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L’eau à Paris retour vers le public L’eau à Paris retour vers le public Seconde édition avril 2014

L’eau à Paris...7 Préface Le 1er janvier 2010 l'ensemble du service de l'eau à Paris, des captages jusqu'au robinet, était assuré pour la première fois par un seul et unique

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L’eau à Paris � retour vers le public

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ISBN : 978-2-9530663-5-7

L’eau à Paris � retour vers le publicEurope, Amérique du Sud, Asie, Afrique : de Berlin à Buenos Aires, les collectivités reprennent la main sur la distribution de l’eau. Cette vague de remunicipali-sations manifeste que l’heure n’est plus à l’engoue-ment pour la privatisation de cette ressource vitale, bien commun par excellence. En France, Paris a fait le choix de revenir en régie, après vingt-cinq ans de délégation à deux grandes entreprises privées. Le cas emblématique de la remunicipalisation parisienne il-lustre les vicissitudes du retour de l’eau vers la gestion publique. A l’issue d’un processus à la fois politique et technique de plusieurs années, l’eau de Paris est désor-mais administrée selon des dispositifs démocratiques et transparents qui associent la société civile de ma-nière inédite. Le passage en régie, placé sous le signe de l’intérêt général, s’illustre par la création d’une va-leur ajoutée citoyenne, là où, auparavant, il ne s’agis-sait que de privatiser les bénéfices pour le profit des multinationales et de leurs actionnaires. Cet ouvrage retrace les étapes et rassemble les témoignages des acteurs de cette transformation économique, sociale et culturelle, qui a donné naissance à la plus grande régie d’eau française.

Ouvrage rédigé pour Eau de Paris par Agnès Sinaï, journaliste environnementale et auteure, maître de conférences à Sciences Po.

Seconde édition avril 2014

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L’eau à Paris retour vers le public

Cet ouvrage a été rédigé par Agnès Sinaï, journaliste environnementale et auteure, maître de conférences à Sciences Po.

Mai 2014Publié par

19 rue Neuve Tolbiac75013 Pariswww.eaudeparis.fr

Conception graphique et mise en page Bleu Ebène

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L’eau à Paris retour vers le public

Cet ouvrage a été rédigé par Agnès Sinaï, journaliste environnementale et auteure, maître de conférences à Sciences Po.

Mai 2014Publié par

19 rue Neuve Tolbiac75013 Pariswww.eaudeparis.fr

Conception graphique et mise en page Bleu Ebène

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L’eau à Paris retour vers le public

Préface 7Introduction : Remunicipaliser au nom de l’intérêt général 10

Chapitre 1 : Le service de l’eau à Paris avant 2010 15

2001-2003 : premiers jalons 202003-2007 : renégociation des contrats 21Une garantie de recettes : sous-traitance sans mise en concurrence, augmentation des tarifs 23Le tournant de 2007 262008-2009 : la remunicipalisation en marche 271er janvier 2010 : la distribution intègre la régie 32La baisse du prix de l’eau 35 Chapitre 2 : La phase de transition : bascule humaine, technique et juridique 39

La préparation : une mue concertée 40Au plan juridique : le choix de la régie « autonome » 44La transmission du patrimoine, de la société d’économie mixte à la régie 46Un parcours complexe 47 Des premières négociations sur les transferts de personnels 48Le changement de normes comptables 50La bascule des systèmes d’information 55Le difficile transfert des dossiers techniques stratégiques 60Comment assurer la continuité de service pendant ces transferts difficiles ? 66

Chapitre 3 : Les implications sociales du passage en régie : dimension humaine de la transition 69

Un travail de terrain 72Remunicipalisation et ressources humaines : démarches et freins 74Des négociations anticipées avec les partenaires sociaux 79 L’intégration des salariés du Centre de recherche, d’expertise et de contrôle des eaux de la Ville de Paris (CRECEP) 82Des incertitudes jusqu’à la dernière minute 84Le transfert de provisions sociales 86Une décision de politique publique 88La maîtrise des effectifs et de la masse salariale 90

Table des matières

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Chapitre 4 : Le partage des fruits de la remunicipalisation 95

Pour tous les usagers, une baisse du prix de l’eau de 8% 97Des actions en faveur des plus démunis 99Pour garantir l’avenir du service, un niveau d’investissement sanctuarisé et une gestion patrimoniale de long terme 103Assumer ses responsabilités d’acteur territorial 104Un opérateur à la recherche de ressources alternatives 111Favoriser les énergies renouvelables 113

Chapitre 5 : La gouvernance de l’entreprise refondée dans des valeurs de bien commun 115

Un Conseil d’administration représentant la collectivité et la société civile 116Le Contrat d’objectifs, « boussole » de l’entreprise 119L’Observatoire de l’eau, les citoyens au cœur du service public 121L’ouverture aux associations 123

Chapitre 6 : L’invention d’un modèle entrepreneurial d’intérêt public, quelles perspectives ? 125

L’effet ciseaux 126Un enjeu métropolitain 128Les perspectives de refondation d’une politique industrielle publique 131Des coopérations renforcées en France et en Europe : Aqua Publica Europea et France Eau Publique 134La remunicipalisation parisienne de l’eau comme exemple 136Vers un modèle d’entreprise d’intérêt général ? 137

Chapitre 7 : D'autres régies témoignent 139Des valeurs cardinales 140Le syndicat des eaux et de l'assainissement Alsace-Moselle : un mariage entre valeurs de service public et culture d'entreprise 143Une gouvernance modulaire 145A Digne, remunicipaliser pour maîtriser l'ensemble de la chaîne 146Bilan : un délai de création trop court 148La régie de Grenoble, un circuit de décision intégré 149L’intérêt de la régie 150Au fil de l'eau, au fil du temps... 152

Remerciements 155Lexique 156

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Préface

Le 1er janvier 2010 l'ensemble du service de l'eau à Paris, des captages jusqu'au robinet, était assuré pour la première fois par un seul et unique opérateur, municipal et public : la régie Eau de Paris. Ce fut l’aboutissement d’un travail engagé en mars 2008 à l’issue des élections municipales pour la phase opérationnelle de la transition, mais depuis plus longtemps pour ce qui concerne la réflexion stratégique et le processus de décision initial. Après un temps d’études et de concertation, suivi d’un non moins important temps d’analyse technique du nouveau modèle à mettre en place, le Conseil municipal prit, à l’issue d’un débat politique intense en novembre 2008, la décision d’engager cette réforme historique.

Tout historique qu’elle soit, cette décision n’était qu’une étape ; et sa mise en œuvre opérationnelle, politique et technique fut à bien des égards un bel exploit. Dans un pays qui a vu naître les grandes multinationales de l’eau et encouragé le développement de la délégation de service public au secteur privé au niveau des collectivités locales, le défi était en effet de taille. Nombreux furent les opposants et les sceptiques qui, au mieux, pensaient la tâche impossible au regard du poids économique des délégataires privés mais aussi du caractère symbolique que représentait le cas parisien.

Le chemin de la transition ne fut pas simple. Si Paris ne fut pas la première collectivité à se lancer dans cette voie, il n'existe pas pour autant de mode d'emploi universel et le contexte parisien se révéla d’une grande complexité. Dès lors on expérimenta, on fit jurisprudence sur certains sujets. L’ensemble des équipes d’Eau de Paris, dans la diversité de ses origines et de ses cultures, se mobilisèrent de manière extraordinaire pour la réussite de ce grand projet. Elles ne comptèrent pas leurs heures de travail et leur énergie pour assurer la continuité du service dans des conditions de profonds changements organisationnels et administratifs. Nous connûmes des périodes de tension sociale, des difficultés dans la mise en œuvre opérationnelle qui ont marqué les débuts de cette transformation d’Eau de Paris.

Préface

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L’eau à Paris retour vers le public

Mais après quatre années d’exploitation nous pouvons affirmer que nous avons réussi à bâtir la plus grande entreprise publique locale en matière de services d’eau en France. Aujourd’hui la réussite est telle que plus personne, pas même ses adversaires des débuts, ne la conteste.

Sans l’implication de tout le personnel, de son conseil d'administration et des services concernés de la municipalité, Eau de Paris n’aurait pas connu ce changement structurant et mis en œuvre avec succès toutes les innovations l'accompagnant. Car la décision politique de remunicipalisation du service d’eau s’est caractérisée à la fois par une volonté de retrouver les pleines prérogatives de la puissance publique, mais aussi de démontrer la possibilité de créer un service public performant capable d’innover sur le plan social, environnemental, technologique et industriel. Aujourd’hui, toute jeune qu’elle soit, la régie Eau de Paris affiche déjà un beau bilan en la matière, ayant prouvé ses capacités d’adaptation et de réactivité face aux multiples changements et nouveaux défis ; et ce beau pari fut relevé collectivement.

L’expérience parisienne n’est pas isolée. Plusieurs collectivités ont décidé ces dernières années de retrouver la maîtrise publique de leur service, et leurs témoignages – nous avons choisi d’en relater certains dans cet ouvrage – montrent qu’au-delà des spécificités propres à chaque expérience, des enseignements communs peuvent en être tirés. C’est de ce constat qu’est venu le souhait exprimé par des collectivités et leurs opérateurs de se regrouper afin de mutualiser les acquis, de partager les connaissances, de créer des synergies, d’échanger les bonnes pratiques… en un mot de donner raison au vieil adage « l’union fait la force » ! Depuis le lancement en juillet 2012 du réseau France Eau Publique, de nombreux groupes de travail et échanges techniques ont eu lieu, nourrissant une vision commune, une stratégie partagée pour consolider la gestion publique de l’eau et l’ancrer dans le paysage français ; non plus comme une anomalie mais comme une véritable alternative, un autre modèle aussi souhaitable que réalisable. Cette dynamique prolonge d’ailleurs au niveau national la démarche engagée au niveau européen par le réseau Aqua Publica Europea.

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Préface

S’il ne s’agit pas ici de se glorifier ni de vouloir faire du prosélytisme, il semble à la fois important et utile de garder la mémoire du travail accompli et des étapes opérationnelles qui ont jalonné cette aventure. Cela relève de l’histoire du service de l’eau parisien, et répond aussi aux nombreuses sollicitations de collectivités, services, chercheurs, militants etc. désireux de connaître les conditions de la reprise en régie d’Eau de Paris. Tel est l’objectif que cet ouvrage s’est assigné, retracer le parcours singulier de ce retour en gestion publique au nom de l’intérêt général et de la préservation d’un bien si commun et si précieux.

Anne Le StratPrésidente d’Eau de Paris

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L’eau à Paris retour vers le public

Introduction Remunicipaliser au nom de l’intérêt général

Remunicipalisation... même si le mot n’est pas facile à prononcer, il porte l’énergie de la citoyenneté, véhicule une dimension d’optimisme et de valeurs partagées, à rebours de l’individualisme ambiant. La remunicipalisation de l’eau à Paris est plus qu’un processus technique. Elle symbolise l’attachement des Parisiens au bien commun vital qu’est l’eau. Elle est emblématique d’un mouvement de fond et d’une nouvelle créativité politique autour des biens communs. S’il est un bien commun par excellence, l’eau en est l’une des incarnations les plus cohérentes : elle mobilise une action collective dans un objectif d’intérêt général, associé au respect des limites écologiques et de la justice sociale. Elle incorpore l’idée d’une construction simultanée d’un bien et d’une communauté . Elle mobilise les critères de gouvernance chers à la politologue américaine Elinor Ostrom, Prix Nobel d’économie pour ses travaux sur la gouvernance des biens communs : prise de décision participative, complémentarité des acteurs, fonctionnement en réseau n’excluant pas la collaboration tant publique que privée, mécanismes de résolution des conflits, respect des ressources naturelles.

Sous le signe de cette transversalité, le service de l’eau à Paris connaît un tournant philosophique : depuis le 1er janvier 2010, à l’issue d’une série d’étapes de transition, il est passé d’une organisation fragmentée qui générait des dividendes pour les actionnaires privés, à un ensemble de vocations politiques, sociales et écologiques bien plus vaste. L’heure n’est plus à l’engouement pour les politiques de privatisation et

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de libéralisation des services. Si celles-ci continuent de prévaloir en France, où la gestion déléguée par voie de concession ou d’affermage1 couvre encore aujourd’hui 66% de la population, d’autres pays tels que l’Allemagne, la Belgique, la Norvège, les Pays-Bas ont conservé dans le giron public la quasi-totalité de la gestion du service de l’eau. En Suisse, la République et Canton de Genève est allée jusqu’à inscrire le principe de la gestion publique de l’eau dans son projet de Constitution2. En Italie, lors du référendum du 13 juin 2011, les électeurs ont refusé la privatisation de l’eau dans leur pays. Nombre de municipalités ont repris leurs services d’eau en gestion directe.

La question de l’eau semble se poser un peu partout dans le monde. En Europe de l’Est, hausses des tarifs et surfacturations ont entraîné de nouveaux cas de re-municipalisation à Pecs et à Budapest (Hongrie)3. En Asie, la Malaisie a renationalisé ses systèmes d’eau après avoir fait de même pour ses systèmes d’assai-nissement il y a quelques années. La capitale indo-nésienne, Jakarta, se plaint de la flambée du prix de l’eau, tandis que le contrat de Manille (Philippines) fait l’objet de contentieux. Quant à l’Amérique latine, elle défraye la chronique avec des remunicipalisations emblématiques en Argentine, en Bolivie, et en Colom-bie. En Uruguay, une réforme constitutionnelle, sou-tenue par les citoyens uruguayens, a interdit la priva-tisation des services de l’eau et posé les jalons d’une gestion de l’eau durable et participative. L’Amérique du Nord est un laboratoire intéressant, avec à la fois des remunicipalisations et l’expérimentation par le

1. Voir lexique en fin d’ouvrage. 2. Projet de Constitution de la République et Canton de Genève adopté par l’Assemblée constituante le 31 mai 2012, http://www.ge.ch/constituante/doc/Projet_de_constitution_version_finale_190612_A4.pdf3. Ces exemples et les suivants sont tirés de : Water RemunicipalisationTrackerhttp://www.remunicipalisation.org

Introduction

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secteur privé de nouvelles formes de contrats pré-voyant des clauses de responsabilité environnemen-tale et le plafonnement des facturations. En Afrique, les privatisations sont en échec, et des pressions se font jour sur les contrats restants. La situation est plus contrastée au Maghreb4. Les raisons d’un retour en régie pour les collectivi-tés qui le choisissent sont diverses : choix politique, cohérence des modes de gestion, conséquences de résiliation de contrat, contentieux avec le délégataire, absence de concurrence... Volonté de transparence, maîtrise du prix et de la qualité du service sont recher-chées. Pourquoi remunicipaliser ? D’abord en raison des coûts : en régime privé, aux coûts de fonctionne-ment s’ajoutent les coûts des dividendes versés aux ac-tionnaires privés, les marges en cascade générées par les systèmes de sous-traitance aux filiales et les trans-ferts financiers visant à alimenter d’autres activités de ces multinationales. Dans certains pays, les promesses d’investissements n’ont pas toujours été tenues, et des hausses tarifaires importantes peuvent exclure du ser-vice les populations les plus pauvres. La gestion est peu transparente, ni responsable politiquement en raison d’une certaine opacité financière, de contrats couverts par des clauses dissimulées, de l’extraction de profits trop importants du système, d’une respon-sabilité démocratique faible ou absente (moyens de supervision des élus très limités, usagers non associés à la gestion...)5.

Les motifs d’une remunicipalisation sont donc mul-tiples. Il peut s’agir de campagnes citoyennes de masse, comme c’est le cas dans les pays en dévelop-pement, ou dans des capitales européennes telles que Berlin. Les associations et les syndicats peuvent jouer un rôle. En Europe, la contestation de la légalité des contrats et des contre-expertises économiques, ados-sées à des campagnes de presse, peuvent catalyser le

4. Water Remunicipalisation Tracker : http://www.remunicipalisation.org/5. Martin Pigeon, David A. Mac Donald, Olivier Hoedeman, Satoko Kishimoto, Remunicipalisation. Putting Water Back into Public Hands, Transnational Institute, Amsterdam, mars 2012.

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retour au service public géré par les communes. La remunicipalisation se fait à plusieurs échelles : soit à l’échelle communautaire, soit municipale, comme en France et aux Etats-Unis, soit régionale, comme dans les provinces de Buenos Aires et Santa Fe en Argen-tine, soit nationale, comme en Uruguay et au Mali.Pour être un véritable « bien public », l’eau doit être considérée comme un « bien commun », ce qui per-met de répondre aussi bien aux exigences de justice sociale qu’à celles de gestion durable de la ressource. Dans la région de Valence, en Espagne, le « tribunal des eaux » est une structure d’arbitrage traditionnelle mise en place il y a plus de mille ans. Elle continue de fonctionner au sein de communautés d’irrigants. Vers 960, le Calife de Cordoue eut l’idée de créer une instance capable d’organiser et réglementer la produc-tion de l’eau. Chaque semaine, des juges, choisis et élus parmi les exploitants agricoles, se réunissent sur le parvis de la cathédrale pour arbitrer les litiges entre agriculteurs au sujet de la répartition des eaux de la rivière Turia. Il s’agit d’un modèle de compromis ins-titutionnalisé qui a permis de pacifier la gestion de la ressource. Car invoquer la gestion publique et l’eau comme bien public ne suffit pas si l’autorité politique et l’administration ne sont pas elles-mêmes démocra-tiques et si les citoyens ne sont pas impliqués de près dans sa gestion, au moins autant que la structure tech-nique chargée de la gestion du service6.

En France, la pression s’est nettement accrue sur les marges des opérateurs privés dans un contexte de renégociation de contrats (Toulouse, Bordeaux, Lille, SEDIF...) et de visibilité accrue de la problématique. Quelques cas de remunicipalisation très symboliques, comme Grenoble après l’affaire Carignon, ont marqué l’actualité. Et, à Paris, il s’est avéré que le passage en régie était source d’économies pour la municipalité, estimées à quelque 35 à 40 millions d’euros par an.

6. Revue Passerelle, n°2, « Les biens communs, modèles de gestion des ressources naturelles », mai 2010.

Introduction

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La reprise du contrôle sur l’ensemble de la filière, de la production à la distribution en passant par la fac-turation et la relation avec les usagers, a procuré des économies d’échelle et permis de gagner en efficacité. La régie devient assemblier d’une diversité de métiers. Une culture d’entreprise citoyenne s’invente. Ce chan-gement de focale donne lieu à une nouvelle philoso-phie du service de l’eau : le fait que cette ressource vitale ne soit plus seulement un bien marchand laisse le champ à l’opérateur pour valoriser des objectifs so-ciaux et environnementaux dans une vision globale et de long terme.

Eau de Paris a choisi de retracer les grandes étapes et les principaux enjeux de la remunicipalisation du ser-vice de l’eau, depuis les premières approches jusqu’au fonctionnement actuel, permettant de consigner l’ex-périence acquise dans la construction et la réalisation de la régie. Après une première édition de cet ouvrage à l’été 2012, nous vous en proposons une nouvelle ver-sion actualisée.

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Avant 1985, la production et la distribution d’eau à Paris étaient gérées par un service municipal. Seule la gestion commerciale était déléguée à la Compa-gnie générale des eaux (CGE). La décision est prise,

en 1984, de privatiser la distribution de l’eau en confiant la gestion à deux entreprises pri-vées. Le service de l’eau nécessite à l’époque des investissements importants, le réseau ayant été insuffisamment entretenu par

le passé. La délégation à deux grands groupes concurrents,

l’un sur la rive droite, l’autre sur la rive gauche, repose sur l’idée de créer une émulation entre ces derniers afin de stimuler efficacement la remise en état du réseau. Le 1er janvier 1985, des contrats d’affermage de vingt-cinq ans ont

ainsi été conclus avec la Com-pagnie des Eaux de Paris - CEP (groupe Veolia, ex-

Vivendi, ex-Générale des Eaux) pour la distribution d’eau en rive droite de la Seine, et avec la société Parisienne des Eaux (groupe Suez, ex-Lyonnaise des Eaux) pour la distribution d’eau en rive gauche. La gestion administrative et commerciale du service a été confiée au Groupement d’intérêt économique (GIE)7 constitué par les deux entreprises. Lors de la passation des contrats de délégation aux distributeurs fin 1984, la Générale des eaux qui a une compétence de factu-ration qu’elle exerce à Paris depuis la mise en place

Le service de l’eau à Paris avant 2010

7. Voir lexique en fin d’ouvrage.

Chapitre 1

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du service de l’eau dans les années 1850, a proposé à la Lyonnaise de continuer à assurer la facturation pour leurs deux filiales parisiennes. Ce montage a été for-malisé par la création du GIE en question, composé d’un responsable et d’un adjoint, mais qui n’était en réalité qu’une coquille vide, le travail de facturation du service étant de facto assuré par la CGE8.

Puis, c’est au tour de la production d’être soustraite au service municipal et d’être confiée à une société d’économie mixte (SEM). Le 30 janvier 1987, un contrat de concession de vingt-cinq ans est conclu avec la Société anonyme de gestion des eaux de Paris (SAGEP) – société d’économie mixte créée pour l’occasion – dont le capital est partagé entre la Ville (70%), la Compagnie générale des eaux (CGE) (14%), la Lyonnaise-Suez (14%), et quatre actionnaires municipaux (2%). Outre la production et le transport d’eau potable et non potable, la SAGEP a également pour mission le suivi et le contrôle des deux distributeurs9. Elle est administrée par un Conseil d’administration de dix membres dont sept représentants du Conseil de Paris. Ce montage n’offre pas toutes les garanties d’un contrôle efficace de la distribution par la collectivité, qui s’en décharge auprès de la SAGEP au capital de laquelle se retrouvent ces mêmes distributeurs, placés de fait en situation de juge et partie. En effet, même si la Ville de Paris conserve la majorité au capital de la SAGEP, ses orientations font l’objet de délibérations auxquelles les compagnies distributrices participent, avec un poids important au Conseil d’administration, et pouvant ainsi avoir les informations sur les activités de la SEM, comme le programme de travaux par exemple.

Morcelée, l’eau de Paris est alors un marché qui se partage entre quatre acteurs : la Compagnie des Eaux de Paris (CEP) pour la distribution de l’eau sur la

8. Inspection générale de la Mairie de Paris, Le contrôle par la Ville de Paris de sa filière eau (production-distribution), juin 2003. 9. Voir lexique en fin d’ouvrage.

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rive droite, la société Parisienne des Eaux sur la rive gauche, la SAGEP, société d’économie mixte de la Ville de Paris pour la production de l’eau, et le Centre de recherche, d’expertise et de contrôle des eaux de la Ville de Paris (CRECEP), laboratoire public, qui assure les analyses au titre du contrôle sanitaire de l’eau pour le compte du Ministère de la santé. Les distributeurs ont en charge certains réservoirs, et les canalisations de distribution d’eau, hors les conduites structurantes. La SAGEP intervient pour sa part sur les travaux de construction et d’extension dans les Zones d’aménagement concerté (ZAC), ou les travaux touchant aux structures des ouvrages. Les compagnies distributrices conduisent les travaux sur le réseau pa-risien, les extensions hors ZAC et les branchements, avec, à partir de 2003 suite à la révision des contrats,

une obligation sur les bran-chements en plomb. « En clair, une goutte d’eau peut

à l’époque changer d’opé-rateur, et donc de responsable, jusqu’à une dizaine de fois entre l’usine ou elle a été pro-duite et le robinet du consom-mateur final. Ce schéma ne permet pas à l’usager d’iden-tifier qui assume la responsabi-lité du service. Cela pèse égale-ment sur la maîtrise des coûts, car cet éclatement en plusieurs opérateurs limite les économies d’échelle que permettrait, à l’in-verse, une mise en cohérence de la production et de la distribu-

tion, sur l’ensemble de la chaîne », analyse Anne Le Strat, présidente d’Eau de Paris.

Chapitre 1

Organisation du service de l’eau en 2007

CHARGÉ DE LA PRODUCTION, DU TRANSPORT, DE LA PRESSION ET DE LA QUALITÉ- CONCESSION -

CHARGÉ DES ANALYSES ET DU CONTROLEDE LA QUALITE DE L’EAU

DÉFINIT LA POLITIQUE DE L’EAU ET CONTR Ô LE

LE SERVICE PUBLIC DE L’EAU

DISTRIBUTION RIVE DROITE Compagnie des Eaux de Paris- AFFERMAGE -

DISTRIBUTION RIVE GAUCHE Eau et Force - Par is ienne des Eaux - AFFERMAGE -

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L’eau à Paris retour vers le public

Les clauses de ces contrats sont, à l’époque, l’objet de critiques. Ainsi, le 7 septembre 2000, le président de la Chambre régionale des Comptes adresse une lettre au maire de Paris. Cette lettre signale des lacunes dans le compte rendu financier de la Compagnie des Eaux de Paris, alors chargée de la distribution de l’eau sur la rive droite de la capitale : « Sa conformité n’est que partielle puisqu’il ne retrace pas la totalité des opérations financières afférentes à la délégation. Les produits financiers générés par la délégation en sont absents, tandis que, du fait du mécanisme dénommé « garantie de renouvellement », le compte financier ne retrace ni le montant des travaux effectués, ni les reprises sur les provisions constituées.10». Selon le président de la Chambre régionale des comptes, les déclarations financières de la Compagnie des Eaux de Paris (CEP) ne permettent plus de vérifier l’adéquation entre les provisions constituées, les reprises de ces provisions et les travaux réellement effectués. En outre, la traçabilité des circuits financiers entre la CEP et sa maison mère, Vivendi (devenue Veolia), n’est pas assurée.

Suite à ce courrier, le maire de Paris diligente l’Inspection générale de la Ville de Paris afin de mener un audit de contrôle et de répondre à la question : « La Ville a-t-elle perdu ou gagné en connaissance de son réseau, en maîtrise du processus de décision et en contrôle de l’ensemble de la filière, en délégant le service public de fourniture d’eau ?11 ». En juin 2003, l’Inspection générale remet son rapport. Parmi les éléments de conclusion, le texte souligne que « l’absence d’état des lieux, qui aurait dû être réalisé en bonne logique par le service des eaux avant les privatisations, n’a évidemment facilité ni la fixation d’objectifs précis de plans de travaux de rénovation, ni l’évaluation de ce qui a été réellement réalisé et de ce qui reste à faire. »12. L’Inspection générale souligne

10. Lettre d’observation au Maire de Paris, du président de la Chambre régionale des comptes, en date du 7 septembre 2000.11. Inspection générale de la Mairie de Paris, Le contrôle par la Ville de Paris de sa filière eau (production-distribution), juin 2003.12. Inspection générale de la Mairie de Paris, Le contrôle par la Ville de Paris de sa filière eau (production-distribution), juin 2003.

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Chapitre 1

l’opacité des statuts du GIE qui n’est « qu’une « coquille vide » sans moyens propres, ni personnel, ni locaux, ni assemblée générale. Il ne produit ni comptes annuels, ni rapports d’activité. »13.

13. Ibid., p.109.

En février 1987

la production et le transport de l’eau de Paris sont délégués à une Société d’économie mixte (SEM), créée à cet e�et, la SAGEP.

la distribution de l’eau à Paris est con�ée à deux sociétés privées, la Compagnie des Eaux de Paris (CEP) et à la société Parisienne des Eaux, �liales des groupes CGE (Compagnie générale des eaux) et Lyonnaise des eaux, par des contrats de type « a�ermage

En Décembre1984

le service commercial était déjà con�é à la CGE. Après 1984, lorsque les délégations de la distribution ont été créées, les deux délégataires ont con�é la facturation à un Groupement d’intérêt économique (GIE) (créé le 22 juin 1985). En fait, la facturation a été rétrocédée par le GIE à la Compagnie générale des eaux, la société Parisienne des Eaux rémunérant cette dernière pour la facturation de sa délégation sur la rive gauche.

Avant 1984

la société Parisienne des Eaux intègre Eau et Force, société en commandite par actions du groupe Lyonnaise des eaux. Elle prend le nom de Eau et Force - Parisienne des Eaux. Et la CEP devient société en commandite par actions du groupe

En 1996

Historique des délégations du service de l’eau à Paris

En 1998

la CGE réalise un regroupement de l’ensemble de ses �liales opérant en Ile-de-France, au sein d’une direction régionale dont le siège est à Paris. Le centre de gestion de Paris, service central de la direction régionale, assure la gestion du GIE.La rémunération du GIE est forfaitaire. Décidée par la convention attachée aux statuts du GIE, elle fait l’objet d’une revalorisation annuelle.

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L’eau à Paris retour vers le public

2001-2003 : premiers jalons

En novembre 2001, la Ville crée une commission consultative des usagers du service public, dédiée à l’eau : « Instaurer la transparence, donner aux citoyens les moyens réels de contrôle sur un bien qui concerne directement leur vie quotidienne, obtenir le meilleur service public au meilleur coût : telles sont les orientations de l’équipe municipale pour les années qui viennent », annonce le nouveau maire de Paris14. La mairie lance un audit d’analyse de la gestion du service commercial des eaux de Paris qui conclut que les performances du service de l’eau ne justifient pas des coûts aussi élevés : le coût de revient présenté par les délégataires est supérieur de 25% à 30% par rapport au coût total par abonnés. Ainsi, Eau et Force - Parisienne des Eaux (groupe Suez) déclare 106€ de coût de revient du service pour 75€ de coûts de gestion, et la Compagnie des Eaux de Paris (groupe Générale des Eaux) 116€ de coût de revient du service pour 87€ de coûts de gestion15. Selon le cabinet d’audit Service Public 2000, « au terme de cette analyse, nous pouvons dire que le coût économiquement justifié est inférieur de 25% à 30% par rapport au coût de revient présenté par les délégataires. De plus, les comparaisons nationales et internationales que nous avons réalisées montrent que le coût du service commercial de Paris est sensiblement plus élevé que ceux constatés par les services en France (en moyenne 30€) et en Angleterre (en moyenne 55€)16 ».

En décembre 2003, dans un rapport public sur la gestion de l’eau en France, la Cour des comptes signale un écart croissant entre le montant des provisions pour renouvellement, sorte de prime de risque introduite par les délégataires à Paris à partir de 1997, et le montant des travaux réellement effectués. Quant aux marges, elles sont sous-estimées dans les déclarations

14. Communication du Maire de Paris, séance du 19 et du 20 novembre 2001. 15. Synthèse du rapport de Service Public 2000, Gestion du service commercial des eaux de Paris, novembre 2002. 16. Ibid. 17. Cour des Comptes, La gestion des services publics d’eau et d’assainissement, Rapport public particulier, décembre 2003.

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des délégataires, et passent du simple au triple, selon le mode de calcul faisant intervenir la valeur ajoutée sur l’activité de distribution17. 2003-2007 : renégociation des contrats

Profitant de la clause permettant une renégociation en cours de contrat, en 2003, la Ville renégocie avec les deux distributeurs et renforce le pilotage des contrats par la puissance publique. Lors d’une délibération des 15 et 16 décembre 2003, le Conseil de Paris affirme l’objectif de refonder l’organisation et la transparence du service public de l’eau à partir d’un repositionnement central de la Ville, et d’obtenir des réinvestissements massifs dans les délégations. Un budget annexe de l’eau est créé par la Ville et le contrôle de CEP et de EF-PE est transféré à l’administration municipale.

Un compte prévisionnel d’exploitation est désormais annexé au contrat, de même qu’un programme prévisionnel des travaux est intégré aux avenants. Le remplacement des canalisations en plomb, par exemple, doit être entièrement financé par les distributeurs. Ceux-ci acquitteront la redevance d’occupation des égouts, jusque-là versée indûment par la SAGEP et qui pour la période courant jusqu’à la fin du contrat s’élèvera à 28 M€18. Chacun des deux distributeurs devient responsable sur sa rive du service commercial, des relations avec les usagers, de la gestion des relevés et des compteurs et du recouvrement des redevances. Les compagnies distributrices sont autorisées à développer un dispositif de télérelevé19 et doivent améliorer le service rendu aux Parisiens. Le GIE de facturation, commun à la CGE et à Suez, est dissout. Ce nouveau contrat dispose que la Ville de Paris conserve la nue-propriété du système de télérelevé déployé par les délégataires. Cette propriété sera contestée par les délégataires par la suite.

18. Compte rendu sommaire officiel de la Ville de Paris n°12 – lundi 29 décembre 2003 – Séance du conseil de Paris, Conseil Municipal – Lundi 15 et mardi 16 décembre 2003. 19. Voir lexique en fin d’ouvrage.

Chapitre 1

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L’eau à Paris retour vers le public

Lors de l’examen de cette délibération, Anne Le Strat, alors Présidente directrice générale de la SAGEP souligne le caractère très rentable de la distribution de l’eau à Paris : « La Compagnie des Eaux de Paris a distribué, de 1985 à 2001, pas moins de 56 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires, soit 15 fois la valeur initiale du capital et, dans le même temps, la CEP a constitué 22 millions d’euros de capitaux propres et 27 millions d’euros de biens propres20 ».

Un modèle privé trouve une grande part de sa motivation dans la rémunération de ses actionnaires. Cela permet la mobilisation des fonds consentis par les actionnaires, mais la rémunération qu’ils en exigent en retour est bien supérieure au coût de l’argent public. Ce sont autant de montants financiers qui sortent du secteur de l’eau et qui pénalisent le coût du service, d’autant plus que les actionnaires privés cherchent une augmentation régulière de leur rémunération. Cela induit des stratégies d’accumulation de provisions importantes dans les comptes des compagnies distri-butrices de l’eau. Celles-ci tendent à repousser les investissements, et à positionner la distribution de l’eau comme une activité lucrative au sein d’un ensemble plus large, lequel bénéficie d’une partie de la rentabilité dégagée à Paris. Les bénéfices des distributeurs ont été évalués à partir des déclarations des rapports de leur activité à environ vingt-deux millions d’euros a minima par an, une fois les charges ajustées et les produits financiers pris en compte. Les excédents en fonds de roulement sont élevés, en moyenne de soixante millions d’euros par an entre 2000 et 2006, et sont rémunérés par des placements financiers à des taux avantageux, souligne le rapport conduit par Patrick du Fau de Lamothe en 200721.

