spéculations des Pythagoriciens, exercéparla forte dialectique des Ëléates, il adopte une partiede cesthéoriesqu'eûtrépudiéesSocrate(l),etaspireà formuler une plus large doctrine qui .les concilie

aveclesvérités moralesque lui avait transmises son

maître, et avec les vérités expérimentales que dé-fendait l'École ionienne. Ainsi des dialogues Socra-

tiques, qui répondent peut-être, et pris en général,à la jeunesse de l'auteur, et des dialogues vraiment

Platoniques, voilà une classificationclaire, justinée

par les textes, tout à fait suffisante(2), et dontil ne

faut pas cependant, sous peine de graves erreurs,

poursuivre trop rigoureusement les applications.Comment arriver à faire le départ de ce qui est pu-rement Platonicien et de cequi est purementSocra-

tique? il faut avoir recours à l'esprit de divination.

Le plus sage sera encore de ne pas soumettre à un

ordre, qu'il n'a pas connu ni voulu, le plus libre

génie qui fut jamais, et de considérer, comme nous

le conseille Proclus, chaque dialogue comme un.

tout achevé, unorganisme vivant et indépendant,

(t) Ctc-,deF<K.,V,29 QuumSocratemexpressisset,ad-

JMgeretf'ythagoreorumdisciplinam,eaquequ:eSocratesrepu-diahat,addisceret.» Diog.L., H, 45 T~SmxpKTTX&pv~Ta',~Ep!TOUTtoVaut0(~6!.

(2)C'està peuprèsoùenretientM.Stallbaum,dontlestrois

Catégories,pourraientavantageusementserameneradeuxt. Dialoguessocratiques.2.Touslesautre?.

LES ÉCRITS DE PLATOK. 46't

et n'ayant avec les autres que des rapports toujoursaccessoireset souvent douteux.

§ 5. POURQUOI PLATON A-T-IL ËCRtT?

Tout le monde sait que Platon a exposé ou pro-

pose, comme on voudra dire, sa philosophie sous

la formedu dialogue,dont il ne s'est jamais départi.On s'est demandé, à ce sujet, pourquoi cette prédi-lection constantepour une forme particulière d'ex-

position, et poussant plus loin encore la curiosité

on a recherché pourquoi il avait écrit en prose, et

pourquoi même il avait écrit (1).Cette dernière question est moins singulière,

moins indiscrète et plus grave qu'elle ne le paraîtau premier abord. En effet, et Platon est le premierà nous en avertir, non-seulement les hommes qui

occupaientà Athènesde grandes situations sociales,

qui jouaient ou aspiraient à jouer un rôle politique,maisencoretousceuxquise respectaient,et voulaient

rester des gensde bonne compagnie, auraient rougi

d'écrire, de publier leurs ouvrages, et de recevoir

del'opinion publique le nom méprisé de logographeou le nom plus détesté encore de sophiste (2). Les

Sophistes étaient encore les seuls écrivains de pro-fession comment Platon a-t-il pu se résoudre à les

())K.Fr.Hermann,UeberJPMo'~MAW/ï~eMe;~o<<

(2).MMt' 257,d: A~u~toMÀo~ou;Tsy~s~, xatXKTK-

~ilTE~<TUYYp<t)t~KTOf~KUTM~,S6~C(V<po6oU~<MTOU&!WTK~(.MOU,T6<pnrTot[x~m'<fon..M.,277,c, d Ti8'a2 Mp!Toux~o'<f)

K~povE~cttTo~ofouf;Mys~TexaiYp~s~.~'7

470 LES ËCMTSDE PLATON.

imiter~ tout en les combattant, même sur ce point.?l

On s'en étonne avec d'autantplus de raison qu'il se

déclare ouvertement contre cette méthode de pro-

pager les vérités philosophiques c'est, suivant lui,

une grande simplicité de croire que l'on peut, avec

des livres, communiquer des connaissances claires,

précises, solides, un art quelconque, et à plus forte

raison l'art de penser et de vivre (1). Pourquoi cette

inËdélité à ses propres principes, qui est en même

temps une inudélité a. la tradition socratique à

l'exemple du maître qui n~avait pas laissé une ligne

écrite sur des sujets philosophiques? Ainsi, s'éloi-

gnant de la pratique de Socrate, l'idéal de la sagesse,

se rapprochant des Sophistes, Platon, qui refuse

tout caractère philosophique à la parole écrite, au

livre, a mis dans des livres l'exposition de toute sa

(1) 7~M~p. 275,276,d «Sil'on vientà semer dans tes

jardinsdel'écrUure, dit.il, on ne le fera que pour s'amuser,

pour se faire un trésor de souvenirs et pour soi-même, quand

la vieillesse amènera l'oubii, et pour tous ceux qui marchent

sur la mêmetrace, KCttStS~~&pMs~epEtTE~ottypct']'Et. Et Td

p. 277, ë:" Dans tout discours écrit il y beaucoup de badi-

nage,'tattBtotv'noUfjY;aucun discours écrit 6a prononce) soit en

vers soit en prose, ne peut être regarde commequelque chose

de bien sérieux, jtEY<x).t)cK~tov<ntouS~ Us ne sont qu'un

moyen de réminiscence, 6~0 j~s~, pour ceux qui savent déjà.

Je pense que Platon veut- dire que quiconque écrit ou parle

pour un public pense presque nécessairement à autre chose

qu'à l'objet dont il parle et à l'intérêt de celui à qui ils'adresse.

Il pense à lui-même, il cherche à pMre; et c'est ce mobile que

Platon appellepeu digne;; C'est cette intention d'artiste et cet

ëgo!smepassionne de l'écrivain où U ne trouve rien de sérieux,

et qu'il appelle meoepuëTil, ~atB~Y.Bossuet aurait dit qu'il y

a dans la recherche de CMbeautés bien du tfeMa:,

LESËCtUTSDEPLATON. .t7)

philosophie1 Celan'est pas possible, dit-on mais

que faire? Ajouter foi à la tradition, conforme aux

principes du Phèdre, qui veut que Platon n'ait rien

écrit, absolument rien, si ce n'est sans doute la

lettre VII qui contient ce fameux passage? M. F.

Hermannrecule lui-même devant cette extrémité

logique, et chercheà sauver la foiset l'authenticité

de l'csuvre écrite de Platon, et les doctrines du

Phèdre qui semblent la rendre inexplicable. L'écri-

ture n'est pas condamnée absolument par Platon

pour lui l'écriture est à la pensée, le livre mort et

froid est à l'exposition orale, vivante et chaude, ce

que le phénomène est à l'Idée, ce que l'expérience

sensibleest a'ia contemplation immédiate, à l'intui-

tion directe or, de mêmequele monde sensible est

le pointdedépart, un degré insuffisant mais néces-

saire de la science, de même les dialogues écrits

n'ont dû être que commela préparation imparfaite,l'initiation grossière à uneexpositioncomplète, dé-

tailléeet profondede sonsystème et de ses principes

supérieurs. La parole écrite est impuissante à at-

teindre la région de ces Idées qui dominent, em-

brassent, pénètrent, expliquent la vraie philoso-

phie de Platon aussi ne l'a-t-il employée que pourles parties secondaires, les applications positiveset

pratiques, dont le caractère les rendait accessibles

à tous les esprits (1). C'estce que prouvent en outre

(l) C'està peuprèsl'opiniond'Ast,de/~a<Ma'dro,p. ne.<Exhisomnibus,qurede verodicendiusu ex ipsoPMoneattulimus,.!tHeMMa!d!<6t<eiMoKeco!)/M'NM!MWM,eum in dia-logisconscribendis,propriaset genuinasphitosophiœsuéera-

472 LES ÉCRITSDE PLATON.

les qualités si profondément artistiques de ces

ouvrages,'les dates extrêmement éloignées de leur

composition, et l'absence visible d'un ensemble

systématiquequi exclut l'idée d'une intention d'ex-

position doctrinale. Ainsi, sans nier l'authenticité

des dialogues, il faut reconnaître qu'ils ne sont'pasla source' où l'on peut puiser la connaissance des

vraies doctrines platoniciennes, dont l'expositionétait faite dans un enseignement réservé, peut-être

secret, qui a laissé un débris mutilé, un souvenir

dans lesaYpacMtSoy~ctTa..Maisalors, si les dialoguesn'étaient destinésqu'à

un but polémique, critique, purincatif, pratique,où trouver la philosophiede Platon ? Elle devient

vraiment introuvable. Non, dit M. Hermann, si nous

ne pouvonspas la voir,-nous pouvons encore la de-

viner «Qui a des yeux pour voir, à l'aide de ce

membre conservé,pourra reconstruire pour soi l'or-

ganisme completde cette philosophie, et, à cepointde vue, les écrits de Platon retrouvent l'importance

qu'ils paraissaientavoirperdue, et peuventêtre con-

sidérés commela source authentiquenon-seulement

de sa méthode, mais de son système philosophiquentéme.HAinsi il nes'agit pluspour nous de compren-

dre,, d'étudier, de méditer la philosophie de Pla-

ton c'est une création disparue seulement, grâce

tionesexponereet in médiumproferrenucquamin animo

habuisse,sednonnisiid spectass&ut œqualessuos,fa)saseo-rumopimoneset errorescorrigendo,ad rectamptntosophiœviamperduceret,prmpararetquasieoruraquestudiumet amo-

reminveraphUosophiacotendacxcitaret."

LESÉCRITSDE PLATON. 4733

à Dieu, un membre inférieur, mais essentiel, s'est

conservé,a.l'aideduqu,elnouspourrons reconstruire,

c'est-à-dire deviner l'organisme tout entier. J'avoue,

quant à moi, ne pas posséder ce don de divination,

ni cette audacede reconstruction philosophique. Je

ne conteste pasl'exactitude des inductions de génied'un Cuvier; mais l'analogie est fausse. L'être vi-

vant est soumis à des lois nécessairesque l'homme

peut observeret connaître un système de philoso-

phie ne peut Être appeléun organisme que par mé-

taphore cet organisme n'est pas l'oeuvre d'une

intelligenceparfaite et d'une puissance sans limite

c'est l'ouvrage d'uneraison bornée et d'une volonté

libre, dontn'eus ne pouvonspar des lois généralesdeviner les élans ni les écarts. Si donc les dialogues

dePiaton ne contenaient pas l'exposé sincère et

completde sa doctrine, il faudrait tout simplementt

renoncer à la connaître il aurait empprté son se-

cret avec lui. Maiscomment oser dire que les dia-

loguer n'expriment pas toute la pensée de Platon?2

Aquoi donc se réfère Anstote ? Sauf un point sur

lequel nous reviendrons, n'attaque-t-il pas précisé-ment la doctrine telle que nous l'y voyons exposée?et sur quelles raisons appuie-t-on cette opinion quirenverse l'autorité, sinonl'authenticité de ces pré-cieux et admirables monuments? Eh! quoi? parce

que, dans une oeuvrede jeunesse, Platon déclame

dans un livre contre les livres, le voilà condamné à

n'en plus faire! C'est bien mal connaître les hom-

mes. A la question qui préoccupe Hermann, et à

laquelle il fait produire des conséquencessi consi-

474 LESÉCRITSDE PLATON.

dérab!es, je fais une réponse dont la simpliciténaïveetgauloiseferapeut-etre sourire lagravité alle-

mande, mais que je maintiens la seule vraie. Platon

a écrit parce qu'il lui a plu d'écrire Mais après

l'exposéde principes duPhèdre sur la parole écrite,c'est une inconséquence? Eh bien, c'est une

inconséquence. Après? Maispourquoi a-t-il commis

cette incoaséquetice? Vraiment c'est être trop cu-

rieux, mais je veux bien encore répondre: c'est

qu'il lui a plu d'être inconséquent. Et ne vouséton-~

nez pas trop de cela.

L'inconséquence ne doit pas étonner un philoso-

phe, mêmedans un philosophe, ni un homme dans

un'homme « JamdePlatonisinconstantialongumest dicere (1), ditGicéron, qui, outre ces raisons

générales, nous fait entendre quePlaton neseraitpasà l'abri de tout reproche à cet égard, et même en

des points plus importants. Mais y a-t-il vraiment

même~nconséquence? Le P~e&'e ne dit pas qu'ilne faut pasécrire, maisqu~il ne faut pas écri~

écrire écrire est peut-être une nécessité,' mais ce

n'est pas la fin, l'essence de la communication des

idées, et la preuve, c'est qu'après toute cette discus-

8]OH,d6ntlecaractërémoitiésérieux,moitiéplaisant,est marqué par le mot TteTra{s8M(2), Platonserésumé

en ces termes: «Bisonsà tousceux qui écriventque

si, en composant leurs ouvrages, ils sont sûrs de

posséder la vérité, s'ils sont en état de défendre ce

(t) Gic.,<<e~Va<.j0.,ï, 12,

(2)P. 278,b.

LESËCMTSDEPLATON. 47S

qu'ils ont écrit dans un examen sérieux, s'ils sont

en un mot capablespar leurs discours de montrer

l'infériorité naturelle de l'écriture, il ne faut pasleur donner les noms méprisants dont nous nous

sommes servis, mais -au contraire tirer leur nom

des choses mêmes dont ils se seront sérieusement

occupés, et le nom qui conviendra le mieux à ceux

qui s'occupentdes plus belles choses, c'est celui de

plulosophe.~ Ainsi voilà, du consentement exprès

de Platon, le philosophe autorisé à écrire~ sauf à

pouvoir rendre compte par la parole de ce qu'il a

écrit. Oncomprend donc qu&Platon n'ait cru com-

mettre aucune inconséquence, en fixant par écrit

les doctrines qu'il avait passé toute sa vie à déve-

lopper, à expliquer, à enseigner, à démontrer.

Pourquoi Platon a-t-il écrit en prose? On pour-rait dire que le temps de la philosophie poétiqueétait passé; mais, sans nier que cette forme en gé-néral puisse être considérée comme un moment

passager du développementde la science, je ne vou-

drais pas attribuer le fait a.cette seule cause car,née dans l'Inde, je voisreparaître la formepoétiquede la philosophie chez le plus original et peut-êtrele plus grand des poëtes romains, aussi bien quedans le Dante, le philosophedes poëtes et le poëte

des philosophes,commeon l'appelle. Je croisplutôt

que la poésiephilosophiquenaît d'une certaine ma-

nière de concevoirla philosophie, qui peut être plus

répandue a certainesépoques, mais qu'il appartientà l'individu de se faire dans toutes.

L'art a été pour les Grecs,sous toutes ses formes,

478 LES ECRITS DE PLATON.

non pas un accessoire, mais un élément essentiel

de leur vie. La philosophie, comme la religion,commela législation, comme toutes les formes de

l'activité, fut intimement unie à la poésie. De là les

poëmes d'Hésiode, d'Empédocle, de Xénophane,de Parmonide, des Pythagoriciens. Mais cepen-dant la réaction se fit de bonne heure, et presqueau moment même où- la philosophiecommença à

avoir conscienced'elle-même, aussitôt que le déve-

loppement tardif de l'art de l'écriture eut permis à

la prose de devenir un instrument harmonieux et

pur, clair et puissant, on y renonça, et on eut rai-

son. L'esprit humain est faible; la poésie.vit de

fictions, de merveilleux, de fables,

«Lemensongeet lesversde touttempssontamis,»

dit le proverbe rapporté par Aristote(1), et traduit

avec tant de grâce par La Fontaine. Lorsquel'ima-

gination voit ces tableaux charmants, lorsqu'elleentend la voix mélodieuse, la douce musique du

vers, la raison s'envole sur les ailes du rêve, dans

le monde vague de la fantaisie, où les choseset les

i déesne se présentent que dans cette lumière vapo-

reuse, qui plaît àl'artiste parl'indéËni de seseffets.

La philosophie passion du pourquoi curiosité

insatiable de la raison complète, claire et vraie des

choses,a besoinde se soustraire à ce cercle magiqueet enchanté (2),et de prendre unelangue plus virile

(t)Ptat., ~/MMoM,6t,b;Artstot.Mf!< c.2;P!ut., de

~M(<.Poet.,c.3.

(2)LesévèreAristoteappellecelalesmignardises,lesbégaie-

LES ÉCRITS DE PLATON. 477

27.

et plus sévère; elle descend du char céleste pour

marcher humblement à pied (i). Dans l'École io-

nienne Anaxagore, dans l'École éléatique Zenon,

dans l'École pythagoricienne Philolaüs, et dans l'É-

cole atomistiqueHéraclite, ont déjà écrit en prose.Ee caractère plus pratique, plus modeste, prosaïque

même, donné à la philosophiepar Socrate, ne pou-vait manquer de retenir son disciple dans cette tra-

dition. Considérée commescience de la ~ie, la phi-

losophie enprend tout naturellement le langage, et

Platon, obligé comme Socrate, de combattre les So-

phistes, était, par la force des choses, appelé à les

suivre sur le terrain oùils s'étaient établis, l'élo-

quence, c'est-à-dire la beauté dans la prose. C'est

ainsi qu'il fut amené peut-être à choisir la forme du

dialogue qui, entre les mains d'un grand artiste, est

plus apte que toute autre a.remplir la fonction phi-

losophique, l'CBtnremorale et essentielle de l'élo-

quence, d'enlever, d'enchanter, de ravir les âmes(2).Bien-des causes ont dû contribuer à lui faire

adopter cette forme pleine de mouvement, de vie,

d'art, où, dej'aveu de tous les critiques, il a déployéune supériorité incomparable, mais qui semble

tellement appropriée a la philosophieen général et

particulièrement à la philosophie issue du mouve-

ment socratique, qu'elle est commune à toute l'É-

mentsdelaphilosophie..Me<I, 5 VeM~o~Evv)np(&T<)~o-co~œ;etAnal.po~.J, c. 19 Tept-~tr~sTs.

(i) P)Ut.,<!e~M~Poe< C. 2 "Q<m<p~(Mt ïàv g~xo~ xon

TO (t.ETpO~!~K 'C&ne!;0~ StK~UYMfHV.

(*:).P/nM<261,a Vuxo'YMf!o'T";9~ ).6Y«)v.

LESÉCRITSDEPLATON.478

eole(i), et qu'on la trouve même antérieurement

employéedans d'autres.

Zénon,suivant quelques-uns, AlexamènedeTéos

ou de Styrée, suivant Aristote et Favorin, avait

été le premier à composerdes dialogues (2). Peut-

être même d'autres disciples de Socrate avaient-

ils, avant Platon, adopté ce cadre charmant et

animé. Les Mémorables en contiennent déjà le

germe; on parle de dialogues d'Aristippe, mais

l'authenticité en est moins que certaine (3). Quoi

qu'il ensoit, onne peut pasconsidérer Platoncomme

l'inventeur du dialogue philosophique, à moins de

dire avecDiogène et l'Anonyme, que l'inimitable

perfection où il sut le porter peut être appelée unevéritable invention(4). Le dialogue est l'expressionnaturelle de la Dialectique,qui consiste dans le fait

d'interroger et de répondre elle repose au fond

sur ce principe, que la vérité est innée à l'esprit, quetout homme a dans sa raispn les germes de la

science, et que du choc des idées que la conversa-

(t) Aristotelui-même,commenousl'apprennentCicéron(«<<

f<Mtt;,I,9; Mtjl<«c., l6!Xn!.19,Plutarque)(<!<?.Co-

<o<X, 586.Reisk.),S. Basile(Ep.l35,t,!H. p. ?.M),avaitécritdesdialogues;il renonçaa continuercettelutteinégale,avertiparsonpropregoûtqu'il n'arriveraitjamaisà y répan-drelecharmeet lagrâcequicaractérisentceuxdePlaton,8t&rA

~WttBt~ataÙTM{1;m<n~KT<MtXM~KpfTM'<T~~S6[c~.(2)DM8.L.n,48!Athén.,Xt,605.(3)Diog.L.,If, 83.

(4)Ânon. ESpMS~xa~t!!o!ouYYpet~t,to SM~oYM~tt

Y~p'tt( tfttM8TtXMZ<)~M~ttp6ctÙTotiStaMyout~Ypo['}'exattÏKpjt:-~,)t,~po!ijjL:'<Bïto!To~jt~KjTMa~Ttj)~p~~ato.

LES ËCMTSDE PLATON. 479

tion produit doit jaillir l'étincelle (1). Pour Platon,comme pour Socrate, la philosophien'est pas chose

de tradition (2). Chacundoit produire en lui-même

par un effortpersonnel la science et la mérité.Or le

dialogueseul a la vertu de provoqueret de soutenir

cet effort. La pensée n'est qu'un dialogue de l'âme

avecelle-même (3) l'art de penser n'est donc quel'art de dialoguer avec soi-même et avec les autres,et de forcer les autres à pratiquer ce double dia-

logue qui constitue toute la logique. On comprenddonc que les raisons qui firent adopter le dialogueuniversellement à toute l'École socratique aient

déterminé également le choix de son plus illustre

représentant il l'accepta comme la forme la plusnaturelle de la philosophie,-et particulièrement de

la sienne.

ït y trouvait d'ailleurs un autre avantage il res-

tait, autant que le livre peut le faire, fidèle à la

méthodede Socrate, qui avait passé sa vie à inter-

roger et à répondre; il faisait revivre son maître

(() P!at.,TMp.,IV,435,a.

