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Université CLAUDE-BERNARD. LYON1 INSTITUT DES SCIENCES et TECHNIQUES DE READAPTATION N° 1376 MEMOIRE présenté pour l’obtention du CERTIFICAT DE CAPACITE D’ORTHOPHONISTE L’ACQUISITION DU LANGAGE ECRIT CHEZ L’ENFANT SOURD IMPLANTE COCHLEAIRE : Apport du langage parle complete (lpc) Par ANNE Emmanuelle Maître du Mémoire COLIN Stéphanie Membres du Jury TRUY Eric BO Agnès MARTHOURET Martine Date de Soutenance Jeudi 6 juillet 2006 © Université Claude Bernard Lyon1 - ISTR - Orthophonie.

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Université CLAUDE-BERNARD. LYON1

INSTITUT DES SCIENCES et TECHNIQUES DE READAPTATION N° 1376

MEMOIRE présenté pour l’obtention du

CERTIFICAT DE CAPACITE D’ORTHOPHONISTE

L’ACQUISITION DU LANGAGE ECRIT CHEZ

L’ENFANT SOURD IMPLANTE COCHLEAIRE :

Apport du langage parle complete (lpc)

Par

ANNE Emmanuelle

Maître du Mémoire

COLIN Stéphanie

Membres du Jury

TRUY Eric

BO Agnès MARTHOURET Martine

Date de Soutenance

Jeudi 6 juillet 2006

© Université Claude Bernard Lyon1 - ISTR - Orthophonie.

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ORGANIGRAMMES

ORGANIGRAMMES

1- Université Claude Bernard Lyon1

Président Pr. GARRONE Robert

Vice-président CA Pr. ANNAT Guy

Vice-président CEVU Pr. MORNEX Jean-François

Vice-président CS M. GIRARD Michel

Secrétaire Général Pr. COLLET Lionel

1.1. Fédération Santé :

U.F.R. de Médecine Lyon Grange Blanche Directeur Pr. MARTIN Xavier

U.F.R de Médecine Lyon R.T.H. Laennec Directeur Pr. VITAL-DURAND Denis

U.F.R de Médecine Lyon-Nord Directeur Pr. MAUGUIERE François

U.F.R de Médecine Lyon-Sud Directeur Pr. GILLY François Noël

U.F.R d’Odontologie Directeur Pr. ROBIN Olivier

Institut des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques Directeur Pr. LOCHER François

Institut des Sciences et Techniques de Réadaptation Directeur Pr. MATILLON Yves

Département de Formation et Centre de Recherche en Biologie Humaine Directeur Pr. FARGE Pierre

1.2. Fédération Sciences :

Centre de Recherche Astronomique de Lyon - Observatoire de Lyon Directeur M. GUIDERDONI Bruno

U.F.R. Des Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives Directeur Pr. MASSARELLI Raphaël

I.S.F.A. (Institut de Science Financière et D’assurances) Directeur Pr. AUGROS Jean-Claude

U.F.R. de Génie Electrique et des Procédés Directeur M. BRIGUET André

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ORGANIGRAMMES

U.F.R. de Physique Directeur Pr. HOAREAU Alain

U.F.R. de Chimie et Biochimie Directeur Pr. PARROT Hélène

U.F.R. de Biologie Directeur Pr. PINON Hubert

U.F.R. des Sciences de la Terre Directeur Pr. HANTZPERGUE Pierre

I.U.T. A Directeur Pr. COULET Christian

I.U.T. B Directeur Pr. LAMARTINE Roger

Institut des Sciences et des Techniques de l’Ingénieur de Lyon Directeur Pr. LIETO Joseph

U.F.R. De Mécanique Directeur Pr. BEN HADID Hamda

U.F.R. De Mathématiques Directeur Pr. CHAMARIE Marc

U.F.R. D’informatique Directeur Pr. EGEA Marcel

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REMERCIEMENTS

REMERCIEMENTS

Je remercie Mademoiselle Stéphanie Colin, mon maître de mémoire, pour sa disponibilité, ses bons conseils et son soutien rigoureux.

J’adresse mes remerciements à tous les professionnels de santé, enseignants, parents et membres des associations qui se sont intéressés à mon sujet et m’ont permis d’entrer en contact avec les enfants sourds et leur entourage.

Je remercie vivement l’équipe éducative du Centre de l’Ouïe et de la Parole de Lyon, notamment le Dr Seiller, qui a coordonné mes rencontres avec les enfants sourds de Lyon, ainsi que Madame Gazel-Khlifi et Madame Chapoutier, orthophonistes, qui m’ont accueillie dans les Ecoles Croix-Luizet et Jules Verne à Lyon.

Je remercie de la même façon l’équipe éducative de l’Institut des Jeunes Sourds de Bourg-en-Bresse, et tout particulièrement Madame Laclais, directrice, Madame Cottin et Madame Praz, enseignantes spécialisées auprès des enfants sourds, qui m’ont gentiment accordé du temps et de l’intérêt.

Je suis particulièrement reconnaissante envers tous les enfants qui ont accepté de participer avec enthousiasme à mon étude.

Je remercie enfin ma famille et toutes les personnes qui me sont proches pour leur soutien, leur patience et leurs multiples conseils.

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SOMMAIRE

SOMMAIRE

Organigrammes ............................................................................................. 2

1- Université Claude Bernard Lyon1 ....................................................................2

Remerciements.............................................................................................. 4

Sommaire ..................................................................................................... 5

Introduction .................................................................................................. 8

PARTIE THEORIQUE...................................................................................... 10

Apprentissage du langage écrit chez l’enfant entendant ..................................... 11

1 - Lien entre la conscience phonologique et la lecture......................................11

2 - Modèles d’apprentissage de la lecture ..........................................................14

Apprentissage du langage écrit chez l’enfant sourd ........................................... 17

1 - Accès à la phonologie chez l’enfant sourd profond........................................17

2 - Acquisition du code écrit chez l’enfant sourd ................................................22

PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES.................................................................. 25

Problématique ............................................................................................. 26

Hypothèse................................................................................................... 27

EXPERIMENTATION ...................................................................................... 28

Population................................................................................................... 29

1 - Description générale.....................................................................................29

2 - Caractéristiques supplémentaires.................................................................30

Matériel et procédure.................................................................................... 33

1 - Habiletés phonologiques...............................................................................33

2 - Habiletés de lecture ......................................................................................35

3 - Habiletés d’écriture.......................................................................................36

4 - Habiletés lexicales ........................................................................................37

PRESENTATION DES RESULTATS.................................................................... 38

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SOMMAIRE

Implant cochléaire précoce : apport ou non d’une exposition précoce au LPC en métaphonologie, lecture, écriture et vocabulaire............................................... 39

1 - Habiletés phonologiques...............................................................................39

2 - Habiletés de lecture ......................................................................................40

3 - Habiletés d’écriture.......................................................................................42

4 - Habiletés lexicales ........................................................................................42

Discussion................................................................................................... 43

1 - Habiletés métaphonologiques .......................................................................44

2 - Habiletés en lecture ......................................................................................44

3 - Habiletés en écriture.....................................................................................45

4 - Habiletés lexicales ........................................................................................46

Profils d’enfants sourds implantés (précoces vs tardifs) exposés au LPC (précocement vs tardivement) ........................................................................................... 47

1 - Habiletés phonologiques...............................................................................50

2 - Habiletés de lecture ......................................................................................51

3 - Habiletés d’écriture.......................................................................................52

4 - Habiletés lexicales ........................................................................................54

Discussion................................................................................................... 54

1 - Habiletés métaphonologiques .......................................................................57

2 - Habiletés en lecture (recodage phonologique/ compréhension)...................57

3 - Ecriture .........................................................................................................58

DISCUSSION............................................................................................... 60

Discussion des résultats par rapport aux hypothèses de départ........................... 61

Limites de l’expérimentation .......................................................................... 63

Apport à la pratique orthophonique................................................................. 64

Conclusion .................................................................................................. 65

Bibliographie ............................................................................................... 67

ANNEXES.................................................................................................... 73

Annexe I : L’implant cochléaire ...................................................................... 74

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SOMMAIRE

Annexe II : Les clés du Langage Parlé Complété (LPC) ...................................... 76

Table des Illustrations................................................................................... 77

1 - Liste des Tableaux ........................................................................................77

2 - Liste des Graphiques.....................................................................................78

Table des Matières ....................................................................................... 79

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INTRODUCTION

INTRODUCTION

L’éducation des enfants sourds tend actuellement de plus en plus vers l’oralisme, notamment avec les progrès de l’implant cochléaire et sa diffusion de plus en plus étendue. L’approche rééducative consiste alors à utiliser principalement la voie auditive mais aussi la lecture labiale, les expressions faciales et les gestes naturels pour développer le langage oral comme moyen de communication.

Dans le but de favoriser une communication et une intégration optimales, les professionnels de la surdité ont à leur disposition différentes aides techniques et principes éducatifs qui peuvent être complémentaires tels que le français signé (qui permet de signer et d’oraliser en même temps, en utilisant les signes de la Langue des signes dans l’ordre syntaxique de la langue parlée), la lecture labiale, et le Langage Parlé Complété (LPC). Le LPC est un codage gestuel simultané à la parole crée par Cornett en 1967 afin de lever les ambiguïtés délivrées par la lecture labiale seule. Dans notre étude, nous nous intéresserons plus spécifiquement à cette dernière aide.

De plus en plus d’enfants sourds sont munis d’un implant cochléaire : 180 enfants de plus chaque année en France en bénéficient, ce qui porte le nombre d’enfants implantés à environ 1500 à l’heure actuelle (FFIC1, 2006). Aussi, il semble pertinent de s’intéresser désormais à l’évolution post-implantation de ces enfants, au niveau de leurs habiletés de communication et de langage, mais aussi au niveau du développement de capacités qui en découlent ou y sont reliées, comme celles du langage écrit. Les chercheurs n’ont commencé que récemment à étudier les effets de l’implant sur des aspects spécifiques du développement du langage, d’où notre intérêt à étudier la relation existant entre l’implant cochléaire et le langage écrit dans notre mémoire.

Plus spécifiquement, notre étude vise à déterminer dans quelle mesure la pose précoce d’un implant cochléaire peut favoriser chez l’enfant sourd le développement des représentations phonologiques nécessaires à l’apprentissage du code écrit et si le LPC, entrée phonologique pleinement spécifiée permettant une réception complète du message oral, pourrait constituer une aide complémentaire significative pour les apprentissages scolaires.

Après avoir présenté l’importance de la conscience phonologique au début de l’apprentissage de la lecture et les modèles théoriques d’acquisition de l’écrit chez l’enfant entendant, nous

1 FFIC, Fédération Française des Implantés Cochléaires - http://perso.wanadoo.fr/ffic/

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INTRODUCTION

aborderons l’apprentissage du langage écrit chez l’enfant sourd éduqué dans une perspective oraliste. Nous discuterons des avantages et inconvénients de l’implant cochléaire mais aussi des aides éventuelles telles que la lecture labiale et le langage parlé complété sur le développement du langage oral et écrit.

Notre expérimentation consistera à comparer le niveau de conscience phonologique, de lecture, d’orthographe et de vocabulaire d’enfants sourds munis d’un implant cochléaire et exposés ou non au LPC à celui d’enfants entendants de même âge chronologique, grâce à des épreuves testant diverses compétences liées à l’écrit. Les effets combinés ou indépendants de l’âge d’implantation (précoce vs tardif) et d’exposition au LPC (précoce vs tardif) seront examinés. Les résultats seront exposés, analysés et discutés dans une dernière partie.

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Chapitre I

PARTIE THEORIQUE

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Chapitre I - PARTIE THEORIQUE

La surdité résulte d’une diminution sensible de l’acuité auditive, causée dans le cas de la surdité profonde par des lésions irréversibles de la cochlée. Quand cette altération survient avant ou au début de la vie, elle entraîne une perturbation importante dans le développement du langage de l’enfant (Garabédian et al., 2003). Les informations auditives sont en effet pour l’enfant sourd soit absentes soit très limitées. Le spectre sonore environnant est réduit, notamment au niveau des fréquences aiguës, ainsi la parole et les différents éléments phonétiques qui la composent sont mal détectés ou le sont de manière incomplète. Plus globalement, la perception des éléments phonologiques permettant la construction du langage est altérée tant quantitativement que qualitativement. Afin de pallier en partie la baisse liminaire, l’audiophonologie développe des stratégies de réhabilitation permettant, grâce à un appareillage spécifique, de générer une sensation puis une perception auditive. Toutefois, même lorsque le sujet dispose d’un appareillage audioprothétique, les perceptions auditives restent amputées et déformées (Branchi, 2005) et la perception de la parole peut à son tour être dégradée (Transler, 2001).

Sachant que dans ce contexte peu d’enfants atteints de surdité profonde démontrent de bonnes performances en lecture, nous avons été amenées à nous interroger sur la manière dont l’enfant sourd acquiert le langage écrit. Les difficultés de perception des sons du langage entraînent en effet très souvent des perturbations dans le développement de certains pré-requis essentiels à l’apprentissage du code écrit, comme celui des représentations phonologiques. Le développement des habiletés requises sur le plan phonologique peut cependant s’opérer de façon multimodale. Quel effet l’implant cochléaire est-il alors susceptible d’avoir dans le développement des habiletés liées au langage écrit ? Et parallèlement l’apport qu’il représente est-il suffisant ou une aide complémentaire s’avère-t-elle nécessaire ?

APPRENTISSAGE DU LANGAGE ECRIT CHEZ L’ENFANT ENTENDANT

1 - Lien entre la conscience phonologique et la lecture

1.1. Définitions

La conscience phonologique est synonyme de la conscience de la structure segmentale de la parole, aboutissant à la conscience des phonèmes et de leur enchaînement dans la chaîne parlée (Brin, Courrier, Lederlé, & Masy, 1997).

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Chapitre I - PARTIE THEORIQUE

On distingue trois unités qui correspondent chacune à un niveau développemental de la conscience phonologique :

• la conscience de la rime tout d’abord, • puis la conscience de la syllabe, • enfin la conscience du phonème.

Le phonème est une unité abstraite de la chaîne parlée, soit un son, c’est-à-dire la combinaison de plusieurs traits articulatoires. Il est la plus petite unité du système alphabétique et sa conscience se développe parallèlement à l’apprentissage de la lecture.

(Fayol, Gombert, Lecocq, Sprenger-Charolles, & Zagar, 1992).

1.2. Accès à la phonologie

Comme les autres habiletés métalinguistiques, la conscience phonologique s’élabore à partir du langage oral, et de ce que l’enfant en perçoit (Gombert, 1990). Elle commence à se mettre en place dès l’âge de 3-4 ans, et se renforce progressivement jusqu’à l’apprentissage de la lecture. Dès cet âge, l’enfant entendant est capable de réfléchir sur la structure sonore des mots, indépendamment de leur sens. Il s’agit plus pour l’instant d’une sensibilité à l’aspect structural de la parole.

Vers 4 ans, l’enfant peut généralement identifier les rimes des syllabes, d’abord en position terminale, initiale puis médiane. A 5 ans, il est capable de segmenter les mots en syllabes. La conscience syllabique précède la conscience phonémique car la syllabe est une unité sonore prégnante sur le plan rythmique. Ainsi il est en mesure de dire « qu’on entend la même chose dans tartine et cuisine », que « télévision » est plus long que « radio » ou de trouver ce qu’il reste si on enlève la syllabe « ra » de « radis ». La sensibilité aux phonèmes est plus tardive. Chez certains elle peut être présente avant 6 ans, chez d’autres elle se développe en même temps que l’apprentissage de la lecture (Liberman, 1974). Progressivement, l’enfant accède alors à la conscience phonologique, et développe des capacités métaphonologiques lui permettant de manipuler consciemment les différentes unités phonologiques de la langue orale (ajouter, supprimer, ou substituer un phonème…), en passant d’une sensibilité phonologique implicite à une conscience phonologique explicite et automatique.

Tout en accédant à un niveau de conscience phonologique explicite, l’enfant élabore également un processus d’identification de mots. Cette évolution se réalise nécessairement par la découverte des relations entre l’oral et l’écrit, c’est-à-dire par la prise de conscience des

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Chapitre I - PARTIE THEORIQUE

rapports entre unités orthographiques et phonologiques (Casalis, 1997). L’enfant construit peu à peu un système de règles de déchiffrement qui lui permet de se constituer un répertoire d’unités orthographiques, rendant possible la reconnaissance progressive des mots.