20. Compte rendu sommaire officiel de la Ville de Paris n°12 – lundi 29 décembre 2003 – Séance du conseil de Paris, Conseil Municipal – Lundi 15 et mardi 16 décembre 2003. 21. Rapport de Patrick du Fau de Lamothe, Observations sur les résultats des distributeurs de l’eau potable et non potable et leur contrôle par la Ville, août 2007.

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Les garanties de renouvellement, assurance provision-née pour la conduite des futurs travaux, sont dispropor-tionnées avec la réalité des coûts des travaux, comme l’a signalé la Cour des comptes en décembre 200322. Autre source de profits non transparents, les frais de structure : pour Suez, on parle de frais généraux et côté Veolia de contribution des services centraux23. Quels sont-ils ? A l’évidence, ces données n’ont pas vocation à être rendues publiques par les deux groupes délégataires. En effet, les demandes insistantes de chiffres sur ces points, y compris écrites, de la Prési-dente directrice générale de la SAGEP, n’ont jamais reçu de réponse.

Une garantie de recettes : sous-traitance sans mise en concurrence, augmentation des tarifs

Le recours aux délégataires avait une autre consé-quence sur l’opacité de la gestion, en particulier au niveau de la sous-traitance.

Les achats destinés au service de la distribution de l’eau, investissements comme exploitation, se faisaient sans transparence ni mise en concurrence obligatoire. Alors que, pour la SEM, les achats suivaient des procédures publiques et relèvaient d’une commission d’appel d’offres composée de représentants de la majorité et de l’opposition municipale, Quant aux délégataires privés, le choix des prestataires et des entreprises est fait par le délégataire lui-même, selon les règles du commerce privé, sans regard des services de l’Etat en charge du contrôle de légalité.

Les délégataires ont eu recours, pendant toute la période de leurs contrats, aux entreprises de leur groupe pour la réalisation des prestations qu’ils n’effectuaient pas directement. Il s’agissait de l’ensemble des travaux d’entretien et de réparation ainsi que des

22. Cour des Comptes, La gestion des services publics d’eau et d’assainissement, Rapport public particulier, décembre 2003. 23. Rapport de Patrick du Fau de Lamothe, Observations sur les résultats des distributeurs de l’eau potable et non potable et leur contrôle par la Ville, août 2007.

Chapitre 1

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L’eau à Paris retour vers le public

travaux de renouvellement ou de rénovation dont ils étaient chargés. Les travaux de remplacement des branchements en plomb ou les travaux d’installation des télérelevés24 étaient également concernés. Tous ces travaux et prestations ont été commandés de gré à gré en sous-traitance et sans mise en concurrence sur les choix techniques comme sur les prix, aux filiales des grands groupes délégataires. Entrant dans les charges exposées par les distributeurs délégataires, ils font partie du coût de revient du service de l’eau, minimisant la marge apparente du délégataire, alors qu’ils comportent une part significative de marge revenant indirectement au groupe auquel le prestataire est affilié.

Au fil des décennies antérieures, la Ville a progressive-ment perdu le contrôle sur l’état réel de la distribution et la maîtrise du prix de l’eau. Alors que le prix de l’eau a suivi l’inflation entre 1980 et 1985, le prix de l’eau a commencé à décrocher avec le début des délégations

500

450

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350

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1001980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011

Base 100 en 1980 Source : Eau de Paris

Evolution de la part eau potable du prix de l’eau depuis 1980

Régie Délégations de service public Remunicipalisation

Part eau potable

1985Début des DSP

Distribution sur les deux rives

2010Remunicipalisation

et stabilisationdu prix de l’eau

(part eau potable)

In�ation

24. Relevés de consommation à distance.

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de service sur la distribution de l’eau. Ainsi, de 1980 à 2010, le prix de l’eau a été multiplié par 4,6, soit, sur la période de 1985 à 2009, une hausse de 289%, dont + 174% pour la part eau potable. Cela représente une augmentation moyenne annuelle de 11,56%, dont 6,95% sur la part eau potable25, du fait de la formule d’indexation contractuelle ou d’avenants.

Pourquoi de telles hausses ? L’argument des lourds investissements que requiert la mise aux normes et la modernisation des installations est parfois avancé pour justifier ces augmentations. Qu’en est-il ?Les compagnies distributrices avaient la charge de l’entretien du réseau d’eau ; les investissements sur les usines, les aqueducs, qui constituaient la part la plus importante, étaient quant à eux supportés par la SAGEP. Le taux de rendement constitue l’un des indicateurs de mesure de la performance du réseau et des investissements réalisés. De 1985 à 2009, ce taux n’a pas suivi l’évolution du prix de l’eau. D’abord stable autour de 80% sur les cinq premières années des délégations de service, il a franchi un premier seuil entre 1991 et 1992, pour se stabiliser à nouveau autour de 90% puis régresser de quatre à cinq points dans la période de 1998 à 200226. La renégociation des contrats de délégation en 2003, avec l’obligation de réaliser un plan de renouvellement et de rénovation d’une part et de procéder à l’éradication de branchements en plomb d’autre part, s’est traduit par un accroissement significatif du taux, lequel a atteint en 2007-2008 plus de 96% mais avec une nouvelle inflexion d’un point en 2009. Ainsi, les investissements consentis ne sauraient suffire à expliquer l’augmentation du prix de l’eau. Comme l’indiquera Bertrand Delanoë dans son communiqué de presse du 5 novembre 2007, « le schéma hérité d’une époque ancienne ne permet pas d’identifier clairement qui assume la responsabilité du

25. Contrôle de Gestion Eau de Paris, 11 juillet 2013. 26. Ibid.

Chapitre 1

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L’eau à Paris retour vers le public

service. Il pèse également sur la maîtrise des coûts, toutes les études économiques confirmant que cet éclatement en plusieurs opérateurs limite les gains de productivité que permettraient, à l’inverse, une mise en cohérence de la production et de la distribution, sur l’ensemble de la chaîne ».

Le tournant de 2007

E n m a rs 2007, un vote du C ons eil m un icipa l dé cide q ue les de ux com pa gni es privé es doi vent vendr e à la C a isse de s dé pôt s les a ction s qu’ elles dé tena ient d a ns la S E M . A prè s trois a ns d e rené goc ia tion a vec la m uni cipa lité , la C E P ( C om pa gni e de s E a ux de P a ris) et E a u et F orce - P a risienne de s E a ux ( S uez ) , sortent enfin de l’actionnariat de la SEM et sont ainsi rem pla cé s pa r un pa rtena ire ins titutionne l, la C a isse d es dé pôt s et cons igna tions , a u sein du ca pita l de la SAGEP. L’objectif est de continuer à clarifier les rôles dans la filière de production et de distribution de l’eau.

M a is le vé rita ble tourna nt survient le 5 nove m bre 2 007, qu a nd le m a ire de P a ris, lors de sa ca m pa gne é lectora le pour un second m a nda t m uni cipa l, dé cla re q ue la di stribution de l’ ea u pa risienne repa ssera it en g estion publique s’ il é ta it ré é lu. I l a nnonc e a ins i qu’ il confierait à un opérateur public unique la responsabili-té de toute la cha î ne du cyc le de l’ ea u, de la produc tion à la di stribution, et que cet opé ra teur prendr a it la f orm e j uridi que d ’ une ré gi e à personna lité m ora le et à a uto-nomie financière (RPMAF). L’unification et la muni-cipa lisa tion du service de l’ ea u de va ien t perm ettre à la collectivité de f a ire de s é conom ies substa nt ielles et de restituer au public parisien des bénéfices jusque-là priva tisé s. D a ns son com m uni qu é de presse, B ertra nd D ela noë pré cise que « Cette meilleure rationalité ren-forcera le rôle de la Ville dans sa mission de contrôle et de pilotage et influera directement sur le niveau des

Ce schéma, hérité d’une époque déjà ancienne, ne permet pas à l’usager d’identifier clairement qui assume la responsabilité du service. Il pèse également sur la maîtrise des coûts, toutes les études économiques confirmant que cet éclatement en plusieurs opérateurs limite les gains de productivité que permettraient, à l’inverse, une mise en cohérence de la production et de la distribution, sur l’ensemble de la chaîne. C om m uni qué de presse du m a ire de P a ris, 5 nove m bre 2007.

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prix proposés aux usagers parisiens. Cette régie serait en effet soumise, vis-à-vis de la Ville, à des obligations contractuelles précises, quant à la qualité du service et à la maîtrise de ses coûts, avec pour objectif la sta-bilité du prix de l’eau (pour la partie dépendant de la Ville), au moins pendant la prochaine mandature. Il s’agit là d’une condition incontournable pour garan-tir la performance de ce service, dont je précise qu’il sera soumis à de fortes exigences de management, tout en sachant mobiliser autant que nécessaire les compétences des entreprises privées »27.

2008-2009 : la remunicipalisation en marche

A l’issue de l’élection du maire de Paris en mars 2008, la remunicipalisation est confirmée. Le maire de-mande alors aux équipes de la ville et d’Eau de Paris de conduire les études juridiques, financières, tech-niques permettant de mettre en œuvre l’opérateur pu-blic unique. Ces études vont s’appuyer sur celles réa-lisées en 2006-2007 et qui portaient alors, la première sur la sortie des délégations de service, la seconde, sur un comparatif national et international sur l’organisa-tion et le fonctionnement des services de l’eau, auprès de neuf villes, sept françaises et Stockholm et Munich et la dernière sur une approche prospective sur les modes de production à l’horizon 2025. Un audit social a également été lancé afin de disposer d’un état des lieux de la situation des personnels des compagnies distributrices. La démarche est présentée dès 2006 à l’Observatoire parisien de l’eau, d’abord au stade des études de réorganisation du service, puis en 2007 sur les différents modes de gestion, et lors d’une nouvelle consultation le 20 octobre 2008 sur le futur mode d’organisation. La commission consultative des services publics locaux (CCSPL) rend quant à elle un avis favorable.

Chapitre 1

27. « L’eau à Paris », communiqué de presse du maire de Paris, 5 novembre 2007.

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L’eau à Paris retour vers le public

U ltim e é ta pe, le dé ba t sur la cré a tion de la ré gi e s’ enga ge en C ons eil de P a ris, le 24 nove m bre 2 008. D a ns sa com m uni ca tion int roduc tive, B ertra nd D ela noë ra ppelle que « l’eau constitue un bien commun essentiel, elle exige donc une gestion efficace et solidaire fondée sur une maîtrise publique clairement assumée ». I l s’ a gi t a ins i de perm ettre à la ville de « définir les responsabilités et mettre un terme au morcellement ». Dans un contexte très difficile qui voit les cha rge s a ugm ent er et les recettes di m inue r, ce di spositif perm ettra de m a î triser le prix de l’ ea u. L es cont ra ts sig né s pour dé lé gu er la di stribution de l’ ea u « ont lésé les intérêts de notre collectivité. La meilleure preuve est que nous avons obtenu grâce aux avenants signés en 2003, une véritable amélioration correspondant à une sommes de 142 millions d’euros qui a bénéficié à l’entretien du réseau » pré cise le m a ire2 9 .

P our B ertra nd D ela noë , c’ est un choi x de bonne g estion « nous voulons mettre la régulation publique au service de la productivité » 30 et un choi x d é m ocra tique « le principe de la consultation des usagers et leur participation effective aux décisions qui les concernent s’appliquera désormais à la gestion du service public de l’eau »3 1 . L e m a ire a chè ve sa com m uni ca tion en invi ta n t les cons eillers de P a ris « à adopter une réforme que je crois novatrice, réaliste et utile à tous les Parisiens »3 2 , et rem ercie A nne L e S tra t de s’ y ê tre con sa cré e « avec conviction et énergie »3 3 .

A u cours du dé ba t a ins i orga ni sé , l’ ens em ble de s gr oupes politique s s’ expr im ent lors d’ é cha nge s n our-ris. L es é lus de la m a j orité m uni cipa le souligne nt l’ en -j eu de la ré f orm e, la ré gi e « étant le meilleur choix possible »3 4 , « parce que la gestion d’une ressource universelle doit s’effectuer dans l’intérêt général »3 5 ,

28. « L ’ ea u à P a ris », com m uni qué de presse du m a ire de P a ris, 5 nove m bre 2007.29. C om m uni ca tion du m a ire de P a ris a u C ons eil de P a ris de s 24 e t 25 nove m bre 2008 s ur la ré orga ni sa tion du s ervice public de l’ ea u à P a ris30. I bid.31. I bid.32. I bid.33. I bid.34. D é ba t a u C ons eil de P a ris de s 24 e t 25 nove m bre 2008 s ur l’ orga ni sa tion du s ervice de l’ ea u à P a ris35. I bid.

“ Je privilégie un choix d’efficacité consistant à confier à un opérateur public unique la responsabilité de toute la chaîne du cycle de l’eau, de la production à la distributiondé cla re B ertra nd D ela noë da ns son com m uni qué de presse2 8 .

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Chapitre 1

c’est « un projet guidé par le seul souci de l’intérêt général »36, s’agissant d’un bien commun qui doit res-ter accessible à tous et ne pas devenir un luxe pour les familles modestes. La méthode mise en place par Anne Le Strat « qui, par la mise en place de groupes de travail, la disponibilité vis-à-vis de l’ensemble des groupes, la communication de nombreuses études et documents et par la redynamisation de l’Observatoire de l’eau, a permis d’associer à la réflexion non seu-lement les élus, mais également les usagers, les asso-ciations de l’eau et les organisations syndicales »37.Répondant aux différentes prises de parole et aux objections formulées par l’opposition municipale, Anne Le Strat rappelle l’engagement pris, conformément au droit du travail de transférer dans de bonnes conditions les personnels et le souci porté par la municipalité à la question du personnel. Les économies permises par la réforme issues des marges économiques des contrats des distributeurs et du régime fiscal plus favorable, seront réinvesties dans le service et permettront la stabilité de la part eau « dans l’intérêt du pouvoir d’achat des Parisiens »38. Ainsi, l’ensemble des flux financiers dégagés par l’exploitation du service seront « totalement réinvestis dans le service et dans l’intérêt des Parisiens »39. S’agissant de la performance du service et de son évaluation, l’adjointe au maire souligne que pendant plus de vingt-cinq ans il y a eu perte de contrôle de la ville et « alors qu’il n’y avait jamais eu aucune évaluation de la performance du service, nous allons, avec cette réforme, pouvoir suivre la performance du service tout en gardant la maîtrise et la gestion totale et publique de ce service »40. Au reproche fait à la ville de s’enfermer dans un village gaulois, Anne Le Strat affirme au contraire que Paris s’inscrit dans la démarche des collectivités européennes et internationales, qui ont décidé de reprendre « en main ce bien essentiel qu’est l’eau »41.

36. Ibid.37. Ibid. 38. Ibid.39. Ibid.40. Ibid.41. Ibid.

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Anne Le Strat conclut en dressant un parallèle avec les grandes réformes conduites au 19ème siècle par le Préfet Haussmann et l’ingénieur Belgrand, alors responsable du service de l’eau, « lesquels ont cherché à avoir un service public dégagé des intérêts marchands, avec une vision patrimoniale de long terme, avec un souci de la qualité de l’eau ». Ainsi, « avec cette grande réforme du service public de l’eau, au nom de l’intérêt des usagers, dans une vraie logique de développement soutenable qui lie la question économique, sociale et écologique »42, Paris renoue « le fil historique avec cette vision qu’avaient le Baron Haussmann et l’ingénieur Belgrand en défendant pour ce bien commun qu’est l’eau une gestion publique maîtrisée au nom de l’intérêt de nos concitoyens »43.

La délibération portant réorganisation du service de l’eau à Paris est ainsi adoptée à la majorité par les élus du Conseil de Paris, l’opposition municipale ayant voté contre. Le maire de Paris se félicite de ce vote qui a réuni l’ensemble des composantes de sa majorité.

Pourtant, malgré le vote clairement exprimé en conseil de Paris, un recours juridictionnel contre la déli-bération du Conseil de Paris a été déposé par deux conseillers de l’opposition municipale devant le tribu-nal administratif de Paris le 23 janvier 2009. Il portait sur plusieurs points, et notamment sur le fait que les conseillers de Paris n’auraient pas été correctement éclairés avant de prendre leur décision, que les disposi-tions communautaires en matière de transparence et de concurrence auraient été méconnues, et que le méca-nisme de rachat des parts détenues par les actionnaires minoritaires de la SAGEP en vue de la mise en place de l’établissement public Eau de Paris n’aurait pas été légal. Tous ces arguments ont été rejetés par le tribu-nal administratif de Paris, qui s’est prononcé le 21 mai 2010. Ainsi, le tribunal a jugé que les conseillers de

42. Ibid.43. Ibid.

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Paris avaient été suffisamment informés de l’ensemble des enjeux liés à l’absence de nouvelle délégation de service public ainsi qu’au choix du nouveau mode de gestion du service de l’eau, tant sur les objectifs pour-suivis, que sur les contraintes juridiques et les enjeux économiques44.

En outre, le tribunal souligne que la Ville de Paris est parfaitement fondée à confier la gestion du service public de l’eau à Eau de Paris, puisque les collectivités locales sont libres d’organiser leurs services publics. Il n’appartient qu’à elles seules de décider s’il est préférable de déléguer le service à un tiers ou de le gérer en régie. De plus, le tribunal a relevé que la régie Eau de Paris était un établissement public sous le contrôle étroit de la Ville de Paris, au regard, par exemple, de la composition de son Conseil d’administration ou de l’existence d’un Contrat d’objectifs entre la Ville et sa régie venant encadrer son activité. Conformément au droit européen, Eau de Paris n’avait pas à être mise en concurrence.De même le mécanisme de rachat des parts des action-naires minoritaires puis le transfert de l’intégralité du capital social de la SAGEP pour l’attribuer à la régie ont été validés par le juge. Ce recours contre la délibé-ration posant l’acte fondateur de la régie a conduit in fine à renforcer la légitimité d’Eau de Paris. Ce juge-ment n’a d’ailleurs pas fait l’objet d’un appel. Le jugement du tribunal administratif sur ce recours déposé par l’opposition municipale est très important. Il a en effet permis au tribunal de rappeler les règles de droit en vertu desquelles une remunicipalisation comme celle conduite à Paris est parfaitement justifiée si c’est le choix de la collectivité45.

Au terme de ces débats et rebondissements, l’établis-sement public local à caractère industriel et commer-cial (EPIC) doté de l’autonomie financière et de la per-

44. Tribunal administratif de Paris, jugement du 7 mai 2010. 45. Tribunal administratif de Paris, jugement du 7 mai 2010.

Une jurisprudence qui apparaît comme fondatrice pour les collectivités souhaitant suivre ce chemin.

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L’eau à Paris retour vers le public

sonnalité morale, dénommé « Eau de Paris » est institué pour la gestion de l’ensemble des activités du service public de l’eau parisien (production, transport, distribution) (voir encadré chronolo-gique).L’ensemble des personnels concernés (environ 830 au total issus de la SEM, du CRECEP, de Veolia et de Suez) seront transférés dans la nouvelle structure, avec maintien de leur contrat de travail et de leur rémunération.

1er janvier 2010 : la distribution intègre la régie

A partir du premier janvier 2010, le service de l’eau à Paris est assuré par un opérateur public unique, Eau de Paris. Les gains économiques importants permis par la réforme sont totalement réinvestis dans le service de l’eau. Les économies totales annuelles, prenant en compte les coûts récurrents de la remunicipalisation, représentent entre 35 et 40 millions d’euros, avec la réintégration des bé-néfices des délé ataires les écono ies d e ploita-tion et les écono ies liées la fiscalité 46 Des mar-chés publics, après une mise en concurrence selon les règles du code des marchés publics, sont passés pour les travaux alors qu’auparavant ils étaient confiés au filiales des rands roupes e pas-sage en comptabilité publique permet la lisibilité des investisse ents a transparence financi re est totale. « En régie, l’usager paie le service de l’eau à son juste coût. Ce qui veut dire qu’il n’y a pas de flux financiers qui sortent de la régie, puisqu’il n’y a pas de rémunération des actionnaires, pas de frais de structure extérieure au service : tous les bénéfices du service de l’eau reviennent dans le service. Ce modèle économique est quasi circu-laire », explique Anne Le Strat, présidente d’Eau de Paris47.

46. Source : Eau de Paris, direction financi re printe ps 2009. 47. Entretien du 3 juin 2013.

De la délégation à la régie, l'intégration des salariés

été

Note de propositions « Eau de Paris Demain » pour un opérateur public unique au maire de Paris

Annonce par la nouvelle municipalité de la démarche de remunicipalisation

nov.

Annonce du maire de Paris : la remunicipali-sation de l’eau fait partie de son projet pour la mandature nouvelle

Création de la régie Eau de Paris

1er

mai

mars

Entrée en activité de la régie, reprise en continuité de la SEM SAGEP de la production et du transport de l’eau et de la totalité des personnels de la SEM SAGEP et de 55 salariés du CRECEP

étéRecrutement de salariés sur les métiers de la distribution de l’eau

1er

jan.

jan.déc.

La régie Eau de Paris devient l’opérateur unique du service de l’eau, intégration de l’activité de distribution de l’eau et des personnels de la CEP et d’EFPE

Poursuite des recrutements sur les nouveaux métiers

Lancement de la démarche « Eau de Paris Demain » au sein de la SEM SAGEP

2006

2007

2008

2009

2010

1er

jan.

jan.

De la délégation à la régie

5nov.

Avis de la commission consultative des services publics locaux (CCSPL) sur la réforme du service public de l’eau

1er

jan.Création de la régie Eau de Paris

24nov.

Adoption des statuts de la régie par le Conseil de Paris et désignation du directeur général de la régie

1er

mai

Entrée en activité de la régie, centrée autour de la production et du transport

23 /24 nov.

Le Conseil de Paris vote les conditions de transfert des activités de distribution et des personnels des délégataires, au 31 décembre 2009, autorise la signature du contrat d’objectifs et approuve le règlement du service public de l’eau à Paris, applicable au 1er janvier 2010

31 déc.

Fin des contrats de délégation des deux distributeurs privés

1er jan.

La régie Eau de Paris devient l’opérateur unique

2008

2009

2010

Première réunion du Conseil d’administra-tion de la régie, élec-tion de la présidence, prise d’acte de la nomination du direc-teur général et propo-sition de nomination de l’agent comptable

22jan.

Page 33: L’eau à Paris...7 Préface Le 1er janvier 2010 l'ensemble du service de l'eau à Paris, des captages jusqu'au robinet, était assuré pour la première fois par un seul et unique

33

Chapitre 1

1er jan. Création de la régie Eau de Paris.

22 jan.Première réunion du Conseil d’administration de la régie, élection de la présidence, prise d’acte de la nomination du directeur général et proposition de nomination de l’agent comptable.

6 et 7 avr.Le Conseil de Paris résilie le contrat liant la Ville et la SAGEP, à compter du 1er mai, dote la régie des biens du service, et transfère les personnels à compter du 1er mai. Dotation de la totalité des actions de la SAGEP à compter du 5 mai 2009. Approbation du contrat d’objectifs provisoire entre la Ville de Paris et sa régie.

1er mai Entrée en activité de la régie, centrée autour de la production et du transport de l’eau intégrant la totalité des personnels de la SAGEP et 55 salariés du CRECEP.

11 maiDécision du Conseil d’administration d’Eau de Paris de dissoudre la SAGEP avec transmission universelle de son patrimoine à la régie. Constat de fin de mandat des membres du Conseil d’administration.Début du délai d’un mois pour opposition éventuelle à la dissolution par les tiers.

12 mai La SAGEP est dissoute sans qu’un créancier ait fait opposition. Les droits et obligations de la SAGEP sont transférés à la régie.

17 nov. Le Conseil d’administration de la régie autorise la signature du Contrat d’objectifs du service public de l’eau avec la Ville de Paris.

30 déc. Signature du contrat d’objectifs du service public de l’eau avec la Ville de Paris.

31 déc. Fin des contrats de délégation des deux compagnies distributrices.

23 et 24nov.

Le Conseil de Paris vote les conditions de transfert des activités de distribution et des personnels des délégataires, au 31 décembre 2009, autorise la signature du Contrat d’objectifs entre la municipalité et la régie, et approuve le règlement du service public de l’eau à Paris, applicable au 1er janvier 2010.

Election du Maire de Paris et confirmation lors du premier conseil de Paris de la remunicipalisation.M ars

Avis de la Commission consultative des services publics locaux (CCSPL) sur la réforme du service public de l’eau.A u tomne

Grandes étapes de la réforme

24 nov.

Délibération globale et fondatrice du Conseil de Paris de la réforme du service public de l’eau avec :

Rachat par la ville des actions détenues par la Caisse des dépôts et consignations, le Crédit municipal et les sociétés immobilières municipales RIVP, SAGI, SGIM, par délibération du Conseil de Paris.Adoption des statuts de la régie par délibération du Conseil de Paris. Désignation du directeur général de la régie.

2009

2008

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34

L’eau à Paris retour vers le public

Le passage en opérateur public unique a permis de ettre fin au c evauc e ents de onctions et de é-

tiers que l’on constatait lorsqu’il y avait trois déléga-taires opérateurs. Une plus grande synergie et mutua-lisation des métiers de la production, de surveillance de la qualité de l’eau et de la distribution concourt à plus d e ficacité tec nique sur tout le territoire a tra-çabilité est aujourd’hui complète de la goutte d’eau prélevée jusqu’à l’alimentation au robinet.

Avant la réforme Après la réforme

Ville de Paris Ville de Paris

Eau de ParisRégie municipale

Ville de Paris

Tutelle publiquedu service

ProductionEau de ParisSociété d’économie mixte

Compagnie des Eaux de Paris filiale de Veolia

Environnement Eau et Force - Parisienne des

Eaux, filiale de Suez Environnement

Distribution

Grands travauxde distribution

CRECEPRégie municipale

Analyse du contrôlesanitaire

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Chapitre 1

La baisse du prix de l’eau

La facture d’eau payée par les Parisiens comprend plusieurs composantes : l’eau, l’assainissement et les redevances. Avec la création de l’opérateur unique, après plusieurs décennies d’augmentation du prix de l’eau, la municipalité a immédiatement pris l’enga-gement que le prix de l’eau potable resterait stable en euros courants durant toute sa mandature, c’est-à-dire jusqu’en 2015, en dépit de la baisse continue des recettes d’exploitation due à la réduction structurelle des consommations d’eau des Parisiens. Dès 2009, la composante « production » de l’eau potable a ainsi été gelée ; l’année suivante, avec l’intégration de la distri-bution, c’est l’ensemble de la part eau potable qui a été plafonnée. Puis, après une année d’exploitation et sur la base de la réalité comptable arrêtée de façon rigou-reuse, une baisse de 8% pour tous les usagers a été actée par le Conseil d’administration de la régie, en date du 22 mars 2011, plaçant le tarif du mètre-cube d’eau po-table juste au-dessous du seuil symbolique d’un euro. Pour un service dont les conditions d’exploitation sont assez similaires, le coût de l’eau à Paris est ainsi de-venu très inférieur, par exemple, à celui du Syndicat des eaux d’Ile-de-France (SEDIF), de l’ordre de 40% moins cher. L’équilibre économique, fragilisé par la baisse des recettes, s’est trouvé consolidé aujourd’hui par les gains procurés par la gestion publique.

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L’eau à Paris retour vers le public

Paris

Fontainebleau

Sorques

Corbeil-Essonne

ÎLE-DE-FRANCE

VAL-D’OISE

EURE

EURE-ET-LOIR

YVELINES

ESSONNE

SEINE-ET-MARNE

HAUTS-DE-SEINE

VAL-DE-MARNE

SEINE-SAINT-DENIS

ORNE

PICARDIE

BOURGOGNE

HAUTE-NORMANDIE

BASSE-NORMANDIE

CENTRE

Versailles

Beynes

Thoiry

Houdan

Dreux

Verneuil-sur-Avre

Sens

Provins

Longueville

Usine des OrmesChampagne-sur-Seine

Le Grand Morin

La Vanne

La Marne

La Seine

L’Iton

L’Avre

L’Eure

L’Oise

L’Essonne

Montereau-Fault-Yonne

Villeneuve-sur-Yonne

Montigny-sur-Loing

Nemours

SourcesHautesSources Basses

BourronVilleron

Villemer

La Joieet Chaintréauville

Vals d’Yonne

La Voulzie

Le Durteint

Joinville

Saint-Cloud

La Vigne

Vert en Drouais

MontreuilBreuil

OrlyL’Haÿ-les-Roses

Le Dragon

Vals de Seine

Cochepies

Aqueduc de l’Avre

Aqueduc de la Vanne

Aqueduc de la Vanne Aqueduc de la Voulzie

Aqueduc du Loing

Moret-sur-Loing

Montreuil

RÉSERVOIRS

PUITS À L’ALBIEN

USINE DE TRAITEMENTD’EAU DE SURFACE

USINE D’AFFINAGE

USINE DE TRAITEMENTD’EAU SOUTERRAINE

eaux souterraines

eaux de surface

De 0 à 50 000

De 50 000 à 100 000

Supérieur à 100 000

Capacité des captages(en m3/j)

Captages

POINT DE SURVEILLANCE

Kilomètres

0 10 20 40

AIRE D’ALIMENTATION DE CAPTAGE D’EAU SOUTERRAINE

Eau des sources de la Vanneet de la Seine traitée

Eau des sources de l’Avre traitée

Eau de la Marne et de la Seine traitée

Eau des sources du Loinget de la Voulzie traitée

NOTA : Dans l’enceinte de Paris, seulssont indiqués les réservoirs auxquels

aboutissent directement les eauxpotables desservant la capitale

Schéma d’alimentation en eau de la Ville de Paris

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Chapitre 1

Paris

Fontainebleau

Sorques

Corbeil-Essonne

ÎLE-DE-FRANCE

VAL-D’OISE

EURE

EURE-ET-LOIR

YVELINES

ESSONNE

SEINE-ET-MARNE

HAUTS-DE-SEINE

VAL-DE-MARNE

SEINE-SAINT-DENIS

ORNE

PICARDIE

BOURGOGNE

HAUTE-NORMANDIE

BASSE-NORMANDIE

CENTRE

Versailles

Beynes

Thoiry

Houdan

Dreux

Verneuil-sur-Avre

Sens

Provins

Longueville

Usine des OrmesChampagne-sur-Seine

Le Grand Morin

La Vanne

La Marne

La Seine

L’Iton

L’Avre

L’Eure

L’Oise

L’Essonne

Montereau-Fault-Yonne

Villeneuve-sur-Yonne

Montigny-sur-Loing

Nemours

SourcesHautesSources Basses

BourronVilleron

Villemer

La Joieet Chaintréauville

Vals d’Yonne

La Voulzie

Le Durteint

Joinville

Saint-Cloud

La Vigne

Vert en Drouais

MontreuilBreuil

OrlyL’Haÿ-les-Roses

Le Dragon

Vals de Seine

Cochepies

Aqueduc de l’Avre

Aqueduc de la Vanne

Aqueduc de la Vanne Aqueduc de la Voulzie

Aqueduc du Loing

Moret-sur-LoingMoret-sur-Loing

RÉSERVOIRS

PUITS À L’ALBIEN

USINE DE TRAITEMENTD’EAU DE SURFACE

USINE D’AFFINAGE

USINE DE TRAITEMENTD’EAU SOUTERRAINE

eaux souterraines

eaux de surface

De 0 à 50 000

De 50 000 à 100 000

Supérieur à 100 000

Capacité des captages(en m3/j)

Captages

POINT DE SURVEILLANCE

Kilomètres

0 10 20 40

AIRE D’ALIMENTATION DE CAPTAGE D’EAU SOUTERRAINE

Eau des sources de la Vanneet de la Seine traitée

Eau des sources de l’Avre traitée

Eau de la Marne et de la Seine traitée

Eau des sources du Loinget de la Voulzie traitée

NOTA : Dans l’enceinte de Paris, seulssont indiqués les réservoirs auxquels

aboutissent directement les eauxpotables desservant la capitale

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L’eau à Paris retour vers le public

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Depuis le 1er janvier 2010, un opérateur public unique, la régie municipale Eau de Paris, est chargé de la tota-lité du service de l’eau, de la production à la factu-ration en passant par la distribution et le contrôle de la qualité. La régie Eau de Paris emploie, en 2014,

plus de 930 agents et constitue à ce titre la plus importante entreprise

publique de production et de distribution d’eau française. Comme dans toute entre-

prise publique ou privée, Eau de Paris continue de sous-traiter certaines activités, notamment en

matière de travaux ou de services spé-cifiques (gardien-nage ou nettoyage

par exemple). Ces acti-vités, confiées à des prestataires externes via des marchés publics, relèvent de segments du service non stratégiques ou qui nécessitent le recours à des compé-tences externes, comme pour la réalisation des travaux sur les réseaux. Pour le reste, l’ensemble du service, du captage de la ressource à la distribution et à la ges-tion des abonnés, est géré directement par la régie et ses salariés.

En France, le terme de régie désigne un établissement de droit public chargé d’assurer par ses statuts un service public. La régie se différencie de la délégation

La phase de transition : bascule juridique, humaine,

comptable et technique

Chapitre 2

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L’eau à Paris retour vers le public

de service public (DSP), par laquelle les pouvoirs publics confient par contrat la gestion d’un service public à une entreprise généralement privée, le délégataire, qui se rémunère via l’exploitation du contrat. Ces contrats peuvent être de plusieurs types : dans un contrat d’affermage, la collectivité publique continue à assurer les investissements, les entreprises délégataires assurent l’exploitation et la maintenance et se rémunèrent directement auprès des usagers ; dans un contrat de concession, le délégataire assure également les investissements et les amortit en intégrant ces coûts dans le prix du service. En l’absence de DSP, le service public peut être assuré par un service municipal, soit en régie directe, soit en régie publique autonome, généralement sous la forme d’un Etablissement public local à caractère industriel et commercial (EPIC) disposant de ses propres organes de gouvernance et de la personnalité morale : c’est le cas d’Eau de Paris. La création d’une régie dotée de la personnalité morale, si elle offre des souplesses de gestion, maintient toutes les responsabilités de la part de la collectivité tutelle de l’établissement public, autorité de contrôle de la régie et autorité organisatrice du service. Dans le cas parisien, c’est le Conseil de Paris qui nomme les membres du Conseil d’administration, organe de délibération et de pilotage de la régie et désigne le-la directeur-trice général-e (voir chapitre 5). De même, il adopte le règlement du service public de l’eau, qui fixe les droits et obligations des abonnés du service.