(2)Dioa.Ha).,J~<e~c. ix, n.2 «Iln'exposepaslui-mêmedesthéoriesqu'il chercheensuiteà démontreril proposeunerechercheen communà ceuxqui conversentaveclui, et s'ef-forcedetrouverunesolutionplutôtqu'endémontrerunetoutefaite(év~M<))t~"!K)'n)<rMTtotou~tto;).11n'apasla prétentiondesavoiraveccertitudeleschosesqu'il expose la philosophien'estpasuneexpositiondogmatique,elleest unerecherchefaiteen commun.Piat-,Gory.,606,a OM~f~pTôt~M~etSm~).EYM&)~YM,&Mt&~TMXOt~jj.<9'&&

(9~ SepA., M~, et t~ jt~to{*r?~ '}'v~! ~t~ Sti~.OYOt.

77«'e< i89, e Tb M 5[Moe:s9M. M~ 8< NuT~mp~ ~<<~ 1¡

']<U~ 6ttMpXMKt.;

480 LESÉCRITSt)EPLATON.

dans le rôle qu'il avait rempli avec une puissance

invincible, et continuait pour ainsi dire ses nobles

et charmants entretiens. Le rôle donné à Socrate

dans les dialogues de Platon est sans doute un acte

de gratitude et de respect, le témoignage de la

grande influencequ'il avait exercéesur son disciple,et de l'excellence de sa méthode mais c'est aussi

un trait de génie, et un coup de maître. La figuredeSocrate, qui se prêtait toute seuleà ['idéalisation,

répand sur la doctrine l'autorité de sa vertu et de

son caractère, de sa vie et de sa mort. L'artiste

même y trouve son compte l'unité des doctrines

se rattache à un. seul personnage, qui les professeet s~identifleavecelles; c'est la thèse en action, le

raisonnement prenant corps et âme, l'idée faite

homme. En face de Socrate, qui est la vérité vi-

vante, les sophismes s'incarnent dans ses adver-

saires et deviennent des personnages insolents,

suffisants et ridieujes. La verve comique, dont Pla-

ton était richement pourvu, trouvait là un emploinaturel (1), et il s'en servit avec un art terrible.

Quel satirique que ce Platon!s'écriait une de ses

victimes(2)..Nous avons eu déjà occasion de le dire, et de

montrer quel abus on en a voulu faire Platon;fidèle au génie mêmede la Grèce, célèbre avecen-

thousiasme, et peut- être quelque exagération, la

(1)S.Bas.,.Ep.167,t. II!p. t87,c '0~ ~EvTo~Soy~t(JL!i[~TC((,<i~OuBEttCtpttXN~())BMT&Wp6<TmttCt.

.(2) Athén.X!, 505 'C< xoA&toîSt M~M~ ~ëO;

LES ÉCRITSDE PLATON. 4S)

supériorité de la parole sur le livre et l'écriture.

Tandis que la parole parlée, animée, vivante, graveles pensées dans les âmes, ou plutôt les y sème

commedes semences qui doivent y germer, y fleu-

rir et y fructifier, le texte écrit n'est que l'ombre

pâle, le squelette décharné de la pensée. Aucune

idée claire, aucune conviction profondeet forte ne

peut naître de la lecture (1). Dans tout discours

écrit il doit y avoir beaucoup de badinage,~<xt~ctv;aucun ne doit être pris complètement au sérieux.

C'est un délassement où l'esprit s'amuse, un tré-

sor de souvenirs qu'on amasse en se jouant pour

charmersa vieillesse, et, au plus, un moyen de ré-

miniscence pour celui qui a autrement appris les

choses (2). En un mot, si nous en croyons Platon,le livre conserve les pensées, comme l'herbier du

naturaliste conserve les plantes, décolorées, sèches

etfanées; la parole, dont l'accent est l'âme, les pré-

sente, commela nature'ses productions, dans leur

fraîcheur, dans leur force, dans leur grâce florissante

et vivante; elle fait naître au cœur un amour sin-

cère, unevive intelligence deschoses; elle se prêteà toutes les circonstances et sait se proportionneraux choses dont elle parle, comme aux hommes à

qui elle s~adresse. Etmaintenantqu'est-ce que le

dialogue si cen'est l'imitation, que l'art poussejus-

qu'à l'iMusion,du discours parlé? A~ecune pareille

théorie, comment Platon ne l'eût-ii pas adopté? On

(i) Phèdre,275,c.(2) P/iMh',277, e.

482 LES ÉCRITSDE PLATON.

a voulu voir dans cette préférence une preuve de

l'influence pythagoricienne, étendue jusque sur les

formesmêmesde sa philosophie.Plutarque rapporteen effet que les Pythagoriciens ne confiaient pasleurs maximes à cette mémoire muette et sourde

de l'écriture (1) mais c'était pour mieuxassurer

le secret de leurs doctrines. Chez Platon le senti-

ment est tout autre. C'est au contraire afin démulti-

plier et d'augmenter la puissance des pensées/qu'ilveut en confier la communication a. la parole.

C'est d'ailleurs un trait caractéristique de l'es-

prit national. Les Orientaux ont des livres, règle

extérieure et immuable dè leur pensée et de leur

vie. LaGrèce n'a jamais voulu laisser emprisonnerainsi son esprit et sa pensée dans les formules in-

flexibles,d'untexte écrit. Tout est soumis à la tradi-

tion orale qui part du fond intime dé l'âme les

loiscivileset politiques, les sciencesphilosophiques,

mathématiques, médicales, comme là poésie, se

transmettaient d'abord 'exclusivement ainsi. La

tradition orale conserve et développe, vivifie le

passé en le rajeunissant, et en lui rendant sans

cesse une fralche vigueur. Les poëmes mêmesne

sont pas lus, mais chantés, dansés et presque

joués par une gesticulation mimique. De là, la

liberté d'interprétation des- fables religieusesde là, la liberté qu'ont prise tou's les poëtes de

modifier les mythes sacrés. Pindare leconstate et ne

s'en plaint pas les poëtes, dit-il, débitent bien des

(t)P!ut.Mm.,t.p.74,d.

LESÉCRITSDE PLATON. 483

mensonges; ils. trompent souvent les hommes, cela

est certain mais le charmede la poésieet la grâceenchanteressede la beauté sauve tout; car la beauté

est divine. De là, chezles Grecs, et particulière-ment chez Platon, l'accent simple, le tour aisé, le

style vrai, naïf, populaire, sans trivialité, familier

sans bassesse les écrivains n'y parlent pointcommedes livres au contraire, leurs livres font

l'effet d'un homme qui parle. Le dialogue est le

reflet de la réalité, l'imitation fidèle des habitudes

et de lavie dece temps. Toutse passe en entretiens,

en discours, en conversations, dans les maisons

particulières, lesgymnases, les ports, les placespu-

btiques. Le règnede la leçon,axpoKTt;,où le disciplen'a qu'à écouter en silence, n'est pas encore venu.

Tout le monde joue ici en commun un rôle actif

dans la recherchede latérite tout le monde a droit

dasuifrage, parle, pense et vote c'est l'image d'une

société libre. Le maître n'y supprime pas la person-nalité des auditeurs, ne fait taire ni leur sentiment

ni leur 'voix il se borne a exciter leurs effortset a

les diriger à leur insu.

Enfinil faut, se rappeler sans cesse que Platon

n'est pas seulement un grand philosophe, c'est en-

core un grand artiste il veut charmer, il veut

plaire; par un principe de sa philosophie, qui est

en même temps un besoin de son esprit et de l'es-

prit grec, il veut unir la beauté à toute chose et la

forme dramatique du dialogue lui en offrait une

occasionqu'il a avidement saisie.

Déjà Épicharme avait inventé la comédie philo-

484 LES ECRITSDE PLATON.

sophique, et indiqué à l'exposition de la philoso-

phie une voie nouvelle. Mais de plus, àc6té de la

comédie, et peut-être après elle, était né en Sicile

un genre dramatique inférieur qui s'en distinguait

par l'absence des cho&urs l'action véritable était

remplacée par une scène da moeurs, le rbythîne

était intermédiaire entre le vers et la prose (i),la simplicité des sujets était telle qu'on pouvait les

représenter comme les PIanipédies romaines, sans

masque et sans appareil scénique, ce qui permettait

de les jouer dans les cercles de bonne compagnie (2).

Sophron et Xénarque, son fils, que Platon avait pu

connaître à Syracuse, y avaient excellé. Ce fut là le

cadre que choisit Platon, et les modèles qu'il se pro-

posais) c'est par une étude approfondiede ces petits

(l)Athén.,X,445,b:OtxotT~oYCtS~!c(tt6o:,

(2) '.M., X, 4M, f M!(iM~aÙTdjtpoŒMKcxu'nqxptT~ To~

xùx~ot; ~otMTo T&;~tp.7)<Ttt;.Plutarque, ~ymp., VII, 8,nous

apprend queoette représentation dramatique des mimes s'éten-

dit à Rome même,aux dtaloëues de PIatou coutume, dit-il,

qui s'est introduite depuis peu, et qui a encore gagnéque peu

de maisons. Un fait apprendre les plus aMesde ces dialogues à

de jeunes esclaves, pour qu'ils les récitent avec le ton, les in-

flexions de voix et les gestes qui conviennent au caractère des

divers interiocuteurs. Des esprits chagrins clamaient cepen-dant cet usa et trouvaient mauvais qu'on servit un, dialoguede Platon entre la poire et le fromage, ou, pour parler comme

Plutarque, au dessert et au milieu des parfums.

(3) Athén., XI, 504 *0 Tout jj.t~où; 'Ke~ot~xc.x,o5~M Sta

~(p&c ~6~ Apup!;p~<nT~ (ro~ ID.xTMva.Conf. Diog. L., 111)

18, Quintil., 1, io « Sophron. quem adeo Plato probavit, ut

suppo~)toscapiti)ibrosejus,quumm6re!'etur,Habuissetradàtur.M i~

Val. Max., VIII, 7;Hesych.,v.Mpp.;Oiymp., F<<.P«t< Pro-

legg., c. 3.

LESËCRH'SDE PLATON. 485

chefs-d'œuvre, perdus pour nous, aussi bien que

des grands ouvrages de la comédie grecque (1),

qu'il parvint abonner tant de mouvement et de vie

dramatiques à l'exposition de ses doctrines, à dé-

crire avec tant de relief et de vérité le lieu de la

scène, à faire agir et parler les personnages confor-

mément à un caractère réel et vivant (2), à repré-

senter un type général dans chaque figure indivi-

duelle, et à semer avec tant d'art ces petits traifs

qui achèvent l'individualité, et sont nécessaires a

l'illusion dramatique (3). Unir le beau au vrai et au

bien, est un de ses principes, et il a voulu en don-

ner l'exemple. La nécessité de l'art et de la beauté'

dans la forme, pour agir sur l'esprit et l'âme d'un

peuple artiste, se fit sentir non-seulement à Platon,

(i) Olymp.: "E)(tMpEBeT~UXO~'AptTTO~Ot~EtT(j) XN)MX<j))Mti

Sto~pa~, TKtp'S~ XOt~T~~.{~t)(JMTM~TtpOTMKM~EVTO~Broyât;

<!)OeM)9T).

(2) Dion. Haï., ~e Comp.yer6., p. )33 ~ti~~o~Y&p e~p~yTOUTMVMpouc~E[Cro8(ot;TEtt~OTt XCti~Otitt~KH~E~pOMTEpKttx~ <r~~ct<rt-M~uttSeofEpo~)(p<)(tot~ou<.Sur le choixIntel! igentde ses personnages, voir Dion Chrys., Ofa~. LV, p. 66t.

(3) C'est au moins uneidée ingénieuse, sinon solide, que de

montrer le caractère dramatique que prennent toutes les formes

de la pensée au temps de Platon, et d'en déduire le caractère de

ses ouvrages la philosophie de la nature est comme le récit

épique des phénomènes sensibles; ta dialectique socratique est

le retour de l'âme sur elle-même, qui se détache du monde ex-

térieur, commela poeHelyrique, qui vit du sentiment intime

et se nourrit de la pensée recueillie et de la passion intérieure.

La dialectique platonicienne est le drame même de la philoso-

phie; elle met en face l'un de l'autre le sujet et l'objet, et, aprèsla lutte un instant désespérée et tragique qu'ils se iivrent, a la

prétention de les réconcilier. Ast, Platon's /,e&eK,p. 45, <C.

48R LES ËCRttS DE PLATON.

mais à tous les socratiques, précisément parce quec'était le propre de leur école de considérer la phi-

losophie comme une chose 'vivante et fie même

que Platon nous apprenons que X6nôphon, :~Es

chine, Antisthène, qui avaient apporté beaucoupde soin au travail du style et à la beauté de l'ex-

pression (i), adoptèrent également la.forme drama-

tique du dialogue. Ils ne 'furent pas les seuls l'É-

cole socratique tout entière,; l'Académie, Aristote

même, les imitèrent (2), et le fragment que nous à

conservéPlutarqne d'un desdialoguesde ce dernier,

et qui contient même un mythe, justifie les élogesde Cicéron sur l'abondance, la douceur etia grâcede sonstyle (3). Plutarque etAthénée le modifièrent

en créantle genre symposiâque,tandis queLucien,

qui appelle !e dialogue le fils de la philosophie (4.),.invente le dialogue des Bieux et des Morts. Saint

Augustin à l'imitation de Cicéron, Mallebranche

et Leibniz, pour ne citer queces grandsnoms(S),

()) Long,,Ars~e<of.,7:Ae<ÛMc.,éd. Spengel,t. I, p. 3o&;Waz.X,'p.'559~

(2)CommeaussiThéophraste;maison~~ redireavecS.Basile,Ep.135,qu'ilsétaienttous deux

'ëjojgnes'de.ieur'modëie.(3)Plut.,CoMMAs~Apoll.o~ 1,9,p. 453;Cic.,Top,1

Dicendi quoqueincredibi]tquada'nquumcopia,tumëtiamsuavitate. Acâd.,t, hit, n.38 &Ftuméhoràtionisaureumfundens. Conf.de Ofaf., I, i! 3t; deFin. t, 5 de.fMMM~tÏ,2; a~~Mtc.,2, i; cfe~Va<.iDe6!ï!,37. v

~(4)~M<!CCMMi~ .'<

(5)Al'ép~quadela Renàissancë,lespartisansdelaphilosô'=(&)Al'époquedelàRenaissance,lespartisansdelaphitbso-phiedePlaton,LatirentVaHa,Tr. EMbaro,Patmieri,Lândino,JordanoBruno,reprennentcettefornie,ansMpriséeet prati-

LES ÉCRITSDE PLATON. 487

en revenant au modèle de Platon, prouvent que

cette forme se prête bien, aux exigences de l'ex-

position philosophique et justifient ie choix qu'il

en avait fait (1). Comme il veut enfoncer les vé-

rités au fond du cœur et de l'âme, comme il s'a-

dresse à tout le monde, Platon est obligé d'exclure

l'obscur symbole des Pythagoriciens, et la forme

sèche, impérieuse et hautaine du traité et de la le-

çon il lui faut une forme animée, populaire, vi-

vante, gracieuse et belle. C'est à ce prix qu'il peut

conquérir des esprits amoureux de la beauté. Mais

cette beauté de la. forme a ses inconvénients elle

peut attirer à elle par son charme propre l'attention

deTaudtteur et lui faire oublier la proie pour

l'ombre, négliger le parfum pour le vase (2). Je ne

quée alors que la formeépistolaire, et qui avait pour les philo-

sophes de cette époque J'avantage d'exposer, sous prétexte de

les combattre, bien des opinions suspectes à l'Église ou à l'État.

(1) ffo~y., c.xY, expose ainsi les raisons de cette préfé-rence Notre âme se plaît à l'imitation te dialogue est une

imitation e'est donc pour plaire que Platon a choisi ce mode

d'exposition.Une autre raison, c'est qu'en nous présentant

les idées~onsune forme animée, vivante, personnelle, il excite

davantage notre âme à s'éloigner des mauvais exemples et à

suivre les bons. Enfin le dialogueest la forme naturelle de la

dialectique.

(2) Prnclùs signale ce danger de la forme poétique dans la

pliilQSOpbie.tH~em~)., p. 370 La fiction, dit-il, exerce sur

nous un si grand charme que bientôt nous ne voyons plus

qu'elle; nous négligeons le fond obscur que recouvre un si

riche vêtement: aussi le mythe et la poésie sont de mauvais

moyens d'enseignement." Il fait grâce cependant à Homère

et à Platon, <'car ils sont si semblables qu'on ne peut blâmer

l'un sans condamner l'autre. » ~t7!eMtp., p. 362.

488 LESÉCRITSDEPLATON.

voudraispas afiirmerque Platon n'a jamais franchi

ces limites délicates les deux fins qu'il poursuità la fois, de plaire et d'enseigner, de charmer et de

convertir, se nuisent quelquefois réciproquement.La clarté des analyses, la conduite des raisonne-

ments, souffrent des nécessites de l'art qui, a son

tour, est sacnfiéaux exigencesdes idéesetdelamé-

thodephilosophiques.Les détours et lesdigressions,le mouvement libre et presque abandonné de la

conversation, rompent ou du moins brouillent 1e

fil des idées inconvénient réel qu'augmente encore

l'emploi fréquent des mythes.

§ G. DE L'EMPLOI DES MYTHES ET DE L'IRONIE

PLATONICIENNE.

On s'est demandé quel avait été te but de Piston

en introduisant ces ornements tout poétiques au

milieu des discussions les plusgraves, et quelque-fois les plus arides. Sans doute cela tient aussi à

son désir de plaire, à ce goût'et ce besoin d'artiste

qui ne l'abandonne jamais il sait que les hommes

sont toujours des enfants et qu'ils aiment le mer-

veilleux(1). Maisil a aussi des raisonsplus sérieuses

et dont il nous fait connaître lui-mêmequelques-unes. L'emploi du mythe est commeun aveu d'im-

puissance(2) on y a recours pour expliquerd'une

(t) Prolegg.,c, xv ~ep-,II,377,a npMrovTo!<')):<MKdn(~-9oue~EYO[tev.

(2) Max. Tyr., PtM.,X,5,p. 175 :npotYjj.chMv'Y&p~'MpN-

mv/)< Me\~tct; où xa~opM~M~ <yKfm~ EÙc)(t)[to~M~Epo;~p~.tj'<E~<

o-(iu9o<.

LES ËCMTSDE PLATON. 4M

façon quelconque les problèmes que ta raison se

pose, qu'elle ne peut pas résoudre et dont l'homme

demande une solution telle quelle (1). Cesont peut-être des contes de vieilles femmes, mais comment

les mépriser si nous n'avons rien de mieux, rien de

plus exact à dire (2)? Par exemple, sur l'originedes choses, que peut-on demander de plus qu'un

mythe vraisemblable, ~'M)MeotxorK(3)? Pour dire ce

que c'est que l'Ame, il faudrait avoir la science et

l'éloquence d'un Dieu; mais un homme ne peut

que s'en former dans l'esprit une image (4), à

l'exemple de ces créatures bizarres et merveilleuses

que nous offrent les vieux mythes (5), et, si nous

voulonsnouséleverjusqu'à l'idée deDieu, il ne faut.

pas orgueilleusement porter nos regards sur ce so-

leil du monde intelligible dont l'éblouissante lu-

mière nous aveuglerait (6) commedes oiseaux de

nuit, nous voyons mieux dans l'ombre(7). Nous ne

pouvons regarder efface la source pure de la lu-

mière ~contentons-nous d'en contempler le reflet

obscurci, mais mieux approprié à notre imparfaite

(t) JRep.,H,'28' d 'E'<t<M!;(M~o~o-ftM;,S~t& E!Se~S~t~Y;9~~Et~tsp!ïSvttK~otfmvK~o~otou~TEtTt5~?)9~'r6<j~C-So;.

(2) Piat-, Go'jy., 527, a "HoMp ypeto~ xai oMEv Y*et~

9otU(m<tt&~xottot~po~EMTouïM~, e!'Tt~~Touvre; ~°~ K~TM'<pe~-

TtMX!)i~~t)9E(TTEp<XE0pe!'<.

(3) ?'!w.,p.29,d.

(4) F~gt-e', 246, a.

(5).!Mp.,IX OfK)J.u6o).OY°~TKtitK~ot~tf~tsOKt<pu<ret~.(0)Ze~ X,p.890.

r

(7) Aristot., ~e< tl, p. 36, i.'t).

490 LESÉCRITSDE PLATON.

organisation (1). Onvoit do:tcdéjà comment, pourPlaton, les usures et les mythes étaient utiles et

nécessaires;on le verra mieux encore si l'on se rap-

pelle la place immense que tenaient les mythesdans l'imagination, ~es habitudes eUes formes du

langage, dans le fond memede la pensée chez les

Grëcs~E~oToxot.La mythologie grecque, malgré les prétentions

d'une école récente, enivrée des découvertes de

la philologie comparée,.ne peut pas évideïQïaent

être exclusivementni même essentiellement consi-

dérée comme une maladie du langage (2). La my-

thologie est un poëme mais ce poëme n'est pasune pure création d'imagination, une œuvre exclu-

sive de la fantaisie d'un artiste; sans compter les

éléments historiques qui ont dû contribuer à les

former, ces Ëctions merveilleuses et charmantes

recouvrent une philosophie, une philosophiereli-

gieuse, et à un; certainfdegré spiritualiste la my-

thologie est,un poëmephilôgophique,C'esteneS'et,

(1)Asclépiade(ScAo!.~ftst.~Br.,p. 548)distingue,et avecraison;le mythedusymbote,Les Pythagoriciens,dit-i),n'u-saientpasdesmythes,maisbiendessymboies,"parcequele

symbole.estunvoiiëquicachele mystèreet nedit rien,si cen'est auxinitiés.AussiPlatonn'employapasleSymbole.Les

Pythagoriciens,sociétésecrète,sectereligieuse)associationpo-litiqueplusencorequ'écolephilosophique,y avaientrecours

pouréchapperauxpoursuitesjudiciaires,S'ilsvenaientà êtreen-

tendus,etpournepasrendf'epubliquesles3oothaesqu'ilste-naientrenfefJfneeset, pourainsidire, cousuesdansunsac,-!muTeucr[v.

