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L’asservissement de la position de la tête, de la vitesse et de la durée de la séquence dans une
tâche de Wayfinding.
Régine Niba, Philippe Robert, Cyril Rebetez
Travaux Pratiques de psychologie expérimentale
Dr. R. Maurer & Dr. B. Baumberger
Table des Matières
INTRODUCTION................................................................................................................................................. 1
PERCEPTION ET ACTION....................................................................................................................................... 1
LA PERCEPTION DU MOUVEMENT ........................................................................................................................ 2
Le heading et le wayfinding........................................................................................................................... 3
LE COUPLAGE PERCEPTIVO-MOTEUR................................................................................................................... 5
MÉTHODE............................................................................................................................................................ 7
POPULATION : ..................................................................................................................................................... 7
VARIABLES INDÉPENDANTES : ............................................................................................................................ 7
VARIABLE DÉPENDANTE : ................................................................................................................................... 7
VARIABLES CONTRÔLÉES ET NEUTRALISÉES ....................................................................................................... 8
VN.................................................................................................................................................................. 8
VC.................................................................................................................................................................. 8
HYPOTHÈSES OPÉRATIONNELLES. ....................................................................................................................... 8
DESCRIPTION DU MATÉRIEL : .............................................................................................................................. 9
DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL ................................................................................................................................. 9
-Asservissement de la position de la tête : ..................................................................................................... 9
- Vitesse de déplacement et durée de la séquence: ...................................................................................... 10
- Items.......................................................................................................................................................... 10
PROCÉDURE : .................................................................................................................................................... 11
RÉCOLTE DES DONNÉES. ................................................................................................................................... 11
RÉSULTATS....................................................................................................................................................... 12
EFFETS PRINCIPAUX ET INTERACTIONS DES VARIABLES INDÉPENDANTES ......................................................... 12
Durée de la séquence................................................................................................................................... 12
Asservissement de la position de la tête et de la vitesse .............................................................................. 13
Interactions.................................................................................................................................................. 13
RÉSULTATS DU QUESTIONNAIRE ....................................................................................................................... 14
Le choix de la durée de la séquence ............................................................................................................ 14
Asservissement de la position de la tête ...................................................................................................... 15
L’asservissement de la vitesse ..................................................................................................................... 15
DISCUSSION ...................................................................................................................................................... 16
LE CONTRÔLE DE LA DURÉE DE LA SÉQUENCE................................................................................................... 16
LES AUTRES POSSIBILITÉS D’ASSERVISSEMENT ................................................................................................. 17
SOURCES D’ERREURS DES SUJETS...................................................................................................................... 19
CONCLUSION..................................................................................................................................................... 20
BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................................................................. 21
Résumé
Dans la littérature, les liens entre l’action et la perception dans des tâches de wayfinding ont
été encore peu étudiés. Dans cette étude nous nous sommes donc proposés d’examiner les
capacités des sujets à retrouver leur chemin dans un environnement virtuel dans diverses
modalités d’asservissement de leurs mouvements : asservissement de la position de la tête, de
la vitesse de déplacement et choix de la durée de la séquence.
Un paradigme présentant une forêt de cinq arbres vers laquelle le sujet se déplaçait a été
utilisé. La tâche du sujet était d’orienter sa trajectoire vers un arbre précis, la précision de
cette orientation dans les différentes conditions a alors pu être mesurée.
Les résultats ont été calculés à partir d’une population de 12 sujets étudiants (6 hommes et 6
femmes) âgés entre 21 et 37 ans. Le seul résultat significatif va dans le sens contraire de nos
hypothèses : le choix de la durée de la séquence a un effet négatif sur les performances.
L’asservissement de la position de la tête ainsi que l’asservissement de la vitesse, comme les
diverses interactions possibles n’ont pas un effet significatif sur les performances.
Ces résultats vont dans le sens d’une absence d’utilité du couplage visuo-moteur au profit
d’indices visuels seuls. Toutefois, il est possible d’imputer ces résultats à un trop grand
nombre de variables d’asservissement simultanées créant une interface trop lourde à maîtriser
pour le sujet, et à un mauvais calibrage du matériel. Nous proposons donc de réitérer
l’expérience en allégeant le dispositif avant de tirer d’autres conclusions.
(255 mots)
Introduction
Perception et action La perception sert à tout être vivant, elle est son lien avec l’environnement. Son rôle est un
apport continu d’informations à l’organisme. De l’autre côté, l’animal peut agir ou réagir par
le biais de l’action. Perception et action sont déjà intimement liées, simplement de part le fait
qu’elles se servent l’une de l’autre et se complètent. La perception sert donc au contrôle de
l’action. Berthoz (1997) affirme même que la perception est une « action simulée », donc
qu’elle n’existe que dans le but d’agir : percevoir quelque chose c’est penser comment agir
sur elle. Longtemps, on a cru que percevoir revenait simplement à tirer des informations
objectives de l’environnement pour obtenir une description générale de celui-ci. S’intéresser à
la perception visuelle en cours d’action, permet d’en révéler l’importance, en particulier à
travers ce mécanisme circulaire perception-action (Warren, 1995).
Le but de la perception n’est pas de fournir une description générale de la scène, mais plutôt
d’extraire de l’environnement, à chaque instant des informations bien particulières, qui sont
spécifiques à la tâche à accomplir. Ceci d’autant plus que les systèmes perceptifs sont
quantitativement imprécis et non-euclidien en ce qui concerne le système visuel, (Todd,
1995). De plus, les animaux sont généralement liés à l’environnement de deux manières :
d’une part en tirant de l’information de leurs systèmes perceptifs et d’autre part, en agissant
sur lui par le biais de systèmes effecteurs et locomoteurs, donc par l’action. Lors d’un
mouvement, l’environnement disponible change donc également la perception de celui-ci.