La préparation : une mue concertée

A Paris, la création de cette régie ne s’est évidemment pas faite en un jour. La transition a été anticipée dès 2006 avec la démarche « Eau de Paris Demain ». La SAGEP décide ainsi, fin 2005, de préparer l’échéance des fins de contrat dans la capitale (2009 pour la distribution,

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2011 pour la production), en réalisant une étude sur son propre devenir. Cette démarche a été conçue comme un exercice participatif : même si la décision a relevé de la municipalité, la réforme a été animée par le souci de bâtir l’avenir sur des valeurs communes formulées au sein de la SEM qui allait devenir régie, mais aussi par la vision des usagers sur le contour et la qualité du service. Un groupe de personnes témoins (composé de membres du Comité et du groupe de direction de la SAGEP, de représentants des cadres, des agents de maîtrise et des ouvriers ou employés) a ainsi été mis en place pour participer, sur plusieurs mois à des entretiens croisés et des ateliers de co-production, avec l’appui méthodologique de Hélène Combe, directrice de l’Observatoire de la décision publique48. Ceux-ci ont donné lieu à l’élaboration d’une vision « idéale » de l’entreprise projetée à la fin du contrat de délégation. Il s’est agi dans ce cadre de définir collectivement les valeurs du futur service public de l’eau, le socle de culture commune au sein de l’entreprise et les principaux enjeux d’un service public de l’eau parisien renouvelé. La démarche a été conduite en associant les équipes des directions de l’eau et des finances de la Ville de Paris afin de prendre en compte leurs visions.

A travers ces entretiens croisés s’est exprimé un fort attachement des salariés à la mission de service public de l’eau. La notion de service public est, en elle-même, le véhicule de valeurs fondamentales : l’intérêt général (être dépositaire d’un bien commun, garant, au nom de tous, de la préservation de la ressource en eau pour aujourd’hui et demain) ; la responsabilité de la qualité de l’eau ; la continuité et la fiabilité du service rendu ; l’accessibilité pour tous à l’eau potable, et l’égalité de tous face à la qualité de l’eau (quelle que soit sa provenance, et où que l’on habite dans la capitale) ; un prix « juste », c’est-à-dire accessible au plus

48. Association loi 1901, l’Observatoire de la décision publique est un outil d’analyse et d’expérimentation sociétale qui vise à mettre les humains et la nature au cœur des politiques publiques. L’Observatoire fonde son approche sur une double expertise des savoirs et du vécu (mise en lien des acteurs sociaux, des chercheurs et des politiques), la médiation entre les cultures professionnelles et sociales diverses, la collaboration conflictuelle (savoir construire les accords et les désaccords).

Chapitre 2

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L’eau à Paris retour vers le public

grand nombre, intégrant les coûts réels de la gestion de l’eau, de la solidarité entre les territoires et entre les usagers, de la recherche/développement, autant de recommandations issues de la démarche « Eau de Paris demain ».

Lors de cette consultation, les salariés ont privilégié un choix économique centré non pas sur le profit mais sur l’équilibre financier, le résultat financier dégagé en fin d’exercice étant principalement affecté à l’évolution de l’entreprise et dans la valorisation du patrimoine collectif (outils de production, réseaux, etc.). Ils ont affirmé leur attachement à l’inscription des activités dans une durée qui dépasse les échéances habituelles des contrats de concession. La consultation a révélé le souci d’entretenir et renouveler tout le patrimoine technique (aqueducs, réservoirs, galeries, usines, réseaux, etc.) dans une vision de long terme. La volonté de la transparence externe en termes de gestion financière a également été affirmée. Ces objectifs se sont révélés totalement en cohérence avec l’orientation fixée par le Conseil de Paris et ont permis une déclinaison sous forme de projet pour la future entreprise publique.

La consultation a été aussi une manière de relayer les attentes des Parisiens : avoir de l’eau de qualité et en quantité, bénéficier d’une pleine continuité du service, payer un prix « raisonnable », c’est-à-dire transparent, exempt de surcoûts dédiés aux seuls bénéfices financiers de l’opérateur. Autre aspiration : être informé sur le cycle de l’eau, la qualité et le prix de l’eau, sur les évolutions techniques ou financières. L’enquête, réalisée auprès des usagers dans le cadre de la démarche, souligne des attentes connexes comme celle de disposer d’un interlocuteur unique et de proximité49. « Eau de Paris demain » a été vécue comme un moment privilégié, tant elle a permis aux

49. Eau de Paris, « Quel opérateur demain pour le service public de l’eau à Paris ? », synthèse des entretiens croisés et pistes pour poursuivre, version 2007.

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salariés de la SAGEP de s’exprimer, au moment où l’entreprise se trouvait à un carrefour crucial. Ceux-ci ont notamment mieux compris l’environnement institutionnel, à travers le rôle des élus et de la société civile. Cet accompagnement et cette acculturation conduite sur plus de deux ans, n’ont en revanche pas pu être menés dans les mêmes conditions avec les salariés des délégataires privés destinés à intégrer la future régie. L’intérêt des groupes, très en colère contre la décision prise par la mairie de Paris de remunicipaliser, n’était clairement pas de faciliter la transition. Contrairement aux discours affichés, ils ne souhaitaient pas mon-trer que la réversibilité de la délégation était réelle-ment possible. Les états-majors des entreprises distri-butrices n’ont permis les premiers contacts avec les salariés qu’à compter de juin 2009. Ainsi l’ensemble du personnel n’a pas été préparé et peu associé à la création de l’opérateur unique.Une démarche de concertation a toutefois pu être mise en œuvre avec l’encadrement supérieur des entreprises délégataires autour de la préparation de la fusion dès l’automne 2008 en présence des DRH régionaux des groupes. Ces réunions bipartites se sont tenues jusqu’à la fusion avec pour objectif de dresser un état des lieux des statuts et avantages et favoriser la bonne intégration des équipes au sein de la future régie. Les organisations syndicales des entreprises distributrices ne pouvant être associées initialement, elles ont sollicité le maire de Paris pour bénéficier d’informations et participer pleinement aux discussions. Après une première réunion à l’Hôtel de Ville fin novembre 2008, le processus de négociation a pu démarrer et un accord de méthode être signé par toutes les organisations syndicales en juin 2009. Dès lors, Eau de Paris a pu se rendre sur les différents sites d’activités des salariés de la distribution, afin de rencontrer les personnels et de leur expliquer la

Chapitre 2

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L’eau à Paris retour vers le public

démarche engagée, en répondant à leurs interrogations. Six mois seulement avant l’échéance de la fin de la délégation, ces explications étaient tardives pour le personnel des entreprises délégataires, d’autant plus que le cadre du transfert du personnel était déjà presque complètement défini sans qu’ils aient été associés au processus de sa mise au point. C’est assurément un retard dans les contacts réciproques, qu’il n’a pas été possible d’éviter à l’époque compte tenu des freins posés par les responsables des sociétés distributrices. La démarche Eau de Paris demain a tout de même été un exercice extrêmement fructueux de management collectif qui aurait mérité d’être élargi aux personnels issus des anciens délégataires. Plus tard, en effet, ces personnels, une fois intégrés à Eau de Paris, ne se sont pas nécessairement totalement reconnus à travers toutes les valeurs et orientations développées dans cette démarche, ni même dans les méthodes de travail, les décalages culturels et le sentiment de ne pas disposer des mêmes cartes conduisant à des frictions internes qui ne sont pas totalement estompées aujourd’hui. Toutefois si ces salariés étaient, et le sont encore, attachés à leurs modes de fonctionnement ou aux avantages existants au sein de leurs groupes, la majorité d’entre eux exprimait son envie de travailler au sein de la nouvelle régie et l’a démontré depuis par son engagement quotidien.

Au plan juridique : le choix de la régie « autonome »

Cette expérience démontre que la préparation en amont est ainsi déterminante pour la réussite d’une réorganisation en profondeur du service, qui ne peut s’improviser en quelques semaines ou même quelques mois mais doit au contraire faire l’objet d’un pilotage et d’une maturation dans la durée. Selon Aqua Publica Europea, association européenne

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pour la gestion publique de l’eau qui rassemble de nombreux opérateurs publics européens des services d’eau et d’assainissement, il faut pouvoir commencer à s’organiser deux ans environ avant que le contrat arrive à son terme.

Le choix entre les formules juridiques se détermine au cas par cas. En l’occurrence, à Paris, ce choix a fait l’objet d’une étude préalable, réalisée par les ser-vices juridiques de Paris. Le fait que Paris ne s’inscrive pas dans une structure intercommunale a joué dans le choix en faveur de la régie autonome à personnalité morale. La régie personnalisée possède un patrimoine propre constitué des biens dont l’a dotée sa collectivité de rattachement, en l’occurrence la Ville de Paris.

L’autre avantage d’une telle structure tient au fait que sa gouvernance permet d’intégrer des personnes qualifiées – experts, associations, représentants du personnel – au sein du Conseil d’administration de la régie, à côté de la majorité d’élus de la collectivité. En outre, une régie personnalisée bénéficie d’une plus large autonomie de gestion qu’une régie simple, adaptée aux contraintes d’un service industriel – même si toutes les décisions importantes de nature financière doivent faire l’objet d’une délibération. Le-la directeur-trice général-e assume l’essentiel des risques juridiques et pénaux en lieu et place de la collectivité. Il-elle recrute et licencie, préside la Commission d’appel d’offres et passe les marchés. Le Conseil d’administration délibère également sur toutes les questions concernant le fonctionnement de la régie, ses comptes, fixe les tarifs du service public de l’eau et bien entendu ses orientations stratégiques, dans un Conseil d’administration bimestriel. A noter qu'à l'époque de la remunicipalisation, la structure juridique de société publique locale n’existait pas encore.

Chapitre 2

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L’eau à Paris retour vers le public

La transmission du patrimoine, de la SEM à la régie

Dans la pratique, le passage en régie a été complexe en raison des spécificités de la situation parisienne. Dans de nombreuses collectivités, quand la réflexion s’engage sur le choix du mode de gestion (notamment de l’eau), ce n'est pas nécessairement l’administration municipale qui soutient l’objectif de retour en régie publique. A Paris, c’est une décision qui a été portée d’abord par l’assemblée délibérante, avec un milieu technico-administratif très sceptique, mais aussi par les salariés de la SAGEP et certains acteurs de la société civile. Quant aux états-majors des entreprises délégataires, ils n’ont pas accompagné une dynamique perçue de facto contraire à leurs intérêts, à laquelle ils ont opposé a minima une forme d’inertie.

La SAGEP disposait d’un patrimoine en propre, mobilier et immobilier, de biens immatériels. Le processus de transmission à la régie s’est révélé complexe. La Ville de Paris est devenue actionnaire de la SAGEP à 100% par le rachat de l’ensemble des parts minoritaires (les 30%) et a doté la régie de l’ensemble de ces actions. La régie a alors décidé d’intégrer la SAGEP par fusion et d’engager un processus de dissolution de l’entreprise sans liqui-dation, ouvrant sur une procédure de transmission universelle du patrimoine de la SAGEP à la régie. Cette transmission universelle de patrimoine a ainsi permis de transférer globalement la totalité des biens nécessaires à l’activité de la gestion de l’eau ainsi que les droits et obligations associés sur ce patrimoine, de même que l’ensemble des contrats, marchés, conventions, contentieux, tous droits et obligations de nature contractuelle. Les créanciers ont disposé d’un délai d’un mois pour s’opposer s’ils y avaient

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un intérêt. A l’issue de ce délai, la SAGEP a été automatiquement dissoute. L’enjeu de cette approche était d’assurer la pleine continuité de l’activité et la poursuite des contrats en cours.

Un parcours complexe

« En octobre-novembre 2008, les représentants de Veolia et de Suez viennent aux réunions de travail avec des avocats. Ils ont pensé longtemps que la décision n’est pas définitive et qu’on allait faire marche arrière. C’est à ce moment-là qu’ils ont commencé à regarder les choses concrètement, à accepter des réunions de travail efficaces et utiles, à mettre en place des plans d’action. Il a fallu mettre la pression sur la direction générale des deux groupes », témoigne le directeur général adjoint d’Eau de Paris, François Leblanc50.

« Créer en trois ans une entreprise de cette taille avec ce type de contraintes, c’est un exploit », confirme l’actuel directeur général d’Eau de Paris, François Poupard. La transition n’a pas été un long fleuve tranquille. « Je rends hommage à mes prédécesseurs, dans un contexte ou les responsables des entreprises privées ne les ont pas aidés. Il nous a fallu obtenir de haute lutte l’intégralité des bases de données. Les personnels d’exploitation transférés ont joué le jeu en partageant leurs connaissances des matériels et des réseaux, ce qui a été précieux, permettant de faire face à cette transition difficile et au vide laissé, en permettant la continuité du service. Par contre les pertes de connaissance en encadrement et sur les fonctions support ont été très pénalisantes , par exemple pour l’organisation de l’activité, la planification des tâches entre les services ou la mise en place de reportings opérationnels... », évoque François Poupard51.

Chapitre 2

50 Entretien du 28 mars 2013.51. Entretien du 28 mars 2013.

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L’eau à Paris retour vers le public

Des premières négociations sur les transferts de personnels

Sollicité par les organisations syndicales des deux compagnies distributrices pendant la campagne élec-torale le aire de aris avait réa fir é sa proposition « qu’une régie municipale unique prenne en charge la production et la distribution d’eau à la place des trois délégataires »52, tout en soulignant son attachement à préserver la continuité du service et l’approfondisse-ment du savoir-faire et de l’expertise développés par les personnels de chacun des délégataires. Bertrand Delanoë annonçait à cette occasion la réalisation d’un diagnostic précis des ressources humaines et des situa-tions sociales dans les di érentes entreprises et confir-mait sa volonté d’associer pleinement les représentants

52. Courrier de Bertrand Delanoë en réponse aux Organisations syndicales des compagnies distributrices en date du 4 mars 2008.

La transmission universelle de patrimoine

Autorisation de rachat par la ville de Paris des actions détenues par la Caisse des dépôts et consignations , le Crédit municipal et par les sociétés immobilières municipales RIVP, SAGI, SGIM, par le Conseil de Paris

Le Conseil de Paris résilie le contrat liant la ville et la SEM SAGEP. Avec effet à compter du 1er mai, il dote la régie Eau de Paris des biens du service de transport et distribution de l’eau et lui transfère les personnels de la SEM SAGEP Approbation du contrat cadre provisoire entre la ville de Paris et sa régie.

Dotation de la totalité des actions de la SEM SAGEP à la régie Eau de Paris à compter du 5 mai 2009.

Décision du Conseil d’administration d’Eau de Paris de « fusionner » la SEM SAGEP dans la régie entraînant sa dissolution sans liquidation et la transmission universelle de son patrimoine (T.U.P.) à la régie. Constat de fin de mandat des membres du Conseil d’administration de la SEM SAGEP.

La SAGEP est dissoute, aucun créancier ne s’étant manifesté dans le délai d’opposition. Les droits et obligations de la SAGEP sont transférés à la régie.

Début du délai d’un mois pour opposition éventuelle à la dissolution, par les tiers.

2008 2009

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UNIDIS : Un système d’information unifié

Publication de l’avis périodique puis de l’avis d’appel public à la concurrence portant sur la mise en place, la maintenance et l’exploitation d’un système d’information pour la distribution de l’eau

Autorisation du Conseil d’administration de signer les marchés de services transitoires, par délibération

Au 30 juin 2011 (rive gauche) et au 30 septembre 2011 (rive droite), marchés de service transitoires

Autorisation du Conseil d’administration de signer le marché portant sur la mise en place, la maintenance et l’exploitation d’un système d’information pour la distribution

Mise en service du système d’information unifié de la distribution UNIDIS (rive gauche puis rive droite )

Début des formations de plus de 400 utilisateurs d’UNIDIS *

2009 2010 2011

3 maiju il . p u is oct. 1er ju il . 1er jan. mars 1er ju il . et 1er oct.

* UNIDIS couvre la gestion de la clientèle, la facturation, la gestion du parc de compteurs, du télé relevé et des données de consommation, l’agence en ligne, la gestion des interventions techniques, la gestion des opérations d’exploitation du réseau et du reporting.

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du personnel. Le diagnostic social réalisé, une réunion s’est ainsi tenue en novembre 2008 avec l’ensemble des organisations syndicales des structures à fusion-ner. La Ville de Paris a réaffirmé à cette occasion sa volonté d’engager les négociations avec l’ensemble des acteurs de la fusion à venir. Et pour préparer au mieux les discussions avec les organisations syndi-cales, un mandat de négociation a été établi, posant le principe d’une fusion par harmonisation des statuts.Les négociations sociales ont ainsi commencé en février 2009 bien avant le délai obligatoire, afin de disposer d’un temps long de discussions avec l’ensemble des partenaires sociaux sur le statut applicable au personnel. Les travaux ont été conduits en deux temps, une première phase en février-mars avec les organisations syndicales de la SAGEP, puis une seconde phase avec l’ensemble des organisations syndicales, à compter de fin mars 2009.

La direction de la SAGEP a ainsi réuni les syndicats de la SEM afin d’obtenir de leur part un accord permettant de mettre autour de la table les organisations syndicales d’EF-PE et de la CEP. Cette volonté d’associer les syndicats des compagnies distributrices dans les négociations ne relevait ni d’une obligation juridique, ni même d’une pratique commune. C’était ainsi la première fois qu’en France, une négociation s’ouvrait avec des syndicats n’appartenant pas à la structure Cette démarche supposait l’accord préalable des syndicats de la SAGEP. D’abord réticents, les syndicats de la SAGEP, après deux mois de négociations, se sont laissé convaincre de l’enjeu de rassembler, avec les mêmes pouvoirs, les futures composantes de la régie, et ont signé un accord en ce sens.

A compter de fin mars, l’ensemble des organisations syndicales ont ainsi pu siéger à la même table, et négocier ensemble un accord de méthode qui fixait

Chapitre 2

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L’eau à Paris retour vers le public

la méthode de négociation, la composition des délégations syndicales, la fréquence, la durée et le contenu des réunions, les thèmes à retenir dans le cadre de la démarche d’harmonisation et les règles du jeu en cas d’arbitrage. Cet accord a été signé à l’unanimité de l’ensemble des organisations syndicales en juin 2009. De septembre à décembre 2009, direction et représentants syndicaux se sont réunis une cinquantaine de fois, en réunions plénières et en commission, au nombre de cinq, sur les principaux thèmes de négociation.

Ces accords se sont traduit par une harmonisation des statuts de l’ensemble des salariés, dans un cadre social globalement favorable au personnel, qu’il s’agisse de la grille de rémunération, du régime de retraite et de prévoyance ou d’autres avantages sociaux. Il reste aujourd’hui à conduire l’harmonisation des régimes indemnitaires (indemnités de travaux sales et dangereux), au terme d’une négociation qui doit se conclure en 2014. Ces nécessaires harmonisations et l’internalisation de la gestion des 93 000 abonnés et du centre d’appel ouvert aux usagers, ont entraîné des augmentations de masse salariale de +2,5% à +1,5% selon les années, en plus de l’évolution tendancielle des dépenses de personnel, plafonnée à +2% dans le Contrat d’objectif d’Eau de Paris. Ces effets de fusion s’estomperont en 2014-2015 (voir chapitre suivant).

Le changement de normes comptables

En régie, les achats sont opérés dans le cadre du code des marchés publics. La comptabilité publique pose le principe de séparation entre l’ordonnateur, qui tient la comptabilité, qui engage les dépenses et les recettes, et le comptable, qui tient la comptabilité et est seul chargé du paiement effectif des dépenses et de l’encaissement des recettes. La situation la plus fréquente pour une

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régie consiste à ce que le comptable public soit intégré à une direction régionale des Finances publiques. Il utilise ses moyens humains et matériels pour réaliser ses missions.

« Par rapport à une Société d’économie mixte (SEM), les règles ont changé. Premièrement, la régie relève de règles publiques que l’on peut considérer plus strictes, mais aussi plus déontologiques. Le code des marchés publics s’applique de droit. Tous nos actes sont soumis à délibération du Conseil d’administration, mais aussi au contrôle de légalité du Préfet. Donc nous relevons des mêmes règles que l’administration d’une collectivité », explique François Poupard, directeur d’Eau de Paris53.

Lors de la mise en place de la régie, Eau de Paris a demandé au Trésor Public que le comptable public soit intégré à la régie avec le recrutement en détachement d’un agent comptable, fonctionnaire de la direction générale des Finances publiques, comme le permettent les textes. Cette disposition a démontré tout son intérêt dans la résolution des difficultés comptables rencontrées dans la phase de création et de mise en œuvre de la régie. Eau de Paris est ainsi un des rares établissements publics locaux à être doté de sa propre agence comptable. Ce choix de gestion répond à un besoin de réactivité et d’efficacité dans le dialogue entre l’ordonnateur et le comptable, compte tenu de l’activité d’Eau de Paris et du volume de mandats et de titres à traiter. Il clarifie la relation entre la direction financière et l’agent comptable pour la bonne compréhension mutuelle des facturations et de leurs règlements, spécifiques de l’activité d’Eau de Paris.

Auparavant, les règles de comptabilité privées s’appliquaient à la SAGEP et aux deux entreprises délégataires privées. En matière d’achat, la SAGEP

Chapitre 2

53. Entretien du 28 mars 2013.

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L’eau à Paris retour vers le public

était soumise à des obligations de mise en concurrence moins contraintes que le code des marchés publics, avec une application des seuils par direction et non au niveau de l’entreprise. Par ailleurs, les mêmes équipes assuraient le suivi des commandes, l’attestation de la réalisation du service ainsi que la facturation. Les entreprises privées, pour leur part, travaillaient directement avec des sous-traitants, essentiellement internes à leurs groupes, sans obligation de mise en concurrence.

Le basculement de la SAGEP dans le champ de la comptabilité publique, au 1er mai 2009, a mis en évi-dence une insuffisante connaissance de la comptabi-lité et des processus d’achat publics. Si certains dys-fonctionnements avaient été anticipés, d’autres ont au contraire émergé à l’occasion des contrôles désormais opérés par l’agent comptable.

La SAGEP savait que son outil de gestion comptable, suffisant pour ses besoins de comptabilité privée, n’était pas adapté à la comptabilité publique et à la séparation des rôles entre l’ordonnateur et le comptable. C’est pourquoi l’acquisition d’un système d’information comptable et budgétaire dédié a été décidée dès juin 2008. Un processus de spécification et d’acquisition d’un système informatique comptable et budgétaire a été déployé mais s’est montré dans la pratique peu adapté. Malgré des ajustements dans son fonctionnement, cet outil comptable, bien qu’utilisé dans d’autres établissements publics, s’est avéré, dans la pratique impossible à configurer conformément aux besoins et spécificités de la régie. Conjugué à la méconnaissance des règles comptables publiques par les équipes, il a contribué à créer un allongement très important des délais de paiement des fournisseurs, bien au-delà du délai réglementaire, ce qui a provoqué des difficultés importantes chez les plus fragiles d’entre

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eux et l’ouverture de multiples contentieux. Pour les équipes de la régie, cette période a été très difficile, provoquant stress et mal-être.Entre juillet 2008 et mai 2009, les équipes en charge du basculement d’Eau de Paris sous le statut d’EPIC ont connu un calendrier très contraint qui n’a pas permis de donner le temps nécessaire à l’accompagnement de ces changements. L’agence comptable ne s’est réellement constituée qu’en fin d’année 2009 (l’équipe était constituée de quatre personnes jusqu’en novembre), période dans laquelle elle était requise par la construction et la mise en œuvre des procédures internes, le traitement des premières factures de la régie, et la prise en charge de celles transférées de l’ancienne SAGEP. La régie a rencontré une réelle difficulté à recruter des personnels formés à la comptabilité publique dans un délai aussi restreint.Un audit interne de la chaîne de la dépense a été conduit, sur la base duquel il a été proposé de rationaliser l’organisation comptable et budgétaire, en miroir entre l’agence comptable et l’ordonnateur. Dans le même temps, un travail de terrain a été mené avec les directions opérationnelles d’Eau de Paris pour identifier les points de blocage. Des réunions ont été organisées avec certains fournisseurs pour faciliter le traitement de leurs dossiers. Ce travail s’est prolongé par une assistance au quotidien, grâce à la montée en compétences des équipes comptables et une professionnalisation des chargés d’affaires. Dans le même temps, Eau de Paris a relancé une consultation pour l’acquisition d’un nouvel outil de gestion comptable et budgétaire, bien mieux adapté aux besoins de la régie et aux règles auxquelles elle est soumise. Les équipes opérationnelles de la régie ont été pleinement associées à la mise en œuvre de ce nouvel outil, les formations organisées au printemps 2012, permettant grâce à des retours d’expérience, de lever en amont de son déploiement les points de

Chapitre 2

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blocage éventuels et d’accompagner efficacement le déploiement des procédures adaptées. L’outil, mis en place au 1er janvier 2013, se révèle aujourd’hui beaucoup plus convivial, accessible et surtout répondant pleinement règles et enjeux de la régie.

La mise en place d’un service des achats centralisé, reconfiguré à l’été 2011, a permis de faire progresser les équipes en matière de commande publique et de surmonter les difficultés observées lors des premiers mois de fonctionnement en matière d’achat public. Progressivement, la régie a engagé la formalisation d’une politique d’achats performante, se donnant et atteignant des objectifs de réduction des coûts tout en veillant à inscrire des clauses sociales et environnementales renforcées pour favoriser l’achat socialement responsable.La régie a ainsi mis plus de trois ans à rétablir la situation, notamment pour le traitement des factures héritées de la SAGEP et qui n’étaient pas conformes aux standards de la comptabilité publique, ne pouvant de ce fait, être payées par

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l’agent comptable. Depuis 2013, Eau de Paris est entrée dans un cycle normal de facturation, de moins de trente jours, et ce grâce à la mobilisation incessante des équipes dans une organisation repensée, accompagnée d’une montée en compétences en matière de gestion publique.

« Les relations avec les fournisseurs, auparavant compliquées et conflictuelles, se sont notablement améliorées, mettant fin à une situation doulour-eusement vécue par le personnel en interne. Les achats sont réalisés de façon efficace. Ainsi, le service du contrôle de légalité de la préfecture de Paris a récemment indiqué aux services que les marchés publics conclus par la régie étaient de qualité et ne généraient que peu d’observations au regard de ceux d’autres structures. Le fonctionnement global de l’établissement progresse de façon satisfaisante », déclarait Jean-François Collin, alors directeur-général d’Eau de Paris, le 21 septembre 2012.

La bascule des systèmes d’information

Le transfert des systèmes d’information, de facturation et de gestion de la distribution s’est révélé une étape stratégique de la création d’Eau de Paris. La réversibilité de ces systèmes est indispensable à un transfert dans de bonnes conditions, or elle n’était absolument pas organisée pour un passage en régie et les délégataires ne l’ont nullement favorisée. C’est également une question de continuité de service, le non-transfert effectif des informations par les délégataires venant obérer les capacités de la régie d’assurer ses missions.

L’activité opérationnelle de la distribution de l’eau comprend la gestion administrative des abonnements et la relation avec l’abonné ou l’usager du service,

Chapitre 2

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la gestion des données fournies par les compteurs d’eau, et l’établissement de la facturation périodique de leur consommation. Elle recouvre aussi la gestion de la maintenance technique des réseaux et des équipements, y compris dans son aspect patrimonial.

Pour une organisation de la taille d’Eau de Paris, la bonne exécution de toutes ces tâches s’appuie néces-sairement sur l’utilisation de systèmes d’information, permettant de conserver et gérer les données (caracté-ristiques des abonnés des compteurs, descriptions et implantations des équipements et des réseaux, histo-riques de factures, règlements, interventions, réclama-tions, incidents divers...).

es di ficultés posées par la reprise de tels s st es d’information ont été repérées très tôt. Dès 2007, la Ville de Paris a diligenté des audits d’information et d’analyse des systèmes d’information des deux délégataires avec l’aide de cabinets de consultants spécialisés.

Ce que l’on appelle maintenant de façon usuelle la réversibilité des systèmes, qui permet d’organiser leur transfert d’un opérateur au suivant, n’était pas prévu. On le sait désormais, ce sont des éléments fondamentaux en matière de transfert d’activité.

La transmission universelle de patrimoine

Autorisation de rachat par la ville de Paris des actions détenues par la Caisse des dépôts et consignations , le Crédit municipal et par les sociétés immobilières municipales RIVP, SAGI, SGIM, par le Conseil de Paris

Le Conseil de Paris résilie le contrat liant la ville et la SEM SAGEP. Avec effet à compter du 1er mai, il dote la régie Eau de Paris des biens du service de transport et distribution de l’eau et lui transfère les personnels de la SEM SAGEP Approbation du contrat cadre provisoire entre la ville de Paris et sa régie.

Dotation de la totalité des actions de la SEM SAGEP à la régie Eau de Paris à compter du 5 mai 2009.

Décision du Conseil d’administration d’Eau de Paris de « fusionner » la SEM SAGEP dans la régie entraînant sa dissolution sans liquidation et la transmission universelle de son patrimoine (T.U.P.) à la régie. Constat de fin de mandat des membres du Conseil d’administration de la SEM SAGEP.

La SAGEP est dissoute, aucun créancier ne s’étant manifesté dans le délai d’opposition. Les droits et obligations de la SAGEP sont transférés à la régie.

Début du délai d’un mois pour opposition éventuelle à la dissolution, par les tiers.

2008 2009

11 mai24 novemb re 6 et 7 avril 5 mai 11 mai 12 ju in

UNIDIS : Un système d’information unifié

Publication de l’avis périodique puis de l’avis d’appel public à la concurrence portant sur la mise en place, la maintenance et l’exploitation d’un système d’information pour la distribution de l’eau

Autorisation du Conseil d’administration de signer les marchés de services transitoires, par délibération

Au 30 juin 2011 (rive gauche) et au 30 septembre 2011 (rive droite), marchés de service transitoires

Autorisation du Conseil d’administration de signer le marché portant sur la mise en place, la maintenance et l’exploitation d’un système d’information pour la distribution

Mise en service du système d’information unifié de la distribution UNIDIS (rive gauche puis rive droite )

Début des formations de plus de 400 utilisateurs d’UNIDIS *

2009 2010 2011

3 maiju il . p u is oct. 1er ju il . 1er jan. mars 1er ju il . et 1er oct.

* UNIDIS couvre la gestion de la clientèle, la facturation, la gestion du parc de compteurs, du télé relevé et des données de consommation, l’agence en ligne, la gestion des interventions techniques, la gestion des opérations d’exploitation du réseau et du reporting.

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Ils ont permis d’identifier la complexité et la diversité des applications informatiques utilisées, sans toutefois permettre d’en assurer la compréhension fine. Les deux systèmes d’information utilisés par les délégataires étaient incompatibles entre eux. Leur gestion était mutualisée au sein de chacun des deux groupes privés Veolia et Suez à la fois du point de vue des ressources informatiques et humaines, au sein de services informatiques centraux, voire d’entreprises extérieures sous-traitantes de ces services. Ces systèmes informatiques n’étaient pas séparés ni facilement séparables de ceux utilisés par les deux groupes, avec des bases de données ou les chaînes d’exploitation intégrées avec celles d’autres services d’eau gérés par les délégataires.

Il était manifeste que les entreprises mères n’entendaient pas constituer leurs filiales délé- gataires de terrain comme des sources de coûts et de recettes identifiables par le délégant en l’occurrence par la Ville de Paris entre 1985 et 2010. Charges et produits étaient fusionnés au sein du groupe, dans une logique d’intégration allant jusqu’au fonctionnement même du système informatique qui ne permettait absolument pas d’isoler les informations spécifiques à Paris.

Dès la confirmation de la municipalisation au prin-temps 2008, une situation de conflit et de blocage s’est ainsi installée.

La Ville de Paris et la régie affirmaient que les systèmes d’information faisaient partie indissociablement du service de l’eau pour lequel ils étaient indispensables et devaient être qualifiés de biens de retour et revenir gratuitement à la Ville de Paris en fin de contrat sous une forme opérationnelle permettant d’assurer la continuité du service.

Chapitre 2

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De leur côté, les deux délégataires soutenaient qu’il s’agissait de leurs propres outils, développés à leurs frais et pour leur compte, au niveau des maisons mères. Les cas de transferts d’un contrat de délégation à un autre délégataire étaient mis en avant puisque dans de tels cas, le nouveau délégataire est déjà doté de son propre système d’information et n’a qu’à organiser la reprise des données pour assurer la continuité du service : il existe ainsi de nombreux exemples de passages de services de Veolia à Suez et réciproquement. Le passage à une nouvelle régie était inédit, posant un problème spécifique. Pour les délégataires, Eau de Paris devait donc se doter d’un système d’information ex nihilo. Rédigés au début des années 1980, les contrats de délégation ne comportaient quasiment aucune spécification concernant les systèmes informatiques et leur transfert à la fin des contrats de délégation. Dans le cadre d’une délégation de service, les biens propres et les biens de reprise ne sont pas payés par le prix de l’eau. Si la collectivité choisit de les reprendre en fin de contrat, elle doit les indemniser. Dans les faits, les contrats n’intègrent pas une liste explicite et exhaustive de ces biens. Ces imprécisions peuvent se traduire par un financement sur le prix de l’eau, puis une indemnisation de reprise. C’est alors la double peine pour la collectivité.