(2)M.MaxMùIler.

LES ËCRtTS DE PLATON. 491

evide:n,ment, une conception et presque un système

sur l'homme dans ses rapports avec la nature et

avec Dieu, confondu avec elle. Le Grec, se réné~

chissant dans la nature, y a vu partout sa propre

tarage, et a conçu'tous ses phénomènes, ses forces,

ses lois, comme des êtres vivants et des puissances

morales et libres. Le mythe consiste a nommer

Dieux les différents aspects de la force divine; ainsi

le fond de la mythologie est le polythéisme que

la phUpsophie grecque, jusqu'à Anstote, n'a pas

répudié. Le spu'ituaUsme de Platon l'épure et ne le

nie pas (1) sous la forme vivante et concrète de

ces récits merveilleux, il suppose des -ventes pro-

fondes que sa- riche imagination philosophique y

crée plus souvent qu'elle ne les y voit, mais qui

n'en sont pas toujours absentes (2). Aristote lui-

(<) Dans le P/t~'e, p. 230, il se déclare l'ennemi de ces in-

terprétations savantes et sophistiques qui faisaient évanouir

dans l'allégorie tout le merveiMeux mythotogique, et qui exi-

gpnt.tf'op de trafai)) de raffinement et de temps il aimo mieux,

dit-H, croire )à-dessus ce que croit le vulgaire, ou plutôt s'oc-

cuper d'autre chose, tm96p.~o~6~ 'r~.vou.~o~M.~Ept<xuT&

Schleiermachër, la <fs~, all. ~e <<tRép., p. 19 K Wenn

siclt Platon auch in derRep. gegen alle die, Idee des hôchsten

Wesens entwurdigende F&belei erkHrt, so war er zugteich zu

tiefsinnig, um sich der Qachenraisontrenden Gottervernichtung

einigerSophtSten gleiclizustelleti und nicht vietmebr daswun-

derbareGe~vebe voa Naturahndung und gesohichUicherSage in

derheHenischenGôKerlehreinEhrenzuhaIten.M »

(2) Suivant Oiy!npiodore,CpwMteN<.t?t6for~f. 73, les an-

ciens ont emptay~les mythes dans l'exposition des idées philo-

sophiques, parce qu'ils se rapportent a la nature les choses

invisibles se concluent des choses visibles, et !e mythe nous

aide à aiter de cequi est apparent à ce qui est invisible, et

492 LES ÉCRITSDE PLATON.

même "fGrme ce rapport du mythe à la philoso-

phie (1). Non-seulement le Pythagoricien Empé-

docle, mais l'austère Parménide, en avaient adopté

l'emploi dans leur exposition philosophique il con-

venait encore mieux au génie poétique de Platon,

et au caractère poétique et religieux à la fois de sa

philosophie, puisqu'il avait lui-même cette double

signification. Le mythe, dit Platon, est un men-

songe, mais qui renferme de la vérité (2). <

Le mythe n'est donc pas un simple jeu d'esprit,

ni une forme employée dans une intention précon-

çue c'est un élément intégrant de la philosophie

et comme le corps de la pensée grecque (3).

en outre parce qu'iisse rapportent à notre âme, à cette faculté

de notre âme, qu'on appelle l'imagination. Le mythe est une

fiction qui représente la vérité sous une image, )~Yo;'j'6uB~

stxoV~M~&~ftet~.

Prochtsatouteunethëofiesur l'emploi du mythe philoso-

phique « Le mythe, dit-il, est de l'essence de la poésie ce

voiie qu'elle jette sur les mystères divins delà théologie, trans-

parent pour les âmes d'ëHtë, en dérobe la vue aux profanes

(Prool., in A<?Mt~.369) c'est l'enveloppe symbolique de la vé-

rité (M., 368, 39!!).

()) ~<1, p. 8; Br. $tM~6o< 6 ~Moto<~ ~<rTt-<.Il est

cependant le premier qui l'ait banni de l'exposition philo-

sophique.nf,4;Xn,8;~CœMI~ Il, 1.

(2)jMp., 11, 377,a:(Mu6o<) 'So;S~xc[t~Yj9~.So~

522 '*0'<eu {< ~f~c'0)).~)9o~,~M M ~oyo~&; a).?){)~)Y&p'o~tot

OQtM~M.

(3) Les plus célëbres sont ceux du Protagoras, du Banquet,

du Phèdre, du MMaK, du Co)'gtM,de la .R~p!t6H~MC,du Poli-

<<e, et la cosmogonie mythique du ytm~. Voir suriesmythesdans Platon, Scheliing, Religionund jP/M~ p. sa Ast, ,P/a-

~o~j~~Tt; Sohieiermachcr, Introd.; l'abbé Garnier, Me'H).de

LES ÉCRITSDE PLATON. 4')3

28

Si Platon expose'sous une forme mythique les

vérités qui ont un grand intérêt religieux et moral,

c'est parce que sa philosophie, comme toute la phi-

losophie ancienne, et plus qu'aucune autre, a le ca-

ractère pratique et la forme même d'une religion.

Toute religion s'appuie sur le merveilleux, et, si

elle veut agir sur les masses populaires, qu'on prend

par l'imagination autant que par la-raison, la reli-

gion la plus philosophique doit faire au merveilleux

sa part et sa place. 11 faut donner aux idées recon-

nues vraies par la raison un fondement objectif,

réel, vivant, qui les dérobe à la mobilité des opi-

~e<t~. des /Mcr., t. XXXII, distingue trois sortes do my-thes dans Platon les uns purement poétiques, comme celui

du Frota;yo)'(M,du jPoM<t~MC,du.SaK~Me<et du FAedt'e, ne ser-

vent qu'à répandre sur un sujet sévère les agréments et les grâces,

le mouvement, la couleur et la vie des fictions poétiques, les-

quelles ont pour but d'animer toutes choses et de donner un

corps aux idées abstraites, <TM~KTOTtota!~at.Mais ces fictions

ne sont pas des ornements postiches, insérés pour la montre et

la décoration; ils naissent sans contrainte et sans effort du fond

même du sujet, au moment où l'esprit fatigué par une marche

longue et pénible a besoin de repos. Ces sortes de mythes

n'ont donc pour but que de rejouir l'imagination et derelâcher

pour quelque temps la trop longue contention de l'esprit, de

lui faire reprendre de nouvelles forces et de le renvoyer, pourainsi dire, plus ardent et plus vif à la poursuite de la vérité.

Les mythes théologiques, comme celui du foH<<e, du ~tm~e,

de la A~pM&N~Me,sont un aveu de l'impuissance où le philo-

sophe se trouve de donner une explication scientifique des cho-

sea, et dela nécessite de se contenter d'un mythe vraisemblable.Enfin les mythes polittoues ont pour but l'utitité publique, et

ils mettentsotts la protection du surnatureletdu merveilleux,

qui s'empare puissamment des imaginations, les grandes véri'

tés de la religion et de la morale.

494 LES ÉCRITS DE PLATON.

nionsindividuelles, enun mot les incarner. Et de là,en même temps, le rôle de Socrate dans les dia-

logues. Le but de tout mythe est de transformer

une conception ontologique en un fait qui se déve-

loppe historiquement; mais il n'y a pas lieu de dis-

tinguer toujours ou du moins de séparer toujours

par un abîmel'élément mythique et J'éMnaentphilo-

sophique de la pensée p!aton!ciénnetAst(i) va

jusqu'à dire, au contraire, que le mytheest la base

théologiquede la spéculation platonicienne, et queles expositioBsphilosophiques des dislogues n'ont

d'autre but que de conduire l'esprit à une contem-

plation supérieure, et de le préparerà l'intelligenceet la perfection de cet élément infini et divin quise manifestesensiblement dans les mythes.On voit

Platon, même dans les sujets purement spéculatifs,suivreles anciennes traditions (2). Les philosophes

postérieurs aiment aussi s'appuyer sur !esvieil!es

traditions,.traditions :Tto().o(taSt~Tx~!<t.

Le mythe, le merveiueux,.est quelquefois~~une solution,ùneëxplicationquipeunelle ou tenir lieu d'une telle explicàtioa c'est l'es-

sor sublime de la raisoH,arriyaat sur les coaN~ du

mondeintelligible, et entrantsur le domainedudivin.i

On ne peut doncpas s'étonner dé l'emploi qu'ena fait Platon; mais oh peut tui reprocher, si toute-

fois ce n'était pas une conséquence nécessaire,;de

les avoir présentés sous une formesi vague, et de

(1)P.165.

(2)Phileb.,t6,cConf. Arist.,Me<Xf,,8.

LESËCïUTSDE PLATON. 4tS

les mêler si intimement au tissu de sa pensée (1),

qu'on ne sait plussi c'est une image ou une réalité

qu'onaspus)e%yeux(2).On voulu rattacher l'emploi du mythe à l'ironie

platonicienne, le mythe étant, dit-on, de sa nature

ironique (3). Ceci m'amène à m'expliquer sur l'i-

ronie dans Platon.

Il est difficile et pour ainsi dire impossible de

distinguer l'ironie de Socratede l'ironie de Platon

c'est eneffetau personnage de son maître que l'au-

teur des dialogues donne partout ce rôle, qui fait

partie de sa méthode critique, et que l'entretien

sembleappeler tout naturellement. En effet,lorsquedes hommesde bonnecompagniese réunissent pourr

traiter encommun d'un objet quelconque, il va de

soi qu'ils sont tenus vis-à-vis les uns des autres à

certains égards, à une certaine déférence, ~certaines

formesde politesseet de respect mutuels ils nese

jetterontpasa.Iâtêtedesmotsgrossiersetdesépithètes

injurieuses; ils ne se diront pas «Vousn'avez pasle sens commun~ vous êtes absurde, vous êtes un

(<)Gonf.Baûer,Sokrat.,p. 44,45,croitque'PIatonnepou-vaitpaslésséparer;que le momentde la philosophiequ'ilexprimeétaitprécisémentd'unirle contenantaucontenu,laformeaufond,enun motd'incarnerl'idée.Colotes(Macrob.,.SM.,Lf.c. 4)repfochaitdéjàà Platoncetemploidu merveil-leux dansla philosophie: Aita philosophofabulamnon

oportuisseconnngi.quoniamnullumfigmentigenusveripro-fessoribusconveniret.

(2)Parexempie:la chutedesâmes,la réminiscence,la mé-

tempsycose,lapréexistence..(S)V.Cousin,.Ms<t.Vt, p.356.

496 LESÉCRITSDE PLATON.

sot, un ignorant les théories que vousavancezsont

odieuses, corrompues, féroces. «Mais, comme on

le dit, le diable n'y perd rien ce qu'ils ne disent

pas, ce qu'ils protestent même ne pas vouloir dire,ils le font deviner ils l'indiquent par l'exagérationmême des qualités et des vertus qu'ils prêtènt à

leurs adversaires, et qu'ils se refusent à eux-mêmes.

L'ironie est une manière de dire ce qu'on ne dit

pas, de ne pas dire ce qu'on dit arme excellente

pour la polémique et la critique, et dont Platon

s'est évidemment saisi, mais surtout dans le per-

sonnage de Socrate. Cependant je trouve qu'ona été trop loin, qu'on lui prête des intentions iro-

niques dont je n'aperçois pas la moindre trace,et qu'on a confondu souvent ce tour particulier de

la discussion avec la force comique qui en est très-

différente. Olympiodorenous dit même que PIatq~iavait renoncé à l'ironie socratique(1). L'ironie au

fond est un mensonge qu'on exige de la politesse,

qu'on pardonne à la faiblesse dont c'est la seule

défense mais il ne faut pas prendre pour ironiquele ridicule qui éclate dans lés"caractères, ou le ri-

sible qui éclate dans les situations comiques. Les

dialogues où Gorgias, Protagoras.Hippias, jouentun rôle si plaisant et si ridicule ne sont point en

cela ironiques ce sont des scènes de la meilleure,

mais de la plus franche comédie. Il est des traits

qui, pour n'être pas comiques, n'en sont pas pourcelaplusironiques.Ainsi, dans le Parménide, Platon

(i) ~M.Plat. K-Ct!Y&PTY)tSMXpMTtX~<s!pM~EtCH&n~UotXTO.

LES ÉCRITSDE PLATON. 497

raconte qu'au moment où les interlocuteurs du dia-

logue se rendent à Mélité, maison de campagne

d'Antiphon, pour lui demander le récit de l'entre-

vue de Socrate avec Zénon et Parménide, « Anti-

phon donnait à un ouvrier une bride à raccommo-

der car il était alors entièrement et exclusivement

occupéde l'élève des chevaux. » M. Stallbaum veut

absolument voir là une ironie; c'est pour se mo-

quer de lui, sans en avoir l'air, que Platon met

ce graveet sévèrerécit dans la bouche d'une espèce

de ~K~MMM-n' car la dialectique, et surtout

la dialectique éléatique, devait e«"e le cadet de ses

soucis. Celapeut étonner un Allemand et même un

Français; mais en Grèce autrefois, commeaujour-d'hui en Angleterre, la passion des chevaux, pas-

sion nationale, héréditaire dans les grandes fa-

milles (1), n'excluait en rien les études les plus

profondes et les plus austères. Parce que Kant et

Hegel n'ont pas fait courir, ce n'est pas une raison

pour affirmer que M. Stuart Mill ou M. Grote ne

peuvent pas goûter ce plaisir, et qu'onne pourrait

leur en attribuer la pensée que par une manifeste

ironie. D'ailleurs les détails qu'ajoute Platon

montrentqu'il n'y a pas dans son intention le plus

]éger grain d'ironie « Antiphon, nous dit-il en

effet.s'était rendu familiers, par une étude assidue,

les entretiens de Socrate avecZénon et Parménide,

qu'il avait souvent entendu répéter à Pythodore, et

(i) PrOCl.,t.tV.p.<S 'St T<M<MOt(~TM?i"St'(MTMTptO'<.P!at.,tacA.,182,a '<Rienneconvientmieuxàunhommedebonnenaissancequel'exercicedesarmesetducheval.»

28.

498 LESËCtUTSDEPLMON,

il les possédait assez parfaitement pour les repro-duire par cœur (<). » Pour expliquerl'origine des

animaux, Platon, dans le .7:e, a recours à la

métempsycose,et prétendque n les oiseaux ont été

formés de ces hommes innocents, mais légers~aux

discours nombreux et frivoles, qui dans leursitïi-

plicité s'imaginent que la vue est le nietlleur jugede l'existence des choses (2) .? Je suis bien d'avis,avec M. Cousin, que cette plaisanterie est peu a sa

place, et dégrade, au lieu de la rehausser, la dignitéde l'exposition philosophique sur le règne .animal

mais, àcoup sûr, ~feinte; c'ëst-a-dirél'ironie; enest

absente. Enûn; « croirait-on que dans la peinture

gracieuse, et dans toute rintroductioM du jPAe<Ast ne voit que de L'ironie et un persiuâge de la

seh timentalité de Phèdre qui se .complait tropdans le spectacledu mondeextérieur et néglige' là

pensée(3)? a~G'est un grand luxë~d'ironie~~t l'i-ronie doit avoir ses limites (4). » Je m'arrête à ces

conclusions'deriliustrë écrivain oui,~ sa

place dans le dialogué platonicien,est une forme naturelle de la méthode Met de l'esprit critique;; mais elle à aussM limite.

Faire de l'iroijie une tëQdàQce, Unemanière et

presque une manie de l'exposition platôniciénhé,c'est oublier les autres qualités de ce beaugénie simesuré et si harmonieux; s'il y a quelque chose

(t)Ptat.,F<M'M.,init."(2~y~9t,<l."

(3) M.Cousin,y~eF~t.Vt, p. 354.

(4).t&M.p.35&.

LESÉCRITSDE PLATON. 499

de manifestedans le style de Platon, c'est la grâceet la sérénité naïves la naïveté, dont l'opposé est

précisément la manière, est le trait essentiel de

l'art, de l'art grec, de l'art de Platon. L'ironie est

une feinte (I), c'est-à-dire un mensonge et le

mensonge, quelque légitime, quelque innocent

qu'il puisseêtre, ne peut pas être naïf.

.Et quant à cette portée singulière de l'ironie,

qu'on veut étendre sur le mytheen lui-même, «es-

sentiellement ironique, comme la nature, ))j'avoue

que je ne voispas clairement ce;qu'onveut dire. La

naturelsemble avouer dans quelques-unes de ses

productipnsune véritableironie M(2),ditM. Cousin.

Le mondeétait appelépar le mythographe Salluste

un grand mythe (3); voici qu'on ajoute qu'il est

une grande ironie. Qu'entend-on par là? L'ironie

n'est pas simplement lofait de la discordancedes

chosesavec leur idée, du réel avecl'idéal elle im-

pliqueune intention de tromper, une,dissimulation

volontaire, que je ne sais comment attribuer ou à

la nature elle'-mômeou.à son auteur, à moins de le

déSnir commeHérodote, et d'en faire cette divinité

jalouse, maligne et railleuse du Destin; mais à

coup sûr ce n'est pas la l'idée que Platon nous en

donne, en sorte que je ne puis m'empêcher de ré-

péter avecM. Cousin et contre lui ((C'est !à un

grand luxe d'ironie)), et bien inutile.

(t) npo<ntoh]<n<.C'estladéfinition(i'Aristote,~c. A'tC.,M,7etl2.Se~P~&a&p.i7.

(2)M.V.Gousm,P~<.<fad.,t.V!,p.468.(3)San.f!.D~e<~Mtt~o,c.3.

500 LESÉCR!TSDE PLATON.

§ 7. APPRECIATIONHTTÉRAIREDESDIALOGUES.

L'art en général, et l'art d'écrire en particulier,forme une partie si importante de la philosophiemême de Platon, le goût du beau, le sens de la

forme, la passion de la perfection, constituent un

trait si caractéristiquede ce grandesprit, si completet si harmonieux, que ce serait malle connattre quede ne pas connaître en lui l'écrivain et l'artiste. Sa

conceptionde la nature, de l'homme et de Dieu, est

poétiquepar essence: ily a du rêve dans lesystème,et de là cette jeunesse, cette grâce, cette vie, tout

cet éclat de poésie qui se fondent si merveilleuse-

mentaveçlatendanceidéaledë la doctrine, eten sont

comme l'expression naturelle. Cicéron, dans son

enthousiasme, osait dire que son sty-Iëserait celui

de Jupiter, si Jupiter voulait parler grec (i). Maisil ne se borne pas à cette formulégénérale et ba-

nale d'admiration; entrant plus à fond dans l'ana-

lyse des qualités de l'écrivain, il en relève en lui

trois principales l'abondance (2), la grâce, la

force (3); mais cette force a un caractère à part.

Longin distingue ainsi l'éloquence de Bémosthène,et celle de Cicéron « Démosthèneest sublime, ro

S~o;, c'est a-dire qu'il a l'impétuosité, l'élan

irrésistible, la force terrible: c'est un incendie

(i) ~M< c. 31.Jovemsicaiuntphilosophi,sigrœceloqu&.tur,loqui..

(2)BrM<c.3t:Quisenimuberiorindicendo?(3)Or<:<19 KEtsuaYitateetgravitatepriaMps.').CeZMt).,

1,36: "Singutariillumsuavitateorationisfuisse..''Cont.

LES ÉCRITSDE PLATON. 80i

qui embrase; c'est un torrent qui ravage il

tonne, il foudroie(<).L'art de Cicéron est caracté-

risé par le mot ~<n<qui se dit au propre d'une mer

immense qui enveloppe,baigne, inonde de ses eaux

abondantes et profondes, mais tranquilles et silen-

cieuses. C'est cette grandeur d'étendue plutôt quede force que Longin donne a Platon (2), et qui lui

paraît l'imagela plus vraie de son éloquence. C'est

par cette douceur et cette sérénité, par ce dévelop-

pement calme, majestueux et puissant qu'il se rap-

proche en effet d'Homère,auquel les anciens ai-

maient a le comparer, et contre lequel il eut l'au-

dace, ditLongin,de croiser la lance(3)et de soutenir

une lutte impossible il fut vaincu, mais la défaite

ne lui fut pas inutile et n'a pas été sans gloire.

Denysd'Haiicarnasse, qui cependant ne lui est

Oiymp.,p.t;Piin.Maj.,l.XI;Va).Max.,t,c. 3;Ë)ien, V.,X,':t;XII, 45.Theon,Progymn.,c. 8,t. p.230,appellePla-tonun écrivain~a~po~,c'est-à-direqui possèdeune grâceaimableet briHante;carc'estainsique Démétrius,JMoc.,t28',etEustath.,<:d~foMt.(M.a:, p. 1385,définissentcemot.