1.3. La conscience phonologique : un pré-requis essentiel

à la lecture

Depuis une trentaine d’années, les travaux réalisés sur les mécanismes d’apprentissage de la lecture se sont accordés pour défendre l’idée que l’apprentissage du langage écrit « se construit sur la capacité à développer une connaissance phonologique des propriétés formelles de la langue parlée » (Mattingly, 1972, cité par Ecalle & Magnan, 2002). En effet, « l’analyse explicite des mots en unités phonologiques est indispensable pour comprendre le code alphabétique et par-là pour apprendre à lire » (Alegria, Leybaert, & Mousty, 1994, p. 106). De plus, « les habiletés phonologiques précoces prédisent la réussite dans l’acquisition de la lecture et favorisent cette dernière si elles sont entraînées » (p. 108). L’étude de Bradley et Bryant (1983) montre également que les capacités d’analyse phonologique mesurées chez des enfants vers l’âge de 4 ans sont prédictives de leur niveau de lecture et d’orthographe 4 ans plus tard.

L’acte de lire associe la reconnaissance et la compréhension, soit le déchiffrage et l’accès au sens (Gough & Tunmer, 1986 ; ONL, 1998). Pour reconnaître des éléments constituant le langage écrit, il faut entre autre disposer d’un système de médiation phonologique pour la conversion graphème-phonème. Pour comprendre, une bonne capacité de discrimination, d’analyse et de reconnaissance auditive des sons est nécessaire, afin d’avoir une représentation précise de la forme sonore des mots en mémoire à long terme. En d’autres termes, il existe une relation étroite entre les habiletés phonologiques et l’apprentissage de l’écrit (Ecalle & Magnan, 2002).

Depuis une trentaine d’années, les travaux réalisés sur les mécanismes d’apprentissage de la lecture chez l’enfant entendant se sont accordés pour décrire certains principes fondamentaux représentés sous forme de modèles cognitifs, qui ont mis en évidence l’importance de la médiation phonologique au début d’acquisition de la lecture.

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Chapitre I - PARTIE THEORIQUE

2 - Modèles d’apprentissage de la lecture

2.1. Modèle de traitement à deux voies de Marshall et

Newcombe (1973)

Ce modèle montre que deux voies sont utilisées en lecture : la voie phonologique et la voie lexicale. Ces deux voies reposent sur un traitement commun d’analyse visuelle graphique. Le lecteur les utilise de façon flexible et fonctionnelle.

A - Voie phonologique ou voie indirecte ou procédure

d’assemblage

En utilisant cette stratégie d’assemblage, le lecteur effectue une conversion graphème-phonème. Cette procédure analytique permet la lecture de mots nouveaux et de non-mots. Ces mots ne figurant pas dans le stock lexical visuel, le lecteur doit les segmenter en appliquant les règles de conversion graphème-phonème.

B - Voie lexicale ou voie directe ou procédure d’adressage

Lorsque le lecteur utilise la voie lexicale, il reconnaît globalement le mot ou la suite de lettres qu’il compare à son stock lexical visuel. Si cette suite de lettres ou ce mot est reconnu, sa représentation phonologique sera activée globalement dans le stock lexical phonologique. Le stock visuel se construit et s’enrichit au fur et à mesure des lectures. Cette voie directe permet la lecture de mots connus, qu’ils soient réguliers ou irréguliers.

Le fonctionnement de la lecture décrit dans ce modèle constitue une référence pour de très nombreux auteurs et praticiens. D’autres modèles aussi largement répandus ont également été proposés, sous la perspective développementale notamment.

2.2. Modèle développemental d’Uta Frith (1985)

Ce modèle, à la fois très utilisé et encore controversé, postule l’existence d’une suite de trois étapes pour acquérir la lecture. L’auteur décrit trois stades/types de lectures :

• stade logographique • stade alphabétique

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Chapitre I - PARTIE THEORIQUE

• stade orthographique

A - Stade logographique

La lecture logographique correspond au premier contact de l’enfant avec le langage écrit. Elle suit les étapes du simulacre d’écriture lorsque l’enfant commence à donner une signification aux mots.

L’enfant procède à un traitement global et uniquement visuel des mots. Pour cela, il utilise différents types d’indices :

• des indices contextuels, c’est-à-dire que l’enfant extrait des informations du contexte dans lequel se trouve le mot (forme, couleur, longueur). Par exemple, l’enfant reconnaît le mot Coca-Cola grâce à son étiquette rouge et blanche et à la forme globale du mot.

• des indices visuels saillants pris dans le mot lui-même, tels que certaines lettres ou configurations de lettres.

Certaines particularités permettent ainsi de deviner le mot. Il s’agit d’une mémorisation de la forme visuelle où l’enfant traite les mots comme des objets visuels et non linguistiques. Aucune analyse phonologique n’est effectuée, et l’ordre ou le changement des lettres n’est pas pris en compte. L’enfant ne peut identifier qu’un nombre limité de mots familiers qui appartiennent à son stock visuel, sans qu’aucune généralisation soit possible. C’est donc une pseudo-lecture, ne permettant pas à l’enfant de reconnaître les mots hors de leur contexte, ni d’identifier de nouveaux mots, ni d’extraire des lettres issues de mots connus pour la lecture de mots inconnus.

B - Stade alphabétique

L’enfant assimile progressivement les liens entre la langue écrite et la langue parlée. Il prend conscience que la parole peut être décrite comme une séquence linéaire d’unités non-signifiantes (les phonèmes), et que les caractères alphabétiques (les graphèmes) représentent ces phonèmes. La reconnaissance des mots s’effectue désormais par un traitement systématique et analytique basé sur le principe de conversion graphème-phonème, c’est-à-dire par l’assemblage de séquences de phonèmes en un mot signifiant. La médiation phonologique est ici centrale, et l’identité et l’ordre des mots sont déterminants. L’enfant est alors en mesure de lire des mots nouveaux, d’après le principe de la voie d’assemblage, et dispose d’une

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Chapitre I - PARTIE THEORIQUE

certaine autonomie pour poursuivre l’apprentissage de l’écrit. Il est aujourd’hui admis que la compréhension du principe alphabétique repose sur une bonne représentation des phonèmes de la langue (Ecalle & Magnan, 2002 ; Virole, 2001).

C - Stade orthographique :

Au fur et à mesure de l’automatisation des représentations phonologiques se constitue aussi un lexique orthographique. En effet, les capacités phonologiques ont aussi un rôle capital dans le processus de recodage, qui consiste à faire le lien entre un patron orthographique et une représentation sémantique. Dès lors, l’enfant reconnaît instantanément certains mots ou parties de mots sans passer obligatoirement par la conversion graphème-phonème. Il traite le mot sur la base de ses segments orthographiques et retrouve directement par adressage la forme phonologique correspondante. Autrement dit, les processus de lecture s’automatisent pour passer d’un traitement analytique à un traitement lexical. La structure phonologique des représentations lexicales est essentielle car les rapports entre structure interne et langue écrite sont rendus non-arbitraires grâce à la phonologie. Le lexique orthographique permet un accès au sens facilité et accéléré. En fin de cycle 2, l’enfant a donc plusieurs stratégies à sa portée pour lui permettre d’être un lecteur performant.

L’écriture s’inscrit également dans ce modèle développemental, de manière à la fois similaire et complémentaire avec la lecture. Lors du passage du stade logographique au stade alphabétique, c’est l’écriture qui va permettre de développer les capacités de lecture. Au cours du CP, l’enfant va en effet développer un système fondamental pour la lecture consistant à automatiser les liens entre la forme visuelle et leur correspondance sonore : il prend conscience qu’à un son correspond un graphème.

En l’absence de stimulation auditive, nous nous demandons si ces modèles sont pertinents auprès d’une population d’enfants sourds profonds. Qu’en est-il pour les enfants sourds qui viennent d’accéder au monde sonore grâce à la technologie de l’implant cochléaire, sachant qu’ils vivent une nouvelle expérience sonore ?

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Chapitre I - PARTIE THEORIQUE

APPRENTISSAGE DU LANGAGE ECRIT CHEZ L’ENFANT SOURD

1 - Accès à la phonologie chez l’enfant sourd profond

Du fait que la perception de la parole soit multimodale et qu’il existe différentes aides techniques proposées actuellement, les enfants sourds peuvent avoir accès à la phonologie. Dans cette perspective, nous nous intéressons plus particulièrement dans cette étude à l’implant cochléaire qui tend à se répandre de plus en plus parmi la population sourde, ainsi qu’aux aides visuelles que sont la lecture labiale et le Langage Parlé Complété (LPC).

1.1. L’implant cochléaire : une perception de la parole

incomplète ?

L’implant cochléaire est une prothèse auditive qui permet l’accès au monde sonore grâce à la stimulation de fibres nerveuses du nerf auditif, par le biais d’un récepteur externe et d’électrodes enroulées dans la cochlée (Cf. Annexe 1). Il est indiqué dans le cas de surdités profondes, caractérisées par une perte auditive de 90 à 120 dB. Beaucoup de professionnels s’accordent aujourd’hui pour dire que l’implant constitue un apport majeur concernant la possibilité d’accéder au monde sonore et de développer le langage et la parole (Garabédian et al., 2003) ; néanmoins, il ne s’agit pas là d’un accès à une audition semblable à celle de la personne entendante (Dumont, 1997). L’implant permet de recevoir un stimulus sonore pour chaque son, toutefois il ne restitue pas les sons tels qu’ils existent (Branchi, 2005).

Au niveau de l’audition, les seuils fréquemment relevés chez des patients implantés sont encore de l’ordre de 20 ou 25dB, et les réponses discriminatives à des tests de logatomes n’atteignent jamais le score de 100%. L’implant entraîne un nouveau codage du flux acoustique, fort différent de ce que le patient percevait auparavant. Dès lors, de nouveaux repères sont à développer. Les processus linguistiques et cognitifs s’établissant à partir de perceptions plurimodales, tout un transfert sensoriel reste alors à effectuer (Dumont, 1997).

La mise en place de l’implant nécessite un apprentissage, dépendant du niveau de langage et des stimulations antérieurs, et consistant à mettre du sens sur les informations qui parviennent au système central. A partir de ce moment, l’orthophonie joue un rôle central dans la rééducation sonore (Dumont, 1997).

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Chapitre I - PARTIE THEORIQUE

Il est désormais reconnu que l’implantation avant l’âge de 3 ans permet d’atteindre de meilleurs niveaux perceptifs, et de tirer le maximum de profit de l’implant de manière plus générale (Baumgartner et al., 2002 ; Mondain et al., 2002).

Garabédian et al. (2003) énoncent les faits suivants dans le cas de l’implant précoce :

• l’enfant commence par reconnaître, après quelques mois, des éléments supra-segmentaux de la parole tels que le rythme, la durée et l’intensité. Ensuite, après 1 ou 2 ans, il reconnaît des mots et des phrases simples en liste fermée, tandis que les capacités d’identification en liste ouverte se développent. Après 5 ou 6 ans, l’implant permet généralement d’avoir accès à l’ensemble d’une conversation courante.

• il a été relevé que 75% des enfants implantés avant 4 ans sont intelligibles quand ils commencent à s’exprimer oralement. Ces résultats sont encourageants mais nécessitent du temps et de l’apprentissage, la perception et la production de la parole de l’enfant sourd restent généralement pauvres dans les premières années d’implantation.

C’est à partir de ce qu’il perçoit de la parole que l’enfant va acquérir le langage oral. A ce sujet, Leybaert et al. (2005), montrent qu’il y aurait un lien étroit entre des scores à des tests de reconnaissance phonémique et le quotient de langage (rapport entre âge chronologique et âge langagier) chez des enfants sourds exposés à la communication orale. Au niveau du lexique et des représentations lexicales, les premières études, comme celle de Pisoni (2000, cité par Leybaert et al., 2005) montrent que la perception et la représentation des mots parlés pour les enfants implantés relèvent de catégories phonétiques peu spécifiées, reflétant leur incapacité à discriminer précisément les phonèmes sur le plan du voisement et du lieu d’articulation. Au moment d’aborder l’écrit, si l’enfant ne dispose pas d’un stock lexical suffisamment riche et bien construit sur le plan phonologique, l’organisation et l’arrangement structurel des mots ainsi perturbés seraient alors gênants pour identifier des mots écrits. Par exemple, les mots « lard, tard, marre, car, bord, batte, balle, etc » qui ne diffèrent que d’un seul phonème par rapport au mot-cible « bar », sont susceptibles de perturber la reconnaissance de ce dernier.

L’impact de la stimulation auditive de l’implant reste dans tous les cas limitée. Selon Juaréz-Sanchez (2004), le patient implanté doit « écouter » pour entendre. La perception auditive reste donc imparfaite, et présente encore des distorsions ou des confusions de sons.

Afin de compléter les informations auditives dégradées qu’il perçoit, l’enfant sourd implanté cochléaire a également la possibilité d’utiliser des indices visuels fournis par la lecture labiale.

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Chapitre I - PARTIE THEORIQUE

En favorisant la perception du message oral, la lecture labiale est-elle un support efficace sur le plan phonologique ?

1.2. La lecture labiale : une perception incomplète de

tous les contrastes phonologiques

La perception multimodale de la parole semble avoir un impact très positif pour les personnes sourdes, car elles utilisent beaucoup les informations visuelles entourant le visage du locuteur comme complément à la perception de la parole (Campbell, Dodd, & Burnham, 1998 ; Dodd & Campbell, 1987 ; Leybaert et al., 2005). Une étude de Tyler, Opie, Fryauf-Bertschy et Gantz (1992) a montré que l’information audiovisuelle bénéficiaient davantage aux enfants implantés que les informations provenant d’une seule source (auditive ou visuelle). Plus la durée d’utilisation de l’implant augmente, plus ces enfants développeraient des capacités de perception visuelle de la parole. La perception n’étant pas optimale via l’implant, comme le montre une étude de Leybaert et al. (2005) à propos de consonnes en set fermé, l’enfant va rechercher des indices visuels. Ces résultats penchent en faveur de l’utilisation de moyens visuels complémentaires à l’apport auditif pour favoriser la construction de représentations phonologiques.

La lecture labiale, qui consiste en la perception visuelle du langage oral à l’aide de la reconnaissance des mouvements des lèvres et des articulateurs de l’interlocuteur représente un moyen efficace de compléter le décodage d’un message auditif. Cette aide visuelle facilite d’ores et déjà l’accès aux représentations phonologiques. L’effet MacGurk (1976) est un exemple pertinent à ce sujet pour montrer que le canal visuel, à travers la lecture labiale, est effectivement une voie efficace, autre que l’audition, pour la construction de ces représentations chez l’entendant. La lecture labiale a effectivement été observée chez de très jeunes enfants entendants (Burnham & Dodd, 1996) et des enfants entendants de 4 à 6 ans (Massaro, 1987 ; MacGurk & MacDonald, 1976, cités par Ecalle et Magnan, 2002), par lesquels elle est traitée automatiquement.

Cependant, la lecture labiale dépend de la rapidité de la parole ou de certains facteurs extérieurs, comme l’éclairage, la distance, la visibilité du visage du locuteur (Lepot-Froment & Clerebaut, 1996). Elle ne permet pas de distinguer les sosies labiaux (tels que /p/, /b/ et /m/) ni les phonèmes non-visibles. Par exemple, les phonèmes /r/, /k/, /s/, /d/, /n/…se produisent sans mouvement des lèvres, mais par un mouvement de langue derrière les dents ou dans la partie antérieure de la cavité orale. Lorsqu’ils sont présents dans un mot il n’est pas possible à l’enfant sourd d’en percevoir l’existence. Ainsi le mot « joue » se voit « o » ou « ou », le mot

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Chapitre I - PARTIE THEORIQUE

« pourquoi » devient « poua » etc. Une étude de Mac Gurk et Mac Donald (1976) s’adressant à des entendants a également montré qu’ils pouvaient entendre /ba/ et voir /ga/, si bien qu’ils avaient l’impression d’avoir entendu /da/. En leur permettant simultanément d’entendre le son et de le voir sur les lèvres, ils percevaient finalement le son, ce qui suggère que la modalité visuelle influence ce que le participant perçoit oralement. Dans le cas où la lecture labiale ne serait pas compatible avec l’information auditive, soit celle délivrée par l’implant, elle pourrait modifier la perception du message délivré à l’oral, par un phénomène d’interaction audiovisuelle. Elle n’est jamais suffisante non plus pour apprendre de nouveaux mots. C’est davantage le contexte qui permet de compléter et de choisir parmi plusieurs possibilités de phonèmes. L’enfant labio-lecteur doit stocker dans sa mémoire les signaux les plus importants pendant que la phrase se déroule jusqu’à ce qu’une décision soit prise sur le sens général. La lecture labiale induit plus une recherche au niveau du contexte où intervient la signification du message qu’un véritable travail d’analyse et de déchiffrage au niveau de la phonétique articulatoire. Par un phénomène de suppléance mentale, l’enfant utilise ce qu’il a reconnu pour tenter de deviner ce qu’il ne perçoit pas (Branchi, 2005 ; Garabédian et al., 2003).