L’action génère de nouvelles informations qui peuvent, à leur tour, servir à exécuter un autre
mouvement et ainsi de suite. Cette circularité montre que la perception s’inscrit dans une
continuité temporelle et ne donne pas lieu simplement à une succession de « percepts »
instantanés (Shaw, Turvey & Mace, 1981). Les jugements peuvent être qualitatifs ou même
ponctuellement erronés, mais ils se précisent et s’inscrivent dans la continuité de l’interaction
entre l’animal et son environnement. C’est d’ailleurs ce qui est à l’origine de l’adage de
Gibson : « We perceive in order to move but we must also move in order to perceive »
(Gibson, 1979).
1
En s’intéressant plus précisément à un niveau locomoteur et postural de l’action sur
l’environnement, Warren (1995) distingue quatre grands systèmes perceptifs impliqués : 1) Le
système visuel ; 2) le système vestibulaire (canaux semi-circulaires et otolithes) ; 3) le
système somato-sensoriel (récepteurs musculaires, articulatoires et cutanés) ; 4) le système
auditif. Les systèmes visuels et auditifs ont des rôles plus prospectifs et anticipatoires alors
que les systèmes vestibulaires et somato-sensoriels sont plus mécaniques et fournissent de
l’information sur l’action en cours et sur d’éventuelles perturbations. En situation ordinaire,
ces quatre systèmes donnent une information redondante mais, en cas de conflit, certains
systèmes peuvent prendre le pas sur d’autres. Il semble que la locomotion et la posture soient
d’abord influencés par la vision et le système somato-sensoriel.
La perception du mouvement Gibson (1950) met déjà en évidence l’évolution que subit l’information visuelle lors du
déplacement de l’observateur. Lors d’un mouvement rectiligne les éléments du champ visuel
se déplacent dans le sens inverse de la direction de mouvement, c’est-à-dire en s’éloignant du
point de l’horizon vers lequel l’observateur se dirige. Ce point est appelé focus d’expansion.
Une variation de la position sur la rétine du focus d’expansion indique un changement de
direction de mouvement. En fait, on distingue trois flux (Cutting, Springer, Barren & Johnson,
1992), le flux rétinien correspondant à la totalité des éléments projetés sur la rétine,
relativement à la direction du regard (défilement de l’image sur la rétine) ; celui-ci se
compose de deux éléments :
1. Le flux optique proprement dit, découlant de la translation de l’observateur, on
peut y observer le focus d’expansion (donnant la direction de mouvement), et la
parallaxe de mouvement (les points se déplacent avec une amplitude inversement
proportionnelle à leur distance de l’observateur).
2. Le flux rotationnel résultant des rotations de l’observateur (lors d’un déplacement
non-rectiligne par exemple). Les mouvements de la tête et des yeux produisent
également ce type de flux, notamment lorsque le sujet ne regarde pas dans la
direction de son mouvement. Aucune information relative à la direction de
mouvement ou à la position en profondeur des éléments du champ n’est disponible
dans ce flux.
Flux rétinien = flux optique + flux rotationnel
2
Le heading et le wayfinding
Afin de se déplacer sans heurts dans un environnement encombré, l’humain doit être
rapidement à même de dire si son mouvement propre (le heading) le conduit vers un obstacle.
Il semble que le temps nécessaire à la détection d’une éventuelle collision ainsi qu’au
changement de direction consécutif soit d’un peu plus de 3 secondes. Vishton & Cutting
(1995) montre que pour satisfaire cette exigence, un observateur doit être capable de
distinguer deux tracés écartés de 3° seulement lorsqu’il se déplace à la vitesse d’un joggeur
(2.5 m/s) (0.6° en cas de sprint à 10 m/s). Diverses études ont été menées pour tenter de
découvrir les indices sur lesquels se base l’humain afin de déterminer la direction de son
mouvement (on parle alors d’une tâche de wayfinding). Bien entendu, plusieurs théories ont
été proposées mais la plus probable se base sur le mouvement des objets (et non pas sur le
mouvement global du flux) flux (Cutting, Springer, Barren & Johnson, 1992; Vishton &
Cutting, 1995; Cutting, 1996; Cutting, Vishton, Flückiger, Baumberger & Gerndt, 1997;
Cutting, Wang, Flückiger & Baumberger, 1999; Cutting, Alliprandini & Wang, 2000)
D’après Vishton & Cutting (1995), la capacité à trouver son chemin est meilleure lorsque le
déplacement de l’observateur est plus rapide. Ces auteurs montrent que cette différence de
performance est plutôt due à l’augmentation des déplacements relatifs des stimuli
environnementaux (consécutivement à l’augmentation de la vitesse), qu’à l’augmentation de
leurs vitesses relatives. La vitesse de l’observateur a cependant bien une influence (mais
indirecte) sur ses performances. Ces chercheurs proposent ensuite une théorie qui n’est plus
issue de l’estimation basée sur les vecteurs de déplacement de multiples éléments du flux
optique (Cutting, 1996; Cutting, Wang, Flückiger & Baumberger, 1999), mais basée sur le
déplacement de quelques objets spécifiques du flux rétinien ainsi que de la connaissance de la
profondeur relative de tous ces objets (Vishton & Cutting, 1995, Cutting & Vishton, 1995).
Cutting, Springer, Barren & Johnson (1992) s’intéressent en premier lieu à la parallaxe de
mouvement différentielle (DMP) qui semble être un indice pertinent pour le wayfinding. Un
sujet en déplacement peut trouver sa direction de mouvement en utilisant les informations
issues de la vitesse et du déplacement relatif des objets proches et lointains par rapport à son
point de fixation. Le sujet qui fixe un point et qui le poursuit du regard durant son
déplacement, verra les objets les plus proches (en deçà de son point de fixation) se déplacer
dans le sens opposé et plus rapidement que les objets lointains (qui se déplacent dans le même
sens que le sujet). Le heading est donc opposé au déplacement des objets les plus proches.
3
Ces mêmes auteurs montrent que dans des situations où les règles de la DMP sont violées, on
observe une chute des performances par rapport à celles où ces règles sont respectées. On peut
donc considérer que les observateurs en déplacement utilisent la DMP et que cette dernière est
un bon indicateur de performance dans une tâche de Wayfinding.