(t) Long.,Dep.S')' 12 Ka~EMTex~otxo~StKp~~t'<,(fXt)HTh.TMmapetXat~oLTp&XEpKU~.

(2)Long..nep.S~ i2 T<MQUT(j)'n'<t~eùtMtïto~o~ïtp~M~.(3)Long.,nep.!)'{'13,3: '< &'<ta')'M~~t~o< S~Sopa-

T~o~evot.Max.Tyr.,JX. XXXU,3,quicopieDionCbrysostome,Or.,55.Thém.,0<'a<XV.Téiephele grammairien,citéparSuidas,avaitfaitunedissertationmspiTY)!'O~pou%ain~TM-yo<<ru[KpMwx6;Aristoclës(leMessine,d'aprèsle même,uneautre intitulée noTepo~oTto~KtOTepo!"Oii?jpe;~n~Tto~.OnsaitquePanetiusl'appelaitt'Homeredes phitosophes.Cie.,?'Mc.,I, M-Ammoniusavaitfait un livremep!TM~~à n~-TM~Ot~.6TE~~ef(tE'<M'<~'O~pOU.SC/M)~.Ven.,1,540.

S02 ŒS ËCR~S DE PLATON.

pasfavorable,nousle verrons,insistesur deuxautres

qualités, également considérables à ses yeux,mais

qui n'ont pas pournous la morneimportance lune

est une harmonie savante et parfaite) où coule la

grâce et la dignité, et pour laquelle on ne peut le

comparer qu'a Hérodotedans la prose, et a. Homère

dans la poésie(i). Qu'est-cequi donne, dit ce criti-

que ingénieux et sévère, qu'est-ce qui donne tant

de charme, tant de noblesse, tant de beauté au stylede Platon, si ce n'est l'art avec lëquelUle composedes rhythmes lesplus beauxet les plus distingués? et

il cite, en l'analysant dans le plus grand détail la

première phrasedel'Oraison funèbre; puisil ajoute t

On trouverait des milliers d'exemples semblables;

pour l'harmonie et la perfection des rhythmes, Pla-ton est divine). S'il eût mis autant d'art dans le

choix de ses expressionsque dans leur arrangement

savant, il eût surpassé Démosthène, ou du moins

lui eût disputé le titre du plus grand écrivain de la

Grèce (3). r

''(t)~)e~m.~JOeM.,c.4t.1.

(2)Acn~otn&TKTo;.H ne fautpascroirequecelavëuiMedire

quesonélocutionse rapprochede la fortneduvers;aucon-traire,rienn'estplusvarié,plusondoyant,plussouple,pluslibre,aupointdevuemêmedurhythme,quelàpériodedePla-ton lesmembresn'enontniunpoidsniunedimensioncon-stantselleglisse,tandisquecelledeDémosthènevole.Démé-trius,de~/oc.,80,louecemouvementlibre et variédelà pé-riode,TMttuMaTMyxM~MV,et cet'hythme,qu'ilappelleexTETot-

~Qt, et qui, tout en obéissantauxloisde la mesure,n'est

pourtantpasmesurécommeunvers,ouïe(tETpo~ouTe<~ETp;)~.(3)J)eCcMp.t)et-&c.l8.

LES ~CMTSDE PLATON. S03

Nous sommesobligés d'en croire Denyssur pa-

role nous ne sentons plus qu'un reflet, un écho

mourant de cette harmonie divine qui enchantait

son oreille, et nous ne pouvons plus étudier avec

tant de soinles ressorts compliquésde cet ingénieux

mécanisme, qui nous semble artificiel. MaisDenysrelève,en.coredans Platon une qualité .qui nous pa-

r&itbien supérieure, et que nousgoûtonsdanstoute

s~ force c'est son talent de mise en scène, son art

incomparablede développerpar une action drama-~

tique pleine de .mouvementdescaractères pleins de

vie et de vérité; en un mot c'est ce que le rhéteur

appelle 1~9~(i).

Il y en a de deuxsortes, et Platon les possède

également;, car;qui lui refuserait ce-soufflepur, ce

grand sentiment moral qui, en se répandant sur le

style, en fait ce quenous appellerions la vertu, et

que les 6recs nommaient ~o? (2)? A côté de cet

~o.: général et philosophique, il en est un autre,

propre à la forme,et qui est une qualité, non plus

del'~me, mais du goût, et une supériorité de

l'artiste il consiste a donneraux personnages ]c

tangage, les,sentiments, les mceursqui leur appar-

tjoPÛf:\Jlt,et,q1Jien font de véritables .:caractèrestiennent, et qui en font de véritables ~caractères

dramatiques (3). Mais, sous peine de tomber dans

(t) ~e«. Sc!'<p«. Cens., c. 4 TM~T' ~OS~ x~P~ ~< ~So-

t<i;XK!t~;().E~).o'njiMt(<).<)

(2}Dion.Hat.,RAe<e. X,1 et9 Ettepeï~~~po~p~MVxat~XM~&TtO~.a'~tOV*

u

(3)Dion.Haï./</«<X, 1.Conf.Aristot.,M~ I!,2< ~H0o<E~ou~t~oYot, STonS~).f)Kpoatpe?t<.C'estcequ'Hermogune,

S04 LES ÉCRITSDE PLATON.

la peinture des lâches ou ignobles passions,

m~T),de la premièr&de ces qualités devait dépËhdre

l'autre, et Platon les réunit toutes deux. Au grandcaractère moral qui anime toute son oeuvre, et quifait qu'on y respire un air pur et généreux, se jointle mérite de rassembler dans une unité vivante les

traits de caractère des sophistes, des politiques, des

artisans, des hommes, des femmes, des vieillards,des enfants, des esclaves, dès hommes libres.

Sous ce rapport Démosthène lui-même, qui d'ail-

leurs emporte la palme, n'est qu'un disciple et un

imitateur de Platon(1).

Aristote, ce grand critique, pénètre encore plus

avant, il ramène les qualités du génie de Platon,considéré comme écrivain, à quatre, D'abord, le

goût de l'élégance, de la distinction, l'horreur du

vulgaire et du commun, 1:0~pt~o- ensuite, une

grande habileté de main, un rare savoir-faire, une

exécutionsoignéeet attentive, unart délic.at et sa-

vant, Toxo~ov en troisième lieu l'originâ!ité, w

xNtvoTo.tMv,et enfin le génie de l'investigatton'ët de

la recherche, ~ï~Ttxov(2). Non-seulement, au pointde vue de l'art,il est un des' plusgrands écri-

vains de la Grèce, mais, au point de vue de !àpu~reté de la langue, il est cité comme un modèle du

plus pur atticisme Phrynichus le, grammairien le

t:!pteup., t[f, p. i2S,et thcon,/'<'oyy~M.,t. Ï, p. 164,ap-pellent~pofyM~ottottet;et sousce rapport,Théonnetrouveacomparerà NatonqueMenandreetHomère.

(l)Dton.Hat.K/M<X,tet2.(2)Àhst.,fo~,n,3,3..

LESËCm'fSDEPLATON. aOS

2&

met au rang de Thucydide et de Démosthène,, et

s'en sert comme d'une autorité égale pour justiSërle caractère attique de certaines expressions con-

testées'(i);Eh bien malgré tous ces éloges, toutes ces qua-

lités, s'il faut en croire la critique peut-être trop

aubtile des anciens, Platon n'a pas encore la per-

fectionde l'art on aperçoit les traces du travail (2),et peut-être &.cause de celamême il manque de me-

sure (3). Or la mesure, il ledisait lui-même, c'est lu

rraie beauté, la vraie perfection et cen'est passeu-

lement Denysd'Halicarnassequi, touten critiquant

Platon, proteste qu'il sait l'admirer (4), ce sont

Céphisodore, Theopompc, Zoïle, Hippodamas (S),

Dicéarque, qui l'accusent de manquer de goût (6);ice sont tous les rhéteurs de l'école attique (7), et

a leur t~te Démétrius de Phalère (8), son fonda-

teur, qui lui reprochent de se laisser emportercommeune bacchantepar l'ivresse de la phrase, et

des'abandonn9r,cpmmeun char sans frein, des

métaphoresexcessives et des a)légoriesambitieu-

(1) Phryn., jt. J0i,3j[2,331.Sur]o rapportdePlaton

aDëtn6sthene)CO!np.Hermogene,deMe~&e~.p!'cec.,Watz,t. HI,p.372.

(2) theon,f)'o~MM. notp&B~n~rm~ ~ep~KT~.(3)Dion.Hal.,ad~o)tt~t.1!, 86, éd. Gros Ouxp<Me!ToS

(teirptou.(4)~Lpom.p.,t.I,p.58,ëd.Gros.

(o)~M.jt.7û.(6)Dipg.L.,JH,38.T&vTpa~oY8~0~'t~tYpo: ~opuxov.(7)Longih,teptS')'32,8.(8)Dion.Ha).,<o)n.p.,H.,p.77.

806 LESËGtUTSDEPLATON.

,ses et Gseciliusde Galantia, rhéteur et grammai-rien du temps d'Auguste, se fondai sur cesdéfauts

pour soutenir que Lysias était de tout point supé-rieur à Platon (<). Denys d'Halicarnasseétait moins

injuste mais, en élevant Platon au-dessus de la

simplicité trop nue de Lysias, commedes grâces af-fectéeset del'enflure de Gorgias(2), il se refusait à

voir en lui le modèle des écrivains « Si on com-

pare ]socrate, Platon et Bémosthëne, la palme est

à ce dernier. Quelque mérite qu'aient les autres,ils ne sont pas parfaits (3). H

Ilfautbienrecounaître en effet, et tous les criti-

ques l'ont reconnu, qu'il a répandu un éclat si lu-

mineux, sur son style, que parfois on croit lire

un poëte et mêmeun poëte dithyrambique ~4).Aristote (S) et Gicéron (6) trouvaient que 'son

genre d'élocution tient le milieu entre la prose et

la poésie, et penche peut-être vers ce dernier ca-

ractère. Les critiques signalent dans le Phèdre,et Denys 'ne fait que généraliser cette re-1-

marque, le ton emphatique, la période trop

(i) Long., 1. 1. "Ocr~ep ùttà pct~e&t Tt~6< Tm~ MY~y. Ttjt

t[MTtAuTta~A[H[yMnMtM~O(;(2).DeA~.?tJ).ettt.,c.3etd6.

(3)AdPo~ 1. t.p. 62.OM~S~NVTa~{~<xotïMp~!Lvajusqu'àdirequesa languen'esini pureni correcte.De/tft)K.eM.,C.5.K.Ct!<MV~'i~KouTM.

4) 0)ymp., c. 3. Tou Bt~oyou Tt~vu tt~M~TOt t0~ St9up<t~ë<N-

3oU(;)~KpOHtt~pf); Y.

(5)Diog.L.,in/37- ~TÎ S' %p((rtoT~;T~TM~XÓYtJl'Jt8ér.t'¡et~TOujt6TCt~ùt!9)~p.c[TO!e!yo[t,Xttttt~ou~OYOu.

(6)Cie.,0)-f:<20,44;</e~e~n, 7.Quintit.,!X,4;X,t..

LES ÉCRITSDE PLATON. fi07

artistement travaillée, l'élocution toute fleurie et

parée(i). L'auteur des P~o/eyo~î~HMappelle le T!

mée un hymne, l'hymne du Tout (2), et le rhéteur

Ménandre rappelle que ce mot est de Platon lui-

même(3).' L'étude attentive de son style prouve

qu'iirecherche les grâceset vise à l'effet (4). Pour

nousservir d'une figure qu'on lui a trop sévèrement

reprochée, i! s'assied souvent, comme le poëte,

sur le trépied des Muses (S). Denys cite comme

exemples l'Invocation aux Muses, le Discours sur

l'Amour, la Palinodiede Phèdre, et il ajoute « Si

ce passageet d'autres semblables avaient là mesure

et le rhythme du vers; comme les dithyrambes et

les hyporchemes, on pourrait comparer la marche

dans le cieldu choeurdes Dieuxà lasuite de Jupiteral'odedePindare sur le soleil (6).MLongin recon-

naît, a proposde la fameuse phrase, plusieurs fois

reproduite dans l'antiquité, duVI' livre des Lois (7),

qu~appelerl'~tatune coupeoù fermenteet bouillonne

Unvin en délire, dont on réprime la fureur à l'aide

d'un autre dieu sobre, grâce auquel on peut alors

se procurer une boisson bonne et saine, Longiu

reconnaît, dis-je, qu'appeler rEtat une coupe, l'eau

(!) Herm.,Sc~O~.ad ~a~h-.Ast,p.63.T~M!et~MyxM!~xett<rro{t<pMSEtxceitton'jïtxt);t5~o<<.

(-:)C.7.(3) De~c.,c. S.extr.

(4) Longth,cit&pMProc)us,a~ rtmt.,p. 13. ~N~ec9c:t.)KX~MM<!Ot'<TSttouMYOM.

(5)jDe~e~IV,7i9,c.(6)~p.<t6{Pomp.,p. 83,t. !I, éd.Gros.(7)/)e~V!,773,d.

o08 )~ES ËCRtTS DK PLÂ'f'OK.

un dieu sobre, le mélange de l'un et de l'autre une

correction, xo\!xT(v/et defaire du tout une~boisson,c'est d'un poète qui a oublié d'être sobre, o~~o\<--M<;(i). On peut reconnaître cette exagGrationdans

la couleur, sans mettre pourcela Platon au -dessous

de Lysias, commeceG~ciiiusqui aimait plus Lysias

qu'il ne s'aimait lui-même, mais qui détestait Pla-

tôn encoreplus qu~i!n'aimait Lysias (2;).

'Onexp)iquë,ilestvrai,ces-caractëres!poÉtiques,

quise r6\'ëlënt par )acbu)ëur,davivacité, le~m

ment du style, par le luxe et l'éclat desmétaphores~à l'aide de ses premiersessais dans!a, oompositiOn

poétique,etparticulièrement dânsia tragédiei; mais

les expliquer ainsi; ce n'est pas les justifier. Il me

semble,'quant à moi, que l'on exagère beaucoup:cetexcèsprétendu, qui n'apparaît quedans un seul de

ses ouvrages, et qui y est parfaitement a sa place.Le ton dithyrambique du P~e n'a pas échappé

à Platon, et iLest le premier à en'rire. Aprèsd'Ihve-cation et le Discourssur l'amour 6rrand Dieu! dit

Phèdre à Socrate.YOitaun style quine t'est pasha-

bituel. N'est-ce pas répond ironiquement le yieil-

lard, n'est-ce pas que c'est beau, ce sty!e chargéde mots Ëgurés et de tout l'attirail poétique?.celasent. le dithyrambe, c'est presque un' hyidnë

(1)Long.,Mptu~ 32.Cbuf.Athen.,X,6<,etf'Iut.,de/tMd.,p.lt,-15; ~)nSeMtCer.7! 13.Tibullea pourtantprofitedela métaphore,U,t, 46 Mixtaquesccurpcstsobnalymphamero. Voird'autresexemplesdansla notede StallbaumaujB<tM9'M~,J[).f~<i,C.

(2)Long.,1.1..

LESÉCRITSM PLATON. oûO

mythique; et ilajouteexpressémenique c'est pourl'

Phèdre qu'il l'a adopté (i). Ainsicette couleur un

peu chargéeest le.résultat d'une intention formelle

d'une part l'auteur a voulu mettre .dans la forme0

un peu du desordre et du délire que son sujet l'ap-

pelait peindre, de l'autre il en dénonce lui-même

i'hyperbo!e.commeun vrai badinageet un jeu d'es-

prit. Maisailleurs, sauf ces taches queles plus par-

faits écrivainsne peuvent éviter, et qu'on retrouvedans Homère,je n'accorderais pas quePlaton man-

que de proportion et de mesuredansle coloriset le

mouvement de son style, tour touf et à la fois

aimable, spirituel, fin, gracieux, sévère, éclatant,sublime. C'est souscette réserve que j'accède à ce

jugement de Denys d'Halicarnasse, trop rigou-

reux(2), mais bien étudié. « Lorsque Platon se

borne a un style simple, naturel, sans couleur poé-

tique, il est ravissant de charmeet de grâce ga

diction est pure et transparente comme la source

ta plus limpide, et il l'emporte sur tous ses rivaux

(1) .PAMre,238,,a, 2&7,a. Mu~xo~r~x S~o~.UFappeliemëinAedunëmqu'ondonneauvershéroïque:~H5?)~t) ~8~-'YOjtM,&U'oùx~TtStOMpajj.ëout,p. 241,e, et il ajouteques'i)coutinuait.itnesaitpasoùs'arrêteraitt'enthousiasmepoétiquequidéborde,~OouT~<rM.

(2)Montaigneest plus rigoureuxencore,mais il désarme

parsa candeuret aussipar sonart dedire,t. H,c.x Lalicencedu tempsm'excuseraelte decettesacritégeaudaced'es-timeraussitraisnantsfesdialogismesdePlaton,étouffantpartrop$âmàticm,et depiaindrete tempsquemeta cesinter)o-cntionsvainesunhomttioquiavaittantdomeilleureschosesa(]i)'e?Monignorancem'excuseramicutx,surcequeje nevenisrienenlabeautédesonlangage..1

at0 LESËCMTSDEPLATON.

en correction et en élégance. H n'emploie queles mots familiers et usuels, s'attache à la clarté

et dédaigne la recherche et l'effet. Il se mêle à

son style un je ne sais quoi de négligé, d'inculte,

d'antique, qui exhale commela fraîcheur de l'om-

bre et les grâces desfleurs c'est comme un doux

parfum. Mais, lorsqu'il veut s'élever au grand et

au sublime, il prend un tel élan qu'il ne ~arde

plus de mesure; il devient moins doux, moins pur,et même lourd (i). Sa diction s'obscurcit et semble

se couvrir d'épais nuages; elle est diffuse et jette

l'intelligence dans le vague. Lorsque la pensée de-

vrait être concise)elle est noyéedans de fastueuses

périphrases et dans une abondance de mots stériles.

n dédaigne les termes consacrés par l'usage pour

des expressionsnouvelles, étrangères ou surannées;iil court après les figures gigantesques~ prodigueles épithètes et les métonymies; ses métaphoressont forcées et contraires à l'analogie; il emploiedes allégories longues, fréquentes, qui manquentde mesure et d'a-propos. En un mot, il tombe dans

ce style poétique a l'excès, danscette manière théâ-

trale et puérile de Gorgias, qui rayaitséduit (2~ ?»

C'est en eSet un rapprochement curieux que

(t) ~e~dm.vtDem.c. 5.KetHt&xtov~W~uttft,queBern-

hardy, Srtmfh'.d. gfiecA.~tMera~tM',S8, a tortdeprendredansun sensabsolu.Denysne dit pas quePlatonpMieunmauvaisgrec;mais,necomparantPlaton,qu'a lui-même,il

prétendquedanscertainsdesesouvragesM dictionest.moinspurequëdansd'autres.

(2).Ep.,<M!:Pomp.,t. !t,p.79,ëd. Gros.De/t~. Dem.,

t.U!,p.l4i,c.&. 'E~'ra<is':t'tpt)'.&opt<tw.

LES ÉCRITSDE PLATON. s«

relève, non sans malice, le subtil critique. Non-

seulement Platon est un écrivain de génie, mais

il a ses procédés, sa rhétorique, un art savant

et calculé; un travail des plus scrupuleux et des

plus minutieux, que les rhéteurs désignaient d'un

nom emprunté à la sculpture, ~epYM(K,.semanifeste

dans le choix de ses expressions et la compositionde sa période (1) ce qu'il y a de plus piquant, c'est

qu'il imite ces rhéteurs et ces charlatans d'élo-

quence dont il s'est tant moqué(2).Les rhéteurs et les sophistes ont en effet rendu

des servicesà la langue et à l'art d'écrire, et apprisaux Grecs, enivrés de poésie, que l'on pouvaitrevêtir même la prose, si longtemps dédaignée,de formes correctes et pures, 6p6cem~,et d'un

reflet de grâce et de beauté, ~ue~a, ~Utme~ (3).

Ce charme répandu sur le langage,cette douce mu-

sique de la,parole, jjK)~«MyMw,Platon les a dure-

ment reprochés à Gorgias et à Polus et cependanton ne peut nier que leur école n'ait ravi toute la

Grèce, et n'ait eu pour imitateurs ses plus beaux

esprits et ses plus grands écrivains Aspasie, Cri-

(t)Longin,cite parProc! adTim.,p. t9. Quintil.,IX,4,t'appeUeKdiligentissimumcomposttionis".

(2)Dion.Ha).,Np.ad P., p. 86.Aristid.,vol.III,p. 5t9T&V<!0<j)(St~Boxe!p.E'<~MtXttxi);6MM, )tCtt& 6~)(tK~TTOE~!M-

~tto'T&tT'p~o~otTtn~otT~e~K~jj~otSoxe!.Cicéron'nel'appellepasunsophiste,maisil faitremarquercependant,<fe0*'a<1,U,quedamLJeG~M~tM)l<emontre,enattaquantl'orateur,ungrandorateur, in omtoribusirridendisipseesseoratorsummusvidebatur".

(3)Leon.Spengel,jl?'M.Sc!«.