Le second semestre 2008 a été ponctué de rencontres entre responsables de la régie et des délégataires, chacun appuyé de consultants spécialisés et d’avocats d’affaires pour tenter de trouver une issue au blocage. Un compromis a fini par être établi fin 2008. Les deux délégataires mettaient à disposition de la régie, chacun sur son territoire, l’ensemble de leur système d’information en effectuant les adaptations nécessaires pour assurer l’accès aux agents utilisateurs d’Eau de Paris, l’identification et l’isolement des données du service parisien et la séparation des chaînes de

Il s’est avéré rapidement que les équipements mis en place sur chaque rive n’étaient pas utilisables sans le recours aux systèmes informatiques de leurs concepteurs, à savoir les filiales spécialisées des deux groupes Suez Lyonnaise et Veolia.

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traitement spécifique de Paris. Cette mise à disposition était prévue pour une durée limitée dans le cadre du volet « informatique » de marchés temporaires dits de transition. Eau de Paris mettait à profit la durée de ces marchés de services transitoires pour acquérir son propre système d’information de gestion de l’activité de distribution. Les parties s’organisaient pour mettre en œuvre la transition vers le nouveau système unifié d’Eau de Paris. Ont ainsi été spécifiées les conditions de réversibilité, minimales mais suffisantes, pour permettre la continuité du service. Il faut mentionner que ce compromis est resté verbal, aucun des deux délégataires n’ayant en effet accepté de signer un protocole d’accord formel sur ces bases.

Les deux marchés de services transitoires comportaient des prestations complémentaires. Il s’agissait de l’ensemble des prestations, sous-traitées par les délégataires dans le cadre de marchés mutualisés pour tous leurs contrats, à des prestataires reliés au système d’information (édition et expédition des facturations) et des prestations exercées par des effectifs non dédiés au service parisien (mise à disposition des portails internet ) ou pour lesquelles la régie ne disposait pas de la capacité à constituer ses propres équipes à court terme (centre d’appel et de relation clients mutualisés).

Les marchés de services transitoires ont été négociés avec les deux délégataires au premier semestre 2009. Ils ont débuté par la mise en ordre de marche des deux systèmes d’information existants pour leur utilisation par la régie. Ils ont déroulé l’organisation des spécifications, des tests de vérification d’aptitude des chaînes de traitement et la vérification du bon fonctionnement en situation de test puis en situation réelle. Il a fallu, par exemple, installer des liaisons de télécommunication informatiques de la régie avec les centres de traitement de Veolia et de Suez,

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mais également avec ceux du Trésor Public qui, au 1er janvier 2010, a dû être intégré dans les chaînes de traitement des encaissements des factures de la régie (TIP, virements électroniques, chèques, carte bancaire, etc).

Le difficile transfert des dossiers techniques stratégiques

Le transfert a été l’occasion de négociations parfois âpres sur des dossiers industriels lourds, où l’enjeu pour les délégataires était de ne pas assumer leurs obligations au plan financier ou bien d’instituer un rapport de force sur le transfert d’éléments indispensables à l’exploitation du réseau de distribution, en niant le droit de la régie d’en disposer.

L’héritage plomb

Le dossier « plomb » a été emblématique de l’absence de volonté des délégataires d’aller jusqu’au bout de leurs obligations, pourtant légales et contractuelles. La directive européenne de 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine a prévu une teneur maximale de 10 microgrammes par litre fin 2013 au robinet de l'usager, compte tenu du risque de toxicité de ce métal, qui peut mettre des années à s’éliminer de l’organisme humain. Si le réseau d’eau public ne contient pas de plomb, les canalisations raccordant certains immeubles construits avant les années 1990 pouvaient être en plomb. En application de cette réglementation, lors de la renégociation des contrats de délégation en 2003, la Ville de Paris avait ajouté une clause imposant aux deux compagnies distributrices l’obligation de remplacer tous ces branchements en plomb sur la période restante de leurs contrats, à fin 200954. Il ne devait donc plus subsister de branchements en plomb à la fin des contrats.

54. cf avenants aux contrats pour l’exploitation du service de distribution publique d’eau potable et d’eau non potable du 20 décembre 1984, modifié par avenants du 31 décembre 2003.

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Pourtant, les délégataires, tout en annonçant dans leurs rapports d’activité l’éradication des branchements en plomb, ont fait état, à la fin des contrats, l’un et l’autre, de branchements non traités, déclarés en nombre très limité. Ainsi, le rapport d’activité de EF-PE pour la rive gauche, en 2009, cite 1991 branchements renouvelés dans l’année, soit 21 169 traités au total depuis 2003, en précisant qu’il s’agit des branchements accessibles, et annonce seulement 82 branchements non traités, qui correspondent à des refus de travaux, formalisés par les clients particuliers, les services de la voirie, ou les autorités. De même, le rapport d’activité 2009 de la CEP annonce 1616 branchements renouvelés en 2009 et produit une carte de situation de Paris, soulignant que dans 12 des 14 arrondissements, les branchements ont été remplacés à 100%, les deux derniers arrondissements comptant respectivement 99,6% pour le 18ème et 99,8% pour le 12ème arrondissement de branchements traités. Ce rapport mentionne seulement 364 branchements en plomb qui n’ont pas été remplacés à fin 2009, en raison de leur situation : branchements en voies privées, immeubles en péril, immeubles en travaux ou en démolition, branchements ne respectant pas le règlement du service public de l’eau, voies gelées.

Dans les faits, dès les premières interventions de distribution réalisées en 2010, les équipes de la régie ont pu constater des écarts entre les listings remis, les comptes affichés et la réalité du terrain, qui faisait apparaître probablement au moins deux fois plus de branchements au plomb non traités. Eau de Paris a dû reprendre entièrement ce diagnostic en 2012-2013, travail faisant apparaître finalement que le nombre de branchements en plomb devait être en réalité trois fois supérieur au chiffre déclaré en 2009 par les délégataires privés, c’est-à-dire près de 1500 branchements à traiter. Les opérations les plus

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complexes et les plus coûteuses, notamment, ont ainsi été mises de côté par les délégataires, les laissant à la charge du nouvel opérateur.

Le réseau de télérelevé : un blocage des délégataires à transférer le dispositif, encore aujourd’hui

Le transfert du dispositif de « télérelevé » est l’exemple d’une négociation pied à pied avec les délégataires pour un transfert effectif des moyens indispensables à la distribution et sa facturation.

Ces installations de télérelevé, novatrices en 2003, se composent de petits émetteurs radio posés sur les compteurs d’eau, reliés par un réseau de communication radio spécifique aux systèmes informatiques centraux qui enregistrent les données, et gèrent l’ensemble des appareils des abonnés. Le réseau de Paris a ainsi servi de terrain d’expérimentation et de référence industrielle pour les deux systèmes mis en place sur la rive droite et la rive gauche. Lors des analyses préalables au transfert des activités à la régie, il s’est avéré que les équipements installés sur chaque rive n’étaient pas utilisables sans le recours aux systèmes informatiques et aux personnels dédiés au sein des deux groupes Suez Lyonnaise et Veolia.Chaque délégataire avait en effet développé sa propre technologie, sans contrainte de coordination ni d’interopérabilité. En langage de Technologie de l'information et de la Communication, ces systèmes sont dit" propriétaires". Dans les faits, les installations exploitées par Veolia et Suez se sont avérées incompatibles entre elles. Au plan contractuel, Les installations mises en place avaient bien été qualifiées dans les contrats de « biens de retour indemnisables » c’est-à-dire que la municipalité pouvait en récupérer à tout instant la jouissance mais devait indemniser les délégataires de

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la valeur non encore amortie à la date du transfert. Cette valeur a été estimée à 17,6 millions d’euros, valeur nette comptable du parc de compteurs et équipements de télérelevé. Dans les faits, ces systèmes ne pouvaient être récupérés en pleine jouissance, en raison de la spécificité des techniques mises en œuvre et de l'intégration des systèmes informatiques dans les systèmes mutualisés des distributeurs.

Afin de dépasser cette situation de blocage, Eau de Paris a engagé une négociation et conclu un accord de transfert de la propriété et de la jouissance des matériels et du système. Mais n’étant pas en mesure de gérer ce parc de compteurs, la totalité des prestations d’exploitation et de maintenance des installations de télérelevé, extensions comprises, a été confiée aux deux compagnies délégataires sortantes au terme d’un marché de gré à gré qui précisait les conditions du retour en propriété municipale, opération dite de « réversibilité ».Aujourd’hui encore, malgré cette obligation de réversibilité, Veolia devenu prestataire, n’entend toujours pas céder à Eau de Paris les moyens de la supervision, non plus que la pleine utilisation des matériels installés depuis les dernières années, indiquant à Eau de Paris qu’en cas de retour en exploitation municipale ces appareils seraient bridés. Les échanges ont été plus aisés avec Suez, avec la cession du logiciel de supervision, dès 2011, et l’intégration d’une clause permettant d’étendre le périmètre. Dans les deux cas, la reprise en exploitation des systèmes d’information par la régie sera complexe.

Ces systèmes dits « propriétaires » rendent les collectivités captives de la solution initialement retenue : faute de systèmes interopérables et ouverts, les mises en concurrence ultérieures relatives aux équipements, aux solutions de télérelevé elles-mêmes

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ou à leur exploitation sont fortement contraintes voire rendues impossibles (renchérissement des coûts en cas de changement de technologie ou de fournisseur, voire impossibilité de faire exploiter le système par un autre opérateur sans l’accord du titulaire des droits de propriété industrielle et/ou intellectuelle). C’est pourquoi Eau de Paris et d’autres entreprises publiques ont choisi de travailler ensemble, dans le cadre de la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies, à la rédaction de spécifications techniques des solutions de télérelevé ouvertes et inter-opérables.Cette question est d’autant plus importante que la régie constate après quatre années de fonctionnement que les performances et la qualité technique des matériels de télérelevé ne sont pas celles énoncées par les com-pagnies distributrices. Les appareils connaissent une obsolescence plus rapide qui induit des surcoûts d’ex-ploitation. De même, pour toute nouvelle demande de données, un avenant est nécessaire, la régie n’étant pas propriétaire de l’information ! C’est un enjeu d’effi-cacité opérationnelle et de service public, l’usager n’ayant pas à supporter ces coûts supplémentaires.

« Un des problèmes à Paris est la question des systèmes informatiques, notamment parce que ces systèmes sont la propriété de ces entreprises et il n’y a pas beaucoup d’alternatives sur le marché. Se pose la question de la capacité d’une régie municipale à acquérir une certaine autonomie technologique. Les entreprises privées ont la possibilité d’une mutualisation importante de leurs charges et technologies que n’a pas une municipalité isolée. Casser l’oligopole existant est un des enjeux à long terme qui ne peut que se traiter en coopération avec d’autres, d’ou la création du réseau des régies, Aqua Publica Europea. C’est un chantier essentiel. Quand Eau de Paris a fait un appel d’offres pour les systèmes informatiques, sur les sept réponses initiales reçues, quatre étaient issues des groupes VEOLIA et

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Suez, et deux de leurs offres ont été retenues parmi les trois en phase de négociation, Ce sont des logiciels très spécialisés et Eau de Paris recherchait une offre opérationnelle dans le domaine de l’eau. En France, un oligopole contrôle toute la chaîne de valeur. La remunicipalisation peut contribuer à défaire le carcan que cela représente. Ce qu’on peut espérer, c’est que les défauts d’une structure oligopolistique soient éliminés », a na ly se H enr i C oin g, m em bre du C on seil d’ a dm ini stra tion d ’ E a u de P a ris a u titre de repré sent a nt de l’ a ssocia tion U F C - Q ue C hoi sir5 5 .

Le rendement : les délégat aires interprétaient à leur avantage

L e ta ux de rende m ent é ta it é ga lem ent un point de di scussions com plexe s qui n’ a pu se ré soudr e qu’ a vec le tra ns f ert en ré gi e. C e ta ux cons titue l’ un de s indi ca teurs de suivi de la perf orm a nc e de s services d’ ea u. J usqu’ en 2010, le m ode de ca lcul é ta it doubl em ent bia isé . D ’ a bord les volum es f a cturé s pa r les com pa -gni es di stributrices pouva ient ê tre ré a lisé s en dé but ou en fin de trimestre, avec ainsi un décalage de l’ordre d’ un de m i- trim estre. L e second bia is provena it de s f a ctura tions exc eptionne lles f a ites a posteriori ( ré gu -la risa tions de litige s, ré sulta ts d’ enquê tes ou expe r-tises...), ces volumes venant modifier artificiellement la va leur du r ende m ent .

L e ta blea u ci- de ssous illustre ce phé nom è ne pour l’ a nné e 2010. L es volum es sont en M m 3 :

V olum es cons om m é s en 2009 e t f a cturé s en 2010

V olum es cons om m é s en 2010 e t f a cturé s en 2010

V olum es cons om m é s en 2009 e t f a cturé s en 201 1

20,15 161,41 21,77 V olum es pris en c om pte hi storique m ent V olum es pris en c om pte pa r la nouve lle m é thode proposé e

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5 5. E nt retien du 23 a vril 2013.

20,15 161,41 21,7720,15 161,41 21,7720,15 161,41 21,7720,15 161,41 21,77 V olum es V olum es V olum es V olum es

20,15 161,41 21,7720,15 161,41 21,7720,15 161,41 21,7720,15 161,41 21,7720,15 161,41 21,7720,15 161,41 21,7720,15 161,41 21,7720,15 161,41 21,77

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Ces pratiques, que l’on nomme communément « l’eau dans les compteurs », permettaient d’ajuster le taux de rendement en réintégrant des consommations antérieures. Eau de Paris a calculé cet écart avec les volumes effectivement consommés : il était en moyenne de 0,70% pour la rive droite et de 0,80% pour la rive gauche. Il s’agit de chiffres qui finissaient par représenter des montants importants, de l’ordre de 1,5 millions d’euro par an.

Depuis le passage en régie, en 2010, le taux de rendement est calculé sur la base des volumes effectivement consommés sur l’ensemble de la chaîne de production d’eau potable, depuis les usines jusqu’au robinet du consommateur, sur l’année donnée, rapportés aux volumes produits et non plus sur le seul réseau de distribution. Il prend ainsi en compte les canalisations de transport de l’eau depuis les usines jusqu’aux réservoirs. Il est de fait plus conforme à l’esprit du mode de calcul réglementaire. Avec l’opérateur unique et le déploiement intégral du réseau de télérelevé, le rendement est calculé sur la consommation réelle sur l’année civile, des points de production à la distribution au robinet. Ce rendement évolue autour de 92%, ce qui est dans la ligne des objectifs fixés à Eau de Paris. A titre de comparaison, dans son rapport de février 2012, l’Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement mentionne un taux national de 76% et autour de 80% pour les villes de plus de 200 000 habitants56.

Comment assurer la continuité de service pendant ces transferts difficiles ?

Ces négociations parfois difficiles avec les anciens délégataires étaient gouvernées par l’absolue nécessité de maintenir la continuité de service. Cela a amené Eau de Paris à transiger sur de nombreux domaines,

56. Rapport de février 2012, Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement, Panorama des services et de leurs performances.

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à mettre en place des marchés transitoires, à traiter en gré à gré avec les délégataires sur certaines prestations.

Les marchés transitoires sur les bases de données clientèle ont permis de continuer à utiliser les mêmes logiciels et les mêmes données qu’auparavant. C’est ce qui a assuré la continuité du service et la relance de la facturation de l’ensemble des abonnés sans aucune rupture de la périodicité des factures. La formalisation et la migration vers le nouvel outil n’est intervenu qu’ultérieurement.

De même, les données comptables ont été modélisées rapidement sur un système d’informations comptables et budgétaires, qui a dû être repensé et amélioré par la suite.

Les systèmes d’information sur les ressources humaines n’ont pas été développés tout de suite, la régie continuant de fonctionner avec le système repris de la SAGEP, dans lequel ont été injectées les données concernant les salariés issus du CRECEP puis des compagnies distributrices. Les salariés intégrés ont ainsi été repositionné selon les grilles de la gestion prévisionnelle des métiers et des compétences.

Le nouveau système d’information des ressources humaines a été finalisé fin 2012, et est opérationnel depuis le 1er janvier 2013.

Chapitre 2

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Une fusion d’entreprise est un processus souvent dif-ficile. A fortiori lorsqu’il s’agit d’une transformation, tant structurelle que culturelle. La plupart des fusions qui alimentent l’actualité économique traitent en gé-

néral du rapprochement de deux struc-tures de taille comparable, voire plus souvent de l’absorption d’un plus petite par une plus grosse. Ces pro-

cessus « classiques » recouvrent déjà en général de véritables difficultés, orga-nisationnelles et humaines.

En l’occurrence, il s’est agi ici d’une opération très complexe, d’abord par le

nombre d’entités concernées. Le retour en gestion publique du service de l’eau parisien a en effet correspondu à la fusion

de quatre entités existantes, dans leur totalité ou partiellement : une filiale de la Lyonnaise pour la distribution en rive gauche, une filiale de Veolia

pour la distribution en rive droite, le CRECEP (Centre de recherche, d’expertise et de contrôle des eaux de la Ville de Paris) pour les analyses au titre du contrôle de la qualité de l’eau, et la société d’économie mixte SAGEP pour la production. Cette fusion résultait, en outre, du rapprochement d’entités qui avaient pu se vivre en concurrence les unes avec les autres et s’étaient nourries de cultures d’entreprise très marquées.

Chapitre 3

Les implications sociales du passage en régie : dimension

humaine de la transition

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A l’issue de ce processus peu courant, le nouvel établissement public a repris en son sein une large majorité des salariés qui travaillaient dans ces différentes structures dont il assume désormais les fonctions. L’annonce de la remunicipalisation ayant été faite par le maire de Paris à la fin de l’année 2007, confirmée par les résultats des élections de mars 2008, soit plus d’un an et demi avant le transfert effectif des personnels concernés (délai de rigueur indispensable pour préparer cette réorganisation), ces derniers ont nourri de façon naturelle des questionnements quant à leur avenir professionnel. Le droit du travail est très protecteur dans de telles situations, et au-delà même du droit, il est indispensable d’accompagner les salariés, par une information et une écoute aussi constantes que possible quant à leurs droits individuels et collectifs, face à la perspective de changements aussi importants. Enfin, l’immense majorité de ces personnels évoluaient dans des structures de droit privé et la méconnaissance des règles de fonctionnement du public pouvait ajouter à l’inquiétude de certains d’entre eux face à leur nouvelle organisation professionnelle. Le fait que le Code du travail s’applique s’agissant d’un établissement public à caractère industriel et commercial n’était, par exemple, pas évident pour tout le monde, alors même que les salariés relevaient déjà tous du droit privé.

La société d’économie mixte comptait 543 salariés au 31 décembre 2009. Ceux-ci connaîtront peu de changements dans leur statut et leur situation. Quant au personnel du laboratoire CRECEP, il a été intégré au nouveau laboratoire de recherche et de surveillance de la qualité de la régie, au 1er mai 2009 et a vu sa situation alignée sur celle des 25 agents, techniciens et ingénieurs, qui travaillaient déjà dans les laboratoires d’Eau de Paris.

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Du côté des ex-distributeurs, la réalité des transferts n’a pas été tout à fait conforme au discours car les compagnies délégataires ont ventilé au sein de leur groupe les personnes et compétences qu’ils souhai-taient conserver. Les véritables chiffres des transferts montrent clairement ce hiatus. Un effectif de 203 per-sonnes de la Compagnie des Eaux de Paris (qui assu-rait la distribution rive droite) était affecté entièrement à la délégation de service. De plus 23 personnes étaient affectées à plus de 50% et 142 affectées à moins de 50%. Ces 165 personnes intervenaient de façon mu-tualisée au niveau régional. Du côté d’Eau et Force - Parisienne des Eaux (EF-PE, groupe Suez), parmi les 347 salariés du Centre régional Paris Ile-de-France, Eau et Force déclarait 230 salariés affectés, pour tout ou partie de leur activité au Centre d’exploitation de Paris rive gauche qui portait la délégation de service de distribution de l’eau en rive gauche de Paris. Et 232 agents étaient affectés pour tout ou partie de leur activité à la gestion de la presqu’île de Gennevilliers. Finalement, 155 salariés de Veolia et 73 salariés de Suez ont intégré la régie Eau de Paris au 1er janvier 2010. Les personnels transférés l’ont été quasiment tous sans leur encadrement managérial, sans la quote-part des structures fonctionnelles de gestion ou de cadrage technique, une grande partie d’entre eux exer-çant une activité mutualisée au niveau régional et ne relevant pas à part entière du système parisien. Les per-sonnels chargés des supports fonctionnels n’ont ainsi pas été transférés par les compagnies distributrices, de même que les moyens correspondants ( systèmes d’informations, notamment géographique ), et les équipes en charge de la gestion technique et de la ges-tion financière , des méthodes , de la planification et de l’organisation ainsi que du suivi et du reporting des activités. Il s’en est suivi une perte de connaissance et de compétence sur ces domaines importants, lors du transfert, les cadres techniques et de gestion ayant

Chapitre 3

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été recrutés ailleurs, sans connaissance du réseau de distribution parisien. Cela a été une réelle difficulté pour Eau de Paris à sa création, tant la maintenance patrimoniale d’un réseau de distribution se constitue grâce à la connaissance des hommes et des femmes qui gèrent les systèmes d’information et maîtrisent les données constitutives des ouvrages. Cette difficulté a néanmoins pu être pour partie absorbée grâce aux com-pétences d’exploitation des équipes opérationnelles transférées et à leur mobilisation quotidienne. Depuis, l’embauche de compétences nouvelles compte tenu de l’attractivité de la régie sur le marché travail a permis de la doter des moyens qui lui manquaient à l’origine. Il était certainement difficile d’obtenir des transferts contre la volonté des groupes Suez et Veolia, aptes à faire des propositions alléchantes aux cadres, et aux personnels « mutualisés ». Ce sujet est stratégique, tant un encadrement adapté et formé est essentiel pour accompagner le changement.

Une organisation syndicale souligne: « Même si l’harmonisation des statuts des salariés s’est très bien passée dans sa quasi-totalité, quelques points restent à finaliser qui permettraient enfin de lisser les différences entre statuts et accélérer le processus d’identité commune. La formation des managers devrait conduire à la diffusion de valeurs fédératrices dans l’entreprise et doper ainsi le moral des salariés ».

Un travail de terrain

L’enjeu social des transferts de personnels a été identifié d’emblée comme stratégique. Les personnels et leurs représentants estimaient que ces transferts ne devaient aucunement nuire aux salariés, et même qu’ils étaient une occasion de réparer des « injustices » passées et de promouvoir un modèle social conforme à leurs vœux.

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A partir de septembre 2009, de nombreuses réu-nions sur les sites de la Compagnie des Eaux de Paris et d’Eau et Force - Parisienne des Eaux ont été animées par la direction des ressources u aines de la ré ie afin d e poser le pro et

de remunicipalisation et de répondre aux ques-tions des salariés. Les équipes issues des com-pagnies distributrices étaient très demandeuses, craignant d’être laissées pour compte. L’accueil s’est avéré positif, les personnels étant en de-mande d’information et de réassurance sur leur avenir au sein de la régie. Ces réunions ont été aussi l’occasion de présenter les avancées en matière de négociation sociale.

A compter de la mi-octobre, des entretiens individuels ont également été organisés par la direction des ressources humaines de la régie avec tous les salariés transférés, soit 228 salariés environ. Le but de ces entretiens était d’établir un premier contact avec le salarié, de lui présenter Eau de Paris, de lui exposer le statut applicable à son arrivée, de lui expliquer plus spécifique ent le s st e de estion prévisionnelle des métiers et des compétences (GPMC), conçu à l’époque de la SAGEP pour harmoniser les statuts des fonctionnaires et des personnels de droit privé dans un cadre d’avancement commun et transféré à la ré ie c aque salarié a été re ise une fic e de transposition mentionnant sa situation actuelle et celle projetée à Eau de Paris, son ancienneté reprise, le montant de son salaire et ses différentes composantes, et l’écart entre les deux salaires (égal voire supérieur en terme de perspectives). Ces entretiens permettaient enfin de répondre toutes les questions des salariés. La présence d’un représentant du

Un processus social

Accord portant sur le système de compensation de l'intéressement/participation des salariés de la régie

déc.

16mars

Accord d’harmonisation sur le régime des frais de santé et de prévoyance, les congés de �n de carrière, les jours de repos d’insalubrité et le régime de retraite

30juin

Accord d'intéresse-ment harmonisé pour l'ensemble des

2009

2010

2011

2013

Intégration des personnels de la SAGEP et du CRECEP au sein de la régie

1er mai

personnels de la SAGEP personnels de la SAGEP personnels de la SAGEP personnels de la SAGEP

Accord de méthode : calendrier et thèmes

3juin

Ouverture des négociations

1er

janv.

Intégration des 228 salariés de la distribution, 155 salariés issus de CEP, 73 issus d’EFPE

Second protocole d’étape sur les reprises d’ancienneté et les congés annuels

15 juin

15 juin

Accord d’harmonisation sur le droit syndical

Signature de l’accord d'intéressement applicable à tous les salariés (pour les années 2010/2011/2012)

15 juin

Chapitre 3

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personnel avait été autorisée. Ces dialogues ont été bien accueillis. Dans 80% des cas, les transpositions se sont opérées sans difficulté et 20% des dossiers ont nécessité des arbitrages par rapport au positionnement dans la nouvelle structure, créant quelques insatisfactions.

Remunicipalisation et ressources humaines : démarches et freins

Le cabinet d’avocats Adamas a été mandaté dès 2008 par la Ville de Paris pour rédiger « un rapport de revue sociale » dans le cadre d’une mission d’expertise sociale liée à la remunicipalisation de la distribution de l’eau à Paris auprès des deux sociétés « Eau et Force » et « Compagnie des Eaux de Paris ».

Le cabinet indique avoir rédigé son rapport sur la base des documents fournis par les deux entreprises ainsi que des entretiens menés avec différents collaborateurs.

La mission était d’identifier les statuts applicables et de rédiger un document de travail servant de base à la préparation du transfert des personnels dans des domaines tels que les effectifs, le statut collectif, les contrats de travail et rémunérations, le climat social et les relations collectives. Le rapport, rendu en février 2009, reprend pour les deux entreprises concernées un ensemble de données statistiques sur les ressources humaines et des éléments des statuts applicables. Le cabinet mentionne pour certains thèmes que les sociétés n’ont pas souhaité lui fournir d’éléments sur ces points. Globalement, ce document fournissait « un état des lieux » pouvant être utilisé comme une base de travail mais ne permettant pas une analyse fine sur la gestion des effectifs, et sur le statut complexe des deux entités. Il n’a en conséquence pas permis de projeter une organisation

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adaptée en définissant les moyens humains nécessaires au fonctionnement du futur opérateur. Ainsi, la régie s’est construite sur la base des équipes existantes, renforcées des compétences manquantes identifiées au fur et à mesure de la mise en œuvre de l’opérateur public.

Opérer une fusion de quatre structures aux statuts différents peut rapidement poser un risque social, lié aux différences d’avantages existants entre salariés qui auront à exercer au quotidien le même métier. Des premiers éléments recueillis, il apparaissait que le statut des personnels travaillant chez les distributeurs était pour partie, plus favorable que celui des salariés de la SAGEP, les premiers bénéficiant notamment d’une prime de rendement estimée à plus de 1 500 euros par an pour la recherche de fuites sur le réseau. Il existait également la participation et l’intéressement au résultat et un plan d’épargne entreprise, tout comme pour les salariés de la SAGEP jusqu’en avril 2009. Ces éléments constitutifs du salaire donnaient aux personnels des compagnies distributrices un avantage pouvant représenter jusqu’à 10% de salaire en plus.

Pour préparer au mieux l’arrivée des salariés, des réunions bi-mensuelles ont été organisées à partir du début de l’année 2009, soit un an avant le transfert, entre la direction des ressources humaines d’Eau de Paris (le DRH et ses responsables de pôles concernés) et le directeur de chaque entreprise délégataire accompagné de son DRH régional. Ces rencontres permettaient de faire des points réguliers, notamment sur la part du personnel transféré et de recueillir des informations sur le statut applicable dans ces deux entreprises. Ces rencontres ont également eu pour objet de faire le point sur l’avancement des négociations avec les organisations syndicales. Eau de Paris avait

Chapitre 3

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exprimé le souhait que ces réunions soient conduites dans un cadre tripartite afin d’éviter les négociations successives, pouvant susciter des tentations de surenchères de part et d’autre. Face aux réserves des deux distributeurs, elles ont été conduites en format bipartite, entre Eau de Paris et chaque délégataire. Dans un premier temps, très réticents à s’engager dans la négociation, les représentants de Suez, ayant pris conscience du caractère irrémédiable de la décision, ont accepté de travailler avec les équipes de la régie, pour préparer au mieux les transferts des personnels, selon Pascal Bernard, DRH à l’époque, « de façon loyale et synergique ». Les représentants de Veolia, pour leur part semblent n’avoir jamais vraiment accepté la décision, « adoptant une attitude de flou dans la transmission des informations, délivrant les informations au compte-goutte ».

Les deux délégataires ont cependant favorisé la tenue des réunions avec le personnel, en y assistant, et la réunion des représentants syndicaux. A l’image de leur structure, les syndicats d’EF-PE se sont montrés ouverts, inscrits depuis longtemps dans une relation réelle de négociation avec leur employeur. A contrario, certaines organisations de Veolia vivaient une relation de défiance avec leur employeur, qui a marqué les négociations avec la régie. La résistance et le manque de collaboration de Veolia a été préjudiciable pendant le processus mais l’est encore aujourd’hui. Cette défiance initiale subsiste encore pour partie, de la part de certains représentants des personnels issus de Veolia, à l’encontre du bien-fondé de la réforme et de ses modalités, malgré l’enjeu de service public auquel sont traditionnellement attachés les syndicats. A l’inverse, les organisations syndicales issues de Suez ont repris après la fusion une posture plus classique de défense des intérêts des salariés dans le nouveau cadre.

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Alors que les compagnies avaient communiqué fin août 2009 la liste nominative des personnes transférées, avec leur statut et que la régie avait produit sur cette base les transpositions nécessaires dans ses grilles de rémunération, Eau de Paris a été informée en décembre, à quelques jours du transfert, qu’un certain nombre de salariés de Veolia-CEP avaient bénéficié, au cours du mois de décembre 2009, de révisions de situation (environ quinze salariés), voire de promotions dans la catégorie cadre, modifiant ainsi le classement qui avait été réalisé pour ces salariés dans le système de gestion des ressources humaines. Ces mesures, non concertées avec la régie ont eu un effet report significatif, bouleversant les prévisions de masse salariale. Ces pratiques de « dernière minute », qui ne justifient pas dans le cadre d’un transfert loyal, ont dû être rectifiées pour l’essentiel par la nouvelle direction d’Eau de Paris. L’ensemble de cette séquence a créé des difficultés de management, des sentiments d’injustice voire des rancœurs entre certains salariés et la direction d’Eau de Paris.

L’ensemble de ce processus de transfert a nécessité ainsi une attention soutenue envers les salariés des an-ciennes compagnies distributrices. Par réaction, cela a provoqué des tensions avec certains salariés prove-nant de la SAGEP ou du CRECEP qui ont exprimé le sentiment d’avoir été laissés pour compte, la direction d’Eau de Paris étant, de leur point de vue, trop inves-tie dans le transfert des personnels de la distribution. Alors que la démarche « Eau de Paris demain » les avait placés sur le devant de la scène, ces personnels se sont sentis relégués dans un rôle secondaire. Cela a conduit la direction d’Eau de Paris à organiser des réunions régulières de terrain sur les différents sites. Ces rencontres ont révélé des inquiétudes très fortes parmi les salariés, y compris ceux qui ne relevaient pas des deux entreprises sortantes.

Chapitre 3

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L’eau à Paris retour vers le public

Fusionner une structure, c’est aussi intégrer et faire se « réunir » des organisations syndicales de même obédience. La constitution du nouveau paysage social de la régie ne s’est pas fait sans heurts au niveau des syndicats, au nombre de huit dans la nouvelle structure, et ont conduit la régie à saisir l’inspection du travail et même le u e afin de clarifier les situations et poser un

cadre non contestable.

Plus largement, la fusion et les négociations des conditions d’accueil des personnels, d’où qu’ils viennent, ne pouvait pas résoudre à elles seules les problèmes générés par les changements d’habitudes et au-delà, de culture, qu’une fusion entraîne. Ces aspects culturels se sont avérés être sources de perturbations pour les personnels. Ils ne pouvaient se régler par des négociations, aussi poussées soient elles, mais seulement avec du temps, de la connaissance mutuelle et un accompagnement managérial, adapté aux enjeux du changement.

Jean-François Collin, alors directeur général d’Eau de Paris, dressait le constat suivant :« En deux ans, Eau de Paris a beaucoup évolué, à la fois dans son fonctionnement général et dans l’état d’esprit des équipes. A mon arrivée, la régie vivait une situation de blocage assez importante. De vraies difficultés se sont fait jour dans la constitution de cet établissement public, liées à la fusion de quatre entreprises, au passage d’un statut privé à un statut public et à la mise en place de tous les outils nécessaires à ce nouveau cadre. »57.

57. Procès-verbal du Conseil d’administration d’Eau de Paris du 21 septembre 2012.

De la délégation à la régie, l'intégration des salariés

été

Note de propositions « Eau de Paris Demain » pour un opérateur public unique au maire de Paris

Annonce par la nouvelle municipalité de la démarche de remunicipalisation

nov.

Annonce du maire de Paris : la remunicipali-sation de l’eau fait partie de son projet pour la mandature nouvelle

Création de la régie Eau de Paris

1er

mai

mars

Entrée en activité de la régie, reprise en continuité de la SEM SAGEP de la production et du transport de l’eau et de la totalité des personnels de la SEM SAGEP et de 55 salariés du CRECEP

étéRecrutement de salariés sur les métiers de la distribution de l’eau

1er

jan.

jan.déc.

La régie Eau de Paris devient l’opérateur unique du service de l’eau, intégration de l’activité de distribution de l’eau et des personnels de la CEP et d’EFPE

Poursuite des recrutements sur les nouveaux métiers

Lancement de la démarche « Eau de Paris Demain » au sein de la SEM SAGEP

2006

2007

2008

2009

2010

1er

jan.

jan.