Puis, (Cutting, 1996; Cutting & al. 1997; Cutting, Wang, Flückiger & Baumberger 1999),
définissent plusieurs zones du champ visuel dans lesquelles les objets bougent de manière
identique sur la rétine.
Du côté droit de « l’axe du regard » et dans la partie proche de l’observateur, les objets
s’éloignent de l’axe en décélérant ; ce pattern spécifique, que Cutting nomme « outward
deceleration » (OD) s’explique par la dominance du champ du vecteur optique (extéroceptif,
induit par le mouvement de l’observateur) sur le champ rotationnel (induit par le mouvement
des yeux).
Toujours à droite de l’axe du regard, les objets plus lointains tendent à s’approcher de l’axe en
ralentissant ; ce pattern, « l’inward motion » (IM), naît de la dominance des vecteurs du flux
rotationnel sur le flux optique. On observe également l’IM dans la région gauche et à
proximité de l’axe de fixation. Les objets plus lointains (toujours à gauche de l’axe) sont,
quant à eux, dans une zone d’OD.
On voit que les objets proches et les objets lointains peuvent être tous deux soit en OD, soit en
IM. Il est à préciser qu’une connaissance de la profondeur de ces différents objets est requise
pour tirer parti de ces indices (ce qui n’était pas le cas pour la DMP). En outre, des objets
satisfaisant les règles de la DMP peuvent se situer soit en IM soit en OD; c’est pourquoi
l’information contenue dans la DMP peut être considérée comme étant orthogonale par
rapport à celle que recèlent l’OD et l’IM. Cutting et al. (1992) ré-analysent les données de
l’expérience et montrent que l’ajout de ces deux indices à la DMP permet d’expliquer
davantage de la performance des sujets (Cependant la DMP reste le meilleur indice, suivi de
l’IM, l’apport de l’OD restant quelque peu marginal).
4
Toutefois, dans un article ultérieur (Vishton et Cutting, 1995), ces indices sont quelque peu
révisés ; sur la base des résultats de leurs expériences, on s’aperçoit que ce n’est pas le flux
qui importe dans les tâches de wayfinding, mais plutôt les déplacements rétiniens d’objets
particuliers à partir de localisations particulières. La DMP et l’IM ne seraient pas des sources
d’information en elles-mêmes. Pour le Wayfinding, il serait plus idoine de parler de
« differential parallactic displacements » (DPD) : lors d’une poursuite oculaire, les objets
proches se déplacent sur une plus grande distance et dans la direction opposée à celle des
objets lointains. De même, il conviendrait de parler de « Inward Displacements » (ID) lorsque
dans la poursuite, seuls les objets lointains se déplacent lentement vers la fovéa.
Cutting (1996) introduit un autre indice : la direction de déplacement de l’objet le plus grand.
(DDLO). Lorsqu’un observateur se déplace dans un environnement “encombré”, un objet
plus proche (généralement plus grand et plus rapide sur la rétine) que l’objet de fixation se
déplacera sur la rétine dans la direction inverse du heading. Les résultats de Cutting (1996),
Cutting et al. (1997) et surtout Cutting, Wang, Flückiger & Baumberger (1999), semblent
montrer que le DDLO est un bon prédicteur des performances. Selon d’autres auteurs (Kim,
Growney & Turvey, 1996), il pourrait même être substitué à la DMP puisqu’il offre une très
bonne corrélation avec cette dernière (bien qu’il n’explique pas autant de variance).
Les indices actuellement mis en avant par Cutting, Alliprandini & Wang (2000) sont en
premier lieu le DDLO, suivi de l’IM et de l’OD. Il est également à noter que l’IM et l’OD,
lorsqu’ils sont utilisables donnent avec certitude la direction de heading, sans ambiguïté
possible (on les appelle des invariants) alors que DDLO, expliquant cependant plus de
variance, n’est pas lié avec le heading par une corrélation maximale, c’est pourquoi on parle
d’une heuristique. Une exploration active du sujet est importante pour la perception spatiale,
environnementale et plus particulièrement en situation réelle donc naturelle (Gibson, 1962 ;
Peruch, Vercher, et Gauthier, 1995).
Le couplage perceptivo-moteur
Pour une perception optimale de l’environnement, les systèmes visuel et moteur de l’individu
doivent pouvoir interagir. Dans une expérience classique portant sur le couplage visuo-
moteur, Held & Hein (1963) ont placé deux chatons en face au même environnement visuel ;
le premier en situation d’interaction motrice et le second n’en bénéficiant pas de cette
expérience.
5
Au cours de son développement, le premier animal a ainsi pu expérimenter les effets de
l’interaction entre ses propres déplacements et les flux visuels tandis que le second a reçu ces
informations par le biais de déplacements passifs. L’étude montre que le chat n’ayant pas
bénéficié de l’interaction visuo-motrice s’avère incapable d’éviter la collision avec les objets
de l’environnement lors de son déplacement dans l’espace. Une corrélation entre les
afférences visuelles et motrices doit s’opérer pour pouvoir se déplacer de façon adéquate.
Une expérience exercée en milieu virtuel menée par Peruch, Vercher, et Gautier (1995) porte
sur des sujets qui explorent un espace de manière active et d’autres de manière passive. Ils
devaient ensuite retrouver un objet donné par le chemin le plus court. Les sujets ayant pu
mener une exploration active montrent de meilleurs résultats que les sujets en exploration
dirigée. Une fois de plus, l’activité améliore la perception de l’environnement. Dans la même
lignée Lee et Lishman (1977) soulignent la pertinence de la perception induite par une
exploration active de l’environnement pour l’extraction d’informations invariantes et co-
variantes.