M2 LESËCR!TSDEPLATON.

tias, Eschine le Socratique, le grave Thucydide,Platon lui-même, n'hésitèrent pas &Go~MMey(1);celui-ci leur emprunta l'élévation et la majestéà leur exemple, cisela sa phrase avec l'amour et le

soin d'un sculpteur (2) en beaucoup d'endroits de

ses ouvrages, on entend comme un échode Prota-

goras et d'Hippias (3), on surprend une imi-tation

de leurs artifices les plus puérils. On sait qu'ilsaimaient a.'distribuer leurs phrases en membres

parallèles, et dans ces membres se répondantdeux

à deux, opposer, chacun à chacun des mots de

même catégorie grammaticale, de mêmes désinen-

ces, de même quantité~desyllabes, de metne son

c'est ce qu'ils appelaient Kv-r~etctet TMpKM.TeDe

est, par exemple, cette période binaire d'

'ïo~ ~v 'reTe~euTTJxotot~ !itttS'S;~ ~Trcuv~t-,

TO~ S~ ~S<TtK .<5j~S~M~ 'n'KMtV~&Et,

où l'on entendl'article faire'écho à I~a.rticle,la con-

jonction a la conjonction, le participe au participe,l'adverbe à l'adverbe, le verbe au ~erb&~et lésdeux

membres se renvoyer comme un écho fidèle le

mêmeson. Or ces parisa si artislement arrangés,ces antitheta si laborieux et si puérils, qui les

(t) ropYt<HEM.Phitostr.,jBp;,73,p.919.ScAo!.?%Mcy~Du-

.ker,~V,p.~3t7.(2)Dion.Hal.,~e~m. t)i.SeMt.,c. 51 'laroxpaT~~xairtM-

-~mvet'YMttToux'ïtTop~eÙTot~~oMoTouM'Yau;.(3)Philost.,).). Kctt&T~'1'n~touxa!tïpMTC(Y~pou~x(!)<p9~-

'YETCH.

LES ÉCRITS,DE PLATON HO

29.

attribuez-vous? Aux Agathon et aux Lycimnius '?

Pas du tout: ils sont du divin Platon, c'est une

phrase du Me~~ceMe(t). Mais qu'est-ce que cela

prouve? Platon n'a jamais nié qu'il y a, en de-

hors et au-dessousde l'inspiration, un ensemble de

régies et deprocédés, un savoir-faire technique il

reconnaît au contraire que c'est unepréparation,et une préparation nécessaire (2), et il montrequ'ils'était rendu maître de cette pratique, qui est

commele mécanisme de l'art. Mais il affirme, et il

a raison d'affirmer, que ce n'est point l'art même.

Le grand vice de l'École sicilienne n'a point été

de communiquer a la prose le mouvement et la

couleur, la variété) la symétrie, l'ampleur de la

période, les effets charmants ou pathétiques des

rhythmes oude l'harmonie: son vice incurable a

été de sacrifier tout à cette grâce extérieure et à

cette beauté matérielle du style. A force de travail-

ler le vase,on oublia d'y verser le parfum. L'amour

,dela ciselure s'empare vite des esprits médiocres~

et, tandis qu'ils sculptent avec tant d'art, et fouil-

lent leur phrase avec tant d'amour, ils se croient

dispensés d'y mettre une idée. C'est sans doute

un défaut dont on n'osera pas accuser Platon

l'art ne sert pas chez lui à masquer le vide de la

pensée, mais à la faire valoir et à la mettre dans un

jour plus lumineux, dans un relief plus saillant.

Quand bien même on pourrait découvrir ça et là,

(t) Dioh.Hat.,tfe~~t.<~Dem.,p. 1035.(2)Ptat.,f/tMf..Mn Tattpàt~ T:~t. ~otYXKHt.

LES ËCRtTSDE PLATON.8<4

dans le coin d'un dialogue une métaphoretrop

poétique,quelquesformesqui sentent le rhéteur,commecertains raisonnementsqui frisent le so-

phiste quand on sera parvenu à signalerquel-quesantithetaet quelquesparisa affectés,rien de

tout cela ne lui ôtera l'honneur d'être un grand

écrivain;il serait le plus grand prosateur de la

Grèce, si tous ne pâlissaientpas devantla per'-fection de Démosthène.Sans doute il a des dé-

fauts, mais ils disparaissent,commeles tachesdu soleil se perdent dans la splendeur de ses

rayons.Il fautmémeajouterquecettehabiletétechnique,

dont on semblevouloirlui faire un crime, n'ôte

rien au caractèreparfaitementsimple,naturel et

saindesa langue.On lui a reprochéquelqueobs-curité qu'on attribuait à la prudence(i). Elle

tient plutôt à une certainenégligencede la pré-cision technique, à une certainehorreur, com-

muneà touslesGrecs,d'une terminologiespéciale,d'unepédanteriescolastique«indigned'un honnêtehomme(2).a C'étaitun principede Platond'évi-

ter la distinctionrigoureuseet l'exactedéfinition

desnuancesdesmots il recommandeau contraire

uneélocutionaiséeet naturelle(3),et trouvequela

(t)Diog.L., 63 Hp~!t~ (J~t~veto;ttvottto~&)t~8e~T~<tj:aY)tctTt~M.Cequiestbienétrange,c'estqueStobéel'ac-cused'avoirmoinsd'idéesquedemo!a,JM.JMA.,p.82,«oM-<pM~O{,OU](,&<tt~t{cfo~'Kit,TtoM!o<!0(;.

(2)Ï'ort-RoyaLZ.os'.

(9) T'Md< i8<, e TA~pt<.

LES ÉCRITSDE PLATON. sm

rigueur du langage savant, cette sévérité de préci-

sion ~u style (i), n'est pas de bonne compagnie,de bon ton, ni de bon goût (2). C'est une pué-

rilité et une servitude de s'assujettir à ces règles,

quoiqu'il soit parfois nécessaire de le faire (3). Il

reprochait à Prodicus de faire dégénérer l'exacti-

tude en subtilité puérile (4), et recommandait un

langage plus libre et plus franc. tl ne se gênait

même pas pour inventer des mots nouveaux et

qu'on trouvait barbares (8). Galien et toute l'école

académique approuvaient sa devise Le philo-

sophe doit s'occuper des choses, et ne pas trop

(i) M., t At*&xptM~~T~jn~.(2)J<<.<P'(!t)FoH<jt<Mi,e K.&~Bm~a~ijjtï~ (~ ~eu!o~eMM T&

&~0(Mt<n.(4) Crat., 384,b; J~&y~ 277,e; ~e~, t97, d Pro~

388,e/

(6)Amtoti,yop., VI, 9, 5, en cite quelques-unsqu'on ne

trouvepM~ns sesdialogues,et qui n'étaient peut-êtrequede

cesmotséchappésa ~improvisation.Diogènele Cynique(Diog.L., VI, 53)tui reprochaitl'emploi de tpe~t~T~x,xuae6T<)t,et

DiogènedeLaërte,m,M, lui attribuel'inventionde&~TtM!t<,<tTo~MM,Sm~txTtx~,ttOMt~t.Moeris,p. 128, cite Bm~op~Dxcommeappartenantau 7'M~< et dit qu'il ne l'a pastrouvéailleurs. Lobeck(Phryn.Ecl., p. 350)mentionnele mot chez

beaucoupd'écrivains,tous,il est vrai, postérieurs.Quoiqu'il en

soit,il y a eu debonneheuredes travauxsùr la terminologieplatonicienne outre le lexiquede Timée,que nousavonsen.

core, Photius(Se~m.,t64et t55) encite un de Boéthuë,qu'ildit superieuF~SuMMea mentionne un autre d'H&rpocratioB.Lesobscuritésde sa languemathématiqueavaientétééclaircies

par desétudesspécialesde Cléarque,Théodorede Soles,Phi-

lippe deMendès,TbéondeSmyrne.

Si6 LES'ËCmTS~P~ON.

s'ipqqiëter des mots (1). <( ~'est ~u.p~~rol~e~esuMi'e,.dit Montangne,et ~n' ;'d~A~mm~der.Haïssonstoute tyrannie,etl&.paî'l!~e~~J~tueUe(2). ))Auss) le style'de Blatona ~lut&t.unclarté esth~~que-qu'unè~d :logiqu~résultamt°

~~jL)n~.perfeGtiQn~païn~~c~i1ne:s'"inquiàG~des~%coI~t~es~(3~~tt}~dG&~p~r~

'IfM~ues~tiùdss.s~jQ~~d~ r~g"lesdesrh~ta~ù~s,

et~'olMeFy~~e~%p~s,iq~ quapc~et

'qu'iLlu~~it.~éa~e~ dels,yens~e~~nëste

.toujQU~~i~pid~~et~unu~eux~.Ët~.dansa~ ptt~as~f~dontl&'lp!~ueuf,:n,'exclut;:pas~a~ ~halne:

'des~d~es~n'estj~m~r~lle~eRt~r~6e.~-<Gei ~c)ate ~s~~t~<l~~o'esj.d~.uQe~at)i~nette~~erstt~id~ ~ute~rs~H~e;~p(l~~

daps ~~ne~dt~h~iQ~e~ l.'aûtre;lé

s~i~q; e,trdo,nt~

pa~ètre~la~~rn:te~d~p~e8~ ~l.s~fû~de lir~.

q~elg'~un~et~~u~un~

~p(~a.MU! que~itescara~te~xsti,tlu~s.d.é

.g~tJ~ ~~édon."9,;ud~,

san~

~sMs~)sst~n6~d~~dt~r~~ hè>xt,h®û~~s~m~~yFtqU~e~~ l'açeërit.

~p~~jque~ou~tit~~ à"l~is-:

-~(t);'Gàtt,.<ir~~I~ d,et de:iVlé~h.'TA'e~Xl<~ïx."C!c6roa,ctté~;p&r/S.~adv.~ci~d.,

/U,~)~nt,6.&e. i."

(~)<~oiRl6SexentptesNtes~~ lésIndexdèStallbaumaa~ot,<taia(cc<oM~OM.j.~t.c.i~

LÉSËGRtTSDEPLATON, o)7

cussion tranquille, simple, froide, logique, bientôt

y moier ta plaisanterie vive, ironique, le persiflage

aimable, spirituel, mordant,et même le plus haut

et le plus vrai comique. La gravité et la légèreté, la

force comique et le don d'émouvoir, l'enthou-

siasme du pogtë et le calme' froid du logicien qui

analyse et dissèque, il a tout, et nbn-sëulement

il"r~un~n~~istl unit tout. vitalité dé son styleet desacomposi.tion en sùrp~sse~~e~~ la riche5se,

la varJLetoet rharmënie~ Non-seulementil fait vivre

tous sespërs&an~ ce qui est don suprême du

poëtë dramatiq~e~mais il fait vivre pensée abs-

u'aité, et il a''fait, ce quejnul n'a. plus tenté de faire

après lu~un~ephilosophie vivant

Nous venons de connaître l'homme et l'écri-

vain onpourra maintenant a~ philosophe>.

A~tiiphatiëdisait eh plaisantai qu'il y avait une

V)lleo~ il faisait si froid que les parolesy gelaient

aus~ot~qu'~1~ sortaient des~~I~ et ne

;p6u~t-p~ J~s~eatë~d~plus tard,

~S~qtte l'ëtë~Msait jmtd~ eMa.. glace, que

~s'~eittaiën~âlors'tous~c$s'sonS~~,ët enseve-

~liët~t~~ê~~eët'~aMsi'dis~~ ce 'niest'

;;pS~ent.~qu~l~ d6':psi'let,qu~0n'' peut.~ënl~ndre ~c'est seulemën~~l~ le développe;"ment de rage et de la raison a fait fondre l'enve-

lopp6 de sa pensée, ët~e~àm.llri lé fruit, qù'ôn peut

~co~pr~dfe~le~

.)':Ptut.jF't-(~c<. tH~i'7.

TROISIÈME PARTIE.

LESBIOGRAPHES,COMMENTATEURS,TRADUCTEURS

ETÉDITEURSDEPLATON.

C'est un fait très-remarquable, et au fond assez

honorable, que Platon, qui a écrit un nombre rela-

tivement considérable d'ouvrages, n'a jamais rien

laissé percer de sa personnalité, et n'a dit de lui

qu'un seulmot (i). Onn'y trouve aucune.indication,ni mômeaucune allusion à ses relations de famille,

à l'emploi qu'il a fait de sa vie, aux événements

qui l'ont traversée ou remplie, à ses travaux d'écri-

vàin, à ses occupations de professeur. Ce silence

modeste n'est que très-imparfaitement suppléé parles renseignements des autres écrivains, dont les

plus autorisés sont presque entièrement perdus

pour nous. Il nousest resté trois biographies grec-

ques de Platon(2) l'une est de Diogène de Laërte;

(1) ApoL.(2)Henexistedeuxautres l'uneinéditeetanonyme,qui

setrouveà tabibliothèquedeMunichl'autre,d'Hésychius,de

Milet,faitpartie desondictionnairealphabétiquedesécrivainsiUustresTtep~TM~~ottS:Sta~TM~. D'aprèsla notice

altéréede'Suidas,consacréeà l'auteurde ce lexiquebiogra-phique,'Oyo(M('c~oYo<,sonouvragene nousestpasparvenu

N20 LES BIOGRAPHES,COMMENTATEURS,

l'autre, d'Olympiodore fait partie de son com-

mentaire sur le premier ~4/e~M~e (1); la der-

nière est de l'auteur anonyme des Prolégomènes

grecs à la philosophie de Platon (2). Ces ~'o/~o-

meH<Mcontiennent peu de choses qui puissent-nous

mettre sur la trace de leur auteur inconnu nous

sommes certains qu'il a vécu après Jamblique,

puisqu'il le cite, et au chapitre 5 il nous apprend

que la théorie de la moyenne proportionnelle, par

complet, et nous n'en avons qu'un Sbrëgë, E~tTo~. L'article

consacré à' Platon h'est qu'une compilation tres-fcsumëe de

Diogènede LaCrte, si bien que Meu~'siusyou~ait suppléer ainsi

le texte dans la notice d6 Suidas 'Qvo~otTo~oYov.AtOY~?)~

AdiEpTto~jM(M)s<t(M~o;,o5 EtttTO~ ~a'TttouTo to pt6).!o~.Cetterestitution a paru un peu téméraire Fabricius, que)quo jus-

ti<iee d'ainëurs soit par la comparaison faci)e des

deux biographies. On trouvera cei)e d'Hesychius dans tes

Ffo~M. ~<df. s'ftBc., publiés par M. Didot, t. IV, p. i 7, § 53.U ne faut pas confondre cet écrivain, auteur d'une Histoire des

origines de Constàntinopte, et qui vivait &u sixième siècle,

sous Ahastase, Justin 1"' et.J ustin)ën,' avecle lexicographe H&-

~sychius,.qui!est!dn~troisiemesiëc)e. J

(1) Imprimée pour ta première, fois à la suite d[esnotes

d'Isaac Casaubon sur Diogène c!eLaêi'te, par les soins de Méric

Casaubon, son ûts, éd. Londr.yi664; rétmprimëedans~~I~

feotion des auteurs grecs deM. bt3ot~~ suite du. Diogene,Et

accompagnéed'.une traduction latine faite par M.VUestermann.

(2) Les .Pro~oMtènM font partie de l'édition de Platon de

M. K. Fr. Hermann, t. VI, p. )96; les chapitres t, 2, 3, 4, 5, 6,

qui contiënnentia vie de Platon, ont été pubiic$ à part pouf )a

première fois par Heeren (B~M.<<. oMe)t~Me<'<t<M)'M. Jï'ttMst,

t. V, Goetting,i789),d'apMsnnmam)Scritd& Vienne, et tout ré-

cemment, la suite du Diogène de M. D'uQt.Les Pfo~oMeKM

complets l'avaient étedejadansles Co~MeN<<!fMde ~~<. C~M;

T~~& (665-1069, t. Vil; p. <25, par Lambecius.

TRADUCTEURSET ÉDITEURSDEPLATON. H~

laquelle Platon résolut le problèmede la duplica-tion de l'autel cubique He Delphes,avait été l'objetd'une démonstration faite par lui r~ ;j.6t~ y.ct~au-

U.t~OV~oi~OYO~TtEpI~(;t~ 'ATtoSetXTtK~~oyov~O~SN~sOK.

Orcette question de géométrieavait été traitée avec

déyeloppetTtentpar les commentateurs d'Aristote,

nous 1:;savonspar tes longsextraits que Jean Philo-

pon nous idonne d'une déinonstration et d'une so-

lutio.nde ce problème deux droites étant données,

trouver une moyenne proportionnelle entre elles.

Cette démonstration, qui paraît avoir été fameuse

au tempsde Jean Philopon,était attribuée par Par-

méhioti à ApoMoniusde Perga (i). Faudrait-il donc

attribuer nos jP?'o7~omeMe&a. ce commentateur?

D'autres indices nous portent à une autre con-

jecture. Lambecius (2) avait déjà observé que les

deux manuscrits contenant les Prolégomènes les

faisaient préGéderde npo-re~e~su~txïx e!<ïovn~x-

~MM,entièrement extraits de Diogène de Laërte et

des Commentairesd'Olympiodoresur le Gwy!'<Mde

Platon. I!ien avait conclu qu'Olympiodore pouvaitêtre l'autet.n'desjP~o/eyo?Ne?!eseux-mêmeset cette

conjecture, ,admise comme certaine, peut-être a la

légère, par Mùraltus (3), reçoit du moins quelque

apparence de vraisemblance de la remarque faite

(t) ~<<~M~<.fo~et-c.v)t,p.75,b,t0. Bekk.,ScAo!.jB)-p.a09,&,a5,sqq.:Tou(t~Tot~Tto~ÀM~touTounep~K~~Ttve!t"Tou'to°~tt6E:t~tt.

(2) Comm.<p.i29.

(3)Bulletinde~fclassep/MMoy.~e<ca!(<.de S.-P~eM&1843,p.25f.:

LES BIOGRAPHES,COMMENTATEURS.522

par M.K. Hermann c'est quela préfaced'Olym-

piodore,placéeen têtedu commentairede l'Alci-

biadeoù se trouvela vie de Platon, reproduitles

idéeset les expressions,souvent,littéralement,du

chapitre1 et du chapitre de nos Fw~OM~M,et quemêmeles commentairesd'.01ympiodoresur

le Gorgias,par l'identité doleursdivisionsecolas-~

tiquesaveccellesde notreintroductionanonyme,semblenttrahir la m6meorigineet la mêmemain.Il est donc au moinspossibleet presqueprobable

qu'Olympiodoreestl'auteur à la foisdela biogra-

phiede Platonquiporteson nom,et dela biogra-

phie contenuedans nos~o/~yo~Me~anonymes.

J'ajoute,ce qui fortifiela conjecture,quecetteder-

nière, quoiqu'unpeu plus étendue, en est très-

peu différente)et pourraitêtre considéréecomme

une rédactionplusdéveloppée.

Olympiodore,discipled'Ammonius(i), com-

mentateurféconddesouvragesde Platon et d'A-

ristote, est très-peu connu.M;Oreuzer,dansses

7M~M\PA:7oM~AM?a& y~60/o~a?,et M. Cousindans ses ~'a~eH~ ~e philosophieancienne,ont

soutenucommeFabricius(2) qu'il appartenait'ausixièmesiècle,et qu'il faut le distinguerduPéri-

patéticienOlympiodore,un des maîtresde Proclus;et auquelIdeler(3)attribueun commentairecon-

servé, mais incomplet, sur la météorologied'A"-

(l)Commeil s'appellelui-même,<KS<M~p.t s3.(2)~iM.?f.M..tX,p.42i,H~rt.(3) Ideler, A)-~<o<.Meteor., t, XVH!.

)'RAnuCTEUR8ET ËDtTEURSDE PLATON. M3

ristote. Jonsius (i) n'en fait qu'un sent et même

personnage, et M. Zeller (2), tout en distinguant le

Péripatéticien qu'il appelle Olympiodore l'Ancien

du Platonicien qu'il nomme le Jeune, paraît prou-ver que l'auteur du commentaire sur la météoro-

logie'est aussi celui du commentaire sur Platon.

Olympiodore a écrit et professé à Alexandrie (3)les cinq commentaires que nous*avons de lui sur

l'Alcibiade e~77,le Gorgias, le Philèbe et le PA~-

<~OM,ne semblent pas cependantde sa main méjne,ou ce ne sont que des notes de professeur, peut-être des rédactions d'élèves qui mettaient par écrit

cequ'ilsavaient entendu de la bouche du grand

philosophe(4). La date de la composition du com-

mentaire de 1.'Alcibiade,qui renferme la biographiede* Platon, a paru à M. Creuzer et à M. Cousin

indiquée par une phrase, où il est dit que les suc-

cesseurs de Platon ont conservécomme lui l'usagede ne recevoiraucun salairede leurs leçons, «même

jusque cette époque, quoiqu'il y ait eu déjà beau-

coup de confiscations des biens dont 'les écoles

avaient été dotées, a « Ceci suppose, dit M. Cousin,deux choses: d'abord que cette phrase a été écrite

au moment où Justinien dépouillait les écoles,ensuite qu'elle a été écrite avant le temps où ce

(1)~e~cr<p~.~<. Phil.,I. M,o.xvtn,p. toi

(2)Philos.d.Gr(ecA.,t. V,p.674et 772.