De plus, de bonnes capacités en lecture labiale découlent directement d’une bonne connaissance de la langue, du vocabulaire et de la syntaxe, ce qui n’est pas forcément le cas d’enfants entrant dans le monde sonore, voir dans le langage pour les plus jeunes (Branchi, 2005). L’acquisition d’éléments significatifs du langage demeure difficile. Avec la lecture labiale, il existe rarement de lien systématique entre mot et référent, ce qui freine le développement lexical. Par exemple, « papa » et « maman » sont des homophones en lecture labiale, ainsi qu’il en existe beaucoup d’autres, bien plus nombreux pour les sourds que pour les entendants. Les morphèmes grammaticaux, qui sont courts et donc peu visibles dans le flux de la parole en lecture labiale, restent également mal perçus (Lepot-Froment & Clerebaut, 1996).

Le développement du langage oral reste par conséquent limité dans le contexte de lecture labiale seule. La lecture labiale permet aux enfants sourds d’accéder à la phonologie mais elle ne permet pas le développement de représentations phonologiques précises et spécifiques (Leybaert, 1998 ; Leyabert & Alegria, 2003 ; Leybaert, Alegria, Hage, & Charlier, 1998).

Quel outil complémentaire serait alors utile pour distinguer tous les traits phonologiques ?

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Chapitre I - PARTIE THEORIQUE

1.3. Le LPC comme complément à l’implant cochléaire et

à la lecture labiale

Le code LPC, élaboré par Cornett en 1967, est un ensemble de gestes systématiques qui complète l’information perçue sur les lèvres en permettant de différencier les phonèmes qui se ressemblent et de visualiser ceux qui sont peu ou non visibles à la lecture labiale. Il complète la lecture labiale de façon naturelle en n’apportant que des informations discriminatoires. Il s’effectue au moyen de 8 configurations différentes des doigts pour représenter les consonnes et les semi-voyelles, et de 5 positions de la main autour du visage pour figurer les voyelles, en concomitance avec les mouvements labiaux (Cf. Annexe 2).

Le LPC permet ainsi la visualisation de tous les phonèmes, y compris ceux que la lecture labiale ne permet pas de percevoir. L’intégralité de la langue orale est alors accessible à l’enfant sourd et, de plus, avec une grande économie de moyens. Le LPC permet en effet de communiquer sans devoir être plus explicite sur la phonologie ou la morphologie que pour les personnes entendantes utilisant des signaux auditifs et visuels pour percevoir la parole (Virole, 2001). En conséquence, l’appropriation de la langue orale et de son expression se trouve facilitée, ainsi que l’apprentissage du vocabulaire et de la syntaxe (Branchi, 2005). En outre, le LPC offre à l’enfant la possibilité d’être exposé à une langue correcte et riche. Du fait de la nécessité de se faire comprendre sans délai, une grande majorité de parents ont généralement tendance à simplifier la langue qu’ils utilisent, sur le plan du vocabulaire et des tournures syntaxiques. Dans ces conditions, l’enfant comprend vite mais « apprend » une langue déformée, et lorsqu’à son tour il réemploie ce qu’il a perçu, il s’exprime dans une langue pauvre avec des phrases déstructurées et des mots déformés. En réhabilitant la perception visuelle de la parole, le LPC permet aux parents de l’enfant sourd et à toutes les personnes de son entourage d’éviter cette dérive.

D’ores et déjà, l’étude de Descourtieux, Groh, Rusterhotlz, Simoulin et Busquet (1999) indique, en ce qui concerne l’enfant implanté, que le LPC peut être un complément efficace à la lecture labiale et à l’audition pour l’aider à oraliser et à comprendre le langage oral, ou encore à développer un stock important de mots courants grâce aux voies auditives et visuelles associées. Geers (2003) a aussi mis en évidence que les performances en lecture des enfants sourds implantés précocement sont étroitement reliées aux compétences linguistiques ainsi qu’aux habiletés de production de la parole. Or, il est largement reconnu qu’un travail perceptif et favorisant l’instauration d’une communication efficace avant l’implantation sont

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Chapitre I - PARTIE THEORIQUE

essentiels pour obtenir de bons résultats, c’est-à-dire développer un bon niveau de langage : le LPC semblerait tout à fait indiqué ici.

Aussi le LPC pourrait apparaître comme un moyen efficace pour aider un enfant implanté cochléaire au niveau du développement du langage oral et des habiletés phonologiques, ce qui aurait ensuite une influence directe et bénéfique sur l’apprentissage du langage écrit.

En conséquence, la question est de savoir si un support tel que le LPC pouvait être un moyen efficace d’aider un enfant implanté cochléaire dans l’acquisition du langage écrit.

2 - Acquisition du code écrit chez l’enfant sourd

De manière générale, très peu de personnes ayant une surdité profonde deviennent de bons lecteurs ; en fin de scolarité, 60% des personnes sourdes lisent à un niveau de lecture inférieur à celui normalement acquis en quatrième année de primaire et ont d’importantes difficultés de communication (Chamberlain & Mayberry, 2000 ; Conrad, 1979 ; Harris & Moreno, 2006 ; Marschark & Harris, 1996 ; Musselman, 2002 ; Paul & Quigley, 1994). L’apprentissage de la lecture chez l’enfant sourd est problématique du fait de ses difficultés d’accès au langage oral. Comme chez l’enfant entendant, l’enfant sourd développe le langage oral, puis le langage écrit suivant un développement similaire (Virole, 2001) mais avec un délai plus ou moins important suivant l’histoire de la surdité, et une certaine variabilité interindividuelle (Garabedian, 2003). De manière générale, de nombreux auteurs s’accordent pour dire que l’acquisition du langage écrit serait sans doute facilitée pour l’enfant sourd oralisé par rapport à celui qui n’a pas baigné dans le langage oral (Leybaert & Alegria, 2003 ; Trezek & Malmgren, 2005).

Au niveau de la lecture, Virole (2001) énonce que de bonnes capacités métaphonologiques pourraient aider considérablement les enfants sourds dans l’acquisition de l’écrit, considérant l’écrit comme une « représentation graphématique de la phonologie » (p. 6). Cependant, d’après Leybaert (1993) les difficultés d’accès au langage oral perturbent le développement des habiletés phonologiques, et la plupart de leurs représentations phonologiques seraient sous spécifiées (Leybaert, 1998). De ce fait, la capacité à élaborer un système de correspondance graphème-phonème performant, principe nécessaire pour l’apprentissage d’un système d’écriture alphabétique, s’avère être limité. En faisant la synthèse des résultats de 52 expérimentations destinées à étudier quelles procédures sont utilisées par les personnes sourdes à l’écrit, des chercheurs ont observé que seulement 28,8% d’entre elles avaient recours à une procédure phonologique, tandis que 50% n’utilisaient pas de procédure

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Chapitre I - PARTIE THEORIQUE

phonologique et 21,2% présentaient des procédures ambiguës. L’étude de Charlier et Leybaert (2000) révèle par exemple que chez l’enfant sourd, le jugement de rimes est influencé par l’orthographe des mots, plus que par la façon dont ils se prononcent. Par exemple, la reconnaissance de rime sur la paire « chaise –fraise » est meilleure que pour la paire « tasse-glace », ce qui indique que le traitement de ces paires de mots est plus visuel que phonologique.

En ce qui concerne l’écriture, les productions des enfants sourds sont généralement le reflet de la parole et du niveau de langage. De ce fait, les difficultés en parole peuvent entraîner des erreurs à l’écrit, et si le niveau de langage oral est pauvre ou mal structuré, celui-ci se répercutera sur l’écrit.

De nombreuses études ont montré un effet positif du LPC sur des performances requises dans l’apprentissage du code écrit, et ce d’autant plus que les enfants y sont exposés précocement.

Nicholls et Ling (1982) postulent que le LPC améliore la perception et la compréhension de la parole. Lors d’une tâche d’identification de consonne dans une syllabe sans signification ou de mot en fin de phrase, des enfants exposés au LPC depuis 3 ans en milieu scolaire ont obtenu de meilleurs résultats (respectivement 83,5% et 96% de réponses correctes) quand le LPC était associé à la lecture labiale. En phonologie, Charlier et Leybaert (2000) ont montré que des enfants sourds pré-lecteurs exposés précocement au LPC présentent un niveau élevé de performances dans une tâche de détection de rime, semblable à celui des enfants entendant, indiquant qu’ils ont développé une certaine conscience phonologique ; Paire-Ficout, Colin, Magnan et Ecalle (2003) ont aussi démontré que l’exposition au LPC améliore la production de rimes chez ces enfants. Par ailleurs, l’étude de Colin, Ecalle, Magnan et Leybaert (2004) indique que le LPC a également des effets positifs en identification de mots écrits. Le nombre d’identifications correctes des enfants sourds exposés au LPC ne diffère pas significativement de celui des enfants entendants, contrairement aux enfants sourds sans LPC. Ceci suggère que le LPC serait utile à la mise en place de la procédure d’assemblage phonologique en début d’apprentissage de la lecture. En permettant de recevoir le message oral dans son intégralité, le LPC facilite aussi le développement d’un stock lexical (Beaune & Risse, 2001). D’après Hage (1994), il apporte toutes les informations phonologiques nécessaires à l’acquisition et à l’utilisation de la morphosyntaxe (marqueurs de genre, prépositions, articles). Par ailleurs, Leybaert et collaborateurs (2000 ; Colin, 2004 ; Leybaert & Lechat, 2001), montrent qu’il serait bénéfique aussi en orthographe. En effet, les enfants sourds utilisant le LPC sont capables d’utiliser un code phonologique pour orthographier des mots de différentes fréquences ; contrairement aux autres enfants sourds, ils commettent davantage

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Chapitre I - PARTIE THEORIQUE

d’erreurs phonologiquement correctes (exemple, écrire « trin » pour « train ») que d’erreurs phonologiquement incorrectes (exemple, « oquillage » pour « coquillage »).

Le LPC semblent donc constituer un apport important dans le développement de différentes composantes du langage, et ce d’autant plus que les enfants y ont été exposé précocement. Ces enfants développent notamment davantage de représentations phonologiques précises et précoces. Or, avoir des représentations phonologiques exactes est indispensable à l’acquisition du code écrit. Cet apport serait un pré-requis important dans l’acquisition de l’écrit pour les enfants sourds profonds, et donc supposément pour les enfant sourds implantés cochléaires.

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Chapitre II

PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES

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Chapitre II – PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES

PROBLEMATIQUE

La nouvelle technologie de l’implant offre aux enfants sourds l’accès au monde sonore et au langage, d’autant plus que l’implant ait été posé précocement avant l’âge de 3 ans (Garabédian et al., 2003). Néanmoins, elle ne peut résoudre toutes les difficultés liées à la privation d’audition et à ses conséquences car elle ne procure pas les mêmes sensations que les organes de l’audition normale. La discrimination des sons notamment ne semble pas optimale, ce qui peut avoir des effets sur l’apprentissage du langage écrit.

Un certain nombre d’études récentes précédemment évoquées, menées auprès d’enfants sourds profonds appareillés a montré un réel apport d’une exposition précoce au LPC dans l’acquisition de l’écrit (Nicholls & Ling (1982) ; Charlier & Leybaert (2000) ; Paire-Ficout, Colin, Magnan & Ecalle (2003) ; Colin, Ecalle, Magnan & Leybaert (2004) ; Hage (1994) ; Beaune & Risse (2001) ; Leybaert et al. (2000 ; Colin, 2004 ; Leybaert & Lechat, 2001)).

Ces données peuvent-elles être transposables à l’enfant sourd muni d’un implant : les bénéfices du LPC sont-ils les mêmes ? Présentent-ils certaines différences liées à l’implant ou au développement du langage qu’il initie ? Sachant que l’enfant implanté utilise des informations multimodales liées à la parole, quelle est plus précisément l’interaction entre l’implant et le LPC dans le développement des différentes habiletés langagières ? Comment se complètent-ils ? Quelle est l’interaction entre le vécu pré-implant (pose précoce vs tardive) de l’enfant sourd, les diverses stimulations qui ont pu lui être procurées sur le plan auditif et langagier et les nouvelles informations dont il dispose à présent ? Quelles en sont les conséquences au niveau du développement du langage écrit? Dans la littérature et à notre connaissance, aucune recherche n’a traité directement ces questions. C’est ce que nous nous proposons d’étudier dans cette étude.

Plus précisément notre étude vise à examiner l’apport du LPC (précoce vs tardif) dans l’acquisition du langage écrit chez l’enfant sourd implanté cochléaire. Nous souhaitons à travers cette recherche apporter d’une part, des précisions dans le domaine du langage écrit chez l’enfant implanté pour lequel trop peu d’études encore ont été réalisées, et d’autre part, aider les intervenants côtoyant les enfants implantés dans leur pratique, à savoir : les aider au mieux dans leur développement, y compris au-delà du problème auditif seul, c’est-à-dire comment agir de façon globale, comment associer les techniques actuelles de la manière la plus bénéfique possible.

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Chapitre II – PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES

Deux analyses seront menées à partir de notre protocole expérimental. En premier lieu, nous examinerons, grâce à une analyse de la variance, si parmi les enfants sourds munis précocement d’un implant cochléaire, les performances de ceux qui sont exposés précocement au LPC sont meilleures que celles des enfants exposés tardivement ou non au LPC et si elles ne diffèrent pas de celles des enfants entendants de même âge chronologique dans les différentes épreuves proposées (métaphonologie, lecture, écriture et vocabulaire).

En second lieu, nous étudierons à travers une analyse de déviance (Ramus et al., 2003, population dyslexique) les performances de chaque enfant sourd dans les différentes tâches proposées (métaphonologie, lecture, écriture et vocabulaire) par rapport à la norme entendante, en recherchant les facteurs pouvant être à l’origine de ces déviances ou susceptibles de distinguer les enfants sourds entre eux.

HYPOTHESE

Nous émettons l’hypothèse que le LPC représente un support significatif pour aider un enfant implanté cochléaire (IC précoce vs IC tardif) dans le développement des habiletés metaphonologiques, et dans l’acquisition du langage écrit. Plus précisément, le LPC viendrait soutenir l’implant dans la discrimination des sons, ce qui favoriserait alors l’acquisition du langage écrit, d’autant plus que les enfants y auront été exposé précocement.

D’une part, les enfants sourds implantés cochléaires précoces exposés très tôt et de façon intensive au LPC auront des résultats significativement supérieurs à ceux des enfants sourds implantés cochléaires précoces et exposés tardivement, peu ou non au LPC, et ne diffèreront pas de ceux des enfants entendants de même âge chronologique.

D’autre part, en comparaison avec le score moyen obtenu par les enfants entendants du groupe contrôle, les scores obtenus par les enfants implantés précoces exposés très tôt et de façon intensive au LPC (contextes familial et scolaire) seront moins déviants que ceux des autres enfants sourds sur l’ensemble des épreuves proposées.

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Chapitre III

EXPERIMENTATION

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Chapitre III – EXPERIMENTATION

POPULATION

1 - Description générale

Notre population se compose de 16 enfants sourds et de 16 enfants entendants de même âge chronologique ; les enfants sourds sont âgés en moyenne de 8 ans et 3 mois (S.D. : 6.2 mois) et les enfants entendants qui constituent notre groupe contrôle ont un âge moyen de 8 ans (S.D. : 4.2 mois).

L’ensemble des enfants sourds présente une surdité profonde, ayant été diagnostiquée avant l’âge de 1 an. Tous sont munis d’un implant cochléaire, et aucun d’entre eux ne présente de troubles associés à celui de la surdité. Ils suivent une scolarisation en intégration parmi des enfants entendants et sont tous nés de parents entendants. Dix enfants sourds ont été implantés précocement (âge moyen d’implantation de 3 ans; S.D= 9,8 mois) et 6 enfants sourds ont été implantés tardivement (âge moyen d’implantation de 6 ; 5 ans; S.D : 10,5 mois).

Parmi les enfants sourds implantés précocement (ICP), 5 enfants ont été exposés précocement au LPC (ICP LPC-P, âge moyen d’exposition de 2 ; 4 ans; S.D=19,6 mois) et 5 ont été exposés tardivement (ICP LPC-T, âge moyen d’exposition de 7 ; 4 ans; S.D=12,6 mois). Parmi les enfants sourds implantés tardivement (ICT), 2 ont été exposés précocement au LPC (ICT LPC-P âge moyen d’exposition de 2 ; 2 ans; S.D= 12,7 mois) et 4 ont été exposés tardivement au LPC (ICT LPC-T, âge moyen d’exposition de 7 ans; S.D=24,5 mois).

Tous les enfants de cette étude ont comme langue maternelle le français et sont éduqués dans une perspective oraliste. Ils sont de même niveau scolaire : les différentes épreuves leur ont été administrées en fin CE1 ou en début CE2.