Ces diverses études ont mis en évidence le lien important entre le couplage perceptivo-moteur
et la perception visuelle. Ce lien n’a cependant été que peu exploré dans les tâches (plus
investiguées) de wayfinding : les études s’effectuent toujours à l’aide de simulations virtuelles
face auxquelles le sujet est plus ou moins passif et se contente de donner sa réponse. Si,
comme le disait Gibson et comme l’a rappelé Warren, la perception et l’action sont deux
éléments intrinsèquement liés, il peut sembler préjudiciable d’empêcher toute action du sujet
au cours d’expériences sur la perception. C’est pourquoi nous ré-investiguons ici ce domaine
de recherche en permettant cette fois aux sujets d’avoir un certain contrôle sur la scène qui
leur est présentée. Ainsi, nous pourrons rapprocher la simulation virtuelle d’une situation
certainement plus réelle et permettre d’approcher de plus près les mécanismes controversés
qui régissent la perception humaine.
Si le couplage visuo-moteur a une importance dans la perception de la direction du
déplacement propre, on peut s’attendre à ce que l’asservissement de la scène visuelle au
mouvement de l’observateur (aussi bien au niveau de la position latérale de sa tête que de sa
vitesse) influence directement les performances dans une tâche de wayfinding. D’autre part, si
on laisse au sujet l’opportunité d’être actif et de décider du moment de sa réponse, cela devrait
également influencer ses performances.
6
Méthode
Population :
19 sujets : 7 hommes et 12 femmes, âgés entre 21 et 37 ans (m=24,37, e-t=3.52). Parmi ceux-
ci ; 17 sujets sont étudiants en psychologie en année de licence, 2 sont étudiants en première
année en sciences économiques et sociales. Sur les 17 étudiants en psychologie, tous à
l’exception d’un seul, suivent les travaux pratiques, au cours desquels les diverses recherches
sur le wayfinding ont été présentées. Au total, 74% des sujets avaient déjà participé à ce type
d’expérience.
Variables indépendantes :
1° Asservissement de la position latérale de la tête (A):
- Aucun
- Normal
- Exagéré
2° Vitesse (F):
- Fixe
- Asservie
3° Durée de la séquence (C) :
- Fixe
- Libre (choix propre au sujet)
Notre plan est entièrement intra : A3*F2*C2 avec donc 12 conditions par séquence, soit un
total de 48 présentations pour les 4 séquences (patterns de position d’arbres) différentes.
Variable dépendante :
- Erreur d’ajustement entre le heading et la direction de l’arbre (en degrés).
7
Variables contrôlées et neutralisées
VN
• L’ordre de présentation des variables “asservissement de la position de la tête” et
“asservissement de la vitesse” ainsi que les 4 types de dispositions des arbres a été
déterminé aléatoirement par un programme informatique.
• L’ordre dans lequel les sujets passaient les deux modalités de la variable “durée de la
séquence” a été alterné.
VC
• Les deux parties étant identiques : les 24 séquences étaient composées par les modalités
des deux autres variables (asservissement de la vitesse et asservissement de la position de
la tête) : 2 X 3 X 4 (dispositions des arbres) = 24 séquences. La distribution des modalités
des variables se faisait de manière aléatoire à travers les items.
• Tous les sujets ont manié le joystick de la main droite (y compris les gauchers).
• Dans toutes les séquences, le heading de départ du sujet est écarté de 10 degrés du chemin
direct vers l’arbre central, tous les sujets commencent donc avec 10° d’erreur.
• Le départ de toutes les séquences se situe à 40m des arbres virtuels.
• La durée de toutes les séquences à durée fixe est de 24s. Il s’agit également de la durée
maximale de réponse dans la condition « durée libre ».
Hypothèses opérationnelles. Asservissement du regard : Plus le sujet contrôle son environnement visuel,
meilleures seront ses performances (plus les angles d’erreurs
d’ajustement seront faibles).
Taille de l’erreur : Aucun > Normal > Exagéré
Asservissement de la vitesse : Basé sur la même idée, plus le sujet peut contrôler son
déplacement (et donc ce qu’il voit), plus ses erreurs angulaires
seront faibles.
Taille de l’erreur : Non > Oui
8
Durée de la séquenceDurée de la séquence : Le sujet peut lui-même choisir le moment où il arrête sa
progression. De cette manière, il ne risque pas d’être surpris par
la fin de la séquence au moment même où il ajuste sa direction,
risquant alors d’ajouter de l’erreur. Les performances en termes
de taille de l’erreur d’ajustement seront donc meilleures lorsque
le sujet sera libre de donner sa réponse quand il le veut.
entrée
487 cm
63 cm
516 cm
518 cm
écran
266 cm
Sujet
Joystick
Système d'asservissement
Plan du laboratoire
entrée
487 cm
63 cm
516 cm
518 cm
écran
266 cm
Sujet
Joystick
Système d'asservissement
Plan du laboratoire
9
Taille de l’erreur : Fixe > Libre
Nous ne postulons pas d’interaction entre ces variables. Tous les facteurs étudiés peuvent
influencer indépendamment notre VD mais ils ne s’influencent pas les uns les autres.
Description du matériel : Un matériel relativement conséquent et
onéreux a été nécessaire pour cette
expérience puisque les séquences étaient
calculées en temps réel sur une console
silicon graphics en fonction des
informations provenant du joystick et du
casque d’asservissement (donnant à
chaque instant la position de la tête du
sujet grâce à un système d’ultrasons). La séquence en cours était projetée sur un écran géant
(1.55m * 2.17m). En outre, la simulation virtuelle était calculée pour le point de vue d’un
sujet ayant les yeux à 1.6m du sol et avec un angle de vue de 45° (Le sujet était donc placé à
4.24m de l’écran pour que son angle de vue corresponde à celui présenté). Le plan du
laboratoire ci-dessus permet d’avoir une bonne idée de la disposition des lieux.
Dispositif expérimental
-Asservissement de la position de la tête :
Un casque d’asservissement est placé sur la tête du sujet. Il est relié à un récepteur qui lui-
même est branché au dispositif informatique. Tout déplacement de la tête du sujet se répercute
sur la scène visuelle projetée à l’écran. Toutefois, pour que les déplacements de la tête
induisent un déplacement conséquent et perceptible sur la simulation visuelle, il faut que le
sujet déplace suffisamment sa tête latéralement.