De la délégation à la régie

5nov.

Avis de la commission consultative des services publics locaux (CCSPL) sur la réforme du service public de l’eau

1er

jan.Création de la régie Eau de Paris

24nov.

Adoption des statuts de la régie par le Conseil de Paris et désignation du directeur général de la régie

1er

mai

Entrée en activité de la régie, centrée autour de la production et du transport

23 /24 nov.

Le Conseil de Paris vote les conditions de transfert des activités de distribution et des personnels des délégataires, au 31 décembre 2009, autorise la signature du contrat d’objectifs et approuve le règlement du service public de l’eau à Paris, applicable au 1er janvier 2010

31 déc.

Fin des contrats de délégation des deux distributeurs privés

1er jan.

La régie Eau de Paris devient l’opérateur unique

2008

2009

2010

Première réunion du Conseil d’administra-tion de la régie, élec-tion de la présidence, prise d’acte de la nomination du direc-teur général et propo-sition de nomination de l’agent comptable

22jan.

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Des négociations anticipées avec les partenaires sociaux

La discussion avec les personnels menée par la direction des ressources humaines ne pouvait bien sûr pas résumer le dialogue social et il a fallu très tôt engager les discussions avec les représentants syndicaux.

Comme cela a déjà été mentionné, la direction d’Eau de Paris a souhaité anticiper l’harmonisation sociale de l’opérateur unique en débutant les négociations dès l’année 2009 (alors que la législation lui imposait cette négociation à compter de la date du transfert). L’objectif affiché était le souhait d’Eau de Paris de traiter avec équité tous les salariés quelle que soit leur entité d’origine et pour ce faire, l’ensemble du personnel de l’EPIC devait pouvoir bénéficier des mêmes règles collectives de vie sociale : évolution professionnelle, accord sur la réduction du temps de travail, système de rémunération. C’est la raison pour laquelle la direction d’Eau de Paris a souhaité que la négociation s’ouvre avec l’ensemble des partenaires sociaux des trois structures restant à fusionner et a proposé aux syndicats déjà présents au sein de la régie d’ouvrir les négociations aux autres syndicats devant les rejoindre en janvier 2010. Sans ce premier accord, signé en mars 2009, seules les organisations syndicales de l’ex-SAGEP auraient pu siéger à la table des négociations.

Dès mars 2009, l’ensemble des syndicats ont été réunis, avec dans un premier temps pour objectif de définir les conditions dans lesquelles allaient être conduit les négociations d’harmonisation sociale. Cet accord de méthode, discuté de mars à mai, a été signé début juin. Il listait de manière non exhaustive les thèmes devant faire l’objet de négociation

Chapitre 3

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L’eau à Paris retour vers le public

et d’harmonisation : positionnement, primes et indemnités, régimes « travaux sales », durée et organisation du travail, congés, congés spécifiques, congés de fin de carrière, astreintes et compensations, retraites complémentaires et supplémentaires, mutuelle et prévoyance, intéressement, égalité femmes-hommes, dialogue social, conditions de travail, etc. L’accord prévoyait la création de cinq commissions avec des thèmes spécifiques : positionnement, temps de travail, intéressement etc. et fixait un calendrier (vingt réunions du 28 avril au 15 juillet 2009). Et il précisait les participants à la négociation : chacune des organisations syndicales de chaque entité devait désigner trois salariés. Il était convenu enfin que les syndicats de la SAGEP ainsi que les syndicats des entités transférées bénéficieraient de quinze heures mensuelles de délégation supplémentaires. De ce fait, après une démarche novatrice de réalisation d’un diagnostic partagé des systèmes existant au sein des trois entités par la direction d’Eau de Paris et les organisations syndicales, les parties s’engageaient à une harmonisation des statuts à la date la plus proche du 1er janvier 2010. Sur les bases de cet accord de méthode, les négociations ont débuté à l’été 2009. Chaque fois qu’un thème était traité, il venait nourrir le projet d’accord global.

Ainsi, le « protocole d’étape sur les points acquis dans le cadre de la négociation du futur accord de substitution à l’harmonisation sociale » en date du 18 décembre 2009 a été signé par treize représentants syndicaux des trois sociétés concernées (Eau de Paris/Compagnie des Eaux de Paris /Eau et Force - Parisienne des Eaux).

Il traitait notamment du positionnement des salariés, de l’évolution professionnelle et de la rémunération (avec l’intégration de certaines primes au salaire de

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base des salariés transférés de EF-PE et CEP), la durée du travail (fixée pour tous les salariés à 37 heures hebdomadaires assorties de douze jours de RTT), l’unification des régimes de retraite, de mutuelle et de prévoyance ainsi que la garantie du maintien du niveau d’intéressement (versé en 2009) pour les salariés transférés. Ce dispositif a permis notamment, dès janvier 2010, de remettre avec la paie de janvier

à l’ensemble du personnel un bulletin de salaire identique quelle que

soit la société d’origine.

Une cinquan-taine de réu-nions se sont

tenues en 2009, v i n g t - q u a t r e

réunions ont été recensées en vue

de l’harmonisation en 2011. Ces

réunions se sont poursui-vies en 2012

et 2013 sur le sujet des primes

versées pour l’exécu-tion de travaux sales ou dangereux, notamment dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur les sa-laires effectifs et la durée effective et l’organisation du temps de travail et de séances de travail spécifiques. 2013 a également permis de poser un accord d’entre-prise relatif aux CHSCT au sein d’Eau de Paris et un accord d’intéressement s’appliquant à l’ensemble des salariés de la régie, selon le même dispositif et été signé, pour la période 2013-2015.

Chapitre 3

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L’eau à Paris retour vers le public

L’intégration des salariés du Centre de recherche, d’expertise et de contrôle des eaux de la Ville de Paris (CRECEP)

Le transfert de l’activité du CRECEP et des salariés affectés à cette activité est spécifique puisqu’il a eu lieu de manière distincte, à la date du 1er mai 2009. Le CRECEP constituait en effet depuis de nombreuses décennies le laboratoire d’analyses et de recherche de la Ville de Paris pour la qualité de l’eau. Les années 2000 ont néanmoins sonné le glas des laboratoires publics comme celui-ci, confrontés au dumping de leurs concurrents privés.

La réglementation européenne ayant ouvert le contrôle sanitaire à la concurrence, les pouvoirs publics français ont généralisé la pratique de l’appel d’offre, entraînant

Quatre accords d’harmonisation �

Comme suite à l’accord de méthode et au protocole d’étape signés au cours de l’année 2009, et en vue de poursuivre cette démarche d’intégration, quatre accords « d’harmonisation » ont été signés :

■ L’accord sur l’exercice du droit syndical et le dialogue social dans l’EPIC Eau de Paris du 15 juin 2010.

■ Le deuxième protocole d’étape du 15 juin 2010 portait sur les reprises d’ancienneté et les congés annuels et spéciaux.

■ L’accord d’intéressement du 15 juin 2010 qui prévoyait un système d’intéressement uniforme pour l’ensemble du personnel de l’EPIC pour une durée de trois ans (avec application d’un système compensatoire selon l’origine des salariés).

■ L’accord numéro trois sur l’harmonisation du 16 mars 2011 portant sur le régime des frais de santé et de prévoyance, les congés de carrière, les jours de repos de salubrité et le régime de retraite supplémentaire pour tous les salariés.

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la liquidation en cascade des laboratoires départemen-taux, par nature incapables de rivaliser avec les géants privés du secteur, car de taille beaucoup plus réduite. En effet, combinant délocalisation de certaines activi-tés, économies d’échelle et prestations « low cost », ces derniers ont pratiqué une concurrence fatale à un service public de proximité, organisé pour garantir, avant toute autre considération, la qualité des activités d’analyse. Afin d’y faire face, le CRECEP avait lui-même été transformé en 2003 en établissement public industriel et commercial, autonome de la collectivité parisienne, pour pouvoir juridiquement répondre aux appels d’offres lancés alors par les autorités sanitaires de l’Etat (DDASS puis ARS). Cette évolution n’a néanmoins pas permis au laboratoire parisien, alors composé de 150 agents, de s’aligner sur les standards des géants privés du secteur, qui proposaient leurs prestations à des coûts bien moindres.

Cette politique de sous-traitance à bas coûts du contrôle sanitaire poursuivie par les Agences régionales de santé peut cependant interroger quant à ses conséquences à moyen et long terme. Aujourd’hui en effet, face à l’extrême concentration du marché (dominé principalement par deux acteurs majeurs), la maîtrise par les collectivités publiques des process d’analyse de la qualité de l’eau, leur connaissance effective des techniques et des enjeux sont devenus très faibles. Cela n’est donc pas sans danger concernant un enjeu de santé publique, incompatible avec la recherche d’une rentabilité de court terme.

Pour contrecarrer cette tendance, un choix politique différent a été fait à Paris, qui préserve au sein de la régie nouvellement constituée un pôle public d’analyses et de recherches. Le laboratoire intégré à la régie procède ainsi en continu, et en parallèle des laboratoires privés mandatés par l’ARS, à une

Chapitre 3

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activité d’autocontrôle très exigeante qui garantit aux usagers de la capitale une qualité d’eau du robinet la plus fiable possible. Cette organisation et le passage en régie ont en outre permis à certains personnels du CRECEP de conserver leur activité. Ajoutons que ce laboratoire public, composé en 2014 de 75 personnes, peut envisager des collaborations avec d’autres collectivités ou opérateurs publics pour mutualiser certains résultats de ses recherches, dans une logique de coopération et non de concurrence. Pour favoriser l’intégration de ces quelque 55 salariés issus du CRECEP, Eau de Paris a organisé un parcours d’accueil courant mai 2009. Celui-ci s’articulait autour de deux journées d’informations et d’échanges. Après négociation avec les partenaires sociaux, un accord visant à l’harmonisation des statuts collectifs à l’occasion de l’absorption des activités du CRECEP par l’EPIC Eau de Paris a été signé à l’unanimité le 25 juin 2009.

Des incertitudes jusqu’à la dernière minute

Ce sont 155 salariés de Veolia-CEP (sur 347) et 73 salariés de la Suez -EF-PE (sur 165) qui ont, au final, intégré la régie Eau de Paris au 1er janvier 2010.

La différence entre le nombre annoncé initialement et les effectifs réels de salariés provenait du fait que les délégataires avaient conservé au sein de leur groupe les effectifs de cadres des services support et d’ingé-nierie. La CEP a transféré un nombre extrêmement réduit de cadres supérieurs, EFPE (Suez) n’en a trans-féré aucun.

Au total, le nombre d’agents transférés exerçant des fonctions support (Ingénierie, RH, fonctions comptables, informatique, etc.) était sensiblement

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Statistiques de l’opération de transfert du personnel �

A u 31 dé cem bre 2009, l’ E P I C E a u de P a ris com pta it 543 sa la rié s, dont 55 sa la rié s issus du C R E C E P . A u 1 er j a nvi er 2010, 228 sa la rié s issus de la di stribution ont é té a ccueillis à E a u de P a ris. S ur ces 228 sa la rié s, 73 provena ient d’ E F - P E ( E a u et F orce - P a risienne de s E a ux) et 155 de C E P ( C om pa gni e de s E a ux de P a ris) .

L es sa la rié s ont int é gr é E a u de P a ris da ns les di rections suiva nt es ( da ns leur int itulé a u 1/ 1/ 2010) :

U sa ge rs, a bonné s et com m uni ca tion 41 s a la rié s ( 32 de C E P et 9 d’ E F - P E ) P roduc tion 1 s a la rié ( issu d’ E F - P E )A ge nc e com pta ble 10 s a la rié s ( 8 de C E P et 2 d’ E F - P E )C om pta bilité 2 s a la rié s ( issus de C E P )F ina nc es, c ont rôl e de ge stion 1 s a la rié ( issu de C E P )R essources hum a ine s et m a na ge m ent de la qua lité 1 s a la rié ( issu de C E P )

R eche rche et qua lité de l’ ea u 8 s a la rié s ( issus de C E P )D istribution 162 s a la rié s ( 101 de C E P et 61 d’ E F - P E )I ngé ni erie 2 s a la rié s de C E P

P a rm i les sa la rié s issus de C E P , 3 4 a ge nt s ont é té a ccueillis en ta n t qu’ ouvriers ou em ployé s, 102 e n t a nt que techn iciens , a ge nt s d e m a î trise et 19 c a dr es. P a rm i les sa la rié s d’ E F - P E , 9 ont é té a ccueillis en ta nt qu’ ouvriers ou em ployé s, 58 en ta nt que techni ciens , a ge nt s de m a î trise et 6 c a dr es.

Chapitre 3

m oins im porta n t que le nom bre a ttendu. E n ef f et, la qua si- tota lité de ces a ge nt s ne tra va illa ient qu’ une pa rtie de leur tem ps de tra va il pour le cont ra t pa risien. L e code du tra va il ex ige a lors l’ a ccord du sa la rié pour le tra ns f ert de son cont ra t de tra va il.

D isposa nt dé j à de l’ enc a dr em ent pré exi sta nt a u sein de la S A G E P , E a u de P a ris ne s’ est peut- ê tre pa s m ont ré e a ssez proa ctive pour a ttirer les techni ciens et les ca dr es et not a m m ent les ca dr es supé rieurs

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L’eau à Paris retour vers le public

des sociétés distributrices qui, pour leur part, ont pré-féré accepter des mutations internes au sein de leur groupe d’origine, avant le transfert. Quant à Suez et Veolia, ils n’ont mis en place aucun dispositif de transfert de connaissance. Il s’en est suivi une perte de certaines compétences d’ingénierie, de recherche et de pilotage des travaux, que possédait cet encadre-ment.

Des projets d’ « accord de périmètre » avaient été négociés entre la régie et les deux sociétés. Ces accords devaient déterminer la répartition des personnels transférés issus des activités de distribution selon leur activité et leur évaluation en équivalent temps plein. Ce document traitait également des salariés partiellement affectés à l’activité transférée. Ils prévoyaient enfin qu’en cas de mouvements de personnel préalables à l’opération, ceux-ci seraient remplacés par des personnels disposant de compétences équivalentes permettant d’assurer les mêmes fonctions. Ces projets ont donné lieu à de multiples réunions de négociation et amendements pendant plusieurs mois avec les deux entreprises et la direction de l’EPIC mais n’ont pu aboutir à un accord formalisé de la part des sociétés de distribution.

Les informations sur les aménagements du temps de travail, les temps partiels, les avantages ou accords individuels concernant certains salariés de la distribution, en l’occurrence issus de la CEP, n’ont été portés à la connaissance d’Eau de Paris qu’après le transfert de personnels.

Le transfert de provisions sociales

Avec la reprise des personnels, Eau de Paris devait percevoir les provisions sociales réalisées au cours de l’année 2009 au titre notamment des congés annuels.

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Dès octobre 2009, la direction de la régie avait écrit aux directeurs de centre de Veolia-CEP et de Suez -EF-PE afin de leur demander de procéder à un arrêt contradictoire du passif social mis à la charge de la régie à compter du 1er janvier 2010, mais trouvant son origine avant cette date, afin qu’il soit réglé à la régie. Les entreprises devaient verser le montant des provisions correspondantes à la régie. Suite aux réorganisations successives, Veolia devait gérer des personnels disposant d’une diversité de droits et d’acquis. Elle a souhaité engager une négociation afin de redéfinir les positionnements et les évolutions de carrière des salariés. Dans un premier temps, des syndicats se sont opposés aux propositions présentées par la direction de Veolia, et compte tenu des rapports de force existants, ont conduit des mouvements de grève. Cette renégociation s’est finalement traduite par l’introduction de primes dans la base salariale, avec un impact sur le repositionnement des salariés dans la grille de gestion prévisionnelle des métiers et des compétences, la grille des fonctions et salaires à Eau de Paris, avec un positionnement souvent supérieur à celui initialement prévu.

Cet état des lieux contradictoire du passif social devait porter sur les droits à congés, jours de fractionnement, congés payés, jours de repos compensateur, jour de réduction du temps de travail, heures supplémentaires, droits individuels à la formation et indemnités de retraite. Les sociétés ont contesté le versement de certaines de ces sommes. Malgré de nombreux courriers adressés en 2009 puis 2010, aucun arrêt contradictoire n’a pu être signé entre les deux sociétés et la régie. La Société EF-PE a versé le montant des provisions qu’elle estimait dues courant 2010. CEP ne versa aucune provision en indiquant qu’elle avait versé ces sommes aux salariés (congés payés).

Chapitre 3

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L’eau à Paris retour vers le public

Une décision de politique publique

Eau de Paris a résolument décidé d’intégrer un nouveau champ d’activité, celui de la relation aux usagers et aux abonnés. C’était un choix stratégique double : il s’agissait de se donner tous les moyens d’un suivi de qualité des abonnés, grâce à un centre d’appel intégré à l’entreprise publique, proche de ses fonctionnements industriels, apte à répondre correctement aux questions. Il s’agissait également de construire au sein d’Eau de Paris un dialogue fructueux entre le centre d’appel et les directions opérationnelles, à même d’amener celles-ci à améliorer le service à l’usager, ce qui n’est pas toujours la préoccupation première des organisations industrielles du secteur.

Ce choix s’est révélé fructueux. L’intégration du centre multicontacts, a permis de réduire encore les coûts d'exploitation continue, et, pour un coût interne de 1,3 M€, de ne plus sous-traiter une prestation qui était facturée précédemment 3,5 M€ en charges ré-currentes d’exploitation. Au global, l’internalisation de l’ensemble de la relation aux abonnés et usagers (centre d’appel, facturation) et la relance d'appels d'offres pour les éléments qui n'ont finalement pas été internalisés (éditique, maintenance des installations de comptage et télérelevé, supervision des télérelevés) se sont traduites par une économie estimée de plus de 4 M€ par an hors systèmes d’information, au regard des coûts de la prestation en marché de service transi-toire, eux-mêmes estimés en diminution de 4 M€ par rapport aux coûts en délégation de service.

La régie a ainsi pu démontrer la capacité du service public à acquérir de nouvelles compétences. En 2013, 96% des usagers se déclarent satisfaits du service de l’eau en général, à tel point qu’Eau de Paris a reçu le prix de « service client de l’année 2013 » dans le

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Chapitre 3

Internalisation du centre d’appels

Une équipe de seize conseillères et conseillers, encadrés par trois superviseurs et d’un responsable, au sein d’une direction en charge de la relation aux usagers et aux abonnés, laquelle réunit le service consommateurs, la facturation et la gestion des données de consommation, le suivi des grands comptes et les services aux abonnés soit une équipe de trente-sept personnes .

Le turn-over s’élève en moyenne à 20% sur les centres multicontacts français et à 50% sur les centres parisiens. Eau de Paris, qui a décidé d’internaliser cette fonction importante d’information des usagers lors de son Conseil d’administration du 8 juillet 2010, n’a pas connu une seule démission depuis la création du centre. Les téléconseillères et téléconseillers ont été recrutés et l’équipe du centre multicontacts constituée entre décembre 2010 et février 2011, puis formée jusqu’à l’été, en vue de lancer ce centre multicontacts internalisé entre le 1er juillet et le 1er octobre 2011. Ce centre internalisé assure un meilleur service aux usagers et abonnés, pour des coûts inférieurs à une solution externalisée tout en ayant permis la création d’emplois au sein d’Eau de Paris, dans une organisation plus intégrée, un service mieux articulé avec les fonctions industrielles de l’entreprise et l’acquisition de nouvelles compétences pour des téléconseillères et téléconseillers plus au fait des réalités de la distribution et mieux à même de répondre aux questions des abonnés.

De nombreux conseillères et conseillers viennent des plateaux des distributeurs privés, où ils travaillaient sous contrats d’intérim à la semaine, renouvelés d’une semaine à l’autre ou en contrats à durée déterminée (CDD), reconduits. Eau de Paris oppose à cette précarité passée, des conditions de travail stables, avec des contrats à durée indéterminée. Des téléconseillères et téléconseillers ont pu bénéficier de promotions internes et commencer à construire des parcours professionnels, certains ont été nommés superviseurs, assurant ainsi la gestion d’une équipe, ce que leur statut d’intérimaires ou même leur CDD n’auraient pas rendu possible.

domaine de la distribution d’eau, décerné fin 2012, prix reconduit fin 2013 pour l’année 2014. C’est un résultat encourageant pour un service à peine créé, dans un contexte de fusion difficile.

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L’eau à Paris retour vers le public

La maîtrise des effectifs et de la masse salariale

La création d’une régie, l’internalisation de métiers, l’harmonisation des statuts du personnel, provoquent des débats fréquents sur la maîtrise de l’augmentation de la masse salariale. De fait, l’intégration de nouveaux salariés, qui correspond à la création de nouveaux services, entraîne des augmentations d’effectifs. De même, les accords salariaux, s’ils ne reproduisent pas le standard le plus élevé en vigueur dans chaque entreprise d’origine, aboutissent globalement à une augmentation du salaire moyen, assorti de ses différents avantages. Le Code du Travail considère en effet que les avantages antérieurs, lorsqu’ils sont généraux et permanents, sont acquis et les supprimer purement et simplement sans accord des salariés ou de leurs représentants expose la régie à un risque juridique important, en plus que de connoter la fusion à une régression sociale.

La mise en place de la régie a permis le recrutement de nouveaux métiers, pour accomplir les fonctions techniques et support (informatique, comptabilité publique ou ac ats ais aussi afin de créer les équipes en charge de la relation abonnés et usagers, en application de la décision du Conseil d’administration

Intégration du centre multicontacts

Décision du Conseil d’administration d’internaliser le centre multicontacts

Recrutement des téléconseiller-ère-s et constitution de l’équipe du centre multicontacts

Formation de l’équipe

Rive gauche puis octobre rive droite lancement du centre multicontacts internalisé

Obtention du prix « Service client de l’année 2013 » dans la catégorie distribution de l’eau

2010 2011 2012

1er juil. et 1er oct.8 juil. Déc. et fév. fév. – été 2011 oct.

Une équipe de 16 conseiller-ère-s encadrés par trois superviseurs et d’un responsable, au sein d’une direction en charge de la relation aux usagers et aux abonnés, laquelle réunit le service consommateurs, la facturation et la gestion des

Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011Déc. et fév. fév. – été 2011

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Chapitre 3

de juin 2011. Ces créations d’emploi se sont arithmétiquement accompagnées d’une baisse des charges d’exploitation, correspondant aux activités désormais conduites en interne (cf encadré sur le centre multicontatcs). L’effectif est aujourd’hui stabilisé, mais les métiers exercés par la régie pourraient évoluer dans le futur par l’internalisation de nouvelles activités, dans le cadre du plafond d’emploi fixé par la Ville de Paris en concertation avec la régie.

En matière de masse salariale, les années 2011, 2012 et 2013 sont relativement stables en dehors de ces em-bauches. En revanche, la prévision pour 2014, outre un effectif stabilisé, comprend l’harmonisation des primes pour travaux sales et dangereux, induisant une

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hausse de +1,5%, qui vient s’ajouter à l’augmentation structurelle (de l’ensemble des salaires fi ée par la Ville à un maximum de +2%. Eau de Paris res-pecte cette cible, avec un glissement vieillesse tech-nicité qui s’établit à 1,8% en 2013, sachant que les salariés bénéficient par ac-cord d’entreprise d’avance-ments d’échelons réguliers et qu’en 2013, 420 d’entre eu en ont ainsi bénéficié Les effets de fusion s’achè-veront en 2015.La création de la régie a ainsi eu un effet notable en termes d’effectifs les deux premières années (de l’ordre de quatre-vingt créations de postes), puis en termes de traitements, au titre de l’harmonisation des statuts. Au-delà des reven-dications des personnels, cette harmonisation des primes est indispensable, car les équipes, consti-tuées d’ouvriers, techni-ciens et agents de maîtrise de provenances diverses, ne peuvent continuer à travailler avec en leur sein des personnels ne recevant pas les mêmes rétributions pour des tâches identiques.

D É F I N I T L A P O L I T I Q U E D E L ’ E A U E TC O N T R Ô L E L E S E R V I C E P U B L I C D E L ’ E A U

Organisation du service de l’eau depuis le 1er janvier 2010

Régles et contrôles sanitaires

M I N I S T È R E D E L A S A N T É

Politique de l’eau

M I N I S T È R E D E

L ’ E N V I R O N N E M E N T

Relation avec le monde agricole

M I N I S T È R E D E

Politique de l'eau : soutien

aux projets

A E S N

C H A R G É D E L A G E S T I O N D U S E R V I C E P U B L I C D E L ’ E A U , I L M E T E N O E U V R E L E S G R A N D S O B J E C T I F S F I X É S P A R L A V I L L E E T L U I E N R E N D C O M P T E .

Préservation des ressources en eauProduction, transport et distribution de l’eau potableContrôle de la qualité de l’eauGestion des abonnés et information des usagersEntretien et modernisation des ouvragesExpertise et rechercheProduction, transport et distribution de l’eau non potable

C ol l ecte des eau x u sées

S ection d' A ssainissement

de P aris

T ransp ortet ép u ration

des eau x u sées

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L’étalement des effets de la fusion dans le temps ré-sulte du nombre et de la complexité des sujets à traiter avec les partenaires sociaux. Il est indispensable de donner le temps nécessaire aux discussions. La ges-tion sociale de l’évolution des salaires, ouverte lors des négociations, mais rigoureuse, permet un retour à une évolution « normale », c’est-à-dire un standard de hausse de +2% des dépenses de personnel fixé par le Contrat d’objectif, dès la cinquième année, tous les accords d’harmonisation ayant alors accompli leurs effets financiers.

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Avec cette réforme, la Ville de Paris a repris en main la gestion du service de l’eau, en lui assignant des objectifs environnementaux, économiques, démocra-tiques, sociaux. L’eau est un bien commun, d’où la

nécessité absolue de maîtriser la ressource, son exploi-

tation, sur la base d’une vision et d’un projet de long terme. Le retour en gestion publique a éga-lement été justifié par l’autorité organisatrice comme vecteur d’une plus grande rationalité dans l’organisation du service : quatre opéra-teurs, connaissant des enchevêtrements de res-ponsabilités divers, ont en effet laissé la place à une seule et même entité garante de l’ensemble du service.

L’enjeu a donc été rapidement de savoir comment redistribuer les gains du service, avec une volonté de partage de ceux-ci entre les usagers, l’entreprise et ses salariés. Les gains tirés de la réorganisation du service ont en réalité permis de sanctuariser à un très haut niveau les investissements de l’entreprise. Ils ont également permis de financer une harmonisation sociale favorable aux salariés, comparativement à leur situation antérieure. Mais il était aussi logique

Chapitre 4

Le partage des fruits de la remunicipalisation

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de restituer une partie de ces gains aux usagers eux-mêmes, par une baisse globale du prix de l’eau potable. Mais tout cela a préalablement fait l’objet de débats internes importants.

Cinq années après sa création, Eau de Paris affiche une très bonne santé financière. La baisse du prix de l’eau pour tous et les ajustements à la hausse de la masse salariale (de 5 à 7% par an pendant trois ans) consécutifs à la fusion, d’une part et à la création de nouveaux métiers d’autre part ont ainsi pu être aisément absorbés. Si l’activité est fondée sur une recette provenant de la vente d’eau au mètre cube dont la consommation diminue chaque année (-1 à -2% par an), l’entreprise n’en dégage pas moins entre 2009 et 2013 un résultat qui lui permet de financer intégralement son plan d’investissement, sans aucune nécessité de recourir à l’emprunt. Plusieurs facteurs se sont combinés pour expliquer cette situation très favorable : un changement de régime fiscal et de dotations aux amortissements, des économies obtenues lors des négociations de marchés de travaux ou de prestations de services, les mutualisations opérationnelles permises par la fusion, la récupération des marges des anciens délégataires. Le tout génère, en 2010, un résultat d’exploitation élevé (68 millions d’euros). Toutefois ces excédents importants observés dans la foulée de la remunicipalisation, sont par essence provisoires dans un contexte d’augmentation des coûts de production et de diminution continue des recettes, en raison de la baisse structurelle de la consommation depuis plus de quinze ans. Mais la fusion et la création d’Eau de Paris ont permis de repousser à quelques années cet effet ciseau entre les charges et les recettes, en internalisant la rente économique des délégataires.

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Lors du vote des budgets annuels de la régie, un débat non consensuel mais ouvert se forme au sein du Conseil d’administration. Par exemple, la politique d’internalisation ou de sous-traitance fait l’objet de débats récurrents et ouverts, beaucoup d’administrateurs plaidant pour une réinternalisation de fonctions liées à la télérelève. Pour tous les usagers, une baisse du prix de l’eau de 8%

La baisse du prix de l’eau, liée au passage en régie, a fait l’objet de discussions nourries au sein du Conseil d’administration d’Eau de Paris : pour certains, la baisse constitue un gain de pouvoir d’achat marginal pour l’usager, du fait de l’absence de facture individuelle d’une part et de l’impact dans le même temps des augmentations opérées par les autres acteurs, le syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP) et l’agence de l’eau, venant masquer la baisse décidée par Eau de Paris. Pour d’autres, il semblerait au contraire injustifiable que les gains économiques obtenus grâce au retour en gestion publique ne puissent pas bénéficier en partie aux usagers parisiens. Lors du

58. Entretien du 7 juin 2013.

Un administrateur et conseiller de Paris de l’op-position municipale juge insuffisante la visibi-lité de la régie quant à son modèle économique, entre baisse de la consommation d’eau et haut niveau des investissements : « Le statut de régie empêche Eau de Paris de se délester d’un certain nombre de charges, qu’elle pourrait sous-traiter, qu’il s’agisse de facturation, de distribution, de renouvellement du réseau, postes qui nécessitent de gros investissements qui pourraient être pris en charge par des sous-traitants.58»

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Conseil d’administration du 22 mars 2011, il fut finalement décidé à la majorité de baisser le prix de l’eau de 8%.Les débats qui ont alors animé le Conseil d’admi-nistration ont constitué l’amorce d’une réflexion de plus long terme sur une plus juste tarification de l’eau à Paris. A l’instar de collectivités étrangères ou de province, l’assemblée délibérante municipale a alors mandaté sa régie pour conduire une analyse prospec-tive portant sur la facturation du mètre cube d’eau. Actuellement identique pour tous les usages et tous les usagers, le prix de l’eau pourrait par exemple en effet varier, soit sous l’effet d’une tarification progressive (son coût étant d’autant plus élevé que l’est le niveau de consommation), soit sous l’effet d’une tarification différenciée (entre des usagers domestiques et des usa-gers professionnels), soit sous l’effet d’une tarification saisonnière (d’autant plus élevée que la ressource se fait rare), etc. Les pistes demeurent multiples quoique d’application complexe dans un environnement urbain où dominent l’habitat collectif et, avec lui, l’abonne-ment collectif. Le tarif ne fournit pas un signal-prix

33,8%

Autres organismes publics

Ce sont les taxes prévelées par des

organismes publics pour la protection et l’entretien

de la ressource en eau

AssainissementC’est la protection, la production, le captage, le traitement, le transport, la surveillance qualité, la pression et la distribution de l’eau potable.

26,9%

Production et distributionEau de Paris + part communaleC’est la collecte et le traitement des eaux usées

Comment se décompose le prix de l’eau à Paris ?

33,3%

40,9%25,8%

3,2254€/m3

PRIX TTC DE L’EAU POTABLEEN 2014

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au consommateur final, car son syndic d’immeuble facture au tantième de la surface quel que soit le tarif pratiqué par Eau de Paris.

Eau de Paris a animé le secrétariat de ce débat, au sein de l’Observatoire parisien de l’eau, avec des recherches de solutions innovantes qui peuvent contribuer aux réflexions nationales.

Des actions en faveur des plus démunis

Dès 2008 et préalablement à tout débat sur la tarification, des actions concrètes à caractère social ont été engagées pour réduire la précarité des ménages les plus démunis et garantir l’accès à l’eau des foyers les moins favorisés. La baisse du prix de l’eau pour tous les usagers s’est accompagnée d’une volonté de restituer une partie plus importante de ces gains aux plus modestes. Le contexte parisien se caractérisant par des abonnements collectifs au sein des immeubles et par

la quasi-absence de factures individuelles, la Ville de Paris, avec l’appui d’Eau de Paris, a mis en place un dispositif adapté pour répondre aux exigences sociales. Cette décision fut complétée par un ensemble de mesures sociales ciblées pour les plus démunis.

59. Entretien du 23 avril 2013.

Pour une conseillère de Paris de la majorité mu-nicipale et membre du Conseil d’administration d’Eau de Paris, « les marchés de l’eau vont deve-nir de l’or. C’est le pétrole du XXIème siècle. L’eau est un bien commun. Il faut : 1. La préserver. 2. Maîtriser son coût afin de protéger les familles modestes. Le service public est le choix de ne pas soumettre un bien commun, un bien universel à la logique du profit.59 »

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L’effort financier concernant la facture d’eau n’est en effet pas le même selon le niveau de vie des ménages ; pour les usagers les plus démunis, elle peut excéder le seuil de 3% de leur budget, seuil que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) recommande de ne pas dépasser. Afin de les aider, la collectivité parisienne avait instauré, dès 2009, une aide préventive adossée aux aides aux logements versées par la municipalité. Cette allocation de solidarité pour l’eau, qui relève du budget municipal, constituait une première en France. En 2012, près de 45 000 foyers ont ainsi été aidés à hauteur de 63€ en moyenne60.

Quant au traitement des familles en grande difficulté et en situation d’impayé de loyer, les impayés d’eau sont pris en charge par le Fonds de solidarité pour le logement (FSL). Créé par la loi du 31 mai 1990, ce fonds a pour objectif principal d’accorder des aides directes destinées à faciliter l’accès et le maintien des ménages les plus défavorisés dans un logement. Ce fonds a permis d’aider en 2013 plus de 5000 ménages – résidents pour les trois-quarts dans le parc social – à hauteur de 90€ en moyenne, à travers un soutien aux impayés de loyers, charges incluses. Eau de Paris a doublé sa contribution annuelle au FSL en 2011, et lui verse désormais 500 000€, après avoir dès 2010 porté la contribution précédemment versée par les compagnies distributrices, de 175 000 € à 250 000 €.