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Chapitre III – EXPERIMENTATION

ICP LPC-P ICP LPC-T ICT LPC-P ICT LPC-T ENT ENT

Effectif (N) 5 5 2 4 5 16

Age

chronologique *

Moyenne

(Ecart type)

Rang

7 ; 9

(6, 4)

[7; 5-8; 7]

8 ; 1

(6, 4)

[7; 5- 8; 8]

8 ; 3

(6, 4)

[7; 9- 8; 7]

9 ; 2

(5, 5)

[8; 7- 9; 8]

8 ; 2

(5, 5)

[7; 5-8; 7]

8 ; 1

(4, 2)

[7; 5-8; 7]

Type de surdité

Profonde

Sévère/Profonde

5

0

4

0

2

0

3

1

Age pose IC *

Moyenne

(Ecart type)

Rang

3 ; 1

(9, 9)

[2 - 3 ; 9]

2 ; 9

(9, 6)

[2 - 4 ; 1]

7 ; 2

(9, 2)

[6 ; 7-7; 8]

5 ; 9

(11, 7)

[5 ; 1-7; 3]

Age exposition

LPC *

Moyenne

(Ecart type)

Rang

2 ; 5

(19, 3)

[0; 6-4 ; 8]

7 ; 5

(12 ,6)

[5 ; 9- 8; 8]

2 ; 3

(12, 7)

[1 ; 6- 3; 0]

7 ; 1

(24, 3)

[4 ; 8- 9; 8]

Tableau 1 : Caractéristiques des enfants sourds et entendants de la population.

* âge donné en année ; mois

Notre échantillon est restreint en raison des critères de sélection. En effet, l’implant cochléaire pouvant être encore considéré comme une technologie récente, il se trouve que les enfants implantés étant aujourd’hui en âge d’apprendre la lecture sont pour l’instant peu nombreux. En outre, peu d’entre eux bénéficient d’une exposition conséquente au LPC, car les approches thérapeutiques actuelles associent encore peu fréquemment cette technique à l’implant, qui présuppose une éducation principalement oraliste.

2 - Caractéristiques supplémentaires

Dans le but d’obtenir une description plus précise de notre population et compte tenu des données relevées dans la littérature quant aux variables interindividuelles pouvant avoir une influence sur le développement des habiletés phonologiques ainsi que sur l’acquisition du

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Chapitre III – EXPERIMENTATION

code écrit, nous avons demandé aux enseignants, aux orthophonistes ou aux parents de remplir un questionnaire nous permettant d’obtenir des renseignements sur :

• l’état civil de l’enfant • le niveau scolaire de l’enfant • la surdité • les types de communication pratiqués, dont la durée et les conditions d’exposition au

LPC selon les cas • le statut auditif des parents • la catégorie socioprofessionnelle des parents

Puis, nous avons fait passer des épreuves spécifiques visant à tester les compétences orales (perception – production) de chaque enfant.

Compétences orales :

2.1. - Perception de la parole

La perception de la parole a été évaluée grâce à une version adaptée du Test d’Evaluation de la Réception du Message Oral (ALPC/ CODALI, Busquet & Descourtieux, TERMO, 2003). En proposant cette épreuve, notre objectif était double ; d’une part, vérifier la réception des phonèmes dans des mots de langue française et d’autre part, tester la capacité à percevoir une suite de phonèmes dont l’enfant ne connaît pas la signification ; c’est grâce à cette dernière capacité que l’enfant pourra faire des apprentissages linguistiques par imprégnation. Contrairement au test de Busquet et Descourtieux (TERMO, 2003) qui comporte 5 modalités d’évaluation de la perception du message, seules deux modalités ont été choisies : audition et lecture labiale (1), puis audition associée à la lecture labiale et au LPC (2). Ces modalités s’avéraient être les plus pertinentes dans le cadre de notre recherche, du fait que les enfants auxquels nous nous adressons étaient éduqués dans un environnement oraliste. Ainsi, nous avons tenté par cette épreuve d’observer quelle modalité permet une meilleure perception, autrement dit si le LPC favorise la perception de la parole par rapport à la lecture labiale seule.

Ce test est composé de deux séries d’items, comportant chacune 5 mots et 5 pseudo-mots. Avant la passation du test, l’expérimentateur informe les enfants de la consigne à suivre : « je vais te dire des mots, tu vas essayer de les répéter, tu fais bien attention ». L’expérimentateur indique dans quelle modalité l’item à répéter était donné et précise que certains mots ne

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Chapitre III – EXPERIMENTATION

veulent rien dire ; l’enfant doit répéter le plus précisément possible ce qu’il perçoit sans chercher à comprendre la signification des items. Dans un premier temps, les deux séries d’items ont été présentée, la première avec la modalité : Audition + Lecture labiale (ALL) et la seconde avec la modalité : Audition + Lecture labiale + LPC (ALLcode). Dans un deuxième temps, ces deux mêmes listes ont été réutilisées en inversant les modalités. Cette procédure permettait d’éviter un biais dans l’analyse des résultats comme l’influence d’une modalité sur une autre.

Pour chaque modalité, l’expérimentateur relève le nombre de phonèmes correctement répétés et compare les résultats.

Les résultats obtenus par les enfants sourds sont inscrits dans le Tableau 2.

ICP LPC-P

N=5

ICP LPC-T

N=5

ICT LPC-P

N=2

ICT LPC-T

N=4

ALL

Moyenne

(Ecart type)

Rang

44.90

(4.50)

[37.30 – 49.00]

41.50

(5. 90)

[34.20 – 47.50]

45.20

(5.04)

[41.60 – 48.80]

36.20

(12.30)

[18.10 – 45.50]

ALLcode

Moyenne

(Ecart type)

Rang

48.40

(2.30)

[44.40 – 50.00]

34.80

(20.10)

[0.00 – 50.00]

49.60

(1.20)

[48.30 – 50.00]

40.20

(7.50)

[30.60 – 46.50]

Tableau 2 : Nombre moyen de phonèmes correctement perçus dans les modalités ALL et ALLcode –entre parenthèses, les écarts-types-

Une Anova non-paramétrique a été menée sur le nombre moyen de phonèmes correctement perçus avec le facteur Groupe (ICP LPC-P, IPC LPC-T, ICT LPC-P et ICT LPC-T) comme facteur inter-sujets. Au cours de la modalité ALL, nous n’observons aucune différence significative entre les 4 groupes d’enfants sourds : H (3,16)= 2.54 ; p=.47, de même que dans la modalité ALLcode : H (3,16)= 6.10 ; p=.11.

2.2. Intelligibilité de la parole (production)

L’échelle de Nottingham nous a permis d’obtenir un niveau d’intelligibilité de la parole. Il s’agit d’attribuer à la parole de l’enfant un niveau allant de 1 à 5. Pour cela, nous avons demandé aux parents ou à l’orthophoniste de situer l’enfant sur l’échelle suivante:

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Chapitre III – EXPERIMENTATION

1 2 3 4 5

• Niveau 1 : absence d’intelligibilité • Niveau 2 : quelques mots sont intelligibles • Niveau 3 : l’enfant est intelligible pour un auditeur qui prête attention et qui utilise la

lecture labiale • Niveau 4 : l’enfant est intelligible en contexte par des personnes averties • Niveau 5 : l’enfant est intelligible par tous.

Les résultats de cette évaluation figurent dans le Tableau 3.

ICP LPC-P

N= 5

ICP LPC-T

N= 5

ICT LPC-P

N= 2

ICT LPC-T

N= 4

Score

Moyenne

(Ecart-type)

5

(0)

4. 20

(1. 10)

5

(0)

3. 25

(1. 30)

Tableau 3 : Scores moyens d’intelligibilité des enfants sourds, en fonction des groupes -entre parenthèses, les écarts-types-

Une Anova non-paramétrique a été menée à partir des scores obtenus par les enfants sourds à l’épreuve d’intelligibilité de la parole, avec comme principal facteur : le facteur Groupe. Celle-ci n’indique aucune différence significative entre les 4 groupes d’enfants (ICP LPC-P, ICP LPC-T, ICT-LPCP et ICT LPC-T) : H (3,16)= 6.75 ; p>.05.

MATERIEL ET PROCEDURE

Diverses épreuves de phonologie, de lecture, d’orthographe et de vocabulaire ont été administrées :

1 - Habiletés phonologiques

Pour évaluer la capacité à prêter attention à la phonologie chez les enfants sourds de notre population, nous avons proposé :

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Chapitre III – EXPERIMENTATION

1.1. Trois épreuves d’analyse segmentale élaborées par

Colin (2004)

Epreuve 1 : suppression de l’attaque de la syllabe

Epreuve 2 : suppression du phonème initial au sein d’une attaque de deux consonnes

Epreuve 3 : suppression du phonème initial du mot

Le matériel comporte 120 mots monosyllabiques répartis de manière équitable dans les trois tâches. La liste complète des stimuli expérimentaux est présentée en Annexe 3. Chaque tâche comporte respectivement 2 séries d’entraînement et 6 séries expérimentales composées respectivement d’un item modèle, et de quatre items tests : la cible, deux distracteurs phonologiques et un distracteur sémantique.

Modèle Cible D. Phonologiques D.SémantiqueTâche 1 Crâne Âne Canne Panne Pied

Tâche 2 Front Rond Bond Pont Cil

Tâche 3 Vache Hache Verre Tache Lait

Tableau 4 : Exemples de séries expérimentales en fonction de la tâche de suppression phonémique

Lors de la passation des tâches expérimentales proprement dite, l’expérimentateur présente et nomme les quatre images tests sur lesquelles l’enfant doit opérer son choix, puis nomme le modèle ; l’enfant a pour consigne de supprimer le premier son du mot correspondant à l’image modèle et de désigner l’image test correspondant au mot transformé. Plus précisément, les consignes données sont les suivantes : dans la tâche de suppression de l’attaque de la syllabe : « Si j’enlève le son [br] au début du mot « brosse », il reste « os », cela ne fait pas « bras », ni « bosse», ni « peigne » ; si j’enlève le son [br] au début de « brosse », il reste « os » ; c’est la bonne réponse, il y en a qu’une seule». Dans la tâche de suppression du phonème initial au sein d’une attaque de 2 consonnes : « Si j’enlève le son [k] au début du mot « cruche », il reste « ruche », cela ne fait pas « règle », ni «bûche», ni « eau » ; si j’enlève le son [k] au début de « cruche », il reste « ruche » ; c’est la bonne réponse, il y en a qu’une seule». Dans la tâche de suppression du phonème initial : « Si j’enlève le son [b] au début du mot « bœuf », il reste « oeuf », cela ne fait pas « banc », ni « neuf», ni « viande » ; si j’enlève le son [b] au début de « bœuf », il reste « œuf » ; c’est la bonne réponse, il y en a qu’une seule ». L’avantage de ce matériel est qu’il ne nécessite pas

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Chapitre III – EXPERIMENTATION

des enfants une oralisation de l’item cible comme dans la tâche de détection d’unité commune présentée précédemment ; ici, une simple désignation suffit pour que la réponse soit validée. Avant chaque tâche, 2 essais sont présentés aux enfants. Pour faciliter la compréhension de chaque consigne, l’expérimentateur utilise l’écrit comme support : l’item modèle était écrit et compartimenté en deux parties : la partie à supprimer (premier son du mot) et la partie désignant le mot transformé (la cible). Durant la passation des séries expérimentales, le rappel des deux compartiments, si nécessaire, est effectué en précisant le son à supprimer dans le premier compartiment et en plaçant un point d’interrogation à la place de la réponse cible.

La variable dépendante est le nombre de séries expérimentales correctement traitées.

2 - Habiletés de lecture

Pour étudier les deux composantes principales de la lecture que sont l’identification de mots et la compréhension, nous avons utilisé :

2.1. une épreuve de recodage phonologique (Gombert,

1997).

Elle consiste à demander à l’enfant si des paires de mots et de pseudo-mots se prononcent de la même façon (ex : couleur/kouleur, prison/pirson). La consigne est la suivante : « Lis les deux mots dans ta tête. Si tu penses qu’ils se disent de la même façon, entoure « oui », sinon entoure « non ». Il faut aller vite, mais ce n’est pas important si tu ne vas pas jusqu’au bout. Fais du mieux que tu peux ». L’enfant doit ensuite traiter correctement le plus de paires de mots possible dans un temps limité.

La variable dépendante est le nombre de couples traités correctement. Le nombre de couples traités au total est également pris en compte.

Temps de passation : 2 minutes.

2.2. une épreuve de compréhension (Lobrot, 1973)

Ce test comporte 36 phrases. Pour chaque phrase, l’enfant doit choisir le mot final approprié parmi 5 options (ex : Je ferai la vaisselle demain matin car je suis fatigué et je préfère aller au (bout, loup, jour, lit, loin). Une première phrase d’entraînement est traitée par l’examinateur, puis trois autres sont réalisées avec l’enfant, en le faisant lire à haute voix. L’enfant dispose

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Chapitre III – EXPERIMENTATION

ensuite de 5 minutes pour réaliser le test seul, suivant la consigne « Entoure le mot qui va avec le reste de la phrase. Il faut aller vite, mais il faut faire bien ! Le but n’est pas de faire toutes les phrases. Je te dirai quand l’épreuve sera finie. » Le score est le nombre de phrases correctement complétées dans une limite de temps déterminée : 5 minutes ; il fournit une mesure générale de l’efficacité en lecture, incluant la capacité à reconnaître un mot écrit aussi bien que des habiletés lexicales et syntaxiques.

Le nombre de phrases traitées au total est également pris en considération.

3 - Habiletés d’écriture

Nous avons ensuite poursuivi l’étude du langage écrit grâce à :

3.1. une épreuve d’orthographe (Leybaert & Lechat,

2001)

Cette tâche d’orthographe se réalise à partir de dessins. Elle comporte 51 items, comportant chacun un graphème dominant ou un graphème non-dominant. Les graphies manipulées ici sont les suivantes : [s], [k] et [ain]. L’enfant a pour consigne de compléter par écrit les mots suggérés par un dessin ou par une petite phrase contextuelle. Un item d’entraînement est réalisé avec l’examinateur, qui donne pour consigne : « Je vais te montrer un livret avec des images. Regarde bien les dessins, et écris ce qui manque pour compléter le mot ».

Durée de la passation : environ 30 minutes.

La variable dépendante est le nombre total de graphies (dominantes et non dominantes) correctement orthographiées.

Concernant les 3 graphies testées, chaque graphème correctement orthographié est considéré comme une bonne réponse, indépendamment du reste du mot. Par exemple, « sairrure » est une réponse valide, dans la mesure où la réponse attendue est l’orthographe correcte du graphème [s]. Les erreurs au niveau des graphèmes sont répertoriées en 2 catégories :

- graphème phonologiquement adéquat (GPA), dans le cas où la prononciation du graphème mal orthographié est identique à celle du graphème-cible. Pour les graphèmes dominant (GD), les erreurs phonologiquement adéquates correspondent à l’emploi d’un graphème non-dominant (GND), (par exemple, « quamion » pour « camion », « cinge » pour « singe » ou « lapain » pour « lapin ») ; pour les graphèmes non-dominants, les erreurs phonologiquement

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Chapitre III – EXPERIMENTATION

inadéquates correspondent à l’emploi d’un graphème dominant (par exemple, « siel » pour « ciel », « coi » pour « quoi » ou « pin » pour « pain »).

- graphème phonologiquement inadéquat (GPI), dans le cas où la prononciation du graphème mal-orthographié est différente de celle du graphème-cible. Cette catégorie comprend les erreurs telles que les substitutions de phonèmes (par exemple, « pépé » pour « pépin » ou « souvercle » pour « couvercle », ainsi que tout autre sorte d’erreurs consistant en un changement dans la structure phonologique du mot par l’omission ou l’addition d’un ou plusieurs phonèmes (par exemple, « mian » pour « main » ou « sitieste » pour « sieste »).

En outre, il est observé si les erreurs de l’enfant correspondent à des mots français. La régularité orthographique est donc également prise en compte. Dans le cas d’une erreur phonologiquement plausible, l’erreur peut en effet respecter ou non les règles de l’orthographe d’usage, en s’inscrivant ou non dans une séquence de lettre existant dans la langue française. Par exemple, « srrure » ou « crrure » pour « serrure », « qutre »pour « quatre », « socsserole » pour « casserole » et « clél » pour « sel » sont des erreurs non orthographiquement plausibles.