9
- Vitesse de déplacement et durée de la séquence:
Le joystick est placé sur un support à droite du sujet qui se tient en station debout, face à
l’écran, à une distance de 4.24 m de celui-ci.
Pour avancer, dans les essais en condition « avec asservissement de la vitesse », le sujet doit
incliner le joystick. Les fonctions de recul et de réglage de la vitesse de déplacement du
joystick sont désactivées.
Un bouton interrupteur permet au sujet d’arrêter la séquence en cours (dans la condition durée
libre) ; l’ordinateur poursuit alors en présentant la séquence suivante.
- Items
Chaque séquence comprend cinq arbres (trois bruns, un blanc et un noir). Leur disposition
varie selon les essais ; toutefois, l’emplacement des trois arbres bruns (comprenant l’arbre
central) disposés en ligne demeure constant. Autour de cet alignement gravitent deux autres
arbres (un noir et un blanc). Quatre dispositions différentes furent créées (c.f. annexe A). Ces
quatre dispositions se distribuent équitablement sur les 48 séquences expérimentales.
La présentation de ces 48 séquences se déroule en deux blocs de 24 items selon les modalités
de la VI « durée de la séquence ». Entre chaque séquence, apparaît un message, sur fond noir,
indiquant le numéro de la séquence suivante. Les deux blocs se divisent de la manière
suivante :
1° dans le premier bloc, une durée de 24s. est imposée aux sujets. Au terme de ce laps de
temps, l’ordinateur interrompt la séquence et passe à la suivante.
2° dans le deuxième, la durée de la séquence dépend du sujet. Il a à sa disposition, sur le
joystick, un bouton permettant d’interrompre la séquence. Si le sujet n’a pas actionné ce
bouton dans un laps de 24s, la séquence s’interrompt d’elle-même.
10
Procédure :
Le sujet commence par lire la consigne de l’expérience (cf. annexe B). Pour tous les items, la
tâche du sujet reste la même : il doit se diriger vers l’arbre central (toujours situé au milieu de
l’écran) parmi les cinq arbres virtuels.
Il est ensuite introduit dans la salle d’expérimentation, lumières éteintes; il se positionne face
à l’écran. Le joystick est placé à sa droite, sur un support. On lui rappelle brièvement les
conditions d’utilisation du joystick
Le casque d’asservissement est placé sur la tête du sujet, il est réglé de manière à diriger au
mieux la partie émettrice face au dispositif récepteur.
La consigne est répétée oralement au sujet, des précisions lui sont apportées quant à
l’utilisation du casque d’asservissement ainsi que sur les conditions d’arrêt de la séquence. Le
sujet débute ensuite l’expérience par une série de 6 tests dans le but de se familiariser avec le
matériel ; cela nous permet de vérifier que le sujet parvient à se diriger dans l’univers virtuel.
Nous profitons de ces essais pour inciter les sujets à utiliser les différentes possibilités
d’asservissement. L’expérience proprement dite peut alors commencer.
A la fin de la passation, le sujet remplit un questionnaire sur lequel figurent, outre le numéro
du sujet et l’heure de passation, des questions quant à son aisance à manier le matériel et son
appréciation des différentes conditions expérimentales (cf. annexe C).
Récolte des données.
Les données informatisées sont enregistrées automatiquement. Pour chaque séquence, deux
fichiers sont produits (96 fichiers par sujet). Le premier contient les mouvements du joystick
tout au long de la séquence, le second prend en compte les déplacements latéraux de la tête au
cours du temps. De plus, pour chaque bloc de 24 séquences, un troisième fichier comprenant
l’erreur d’orientation finale du sujet dans chaque séquence est crée. Au total, nous avons 98
fichiers par sujet. Dans un premier temps, nous concentrons notre attention sur ces derniers
fichiers et donc uniquement sur les erreurs d’ajustement des sujets. Les données sont mises en
forme sous Excel pour permettre un traitement inférentiel sous SPSS.
11
Résultats A l’examen du tableau comportant les résultats bruts des sujets (annexe D). Nous avons
constaté de nombreuses valeurs extrêmes (certains sujets ayant donné des réponses pouvant
aller jusqu’à 173.3° d’erreur !). Puisque l’erreur de départ est de 10 degrés, les dépassant cette
valeur ajoutent de l’erreur. Ce qui laisse supposer que soit ils n’ont pas compris la tâche, soit
qu’ils n’ont pu la mettre en œuvre pour une séquence donnée. Nous avons donc choisi
d’éliminer tous les résultats supérieurs à 10 degrés.
Ensuite, (annexe E) nous avons calculé les médianes pour chacune des modalités de chaque
condition (à partir des 4 dispositions d’arbres existantes, pour chaque condition
expérimentale). A ce stade nous avons dû éliminer 7 sujets (1 homme et 6 femmes), pour
chacun desquels toutes les médianes ne pouvaient être calculées en raison d’un trop grand
nombre de données extrêmes (donc éliminées) dans leurs résultats. La nouvelle population
(nommée par la suite « sujets retenus») était composée de 12 étudiants (6 hommes et 6
femmes), âgés entre 21 et 37 ans (m=24.33 ; e-t=4.25). Signalons encore que 58% des sujets
restants avaient déjà participé à ce type d’expérience.
Effets principaux et interactions des variables indépendantes
Durée de la séquence
Au niveau descriptif, une différence
semble se profiler. En effet, la
différence entre les moyennes est
relativement importante (mFixe = 3.15 ;
mLibre = 3.76) malgré des écart-types
d’ une certaine taille (e-tFixe = 1.93; e-
tLibre = 1.94). On remarque que c’est
dans les situations où la durée de la
séquence n’est pas choisie par le sujet que les performances, en terme de taille de l’erreur sont
les meilleures.