La création, en 2012, d’une aide « FSL eau » pour les abonnés individuels constitue une étape supplémen-taire pour le droit à l’eau à Paris. Cette mesure spé-cifique permet d’aider les ménages en difficulté ayant décidé, conformément à la possibilité ouverte par la loi SRU, d’individualiser leur contrat de fourniture d’eau. Sur les 630 familles bénéficiant d’un contrat d’individuel d’eau et potentiellement éligibles à ce

60. Eau de Paris, procès-verbal du Conseil d’administration du 7 décembre 2012.

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FSL, Eau de Paris a signalé douze dossiers en 2013 dont la moitié a bénéficié d’une prise en charge au titre de l’aide aux impayés d’eau.Par ailleurs, Eau de Paris a financé l’installation de kits d’économiseurs d’eau dans le logement social. Une expérimentation réalisée par Paris Habitat ayant évalué à 50 euros en moyenne par an et par ménage les économies réalisées grâce à de telles installations, Eau de Paris a décidé de cofinancer l’achat d’écono-miseurs d’eau dans le cadre de partenariats avec les bailleurs sociaux. Cette expérimentation permet ainsi de concourir simultanément à un objectif environne-mental et social, en incitant à un usage parcimonieux de la ressource et en réduisant les dépenses correspon-dantes des ménages. Il convient de rappeler qu’en mi-lieu urbain, près de la moitié de l’eau consommée est chauffée : toute réduction de consommation impacte donc tout à la fois la facture d’eau et la facture d’éner-gie. Cette première expérimentation a été étendue en 2013 à d’autres bailleurs publics ainsi qu’à des copro-priétés privées afin de disposer d’un panel significatif permettent de mesurer les effets réels pour les usagers.

Parallèlement à cette action en faveur des locataires modestes, la municipalité a souhaité œuvrer pour les plus démunis, notamment les sans domicile fixe, en multipliant le nombre de fontaines et de toilettes publiques sur le territoire. Le patrimoine fontainier de Paris compte en 2013 plus de 1 200 points d’eau signalisés, dont près de 400 en extérieur des sanisettes. Eau de Paris vient en appui de cette politique en distribuant chaque année des jerricans, des gobelets, des gourdes et des cartes de localisation des fontaines aux acteurs sociaux qui sont en contact avec les populations les plus précarisées et les plus marginalisées, à travers des maraudes. L’ambition de la collectivité parisienne est aussi de favoriser l’accès à l’eau hiver comme été, sur l’espace public,

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notamment pour les sans-abri. Dans ce cadre, la régie veille, en concertation avec les services sociaux, à maintenir ouvert en hiver, malgré le gel, le plus grand nombre possible de fontaines, en fonction des besoins identifiés.Et depuis 2012, Eau de Paris a installé quatre fontaines pétillantes qui délivrent aux usagers de l’eau plate ou gazéifiée. Ces fontaines sont particulièrement appré-ciées des riverains qui les fréquentent quotidienne-ment, à l’image de la fontaine implantée en façade du siège de la régie. Elles contribuent à faire connaître la qualité de l’eau et à inciter les familles à la boire, action essentielle pour les familles les plus défavori-sées qui ont tendance à privilégier l’eau en bouteille.

La Ville de Paris veille par ailleurs à ne pas couper l’eau dans les logements dès lors qu’ils sont habités, notamment dans les squats. Dans ce cadre, Eau de Pa-ris a établi une convention qui permet d’accorder aux squatteurs, à titre exceptionnel et pour une durée limi-tée – en l’absence de décision de justice –, une alimen-tation en eau, sous réserve qu’il ne puisse en résulter aucun inconvénient pour la distribution de l’eau ni au-cune dégradation pour l’immeuble. Cette convention est conclue avec le représentant légal des squatteurs ou de la personne physique ou morale dûment manda-tée par eux, qui s’engage à assurer le paiement de la facture, à compter de la date d’effet de la convention.

Fonds de solidarité logement

Parmi les apports du passage en régie figure la hausse de la dotation au Fonds de solidarité logement : le Conseil d’administration d’Eau de Paris a fixé cette dotation à 250 000 euros en 2010, et à 500 000 euros en 2011, reconduit les années suivantes.

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Il s’agit ici, quelle que soit la situation des familles concernées, de leur garantir un plein accès à cette res-source vitale et qu’une coupure d’eau, ne puisse, en aucun cas, accélérer l’expulsion d’un logement. Cinq conventions ont été ainsi signées depuis 2012.

Toutes ces mesures concourent à rendre effectif à Paris le droit à l’eau pour tous, sans discrimination aucune, dans la droite ligne de la reconnaissance du droit à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit humain par l’assemblée générale des Nations unies le 28 juillet 2010.

Pour garantir l’avenir du service, un niveau d’investissement sanctuarisé et une gestion patrimoniale de long terme

Avant la remunicipalisation, les gros travaux sur les infrastructures étaient réalisés par la SAGEP dans le cadre de son contrat de concession. Les deux distributeurs privés assuraient la maintenance du réseau de distribution intra-muros. Avant la négociation de 2003, ils ne réalisaient pas les travaux importants à la hauteur des sommes bloquées à cet effet (les garanties pour renouvellement). En moyenne, ils investissaient autour de 11 M€ par an.

La régie Eau de Paris a élaboré dès 2011 un pro-gramme d’investissements, dans le cadre d’un schéma directeur à quinze ans : 70 M€ en moyenne sont ainsi consacrés chaque année à la modernisation du schéma d’alimentation en eau parisien. A cette enveloppe s’ajoutent également les crédits dévolus à l’entretien du réseau d’eau non potable. L’exécution du budget d’investissement a atteint plus de 75 M€ en 2012 et plus de 65 M€ en 2013, soit une exécution autour de 80 % du budget primitif. Et le schéma directeur des in-vestissements consacre un montant d’investissements

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de l’ordre de 15 M€ par an pour les travaux du réseau de distribution. La volonté de la Ville et de Paris et de sa régie est bien de garantir le niveau d’investissement adapté à une gestion patrimoniale de long terme, pour préserver et moderniser des installations héritées pour certaines du 19ème siècle et devant être léguées aux gé-nérations futures dans des conditions de performance optimale.

Par ailleurs, la régie à sa création, a défini le barème de ses tarifs de prestations diverses à destination de ses abonnés et clients, notamment les travaux de branchements neufs. Le barème a, faute d'analyse détaillée des coûts fournis par les distributeurs, dans un premier temps repris les tarifs pratiqués par les compagnies distributrices pour la réalisation des travaux sur le réseau de distribution. En réponse à la demande de son conseil d’administration de connaître la formation des prix notamment sur les prestations aux abonnés, Eau de Paris a procédé à une analyse de l’activité, à l’issue de laquelle, elle a proposé au conseil de mettre en œuvre une forfaitisation des travaux de branchement par gamme de diamètres. Cette démarche rend plus rapide l'établissement des devis pour le demandeur et plus lisible le tarif des prestations. Elle permet en outre de facturer au juste coût, une prestation, dont le prix est inférieur aux prix précédemment pratiqués par les compagnies distributrices, lesquelles faisaient appel aux entreprises de leurs groupes, sans mise en concurrence.

Assumer ses responsabilités d’acteur territorial

La régie Eau de Paris, comme entreprise publique à caractère industriel et commercial, est devenue un acteur économique sur de nombreux territoires dans le cadre de ses politiques en matière de protection de la ressource en eau, engagées par la SAGEP, mais

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qui se sont not a blem ent a ccé lé ré es a vec le pa ssa ge en ré gi e, en s’ ins criva nt plus f ortem ent da ns le long term e. C ette politique a é té f orm a lisé e lors du C ons eil d’ a dm ini stra tion d e j uin 201 1 6 1 .

L es ba ssins d’ a lim ent a tion de s 102 ca pta ge s d’ ea ux souterra ine s qui a lim ent ent de P a ris en ea u pota ble couvrent plus de 200 000 he cta res, ré pa rtis da ns les ré gi ons de D reux, F ont a ine blea u, P rovins et S ens . C es ca pta ge s perm ettent la produc tion de l’ é qui va lent de la m oitié de la cons om m a tion de P a ris, la qua lité de cette ea u est donc stra té gi que pour la ca pita le. L a m a j orité d’ ent re eux, m is en œ uvre ent re 1867 et 1925, sont d’ a nc ienne s é m erge nc es na turelles situé es da ns de s a qui f è res cra ye ux ou ca lca ires. E lles sont expl oité es sa ns pom pa ge et tra ns porté es de f a ç on gr a vita ire pa r 470 ki lom è tres d’ a que duc s j usqu’ à P a ris. L es ea ux ca pté es da ns d’ a utres na ppes, de na ture a lluvia le, sont venue s com plé ter ent re 1935 et 1971 la produc tion de ces a que duc s.

Chapitre 4

6 1. P rocè s- verba l du C ons eil d ’ a dm ini stra tion, 23 j uin 201 1.

Paris

Fontainebleau

Sorques

Corbeil-Essonne

ÎLE-DE-FRANCE

VAL-D’OISE

EURE

EURE-ET-LOIR

YVELINES

ESSONNE

SEINE-ET-MARNE

HAUTS-DE-SEINE

VAL-DE-MARNE

SEINE-SAINT-DENIS

ORNE

PICARDIE

BOURGOGNE

HAUTE-NORMANDIE

BASSE-NORMANDIE

CENTRE

Versailles

Beynes

Thoiry

Houdan

Dreux

Verneuil-sur-Avre

Sens

Provins

Longueville

Usine des OrmesChampagne-sur-Seine

Le Grand Morin

La Vanne

La Marne

La Seine

L’Iton

L’Avre

L’Eure

L’Oise

L’Essonne

Montereau-Fault-Yonne

Villeneuve-sur-Yonne

Montigny-sur-Loing

Nemours

SourcesHautesSources Basses

BourronVilleron

Villemer

La Joieet Chaintréauville

Vals d’Yonne

La Voulzie

Le Durteint

Joinville

Saint-Cloud

La Vigne

Vert en Drouais

MontreuilBreuil

OrlyL’Haÿ-les-Roses

Le Dragon

Vals de Seine

Cochepies

Aqueduc de l’Avre

Aqueduc de la Vanne

Aqueduc de la Vanne Aqueduc de la Voulzie

Aqueduc du Loing

Moret-sur-LoingMoret-sur-Loing

Montreuil

RÉSERVOIRS

PUITS À L’ALBIEN

USINE DE TRAITEMENTD’EAU DE SURFACE

USINE D’AFFINAGE

USINE DE TRAITEMENTD’EAU SOUTERRAINE

eaux souterraines

eaux de surface

De 0 à 50 000

De 50 000 à 100 000

Supérieur à 100 000

Capacité des captages(en m3/j)

Captages

POINT DE SURVEILLANCE

Kilomètres

0 10 20 40

AIRE D’ALIMENTATION DE CAPTAGE D’EAU SOUTERRAINE

Eau des sources de la Vanneet de la Seine traitée

Eau des sources de l’Avre traitée

Eau de la Marne et de la Seine traitée

Eau des sources du Loinget de la Voulzie traitée

NOTA : Dans l’enceinte de Paris, seulssont indiqués les réservoirs auxquels

aboutissent directement les eauxpotables desservant la capitale

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L’eau à Paris retour vers le public

Les bassins d’alimentation de ces captages se situent principalement en zone rurale, sur des territoires spécialisés dans les grandes cultures (blé, colza, orge, ...). L’évolution de l’agriculture depuis les années 1950 et l’utilisation généralisée d’engrais minéraux et de pesticides, a dégradé la qualité des eaux notamment en raison de la forte perméabilité des sols. Malgré des partenariats engagés avec les agriculteurs depuis le début des années 1990, Eau de Paris a dû mettre en place des installations de traitement des eaux souterraines afin de sécuriser l’approvisionnement en eau potable. Les coûts du traitement de cette ressource autrefois potable sont très importants : aujourd’hui de l’ordre de 20% du coût de production brute, ils pourraient encore augmenter et même doubler si l’évolution des taux de nitrates faisait dépasser les seuils autorisés et entraînait la nécessité de dénitrifier l’eau.

La municipalisation était une occasion d’inscrire la régie dans une politique ambitieuse et volontariste de protection de la ressource, qui n’avait pas été définie avec la même ambition à la SAGEP et a fortiori non plus au sein des anciens délégataires, dont le métier histo-rique est le traitement des eaux de rivières et la distribution. Eau de Paris entendait ainsi assumer son héritage historique d’un système d’approvisionnement en eau de la capitale à partir des sources et des aqueducs. Ce système mis en place à la fin du 19ème siècle a en effet le double avantage de réduire l’empreinte écologique en utilisant de l’eau potable na-turellement et d’assurer la sécu-

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Chapitre 4

62. Procès-verbal du Conseil d’administration d’Eau de Paris, 3 novembre 2010.

rité d’approvisionnement de Paris en multipliant les origines de l’eau.Le 23 juin 2011, Eau de Paris a présenté devant le Conseil d’administration ses grandes orientations de la protection des eaux souterraines, affirmant sa volonté de changer de cap dans sa stratégie de protection de la ressource, visant à maintenir la diversité d’approvisionnement de Paris, restaurer la qualité des eaux de captage, renforcer les relations avec les territoires et les actions de recherche et développement. Les grands axes de cette stratégie validée par le Conseil d’administration sont les suivants : ■ maintenir la diversité d’approvisionnement en eau

potable et limiter la pression des prélèvements sur les ressources en eau et les territoires ;

■ restaurer et/ou préserver la qualité des eaux brutes, ce qui est le cœur de métier ;

■ renforcer le lien avec les acteurs du territoire ; ■ renforcer les actions de recherche/innovation

appliquées à la protection des ressources. Ainsi, la régie a entrepris des actions diverses de protection de la ressource, comme la réduction des épandages de produits phytosanitaires par le milieu agricole, voire le développement d’une agriculture écologique. Ces actions ont un résultat global sur les territoires sur lesquels Eau de Paris prélève l’eau, puisqu’elles permettent un assainissement des terres et à terme une amélioration de la qualité des eaux souterraines, également captées par les communes locales. Ainsi, dans les régions de la Beauce ou de la Brie, la pollution diffuse impacte toutes les collectivités et la reconquête de la qualité de l’eau devient une nécessité partagée par tous. Ce bénéfice est perceptible plus rapidement qu’on le pense communément : une vraie réversibilité de la qualité peut s’opérer dans des temps relativement courts, entre six et sept ans62.

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L’eau à Paris retour vers le public

Ses actions sur le territoire et ses implantations autour des sources font en outre d’Eau de Paris une entreprise localement implantée, au-delà des actions de protection de la ressource. Par ses installations industrielles, ses actions de préservation des emprises forestières autour des captages, grâce aux agents qui y travaillent et qui y vivent et aux sous-traitants qu’elle emploie, la régie contribue au développement économique local par des actions de plus en plus concertées avec les autorités : actions d’exploitation forestière, entretien des espaces, traitement des déchets verts, ...

Eau de Paris n’est pas la seule régie poursuivant de telles actions. Münich et New York ont longtemps constitué des exemples mobilisateurs. Le bassin pari-sien étant davantage voué aux cultures céréalières qu’à la polyculture-élevage, la situation parisienne ne pré-sente pas les mêmes atouts que celle de Münich, en Allemagne, qui a développé des politiques exemplaires et inspiratrices en la matière. Eau de Paris a engagé de-puis une dizaine d’années une démarche d’acquisition foncière, concrétisée par l’achat de 380 hectares, dont 142 hectares acquis depuis 2010. 250 hectares sont gé-rés sous baux ruraux environnementaux conclus avec 15 agriculteurs, qui imposent a minima le maintien en herbe ou les pratiques de l’agriculture biologique. Des actions sont également menées pour favoriser la struc-turation des filières, comme par exemple l’achat et la reconversion d’une station de semences par une coo-pérative biologique historique implantée dans la région de Fontainebleau, grâce à des aides financières d’Eau de Paris conjuguées à celles de l’agence de l’eau Seine-Normandie et de la Région Ile-de-France. Sur la vallée de la Vanne, en cinq ans, Eau de Paris a ainsi multiplié par six les surfaces agricoles cultivées en agriculture biologique, qui constituent aujourd’hui la plus grande superficie en France en conversion à l’agriculture bio-logique pour préserver la qualité de l’eau.

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Chapitre 4

Les sources de la vallée de la Vanne, s ite pilote national « agr iculture biologi que »

P our pré server à long term e la qua lité de la ressource en ea u, la ré gi e m uni cipa le E a u d e P a ris enc oura ge le dé veloppem ent de l’ a gr iculture biologi que sur l’ a ire d’ a lim ent a tion de s sources de la va llé e de la V a nne , qui produ it l’ é qui va lent d’ un cinqui è m e de l’ a lim ent a tion de la ca pita le en ea u pota ble. E n 2008, E a u de P a ris a ini tié une a ction de d é veloppem ent de l’ a gr iculture biologi que a vec un soutien techni que a uprè s de s a gr iculteurs biologi que s ou en conve rsion. E n 2010, Eau de Paris a renforcé ce premier projet par une aide financière incitative à la conversion, afin de lever les freins et les réticences des agriculteurs vis-à-vis d’ un s ys tè m e f onda m ent a lem ent di f f é rent de leurs pra tique s a ctuelles.

C es a ctions ont perm is de qui nt upler les surf a ces en a gr iculture biologi que ent re 2008 et 2012, pour a tteindr e plus de 1600 he cta res pour vingt - de ux a gr iculteurs, soit une surf a ce m ultiplié e pa r six, et qui repré sent e dé sorm a is 6% de la surf a ce a gr icole de l’ a ire d’ a lim ent a tion.

« Si Eau de Paris s’est engagée à soutenir le développement de l’agriculture biologique dans l’aire d’alimentation des sources de la vallée de la Vanne, c’est parce que ces ressources sont stratégiques pour l’alimentation en eau de la capitale et que ce système de culture est à même de préserver leur qualité tout en garantissant les revenus des exploitants agricoles. », expl ique la pré side nt e d’ E a u de P a ris lors de l’ é di tion du prin tem ps 2013 de la F é dé ra tion na tiona le d’ a gr iculture biologi que ( F N A B ) .

Paris

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Verneuil-sur-Avre

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Usine des OrmesChampagne-sur-Seine

Le Grand Morin

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L’Essonne

Montereau-Fault-Yonne

Villeneuve-sur-Yonne

Montigny-sur-Loing

Nemours

SourcesHautesSources Basses

BourronVilleron

Villemer

La Joieet Chaintréauville

Vals d’Yonne

La Voulzie

Le Durteint

Joinville

Saint-Cloud

La Vigne

Vert en Drouais

MontreuilBreuil

OrlyL’Haÿ-les-Roses

Le Dragon

Vals de Seine

Cochepies

Aqueduc de l’Avre

Aqueduc de la VanneAqueduc de la Vanne Aqueduc de la Voulzie

Aqueduc du Loing

Moret-sur-Loing

RÉSERVOIRS

PUITS À L’ALBIEN

USINE DE TRAITEMENTD’EAU DE SURFACE

USINE D’AFFINAGE

USINE DE TRAITEMENTD’EAU SOUTERRAINE

eaux souterraines

eaux de surface

De 0 à 50 000

De 50 000 à 100 000

Supérieur à 100 000

Capacité des captages(en m3/j)

Captages

POINT DE SURVEILLANCE

Kilomètres

0 10 20 40

AIRE D’ALIMENTATION DE CAPTAGE D’EAU SOUTERRAINE

Eau des sources de la Vanneet de la Seine traitée

Eau des sources de l’Avre traitée

Eau de la Marne et de la Seine traitée

Eau des sources du Loinget de la Voulzie traitée

NOTA : Dans l’enceinte de Paris, seulssont indiqués les réservoirs auxquels

aboutissent directement les eauxpotables desservant la capitale

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L’eau à Paris retour vers le public

L’enjeu des trames vertes et bleues

La remunicipalisation a inscrit la régie dans les politiques menées par les collectivités, la Ville de Paris et la Région Ile-de-France. Volet de la loi sur le Grenelle de l’environnement (2008), la trame verte et bleue s’élabore dans les régions sous l’égide des Schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE). Du réseau de transport d’électricité aux agriculteurs en passant par les Schémas de cohérence territoriale (SCOT) et les Plans locaux d’urbanisme (PLU), la « TVB » articule l’existant avec un projet de corridors écologiques se définissant comme un réseau cohérent d’écosystèmes et d’habitats de substitution compatible avec les exigences vitales des espèces.

Eau de Paris a ainsi formalisé la trame constituée par les périmètres sourciers et les aqueducs dans la trame verte. Les aqueducs cheminent depuis les sources, dans l’Aube, la Seine-et-Marne, l’Yonne, l’Eure-et-Loir et l’Eure jusqu’à Paris. Ces infrastructures sont parfois sur ponts à arcades, parfois disposées sur des talus, parfois enterrées à faible profondeur. Autour des aqueducs, depuis leur création, une bande inconstructible est aménagée pour éviter que des activités polluantes ne viennent contaminer l’eau qu’ils transportent. Ils constituent ainsi un corridor libre de constructions, traversant les départements mais aussi l’agglomération parisienne jusqu’aux portes d’Arcueil au sud et au bois de Boulogne à l’ouest, formant une remarquable trame verte à très forte valeur écologique puisque des espèces rares en Ile-de-France, voire en France, y sont répertoriées.

Eau de Paris a engagé un dialogue avec les départe-ments et communes traversés par les aqueducs afin de permettre la valorisation de ces trames vertes, par exemple par des promenades vertes ou des pistes cy-

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clables, joignant l’usage de protection de la biodiver-sité à celui de corridor pour les riverains, promeneurs et cyclistes. Des projets sont en cours avec plusieurs collectivités, en Essonne, en Seine et Marne, dans l’Yonne ou en Eure et Loir par exemple. Ce sont ainsi des itinéraires de promenades et des aménagements d’espaces pour les riverains qui se développent, dans le respect de la biodiversité, à l’image du partenariat conduit avec la communauté d’agglomération des lacs de l’Essonne.

Un opérateur à la recherche de ressources alternatives

Paris a la particularité de disposer, depuis le XIXème siècle et la construction des égouts par l’ingénieur Eugène Belgrand, d’un double réseau garantissant la fourniture d’eaux de qualité différente : l’eau potable, destinée à la consommation humaine et l’eau non potable, eau brute prélevée en Seine et dans le canal de l’Ourcq, utilisée principalement pour le lavage et l’arrosage du domaine public. Pour autant, la réduction tendancielle des besoins en eau non potable depuis ces vingt dernières années, ainsi que la vétusté relative des installations qui sont dédiées à sa distribution, ont conduit la Ville de Paris à s’interroger sur l’évolution de ce double réseau et à organiser une conférence de consensus à ce sujet en décembre 2009.

Inspirée du modèle danois de démocratie participative, cette conférence de consensus a aidé la Ville à définir sa position et sa stratégie quant aux évolutions possibles en matière de consommation d’eau non potable et d’usages de son réseau. A l’issue de cette conférence, le jury, composé de quatorze personnes, a recommandé de maintenir la pluralité des ressources, des usages et des réseaux. Par une délibération du 19 mars 2012, le Conseil de Paris, prenant acte des

Chapitre 4

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L’eau à Paris retour vers le public

résultats de cette conférence de consensus, a décidé de maintenir et d’optimiser le réseau d’eau non potable. Ainsi, Eau de Paris a engagé un programme d’investissements de plus de 10 M€ pour remettre en exploitation ce réseau d’eau non potable et en préparer la mutation pour d’autres usages.

Un travail sur les usages de l’eau non potable a été réalisé avec l’Atelier parisien d’urbanisme et de nouveaux usages potentiels de l’eau non potable ont été définis. La remise en service des réservoirs de chasse63, pratiquement abandonnés ces dernières années, en fait partie pour des raisons sanitaires évidentes dans les égouts. L’eau non potable pourrait également servir à l’arrosage de tous les espaces verts, à l’entretien de grandes surfaces industrielles comme le parc des expositions de la porte de Versailles, au nettoyage des bus, trains et métros, ainsi qu’au nettoiement des espaces publics, rues et boulevards, au-delà du boulevard périphérique. L’eau non potable pourrait aussi être utilisée pour rafraîchir les rues et les îlots de chaleur lors des épisodes de canicules, comme des expérimentations de la Ville de Paris le montrent. Ces nombreux usages permettraient non seulement à chaque acteur, exploitant de voirie ou de parc, de faire des économies compte tenu du coût plus faible de la ressource, mais aussi d’économiser la ressource en eau potable.

Ce débat est emblématique du tournant de 2012 : avant le passage en régie, l’eau non potable ne faisait pas l’objet d’une attention particulière, car les contrats de délégation n’en faisaient pas état. Les réservoirs de chasse étaient laissés à l’abandon, des problèmes sanitaires apparaissaient dans les égouts et même dans certaines caves. Depuis 2012, les réservoirs de chasse sont remis en exploitation progressivement, les politiques d’Eau de Paris et de la direction de la

63. Les réservoirs de chasse sont des réservoirs situés à intervalle régulier dans les galeries des égouts. Ils se remplissent et se vident automatiquement, plusieurs fois par jour, libérant ainsi une « chasse » qui nettoie les égouts en aval. Ce dispositif est le seul à même de garantir un état sanitaire satisfaisant des égouts, sans lequel les boues, les gaz et nuisibles se développent.

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propreté et de l’Eau de la Ville de Paris se mettant en cohérence afin de valoriser les nouveaux usages de l’eau non potable.

La préservation patrimoniale du double réseau d’eau, étrangère aux délégataires, devient ainsi un sujet de politique publique. Conserver le patrimoine industriel de la capitale répond à un enjeu d’intérêt général : réserver l’eau potable à la consommation humaine, assurer sa préservation sur le long terme, entretenir les infrastructures grâce à un modèle économique qui ne soit pas fondé sur une logique quantitative sont autant d’évolutions qui incarnent la nouvelle culture d’entreprise de la régie. Animée par le souci de la pé-rennité, la régie restaure le réseau d’eau non potable afin d’éviter de gaspiller la ressource et d’en imaginer des utilisations futures. En tant qu’opérateur unique, elle facilite les choix d’intérêt général opérés par la municipalité. Elle a ainsi confié à l’Atelier Parisien d’urbanisme, une étude sur l’optimisation de la res-source en eau. Parmi les pistes envisagées, favoriser l’accès en eau brute pour permettre aux usagers de disposer d’une eau adaptée à des besoins de nettoyage, la récupération des eaux d’exhaure ou encore l’utilisa-tion de l’eau non potable dans les réseaux de chauffage et de climatisation. Favoriser les énergies renouvelables

L’activité de production et de distribution d’eau est fortement mobilisatrice d’énergie car il faut maintenir l’eau en pression en tous points du territoire parisien, ce qui impose de la pomper pour la remonter aux alti-tudes piézométriques adéquates. La régie a choisi pour impératif économique et écologique de travailler sur les énergies renouvelables, à la fois dans l’exercice quoti-dien de son métier, mais également en proposant des solutions innovantes sur de nouveaux projets urbains.

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L’eau à Paris retour vers le public

Dans l’esprit du Plan climat de la capitale, Eau de Paris a engagé de multiples projets d’économies d’énergie pour son compte ou pour le compte de tiers. La régie a ainsi passé une convention avec EDF pour la réalisation d’économies sur les pompes du réservoir de Montsouris (Paris 14ème), par l’installation de régulateurs. Des panneaux photovoltaïques ont été posés sur un bâtiment technique à Sorques et une pompe à chaleur récupère des calories dans l’aqueduc afin de chauffer les bureaux. D’autres panneaux ont été installés sur les usines de Joinville et d’Orly. Un système de récupération de chaleur entre les collecteurs d’eaux usées de Clichy et d’Asnières est à l’étude. Dans le nouvel éco-quartier Clichy-Batignolles, deux projets sont développés, avec des caractéristiques communes et le souci des énergies renouvelables : un dispositif de pompage de géothermie relié à la nappe de l’Albien64, et la récupération de chaleur sur les eaux usées par des pompes à chaleur. La régie est maître d’ouvrage et exploitant de ce doublet géothermique. L’opération consiste à créer un puits qui prélève l’eau à température chaude pour ensuite récupérer les calories permettant de chauffer la ZAC, puis restituer l’eau à la nappe à une température plus froide, sans altération de sa qualité, l’Albien étant une nappe protégée.

64. La nappe de l’Albien du bassin de Paris est une nappe d’eau souterraine captive profonde présente sous le bassin parisien. L’exploitation de cette nappe (et de celle du Néocomien) est contrôlée dans le cadre du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Seine-Normandie.

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65.Governing the Commons. The Evolution of Institutions for Collective Action, Cambridge University Press, 1990. Publié en français aux Editions de Boeck, Bruxelles, 2010, sous le titre : La gouvernance des biens communs. Pour une nouvelle approche des ressources naturelles.

Mode de prise de décision collectif, possibilité de contrôle par la puissance publique, délibération et mécanismes de résolution des conflits, ouverture à de nouveaux champs d’expertise et mise en réseau : au-

tant de critères de la gouvernance d’un bien commun tels qu’Elinor Ostrom les avait définis. Prix Nobel d’économie

en 2009, Elinor Ostrom a mon-tré, à travers des approches an-thropologiques de terrain, que ni l’Etat ni le marché n’ont été en mesure de résoudre les

problèmes liés à l’exploitation des ressources communes. Dans

son ouvrage Governing the Commons65, elle se fonde sur l’observation de la diversité

des solutions empiriques et montre que la régula-tion de l’exploitation des biens communs est pos-

sible dès lors que les riverains y sont associés.

Des systèmes d’irrigation aux Philippines aux pêche-

ries du Sri Lanka et aux aquifères californiens, il res-

sort des multiples enquêtes menées par Elinor Ostrom que ce sont les stratégies locales d’auto-organisation, de coopération et d’échanges d’information qui permettent l’exploitation collabora-tive de ressources communes sans les épuiser. Les dif-ficultés surviennent lorsque ces régulations locales se

Chapitre 5

La gouvernance de l’entreprise refondée dans des valeurs de bien commun

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L’eau à Paris retour vers le public

heurtent à des appropriateurs externes, des pompeurs de nappe aquifère par exemple, qui méconnaissent l’état de la ressource, ou des pêcheries industrielles qui détruisent la pêche artisanale. A Paris, la nouvelle gouvernance imprimée par la régie rend visibles les éventuels conflits d’usage et arbitre par une délibération multi-acteurs des décisions d’intérêt général, dans une logique de long terme ancrée dans les territoires.

Un Conseil d’administration représentant la collectivité et la société civile

Le Conseil d’administration d’Eau de Paris est constitué principalement d’élus de la municipalité parisienne représentant tous les groupes politiques du Conseil de Paris, de représentants du personnel, de représentants de la société civile, membres d’associations, et de personnes qualifiées dans les domaines environnementaux, de la recherche ou de la gouvernance.

Les huit principes de gouvernance d’Elinor Ostrom � prix Nobel d’économie en 2009

a. des frontières clairement définies, b. l’adéquation entre les règles d’accès et d’utilisation de la ressource et les circonstances locales, c. des choix collectifs permettant la participation de la majorité des usagers au processus de prise de décision, d. une évaluation efficace et continue par des agents qui font partie du groupe des usagers ou qui sont responsables devant eux, e. des sanctions graduées, f. des mécanismes de résolution des conflits peu coûteux et faciles d’accès, g. la reconnaissance de ces modes d’organisation par des structures supérieures, par exemple les instances gouvernementales, h. pour les biens communs de grande dimension : une organisation en poupée gigogne, avec des unités imbriquées jusqu’au niveau local.

Source : Ecologie et Politique, n°41, 2011. Entretien avec Alice le Roy, journaliste et professeur d’écologie urbaine à l’IUT de Bobigny (Seine-Saint Denis).

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« En Conseil d’administration, nous délibérons avec des élus non seulement de la majorité, mais de l’opposition, des représentants d’usagers, des associations... Tous ont voix délibérative. Le Conseil d’administration s’est ouvert à d’autres représentants que les seuls élus parisiens, alors qu’un Conseil d’administration de Veolia n’est pas public. De plus, alors qu’un CA de SEM a lieu une fois par trimestre voire moins, celui d’Eau de Paris se tient tous les deux mois. Ce dispositif peut sembler contraignant, mais il garantit la transparence. », observe le directeur d’Eau de Paris, François Poupard66.

La gouvernance de la régie permet ainsi un contrôle politique par la présence des conseillers de Paris (désignés à la représentation proportionnelle des groupes politiques), et un contrôle citoyen, par celle des représentants de la société civile et des experts. Après deux années de fonctionnement, le Conseil de Paris a choisi, en mars 2012, suivant la proposition de la régie et de son Conseil d’administration, de consolider l’implication des membres associatifs et de l’Observatoire parisien de l’eau dans la gouvernance d’Eau de Paris, en leur donnant chacun une voix délibérative au lieu de consultative comme initialement. L’association de consommateurs UFC Que Choisir, l’association environnementale France nature environnement et l’Observatoire parisien de l’eau disposent ainsi chacun d’un siège avec voix délibérative au sein du Conseil d’administration d’Eau de Paris.

« L’opérateur public a par conséquent des comptes à rendre à l’usager comme à la collectivité locale, autorité organisatrice du service de l’eau. L’intérêt d’avoir le statut de régie autonome est de permettre une souplesse de gestion alliée à une grande transparence des comptes, avec à la fois un contrôle

L’usager doit être l’un des acteurs du service de l’eau. Longtemps il a été l’angle mort de ce service, interlocuteur peu considéré par l’administration, voire par le personnel et les syndicats du service. Il est pourtant le seul contributeur financier du service par sa facture.