(3) Otymp.TMJe Plat.,p. 2, éd. Didot.<'ctpo; Tt<j~o

~otT~etle Phare,c'est-à-direévidemmentAlexandrie.

(4)Titreducommentairesur l'Alcib.1 t')< 'O~u.

(mwSMpouTaujteY~ou<pt~e<r6~ou.

S24 LESBIOGRAPHES,COMMENTATEURS,

même Justinien, sous le consulat de Décius, Bt

fermer toutes les écoleset mêmel'écoled'Athènes, ')

c'est-à-dire que le commentaire sur l'~ct&MM~'

auraitétéécrit avantrannée S29. M.Zelleranéan-

moins contesté cette date, et fait observer que la

phrase citée devait se rapporter plutôt à des confis-

cations opérées à Alexandrie, qu'aux événements

arrivés à Athènes il resterait néanmoins prouve

qu'au moment oùl'auteurécrivait lesécolesn'étaient

pas,encore fermées.

Le style d'Olympiodore, si l'pn doit le jugersur ces commentaires, est sans caractère person-

ne!, sans ong'in~ité, sans mouvement, sans cou

leur, sans vie Ja langue ïion-seulement n'est

plus saine elle est incorrecte, et presque barbareon sent déjà cette décrépitude générale qui ât-

teint peu à peu toutes les parties de la vie na-

tionale, qnl fait languir la pensée, et dessèche

jusqu'à lasévepôurtantsivivace de la langue grec-

que. Son ouvrage néanmoins, intéressant et 'ppé-cieux au 'point de vue de l'histoire des doctri.nes,l'est pour nous en ce moment davantage encore, y

puisqu'il nous a conservé une biographie et peut-être deux de Platon; contenant dès détails quen~

ne connaissonsque par lui.

ApuléedeMadaure,dûdeuxiëmesiëcleapresJ.-C.auteur de la Métamorphose, d'un;traité sur le Dé-

MMMde Socrate, et des .f?(M'a~, fait précéder

sou expositiondela. doctnhe de Platon, ~e ~o~ma<e

~~<oM~d'une .vie,de Piaton qui est visiblement

faite d'après celle de Diogène de Laërtc. C'est un

THADUGTËtJRSET ÉD1THUHSDL:PLATON. M!)

fait relevé déjà par M. Cousin (i), mais qui nous

servira a. nxeravec plus de précision l'époque où a

Vécuce dernier bidgraphe. Jer. Froben et Nicol.

Episcopius, dans la préface de leur édition faite

à BMeen 1883, et qui est, je crois, la premièreédition du texte grec de Diogène, disaient déjà.

qu'on ne trouvait de cet auteur aucune trace qui

pût mettre sur la voie de son époque et deisa vie.

IsaacCasaubon reconnaît qu'il est plus facile de

dire quand il n'a pas 'vécu, que de dire à quelle

époque il vivait il n'est cité que par des grammai-

riens, :et le plus ancien de ces grammairiens est

Etienne de Byzance(2), qui en parle comme d'un

écrivain ancien il est doncantérieurau cinquième

siècle, vers la fin duquela écrit le géographe. Le

savant commentateurremarque en outre qu'en par-iant de Polémon, Diogène nous dit qu'il a écritt

<(ily a peu de temps, ~poMyou Or nous savons

par Suidas que Polémon est contemporain d'Au-

guste. D'un autre côté, Diogènecite Plutarque,né en 48ou 50, et mort vers~ 38 apr. J.-C., Sextus

Empiricus, soa petit-fils, qui vivait versja j5a du

deuxiëmesiëcle et mêmeSaturninus Cythenas,

disciple de ce philosophe médecin il a donc vécu

après eux ou du moins a été leur contemporain.

(i):Ffa~.d'e.PM!.<Mte.,p.Mt,éd.in-ts.(2)V.X.o).MS<Met AputSon.Ménage,Ft-.< comptëtela liste

deCas&u6on.pMlesnomsdeSopater,quia vécusousConstan-tit),et, au dire de Photius,avait fait à Diogènede nom-breuxemprunts,et d'HësycbittsdeMiiet,quiestdu tempsdeJustinien.

5M LESBiOGRA.PHES,COMMEiSTATEUttS,

C'est à cette dernière conclusion que nous sommes

forcés de nous arrêter, puisque d'une part Apulée,

qui est mort en 190, a résumé la vie de Platon de

Diogène, et de l'autre que ce dernier avait dédié

son ouvrage à une femme, f~o~Tt.w, qu'on peutcroire être cette Arria~ chère à GaUien,'et qui eutl'estime des Antonins(1). Il est donc presque cer-tain que Biogen~ a vécu sous les Antonins, et a

peut-être vule commencement du règne de SéyÈrë.Son ouvrage qui porte aujourd'hui le titre de B~t

xcdrvK(<.cft,Vieset Penséesdes plus iUu8tres;phi.loso'-

phes, citépar Étienne de Byzancesouscelui de ~M-.

co~o!t<TtOp!!it,parPhotius, sousceluidetl'~o<to<j)o:i~ot(2)

par Eustathe sousceluide Xdt~TMv~ot ~3),est divise

en dix livres; il atteste une lecture immenseet une

tendance a'l'exactitude qui se manifeste par les

citations trës- nombreuseset trës~fEéquentes des

auteurs sur lesquels il appuie ses assertions. Am-

broise, son premiertraducteuriatiny Kdit qu'il~vait

plus de lecture que d'exactitude, :legendo

S~M~t, ~MNMin Se~&eM~O~M/ ce ,qui.doit

s'entendre de l'ihtelligûnce des doctrines qu'il 'ne

reproduit pas fidèlement; parce qu'il ~ne~les~coin-

prend pas. S'il n'a pas le sens philosophique,m~

(i) Galen.,de Theriac.ad Pis., c. 3.C'estThom.Reines,~<M'.~ec~ I.H,c. t!, quiaémiscetteconjectureingénieuse,etvraisemblable,et quiconserveraitsavaleurquandbienmêmeGalienneseraitpasl'auteurdel'ouvragecité,puisquecetau-

teursefaittoujourssoncôntomporaint(i!}~:M.,j,6~ ~t~.0)~d~

TRADUCTEURSETÉDITEURSDEPLATON. ?7

môme le sens critique, il a encore moinsle sens du

style il est décousu, languissant, froid, et a la

maniede citer des vers de sa façon qui n'ont pas

grand mérite, et qui surtout ont le défaut d'être

parfaitement hors du sujet ce quilui a fait donner

par Tzetzesl'épithète d'iiT~pMjtjj.ctT'~pe~tx(i\ et laisse

supposer qu'il avait écrit tout un volume d'épi-

gratntnes sur les philosophes illustres (2), dont il

n'a pas voulu priver entièrement les lecteurs deses

biographies. Néanmoinsil est d'autant plus précieux

qu'il est le seul historien de la philosophie qui nous

soit resté des anciens, et qu'à défaut d'intelligence,il a au moinsla passion de l'exactitude matérielle,et produit à chaque instant les témoins des choses

qu'il avance.

Nous allons rapidement passer en revue ceux

qu'il cite dans la vie de Platon, et cette analysenous confirmera dansla confianceque nous devons

avoir dans ses assertions; quand elles n'ont pour

objet que des faits. Je ne suivrai d'autre ordre quecelui dans lequel se présentent les citations de Dio-

gène.1. Zosime(3)d'Alexandrie, philosophe, est l'au-

teur d'un ônwage intitulé Xt~uTti~, art de faire

les mélanges, ou X~pox~Tdi,les Travaux manuels,

divisé en vingt-huit livres où les matières étaient

disposées par ordre alphabétique il avait de plus

~m,~t.(2)Cevolumeaurait étémUtutéÎMjtji6Tpov,afcequeles

~c~~oM étaientfaitesentouteespècedemètres.

(3~0~, L.,m, 3.

328 LESBiOGKAPU~COMMENTATEURS,

écrit unevie spécialede Platon (1). On ignore si ce

personnage, différent de Zosime de Gaza, est le

mêmequi a \écu du temps de Theodose le Jeune

(?9, empereur en 408, ~450), et avait laissé six

livresd'histoirédoatPhotius loue ]a diction concise,

c!aïre,'pure et agréable.2. Speusippe(2), neveu et premier successeur.de

Platon, filsd'EurymÉdodet de Potoue, paraît avoir

été de vingt à vingt-cinq ans plus jeune que,"sononcle. Parniilos ouvrages qu'Aristôte acheta'trois

talents, Diogëne(3) cite un éloge de Ptaton, 'EYMt-

~tov c'est peut-ét.i'el'ouvrage désigne dans la vie

de Platon sous le titre de nEp!Sstm'ov,c'est-a-diro

le Banquetfunéraire de Platon, qui n'est pasmën-

dans le cataloguedes œuvres de'Speusippe.Saint Jéfôi&e(4), en (tFaduisantle passagede Dio-

gène, ne donnepas le titre/que les édition d'l~tienne

changent en nepïSM~vou.Quoiqu'i~en soit, cet éloge

renfermait évidemment des détails biog~

autori~s~eon~e~lë ~remarque Apulée,~pu~~

~étaient empruntes ~directement aux' ~hs

p!us.intimes~de:Ia&mj]le.(5).'3 .'Gipàrque~6~~eSoIës,disciple~d'A~Mtote,sui-

vant Jûsephë ('7),qui lé deGlarél'égal dé; tous les

(t)'Suid.,v.~(2)Diog.L.,U1,2.(3)Diog.~L.,tV,5.

(4)C.Joyin.(5)ApnL,deDo~w..f&t<1 Domesticistnstfnotusdocu-

mentis.s~ ~u"'

'(6) Diog..L.,U<,2.

(7)'C~pton,'1.I. ~J

'mAKUCTEURSET EDITEURSDE PLATON. o2f)1

30

Péripatéticiens, et cite un fragment de son ouvrage

sur le Sommeil. Outre un livre sur l'Éducation,

Diogènelui attribue un é)ogede Platon, qui appar-tenait peut-être a la collection de biographies, ns~

ptMv,mentionnée par Athénée (<). On connaît en-

core de lui un traité de Tactique, et un sur les

Énigmes.

4. Anaxilaïdas (2) avait écrit un ouvrage au

moins en deux livres, ne~ ~~otto~ cité par saint

Jérôme (3) quil'appeUe sans doute par erreur li-

~'M7M/<MOp/M<B.

5. Antiléon(4), auteur d'une chronologie dont le

deuxièmelivre est cité par Diogène, et que men-

tionne une seule foisle seul Pollux (S), est complé-tement inconnu.

6. Alexandre (6), dont Diogène produit en té-

moignage une histoire de la philosophie, ou plutôtdes philosophes,intitulée <I)t).oTo~MvSmSo~a(,est, d'a-

près Jonsius(7 ), sui vi de 'Brandis (8)et de K. Mul-

ler (9), le fameux Alexandre de Milet, surnommé

(1)Athén.,VIH,344,b; tX, 396,é;XM,539,:b;643,0;YI,23<t,f,où~confirmequec'était un discipled'Aristote.CommeAthéneecitele s°livre(XII,548,d),nousconnaissons

par]àl'étendueminimumdesonouvrage.(ï)Diog.L.,II!,2.(3)C.Jovin,l.I.(4)Diog.L.,m,3.(6)Poll.,OHorn.,U,4, t5i.

(6)~BMgs~ï,~4.-(7)DeScf~«.JPAt~p.238.

(8)eeMMc/j<<'(!t.f,p.3t.(9)J'a~nt. Htst.~-tBC,t. !H, p. 240.Vossiusest dansle

530 LESBIOGRAPHES,COMMENTATEURS,

'Polyhistor pour sa profondeconnaissancede toutes

les parties de l'antiquité. Ce savant grammairien,

qu'on a confondu à tort (I) avec Alexandre de

Phrygie, fils d'Asdépiade, appartenait à l'école de

critique fondée à Pergame par Cratès de Malles il

était de Milet, fut affranchi par Sylla, qui lui

donna son nom, Cornélius (2), et enseigna avec

éclat a Rome,où il eut pour discipleHygin, affran-

chi d'Auguste (3). Sa vasteet solideérudition se ré-

vëledans les fragments conservésde ses nombreux~x

ouvrages qui ont pour objets l'bistoire, la géogra-

phie, la. grammaire,la philosophie et son histoire.

Nous avons encore sept fragments de sa Généa-

logie des phUosophes', tous tirés de Diogèné de

Laërte, sauf un seul empruntéà Chalcidius (4), et

peut-êtreà tort rapporté à notre Polyhistor, et deux

courtsextraits de sonouvrage sur les Symbolespÿ-

thâgoriciens conservés, l'un par S. Clément d'A-

lexandrie(S), l'autre par Cyrille (6).

doute;Reinesl'attribuea unAlexandred'âges,precppteurde~eron. .J"

(t~KUntan~ j~K., ann/s et Schoell,t: II, p. 123.L'erreur~sttnamfe~tepuisquete u)s d'Asctépiadea étéle4'errçur,-est,:manifes~epuisquele/fils .d'Àsc1épiadea été:lèB~aitredeMar(y-Auretedontit a écritl'oraisonfunèbre.Aristid.,~ra~xn.

(2)Suid.,v.Servius,in Virg.~H.,X, 388.(3)Suet.e!M«~6'<!MM.,c.20.(4) In Plat. Tim., p. 1&6, éd. Meurs.

(5)Strotn,]i;,p.lst..(6) f/M~JX,p. 133.Diogènecjte freqùenitnet't~iNais

nondanslaViedePlaton,deuxgéneaiagtesdeBphilosophes,semblables,detitreetdesujetacettedePolyhistor:cesontlesAmS~dtd'Antj~theneet cdteadeSotion,qu'il;dû é~idetn-

TRADUCTEURSET ÉDITEURSDE PLATON. 83<

7. Hermippe (4) est fréquemment cité par Athé-

née (2), et est appelé par lui Kou~-ot~to! parce qu'il

appartenait à i'école de grammairiens dont CaMt-

maque était le chef. Il était de Smyrne et avait écrit

une biographie des philosophes, ptot, dont on a

quelques fragments sur Pythagore, Philolaûs, Dio-

dore, Empédocle, Héraclide, Démocrite, Zenon,

ment consulter partout, et qui ne pouvaient avoir oublié

Platon. Vossius croit que cet Antisthene est celui que Dto-

gëhe appelle l'biMoriea et le Rhodien, 'P6Bt6t tt; tstopmo!,ç,

et Jonsius, p. 949, comme M. Zeller, pense que cette con-

jectare est au moins très-vraisemNaMe. M. K. ~!)Uter,

Ft'agMt. NM<.~fa:c., t; III, p. 182, rapporte les A~Bo~à un

Antistbëne péripatéticien, cité parPh)ëgon. Sotion d'Aiexan-

drie, dont Diogèneproduit (Pro<MM.~t, 7))eXX!tI''Iivre, vivait

à Rome du temps de Tibère, si c'est lui qui a eu avec Pôtamon

de Lesbosl'entrevue dont parle Plutarque dans sa Vie d'Alexan-

«re.Eunape, au commencement de ses Vies, cite son ouvragesous le titre de ~~t~copo; [<n;op(ût,tandis qu'Athenëe, V!!f,

343, c; Xt, 505, c; !V, 162, le connait sous )o mcme nom que

Diogene. Tzetzësle nomme,o<co~/tr., f. l02,etChii., IV, 144,et Cassianus Bassus, dans ses rEmno~~a. Athénée, V1!I,336, lui

attribue un autre ouvrage sur les Silles de Timon Stobée, un

traité de Ja Colère;Diogène, X, 4, un traité en douze livres inti-

tulé Atox~ot ~BY~ot. Héraciides, surnommé Lembus, fils de

Séràpibti, avait fait un résume de l'ouvrage deSotion, commeaussi des biographies deSatyros. Diog. L., V1H,'? et40. Athen.,HI, 20. Jonsius, p. 197,pense que notre Sotion diffère de celui

dont parle Plutarque. et que le nôtre a vécu sous PtoMmée-

Épiphane.

(t)Diog.L..m,3.

(2) Athën., Il, 58. !I a dû par conséquent courir sous tes

règne?de Ptoté~e Hï, qui monte au trône en 240, et de Pto)é-

méetV, jusqu'à 205 av. J.-C. CaiHmaque meurt quelque temps

après l'avénement de Ptolémée Ëvecgëte. Ritschl., Alex.

.B{6<p.90.

S32 LES BIOGRAPHES,COMMENTATEURS,

Anaxagore, Socrate, Platon, Arcésitas, Aristote, et

d'autres encore.

L'autorité d'Hermippe a dû être grande, car les

historiens postérieurs s'appuient souvent sur son té-

moignage, et nous voyonsses nombreux ouvrages

historiques à chaque instant cités par Plutarquo,

Athénée, Diogène et les auteurs de Diogène (i).

Josèphe (2) l'appelle très-illustre ~~[MTato~ et

vantesonexactitude; et 8. Jérôme, dans la préfacede son Histoire ecclésiastique, s'autorise de son

exemple 7%eo'MM<quidem hoc <~M~G'~cM B'e~-

mippus ~e~M:<e<M!MS.8. Néanthès de Cyzique (3) était l'auteur d'une

biographie des hommesillustres, citée par Ëtienne

de Byzanceou son abréyiateur Hermolatls(4) et

d'une biographie spécia!e des Pythagoriciens (S).Jonsius supposequ'il a dû vivre sous Aitalë et se.

fonde sur un passage d'Athénée (6) qu'il donne

ainsi E'vc<TMyMpt"ATTK~ov~top~M~c'est une fausse

leçon le vrai texte est ~K'!<tTop~,dans~livre des Histoires/ On peut croire cependant

qu'il a été le précepteur de ce ro]~ pmëqu'~ était

disciplede Philiscus, disciple lui-même d'Isôc~

(1)Jons.,p. 190.(2) C. Apion, 1, 22 ~~p ~ept ~5~~ tiTopt~ ~t~~t.

(3) Diog.L.3.

.(4).V.K.p~tO<.(5)Diog.L.,YUI,72.Q'estàcettebiographtequeS.Oement,'

Théodoret,Porphyreet -!amb)iqueontempruntécequ'ilsnous

rapportent de Pythagore.(6)XV,699,d.

TRADUCTEURSET ÉDITEURSDE PLATON. m.t

30.

9.Athénodore (1), fils de Sandon, appelé le

Chanaanite (2), et quelquefois l'Alexandrin ( 3),était l'auteur d'un ouvrage au moins en huit li-

bres intitulé nepuMi~(4), ce qui porte à croire

quec'est FAthenodorede Tarse, précepteur d'Au-

guste, confondu par Ménage avec un personnage

du mêmenom, précepteur de Tibère.

10. Dicéarque (8) de Messénie, disciple d'Aris~·

tote, philosophe, orateur, géomètre, grammairien,

étaitoontëmporain et ami d'Anstoxène (6). Cicé-

ron en fait souvent mention et constate que c'était

l'auteur favori d'Atticus (7). C'était un écrivain

très-instruit et très-fécond, comme on en pourra

juger parle cataloguedesesouvrages, où nous trou-

vons, dans la classe des ouvrages d'histoire poli-

tiqueL Une viëdë la Grèce, p!o<'Ë~So<;2. Unrecueil des constitutions politiques des

Grecs;

3. Untraite de philosophiepolitique surta mei!-

lëurë formede gouvernement;Dansl'histoire phUoSOphiqueet littéraire

4. Des biographies des philosophes, dont il nous

(l)Diog.L.,m,3.(2) Stmb.,XIV,676.'(3)Cedren.,p.173.(4) M.Mi)UeraomisdanssesFr~m.le titre de cetouvrage,

peut-êtretropspécialpoursaco!!ecti0n.

(S)DibgL., m,4.(6)Suid.,v.dtx.et'~pt<TT.Cic.e~fn,6.(7)~MtC.,H, 16;n, t2;Y! 3. Conf.Plut.,Symp.qu.,

vm,2;A. Ge)).,X!V,n.

S34 LES BIOGRAPHES,COMMEÎ'iTATEDRS,

reste quatre fragments sur Platon et quatre sur

Pythagore; f.8. Desdissertations sur Homère, Alcée;

6. Des, Didascalies,sur Sophocle, Euripide et

Aristophane;

7 .Des mémoiressur les jeux musicaux

8. Et enSa .des buvEagesde phUosopMepur~et par exempt un Traité de l'~me. Les anciens

ne lut ménagent pas les éloges Vapronrap~

pelle e~oc~M~MM( i ), (~icérpn, !<~opt)tMrctTQ<!(2 ),

~e~c~ Meœe~ ~eripc~teticusmagnus

e~co~M~MS~4), ~M~(~), etce~

qu'il était du nombre desfg~ dont

PanétiusaYatt sans cesse le nom à Ja bouche (6).li. Timotheed'Ath~ ,auteurd'tlne biogra-

phie, estproduit souvent par Diogène, maisil serait

difficilede le trouver cité par un autre. Gêtre le même que TimothéedePergame dont S. eté-

ment d'Alexandrieproduit un ouvrage, ~pt~ tM~

.et~OTO!J)MV'~Sp6t!!ff.(8~~;A! ;t~

\-(<)~B<S.'C!)~<c.,n,'6~ ~-y\(3)~'nMc.,t,~i.(4)JE'eO/H,3.