Erreur de réponse moyenne selon la durée de la séquence
0
2
4
6
Fixe Libre
Durée de la séquence
Erre
ur m
oyen
ne (°
)
D’un point de vue inférentiel, l’ANOVA à mesures répétées montre un effet significatif
(F(1,11) = 4.83 ; p =0.05). On obtient bien un effet du choix de la durée de la séquence sur les
performances du sujet. Les résultats complets sont disponibles en annexe F.
12
Asservissement de la position de la tête et de la vitesse
L’effet de ces deux variables n’a pas pu être démontré au niveau inférentiel. L’ANOVA à
mesures répétées (multivariate test) indique un effet non-significatif pour l’asservissement de
la position de la tête: F (2,22) = 4.83 ; p = 0.97, comme pour l’asservissement de la vitesse :
F(1,11) = 0.04 ; p = 0.95. Ces deux variables n’ont donc aucun effet sur les performances du
sujet.
Interactions
A ce niveau, aucune interaction n’est significative mais nous pouvons néanmoins remarquer
quelques tendances que nous jugeons intéressantes.
L’interaction entre l’asservissement de la
vitesse et la durée de la séquence nous
révèle que bien que les sujets soient
toujours meilleurs en condition « durée de
séquence fixe », cette variable différencie
encore moins les sujets lorsque la position
de la tête est asservie que lorsqu’elle ne
l’est pas. Les résultats sont moins bons lorsque la durée est libre et sont meilleurs lorsqu’elle
est fixe et ce de façon plus marquée lorsqu’il n’y a aucun asservissement de la vitesse. Mais
rappelons-le, cette interaction n’est pas significative (F(1,11) = 1.041, p = 0.329).
Interaction entre l'asservissement de la vitesse et la durée de la séquence
22,5
33,5
44,5
Non Oui
asservissement de la vitesse
Erre
ur m
oyen
ne (°
)
Fixe
Libre
D’autre part, l’interaction (toujours non
significative : F (2,22)= .77 ; p = 0.49)
entre l’asservissement de la position de la
tête et la durée de la séquence suggère
néanmoins que les sujets sont
systématiquement meilleurs lorsque la
durée de la séquence est fixe par rapport à
la condition « durée libre ». La différence
de performance est toutefois moins importante pour les conditions d’asservissement de la
position de la tête « normal » et « exagéré » que pour la condition « aucun asservissement ».
mo
Interaction entre l'asservissement de la tête et la durée de la séquence
22,5
33,5
44,5
Aucun Normal Exagéré
Asservissement de la position de la tête
Erre
urye
nne
(°)
Fixe
Libre
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Résultats du questionnaire Grâce au questionnaire distribué aux sujets en fin d’expérience (annexe C), nous avons pu
recueillir les impressions « à chaud » des sujets, ainsi que quelques indications sur leur
habitude quant à ce type d’expérience ou encore, comme nous allons le voir, quant à
l’utilisation d’un joystick :
Fréquence d'utilisation d'un joystick chez les sujets retenus
Jamais84%
Parfois0%
Souvent8%
Un peu8%
Fréquence d'utilisation d'un joystick chez les sujets éliminés
Un peu0%
Souvent0%
Parfois14%
Jamais86%
La grande majorité des sujets ont déclaré ne jamais utiliser de joystick. 85% des sujets n’étant
pas familier avec ce type d’appareil. En réalité seuls 2 sujets parmi ceux qui ont été retenus en
utilisaient plus fréquemment. Il n’y a pas réellement de différence entre les sujets ayant
obtenu des résultats satisfaisants et les autres.
Le choix de la durée de la séquence
Préférence de condition de durée de la séquence chez les sujets retenus
Durée libre92%
Durée f ixe8%
Sans avis0%
Préférence de condition de durée de la séquence chez les sujets éliminés
Durée f ixe14%
Sans avis29%
Durée libre57%
Un autre résultat intéressant est que les sujets semblent avoir largement préféré les séquences
dans lesquelles ils pouvaient définir eux-mêmes le moment de donner leur réponse et passer à
la suite, sans devoir attendre la fin de la séquence.
N.B. les réponses « Sans avis » correspondent à des réponses de sujets n’arrivant pas à se
décider. Les sujets éliminés ont, pour certains (2 sujets), eu plus de peine à se décider.
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Asservissement de la position de la tête
Utilisation de la possibilité d'asservissement de la position de la tête
chez les sujets retenus
Jamais 50%Un peu
33%
Parfois17%
Toujours0%
Utilisation de la possibilité d'asservissement de la position de la tête
chez les sujets éliminés
Un peu71%
Jamais 29%
Parfois0%
Toujours0%
Les sujets utilisent peu ou prou les mouvements de leur tête pour changer leur perception de
l’espace en mouvement. Remarquons également que les sujets éliminés indiquent plus
souvent avoir un peu utilisé cet asservissement. Les meilleurs sujets affirment quant à eux
n’avoir pas eu recours au dispositif.
L’asservissement de la vitesse
Utilisation de l'asservissement de la vitesse chez les sujets conservés
Parfois42%
Toujours50%
Un peu0%
Jamais 8%
Utilisation de l'asservissement de la vitesse chez les sujets éliminés
Parfois57%
Toujours29%
Jamais 0% Un peu
14%
Il semble évident que tout le monde ait, tant soit peu, utilisé cet asservissement, sinon auquel
cas, le mouvement aurait été nul. Mais il est impossible de dire si les sujets ont fait varier leur
vitesse au cours du temps ou s’ils ont utilisé le joystick pour avancer. Les réponses varient
cependant entre les « bons » et les « mauvais » sujets, ces derniers semblent plus modérés
quant à leur utilisation du joystick pour avancer.
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Discussion Récapitulons donc : le seul résultat statistiquement significatif est l’effet simple de la durée de
la séquence. Les sujets sont en effet plus précis lorsqu’ils ne peuvent pas décider de la fin de
la séquence que lorsque c’est le cas. Cependant, ces résultats vont dans le sens inverse de
notre troisième hypothèse opérationnelle qui prédisait que les sujets feraient des erreurs
d’ajustement plus faibles lorsqu’ils sont maîtres de la durée de la séquence. Il semble donc
qu’il s’agisse du contraire.