4 - Habiletés lexicales

Le niveau de vocabulaire à été évalué grâce à l’EVIP (adaptation française du Peabody Picture Vocabulary test de Dunn, Thériault-Whalen, & Dunn, 1993). Cette épreuve apporte des renseignements sur une composante importante du langage oral, ainsi que sur les aptitudes scolaires. Le matériel de ce test se compose de deux séries (forme A et forme B) de 170 planches précédées de 5 planches d’entraînement. Chaque planche correspond à un item, qui consiste en quatre dessins en noir et blanc. Les items apparaissent par ordre de difficulté croissant. Il est demandé à l’enfant de désigner avec le doigt parmi les quatre images celle qui illustre le mieux la signification du mot cible prononcé à haute voix par l’examinateur. Après les planches d’entraînement, on commence la passation en fonction de l’âge de l’enfant en se référant à l’indication d’âge inscrite sur la feuille de réponse à côté des mots cibles. Il s’agit d’établir un item de base, soit la plus haute séquence de 8 bonnes réponses consécutives, et un item plafond, après 6 échecs dans une série de 8 items. A l’issue de la passation, on obtient un score brut en soustrayant le nombre d’échecs au numéro correspondant à l’item plafond. Ce score brut permet alors de déterminer un âge lexical.

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Chapitre IV

PRESENTATION DES RESULTATS

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

Les données recueillies ont fait l’objet d’un traitement statistique réalisé avec le logiciel Statistica. Deux analyses différentes ont été réalisées. La première a pour objectif d’examiner dans quelle mesure le LPC précoce représente un apport significatif dans l’acquisition de l’écrit chez l’enfant disposant d’un implant cochléaire précoce. La seconde a pour visée d’aller au-delà des groupes en mettant en exergue des profils différents et/ou similaires d’enfants implantés cochléaires (pose précoce vs tardive) et exposés au LPC (exposition précoce vs tardive) et ainsi de proposer des remédiations possibles.

IMPLANT COCHLEAIRE PRECOCE : APPORT OU NON D’UNE EXPOSITION PRECOCE AU LPC EN METAPHONOLOGIE, LECTURE, ECRITURE ET VOCABULAIRE.

Pour valider ou confirmer notre première hypothèse selon laquelle l’exposition précoce au LPC pouvait avoir un effet positif sur les compétences des enfants sourds implantés cochléaires précoces en métaphonologie, lecture, écriture et vocabulaire, nous avons comparé les scores obtenus aux différentes épreuves par les 2 groupes d’enfants sourds (ICP LPC-P vs ICP LPC-T) et le groupe contrôle restreint de 5 enfants entendants (choisis au hasard dans notre échantillon de base, ENT). En raison du faible nombre d’enfants par groupe (N= 5), nous avons réalisé une analyse de la variance non paramétrique et utilisé le test de Kruskal-Wallis. Lorsque les résultats de cette analyse indiquaient une différence significative entre les groupes, nous utilisions le test U de Mann-Whitney pour comparer les groupes deux à deux et ainsi déterminer quel(s) groupe(s) différai(en)t des autres.

1 - Habiletés phonologiques

1.1. Tâches de suppression phonémique

Le nombre moyen de séries expérimentales correctement traitées observé selon les groupes et les différentes tâches est présenté dans le Tableau 5.

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

Enfants sourds implantés précoces (ICP) Enfants entendants

LPC précoce (LPC-P) LPC tardif (LPC-T) ENT

Séries correctement

traitées

Moyenne

(Ecart type)

16.80

(2.20)

14.20

(3.60)

16.60

(2.10)

Tableau 5 : Nombre moyen de séries expérimentales correctement traitées (max : 18) en fonction des groupes –entre parenthèses, les écarts-types-

L’Anova non paramétrique menée principalement avec le facteur Groupe ne révèle aucune différence significative (p=.14) entre les 3 groupes d’enfants (ENT, ICP LPC-P et ICP LPC-T) dans l’épreuve de suppression phonémique. Néanmoins, le test post hoc (Test U de Mann-Whitney) montre un effet marginalement significatif de l’âge d’exposition au LPC sur les compétences de suppression phonémique (U=4,50 ; p=.09). Les enfants sourds ICP exposés précocement au LPC tendent à avoir de meilleures performances (m=16.80) que ceux exposés tardivement au LPC (m=14.20). Aucune autre différence significative n’est observée entre les différents groupes (p>.10)

2 - Habiletés de lecture

2.1. Epreuve de recodage phonologique

Les résultats obtenus par chaque groupe à cette épreuve sont inscrits dans le Tableau 6.

Enfants sourds implantés précoces (ICP) Enfants entendants

LPC précoce (LPC-P) LPC tardif (LPC-T) ENT

Score

Moyenne

(Ecart-type)

20.00

(11.10)

11.20

(4.70)

20.60

(4.50)

Tableau 6 : Nombre moyen de couples de mots correctement traités en 2 minutes en fonction des groupes –entre parenthèses, les écarts-types-

Une Anova non paramétrique a été conduite avec comme principal facteur : le facteur Groupe. Celle-ci nous indique une différence significative entre les 3 groupes d’enfants (sourds et entendants) dans la tâche de recodage phonologique : H (2,15)=6,39 ; p=.04 ; afin de

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

déterminer quel(s) groupe(s) diffère(nt) des autres groupes, une analyse post hoc (Test U de Mann-Whitney) a été réalisée sur les différentes moyennes obtenues par les groupes. Cette analyse montre un effet marginalement significatif de l’âge d’exposition au LPC sur les compétences de recodage phonologique (U=4.50 ; p=.09). Les enfants ICP LPC-P (m=20.00) ont en effet de meilleures performances que les enfants ICP LPC-T (m=11.20). En outre, on observe une différence significative entre les enfants sourds ICP LPC-T et les enfants entendants (U=1.00 ; p=.01), alors que les résultats des enfants sourds ICP LPC-P ne diffèrent pas significativement de ceux obtenus par du groupe contrôle entendant (m=20.60) (p=.46).

2.2. Epreuve de compréhension

Le nombre moyen de phrases correctement traitées par les différents groupes en 5 minutes est présenté dans le Tableau 7.

Enfants sourds implantés précoces (ICP) Enfants entendants

LPC précoce (LPC-P) LPC tardif (LPC-T) ENT

Score

Moyenne

(Ecart type)

15.20

(11.50)

8.00

(4.40)

14.60

(3.80)

Tableau 7 : Nombre moyen de phrases correctement complétées (max : 36), en fonction des groupes -entre parenthèses, les écarts-types-

L’Anova non paramétrique que nous avons menée sur le nombre moyen de phrases correctement complétées avec comme facteur principal : le facteur Groupe, n’indique aucune différence significative entre les 3 groupes d’enfants concernant la tâche de compréhension de phrases (p=.28). Cependant, le test post hoc (Test U de Mann- Whitney) réalisé sur les moyennes des différents groupes révèle qu’il existe un effet significatif entre les groupes d’enfants sourds ICP LPC-T et d’enfants entendants sur les compétences de compréhension écrite (U=3.50 ; p=.06). Les enfants sourds ICP LPC-T présentent des performances moyennes significativement moins élevées (m=8.00) que les enfants entendants (m=14.60) ; aucune autre différence significative n’est observée ; les performances moyennes des enfants sourds ICP LPC-P (m= 15.20) ne diffèrent de celles des enfants entendants (p=.68) et des enfants sourds ICP LPC-T (p=.40).

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

3 - Habiletés d’écriture

3.1. Epreuve d’orthographe

Les données recueillies lors de cette tâche figurent dans le Tableau 8.

Enfants sourds implantés précoces (ICP) Enfants entendants

LPC précoce (LPC-P) LPC tardif (LPC-T) ENT

GD 22.90

(3.70)

20.40

(5.30)

25.60

(0.90)

GND 16.30

(9.80)

18.30

(4.50)

17.10

(5.30)

Total G:

GD + GND

39.30

(11.00)

38.70

(9.30)

42.70

(5.40)

Tableau 8 : Nombre moyen de graphies correctement orthographiées (G, max : 51) en fonction du type d’item (graphie dominante (GD, max : 27) vs graphie non-dominante (GND, max : 24))

et des groupes -entre parenthèses, les écarts-types-

Une première Anova non paramétrique (test de Kruskal-Wallis) a été menée sur le nombre moyen total de graphies correctement orthographiées avec le Groupe (ENT, ICP LPC-P et ICP LPC-T) comme facteur principal. Cette analyse ne révèle aucun effet significatif du facteur Groupe (p=.69). Aucune différence significative n’est également observée entre les groupes pris deux à deux lorsque nous utilisons le test U de Mann-Whitney (p>.05).

Le même pattern de résultat est observé lorsque les analyses portent sur les variables dépendantes : GD et GND. Les performances des trois groupes d’enfants sourds et entendants ne diffèrent pas significativement (p>.05).

4 - Habiletés lexicales

Les scores bruts moyens et âges lexicaux obtenus lors de la passation de ce test figurent dans le Tableau 9.

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

Enfants sourds implantés précoces (ICP) Enfants entendants

LPC précoce (LPC-P) LPC tardif (LPC-T) ENT

Score brut

Moyenne

(Ecart type)

Age lexical*

Moyenne

Rang

75.40

(36.03)

6 ; 9

[3; 6 -11; 6]

63.20

(12.90)

5 ; 10

[4 ; 8-7 ; 6]

96.80

(6.80)

8 ; 9

[8 ; 1-9; 6]

Tableau 9 : Score brut moyen et âge lexical des différents groupes -entre parenthèses, les écarts-types-

*âge en années; mois

L’analyse Anova non-paramétrique conduite sur les scores bruts des différents groupes indique un effet marginalement significatif du facteur groupe : H (2.15)=5.59 ; p=.06. Le test post hoc (Test U de Mann-Whitney) montre une différence significative (U=0 ; p<.009) entre le groupe d’enfants sourds exposés tardivement au LPC (« ICP LPC-T », m= 63.20) et celui des enfants entendants (m=96.80) alors que les résultats des enfants sourds ICP LPC-P (m=75.40) ne diffèrent pas significativement de ceux des entendants (p=.25) ; aucune différence significative n’est observée entre les 2 groupes d’enfants sourds (p=.60).

DISCUSSION

La visée de cette première analyse était d’examiner l’apport d’une exposition au LPC (précoce vs tardive) chez l’enfant sourd implanté cochléaire précoce dans différentes épreuves (métaphonologie, lecture (recodage-compréhension), écriture et vocabulaire).

Les résultats ont montré que l’implantation précoce et l’exposition précoce au LPC étaient des facteurs significatifs pour aider les enfants sourds profonds dans la perception de la parole, ainsi que dans le développement des habiletés métaphonologiques, de recodage phonologique en lecture et de compréhension du langage écrit, et enfin dans le développement des habiletés lexicales. Seuls les résultats observés dans l’épreuve d’orthographe n’ont pas montré de différence significative quant à l’apport du LPC.

De manière détaillée, voici ce que révèle chaque épreuve :

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

1 - Habiletés métaphonologiques

La passation des épreuves de suppression phonémique avait pour objectif d’examiner la capacité des enfants sourds implantés précoces à analyser de façon consciente les mots oraux en leurs constituants phonémiques. Les résultats montrent que les enfants sourds comme entendants ont obtenu de très bons résultats : il se pourrait à ce propos qu’un certain effet plafond soit lié à ces épreuves, expliquant ainsi l’absence de différence significative entre les 3 groupes. Dans le cas des enfants sourds, nous pensons que l’implant cochléaire précoce est un apport significatif leur permettant d’obtenir des résultats proches de ceux les enfants entendants sur le plan metaphonologique. Ceci rejoint les données de la littérature énonçant que l’implant précoce présente un effet bénéfique sur le développement des capacités metaphonologiques (Baumgartner et al., 2002 ; Garabédian et al ., 2003 ; Mondain et al., 2002). De plus, lorsque nous comparons les groupes 2 à 2, les résultats mettent en exergue l’apport de l’exposition précoce au LPC car une différence a été observée entre les 2 groupes d’enfants sourds (LPC-P vs LPC-T). Le LPC pourrait donc représenter une aide supplémentaire dans la réussite de ces tâches, en complément de l’implant précoce.

2 - Habiletés en lecture

2.1. Epreuve de recodage phonologique

Cette épreuve avait pour objectif d’évaluer les compétences de recodage phonologique entre des paires de mots ou de pseudo-mots. Pour réussir cette épreuve, l’enfant devait avoir nécessairement recours à la voie d’assemblage, pour distinguer par exemple le mot « énergie » du pseudo-mot « énerjie ». Nous connaissons les difficultés habituelles des enfants sourds profonds en général pour utiliser cette voie de façon efficace et spontanée (Transler, 2001), dues notamment à leurs représentations phonologiques sous-spécifiées (Leybaert, 1998). Or, dans la présente étude et conformément à notre hypothèse, les résultats indiquent que les performances des enfants sourds profonds ICP LPC-P (m=20.00) sont plus élevées que celles des enfants sourds ICP LPC-T (m=11.20) et ne diffèrent pas significativement de celles des enfants entendants (m=20.60) contrairement à celles des enfants sourds ICP LPC-T. Ces résultats vont dans le sens que le LPC précoce permet le développement de représentations phonologiques précises et précoces indispensables pour la mise en place d’une procédure d’assemblage phonologique efficace. Cette épreuve faisait également entrer en jeu la capacité d’automatisation de la lecture, qui s’acquiert au fur et à mesure que l’enfant devient de plus en plus performant face au langage écrit. Vu que les

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

enfants sourds implantés précoces exposés précocement au LPC ont obtenu de meilleurs scores que ceux exposés tardivement dans les 2 minutes imparties, nous pensons que le LPC précoce, en facilitant le développement de représentations phonologiques précises favorise aussi par conséquent ce processus permettant de devenir un lecteur performant. Il se pourrait que les enfants exposés tardivement au LPC soient aussi en train construire des habiletés plus ou mois précises sur le plan phonologique, la construction des représentations phonologiques étant moins efficace chez les enfants sourds exposés tardivement au LPC, mais ces derniers ne peuvent pour l’instant en tirer profit pour une lecture automatique, alors qu’elle aurait été nécessaire pour pouvoir réaliser de bonnes performances dans cette épreuve.

2.2. Epreuve de compréhension

Cette épreuve avait pour objectif de tester les compétences de compréhension en lecture, à partir de phrases écrites. Les résultats indiquent que seuls les enfants sourds ICP non exposés précocement au LPC présentent des performances significativement inférieures à celles des enfants entendants. Aucune autre différence significative n’a été observée entre les groupes d’enfants sourds et entendants. Ces résultats suggèrent que l’exposition précoce au LPC permet aux enfants sourds implantés d’atteindre un niveau de compétences en compréhension plus proche de celui de la norme entendante que dans le cas de l’exposition tardive. La dispersion des scores relativement importante au sein du groupe ICP LPC-P permet d’expliquer qu’aucune différence n’ait pourtant été observée entre les 2 groupes d’enfants sourds.

3 - Habiletés en écriture

3.1. Epreuve d’orthographe

Cette épreuve avait pour objectif d’évaluer les performances des enfants à orthographier des parties de mots en fonction de graphies dominantes ou non-dominantes dans la langue française. Elle permettait d’observer si les enfants sourds implantés utilisaient des indices phonologiques ou orthographiques pour écrire. Les résultats obtenus n’ont pas montré de différence significative entre les 3 groupes (LPC-P, LPC-T et ENT), ni entre le type d’items présentés (comportant des graphies dominantes : GD vs des graphies non dominantes : GND).

De manière générale, tous les enfants sourds présentent ici de bons scores en orthographe, proches de ceux obtenus par les enfants entendants. Il est difficile de déterminer l’influence exacte du LPC dans cette tâche, car les résultats des enfants sourds sont similaires dans le cas

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

de l’exposition précoce au LPC comme dans celui de l’exposition tardive. Nous pensons par ailleurs qu’il est important de considérer principalement l’effet bénéfique de l’implant cochléaire dans la réussite de cette épreuve. En effet, tous les enfants ayant été implantés précocement semblent avoir développé de bonnes capacités de conversion graphème-phonème à l’image des enfants entendants. Dans les épreuves de lecture précédentes comme dans cette tâche d’écriture, cette habileté semble fonctionner de manière efficace dans les 2 sens : du graphème vers le phonème, et du phonème vers le graphème, ce qui leur a permis en outre de développer un bon stock de représentations phonologiques et orthographiques en mémoire. L’implant, en permettant une meilleure réception du message oral, peut avoir également facilité le développement d’un stock lexical riche et varié, constituant un atout supplémentaire pour l’orthographe.

4 - Habiletés lexicales

Cette épreuve avait pour visée d’évaluer le niveau de vocabulaire des enfants, afin de pouvoir mettre celui-ci en relation avec les performances relatives aux habiletés langagières et au code écrit observées dans les autres épreuves administrées, car nous savons qu’il existe un lien étroit entre ces diverses compétences. Un effet marginalement significatif a été constaté entre les 3 groupes. Seuls les enfants implantés précoces exposés tardivement au LPC ont présenté des scores significativement différents de ceux des entendants. Ceci suggère que l’exposition précoce au LPC est également une aide dans le développement des habiletés lexicales, en comparaison à l’exposition tardive. En effet, comme l’ont évoqué Beaune et Risse (2001), on peut penser que la réception du message oral dans son intégralité, et ce depuis le plus jeune âge, participe activement à la construction du stock lexical chez l’enfant sourd implanté, ce qui se répercute aussi favorablement sur l’écrit.