(5)~~M.,II,2. 2.(6)De.F'<M.,IV,28 «Semperhabuitin orePIatonem,Aris-

totetem,Xenocratetn,Theophrastun!,Dicœarchum.>,

(7)D].og.)L.,m,5."(8)etem.A!ex.,p.2t3,~d.SyIb.b.

.).Diog.L.in, ~.t(<0)Porph.,<t<!~<<<<ftS<. F& (.54;Br.,344,a.

TRADUCTEURSET ÉDITEURSDE PLATON. 538

pie, en la dénaturant, la monographie de Platon,

est probablement l'Hermodore dont parle Cicé-

ron (1). Ami et disciple de Platon, suivant Por-

phyre, il publiases ouvrages soit de son vivant,

soit aprèssa mort, mais d'après les termes de Ci-

céron .'certainement sans sonautorisation. Zénobius

ajoute quec'était surtouten Sicilequ'il écoulait ses

produits (8). C'est un véritable libraire-commis-

sionhaife pour l'exportation.i3. Aristoxène(3)deTarënte, filsde Spinther, qui

avait vécu dans Fintimité de Socrate et d'Epami-

nondas, était discipled'Aristote, et le contemporaind'Alexandre et de ses successeurs(4) ce polygraphecélèbre avait écrit de nombreux et savantsouvragessur la musique et la danse, des mélanges, des trai-

tés de philosophie,parmilesquels on cite un recueil

de thëses pythagoriciennes, nuSaYoptx~~o~NfrEt;enfin des biographies (S), entre autres celles de

Pythagore, d'Archytas, de Xénophile, de Socrateet

de Platon. Il perce dans ses vies de Socrate et de

Platon un accent dedénigrement visiblequi rend par-fois son témoignage suspect. On lui a même repro-

(1) ~~c., XUI.ep.2l.(2) Prov. Gent., V, 6 K.o~mv E!<EmE~ ~(M~t.

(3)Diog.L.,ni, 8.'(4)C'estdoncuneerreurd'Eusèbe,déjàrelevéeparVossius,

1.I, c. 9,dele placerdanslesenvironsdel'Ol.XXIX.Il l'auraconfonduavecunpoètedeSélinontedumêmenom.

(5) 8.Jerôm.tC~<.<'cc~ 'tHoofecerunt.etomnium

longedoctissimusAristoxenusmusieus.Plut.,~fot' p. 1093

B!ou<&'<8pM'<Sypot~Luc.,de Paras.,c. 35, l'appeUe~oUo~MyouK~o<,etcitedelui uneanecdotesurPlaton.

836 LES BIOGRAPHES,COMMENTATEURS~

chéd'avoir outragé son maître, dont il avait espéréêtre dans le Lycéele successeur (1). Aristoclès,il est

vrai, auteur lui-même d'une histoiredes*philosopheset de la philosophie, a soutenu que c'était une er-

reur d'interprétation. Si Aristoxène, dans sa vie de

Platon, dit-il, raconte quependantle voyage de ce

dernier en Sicile, des étrangers, ~voo~avaient son-

levé contre lui son école et élevé chaire contre

chaire, on s'imagine que c'est d'Aristote qu'il veut

parler; on a tort, car il s'est toujours exprimé en

termes respectueux envers son maître (2). Mais

d'autrestémoignages viennent connrmer l'opinion,

quedonne la lecture de ses fragments, sur la sévérité

de ses jugements et son penchant la calomnie.

Au dire d'Élien (3), c'était un homme morose et

chagrin, ennemi acharné de la gaieté et du rire il

étaitdumôinspartisan exclusif d'une musique grave

et sévère,'correspondant à son humeur (4) et le

philosopheAdraste d'Aphrodise dit que son carac-

tère n'était pas du tout musical, c'est-à-dire doux

et harmonieux, et qa'il sacrifiait tout au plaisir dedire quelquechosede nouveau(8).

Le fait de ses relations avecles Pythagoriciens ne

résulte que des informations spéciales quenous lui

devonssur cette école, dont il a vu les derniers re-

~(l)Suid.,v.(2)An8toct.,<tF.~Me6..P)'a:et).,XV,(3)F. Var.;'Vm,ts.

(4)Thëmi8t.,Or.,XXXm,p.36<.(5)Procl.,in ytM.,éd.Cous.,t. !tf, p. t92 Oùtt~u T&

ttScto~ptxewx~ou~

TRADUCTEURSETËDtTEURSDEPLATON. M7

présentants et mourir ta gloire (1). Ce'n'est pas une

raison pouren faire avec Stobée (2), Jean Dàmas-

cëne(3) et Suidas, un Pythagoricien (4).

14. Satyrus de Rhodes (S), péripatéticien. men-

tionné comme un biographe instruit par S. Jé-

rôme (6), avait écrit les vies des rois et des géné-

raux, dès poëtes, des orateurs et des philosophesillustres. Son ouvrage eut assez d'importance et

d'autorité pour qu'HéraclideLembus pût croire utile

d'en faire un abrégéePtoléméefilsd'Héphsestion(7)en fait un disciple d'Aristarque, ou du moins un11

adhérent de sonécole, et raconte que son érudition

curieuse lui avait fait donnerde nom de Z?i-M,S~ ïo

i~Tïj'nXOVCt~TOC.

13. Praxiphane (8), dont Diogène cite une

Conversation, StM~e~, qui est censéeavoir eu'Iieu

dans une maisonde campagneoù Platon avait reçuSon ami Isocrate. H était également auteur d'une

histoire que cite Marcellindans sa vie dé Thucy-dide.

i6. Onétor (9) n'est connu que par les citations

de Diogëne, qui nous apprendqu'il était l'auteur

(I)Diog.L.,VI1I,4G.«) Dtog.L.,Ym,46.(2)Serm.,I0t,<.(3) pM&U.,p.46.(4)Suid.,v.(5)Diog.L,!H,8.(6)?!'?/ FM<.eec~M.!) estcitéfréquemmentparAthénée,

Xn,634,b.(7)~~</<ojy.,Wesjtermauu,p.t94,

(8) Diog.L.,m,8. <

(9) Diog.L. 9.

LES BIOGRAPHES,COMMENTATEURS,838

d'un livre intitulé Si lesage peut travailler à s'en-

richir.

17. Alcimus(1) avait écrit une histoire de !a Si-

cile, dont un livre était intitulé l'Italie (2)~, etun ouvrage en quatre sections adressé à Amyn-

tas, où il accuse Platon d'avoir emprunté au Syra-cusain Ëpicharme la plupart de sesdoctrines et par-culierement la théorie des Idées..Antérieur a Théo-

pompeet né en Sicile, il est difucile de l'identifier

avecle disciple de Stilpon deMégare, que Diogènenommele plus illustre desrhéteursde la Grece(3).

18. Favorinus (4) d'Arles, né sous Trajan, est

un écrivaintrès-fécond. Oncite de lui des ouvragesde philosophie et d'histoire (S), parmi lesquels un

livre.sur la philosophie d'Homère, un sur Socrate

et son Art d'aimer, un sur Platon des mémoires,

NTM~~oMujAtttct(6), des traités derhétorique, ~sur-tout une histoire universelle sous les titres,: ïlot~o-

Senr~j!f!TOph(7), n<V'M&r<~{sTOp~t(8), n<)!VtoS<i!?r'})8~

îcfMptx~)(9). A enjuger par les citations fréquentes

des auteurs postérieurs, et partiGuliërementde Sto-

bée(t0), iladûmériter l'élogeque lui donneSuidas,

(1)Diog.L., ni, 9.

(2)Athén.,X,441.(3)Diog.L., 104.

(4)Diog.L.,III,8.

(5)Suid.,v.(6)Diog.L.79.(7)jM.,!U,3et 9.

(8)jM.,VIU,15.(9) ~<yM. ma~M..

(to) Conf,Philostr.,Vit.Soph.,t,c.8; Lt)cieM,H.,c.7;

TRADUCTEURSET ÉDITEURSDE PLATON. H3t)

d'avoir été, malgré son goût particulier pour la

rhétorique, versé dans toutes les sciences et pleinde philosophie. Photius (i) prétend que Sopateravait tiré son troisième livre d'extraits, ~J.o~, de

l'Histoire universelle de Favorin, qui, d'après les

termes de Photius, aurait été disposée par ordre al-

phabétique.

JL9. Pamphilé (2), sur laquelleje n'ai rien aajou-ter ce que j'en ai dit dans ma Vie de So-

crate (3).20. HéracHdedu Pont (4), disciplede Platon, de

Speusippe et d'Aristote, et dont Diogènea écrit la

biographie, avait laissé plus de soixante ouvragessur toutes sortes de sujets histoire politique, mo-

rale, musique, rhétorique, grammaire, et deux li-

vres de biographies, parmi lesquels on ne cite pascetiede Platon, quoiqu'ilait dû, d'aprèsles citationsde Diogène, avoir sur son maître, des renseigne-ment&détailléset précieux. Cicéron, qui le croit un

vrai platonicien, l'appelle un très-savant homme,vir (~c~ Mï~'MM (S). Par ses doctrines, l'élé-

gance de son style, là grâce et la chaleur de son

génie, il rappelait Platon, tandis qu'il se rattachait

à l'écolepéripatéticienne par son érudition étendue,

Dém.,c. 12et t3 DiouCMsius.LXIX,3 Aut.Gell.,~V.~«.,M,22 Ptut.,.Vor.,p. 334etS96,éd.Didot;Phryn.,v.~oxto~.

f (i) God.,iet.

(2)Diog.L.~UI,23.

(3)P.8.(4)Dio§.L.<tit, '!6.

(9),~c~V,3; de Div.,1,23.Conf.dtA'a<.D..1, t3.

540 LES BIOGRAPHES,COMMENTATËUKS,

solide, variée, et par la féconditéde sa plume. Dio-

gène de Laerte lui attribue un livre sur les pytha-

goriciens, dont Porphyre (i) et Clément d'Alexan-

drie (2)citent quelques fragments.21. Aristippe de Cyrene(3) est le célèbre disci-

pte de Socrate dont Diogène a raconté la vie (4).Son ouvrage, en quatre livres au moins, ;intitu)é

TTEptT~<na~K~Tpucj)~,fréquemment produit par Dio-

gène, paraît n'avoir été qu'un recueil de calomnies

et d'outrages contre lesplus grands hommes deson

temps, Aristote(5), Po,lémo,n(6), Xénocrate(7). Le

ton amer et violent de ce livre est si contraire à ce

qu'on nous rapporte de l'humeur enjouée et aima-

ble deson auteur prétendu, que Lusacius(8) en a

contesté l'authenticité, se fondant en outre sur la

difficultéqu'il y a à supposer qu'un disciple de 80-

crate ait pu ,vivre assez longtemps pour voir à la

tête de l'école Aristote et Xénocrate. Il est assez

étonnant en outre que DtQgène,qui cite fréquem-

mentcette diatribe, ne la compte pas dans te cata-

logue des œuvres d'Aristippe, qui même, suivant

quelques historiens, parmi lesquels Sosicrate de

Rhodes, n'avait rien écrit du tout (9). Il n'est

(l)De/tMM.,I,p.40.(2)Strom.,II,p.<79,28Sylb.(3) .Diog. L., 29.

(4)!)iog.L.,U,83.

(5) Diog.L., V, 3 et 39.

(6)M.,IV,19.

(7).M. i:

(8)~<c<.~<Mc.,p. tes.Gessner'['attribueàunautreAt'istippe.(9)Dio~.L.,84 OtS'oùS'S).t<~fpecj<M.

TRADUCTEURSET ÉDITEURSDE PLATON. 541

31

guère possible decroire qu'elle faisait partie des six

livres de~aTptëafqueSotion et Panétius reconnais-

saient pour authentiques; car le M~Tt~a~t rpu~t en

comprenait au moins quatre, et les six livres de

/)!S~<<9?M devaient avoir 'un tout autre sujet,

puisque Thëopompe de Chio, au dire. d'Athé-

née (1), accusait Platon d'en avoir dérobé presquetoutes les idées pourse les approprier.

22. Idoménée(2) de Lampsaque est l'ami et le

disciple d'Ëpicure, qui en mourantlui écrivit pourlui recommanderles fils de Métrodore il a donc

Ceuri de 310 à 270 av. J.-C. Premier magistratdesa ville, il montradans l'exercice de ses fonctions

une si extrôïnesévérité qu'Ëpicure fut obligé de le

rappeler à la 'clémenceet a la modération.Il avait

écrit un ouvrage sur les Socratiques (3), auquelsont empruntés sans doute les renseignements

qu'il nous donne sur Platon. Il est cité par Stra-

bon (4), Athénée (S~,Sénèque (6), Plutàrque (7).

PôUrterminércette énumération incomplète peut-

être, et cer~inëment trop longue, des auteurs quidonnent quelque poids aux récits biographiques de

Diogènede Laërte, je nommerai encore deux écri-

(t) Athén.,X!,508 ~orpiou~Se~ot)<~tfom~Tc(;TM~%{!~t(~tOUStKTptSSv.

(2) Dtog.L.,m,se.(3)Diog.L.,1!,i9.

(4)XHI,p. 5S9.(5)VH,p.3!79,f.f.

(6) ~p.,t,21 et22.

(;) ['tt.t., <t{<!). Co~o< p. < t27. Conf. Phot., v. ))~, et Su)d.,

V. 'l!o:JL.

842 LESBIOGRAPHES,COMMENTATEURS,

vains sur lesquels s'appuie Athénée dans ses amères

critiquescontrë la vie et les ouvrages de Platon. Ce

sont Hégésandre de Delphes, auteur de mémoires,

~M~jMTa, qu'il est le seul des anciens nous

faire connaître (1), et qui paraît avoir vécu apr~s

AntigoneGonatas, dontleregnevado229a23l; et

Théopompe de Chio, l'historien, disciple d'ïsocrate.

Outrel'histoire de Philippe, qui comprenait cin-

quante-huit livres (2), et un ré~uniéd'HérodQte,

quijen centenait deux (3), il avait écrit un traité

spécial sur'Platon, n~'tM~d< SKttp~ (4). l"

A l'aide de ces documents et de ces témoi-

gnages, auxquels il faut ajouter tous les documents

éparsdansles'âuteurs.etparticnliërementdans Ci-

céron, Apulée,: Plutarque,Êlien, dont quelques-

uns, Apulée, par exemple (S), avaieùt a leur dispo-

(l)Athen.,X!,M7,a:Sonlivrp,àenjugerparlëtitre:Penchant habituel de F!(t<o?t&iMH~fer <o«<!e Moa<!e, parattavoir eu un Catàctèf&critique et'tibstU très""prononcé;x

(2)!Etnûn 73, co~me ledit SaMaStC~n

a~C.I,

(3) VosMusatttibue ça résumé d'Hérodote à âutre Théo-

pothpe, soitcét'u'~e' ëni'îe~&m~ Ï. ~esar,'

un

soit ~celtndepôIhpé~ soit dè'êrtïde;àinrâ~ J. r.é8ar~'soitcè1uide

Sinope, aientionhé par Phtëgôtt de TfaUes, soit celui,de polo-

phon, poète épique, cité par Athénée.

(4) 50S, c.Les~aBciens louent la profondeur des recherches

et l'art de la composition chez cet tiabite écrivain mais oh l'ac-

cuse aussi de violence et d'~prete dans ses jugements, et d'avoir

l'esprit porté à 'voir les hommes en laid, xK~yop~v(tS~o~~.;¡

!<!Top<M(Luc., deScrtteH~. Bt~<or.); Cornélius Népos, dans

la ~e d'Alcibiade, le joint à Timon le Sillographe, et lesnomme

tous deux les plus médisants des hommes. Comf. yoss., de

jH;~<t.I,p.30,

(5) Lesmémoires de Speusippe sur son oncle,

TRADUCTEURSETEDtTHURS))E PLATOK.

sition des renseignements précieux, on peut écrire,non sans difBculté, car il est souvent difficilede les

concilier, et parfois même d'y ajouter foi, mais

enfin on peut écrire une biographie vraiment

historique de Platon. Aussi ce travail a-t-il été

déjà bien souvent exécuté, et dans ces derniers

temps en Allemagne, avec autant de savoirque de

talent.

Marsile Ficin, de Florence, a placé en tête de

sa traduction latine des œuvres de Platon (1), quiest restée sans égale pour la pénétration profondedu sens philosophique de son auteur, une vie de

Platon, qu'il a fait suivre de celles de Plotin, de

Proclus.dePsellus.Guarini (2), disciple de Chrysoloras, de Vérone

ou de Ferrare, professeur à Venise, et ensuite à

Ferrare, a écrit les Biographies,de Platon, d'Aris-

tote,d'Ëvagoras et d'Homère, qui ont été impri-mées à Lyon avec les Vies de Plutarque.

Daniel Omeisius,d'Altorf, exposant la morale de

Platon et l'éthique pythagoricienne, a publié en

tête de cesdeux ouvragesune.Vie de Platon, 1696,et une Vie de Pythagore, 1693, a laquelle se

trouvent joints un commentaire sur les Vers

d'Or, et uns explication de dix des symboles py-thagoriciens. Cette école l'occup!).beaucoup; car

on a encore de lui, en 1702, une dissertation spé-

(t) Publiéeà Lyon,avecdesremarquescritiquesd'Is.Casau.bon,en1550;plustardà Francfort,ent602.

(9) Né en t3'!0, mort vers 1460.

S44 LES BIOGRAPHES~COMMENTATEURS,

ciale sur les symboles, et, en 1706, une autre sur

l'Idylle d'Ausone intitulée: nueKYop~~pjKst;.

Musurus, que Léon X, sur la recommandation

de Lascharis P', son maître, avait fait venir de

Crête, sa patrie, à Rome, a laissé, parmi d'autres

ouvrages, un Éloge de Platon, jE~co/MZMM:.P~o-

;MS~en vers élégiaqùes, signalé par MHus.&ypal-

dus(i).Notre ancienne Académie des inscriptions et

beUes-lettresa produit, aux dix-septièmeet dix-hui-

tième siècles, de nombreux travaux sur les dialo-

gues de Platon (2), et particulièrement des mé-

moires de l'abbé Arnauld, qui en a traduit et com-

menté plusieurs. Maisni lui, ni Maùcroix,ni Grou,n'ont écrit, que je sache, une biographie de notre

philosophe.Cette laGHtie'regrettable,que Bacier ne

guf6t pas à combler (3), a été remplie par les Al-

temands qui, sous la préoccupation de systèmes

philosophiques récents, ont été portés à étudier

avec un soin curieuxet une exactiM sorupuleusela vie et le caBaotèrede Platon, croyant y trouver

l'explication de sa pensée~et~deses doctpines.Je ne

peux que signaler ici leurs travaux, dont j'aime à'a

reconnaîtreet à dire quej'ai tant pronté.Tennetnanu a fait précéder d'une biographie de

Platon son ouvrage intitulé Systèmedela philo-

(t) P. 62.

(2)Mem.de Fraguier,MaMteu,Couture,Sallier,Arnaud,Garnier.

(3)Dixdialoguesontététraduitspar And.Daciet';1699,quiles a fait précéderd'un discourset d'uneViedoPlaton.

TRADUCTEURSET ÉDITEURSDE PLATON. .'MS~i

M~e~/a~MeMMMe. Publié à Leipsig en 1792,

cet ouvrage ouvre la série des doctes et profondesrecherchesdont la vie et la doctrine du philosopheont été l'objet dansce pays, qu'on peut appelerle grand atelier de l'érudition moderne. Schleier-

macher en a fait autant, en tête de sa traduction

allemande des Dialogues; Ast, en 1816, a publiéun volume dont le titre est Vie et oMt~~Mde Platon. Socher, en 1820, a repris ce même sujetdans une Étude spéciale, qui n'a pas empêché de

nouveaux travauxde se produire, dont la liste serait

ici trop longue; Je ne veux pourtant pas oublier

M. K. Fr. Hermann, dans son -B~o~'e et

/~F <~<° /a' ~~7o~~Mjo/a~M'e~MC,dont il n'a

paru malheureusement qu'une partie, avait consa-

cré à la biographie et à TMstoire des ouvrages de

Platon tout unvolume.

Les commentaires grecs destinés à éclaircir les

ouvragesde Platon, et à en faciliter l'intelligence,étaient fort nombreux. La plupart ont péri; d'au-

tres sont enfouis, inédits ouinconnus, dans les bi-

bliothèques un petit nombre a été publié intégrale-ment ou partiellement.