Ainsi, tous les résultats expérimentaux vont dans le sens contraire de nos hypothèses
théoriques et rejettent donc la thèse de l’importance du couplage visuo-proprioceptif (Berthoz,
1997 ; Warren, 1995). Comme nous l’avons vu, les sujets obtiennent des résultats équivalents
qu’ils puissent utiliser des indices liés à leur mouvement ou non. L’apport du mouvement
pour une bonne perception est donc nul. Ces premières considérations nous mènent à penser à
une théorie de la perception du heading basée uniquement sur les flux visuels et non sur des
indices à la fois visuels et proprioceptifs. Nous nous positionnerions dans la lignée de Gibson
(1950, 1979) et de Cutting (1999). Néanmoins, comme nous allons le voir plus en détail, les
résultats ne mènent pas forcément à des conclusions aussi claires.
Le contrôle de la durée de la séquence Contrairement à notre hypothèse le contrôle de cette durée induit des résultats inférieurs aux
conditions à durée fixe. Une tentative d’explication serait que comme tous les sujets
commencent à une grande distance des arbres, identique dans toutes les séquences (40m), La
nécessité pour le système cognitif d’évaluer une éventuelle collision n’est alors pas critique.
La vitesse du sujet n’est pas assez importante pour que, s’il continue ainsi, il risque de rentrer
dans un obstacle sans pouvoir l’éviter à temps. Vishton & Cutting (1995) ont souligné que le
temps nécessaire à la détection d’une collision est d’environ 3 secondes ; nos séquences
avaient une durée maximum de 24s. On peut donc penser que tant que le sujet n’est pas assez
près de l’arbre-cible (i.e. tant qu’il n’est pas à moins de 3 secondes de lui), le système cognitif
n’est pas très efficace pour déterminer si oui ou non il y aura collision (pour déterminer si le
heading est le même que la direction de l’arbre). Ce fait explicité, on peut alors admettre que
les sujets en condition « durée fixe », et qui s’avancent donc beaucoup plus près des arbres,
auront d’une part (1) plus de temps pour ré-évaluer et corriger leur heading (malgré le fait que
les sujets répondaient quand ils le voulaient – et non pas au plus vite - ; le but implicite est de
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faire un compromis entre la qualité de la réponse et le temps qu’on y investit). D’autre part
(2), ils bénéficieront de plus d’amplitude de mouvement des divers indices cités par Cutting,
Alliprandini et Wang (2000) et ce durant plus longtemps. Enfin, (3) ils arriveront toujours
dans la zone temporelle des 3 secondes avant le contact, zone dans laquelle il est essentiel de
déterminer s’il y aura collision, zone donc dans laquelle on peut s’attendre à ce que le système
perceptif soit le plus efficace.
Notons encore que dans les réponses au questionnaire, les sujets ont, avec une grande
majorité, préféré la condition de « durée libre » (92% des sujets retenus). Il s’agissait pourtant
de la condition dans laquelle leurs résultats étaient les moins bons. Il nous semble difficile
d’expliquer cette préférence autrement que par l’aspect plus actif de ces conditions, moins
répétitives et donc plus ludiques. De plus le fait que des sujets aient pu vouloir écourter la
passation plaide également en faveur de ce type de réponse ; la condition leur permettant
d’avancer rapidement, des sujets ont pu la préférer. Cela expliquerait également la précision
moindre des sujets dans cette condition.
Les autres possibilités d’asservissement L’effet des deux autres variables (asservissement de la position de la tête et asservissement de
la vitesse) sur la précision des réponses d’ajustement n’a pas pu être démontrée. La possibilité
d’agir, par son action propre, sur sa perception, ne semble, une fois encore pas améliorer la
capacité de heading d’un sujet. Cependant, on peut émettre plusieurs réserves quant à la
validité de ce résultat (ou plutôt de cette absence de résultat).
1. Comme le déplacement des sujets n’était pas actif (au sens locomoteur), il est possible que
cela les ait retenus, ou en tout cas dérangés, de se pencher à droite ou à gauche comme ils
l’auraient fait à pied.
2. Les sujets étaient asservis avec du matériel qu’ils n’avaient pas l’habitude d’utiliser (si
84% des sujets n’utilisaient jamais de joystick, que dire d’un dispositif d’asservissement
de la position de la tête !). Bien que nous nous assurions que le sujet avait bien compris ce
qu’il pouvait faire, et malgré les essais effectués avant la passation proprement dite,
l’interaction du sujet avec les instruments restait prudente et mesurée. Plus d’entraînement
(bien que cela eût difficilement conduit à une automatisation, qui ne reflèterait d’ailleurs
plus forcément le comportement du sujet en milieu réel), ainsi qu’un meilleur calibrage du
dispositif pourraient certainement améliorer les performances.
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3. Lorsque les sujets tentaient de bouger la tête, ils accompagnaient souvent ce mouvement
par un geste du poignet qui faisait dériver le joystick. Le calibrage de ce dernier étant
relativement « fort » un petit mouvement du poignet pouvait produire un grand
déplacement de la direction de heading. Le sujet était alors perdu ne sachant pas vraiment
à quoi imputer le changement de la scène visuelle (mouvement de la tête ou du joystick).
Devant être précis et rapides (surtout dans les conditions de durée libre), les sujets ne
s’encombraient pas d’essais risquant d’ajouter de l’erreur dans un dispositif qu’ils avaient
déjà de la peine à appréhender. En outre, le sujet ne connaissait pas à l’avance la modalité
des variables (asservissement de la tête et/ou de la vitesse); il lui aurait donc été
nécessaire, à chaque item, de faire un essai pour remarquer la présence ou l’absence de
l’asservissement, avec les conséquences que cela peut avoir pour ses performances.