De manière générale, le LPC précoce semble donc constituer un apport important dans l’acquisition du langage écrit chez l’enfant implanté cochléaire précoce. En premier lieu, il contribue à une bonne perception de la langue orale, si l’on se réfère aux résultats des enfants sourds dans l’épreuve préliminaire de perception de la parole. Dès lors, ces enfants sourds implantés ont certainement pu développer de meilleures habiletés en langage oral que les enfants exposés tardivement au LPC, et ainsi de meilleures habiletés phonologiques. Ayant développé très tôt des représentations précises et spécifiques des phonèmes de leur langue, la mise en place de la conversion graphème-phonème (CGP) s’est trouvée facilitée, expliquant leurs bonnes performances dans l’épreuve de recodage phonologique. Il se pourrait en effet que lors de l’apprentissage de la lecture, les enfants ICP LPC-P aient déjà développé une organisation phonologique implicite et structurée, et que leur attention soit alors allouée plus

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

spécifiquement aux apprentissages explicites comme la CGP (Gombert, 2003). Ceci aidant à l’identification des mots, le coût cognitif demandé simultanément pour l’analyse lexicale et syntaxique lors de la lecture de phrases fut sans doute moins important que dans le cas des enfants sourds exposés tardivement, permettant finalement une meilleure compréhension.

Cette analyse montre que la manière dont sont organisées précocement en mémoire les représentations phonologiques est importante dans la réussite de l’apprentissage de la lecture. L’effet bénéfique de l’exposition précoce révélé par notre expérimentation rejoint les données de la littérature selon lesquelles le LPC précoce, contrairement au LPC tardif, permet à l’enfants sourd de disposer d’une quantité et d’une qualité satisfaisantes de représentations phonologiques, ainsi que d’une expérience linguistique précoce (Leybaert, 1998), le tout étant favorable au développement du langage oral puis écrit.

D’un point de vue général, il semble donc que l’exposition précoce à une entrée phonologique bien spécifiée telle que le LPC constituerait un facteur critique (pré-requis) quant au développement des habiletés phonologiques et à l’acquisition du langage écrit, en début d’apprentissage, et ce notamment dans le cas d’enfants sourds disposant d’un implant cochléaire précoce.

Afin d’aller au-delà de l’analyse de groupe, nous avons ensuite réalisé une analyse de la déviance à partir des scores des enfants sourds en référence à la norme des entendants, dans l’objectif d’établir des profils différents et/ou similaires d’enfants implantés cochléaires (pose précoce vs tardive) et exposés au LPC (exposition précoce vs tardive).

PROFILS D’ENFANTS SOURDS IMPLANTES (PRECOCES VS TARDIFS) EXPOSES AU LPC (PRECOCEMENT VS TARDIVEMENT)

Dans cette analyse, nous avons établi des profils en cherchant à déterminer 1/ quel(s) enfant(s) sourd(s) implanté(s) cochléaire(s) présente(nt) un score déviant par rapport au score moyen des enfants entendants dans les différentes épreuves proposées au cours de l’étude (phonologie, lecture, écriture, vocabulaire) et 2/ quels facteurs sont susceptibles de le(s) distinguer des autres enfants sourds (pose précoce vs tardive de l’implant, exposition précoce vs tardive au LPC, niveau d’intelligibilité de la parole, niveau de perception de la parole, facteurs environnementaux, expérience linguistique pré-implantation…)

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

L’objectif de cette étude visant également à apporter des renseignements complémentaires à l’étude de groupe, ce type d’analyse, bien que peu utilisée en psychologie cognitive, nous a semblé pertinent dans le cadre d’une étude testant une population atypique aux effectifs restreints (voir Ramus et al., 2003, population dyslexique).

Le principe de cette analyse est de comparer les performances de chaque participant composant l’échantillon, ici les enfants sourds implantés cochléaires, dans chaque tâche administrée, à celle du groupe contrôle Entendant. Pour cela, nous avons calculé des scores z sur chaque mesure observée par enfant (n= 32) et par tâche (N= 5), à partir de la moyenne et l’écart-type obtenus sur l’ensemble des enfants entendants dans chaque épreuve. Sont alors considérés comme déviants les scores z situés à plus ou moins 1.65 écart-type de la moyenne des entendants.

L’ensemble des données recueillies auprès des enfants sourds et du groupe contrôle entendant lors de la passation des épreuves figure dans le Tableau 10.

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

ICP LPC-P

N= 5

ICP LPC-T

N=5

ICT LPC-P

N=2

ICT LPC-T

N=4

ENT

N= 16

Suppression

phonémique

Moyenne

(Ecart- type)

Rang (max : 18)

16. 80

(2. 20)

[13 – 18]

14.20

(3.60)

[8 – 17]

16.00

(1.40)

[15 – 17]

13.00

(0.00)

[13 – 13]

16.10

(1.90)

[12 – 18]

Recodage

phonologique

Moyenne

(Ecart- type)

Rang

20.00

(11.10)

[10 – 39]

11.20

(4 .70)

[6 – 17]

21.00

(9.90)

[14 – 28]

14.80

(5.70)

[10 – 23]

17.70

(5.50)

[6 – 26]

Compréhension

Moyenne

(Ecart-type)

Rang (max : 36)

15.20

(11.50)

[3 – 30]

8.00

(4.40)

[3 – 13]

16.50

(9.20)

[10 – 23]

7.80

(3.10)

[5 – 12]

15.40

(4.30)

[8 – 21]

Orthographe

- G

Moyenne

(Ecart- type)

Rang (max : 51)

- GD

Moyenne

(Ecart- type)

Rang (max : 27)

- GND

Moyenne

(Ecart- type)

Rang (max : 24)

39.30

(11.04)

[27.30-50.90]

22.90

(3.80)

[18-27]

16.30

(9.60)

[2.40-23.90]

38.70

(9.30)

[26-48.00]

20.40

(5.30)

[14 -26]

18.30

(4.50)

[12.00-22.00]

46.30

(0.10)

[46.20-46.40]

25.30

(1.00)

[24.60- 26]

21.04

(1.1)

[20.20-21.90]

31.10

(3.90)

[25.20-33.50]

18.40

(4.30)

[14 -24.20]

12.70

(3.01)

[9.30-16.20]

42.10

(5.20)

[32.20-50.80]

24.60

(1.90)

[20 - 27]

17.50

(4.70)

[10.90-23.80]

Vocabulaire

- Score brut

Moyenne

(Ecart- type)

- Age lexical*

Moyenne

Rang

75.40

(36.03)

6 ; 9

[3; 6 - 11; 6]

63.20

(12.90)

5 ; 10

[4 ; 8-7 ; 6]

71

(19.80)

6 ; 5

[5 ;4 -7 ; 7]

55.50

(11.80)

5 ; 2

[4 ;7-6 ; 7]

96

(10.70)

8 ; 8

[7, 1-10; 1]

Tableau 10 : Résultats moyens obtenus par les différents groupes d’enfants sourds profonds et entendants aux épreuves testant les habiletés métaphonologiques, de lecture, d’écriture et de

vocabulaire – entre parenthèses, les écarts- types-

*âge donné en années ; mois

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

Afin de simplifier la lecture des scores déviants (positifs vs négatifs) par rapport à la norme entendante, les résultats de chacun des groupes aux différentes épreuves ont été reportés sous forme de graphiques.

Légende

1 - Habiletés phonologiques

1.1. Tâches de suppression phonémique

-13.2 -11.55 -9.9 -8.25 -6.6 -4.95 -3.3 -1.65 0 1.65

Graphique 1 : Tâches de suppression phonémique

Sur les tâches mesurant les capacités à traiter explicitement des unités phonologiques, les résultats montrent que tous les enfants du groupe « ICT LPC-T » sont en difficulté. Un pattern de résultats similaires est également observé pour 2 enfants du groupe « ICP LPC-T », qui présentent des scores déviants négatifs par rapport à la moyenne des enfants entendants. En ce qui concerne les groupes « ICT LPC-P » et « ICP LPC-P », 1 enfant par groupe présente des scores déviants négatifs.

ICP LPC-T

ICP LPC-P

ICT LPC-P

ICT LPC-T

ENT

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

2 - Habiletés de lecture

2.1. Epreuve de recodage phonologique

-3.3 -1.65 0 1.65 3.3 4.95

Graphique 2 : Epreuve de recodage phonologique

Dans l’épreuve de recodage phonologique, la majorité des enfants en difficulté appartient au groupe « ICP LPC-T ». Deux enfants issus des groupes « ICP LPC-P » et « ICT LPC-T » présentent aussi des scores déviants par rapport au score moyen des enfants entendants. En revanche, 2 enfants ont obtenu des scores déviants positifs pour ce type de tâche ; ils font partie des groupes « ICP LPC-P » et « ICT LPC-P ».

2.2. Epreuve de compréhension

-6.6 -4.95 -3.3 -1.65 0 1.65 3.3 4.95

Graphique 3 : Epreuve de compréhension

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

En compréhension de phrases, nous observons que la majorité des enfants des groupes « ICT LPC-T » et « ICP LPC-T » se trouvent en difficulté par rapport aux enfants entendants, ainsi que 2 enfants du groupe « ICP LPC-P » et 1 enfant du groupe « ICT LPC-P ». A l’inverse, les deux enfants des groupes « ICP LPC-P » et « ICT LPC-P » précédemment cités présentent à nouveau des scores déviants positifs par rapport à la norme des entendants.

3 - Habiletés d’écriture

3.1. Epreuve d’orthographe

-4.95 -3.3 -1.65 0 1.65 3.3

Graphique 4 : Epreuve d’orthographe (nombre total de graphies)

Graphique 5 : Epreuve d’orthographe (graphies dominantes)

-18 -17 -15 -13 -12 -9.9 -8.3 -6.6 -5 -3.3 -1.7 0 1.6

3.3 4.9

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

-4.95 -3.3 -1.65 0 1.65 3.3

Graphique 6 : Epreuve d’orthographe (graphies non-dominantes)

En ce qui concerne les profils des enfants sourds implantés cochléaires en orthographe, nous observons que tous les enfants du groupe « ICT LPC-T » ont des scores déviants négatifs par rapport aux scores de la norme chez les enfants entendants. Ceci s’observe aussi pour 2 enfants du groupe « ICP LPC-T » et 2 enfants du groupe « ICP-LPC-P ». Le LPC ne semble donc pas représenter un facteur significatif par rapport à l’orthographe. Un seul enfant, du groupe « ICP LPC-P », obtient un score déviant positif, comme dans les épreuves précédentes.

Plus précisément, les scores déviants négatifs sont observés majoritairement pour les graphies dominantes, car 3 enfants du groupe ICT LPC-T, 3 enfants du groupe ICT LPC-P et 2 enfants du groupe ICP LPC-P ont commis des erreurs sur ce type de graphies, alors que seulement un enfant du groupe ICT LPC-T et un enfant du groupe ICP LPC-P présentent des scores déviants négatifs sur les graphies non-dominantes.

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

4 - Habiletés lexicales

-6.6 -4.95 -3.3 -1.65 0 1.65 3.3

Graphique 7 : Epreuve de vocabulaire

Les résultats obtenus à partir du test de vocabulaire de l’EVIP montrent que les enfants sourds ont globalement un âge lexical déviant par rapport à celui des enfants entendants. Cela s’observe notamment pour les enfants du groupe « ICT LPC-T » et « ICP LPC-T », ainsi que pour 2 enfants du groupe «ICP LPC-P » et un enfant du groupe « ICT LPC-P ». On remarque par ailleurs que l’âge lexical d’un enfant du groupe « ICP LPC-P » (11 ; 6 ans) est nettement supérieur à l’âge lexical moyen des enfants entendants (8 ; 8 ans).

DISCUSSION

L’objectif de cette analyse était de dégager des profils d’enfants sourds selon leurs performances en langage écrit, en fonction de l’apport de l’implant cochléaire (précoce vs tardif) et de l’exposition au LPC (précoce vs tardif). Les résultats ont confirmé notre hypothèse selon laquelle les scores obtenus par les enfants implantés précoces exposés très tôt et de façon intensive au LPC (contextes familial et scolaire) seraient moins déviants que ceux des autres enfants sourds sur l’ensemble des épreuves proposées, en référence aux scores moyens obtenus par les enfants entendants du groupe contrôle.

Profils présentant des scores inscrits dans la norme et/ ou déviants positifs

Conformément à nos prédictions, les résultats ont montré que les enfants implantés précocement et exposés très tôt au LPC dans un contexte familial et scolaire (ICP LPC-P) présentaient un profil moins déviant que celui des autres enfants sourds par rapport aux

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

enfants entendants dans les différentes épreuves proposées. Pour toutes les épreuves visant à évaluer le niveau de lecture et d’écriture, 3 des 5 enfants du groupe ICP LPC-P présentaient des scores équivalents, voire supérieurs (déviants positifs), à ceux des entendants. Cela était également le cas pour les 2 enfants du groupe ICT LPC-P dans les épreuves de recodage phonologique et d’orthographe. Compte tenu de ces résultats, nous estimons que ces 6 enfants ont bénéficié de l’apport combiné de l’implant cochléaire et de l’exposition précoce au LPC dans la réussite des épreuves de langage écrit. En orthographe par exemple, nous pensons que le fait de disposer de représentations phonologiques précises grâce au LPC précoce a pu permettre d’extraire de façon fiable les régularités entre les unités orthographiques et phonologiques afin d’orthographier correctement les graphèmes cibles, comme cela avait été montré dans l’étude de Leybaert et Lechat (2001) et celle de Colin (2004). En compréhension, les résultats vont dans le sens du résultat d’une étude sur le LPC précoce énonçant qu’il constituait entre autre un apport sur le plan morphosyntaxique (Leybaert et al., 2005), facilitant l’accès au sens général de la phrase.

Au niveau de l’implant cochléaire, les résultats permettant de dresser ce type de profil mettent en évidence un apport bénéfique pour les enfants sourds qui en disposent, mais il nous est plus délicat d’interpréter si le caractère précoce ou tardif a dans ce cas précis une réelle importance, du fait des effectifs réduits et donc peu représentatifs de ces enfants LPC-P, notamment dans le groupe ICT LPC-P qui ne compte que 2 enfants.

Un enfant parmi le groupe ICP LPC-P se distingue par des scores déviants positifs dans la majorité des épreuves proposées, ainsi qu’un deuxième dans le groupe ICT LCP-P dans les tâches de recodage phonologique et de compréhension de phrases. Nous pensons que certains facteurs spécifiques peuvent expliquer ces scores. Ces deux enfants montrent de bonnes capacités perceptives au niveau phonémique, et ont évolué dans des contextes familiaux et scolaires très porteurs. Pour celui du groupe ICP LPC-P, nous savons que l’exposition au LPC a eu lieu très tôt, à l’âge de 6 mois, suivie d’une implantation à l’âge de 2 ans. L’enfant a bénéficié d’un contexte optimal, car les parents ainsi que les frères et sœurs et l’assistante maternelle de cet enfant ont participé au codage de manière très active, et ce dans toutes les activités les plus quotidiennes. De plus, il semblerait que cet enfant ait des dispositions très favorables aux apprentissages car il présente un très bon niveau scolaire général, sans besoin d’un soutien particulier sur le plan éducatif ou orthophonique à l’heure actuelle. Bien que peu représentatives, les performances de cet enfant, encore supérieures à celles de l’enfant LPC-P implanté tardivement, démontrent l’effet bénéfique du critère précocité au sujet de l’implant cochléaire comme de l’exposition au LPC lorsqu’ils sont associés.

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

Ces deux types de profil montrent que la pose d’un implant cochléaire et l’exposition précoce au LPC sont, de manière interactive, des facteurs favorables dans l’apprentissage du langage écrit chez l’enfant sourd profond.