Scboell (1) attribue à. Dexippus,disciple de Jam-

Mique, auteur de trois livres de ~t/esi'MMssM?'les

Ca~ones c~yM~<?, des commentaires sur Platon

que ne cite pas Jonsius. Ceux de Damascius (2),

(f) Fti!& && t. V,p..t6i.(2)C'estl'auteurdes~op~t xa~\uers!<sur tes premiers

principes,publiésenpartiepar Kopp,!8!6,Francf.C'estledernieranneaudeta fameuseChaîned'or;iloccupaitla chaire

Mfi LESB!OGRAPHES,COMMENTATEURS,

successeurd'Isidore de Gaza i l'école platonicienne

d'Athènes, 'intitules: DoM~ et ~o/M~'OM~,~opfottxxtM<Kt~sur le .PanMeKM~de Platon, sont conservés

manuscrits à la bibliothèque de Munich. De l'ou-

vrage de Théon de Smyrne, ~?~ /W~7~edes tKa~Ae-

mc~Me~~oM~ /ee~Mye<~eP/ù;<o~,il ne reste quela partie qui traite de l'arithmétique et de la mu-

sique.(l). ~i. L'

Olynapiodorele Platonicien, qui a professé à

Alexandrievers la fin du sixième siècle, disciple de

Damasciusqui s'y ëtait;réfugié, a laissédes commen-

taires sur cinq dialogues, le premier et ledeuxième

~Je~M~e. le ~PA~e~e,le Gorgias, le Phédon (2).Proclus de Lycie, né en 412, mort en 48S, disciplede Syrianus, auquel il succéda, a écrit denombreux

commentaires sur le ?'i!?Mee,l'A~C!6M~la Tï~pM-

blique,leParménide, leCratyle, qui sont publiés(3),et d'autres sur le ./W<~M,le jP~7~~le Phèdre,le

P~o~oya~, les Lois, qu'on n'a pas encore re-

trouvés~ ~j~

dephilosophieenqualitédeSKitSo~,quandsùrvi&tiedécretde Justinien.

(i)PULbliéëà Paris,1664,parBouiMaud.

(2)V.plushaut,p.&22..(3)M.Cousin,entreautres,adonnédeuxéditionsdeffoc~M,

l'uneen is25,l'autreen <864;et!esne comprennent,parmilescommentaires,queceuxdu.P<M'm~M<~<'et du TAlcibiade.Le commentairesur le C?'<!<y/6a été publiéen iMOparM.Boissonade,à Leipsig,et celuisurle f<Mf'e,àBrMiaù,en

1847,parM.Schneider.Lay~o~tc~OMte!en<eaétéimpri-méepourlapremièrefoisà Hambourg,t6l8, avecI'~M;!<t<w<M~

M~o/o~Me.Jen'enconnaispasd'autreédition.

TRADUCTEURSET ÉDITEURSDEPLATON. S47

Le livre du Pythagoricien Didymesur la doc-

trine de Platon, Mp~tMvotpetTXM-cM~n~tM~t, celui

de Numénius d'Apamée, qui avait pour sujetles Dissentiments entre les ~c<td'e~M!C!'e~~et Pla-

<OM,ont péri de ce dernier ouvrage cependantEusèbe nous a conservé des fragments intéres-

sauts.

Boëce mentionne (1) un commentaire de Por-

phyre sur le tSo~M~éj,et Proclus, enmaints endroits

de son propre ouvragesur le Tinzée, un autre du

même auteur sur ce dialogue, dont le scholiaste

de Platon (2) reproduit quelques passages. Les

observations sur la J~M~~Me~ citées par Simpli-cius ne paraissent pas avoir appartenu à un

commentaire spécial; un Anonyme (4) cite encore

de Porphyre un traité sur les Dz/~e~Me~ entre

F~OM~~i'ifo~, dédié à~Chrysaorius, qu~ondit

exister inédit, et, ce qui ne s'accorde guère avec

la pensée de cet écrit. Suidas lui attribue un ou-

vrage en sept livres ayant pour objet de démontrer

l'identité des deux doctrines (S).

Albinus, contemporainde Galion/avait écrit une

introduction aux dialogues de Platon, E!MYM-quedeux manuscrits intitulent de l'Ordre des /w<Mo~

Platon. Cettepetite dissertationque nous avonscon-

servée, ou dont nous avons conservédu moins un

(t)DeB~.Jnt<p.6M..(2)Ed.Rekker,p. 438.(3) /MjP~~te~t44,a.

(4)Ctamer,~Kec<<o<Oxf.,IV,432.(5) ït6pt TOU(<.[K~EtvN[.

LES BIOGRAPHES,COMMENTATEURS,S48

abrégé(i), a été publiéepour la premièrefois parJ. Alb.Fabncius(2),plus tard par J. Fr. Fischer

avec les quatrepremiersdialoguesde Platon(3),ensuitepar Dan.Becken tête du Platonde Tau-chnitz(4),puis parErn. Chr. Schneider(S)etenfin

par K.Fr. Hermann,qui en a améliorésinguiiëre-ment le texte(6). Ce savanta égalementapported'heureusescorrectionscritiquesà ladissertation

d'Alcinous,intituléedanscertainsmanuscritsAt'Sa*

<tx~m~tMvn~tMvotSoyjj~TM~,et dansd'autres~~o-

ductionaux doctrinesdePlaton~Mjo/t~op~e~/M-

Mo~.Impriméd'abordéVeniseparlesAides,iS2),

ensuiteparDan.Heinsiusqui l'aréunià sonMaximede Tyr (7),ce petit ouvragefaitpartiedu sixième

volumede l'éditionde Platonde K.Fr. Hermann.

J'ai donnéplushautlesrenseignementsnécessai-

res sur un travaildu mêmegenre, qui portele ti-

tre de/o/~o~Me$ la ~:7oM~c~a<OM<'c!eMMe,et dont l'auteur n'est pas nommé. Eusèbenousa

conservéquelquesfragmentsd'un ouvragedu Pla-

tonicienAtticus,qu'il ne faut pas confondreavec

le rhéteur HérodeAtticus, son contemporain(8).Cetraitéavaitpourobjetdedéterminerladifférence

(t)~a<OKhBto~t.K.Fr.Hermann,t. vt,p.xv t~'iononmutilos,sedconsultebreviatosesseliquidoapparet.

(a).B<M<o~.~.BC..t. Il,p.44.50,1707.(3) Leip* !783.

(4) Letps., i8t3.

(6) Varsovie, f8M.

(6) Leips-, 1868, dans le Vt' ?a!. de aûn éiittton de Piaton.

(7) Leyd., 1614.

(s)!!<vivaientdutempsdeMarc-Aurde.

TRADUCTEURSET ÉDITEURSDE PLATON. .49

qui existeentre la philosophiede Platon et.celle

d'Aristote(! ), et de réfuter ceux qui soutenaient

l'identitédesdeuxsystèmes..ClaudeGaliondePergame(2),legrand théoricien

de la médecinegrecque,avaitétudiétous les sys-tèmesde philosophie,sur lesquelsses ouvragesfournissentdes renseignementsprécieux. Deux

d'entreeuxsont particulièrementintéressantspourl'étudede notrephilosophe l'un, composéde neuf

livres, est intitulé des Opinions<fNt~t)oc~e et

de Platon, pt est consacréà soutenirles opinionsde Platoncontrecellesde Chrysippeet autresphi-

losophes,relativementau siège de l'âme et à la

localisationde ses facultés. Le second est un

fragmentdont nous n'avonsque la version latine

de Gadaldini,qui lui donnepourtitre: F~~et:-<MM!tM7'~a"MMPlatonis,t)e~e yMa~Mofco~MteM-~M ~Mos~e ~enjB~ De!My!~?Mee~'eeM?'~<i!~M?!<MJ"/<!<OMMy!M<so/d'où iirésulte queGalienaurait écritquatremémoiressur lesdoctrinesphy-

siologiqueset médicalesde Platon(3). Lesscholies

(!) Euseb.,.PM~.ep.,XI,1,2, XV,4,9,etc. t3. Lesujetdel'ouvrageestindiqueparcesmotsqu'ontrouvedanslepre-mierdespassagesindiquésMpAtTo<'<~à~5~~p~TOT~wçi:&UMïtOVOt6<Tt!6U}Jt~OU<.

(2)Néeni3tapr.J.-Ch.(:) H faut mentionner encore le commentaire do Chatcidius

sur le Timée qui accompagne sa traduction latine de ce dia-

logue, éditée à Leyde, par J. Meursius, <6t7, et par J. Alb.

FabnciusMaBndesŒuvresdeS. ttippotytc, Hambourg. f7t8.On possède encore, inédit, dans la biMiothëquo Bodteienne, un

commentaire grec de Mich.Psettufi e!< T))<!MTMw!'}'uxo-

550 LES BIOGRAPHES,COMMENTATEURS,1..

proprement dites~ qu'on trouve dans toutes les

éditions de notre auteur, ont peu d'importance

philosophique: le contenu en est presque exclusive-

ment historique ou grammatical. Il est bon de sa-

voir que les scholies sur le Timée, qui forment

presque un ouvrage complet, dont le caractère et

l'importance dépassent de beaucoup ceux des scho-

lies, ne se trouvent que dans Ruhnken (1) et

l'édition de Bekker.

La langue de Platon, qu'avec un singulier pé-

dantisme Denys d'Halicarnasse ne trouvait pas su&

fisamment grecque, xdixto~oucot, avait été l'objet

de travaux Spéciaux. Un seul s'est conservé jusqu'à a

nous c'est le Glossaire de Timée, grammairien du

quatrième siècle, édité d'abord par Ruhnken, et

tout récemment par M. K. Fr. Hermann. Un autre

grammairien, nommé Boethus (2), cité avec éloge

par Photius, avait fait deux lexiques platoniciens,

intitulés l'un A~v rUctTM~Mv ~u\)~Y~ l'autre

F'

yoy(av. FabrtciÛ8,BtM<oj!A.yt'~c., t. !< c. t et t~, mentionne

encore comme commentateurs de Platon Adrasted'Aphrodisée,le Péripatéticien, cite par Porphyre (ad ~<o<M!t.BarMOM.,

). I, c. 5); Ëliën )ë Platonicien, cité dansie mêmeouvrage, LI,

3; Aristoclès de Pergame, Asclépiodote, cité par Olympiodore

(Mété.orol.,IV),et d'autres pour lesquels on pourra le consulter.

(t)ScAoK<ttM~a!<oK.,Leydë,1800.

(2) J'ignore quel est ce personnage; en tout cas il ne faut le

confondre avecaucun des philosophes qui portent cenom ni avec

le Stoïcien contemporain de Chrysippe, ni avec le Péripatéti-cien de Sidon, qui étudia avec Strabon(XtV, 2, 24)et futle dis-

ciple d'Andronicus, ni avec un autre Péripatéticien appelé Fla-

vius, personnageconsulaire, dont, le maitre, Alexandre de Da-

mas, vivait du temps de Marc-Aurèle (l6)-18o apr. J.-Ch.).

TRADUCTEURSET ËD)TEURSDE PLATON. 8Si

)TSp~fKvTtttB~tH~MTM.VtKTtOCOU~OV~~6MVUS Sont

tousiesdeuxperdus.La premièreédition complètede Platon a été im-

primée en 1813 par Alde Manuce l'ancien, et le

texte en a été revu par Marc Musurus, de Crète,dont nous avons parlé plus haut.

Après deuxéditions de B&le,l'une de 1S34,l'autre

de 1S36~est venue la belle impression d'Henri

Estienne, 3 vol.in-folio, Paris, 1878, qui est comme

le type de toutes les autres postérieures. Le savant

imprimeur et heflénistea fait d'heureuses et impor-tantes corrections au texte des Aides, aidé de la

version de Ficin et des observations critiques de

Jean Cornarius/ Malheureusementil a confiéla tra-

duction latine au péripatéticien de Serres qui a

distribué les dialoguesarbitrairement dans uneclas-

sificationpédantesque et scolastique, et, ce qui est

plus grave, n'a pas toujours compris et aide bien

rarement à comprendreson auteur.

L'édition des Deux-Ponts 1781-1787, a em-

prunté le texte d'Estienne, mais a repris la traduc-

tion de Ficin Tiedemann a fait précéder les dia-

logues de bons arguments. Les éditeurs subsé-

quents ont proSté des travaux de la critique mo-

derne, pour apporter des améliorations au texte, à

l'aide de la collationdes manuscrits. Je cite rapide-

ment l'édition de Bekker, 1816-1818 celle d'Ast,

1819-1832, accompagnéed'une nouvelle et excel-

lente traduction latine et de commentaires malheu-

reusement inachevés. Un ouvragedû à la science et

à la patiencede ce'docte critique, et qui est indis-

5'M LESBtOGRAPHKS,COMMENTATEURS,

pensable'pour l'intelligence du texte de Platon, est

sonZe.ï!'eoMP~o?M'eM?M,Leips., 3 vol., i83S-i838,où je voudrais qu'il eût fait entrer les noms pro-

pres (i).M..Stallbaum a publié, avecdes notes critiques;

deseomïnentairesetdespt'olegdmènes fort savants,mais peut-être quelquefois un peu longs, presquetous les dialogues de Platon. Il est regrettable qu'iln'ait pas fait entrer dans son plan les dialoguesin-

authentiques. Cette lacune a été conablëepar M.K.

Fr. Hermann, qui, dans l'editiou deTeubuer) a

donné tous les dialoguessuspects, les lettres, et y a

ajouté les scholiesgrecques, .l'introduction d'Albi-

nus et celled'Âlcinous, la vie de Platon par Olym-

piodore, l'Onomasticonde Timée, et-lesprolégomè-nes anonymesdont nous avonsparlé plus haut.

Enim un Français qui soutient l'antiquëhoMeurd'un nom illustre dans la typographie de notre

pays, M. AmbroiseFirmin Didot, a publié de 1846

ài8S6, en deu~volumes, une nouvelle

plète, accon~pagpe~d'uQe latine:, revue;ainsi que ?' texte ,p~J\IM, E. Gh. Schneider et

~R.-B..Hirseh'<~g.j (Les tra'duGtion~&ti'ues'ont dû être déjà mention-

nées plus I~ut je rappelleseulement qu'elles sont

dues à MarsSe-Ficin~JeanCornarius, de Serres et

Ast. La traduction allemande si justement célèbre

de Schleiermacher voit aujourd'hui sa réputation

(i) CettelacuneestremplieparlaProsopogrophiaPlatonicadeGroenVanPriMterer.

THADUCTEURSE'fËUFi'EURSDEPLATON.SS3

balancée par celle de M. H. Müller dont on vante

surtout les arguments, dus à la plume de M. K.

Steinhart(i). En France, la traduction de M. Cou-

sin, accompagnée de notes et d'arguments élo-

quents et profonds, comme elle était sans précé-

dents, est restée sans rivale. Je dis sans précédents,

comme traduction complète, car l'abbé Arnaud,

Dacier, Grou surtout, avaient traduit quelques

dialogues (2), sans compter des essais antérieurs,

par exemple, les traductions de laJ~M~Me, du

7'M~e, du fM~OM, du j?a?ï§'Me<, par Leroy, pro-

fesseur au Collége de France, qui ont paru au

seizième siècle, en iS59.

(t) Leips., 1850-1859..

(2) Maucroix en a traduit également quelques-uns, teS5. R.t-

ciae,àqui].'abbessed6FontevrM)t~ soeur deM'"° deMontespau,avait envoyé uae traduction du Banquet, avec pnere de la cor-

rigef.ainiamieux ja refaire en entier, sousprétexte que le style

de l'iitustre dame"étant <' admirable en y retouchant on

n'aurait fait que te gâter. Mais il n'aUa pas jusqu'au bout it

recula devantle discours d'Àlcihiade,q)M-M4n~tpas effarouché

la noble marquise, et s'arrêtaau dMCO~~KÊf~aque.»

TABLEDES~Ë~

Avertissement.~t.< t

PMmtMPARTIB.S<.Layte. t§2.LeCaractere. ~o§3. L'ËCo!e. 6<

DBCXt&MBpABTM.LesÉcritsdePlaton.S<.De1'authenticttédesécritsdeMaton. 7&2. ArgumentsanalytiquesdesDialogues.

î. LesDialogaesnonauthentiques.l.L'Alcyom. H72.L'AïMohas. tt8S.L'Eryxiasotil'EraststMte. no04.DUJaste. 121S.LeDëmodocus. 1226. LeSisyphe. <237.DelàVertu. H48.LesDiv!s!oM. M9.LesDéHnitiom. 1M

10.Les~YpacctMYttKtM. 1288tt.L'Htpparque. 13712.L'Atclbiadett. 13913.LesÀniants. 142

!r.LesDialoguesauthentiques.14.L'Htppiastt. t<416.LesLettres. 147l~I~ŒM~ 16517.LeMtnos. 1&7t8.LeThea.ges. 160

3S6 TABLEDjESMÂTtERËS.Pages.

f9. Le Lâches. 163

20. L'Ion. t66'~2~.L'AIc)Mad~T. 168

.22.hMn~ 172

"ï3.st8. :<(.t77~

24~;LëPrptago)'as.i. t81

~L~M~S~M~

~26.~L~p<~og1~~e~Socrate. Oi.

~M~~M~

~28f:~e;,G< s~

~29.~L~atK}~on. ~[.

:30.~Le']~at)n:h.~ï .I~~l2.

~3l~~)a~jl.t~ .:·F ~?o.

~f/33~Le:~h~tete. ~M4\~

.SopH~ .r~4~

~S.~Le~olitiq~ '268

.K~~Se~~Pàr~K~S~ ~Mo~

'r~S~M~ ~t~'

.M~;$ ~:318<~

~)~Steti% '32~

~di~M'PH~ '332~

.Leipht~S~ .346-

~'f~S~S~ ~358

~:ë43?~S~ `..i ~&

~?;B~~S~ .?~34~

L~J '?:i'Ï~S~ ~;B'~

?~' ,.S~Griti~S:ë~ç

"4M~

;3.(~~cMioo~~ U~~4 ~3~

.Og~ '46b~

~5.rqu~n!~a~t~

~~forme~a'~iatogue?~H. ~4M~j~

§~&D~i~p!ot~6Si~(}t~eLj{~[~~M~ 4ss

~7.p~&)~ti<)tt;MMcra~a~~ ~?'ob~

~~6<s)i'ME;BARN~&es:~iograpn~oth ,.iËdi-t~.

~ura~t~Mdu~uM~Ptatcm~ .)9~~

DBRÀtRtE ACAD:ËMtQ'JE DtDtER ET C'*

35,t!t)A<DESACGCSTtKS,S5

Ij~E~B~E

S.l.A~~MOI~~LI~E

'u~

~1~ D~LATiOTANTnIJT~J'J~M~~)~~M~U~~ouwMO~MMM~°É~~M'~F~QUR~SPANSLETEXTE

~a'~ ~M~MM~tNM~~mM~~M~.

.C~:P~BMMPÂRTtË6BE6PLAKtEB,[.~MAN~&t!MaRSFPSRMSA})nUi!TEa

]: ETMteUtHFfetTjOMMTAti~cm

'Ï'M~t<BB~.mMTf!tMetM~ LHVRB USÂGftB DANB LRB ARTS

E~C~O~ta\M~MTCtQU~ PRiNCIPAUR BUVYBNIRe t~t S<)KT ATTACHA

3''LE!ï~&GLE8POORpËRRntt'SRR

~SMT~M~ORE~JNPMNTr~eA1DRR A D$GOü'rHIR L8~NOH AIi9~·rLaN7t43

't.At))6t'u!nTt')NU'Ut<~RhMËR~

I'Ali,EDMOND ÂlïDOUIT

NonYEt.t.E EnrTMN, RsycE NT coXBJG~E

~P~ER~

.Y:M!B-tt;aMc~~t~wes~ ~5ft. ft:60

'y<<<'t~a~Ct)e~gr~aret<ott)r!éee~ 10

~'Rer& des,bétaaoiseilès'es!l'hïstoire et ta des plantes

te mieux app~prM~la~ deslihation sou titre indique. L'M-

Cu6ilqu'illa,r6SS~d les famillc's,son.tn,troducüondausvungrand~nomMMde~àisoc~~ .pourraient dispeasÈf d'en

dire davantage~si nous ne tenions, à propos'de cette nouvelle

~Irtion, à montrer le prix quejnoùs attachons à ces suiMges, en

2

.ATMS.~~B~L'HERBIER DES DEMOISELLES

Bt)t)!)))mM-t<ttt07p!anthe!M))tcnantc))tiMn50e)i6ortt()tH!Mtj)arMai[e

PrixilOfranOs.

LE MÊME,aveclesp!a.nohesco!orië6Savecsom:t66'MM.

ce. &t:;t révision de cet ouvrage &un savant qui s'est acquis un

légitime renom par ses travaux consciencieux et variés. Ainsi

revu et corrigé, dit M.Hoefor, en présentant l'.HcrMefdesDemoi-sellesau public, c'est un des livres à la fois les plus instructifs etles plus attrayants qu'on puisse mettre entre les mains desjeunes

personnes curieuses de connaître les beautésde la nature. Avec

ce guide, eiïes pourront se passer de maltre dans l'étude (tes

plantes,etentrer d'eUes'm6mes « dans ce temple sacro-saint,«pour y admirer, comme dit Montaigne, des statues non ouvréeswde mortelles mains.

< Maiscesstatues,silencieusement dioquentcs, itnestjffitpasdoles admirer, de.les contempler de loin, il faut les voir de prës, les

toucher, les sentir/les interroger. Et, dauscesinterrog'atoircsi'u-

hlimes, il importe de ne jamais prêter â la hafure des conceptions

qui ne sont pas celles du Créateur. C'estde la violation de cette

règle de conduite que sont nées, que naissent et que naîtront

toutes les erreurs.« Quel travail, quelle source d'inspirations que ce dialogue de

l'homme avec Dieu représenté dans ses œuvres! EfForçons-nousdonc d'en saisir toute la grandeur et tâchons, au milieu des mer-

veilles qui de toutes parts nous environnent et que souvent nousfoulons sous nos pas, tâchons, dans la mesure de nos forces, de

nous identifier avec la Pens6acréatrice d'où tout émane et au soin

de laquelle tout doit retourner.*