4. Enfin, et surtout, les sujets n’utilisaient tout simplement pas les possibilités
d’asservissement ! On peut le voir dans le questionnaire : 50% des sujets n’utilisaient
jamais l’asservissement de la tête, 33% « un peu ». En ce qui concerne l’asservissement de
la vitesse, les sujets l’utilisaient peu, dans le sens qu’ils changeaient peu leur vitesse
pendant les séquences. Ce n’est pas ce qu’on peut voir dans les questionnaires (50% de
réponses « toujours » et 42% « parfois ») ; mais d’après nos observations et nos questions,
les sujets n’utilisaient pas vraiment l’asservissement puisqu’ils ne changeaient pas leur
vitesse de déplacement au cours du temps. Ils poussaient simplement le joystick au
maximum et se contentaient de gérer leur direction de mouvement sur l’axe gauche-droite.
Sachant que la vitesse maximum (celle qu’on atteint en poussant le joystick au
maximum), n’est que très légèrement supérieure à celle utilisée « par défaut » dans la
condition sans asservissement de la vitesse. On peut alors comprendre qu’aucune
différence significative ne soit observable puisque la vitesse des sujets ainsi que la
position latérale de leur tête étaient à peu de choses près toujours semblables. On pourrait
donc considérer que l’absence de résultats significatifs entre les diverses modalités
d’asservissement, n’est pas due aux variable, mais au fait que les sujets n’ont jamais
utilisé le dispositif : ils agissaient comme s’ils n’avaient aucune possibilité d’action !
A l’appui de cette hypothèse, les résultats descriptifs des interactions entre les deux types
d’asservissement et la durée de la séquence (prises deux à deux) semblent indiquer que les
séquences les plus pauvres (sans possibilités d’asservissement ni de durée de la séquence) ont
des résultats légèrement meilleurs que dans les autres conditions. Les possibilités d’action,
peu utilisées nous l’avons vu, induiraient donc plus facilement des erreurs (elles ajouteraient
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de l’information inutilisable dans la présentation visuelle). De manière générale, les sujets
étaient meilleurs lorsqu’ils ne pouvaient pas avoir d’influence sur la scène visuelle ; ils
faisaient donc en sorte de ne pas en avoir (ils n’utilisaient pas les dispositifs).
Sources d’erreurs des sujets A un niveau plus général, le questionnaire ne nous a pas vraiment permis de remarquer de
grandes différences entre les sujets éliminés et ceux que nous avons retenus, a part peut-être la
légère différence confessée d’utilisation de l’asservissement de la position de la tête. Les
sujets éliminés semblent l’avoir plus utilisé, cela leur aurait-il porté préjudice ? Il s’agit
cependant des réponses subjectives des sujets ; si nous voulions obtenir une mesure objective
de leur utilisation des possibilités d’asservissement, nous devrions encore analyser les 96
fichiers restant par sujet pour déterminer comment ceux-ci bougeaient la tête et le joystick au
cours du temps et des séquences. Toutefois, selon nos propres observations et d’après les
témoignages des sujets, les possibilités d’asservissement n’ont, pour ainsi dire, jamais été
utilisées ; nous y renonçons donc.
Une question demeure, comment est-il possible que les sujets aient obtenu de si faibles
performances ? Chaque sujet a eu au moins une réponse « extrême », supérieure à dix degrés
(c’est-à-dire qu’il a rajouté de l’erreur, au lieu de la corriger). Nous pouvons proposer
quelques explications :
L’aspect matériel : comme mentionné auparavant, le joystick ne bénéficiait pas d’un calibrage
idéal ; la moindre poussée conduisait à un écart latéral relativement important. Ainsi, les
sujets se sentaient déstabilisés, d’autant plus qu’un déplacement latéral extrême pouvait
parfois induire chez certains sujets une impression de recul.
La tâche était-elle trop difficile ? ; par rapport aux paradigmes habituellement utilisés dans le
laboratoire, nous avons doublé la distance que devait parcourir le sujet, sans pour autant
augmenter la vitesse. Les angles à discriminer, pour une tâche de wayfinding, sont alors
nettement plus réduits. Peut-être que les capacités perceptives des sujets étaient dépassées ;
ceci est à mettre en rapport avec le manque de performances dans la condition « durée libre ».
Enfin, les sujets ont-ils besoin d’un couplage perceptivo-moteur pour mener à bien une telle
tâche ou ce couplage ajoute-t-il du bruit dans la perception du sujet, devenant ainsi source
d’erreurs ?
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Conclusion Comme nous avons pu le remarquer, cette expérience a soulevé de nombreux problèmes
quant à son exécution. Nous n’avons observé qu’un seul résultat significatif : l’effet principal
de la durée de la séquence mais ce, dans le sens contraire à nos attentes, c’est lorsque la durée
de la séquence était fixe que les sujets réussissaient le mieux. Nous expliquons ceci par le fait
qu’en durée fixe, les sujets s’approchaient de plus près des arbres et bénéficiaient donc
d’informations plus précises. Nous pourrions donc proposer une nouvelle étude proposant des
séquences débutant à diverses distances du groupe d’arbres, et non à une distance constante
comme ici.
De plus, les sujets ne maîtrisaient pas le joystick qui n’était d’ailleurs pas calibré de façon
adéquate. Les sujets étaient également peu prompts à utiliser les possibilités d’asservissement.
Ces faits sont certainement dus au manque de maîtrise du matériel. Nous proposons donc de
retenter la même expérience en introduisant un nombre de séquences d’essais plus
conséquent. Il serait également souhaitable d’indiquer au sujet à chaque séquence quelles sont
ses possibilités d’action. Il serait également possible de diviser cette expérience en deux
autres plus simples dans lesquelles les sujets ne devraient manipuler qu’un seul type
d’asservissement à la fois.
Les divers résultats non-significatifs tendent à montrer que l’information motrice est non-
pertinente voire génératrice d’erreurs. Cependant, nous restons prudents, suite au caractère
discutable du dispositif expérimental (vitesse réduite et calibrage inapproprié), avant de
conclure à l’utilité exclusive de l’information visuelle dans une tâche de wayfinding.
20
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21