Profils présentant des scores déviants négatifs

Parmi le groupe ICP LPC-P, 2 enfants ont obtenu des scores déviants négatifs. Cela concerne notamment les épreuves de compréhension et d’orthographe. En compréhension, les erreurs relevées sont certainement à mettre en relation avec une vitesse de réalisation faible, et un niveau lexical également déviant par rapport au score moyen obtenu par le groupe entendant. En orthographe, l’un des ces enfants a fait des erreurs phonologiquement adéquates pour orthographier un certain nombre de phonèmes (saile vs sel ; pin vs pain), ce qui prouve que lorsqu’il a eu besoin d’écrire un mot dont il n’avait pas la représentation orthographique en mémoire, il a eu recours à des représentations phonologiques précises, afin d’appliquer une correspondance graphème-phonème fidèle à l’effet de dominance dans la langue. Ceci démontre l’influence « positive » des clés du LPC précoce dans la construction d’un stock de représentations phonologiques précises et spécifiques, utile à la procédure d’assemblage en écriture. L’autre enfant a quant à lui réalisé plus d’erreurs phonologiquement inadéquates ; il nous est difficile de déterminer si l’implant ou le LPC n’ont pas été des aides suffisantes sur le plan phonologique pour orthographier des mots, ou si d’autres facteurs que nous n’avons pas pu mettre en évidence dans cette étude seraient à mettre en lien avec ce type d’erreur. Nous notons par ailleurs que ces enfants présentent des scores déviants sur plusieurs épreuves, notamment l’un d’entre eux pour qui les résultats à toutes les tâches proposées sont déviants par rapport aux entendants. Dans ce cas, il serait par exemple intéressant de savoir si les difficultés de ces enfants s’inscrivent ou non dans un contexte d’apprentissage plus global, ou si des facteurs interindividuels liés à l’éducation et à l’environnement scolaire pourraient ici entrer en jeu.

Au sein du groupe ICT LPC-P, un enfant a obtenu des scores déviants négatifs aux épreuves de suppression phonémique et de recodage phonologique. Dans la tâche métaphonologique, cet enfant a désigné plusieurs distracteurs phonologiques comme étant de bonnes réponses, révélant un trouble au niveau de la conscience phonologique. Ce résultat peut être nuancé sachant que le test proposé demande à l’enfant une action linguistique quelque peu artificielle, ce qui expliquerait certains échecs, alors qu’en lecture et en écriture ses scores sont dans la norme, montrant bien qu’il dispose d’habiletés phonologiques efficaces dans l’appréhension « spontanée » du langage écrit. Nous corrélons par ailleurs les difficultés de compréhension

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

écrite avec une vitesse de réalisation de la tâche demandée relativement lente et un âge lexique faible par rapport à son âge chronologique (5 ans 4 mois vs 8 ans 7 mois).

Comme attendu, le profil le plus déviant par rapport à la norme entendante concerne les enfants sourds ayant été implanté de façon tardive et exposés au LPC tardivement (ICT LPC-T). Plusieurs enfants implantés précoces et exposés tardivement au LPC (ICP LPC-T) s’inscrivent également dans un profil déviant négatif. Il semble que le facteur « exposition tardive » au LPC ait été déterminant dans ces deux cas. Plus précisément :

1 - Habiletés métaphonologiques

Dans les épreuves de suppression phonémique, nous avons constaté que tous les enfants ICT LPC-T se trouvaient en difficulté. Sur un total de 8 enfants sourds implantés tardivement présentant des sores déviants négatifs, 6 ont été exposés tardivement au LPC. La majorité des enfants en difficulté sur cette épreuve ayant en commun l’exposition tardive au LPC, nous pouvons penser que ce facteur est moins favorable que l’exposition précoce pour présenter des performances dans la norme. Leurs erreurs portaient sur la phonologie, car ils désignaient très souvent les distracteurs phonologiques comme étant les bonnes réponses, et ce en particulier dans la tâche de suppression du phonème initial. Ces échecs sur le plan métaphonologique pourraient être la conséquence de difficultés au niveau de la conscience phonologique, en lien à des représentations phonologiques peu précises ou sur le plan de l’organisation de ces représentations phonologiques entre elles. Ceci rejoint les données de la littérature selon lesquelles l’exposition précoce, au contraire, favoriserait le développement de représentations phonologiques précises et spécifiques (Leybaert, 1998). En effet, nous avons constaté précédemment que 5 enfants sur 7 exposés précocement au LPC ont obtenu des scores situés dans la norme.

2 - Habiletés en lecture (recodage phonologique/

compréhension)

Des déviances négatives en lecture ont été observées chez les enfants ICT LPC-T et ICP LPC-T. Au niveau du recodage phonologique, le groupe présentant le plus de scores déviants négatifs à cette épreuve est le groupe ICP LPC-T. Les erreurs relevées chez ces enfants, ainsi que chez l’enfant du groupe ICT LPC-T dont le score est également déviant négatif, correspondent à des difficultés de recodage portant sur les graphies complexes (sauson vs saison) et les graphies contextuelles (dousseur vs douceur). Les erreurs observées chez ces

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

enfants témoignent de leur utilisation de la voie d’adressage et non de l’assemblage. En effet, si ils s’étaient appuyés sur cette dernière voie ils n’auraient pas commis d’erreurs. La lenteur de réalisation pour cette tâche, autrement dit la vitesse de lecture, est aussi à l’origine de la déviance ; ceci pourrait résulter d’un problème lié à l’automaticité de la lecture. Néanmoins, pour les 5 autres enfants sourds (tardifs ou précoces) exposés tardivement au LPC, le fait que leurs résultats s’inscrivent dans la norme montre leurs capacités à utiliser une stratégie de recodage phonologique dans l’identification de mots écrits.

Les déviances négatives observées dans l’épreuve de compréhension sont essentiellement dues à la lenteur avec laquelle les enfants ICT LPC-T et ICP LPC-T ont réalisé la tâche. En effet, peu d’items ont pu être traités en 5 minutes, cela peut s’expliquer soit par une vitesse de lecture trop lente, soit par un problème de compréhension au niveau des divers éléments de la phrase (vocabulaire, syntaxe). Lors de la passation, certains enfants donnaient l’impression de comprendre rapidement et correctement le sens global de la phrase, mais ne parvenaient pas à trouver le mot correspondant à l’idée évoquée par l’étape de lecture précédente. Ainsi, les erreurs consistaient parfois à choisir un mot phonologiquement proche (« palais » pour « balais »), ou visuellement proche (« fille » pour « ville »). Les autres réponses montraient des problèmes de compréhension plus évidents. Nous remarquons que ces enfants présentent des âges lexiques également déviants négatifs (en moyenne 4 ; 8 ans vs 6 ; 7 ans), ce qui pourrait interférer dans la compréhension, si plusieurs mots d’une même phrase ne sont pas connus.

3 - Ecriture

Tous les enfants ICT LPC-T et 2 enfants ICP LPC-T sur 5 ayant des scores déviants négatifs dans toutes les autres épreuves présentent aussi un profil déviant en orthographe au regard du score moyen obtenu par le groupe contrôle entendant.

Il se trouve que contrairement aux enfants implantés précocement LPC-P et entendants, ces enfants LPC-T commettent essentiellement des erreurs phonologiquement inadéquates, comme par exemple «pépar » pour « pépin» ou « lerf » pour « cerf », démontrant des difficultés au niveau de la conversion graphème-phonème. Nous pensons que ce type d’erreur relève de représentations phonologiques sous-spécifiées dans lesquelles l’identité de chaque phonème n’est pas clairement définie. De plus, nous avons remarqué davantage de scores déviants négatifs pour les graphies dominantes que pour les graphies non-dominantes, ce qui renforce l’idée d’un déficit au niveau des représentations phonologiques. Ceci peut cependant être nuancé si l’on considère que le stock de représentations orthographiques peut encore être

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Chapitre IV – PRESENTATION DES RESULTATS

faible à ce stade des apprentissages du fait que le lexique interne soit toujours en voie de construction (Brin, Courrier, Lederlé, & Masy, 1997).

Dans le cas où l’apport combiné de l’implant (tardif ou précoce) et du LPC ne serait pas assez significatif pour aider ces enfants sourds dans ce genre de tâche sur le plan phonologique, nous pourrions supposer, pour des raisons qui échappent à notre analyse, qu’ils utilisent davantage la voie visuelle pour traiter l’orthographe des mots, par rapport à la voie phonologique. C’est-à-dire qu’ils traiteraient majoritairement les constituants du mot par images mentales des segments qui le composent (étude de Charlier & Leybaert, 2000). Ces images mentales des traits orthographiques sont indexées dans le lexique orthographique, mais comme il est plus coûteux sur le plan cognitif de stocker en mémoire des représentations visuelles que des représentations phonologiques (Virole, 2001), ce lexique serait plus pauvre si le traitement des mots était essentiellement visuel contrairement au cas où les enfants pourraient utiliser à leur gré les 2 voies visuelle et phonologique. Ceci pourrait alors expliquer pourquoi ils se trouvent en difficulté lorsqu’il s’agit d’écrire un mot dont la forme orthographique « visuelle » est méconnue. Il reste difficile de savoir si l’implant ou le LPC sont des facteurs significatifs dans cette tâche, notamment du fait que les effectifs de notre population soient restreints, et donc peut-être trop peu représentatifs.

L’exposition tardive au LPC chez les enfants implantés cochléaires n’entraîne donc pas d’aussi bons résultats au niveau du langage écrit que dans le cas de l’exposition précoce, d’autant plus si l’implant est lui-même tardif, du moins en début d’apprentissage comme nous l’avons étudié dans cet exposé. Cela ne constitue cependant rien de définitif, et il importe de nuancer ces résultats car le LPC même tardif semble permettre d’obtenir des résultats certes moins performants que ceux obtenus avec le LPC précoce mais tout de même corrects, comme le montrent les résultats dans la norme de quelques enfants ICP LPC-T. Il serait intéressant de réévaluer le niveau de compétence face au langage écrit des enfants implantés LPC-T en fin d’apprentissage scolaire de la lecture.

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Chapitre V

DISCUSSION

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Chapitre V – DISCUSSION

DISCUSSION DES RESULTATS PAR RAPPORT AUX HYPOTHESES DE DEPART

Notre étude avait pour objectif d’étudier l’apport d’une exposition (précoce vs tardive) au Langage Parlé Complété (LPC) dans l’acquisition du langage écrit chez l’enfant sourd implanté cochléaire.

Nous voulions montrer que les enfants sourds implantés cochléaires précoces avaient des résultats significativement supérieurs à ceux des autres enfants sourds ; et que les enfants sourds munis d’un implant cochléaire précoce et exposés précocement au LPC (ICP LPC-P) présentaient moins de scores déviants que les autres enfants sourds implantés tardivement et peu exposés au LPC par rapport aux scores moyens obtenus par les enfants entendants, dans les différentes tâches évaluant leurs habiletés en métaphonologie, en lecture, en écriture et en vocabulaire.

D’une part, les résultats ont permis de vérifier l’hypothèse selon laquelle l’implantation précoce et l’exposition précoce au LPC aidaient de manière significative les enfants sourds profonds dans la perception de la parole, ainsi que dans le développement des habiletés métaphonologiques, de recodage phonologique en lecture et de compréhension du langage écrit, car leurs scores étaient proches de ceux obtenus par les enfants entendants. Seuls les résultats observés dans l’épreuve d’orthographe n’ont pas permis de montrer de différence significative quant à l’apport du LPC. D’autre part, les profils que nous avons pu dégager en analysant les résultats de chaque enfant sourd en fonction de ses caractéristiques et de ses scores ont validé notre seconde hypothèse, car les scores des enfants implantés précocement et exposés précocement au LPC présentaient effectivement moins de scores déviants par rapport à la norme, en comparaison avec les autres enfants sourds.

De manière générale, un certain nombre d’informations ont pu être mises en évidence concernant l’interaction entre l’implant cochléaire et le LPC, selon que l’un ou l’autre soit précoce ou tardif. Nous avons en effet pu observer des différences dans les scores obtenus par les enfants sourds de notre population. Premièrement, suite aux précédentes études menées sur l’apport du LPC dans l’acquisition du code écrit chez l’enfant sourd profond (Charlier & Leybaert, 2000 ; Colin, Ecalle, Magnan, & Leybaert, 2004 ; Hage, 1994 ; Leybaert et al., 2000 ; Nicholls & Ling, 1982 ; Paire-Ficout, Colin, Magnan, & Ecalle, 2003), nous constatons que le LPC représente également un apport significatif pour l’enfant sourd profond dans le cas où il est associé à l’implant cochléaire. Ceci confirme l’hypothèse que nous avions

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Chapitre V – DISCUSSION

formulée, à savoir que l’implant et le code LPC pourraient être complémentaires. L’implant procure en effet un gain très important sur le plan de la perception auditive, en permettant une réception plus précise et plus variée des différents éléments constituant le langage oral. Le LPC permet quant à lui de clarifier les distorsions qui peuvent exister par le biais de l’implant, surtout au niveau des contrastes phonologiques ; il permet de compenser les imperfections de l’audition réhabilitée par l’implant, en facilitant le transfert de la voie visuelle à la voie auditive.

En ce qui concerne l’âge d’implantation, il semblerait que le caractère précoce soit ici plus favorable dans le développement des habiletés liées à l’écrit. Nous avons observé que les enfants présentant les meilleurs scores avaient été implantés précocement. Nous savons également que l’implant améliore les capacités de production de la parole, ce qui s’est vérifié dans le cas de ces enfants ICP LPC-P, puisqu’ils présentaient tous un bon niveau d’intelligibilité de la parole selon l’échelle de Nottingham (niveau 5), signe prédicteur de bonnes performances en lecture ultérieurement (Geers, 2003). A l’inverse, il semblerait que plus l’implantation soit tardive, plus le transfert de la voie visuelle à la voie auditive devienne difficile comme nous l’avons observé pour les enfants du groupe ICT LPC-T, et ce même si les acquisitions sont de bonne qualité, y compris avec le soutien du LPC précoce, comme le montrent les résultats déviants négatifs à plusieurs reprises de certains enfants du groupe ICT LPC-P.

De plus, les meilleurs résultats s’appliquent, comme nous l’avons constaté, essentiellement dans le cas où l’implant est soutenu par le LPC proposé de façon précoce, car nous avons pu mettre en évidence que l’exposition précoce favorisait le développement de représentations précises et spécifiques, pré-requis indispensable à l’apprentissage du code écrit.

Sur le plan neurologique, nous pensons que le critère de précocité dans l’implantation cochléaire ainsi que l’exposition au LPC est un facteur très favorable si l’on considère la période critique de développement des connexions nerveuses qui s’opèrent chez le jeune enfant, à partir des différents stimuli sensoriels dont la perception auditive. L’aide précoce ainsi procurée ne peut qu’aider les enfants atteints de surdité profonde à développer de la façon la plus bénéfique possible leur potentiel cognitif, et par la suite des capacités d’apprentissage performantes. Ceci pourrait expliquer aussi en partie les scores positifs des enfants ICP LPC-P au niveau du langage écrit.

A propos de l’étude que nous avons menée, il nous semble important d’évoquer certains facteurs primordiaux, dont dépend chaque résultat issu de notre expérimentation.

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Chapitre V – DISCUSSION

Il convient de prendre en compte les liens indiscutables qui existent entre les acquis de la période précédant la mise en place de l’implant cochléaire et ceux liés à l’évolution post-implant. Le comportement et les motivations de l’enfant, les attentes et le « savoir-faire » de la famille ainsi que la qualité de la prise en charge sont en tout point déterminants dans le fait que chaque enfant profite au mieux des aides qui lui sont procurées, ici l’implant et le LPC, et développe de la façon la plus bénéfique des habiletés optimales (Busquet, 1998). L’attitude des parents face à l’écrit par exemple ou la méthode d’apprentissage de la lecture peuvent générer des profils cognitifs différents, d’après Marschark (1993). Tous les enfants, en dépit des aides qui leur sont proposées, ne sont donc pas susceptibles de produire les mêmes performances suivant le contexte général dans lequel ils évoluent, même s’ils disposaient tous à l’origine du même potentiel d’apprentissage. Or dans le cas présent, il nous a été difficile d’analyser les résultats en fonction de ces facteurs étant donné les conditions de l’expérimentation, ce qui d’une certaine manière représente un biais à notre étude. En effet, il nous a été impossible de rencontrer les enfants en dehors de la durée de temps limitée réservée au testing. Il ne nous a donc pas été offert de mieux connaître les enfants en dehors de la situation de test, du point de vue des éléments cités précédemment. Mais au regard des études antérieures démontrant tout l’intérêt de la qualité du vécu pré-implant sur le plan communicationnel et relationnel avec l’entourage, nous pensons que parmi notre population, les meilleurs scores ont été obtenus par les enfants ayant bénéficié de telles conditions, et que les échecs des enfants plus en difficulté ne sont peut-être pas uniquement le reflet de compétences lacunaires face au langage écrit à proprement parler.

LIMITES DE L’EXPERIMENTATION

L’effectif restreint de notre population n’offre qu’une portée limitée aux résultats que nous avons obtenus et supposerait que cette étude soit reconduite, afin de vérifier les données issues de notre recherche sur un nombre plus important d’enfants. Certaines épreuves, comme les tâches metaphonologiques, pourraient également être modifiées, en étant plus discriminatoires. Des épreuves de lecture telles que la B.E.L.E.C (Mousty, Leybaert, Alegria, Content, & Morais, 1994), le LMC-R (Khomsi, 1990) ou encore le TIME 2 (Ecalle, 2003) pourraient nous renseigner davantage sur le type de procédure employé en lecture par les enfants sourds des différents groupes. Ceci permettrait d’affiner les résultats obtenus et d’appréhender le fonctionnement du développement de habiletés phonologiques et de l’apprentissage de l’écrit de manière plus précise.