Anne Le Strat, présidente d’Eau de Paris

66. Entretien du 28 mars 2013.

Chapitre 5

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des services municipaux et de l’assemblée délibérante et un contrôle citoyen permis par une ouverture du conseil d’administration à des membres associatifs, à côté de représentants du personnel. Ce n’était pas une obligation, c’est un choix délibéré de notre part. », explique Anne Le Strat, Présidente d’Eau de Paris, qui voit là une vraie avancée démocratique, difficilement possible avec une simple régie67.

Loin d’être symbolique, cette présence associative au sein du Conseil d’administration a fortement modifié le déroulement des séances du Conseil d’adminis-tration et oblige les services d’Eau de Paris à rendre compte de leurs activités bien plus en détails qu’aupa-ravant et selon une pédagogie accrue, afin de rendre intelligibles des débats souvent techniques. En effet, on sait combien le caractère technique des sujets peut dissimuler des intérêts financiers voire des stratégies contraires à ceux des usagers.

67. « L’eau comme bien commun ? Un retour sur l’expérience parisienne de remunicipalisation. Entretien avec Anne le Strat », Contretemps, 22 mars 2011.

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« Une des caractéristiques de la situation actuelle à Paris, c’est d’intégrer en une politique cohérente toutes les facettes des rapports de l’eau à la Ville, c’est l’objectif. Celui-ci renvoie à une politique municipale de l’eau plus explicite, et surtout plus intégrée. Dans les décennies précédentes, le service d’eau était traité comme une question technique, sectorielle. » Henri Coing, administrateur d’Eau de Paris représentant de UFC Que Choisir.

Le Contrat d’objectifs, « boussole » de l’entreprise

Autre innovation singulière dans le paysage français de l’eau : le Contrat d’objectifs. Passé pour une durée de cinq ans entre la Ville et Eau de Paris, il constitue le socle de l’ambition de la collectivité parisienne : créer, à travers sa régie, un modèle de gestion publique, innovante, transparente et efficace. Outil du contrôle de l’administration municipale (Direction de la Propreté et de l’Eau et Direction des Finances), il fait l’objet d’une évaluation régulière par les services techniques ainsi que d’une évaluation annuelle qui est présentée devant le Conseil de Paris et l’Observatoire parisien de l’eau après avoir été soumise au Conseil d’administration. Ce contrat, qui constitue une première en France, permet de faciliter le contrôle de la régie par les citoyens, trop souvent rebutés par la complexité des aspects techniques de l’eau et de l’assainissement. La Commission consultative des services publics locaux a d’ailleurs exprimé sa satisfaction d’avoir les outils nécessaires pour donner un avis éclairé sur la gestion de l’eau et de l’assainissement parisiens et regretté que les autres acteurs de la facture d’eau n’aient pas mis en place les mêmes outils d’évaluation et de concertation. « L’intérêt de la gestion publique est que ce sont les élus qui sont aux manettes, ils sont redevables devant leurs administrés. Dans la SEM comme dans la société publique locale (SPL), les usagers n’ont pas

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leur place, les actionnaires sont administrateurs. Les différentes villes participent à la SPL, mais en aucun cas les usagers. », témoigne Odile de Korner, directrice d’Eau de Paris de 2006 à 200968. Le Contrat d’objectifs, élaboré à l’été 2009, conjointe-ment par la Ville de Paris et la régie, précise les préro-gatives de la collectivité et fixe les objectifs à atteindre par l’établissement. Ce contrat constitue le cadre poli-tique de la régie autant qu’il en définit les missions. Dans le cadre de ce contrat, révisé au printemps 2012, 134 données et indicateurs sont suivis, 40 dans le contrat lui-même, et 94 dans ses annexes69. Ces indica-teurs et données sont à produire pour partie mensuel-lement, pour partie trimestriellement et annuellement. Le tableau de bord mensuel, réalisé à partir de janvier 2010, récapitule les principales données d’exploita-tion d’eau potable et d’eau non potable. A ces données s’ajoutent chaque trimestre le suivi du recouvrement, de la relation usagers et abonnés, de l’activité de dis-tribution et de l’état d’avancement du programme d’investissement. Le bilan annuel cumule l’ensemble de ces données auxquelles s’ajoute un bilan financier et social. Il est présenté au Conseil d’administration de la régie, puis soumis à l’Observatoire parisien de l’eau et au Conseil de Paris.

Après près de deux ans d’application, certains ajus-tements ont paru nécessaires pour recentrer le contrat sur des indicateurs d’objectifs, en particulier sur les indicateurs réglementaires définis par l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), et pour préciser quelques formulations.Les services de la Ville et de la régie ont ainsi proposé de retenir 38 indicateurs de performance dont : ■ 12 indicateurs ONEMA, déjà présents dans la

première version du contrat ; ■ 20 indicateurs Ville de Paris, également déjà

présents dans la première version du contrat.

68. Entretien du 28 mars 2013.69. Note d’Eau de Paris, juillet 2013.

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Six nouveaux indicateurs proposés par la Ville de Paris et Eau de Paris ont été ajoutés : taux de satisfaction des usagers/abonnés, taux de fréquentation du pavillon de l’eau, taux d’autofinancement des investissements, part des femmes dans la population salariée, taux de promotion des femmes vers l’encadrement par rapport aux taux d’évolution des hommes, taux de salariés n’ayant pas eu une formation pendant deux ans. Avec les deux indicateurs demandés par le Conseil d’administration, portant sur la mesure du taux de réactivité du service aux demandes des usagers et des abonnés et la mesure de l’engagement social de la régie, le contrat compte quarante indicateurs de performance.Le mode de reporting a été modifié, avec la mise en place d’une plate-forme d’échange et de travail sur les données mensuelles et les dossiers techniques et l’instauration d’une revue de gestion trimestrielle des indicateurs de performance. Le Conseil de Paris a approuvé cette révision en mars 2012, et le Conseil d’administration en avril 2012.

L’Observatoire de l’eau, les citoyens au cœur du service public

Parce que l’usager doit être au cœur du service public, la Ville de Paris a créé l’Observatoire parisien de l’eau, sous la forme d’une commission extra-municipale entièrement dédiée à l’eau et à l’assainissement. Cette instance permet à tout citoyen de s’informer et de contribuer au débat. Composé d’une multitude d’acteurs aux profils variés – bailleurs sociaux, associations de locataires, d’usagers, associations environnementales, syndicats, conseillers de quartiers, chercheurs, etc. –, et ouvert plus largement à tous les acteurs, il accompagne la Ville dans la réflexion et la mise en œuvre de sa politique en matière d’eau. Il constitue en outre un relais entre les citoyens et la municipalité en favorisant

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l’expression des attentes des premiers et en facilitant leur appropriation des problématiques actuelles liées à l’eau. La gouvernance et la composition de l’Observatoire ont été modifiées en mars 2013. Il est désormais présidé par une personnalité extérieure à la Ville de Paris, élue au sein de l’Observatoire par ses membres70.Pensé comme un outil de débat, de réflexion et de contrôle citoyen sur la politique municipale de l’eau, instance de consultation au service de cette politique municipale, l’Observatoire est informé de toutes les délibérations importantes concernant la gestion de l’eau, sur lesquelles il émet un avis avant leur passage devant l’assemblée délibérante (Conseil de Paris). Ainsi les rapports annuels, que ce soit le rapport an-nuel sur le prix et la qualité des services publics d’eau potable et d’assainissement ou le rapport d’activités d’Eau de Paris, lui sont-ils soumis. L’Observatoire a notamment été consulté lors du processus de re-municipalisation, puis sur l’avenir du réseau pari-sien d’eau non potable, la baisse du prix de l’eau, la mise en œuvre du droit à l’eau dans la capitale ou encore la révision du Schéma directeur d’amé-nagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Seine-Normandie, en permettant une ex-pression de la collectivité parisienne sur les pro-blématiques de protection de la ressource, lors du Conseil de Paris de mai 2013. En 2012, il a joué un rôle important dans la

70. Henri Coing, représentant l’association UFC-Que Choisir, préside l’Observatoire depuis le 12 février 2013.

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révision du règlement du service public de l’eau et de celui de l’assainissement. Il participe au Contrat d’ob-jectifs et siège au Conseil d’administration d’Eau de Paris (avec voix délibérative depuis mars 2012), par la voix d’un-e représentant-e élu-e en son sein. Actuelle-ment c’est Paul Baylac-Martres, membre de la CLCV, qui occupe ce siège.

L’ouverture aux associations

Pour répondre aux enjeux majeurs que constituent les dimensions sociales, environnementales et territoriales de son activité, la régie a souhaité construire et développer une relation privilégiée avec le monde associatif. Les associations constituent en effet des partenaires importants dans la mise en œuvre des politiques publiques. Composante majeure de la société civile, elles contribuent à créer du capital social, des liens, de la réciprocité et de la solidarité, en développant la capacité d’action collective des habitants, des riverains, des citoyens, qui décident de leur engagement.Le Conseil d’administration a créé une commission des partenariats associatifs, coprésidée par deux membres du conseil et chargée d’examiner les demandes de subvention présentées par les associations. Cette démarche de partenariats associatifs s’inscrit dans une logique globale d’ouverture d’Eau de Paris. Le Conseil d’administration du 26 avril 2011 a approuvé la politique associative de la régie, laquelle prévoyait notamment la mise en place d’un premier appel à projets, lancé avec le relais de la Ville de Paris et d’un certain nombre de partenaires institutionnels pour diffuser assez largement l’information de cet appel. Sur ce premier appel à projets, cinq ont été retenus au titre de l’animation territoriale avec des actions de sensibilisation en Seine-et-Marne, des projets éducatifs notamment dans le Provinois et un rallye bio

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sur le bassin de la Vanne ; quatre projets au titre des enjeux environnementaux, proposant des jeux et des animations destinés aux scolaires et aux adolescents, des outils pédagogiques et ludiques ; trois projets au titre de l’accès social à l’eau avec un projet porté par un café citoyen dans le 14ème arrondissement, une démarche originale de sensibilisation dans le cadre des porteurs de parole, et une expérimentation de réduction des consommations d’eau dans une copropriété . « L’eau est un monde à part, un monde de tuyaux, et pourtant elle est un bien commun. La régie permet d’en maîtriser toute la chaîne. Elle s’affirme comme un outil de co-construction de la décision. Le CA est le Parlement d’Eau de Paris. Il représente l’intérêt général. Il est le pivot de la nouvelle gouvernance et de la compréhension des sujets. Dans le souci d’un rapprochement avec les usagers, je me suis impliquée dans la commission d’Eau de Paris qui anime les partenariats avec les associations qui mènent des actions de sensibilisation auprès de divers publics : écoles, mais aussi agriculteurs dans les zones de captage, bailleurs sociaux, copropriétés. Car l’eau est un bien commun d’amont et d’aval. Exemple, l’association Espaces dans les Hauts de Seine effectue un travail de réaménagement des berges dans les zones en difficulté. D’autres requalifient le patrimoine du pont de l’Avre. Un deuxième appel à projet orienté sur les aspects sociaux de l’eau et de son environnement, va être lancé. » Céline Braillon, membre du Conseil d’administration d’Eau de Paris au titre de personnalité qualifiée71.

71. Entretien du 27 avril 2013.

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La baisse structurelle de la consommation et la hausse des coûts requièrent non seulement des anticipations économiques, mais un modèle d’entreprise d’intérêt général. Si régie et entreprises privées de l’eau sont

confrontées aux mêmes enjeux, les réponses, elles, diffèrent. L’entreprise privée in-vente de nouveaux services payants, dont

la pertinence et l’utilité peuvent être discutées. La régie, quant à elle, s’interroge sur les nouveaux ser-

vices qu’elle va proposer, en fonction des réels besoins

des usagers, qui ne sont pas consi-dérés comme de simples clients. La régie cherche avant tout à opti-miser sa chaîne industrielle, plu-tôt qu’à augmen-

ter son chiffre d’af-faire en priorité. Avec la création de la régie s’invente un modèle entrepreneurial, mais aussi un rapport aux usages, à l’urbanité, à l’espace et au temps.

La dimension transversale de l’eau interroge le système industriel dans lequel elle s’inscrit. Parce qu’elle n’est pas pilotée par le court terme des profits, la régie et la collectivité à laquelle elle est adossée ont la dimension pour réfléchir et répondre à ces questions. Son type

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L’invention d’un modèle entrepreneurial d’intérêt public,

quelles perspectives ?

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de gouvernance invite à un dialogue avec l’ensemble des acteurs, de l’amont agricole à l’aval urbain. L’actionnariat d’une régie n’est-il pas la somme des usagers de l’eau, tous reliés par le bien commun, et pas seulement une somme d’intérêts particuliers ? La régie a-t-elle les moyens d’atténuer la discordance des rivalités d’usage ? S’agit-il d’inventer un modèle systémique qui relie tous les enjeux, de l’amont à l’aval, d’aujourd’hui au futur, du cœur de la Ville aux confins des sources ?

D’un point de vue éthique, Eau de Paris s’interroge sur les manières de repartir la charge entre les utilisateurs actuels et les futurs utilisateurs qui doivent également participer au paiement, entre les usagers de l’eau potable et ceux de l’eau non potable, entre les ménages et les industriels... En terme de modèle économique, il convient de trouver un équilibre entre la capacité d’autofinancement et l’emprunt, entre le développement et la préservation du patrimoine.

L’effet ciseaux

Les gestionnaires d’eau, qu’ils soient publics ou privés, subissent aujourd’hui la même tendance : produire et distribuer de l’eau coûte de plus en plus cher, compte tenu de l’évolution des normes techniques, sanitaires et environnementales, du fait du prix de l’énergie. Pour Eau de Paris, les eaux souterraines, qui constituent la moitié de son alimentation, font aujourd’hui l’objet de traitements, inexistants il y a quelques décennies, lorsque la ressource était naturellement potable. Les pollutions diffuses d’origine agricole ont eu des conséquences très lourdes. Et si les charges des gestionnaires d’eau ne cessent d’augmenter, en raison de la hausse des coûts de l’énergie notamment, leurs recettes sont quant à elles en baisse continue. L’activité de l’entreprise est fondée

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sur une recette qui est la vente d’eau au mètre cube, dont la consommation diminue chaque année (-1 à -2% par an à Paris). Rien ne laisse présager aujourd’hui une inversion de tendance, d’autres villes dans d’autres pays occidentaux ayant des consommations encore plus basses que la consommation moyenne des Parisiens. Dans le même temps, 80% des charges de l’entreprise sont fixes, ce sont les mêmes quelle que soit la quantité d’eau vendue. A terme, ce modèle est certes préoccupant mais il existe des issues. Les axes de réflexions pour les trouver sont simples : maîtriser les coûts, repenser les prix et développer l’activité, soit en l’élargissant son champ, soit en élargissant son territoire d’intervention.

La régie travaille ainsi à la construction d’un projet d’entreprise. Aujourd’hui, Eau de Paris est en phase de consolidation et a mené les réorganisations des fonctions industrielles tout en se dotant des bons outils supports à son activité. Le processus de transformation, dans le cadre de la remunicipalisation, s’achève. Cet aboutissement permet d’envisager l’avenir sur un plus long terme, et d’engager un travail de fond sur les contours de la régie à dix ou quinze ans. Appelé Horizon 2025, cela se fait dans l’esprit de la démarche « Eau de Paris demain » qui avait été conduite par la SAGEP avec ses équipes. Ainsi, Horizon 2025 permet à la régie de se préparer « à l’écriture de cette nouvelle feuille de route » pour les années à venir, en réfléchissant à « un nouveau modèle économique et industriel. La réflexion collective engage à penser le développement de l’entreprise en favorisant l’adhésion des équipes, autour d’un projet « qui ne doit pas être celui de la direction générale, mais bien le leur ». Trois scénarios ont été ainsi proposés par les équipes, un scénario « croissance » fondé sur le développement du cœur de métier, celui de la production et de la distribution d’eau potable et non potable ; un scénario

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« performance », qui imagine un nouveau modèle industriel autour de la maîtrise de la filière eau et de l’optimisation des systèmes d’information et de distribution ; le troisième scénario « intelligence » invite la régie à devenir experte publique de l’eau, dans le cadre de partenariats avec les autres acteurs publics.

Le calendrier institutionnel conforte cette démarche avec la désignation d’un nouveau Conseil d’adminis-tration à venir et la conclusion d’un nouveau Contrat d’objectifs pour la période 2015- 2020 ainsi que d’un nouveau plan d’investissement quinquennal.

Un enjeu métropolitain

L’un des enjeux du service parisien, dans les années qui viennent, sera de trouver l’équilibre permettant d’assurer un service de qualité au juste coût, sans risque pour la pérennité de la régie.Un des axes concerne le schéma d’alimentation. De plus en plus sollicitée pour des ventes d’eau, Eau de Paris n’exclut pas de ré-pondre positivement à de nou-velles collectivités ou opérateurs souhaitant se raccorder au schéma d’alimentation parisien. Cela est rendu possible sans préjudice de la sécurité d’approvisionnement des Parisiens en raison de la baisse ten-dancielle de la consommation constatée depuis plus de quinze ans. Depuis le passage en régie, plusieurs collectivités publiques se rapprochent en effet d’Eau de Paris pour acheter de l’eau et pour instaurer des parte-nariats entre personnes publiques.

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Ainsi, courant 2010, la Communauté d’agglomération des Lacs de l’Essonne (CALE) a sollicité Eau de Paris afin d’acquérir de l’eau auprès d’elle. Elle exerce en effet la compétence « eau potable » pour les communes de Viry-Châtillon et Grigny qui la constituent et a mis en place une régie dotée de l’autonomie financière « Eau des Lacs de l’Essonne ». Cette régie assure l’exploitation du réseau de distribution d’eau potable de la commune de Viry-Châtillon depuis le 1er janvier 2011.

Techniquement, cette fourniture était parfaitement réalisable, l’eau pouvant être fournie par Eau de Paris depuis un de ses aqueducs qui traverse le territoire des deux communes.

Le fournisseur d’eau de la Communauté d’agglo-mération des Lacs de l’Essonne, Eau du Sud Parisien, filiale du groupe Lyonnaise des eaux, a pris ombrage de cette perspective de collaboration qui lui ferait perdre un client important. Ainsi, le site Internet « Marianne2.fr » s’est fait l’écho de l’existence d’un contrat conclu entre cette société du groupe Lyonnaise des Eaux et l’agence de communication Vae Solis Corporate afin de discréditer l’image d’Eau de Paris et faire échouer les discussions entre la CALE et Eau de Paris. Eau de Paris et la CALE ont d’ailleurs déposé un recours contentieux contre ce contrat.

A l’issue des études réalisées et des discussions entre la CALE, la Ville de Paris et la régie, la fourniture d’eau a été formalisée par une convention, approuvée par le Conseil d’administration d’Eau de Paris, et le Conseil d’exploitation des Lacs de L’Essonne en juin 2013, pour une mise en œuvre opérationnelle au printemps 2014. Ainsi, depuis fin février 2014, l’eau du Loing coule au robinet des Castelvirois.

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Suivant cet exemple, plusieurs collectivités, situées à proximité du réseau parisien ou des aqueducs d’Eau de Paris, et pour lesquelles un raccordement serait d’un coût marginal faible, ont manifesté leur intérêt pour engager des études dans ce sens : il s’agit notamment de la Communauté d’agglomération Est Ensemble, de la Communauté d’Agglomération du Val d’Orge et de celle d’Evry-Centre Essonne et du Syndicat des Eaux de la Presqu’île de Gennevilliers. Au sujet de ce dernier, le syndicat avait approché Eau de Paris, dans la perspective de la fin de son contrat de DSP avec la Lyonnaise des eaux, souhaitant diversifier et sécuriser son alimentation. Eau de Paris a ainsi répondu à la procédure « de diversi-fication de ses sources d’approvisionnement », avec une offre permettant d’alimenter le syndicat à hauteur de 100 000 m3, à un prix très inférieur à celui aujourd’hui prati-qué dans le cadre de la délégation de service. Plus généralement et dépassant le seul cadre de la mutualisation de la production de l’eau, plusieurs élus appellent de leurs vœux la métropolisation du service de l’eau. C’est l’avis d’un conseiller de Paris, membre du Conseil d’administration d’Eau de Paris, pour qui « une piste est la création d’un Grand Paris de l’eau, afin de mutualiser les moyens pour réduire les coûts et gérer au mieux la protection de la ressource. Il faut arrêter de tout couper en morceaux.72».

C’est aussi l’opinion du vice-président du Conseil d’administration d’Eau de Paris : « Si l’on veut des services d’eau de qualité, il faut pratiquer des regroupements dans des entités plus larges, par zones hydrographiques ou par zones d’habitats, soit deux à trois services par département, gérés par les intercommunalités. Une collectivité n’a pas toujours les moyens humains de reprendre la gestion de l’eau, ne serait-ce que pour des raisons de personnel : cela se prépare des années à l’avance.73».

72. Entretien du 3 juin 2013. 73. Entretien du 12 juin 2013.

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Dans cet esprit a été organisé la première conférence métropolitaine de l’eau à l’Hôtel de ville de Paris le 2 avril 2013. Plus de 200 participants ont participé aux tables rondes, échangeant et partageant connaissances et approches autour de trois questions : « comment répondre aux grands enjeux de l’eau dans la métropole (préservation des ressources en eau, gestion des risques inondation et sécheresse...)?», « quelles places pour les eaux dans la ville ? » et « comment garantir un accès équitable à l’eau dans la métropole ? »74.

De nouveaux contours institutionnels et administratifs de Paris et sa métropole vont se dessiner dans les années qui viennent et reposer la question de la bonne échelle territoriale pour la gestion de l’eau dans l’agglomération. Dans ce contexte, Eau de Paris peut mettre en avant des arguments techniques et économiques sérieux : le coût très bas de son service comparé à ceux qui l’entourent, la qualité de l’eau et du service, ses infrastructures et son implantation géographique ainsi que la sécurité de son schéma d’alimentation.

Les perspectives de refondation d’une politique industrielle publique

Depuis des années, les industries privées exploitantes de réseau se sont engagées dans des logiques de renta-bilité, la valeur dégagée par l’activité industrielle étant captée par des stratégies capitalistiques. Aujourd’hui la stratégie de ces grands groupes de service semble se déplacer vers des marchés en croissance et des sec-teurs à très faibles coûts salariaux, plutôt que vers des marchés matures. Dans ce contexte il est possible que la bonne stratégie pour l’optimisation et l’exploitation des réseaux publics soit aujourd’hui à rechercher dans des modèles publics.

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74. Actes de la conférence métropolitaine sur l’eau et l’assainissement du 2 avril 2013.

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Deux exemples ferroviaires appuient cette réflexion : la création de la SNCF en 1937 lorsque l’entre-deux guerres avait laissé les entreprises privées ferroviaires totalement exsangues, très endettées et incapables d’assurer leur survie ; ou encore la vente de la British Railways par morceaux à la fin des années 1980 et l’effondrement depuis dix ans des industries ferroviaires anglaises par manque d’investissement, manque de respect du réseau et manque de coordination75.

Ces exemples montrent que le secteur public n’est pas moins légitime que le privé pour gérer des industries de réseaux (notamment de l’eau), inscrites dans un territoire spécifique, fondées sur des infrastructures lourdes aux cycles d’amortissements très longs, de l’ordre du siècle. Ces réseaux d’infrastructures néces-sitent ainsi des politiques d’exploitation et d’investis-sement construites sur le long terme, ce que la renta-bilité à court terme imposée par les capitaux privés ne permet pas facilement. Les politiques de grands investissements dans nos métropoles occidentales sont également à infléchir. Après les grands constructeurs du XIXème siècle, le Baron Haussmann, l’ingénieur Eugène Belgrand..., après ceux des Trente Glorieuses comme le planifica-teur Paul Delouvrier, la nature de l’ingénierie urbaine a changé. Il ne s’agit plus de construire des villes nou-velles, ni des kilomètres de voies ferrées ou d’égouts. Le défi de demain relève de l’optimisation des sys-tèmes et des réseaux existants : systèmes urbains, sys-tèmes de transports, systèmes de distribution d’eau, systèmes d’énergie. Désormais, la véritable ingénierie du territoire consistera à travailler avec ce qui existe pour rendre les réseaux existants plus performants et plus durables.

75. Ce passage s’inspire du discours du directeur général d’Eau de Paris, « Horizon 2025, quel avenir pour Eau de Paris ? », prononcé le 25 avril 2013.

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La vraie technicité qui fera le salut des villes séculaires des pays développés n’est pas d’aller chercher la crois-sance ailleurs, mais d’inventer une croissance endo-gène à partir de la fabrication de nouvelles ingénieries d’optimisation des systèmes qui existent déjà. C’est sans doute plus complexe, mais c’est désormais le défi des sociétés industrielles et urbaines contemporaines.

Dans ce contexte, Eau de Paris réfléchit à la redéfinition de sa stratégie industrielle et économique en assumant sa compatibilité avec l’affirmation d’un modèle social. Etre au service du public et considérer que ses principaux actionnaires sont les Parisiens oblige à la transparence et signifie que les salariés d’Eau de Paris évoluent dans le cadre d’un projet collectif, éthique et partagé. En la matière, les industries publiques peuvent ouvrir la voie.

Face à l’effet de ciseaux économique décrit au début de ce chapitre, la maîtrise des coûts et des charges est un préalable dans la gestion des entités industrielles. Eau de Paris y a déjà réfléchi et a déjà agi notamment avec l’arrêt de l’usine d’Ivry, soit un ajustement opti-misé de son outil industriel pour engager une politique de sobriété de moyens et répondre à la nouvelle donne sans fragiliser la sécurité d’approvisionnement des Pa-risiens. Cette réflexion doit se poursuivre en imaginant de nouveaux modes d’exploitation. La variable prix est aussi une piste : celui-ci continuera sans doute d’augmenter en France dans les années à venir, mais chacun devra veiller à ce que cette hausse soit juste et maîtrisée. Cela posera peut-être la question d’une autre répartition des coûts entre usagers et contribuables, mais également celle d’une tarification plus sophistiquée qu’aujourd’hui, en faisant varier le prix du mètre cube d’eau selon des critères sociaux ou environnementaux76.

Chapitre 6

76. Entretien du 23 avril 2013.

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Des coopérations renforcées en France et en Europe : Aqua Publica Europea et France Eau Publique

Aqua Publica Europea, un réseau d’opérateurs publics européens de l’eau, a été lancé en 2009 à Paris, Eau de Paris étant un des membres fondateurs. L’objectif de ce réseau est clair : il s’agit de faire entendre la voix des entreprises publiques européennes, mais également d’être un véritable lieu d’élaboration collective, d’échange et de collaboration entre opérateurs publics. Les opérateurs publics européens constataient qu’ils n’étaient pas entendus, ou très peu, contrairement au secteur privé qui savait organiser des actions efficaces de lobbying. A l’initiative de ce réseau, une volonté forte partagée par de nombreux opérateurs publics d’affirmer que la gestion publique de l’eau, basée sur des valeurs de service public, doit être défendue au niveau européen. Le réseau regroupe actuellement des opérateurs italiens, belges, espagnols, portugais, français et suisses. Des opérateurs allemands et autrichiens sont en cours d’adhésion.

Les institutions européennes ont d’ailleurs compris qu’il n’y avait plus seulement les entreprises privées qui comptent dans le secteur de l’eau. Aqua Publica Europea a été sollicitée par la Commission européenne dans le cadre d’appel à projets dans le domaine de l’eau, la « Facilité Eau » et ainsi que son initiative pour l’innovation. Il s’agit d’une évolution positive, car jusqu’à récemment la Commission européenne privilégiait le secteur privé. Il est possible aujourd’hui de concevoir des partenariats public-public étayés sur des financements européens. Le poids du secteur privé est encore lourd mais une certaine volonté de rééquilibrage se fait jour.

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Si l’échelon européen est pleinement pertinent pour opérer des actions de coopération et de lobbying, des gestionnaires publics d’eau français ont considéré indispensable de se constituer en réseau au niveau national. Ainsi est née à l’été 2012, France Eau Publique, structure adossée à la Fédération nationale des collectivités concédantes et en régie (FNCCR), comme porte-voix de la gestion publique de l’eau dans l’Hexagone. Ses membres se retrouvent autour d’un triple principe fondateur, énoncé dans la charte de France Eau Publique : « L’eau est un bien commun, l’accès à l’eau de tous constitue un droit humain inaliénable et la nécessaire performance de sa gestion doit être mise au service exclusif de l’intérêt général. En conséquence, les membres du réseau affirment que la gestion de ce bien public et vital ne peut être soumise à des intérêts privés et considèrent que seule la gestion publique de l’eau permet de garantir une gestion durable et solidaire du service public, de son patrimoine et de la ressource »77.

Quatre valeurs cardinales sont mises en avant : la transparence, la solidarité, la performance durable et l’efficience, la proximité et l’implication des parties prenantes. Le noyau des quatorze fondateurs (Gre-noble, Besançon, Landes, Bas-Rhin, Paris, etc.) s’est étoffé pour revendiquer une représentation institution-nelle légitime visant à défendre les intérêts de la ges-tion publique, mais également à travailler à des coo-pérations très concrètes (gestion patrimoniale, gestion des abonnés, etc.) pour se situer dans une démarche de performance et d’amélioration continue. La coo-pération entre régies vise aussi à réaliser des écono-mies d’échelle, à capitaliser et mutualiser les acquis afin d’améliorer les pratiques et les savoir-faire dans tous les domaines, comme la gestion des ressources humaines, la compatibilité, les achats publics ou en-core les systèmes d’information.

77. Anne le Strat, Reclaiming Public Water, co-édition Transnational Institute and Corporate Europe-Ritimo, Paris 2010 pour l’édition française.

Chapitre 6

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A terme, des actions de mutualisation, comme par exemple des achats groupés, ou la définition de mé-thodes en matière de qualité de l’eau, sont envisagées.

La remunicipalisation parisienne de l’eau comme exemple

« Le retour en régie de Paris représente à l’évidence une fissure significative dans la vitrine commerciale des multinationales françaises de l’eau. Les représentants de Suez l’ont d’ailleurs admis explicitement : la perte du marché parisien leur a nui certes d’un point de vue financier, mais bien plus encore du point de vue de leur image. Dans le monde entier, ces entreprises présentaient toujours la gestion de l’eau à Paris comme un modèle. Ce n’est désormais plus possible. Ils se sont plaints de ce que cette décision écorne leurs parts de marché à l’international 78 », témoigne la présidente d’Eau de Paris. « Pour reprendre les termes mêmes du maire de Paris, les actionnaires du service de l’eau, ce sont les citoyens parisiens79» poursuit Anne Le Strat.

L’expérience parisienne peut-elle entraîner d’autres collectivités françaises dans son sillage ? La France est historiquement le pays de la délégation de service de l’eau confiée au secteur privé, ce qui a d’ailleurs permis à des groupes comme Suez et Veolia d’acquérir l’envergure qu’ils ont aujourd’hui. Les partisans de la gestion publique ont toujours été minoritaires, mais le fait que la capitale revienne à la gestion publique a inévitablement donné davantage de poids à leurs arguments. De nombreux contrats de délégation de service public doivent être renouvelés et renégociés dans les années qui viennent. Des collectivités, de plus en plus nombreuses, sont intéressées au retour dans le giron public, mais toutes n’ont pas encore franchi le pas. Pour l’instant, dans la plupart des cas, elles ont utilisé la

78. Cf. discours de Bertrand Delanoë au colloque France Eau Publique à l’Hôtel de Ville le 22 mars 2013.79. Cf. discours de Bertrand Delanoë au colloque France Eau Publique à l’Hôtel de Ville le 22 mars 2013.

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menace du retour en régie pour renégocier les contrats existants, et en particulier une baisse des tarifs. Cela dit, certaines collectivités, comme Brest, l’agglomération de Rouen, Rennes, Nice etc., sont déjà revenues en gestion publique, et d’autres en ont pris l’engagement à la fin de leurs contrats de délégation de service public.

A l’international, l’expérience parisienne intéresse de nombreux acteurs, depuis l’Amérique latine jusqu’à l’Asie du Sud-Est, qui souhaitent connaître les motiva-tions et les raisons de la remunicipalisation. De nom-breuses villes, et même des États, montrent un intérêt grandissant pour un tel retour à la gestion publique, ou simplement pour un renforcement de la gestion publique existante. L’exemple de Paris manifeste qu’il est possible pour une collectivité de reprendre en main son eau ; ce qui a été possible pour la capitale fran-çaise peut l’être ailleurs, même si les conditions de réussite sont forcément différentes selon les contextes.

Cet intérêt a entraîné un repositionnement et une montée en puissance de la politique internationale de la régie. La politique internationale de la SAGEP était en effet très centrée sur la coopération scientifique et technique. Aujourd’hui membre de France Eau Publique, le réseau des régies et opérateurs publics français, et Aqua Publica Europea, sa déclinaison à l’échelle européenne, Eau de Paris diffuse sa technicité, son expérience et son savoir-faire d’opérateur public d’eau auprès de nombreux partenaires et collectivités du monde entier que l’expérience parisienne intéresse.

Vers un modèle d’entreprise d’intérêt général ?

Le marché de l’eau aujourd’hui n’est plus aussi stable qu’auparavant, les paramètres économiques ont bougé, les exigences démocratiques se sont renforcées, les stratégies industrielles évoluent... Le cas de Paris

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fut emblématique de ces changements à bien des égards. De nouveaux équilibres sont à trouver, et la nouvelle équation économique à inventer doit surtout être l’occasion de consolider la pertinence du modèle d’opérateur public d’eau créé par la Ville de Paris. Le passage en régie et ses difficultés sont une occasion de questionner notamment la stratégie en matière de construction et de gestion des grands réseaux d’infrastructure comme ceux de l’eau. L’intérêt général doit être à rechercher du côté des modèles publics de gestion de ces infrastructures. L’avenir de la régie parisienne ne saurait être posé en termes uniquement de relais de croissance afin de garantir sa survie comme le feraient des entreprises privées. Si la régie doit naturellement préserver ses intérêts afin d’assurer sa pérennité, elle ne peut le faire qu’en considérant l’intérêt général auquel elle cherche à concourir. Ici l’intérêt est bien d’abord celui de l’usager, et non d’un simple client, habitant d’un ter-ritoire circonscrit. Ce faisant, la régie parisienne étant déployée sur douze départements, c’est également en porosité avec l’ensemble de l’écosystème dans lequel elle s’inscrit qu’elle doit penser son avenir. Il n’est en effet pas question, pour une entreprise publique res-ponsable, de ne pas prendre en considération les inté-rêts des acteurs multiples qu’elle côtoie. Il est donc plus que jamais nécessaire de rappeler l’impérieuse nécessité de s’inscrire dans une logique de durabilité, garantissant sur le long terme le traitement de pro-blématiques sociales et environnementales de façon transparente et collectivement concertée.