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Chapitre V – DISCUSSION

APPORT A LA PRATIQUE ORTHOPHONIQUE

Par la présente étude, nous espérons apporter aux professionnels de la surdité un éclairage sur l’apprentissage du code écrit chez l’enfant sourd implanté cochléaire grâce aux profils dégagés, et témoigner de l’intérêt de l’exposition précoce au LPC en vue d’un développement optimal des habiletés pré-requises, telles que la construction de représentations phonologiques précises et spécifiques. Nous souhaitons en effet que l’objet de notre recherche encourage les orthophonistes notamment, à poursuivre leurs efforts thérapeutiques et à orienter leur pratique de la manière la plus ciblée et la plus adaptée possible afin d’aider les enfants sourds à accéder à l’apprentissage de la langue écrite. Face à la surdité, il appartient aux parents d’opérer les choix qu’ils considèrent les plus appropriés pour leur enfant et par rapport à leur mode de vie, et nous sommes conscientes que tous les enfants ne peuvent pas être de bons candidats aux techniques que nous avons choisies d’étudier dans ce mémoire. L’implant cochléaire suppose une implication active de l’enfant et de son entourage pour entrer dans le monde sonore et se l’approprier, et ne représente en aucun cas un moyen unique de s’intégrer au monde entendant. Il procure cependant un apport certain sur le développement des habiletés perceptives et linguistiques grâce à la réhabilitation de la voie auditive, ce qui est favorable à l’apprentissage du langage écrit par la suite mais le développement des capacités phonologiques, indispensables à l’apprentissage de la lecture, est également rendu possible par le canal visuel seul comme l’ont montré des études antérieures précédemment citées. Le LPC, en association avec la lecture labiale, nécessite lui aussi un investissement conséquent. Néanmoins, il nous semble intéressant dans tous les cas de le faire connaître et d’encourager sa diffusion, car il est encore peu utilisé, notamment dans le contexte récent de l’implant cochléaire. Cet outil peut être très utile pour les enfants sourds, leur famille et les orthophonistes. Les personnes qui savent coder ne se sentent en effet pas frustrées dans leur communication car elles n’ont pas besoin de réduire ou de simplifier ce qu’elles ont à dire. Le LPC permet de recevoir la chaîne parlée intégralement, de construire des représentations phonologiques exactes, ce qui permet aux enfants en bénéficiant (notamment précocement) de débuter l’apprentissage de la lecture avec les mêmes bases que les enfants entendants. L’intérêt de notre étude était de montrer les apports possibles des techniques dont les enfants sourds peuvent disposer actuellement. En dehors du fait que chaque situation d’enfant sourd mérite d’être analysée de manière particulière avant d’opter pour une méthode spécifique, nous pensons qu’il est pertinent, dans la mesure du possible, d’offrir le maximum de possibilités à l’enfant sourd de développer son potentiel cognitif, afin d’aborder les apprentissages le plus favorablement possible : l’association de l’implant cochléaire et du LPC précoce semble représenter cette position.

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CONCLUSION

CONCLUSION

De manière générale, les présentes données montrent que l’implantation cochléaire associée à l’exposition au LPC aide l’enfant sourd profond dans l’acquisition du langage écrit, d’autant plus que ces aides sont procurées précocement à l’enfant. D’une part, elles confirment que l’implant cochléaire permet une meilleure perception du message oral et par conséquent des habiletés langagières de façon plus globale. D’autre part, elles indiquent que l’apport complémentaire d’une entrée phonologique pleinement spécifiée telle que le code LPC favorise le développement de représentations phonologiques précise et spécifiées, habiletés indispensables à l’apprentissage du code écrit.

Une première analyse des résultats a mis en évidence que le critère de précocité était un facteur significatif quant à l’implantation cochléaire et à l’exposition au code LPC. Les enfants sourds implantés cochléaires précoces exposés très tôt et de façon intensive au LPC ont obtenu des résultats significativement supérieurs à ceux des enfants sourds implantés cochléaires précoces et exposés tardivement, peu ou non au LPC, et ces résultats ne différaient pas de ceux des enfants entendants de même âge chronologique.

Dans une seconde analyse, les profils dressés en regard des résultats obtenus par les différents groupes d’enfants sourds (ICP LPC-P, ICP LPC-T, ICT LPC-P et ICT LPC-T) ont révélé que les scores obtenus par les enfants implantés précoces exposés très tôt et de façon intensive au LPC (contextes familial et scolaire) étaient moins déviants que ceux des autres enfants sourds sur l’ensemble des épreuves proposées (métaphonologie, lecture, écriture et vocabulaire), en comparaison avec le score moyen obtenu par les enfants entendants du groupe contrôle.

En regard de ces différents résultats, il convient de prendre en considération des facteurs inter-individuels qui s’avèrent tout à fait déterminants dans le développement général de l’enfant et de ses potentiels cognitifs : l’histoire de la surdité, le vécu linguistique pré-implant ou la participation et le soutien de l’entourage pour chacun des enfants.

L’intérêt de cette étude était d’apporter des précisions sur l’apprentissage de la lecture et de l’écriture chez les enfants sourds profonds, dans le contexte de l’implant cochléaire associé au Langage Parlé Complété. Nous espérons que l’objet de notre recherche incitera à poursuivre les investigations portant sur l’apport de l’implant cochléaire, aide technique encore récente et de plus en plus utilisée, et qu’il permettra d’aider les professionnels travaillant auprès de ces enfants à orienter leur pratique professionnelle de manière à leur offrir l’aide la plus bénéfique possible. C’est-à-dire les aider dans leur développement de manière globale, au-delà du problème auditif seul, ce qui inclut les habiletés langagières orales et écrites, les

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CONCLUSION

apprentissages scolaires et l’épanouissement personnel de l’enfant sourd au sein d’une société d’individus entendants.

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ANNEXES

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ANNEXE I

ANNEXE I : L’IMPLANT COCHLEAIRE

L’implant cochléaire2

Un implant cochléaire est un dispositif médical électronique destiné à restaurer l'audition de personnes atteintes d'une perte d'audition sévère à profonde et qui comprennent difficilement la parole à l'aide de prothèses auditives.

Ce dispositif comprend deux parties principales, l'unité électronique implantée dans le rocher et le processeur vocal externe. Le processeur est maintenant couramment un appareil miniaturisé porté discrètement derrière l'oreille comme le montre l'image.

(1) Les sons sont captés par un microphone et transformés en signaux électriques. (2) Ce signal est traité par le processeur vocal qui le convertit en impulsions électriques selon un codage spécial. (3) Ces impulsions sont envoyées à l'émetteur (ou antenne) qui les transmet au récepteur implanté à travers la peau intacte au moyen d'ondes radio. (4) Le récepteur produit une série d'impulsions électriques pour les électrodes placées dans la cochlée.

(5) Les contacts de l'électrode stimulent directement les fibres nerveuses dans la cochlée sans utiliser les cellules ciliées endommagées.

2 CISIC, Centre d’Information sur la Surdité et l’Implant Cochléaire - www.implant-cochleaire.com

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ANNEXE I

Stimulé, le nerf auditif envoie des impulsions électriques jusqu'au cerveau où elles sont interprétées comme des sons.

Le processus entier, de l'arrivée d'un son au traitement par le cerveau, est si rapide que l'utilisateur entend le son au moment où il se produit et ce, de manière continue.

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ANNEXE II

ANNEXE II : LES CLES DU LANGAGE PARLE COMPLETE (LPC)

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

TABLE DES ILLUSTRATIONS

1 - Liste des Tableaux

Tableau 1 : Caractéristiques des enfants sourds et entendants de la population. ... 30

Tableau 2 : Nombre moyen de phonèmes correctement perçus dans les modalités

ALL et ALLcode –entre parenthèses, les écarts-types- ....................................... 32

Tableau 3 : Scores moyens d’intelligibilité des enfants sourds, en fonction des

groupes -entre parenthèses, les écarts-types-.................................................. 33

Tableau 4 : Exemples de séries expérimentales en fonction de la tâche de

suppression phonémique............................................................................... 34

Tableau 5 : Nombre moyen de séries expérimentales correctement traitées (max :

18) en fonction des groupes –entre parenthèses, les écarts-types-...................... 40

Tableau 6 : Nombre moyen de couples de mots correctement traités en 2 minutes en

fonction des groupes –entre parenthèses, les écarts-types-................................ 40

Tableau 7 : Nombre moyen de phrases correctement complétées (max : 36), en

fonction des groupes -entre parenthèses, les écarts-types- ................................ 41

Tableau 8 : Nombre moyen de graphies correctement orthographiées (G, max : 51)

en fonction du type d’item (graphie dominante (GD, max : 27) vs graphie non-

dominante (GND, max : 24)) et des groupes -entre parenthèses, les écarts-types- 42

Tableau 9 : Score brut moyen et âge lexical des différents groupes -entre

parenthèses, les écarts-types- ....................................................................... 43

Tableau 10 : Résultats moyens obtenus par les différents groupes d’enfants sourds

profonds et entendants aux épreuves testant les habiletés métaphonologiques, de

lecture, d’écriture et de vocabulaire – entre parenthèses, les écarts- types- ......... 49

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

2 - Liste des Graphiques

Graphique 1 : Tâches de suppression phonémique ............................................ 50

Graphique 2 : Epreuve de recodage phonologique............................................. 51

Graphique 3 : Epreuve de compréhension........................................................ 51

Graphique 4 : Epreuve d’orthographe (nombre total de graphies) ....................... 52

Graphique 5 : Epreuve d’orthographe (graphies dominantes) ............................. 52

Graphique 6 : Epreuve d’orthographe (graphies non-dominantes) ....................... 53

Graphique 7 : Epreuve de vocabulaire............................................................. 54

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TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIERES

Organigrammes ............................................................................................. 2

1- Université Claude Bernard Lyon1 ....................................................................2 1.1. Fédération Santé : ...................................................................................... 2 1.2. Fédération Sciences : .................................................................................. 2

Remerciements.............................................................................................. 4

Sommaire ..................................................................................................... 5

Introduction .................................................................................................. 8

PARTIE THEORIQUE...................................................................................... 10

Apprentissage du langage écrit chez l’enfant entendant ..................................... 11

1 - Lien entre la conscience phonologique et la lecture......................................11 1.1. Définitions ............................................................................................... 11 1.2. Accès à la phonologie ................................................................................ 12 1.3. La conscience phonologique : un pré-requis essentiel à la lecture ................... 13

2 - Modèles d’apprentissage de la lecture ..........................................................14 2.1. Modèle de traitement à deux voies de Marshall et Newcombe (1973) .............. 14 2.2. Modèle développemental d’Uta Frith (1985) ................................................ 14

Apprentissage du langage écrit chez l’enfant sourd ........................................... 17

1 - Accès à la phonologie chez l’enfant sourd profond........................................17 1.1. L’implant cochléaire : une perception de la parole incomplète ? ...................... 17 1.2. La lecture labiale : une perception incomplète de tous les contrastes phonologiques..................................................................................................... 19 1.3. Le LPC comme complément à l’implant cochléaire et à la lecture labiale........... 21

2 - Acquisition du code écrit chez l’enfant sourd ................................................22

PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES.................................................................. 25

Problématique ............................................................................................. 26

Hypothèse................................................................................................... 27

EXPERIMENTATION ...................................................................................... 28

Population................................................................................................... 29

1 - Description générale.....................................................................................29

2 - Caractéristiques supplémentaires.................................................................30 2.1. - Perception de la parole ............................................................................ 31 2.2. Intelligibilité de la parole (production) ......................................................... 32

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TABLE DES MATIERES

Matériel et procédure.................................................................................... 33

1 - Habiletés phonologiques...............................................................................33 1.1. Trois épreuves d’analyse segmentale élaborées par Colin (2004) .................... 34

2 - Habiletés de lecture ......................................................................................35 2.1. une épreuve de recodage phonologique (Gombert, 1997). ............................. 35 2.2. une épreuve de compréhension (Lobrot, 1973)............................................. 35

3 - Habiletés d’écriture.......................................................................................36 3.1. une épreuve d’orthographe (Leybaert & Lechat, 2001) .................................. 36

4 - Habiletés lexicales ........................................................................................37

PRESENTATION DES RESULTATS.................................................................... 38

Implant cochléaire précoce : apport ou non d’une exposition précoce au LPC en métaphonologie, lecture, écriture et vocabulaire............................................... 39

1 - Habiletés phonologiques...............................................................................39 1.1. Tâches de suppression phonémique ............................................................ 39

2 - Habiletés de lecture ......................................................................................40 2.1. Epreuve de recodage phonologique ............................................................. 40 2.2. Epreuve de compréhension ........................................................................ 41

3 - Habiletés d’écriture.......................................................................................42 3.1. Epreuve d’orthographe .............................................................................. 42

4 - Habiletés lexicales ........................................................................................42

Discussion................................................................................................... 43

1 - Habiletés métaphonologiques .......................................................................44

2 - Habiletés en lecture ......................................................................................44 2.1. Epreuve de recodage phonologique ............................................................. 44 2.2. Epreuve de compréhension ........................................................................ 45

3 - Habiletés en écriture.....................................................................................45 3.1. Epreuve d’orthographe .............................................................................. 45

4 - Habiletés lexicales ........................................................................................46

Profils d’enfants sourds implantés (précoces vs tardifs) exposés au LPC (précocement vs tardivement) ........................................................................................... 47

1 - Habiletés phonologiques...............................................................................50 1.1. Tâches de suppression phonémique ............................................................ 50

2 - Habiletés de lecture ......................................................................................51 2.1. Epreuve de recodage phonologique ............................................................. 51 2.2. Epreuve de compréhension ........................................................................ 51

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TABLE DES MATIERES

3 - Habiletés d’écriture.......................................................................................52 3.1. Epreuve d’orthographe .............................................................................. 52

4 - Habiletés lexicales ........................................................................................54

Discussion................................................................................................... 54

1 - Habiletés métaphonologiques .......................................................................57

2 - Habiletés en lecture (recodage phonologique/ compréhension)...................57

3 - Ecriture .........................................................................................................58

DISCUSSION............................................................................................... 60

Discussion des résultats par rapport aux hypothèses de départ........................... 61

Limites de l’expérimentation .......................................................................... 63

Apport à la pratique orthophonique................................................................. 64

Conclusion .................................................................................................. 65

Bibliographie ............................................................................................... 67

ANNEXES.................................................................................................... 73

Annexe I : L’implant cochléaire ...................................................................... 74

Annexe II : Les clés du Langage Parlé Complété (LPC) ...................................... 76

Table des Illustrations................................................................................... 77

1 - Liste des Tableaux ........................................................................................77

2 - Liste des Graphiques.....................................................................................78

Table des Matières ....................................................................................... 79

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Emmanuelle ANNE

L’ACQUISITION DU LANGAGE ECRIT CHEZ L’ENFANT SOURD IMPLANTE COCHLEAIRE : Apport du langage parle complete (lpc) 81 Pages

Mémoire d'orthophonie -UCBL-ISTR- Lyon 2006

RESUME

Notre mémoire avait pour objectif d’étudier l’apport respectif et/ou combiné de l’implant cochléaire et du code LPC dans le développement des habiletés phonologiques nécessaires à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture chez les enfants sourds de fin de cycle 2. Dans une perspective de recherche, nous avons comparé les performances d’enfants sourds munis d’un implant cochléaire (précoce vs tardif) et exposés au LPC (précocement vs tardivement) à celles d’enfants entendants de même âge chronologique. Diverses épreuves de metaphonologie, de lecture, d’écriture et de vocabulaire leur ont été administrées. Les résultats indiquent que ce sont les enfants sourds implantés précoces et exposés de façon précoce au LPC qui obtiennent les meilleurs scores aux différentes épreuves proposées. Ceci suggère que dans un contexte précoce notamment, d’une part, l’implant cochléaire est une aide efficace au niveau de la perception auditive, favorisant le développement des habiletés du langage oral puis écrit ; d’autre part, le LPC représente une entrée phonologique complémentaire pleinement spécifiée, permettant la construction de représentations phonologiques précises nécessaires à l’acquisition du code écrit.

MOTS-CLES

SURDITE – CONSCIENCE PHONOLOGIQUE – IMPLANT COCHLEAIRE – LANGAGE PARLE COMPLETE (LPC) – LANGAGE ECRIT – PERIODE CRITIQUE.

MEMBRES DU JURY

Eric Truy

Agnès Bo

Martine Marthouret

MAITRE DU MEMOIRE

Stéphanie Colin

DATE DE SOUTENANCE

Jeudi 6 juillet 2006