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Dans le paysage européen, la gestion de l’eau diffère d’un pays à un autre, passant d’une supervision entièrement privée au Royaume-Uni, à un pilotage entièrement public aux Pays-Bas, ou mixte en Espagne et en France. En France, les communes ont largement

délégué la gestion de leurs services d’eau dans les années 1980 ; la médiatisation de

certaines affaires a conduit à l’intro-duction d’une certaine transpa-rence dans les procédures et

contrats de délégation au cours des

années 1990. C’est ainsi

qu’est née la loi Sapin dite « anticorruption » du 29 jan-vier 1993, suivie des lois Barnier du 2 décembre 1995 et Mazeaud du 8 décembre 1995. Dans le cadre de l'arrêt Olivet, un contrat conclu avant 1995 et prévoyant une durée de plus de vingt ans devient caduc, à compter du 5 février 2015. Cette décision du Conseil d'Etat prolonge les dispositions de la loi Sapin, qui visait à garantir, par une remise en concurrence périodique, la liberté d'accès des opérateurs économiques aux contrats et la transparence des procédures de passation des marchés. D’autant plus que, récemment, un certain nombre de collectivités, dont le contrat de délégation de service public arrivait à échéance, sont revenues à une gestion publique de

Chapitre 7

D'autres régies témoignent

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l’eau. Cette tendance devrait encore s’accentuer dans les toutes prochaines années. On comptabilise en effet près de 10 000 contrats de délégation de service public dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, représentant de l’ordre de 800 contrats arrivant à échéance chaque année en moyenne, mais ce chiffre sera augmenté d’ici 2015 de plusieurs centaines grâce à l’arrêt Olivet, qui va conduire à écourter la fin de certains contrats très longs au 3 février 2015.

Si certaines expériences ont été davantage médiatisées, comme à Grenoble, d’autres l’ont été dans une moindre mesure alors qu’elles illustrent la même dynamique : celle d’une volonté de contrôle et de transparence, au service des usagers. Le Syndicat des eaux et de l'assainissement d'Alsace-Moselle (fondé en 1939), Noréade (Nord, Pas-de-Calais, Aisne et Somme, lancé en 1951), le SIAEP du Tursan dans le département des Landes (1995), le SIVOM Durance Lubéron (1997), Venelles (2002), Castres (2004) ont aussi apporté la preuve qu’une reprise du service en régie était possible pour les petites collectivités. Ce mouvement n’est pas terminé, de grandes collectivités telles Bordeaux, Rennes, Valence ou Nice ont elles aussi pris position en faveur de la gestion publique.

Aujourd’hui, le législateur français a mis à disposition des collectivités une palette variée de solutions qui vont des services techniques en régie directe, à la constitution de véritables entreprises publiques, assurant éventuellement plusieurs services. Le point commun de tous ces modèles reste le contrôle total de l’activité – et du capital le cas échéant – par la partie publique. C’est un point essentiel, qui garantit le retour des marges de manœuvre en faveur de l’optimisation du patrimoine et de l'amélioration des prestations.

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Chapitre 7

Grenoble en 2000, Neufchâteau en 2001, Paris en 2010... le retour en gestion publique a concerné plus de 2,8 millions d’habitants supplémentaires entre 2009 et 2012. Dans ce contexte, on est en droit de s’interroger sur les valeurs et l’intérêt d’une gestion publique de l’eau. Et de faire le bilan à partir des retours d'expérience, rassemblés au sein de France Eau Publique, jeune réseau des gestionnaires publics de l'eau80.

Des valeurs cardinales

En contrepoint du modèle commercial auquel sous-crivent les grandes entreprises privées du champ concurrentiel, les gestionnaires publics de l’eau, re-groupés au sein de leur fédération France Eau Publique, entendent faire prévaloir entre eux un double principe de coopération et de solidarité. Si l’amélioration conti-nue et la performance du service peut naître en dehors de la mise en concurrence des acteurs, elle a tout à gagner de la mise en commun de leur savoir-faire, de leur expertise et de leurs meilleures pratiques, ainsi que de la mobilisation des énergies de leurs équipes élues et salariées.

Proximité

Services publics de proximité, les membres de France Eau Publique entendent associer l’ensemble des par-ties prenantes (élus, agents des services, usagers, associations compétentes, partenaires locaux,...) aux grandes orientations données à l’exploitation de leurs services, leur amélioration continue et l’évaluation de leurs résultats. L’activité de ces opérateurs s’inscrit dans une logique de développement économique lo-cal, avec un accent particulier sur le maintien de l’em-ploi de proximité et la volonté affirmée d’un contact humain direct avec les usagers et partenaires.

80. Le réseau France Eau Publique a été fondé en juillet 2012 par treize collectivités territoriales et opérateurs publics, parmi lesquels : Besançon, le Syndicat mixte d’eau et d’assainissement de la Haute-Garonne, la Régie des eaux de Grenoble, le Syndicat d’équipement des communes des Landes (SYDEC 40), la Roannaise de l’eau, Haganis (régie de Metz-Métropole), Noréade (régie du SIDEN-SIAN dans les départements du Nord, Pas-de-Calais, Aisne et Somme), la Communauté urbaine de Strasbourg, le Syndicat des eaux et de l'assainissement (SDEA) Alsace-Moselle, la communauté d'agglomération d’Annecy, Eau de Paris, le Syndicat des eaux de la Vienne (SIVEER), la communauté d'agglomération des Lacs de l’Essonne.

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Transparence

La transparence constitue une exigence absolue, tant vis-à-vis de l’autorité organisatrice que des usagers du service. Elle se fonde notamment sur l’individualisa-tion des comptes, la mesure et l’affichage des résultats techniques et financiers, la clarté des informations délivrées aux élus et aux usagers. Toutes les données relatives à la bonne exécution du service doivent être pleinement accessibles. Les gestionnaires publics de l’eau refusant les logiques commerciales, ils entendent développer la transparence réciproque pour privilégier la coopération, l’échange et la mutualisation des moyens et des bonnes pratiques.

Intérêt général

Opter pour une gestion publique de l’eau, c’est fon-der les services de l’eau et de l’assainissement sur la recherche de l’intérêt général, c’est garantir que l’eau n’est pas un bien marchand, objet de bénéfices et de spéculation financière. C’est aussi assurer une égalité de traitement des usagers vis-à-vis de l’accès à l’eau. C’est offrir aux usagers et aux élus un service public de proximité et de qualité 365 jours sur 365 et 24 heures sur 24. Ce service mutualisé, sur la base d'un coût maîtrisé, traduit la solidarité entre les territoires ruraux et les territoires urbains ou périurbains. La gestion pu-blique de l’eau repose sur une gestion effective du ser-vice par les représentants élus de la collectivité agissant directement ou par leur mandat au conseil d’administra-tion, au conseil d’exploitation, ou dans les commissions ad’hoc. Les associations de consommateurs et d’envi-ronnement, et autres organisations représentatives des usagers doivent pouvoir être pleinement associées à ces instances. Il s’agit d’un mode de gouvernance rapprochée, participative et démocratique, qui ne peut exister dans le cadre d’une délégation de service public.

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Economie

Offrir le service de la meilleure qualité possible au meilleur coût constitue ainsi un objectif essentiel à atteindre, grâce au réinvestissement de l’ensemble des excédents d’exploitation et gains de productivité au profit du service et des usagers. Les régies revendiquent la constante recherche du meilleur coût global à moyen et long terme, par la vision d’ensemble des enjeux, la connaissance fine des installations et le retour direct d’expérience du fonctionnement.

Durabilité

La préservation des patrimoines technique et naturel sur lesquels se fonde l’accès à l’eau et à l’assainissement constitue un enjeu majeur au bénéfice des générations futures. L’accroissement des capacités d’autofinan-cement permet de dégager les moyens financiers nécessaires à une véritable politique patrimoniale des ouvrages comme, par exemple, les renouvellements des réseaux. Cette politique patrimoniale, que ne favorise pas un mode de gestion délégué, est l’un des garants de l’évolution future maîtrisée du prix de l’eau. La collectivité a donc tout intérêt à faire l'inventaire de son patrimoine, pour pouvoir le renouveler et investir le plus efficacement possible. La collectivité est détachée des échéances de fin de contrats et peut investir de manière optimale grâce à une vision de long terme.

Les exemples qui suivent sont tirés des témoignages et des retours d'expérience de collectivités engagées dans le réseau France Eau Publique. Ils illustrent la diversité des parcours et des échelles, depuis les intercommunalités d'Alsace-Moselle, à la taille d'une ville telle que Grenoble, en passant par Digne, petite collectivité des Alpes-de-Haute-Provence.

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Le syndicat des eaux et de l'assainissement Alsace-Moselle : un mariage entre service public et culture d'entreprise

Le Syndicat des eaux et de l'assainissement Alsace-Moselle (SDEA) s’est construit historiquement autour d’une régie directe, préexistante. Le premier service des eaux date de 1939 et regroupe initialement 58 com-munes autour de Strasbourg. Il devient syndicat en 1958, avec vocation départementale, géré par des élus. Depuis, le SDEA a connu trois évolutions statutaires, de service des eaux et de l’assainissement du Bas-Rhin à syndicat des eaux et de l’assainissement d'Alsace-Moselle. Le Syndicat des eaux et de l'assainissement d'Alsace-Moselle dessert aujourd'hui 800 000 habi-tants et 160 000 abonnés, répartis sur 500 communes. Depuis plus de soixante-dix ans, le SDEA s’attache à conjuguer valeurs du service public et culture d’entre-prise pour mettre en œuvre au quotidien une gestion publique rendue légitime par : ■ ses performances à tous niveaux : ses pratiques et

ses résultats économiques, environnementaux et sociétaux ont été reconnus tout particulièrement en 2011 par l’obtention du Prix français de la qualité et de la performance ;

■ son ancrage territorial, tant sur le plan technique opérationnel que politique ;

■ sa gouvernance, reposant sur la subsidiarité, sauvegardant les décisions locales, sans omettre de mutualiser les décisions dès que la pertinence géographique et la cohérence économique l’exigent ;

■ son souci de la solidarité à tous niveaux, autant pour garantir l’accès social à l’eau dans l’aire de compétence du SDEA que pour accompagner des collectivités au Cameroun et en Moldavie dans leur démarche de gouvernance ou de développement technologique ;

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■ sa gestion durable des services d’eau et d’assainissement qui lui sont transférés ;

■ son management de pointe, intégrant une synergie étroite entre élus, salariés et parties prenantes pour faire toujours mieux, guidés par sa signature : « Ensemble dans l’exigence » !

A cet égard, la dynamique de coopération entre entités publiques de gestion de l’eau françaises regroupées au sein de France Eau Publique – dont le SDEA est un des membres fondateurs – constitue un catalyseur. Il favorise émulation et synergie entre organisations partageant les mêmes valeurs, au service de l’intérêt général.

Une gouvernance modulaire

Le SDEA est conçu en gouvernance modulaire. Il intègre de nouvelles collectivités, soit en eau potable, soit en assainissement, par transfert complet de compétences. Certaines communes sont encore en transfert partiel (fonctionnement et le cas échéant, études et investissements courants). Sur les 500 communes, deux tiers sont en transfert complet et un tiers en exploitation. Une réflexion est en cours sur l’inscription du syndicat dans le grand cycle de l’eau, à l’échelle du bassin hydrographique. Le SDEA s’inscrit désormais dans une approche territoriale élargie, interdépartementale, avec la création de nouveaux territoires. Dans son développement, le syndicat a ainsi intégré des services en délégation ou en régie. Depuis 2014, le SDEA a ainsi étendu sa vocation à une dimension interdépartementale. Cela se traduit par la création, au 1er janvier 2015, du territoire Est-Mosellan, ainsi que par l'intégration de plusieurs communes haut-rhinoises. Dans cette structure, les entités locales (commissions locales du SDEA se substituant aux collectivités membres précédemment compétentes) ne sont pas dépossédées

Chapitre 7

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de leurs responsabilités : elles définissent la politique tarifaire, les investissements locaux, et attribuent les marchés de travaux locaux. L’implication des élus dans les décisions a été saluée par la Chambre régionale des comptes d’Alsace, qui souligne qu’elle contribue à « renforcer le rôle des élus par rapport à la gestion locale et à développer l’esprit de responsabilité et de solidarité à tous les niveaux ».

Pour Joseph Hermal, directeur général du SDEA, les valeurs sont essentielles, ce sont elles qui différencient public et privé. « Si on essaie de déployer les mêmes méthodes, les mêmes types d’approches que les grands groupes qui sont plus forts, c’est perdu d’avance. On partage a priori les mêmes compétences et la même technicité. Qu’est-ce qui nous différencie ? Comment rendre tangible l’intérêt du public auprès des usagers ? Nous avons à montrer en quoi nous nous situons sur un autre terrain. Cela renvoie d’une part à la gouvernance : plus le projet sera partagé et entraînera l’adhésion, plus le service comptera d’ambassadeurs qui en assureront la promotion, et d’autre part à la finalité : dégager des gains de productivité pour être compétitif tout en les réinvestissant au bénéfice de l’intérêt général ».

A Digne, remunicipaliser pour maîtriser l'ensemble de la chaîne

A Digne (Alpes de Haute Provence), ville de 18 000 habitants, la régie a été créée le 1er septembre 2009. Elle est administrée par le Conseil municipal. Elle assure l’exploitation du service public de l’eau potable, soit la production, le transport, le stockage et la distribution de l’eau potable aux abonnés. Les élus ont appuyé le choix du retour en régie sur un double objectif :

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■ disposer des moyens humains et matériels pour assurer la qualité et continuité du service auprès des usagers ;

■ asseoir la maîtrise du service, en mettant l'accent sur l’amélioration des performances techniques des réseaux d’eau potable et d’assainissement (rendements inférieur à 50 %).

Ainsi, dans un premier temps, la création de la régie dignoise des eaux a consisté à acquérir les moyens matériels pour assurer la gestion des contrats des usa-gers (locaux administratifs, informatique, bureautique, logiciel de gestion des usagers, facturation, régie de recettes, espace internet client, système d’appels téléphoniques en nombre) et la continuité technique des réseaux (engins, matériels de chantier, stocks de pièces, marchés à bons de commandes de fournitures et de prestations de service, matériels de recherche de fuites et de nettoyage de réservoirs, supervision, etc...), moyens utilisés au quotidien par les treize agents de la régie. Les étapes les plus importantes et délicates de cette remunicipalisation ont été la gestion du transfert des personnels de l’ancien exploitant, l’aménagement des locaux, et la mise en place de la facturation.

Une fois cette assise établie, la régie a entrepris les travaux de première urgence de réhabilitation des réseaux (confiés à des entreprises de travaux publics), et pilote actuellement les schémas directeurs d’eau potable et d’assainissement afin d’optimiser ses ouvrages et les investissements à réaliser pour l’avenir proche.

Toutes ces actions sont réalisées sans modification du prix de l’eau et de la collecte assainissement depuis le 1er janvier 2009 (la part épuration a été augmentée afin de financer l’investissement et l’exploitation de la nouvelle station d’épuration, remplaçant l’ancienne de plus de trente ans, devenue obsolète). Le maintien des

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coûts nécessite une réflexion sur les tâches à mener ou à externaliser (mutualisation avec les services de la ville, prestations de services quand c'est nécessaire) et un large recours aux marchés publics, qui induisent des critères sociaux et écologiques. « La collectivité maîtrise totalement son service. Elle se réapproprie la connaissance du fonctionnement des ouvrages et de gestion des usagers. Les cahiers des charges sont rédigés en interne, l’équipe possède la maîtrise technique. Elle assure la planification en optimisant les investissements, va jusqu’au bout du système. Avant, la ville ne faisait pas les branchements mais réalisait les réseaux. Désormais, l’usager a un unique interlocuteur, la collectivité avec sa régie, qui peut répondre en toute connaissance de cause, sur les décisions prises, sur l’impact sur le service et l’équité des décisions envers tous les usagers », commente son directeur, Christophe Bouchot.

Les élus ont cette conscience. La régie a une capacité de réponse complète aux usagers sur les réclamations, sur la facture, sur l’expertise. La qualité de service est élevée : respect et équité, réactivité en cas d'ouvrage défectueux, optimisation des coûts, connaissance des ouvrages et des installations.

Bilan : un délai de création trop court

« Six mois pour créer la régie, c’est très court, trop court. Certes, c’est une réussite, mais ce n’est pas à conseiller, pas à refaire », estime Christophe Bouchot. « Cela a nécessité beaucoup de travail, un très fort investissement du directeur, appuyé par les cadres de la future équipe et… un peu de chance... Il faut se donner plus de temps, au minimum un an, en prenant en compte la taille de la structure, les missions à effectuer, les conditions de transfert des personnels, les moyens à mobiliser ».

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Pour le transfert du personnel, il a fallu négocier avec le délégataire. Cette réorganisation s’est bien passée. Localement, les agents n’ont pas souhaité la présence des syndicats. La discussion s’est faite en direct, entre le directeur et les personnels après une première réunion avec les élus. Les échanges ont porté sur les conditions de travail et le salaire, le contrat de travail a été revu. La position de la municipalité a été de maintenir autant que possible les avantages acquis : protection santé, maintien des primes, intégrées dans le salaire, de même que l’intéressement (moyenné sur trois ans). En revanche, compte tenu de la taille de la nouvelle régie, le comité d’entreprise n’existait plus… On change de système, on change de logique.

La régie de Grenoble, un circuit de décision intégré

L’eau de Grenoble prend sa source dans le massif des Ecrins et s’infiltre dans la nappe alluviale du Drac. La Régie des Eaux de Grenoble, service public local, la capte à Rochefort au sud de Grenoble, principalement sur la commune de Varces. L’eau est prélevée à trente mètres de profondeur par cinq puits. Le site de captage de Rochefort est entouré d’un périmètre de protection de 2 300 hectares. 155 hectares sont clôturés et surveillés 24 heures sur 24. La qualité de l’eau est contrôlée quotidiennement à la source et chez l’usager. Onze chambres de mesure installées sur le réseau d’eau potable de Grenoble permettent de suivre les paramètres qualitatifs de l’eau en continu. Semblable aux meilleures eaux de table, l’eau de Grenoble est pure, non traitée et équilibrée en minéraux. Elle est conseillée par les médecins pour les nourrissons. Outre la surveillance des périmètres, Eau de Grenoble assure la production, et la distribution de l’eau aux habitants de Varces, Grenoble, Sassenage, au Domaine universitaire et au centre hospitalier universitaire de

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L’eau à Paris retour vers le public

La Tronche. Près de 180 000 personnes sont donc alimentées par l’eau de Grenoble. Les capacités du site de captage et de la réserve d’eau peuvent répondre à la consommation quotidienne de 450 000 personnes. L’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse consi-dère le site de captage de Rochefort comme l'une des ressources les mieux protégées et d’intérêt régional par son abondance et sa qualité pour la région Rhône-Alpes. La gestion « publique » de l’eau de Grenoble associe les usagers et permet de maintenir le prix du mètre cube au plus bas (0,89 € HT le m3 pour la part eau potable – 2,88 € TTC le m3 tout compris pour une facture de 120 m3). Les investissements restent massifs pour maintenir la qualité du réseau (rendement 83 %, prévision de 85 % pour 2014).

L’intérêt de la régie

Par rapport au système de délégation, il n’existe pas d’intermédiaire, la relation entre l’autorité organisa-trice et l’équipe se fait en direct. Le maire peut agir sur la direction, donc le service, sans revoir de clauses contractuelles, il détient un pouvoir direct, grâce à un circuit court de décision/ action.La régie fonctionne en comptabilité et achats publics, sans fiscalité, sans capitaux privés, sans marge car il n’y a pas d’actionnaires, elle répond à l’équilibre bud-gétaire annuel. Dans le système privé, les frais de siège s’imputent au contrat, mais sans connaître les clés de répartition, les salaires des dirigeants, la quote-part ef-fectivement répercutée sur le contrat local. « En régie, tout est connu, affiché, dépenses, coûts des équipes. C’est lisible par tous », commente Jacques Tcheng, directeur de la régie de Grenoble. « En délégation, il y a mélange des genres, et des fonds publics et privés, pour financer les investissements divers, des appli-cations, des outils. Il n’y a pas application du Code des marchés publics, ce qui ne permet pas de garan-

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Chapitre 7

Recommandations à l'usage des collectivités

Si les exemples les plus fréquemment cités autour des remunicipalisations portent sur des grandes villes, la démarche, comme le montre le cas de Digne, peut s'opérer dans des collectivités de taille moyenne, mais aussi à l'échelle de communautés de communes. Les recommandations qui suivent ne prétendent pas à l'exhaustivité mais doivent permettre d'alerter les collectivités sur les éléments saillants. Elles sont à adapter à la taille de la structure. Elles recoupent les retours d'expérience des régies membres de France Eau Publique, mais aussi du réseau Aqua Publica Europea, association européenne pour la gestion publique de l'eau, et le témoignage d'Eau de Paris.

1. Se préparer en amont : Cela demande du temps et ne peut s’improviser en quelques semaines. Il est conseillé de se faire aider et de créer une équipe restreinte opérationnelle qui gérera la transition et rendra compte régulièrement à la collectivité. Elle permettra de faire le lien entre les aspects opérationnels, sociaux, juridiques, financiers et politiques.

Il faut commencer à s’organiser environ deux ans avant la date de fin du contrat. En effet, il se peut que les clauses de fin de contrat soient totalement insuffisantes pour assurer la continuité du service public et qu’il faille négocier un avenant avec le délégataire : négociation qui prendra du temps.

2. Vérifier l'état du réseau : Pertes, stockage, sécurisation de l'approvisionnement, fréquences d'intervention pour réparer les fuites, modalités de repérage des fuites.

3. Faire l'inventaire du patrimoine : Avec quelles caractéristiques et documentations techniques ? A quelle valeur ? Quelle politique de renouvellement ? Quels auront été les travaux effectués, pour quels montants ? Que reste-t-il à réaliser ? Y aura-t-il des provisions non utilisées ? Quels sont les biens de reprise et à quel prix ? Quelles réserves émettre lors de la reprise des biens ? Quels transferts de contrats ?

4. Vérifier les systèmes informatiques : Sont-ils opérationnels ou obsolètes ? (C’est un point souvent négligé dans les contrats qui ont une certaine ancienneté). Une attention toute particulière doit être portée au transfert des informations en matière de fichiers clients (mise à jour en fin de contrat, formats d’exportation de ces données en cas de gestion de fichier par un progiciel maison pour le délégataire...).

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L’eau à Paris retour vers le public

tir que la prestation est payée au meilleur coût. La différence essentielle réside dans le fait que déléga-taire et filiales d’un même groupe peuvent travailler ensemble sans mise en concurrence et tout le service peut être ainsi assuré en cercle fermé. Tout peut être acheté, géré entre filiales d’un grand groupe auquel appartient le délégataire : les voitures de société, les matériels peuvent être acquis par une centrale d’achat, l’informatique peut aussi être traitée par des structures appartenant au même groupe, selon des barèmes et des politiques d’acheteurs définis par la holding. Dans ces conditions la lisibilité des coûts est difficile et la certi-tude d’obtenir le meilleur coût pour l’usager n’est pas acquise. En régie, la mise en concurrence et le contrôle par les usagers ou les élus sont réglementaires donc certains ».

Au fil de l'eau, au fil du temps...

Les enjeux que recouvre un service public de l’eau sont majeurs. L’autorité organisatrice ne peut se défausser de ses responsabilités sur un tiers par le jeu d’un contrat. La responsabilité personnelle de l’élu(e) ou de la per-sonne physique représentante légale de l'autorité orga-nisatrice n’est pas transférable vers un tiers. Parmi les devoirs de l’autorité organisatrice figurent au premier rang la définition du périmètre d’exploitation, les obli-gations qu’elle souhaite imposer à l’opérateur public ou privé quant à la maîtrise financière des coûts, les inves-tissements à réaliser pour maintenir l’outil de produc-tion et de distribution, pour conserver sa performance technique, sa durabilité et sa valeur patrimoniale.

Ces exigences doivent aussi être ambitieuses sur le plan des services fournis aux usagers, de la politique sociale et de la transparence pour garantir un accès immédiat mais aussi à long terme au service public de l’eau potable.

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Chapitre 7

Recommandations à l'usage des collectivités (suite)

5. Finances : Attention aux facturations en fin de contrat, aux produits à recevoir, aux charges impayées, aux transferts de contentieux entre anciennes parties délégantes et délégataires.

6. Se concerter avec les élus pour déterminer le mode de gouvernance : Le dialogue entre élus et services de la collectivité organisatrice du service d’eau et d’assainissement doit être permanent. Il sera nécessaire de créer un comité de pilotage ou une mission d’élus pour porter ce projet avec l’assistance des services de la collectivité. Ainsi, les échanges entre élus doivent permettre de clairement identifier le champ de compétences à couvrir (eau et/ou assainissement) ainsi que le périmètre géographique car il pourra être intéressant d’engager le dialogue avec d’autres élus de territoires voisins pour faire des regroupements et élargir le périmètre d’intervention à d’autres collectivités.

7. Déterminer les moyens à mobiliser : Il conviendra de définir les activités assurées en interne et celles sous-traitées temporairement ou durablement. Les moyens à mobiliser seront alors précisés : différentes compétences à mobiliser, puis déterminer les effectifs nécessaires, moyens techniques et logistiques (engins mécaniques, véhicules, systèmes d’informations, locaux nécessaires), fonctions supports et d’administration générale (gestion administrative et financière, achats, contrôle de gestion, expertise technique...).

8. Auditer la situation sociale et créer un climat de confiance avec le personnel : Il faut engager le dialogue avec les organisations syndicales pour les rassurer, dès que la décision officielle est prise de mettre fin à la délégation de service public. En effet, certains agents peuvent encore rester attachés à leur employeur privé et exprimer des réserves ou réticences par rapport à la gestion publique. Dans le cas de transfert d’une entité économique autonome dont l’activité est poursuivie ou reprise, les contrats de travail des salariés affectés à cette entité sont automatiquement maintenus chez le nouvel employeur avec tous les éléments qui les composent et qui y sont attachés.

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L’eau à Paris retour vers le public

Enfin, la pression sur la ressource, sa nécessaire préservation, la conciliation des usages de l’eau ainsi que la promotion de comportements économes font partie intégrante du service public de l’eau potable.

Cette réappropriation par la sphère publique de ce ser-vice essentiel doit également inciter à associer l’usa-ger de l’eau et à réfléchir à la place de l’eau dans sa collectivité. Grâce aux nouvelles formes de gouvernance induites par le passage en régie, celui-ci n'est plus seulement un consommateur mais doit pouvoir aussi prendre part à la gestion de l'eau comme bien commun. Il se voit représenté par le biais des multiples acteurs qui accompagnent désormais ces nouvelles entreprises publiques et qui ne sont pas seulement des élus, mais des représentants de la société civile.

De l’aménagement urbain au paysage, le service public de l'eau, relié aux territoires et inscrit dans les cycles naturels doit être l’un des éléments clés de la ville de demain, contribuant à l’amélioration du cadre de vie de ses habitants et des paysages.

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Remerciements � Merci à l’ensemble des équipes de la régie, qui, depuis sa création, se mobilisent au quotidien pour rendre le meilleur service aux Parisiens, et aux organisations syndicales qui ont accepté de nourrir ce guide de leurs réflexions et critiques.

Merci à Aline Arrouze, Paul Baylac-Martres, Jean-Didier Berthault, Damien Boissinot, Jacques-François Borrel, Céline Boulay-Espéronnier, Pierre Boyer, Céline Braillon, Ian Brossat, Hervé Carrez, Claire de Clermont-Tonnerre, Henri Coing, Hélène Combe, Yves Contassot, Danielle Fournier, Fabienne Gasnier, Cécile Loumagne Joanicot, Daniel Marcovitch, Sylvie Pasquaud, Alain Plateau, Olivia Polski, Danièle Pourtaud, Gérard Sachon, François Vauglin, Karen Taïeb, Abelardo Zamorano, membres du Conseil d’administration d’Eau de Paris, qui, depuis 2009, ont accompagné la démarche de création de la régie. Par leurs observations, conseils, critiques, ils ont permis à l’opérateur unique d’œuvrer dans l’intérêt des usagers parisiens.

Merci à toutes celles et tous ceux, personnels de la Ville de Paris, abonnés, usagers, associations, partenaires, riverains, qui ont contribué et contribuent chaque jour à la réussite de la régie.

Remerciements

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Lexique � AESN : L'Agence de l'eau Seine-Normandie est un Etablissement Public du ministère de l'écologie dont la mission est de financer les actions de protection des ressources en eau et de lutte contre les pollutions.

Affermage : Ces contrats peuvent être de plusieurs types : dans un contrat d’affermage, la collectivité publique continue à assurer les investissements, les délégataires assurent l’exploitation et la maintenance et se rémunèrent directement auprès des usagers.

APE : Aqua Publica Europea est une association fondée en 2008 pour promouvoir la gestion publique de l’eau au niveau Européen et International.

CEP : Compagnie des Eaux de Paris, délégataire pour la distribution de l’eau sur la rive droite de la Seine du 1er janvier 1985 au 1er janvier 2010, filiale du groupe Veolia.

CGE : Compagnie générale des eaux. Société spécialisée dans la distribution d’eau en France. Elle a pris le nom de Vivendi en 1998, puis Veolia Eau, au sein de Veolia Environnement.

Concession : Dans un contrat de concession, le délégataire assure lui-même les investissements.

CRECEP : Centre de recherche, d’expertise et de contrôle des eaux de la Ville de Paris.

Délégation de service public, délégataire : La régie s’oppose à la délégation de service public (DSP), par laquelle les pouvoirs publics confient par contrat la

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gestion d’un service public à une entreprise privée, le délégataire, qui se rémunère via l’exploitation du contrat.

EF-PE : Eau et Force-Parisienne des Eaux, dénommée de 1985 à 1996 Parisienne des Eaux, filiale du groupe Suez, délégataire pour la distribution de l’eau sur la rive gauche de la Seine du 1er janvier 1985 au 1er janvier 2010.

EPIC : Etablissement public local à caractère industriel et commercial.

FEP : France Eau Publique regroupe des collectivités et opérateurs publics adhérents à la FNCCR et engagés dans une démarche de partage de connaissances et d’expériences, de renforcement mutuel et de promotion de la gestion publique de l’eau.

FNCCR : Créée en 1934, la fédération nationale des collectivités concédantes et régies œuvre pour l’amélioration continue du rapport prix/qualité des services publics locaux.

GIE : Un groupement d’intérêt économique (GIE) est, en France, un groupement doté de la personnalité mo-rale qui permet à ses membres (qui doivent être au mi-nimum deux) de mettre en commun certaines de leurs activités afin de développer, améliorer ou accroître les résultats de celles-ci tout en conservant leur individua-lité. En 1985, la Compagnie Générale des eaux et la Lyonnaise des eaux ont choisi de créer un GIE pour assurer la facturation du service d’eau. Ce GIE a été supprimé à la demande de la Ville de Paris en 2003.

Régie : En France, le terme de régie désigne un établissement de propriété publique chargé d’assurer un service public.

Lexique

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SAGEP : En 1987, la Ville de Paris crée une société d’économie mixte pour assurer la production de l’eau. Cette SEM a le statut d’une société anonyme et s’intitule société anonyme de gestion des eaux de Paris.

SEDIF : L’agglomération parisienne compte en tout plus de dix millions d’habitants, qui habitent pour la plupart dans des communes et des départements administrativement séparés de la Ville de Paris proprement dite. Le service de l’eau y est assuré par des syndicats intercommunaux, dont le plus important est le Syndicat des Eaux d’Ile-de-France (SEDIF), un marché détenu par le groupe Veolia.

SEM : Une société d’économie mixte (SEM) est une entreprise de droit privé dont le capital est détenu majoritairement par une personne publique et au moins par une personne privée.

Télérelevé : dispositif qui permet de relever à distance les informations de consommation sur les compteurs d’eau.

UNIDIS : Système informatique unifié mis en œuvre par Eau de Paris à partir du 1er juillet 2011.

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L’eau à Paris � retour vers le public

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ISBN : 978-2-9530663-5-7

L’eau à Paris � retour vers le publicEurope, Amérique du Sud, Asie, Afrique : de Berlin à Buenos Aires, les collectivités reprennent la main sur la distribution de l’eau. Cette vague de remunicipali-sations manifeste que l’heure n’est plus à l’engoue-ment pour la privatisation de cette ressource vitale, bien commun par excellence. En France, Paris a fait le choix de revenir en régie, après vingt-cinq ans de délégation à deux grandes entreprises privées. Le cas emblématique de la remunicipalisation parisienne il-lustre les vicissitudes du retour de l’eau vers la gestion publique. A l’issue d’un processus à la fois politique et technique de plusieurs années, l’eau de Paris est désor-mais administrée selon des dispositifs démocratiques et transparents qui associent la société civile de ma-nière inédite. Le passage en régie, placé sous le signe de l’intérêt général, s’illustre par la création d’une va-leur ajoutée citoyenne, là où, auparavant, il ne s’agis-sait que de privatiser les bénéfices pour le profit des multinationales et de leurs actionnaires. Cet ouvrage retrace les étapes et rassemble les témoignages des acteurs de cette transformation économique, sociale et culturelle, qui a donné naissance à la plus grande régie d’eau française.

Ouvrage rédigé pour Eau de Paris par Agnès Sinaï, journaliste environnementale et auteure, maître de conférences à Sciences Po.

Seconde édition avril 2014