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7 actualités Actualités pharmaceutiques n° 514 Mars 2012 Pour amorcer la rémunération des nouvelles missions officinales à l’acte et la dispensation à l’honoraire, les syndicats FSPF et USPO ont choisi deux stratégies différentes face à un seul scénario des caisses d’assurance maladie : la baisse de la marge commerciale. L a fumée blanche de la nouvelle convention sortira-t-elle, le 28 mars, de la cheminée du conclave des négociations ? Destinée à établir, pour 5 ans, les relations des pharmaciens d’officine et de leurs syndicats (Fédé- ration des syndicats pharma- ceutiques de France ou FSPF, Union des syndicats de phar- maciens d’officine ou USPO, Union nationale des pharma- cies de France ou UNPF) avec l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (Uncam) et le réseau des cent caisses primaires d’Assurance mala- die (Cpam), la question devient aussi aiguë qu’est lourde la mutation de l’exercice offici- nal à réaliser. Les caisses ont planifié sept séances portant sur des thématiques visant à mettre progressivement le cap vers la rémunération aux hono- raires (25 % à l’horizon 2017) initiée par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2012 (article 74) et les nouvelles missions de la loi Hôpital, patients, santé et terri- toires (HPST) 1 . Un agenda aussi express est-il tenable ? Un véritable marathon Le marathon conventionnel a débuté le 7 février dernier par un cadrage macro-économique et la rémunération à la perfor- mance (générique et indicateurs de qualité) et s’est poursuivi le 14 avec la marge officinale et la dispensation, suivi, le 22, des nouvelles missions du pharma- cien et de la restructuration du réseau officinal. Les négocia- teurs ont repris le 7 mars les discussions sur la rémunération à la performance et le 14 mars, sur les marges, la dispensation, et les nouvelles missions. Puis ils ont abordé la dématérialisa- tion des échanges, la mise à jour 1.40 du logiciel Sesam-Vitale ® , les télés services et la taxation des feuilles de soins papier (FSP). La séance du 21 mars traiterait des instances paritai- res et des astreintes tandis que le 28 du même mois se boucle- raient les derniers points. « On se moque de nous avec ce calendrier qui n’est pas tenable. Car il ne donne pas à la réforme les moyens de ses ambitions » a lancé Gilles Bonnefond (USPO), le 21 février lors de la présentation du trimestriel de son syndicat Officines avenir. La fin du quinquennat embolise les possibilités réglementaires du gouvernement sur le départ. Or, avec la tournure prise par la négociation, il semblerait que le besoin d’arbitrage ministériel puisse se faire sentir. Les caisses ont quelque peu refroidi l’ambiance, le 14 février, en émettant comme seule hypo- thèse des baisses de marge dégressive lissée pour 2013. Leur simulation cible la première tranche des médicaments, ceux qui, vendus à un prix inférieur à 22,90 euros, sont soumis au taux de marge de 26,1 %. Le scéna- rio envisage quatre réductions : au taux de 25,4 %, il produirait une diminution de marge de 110 millions d’euros (0,7 %), au taux de 24,7 %, la décrue serait de 210 millions d’euros (1,4 %), à 24 %, il plongerait de 310 millions d’euros (2,1 %) et à 23,3 %, de 420 millions d’euros (2,8 %). Un scénario dur à avaler alors que les baisses des prix sur les princeps et les génériques amputeront déjà, cette année, la marge commerciale sur la vente des boîtes remboursées de 500 millions d’euros. Quelques jours pour se déterminer Avec de telles hypothèses la Cnamts « met la profession sur un tapis roulant en pleine descente aux enfers et procède au tir au pigeon » déplore-t-on à l’USPO. Que la réforme de la rémunération crée des distor- sions apparaît inévitable aux yeux de Philippe Besset (FSPF). Dès lors que les écarts restent raisonnables « l’ensemble des pharmaciens est prêt à les assu- mer tant ils sont convaincus qu’ils doivent, pour leur avenir, mettre leur rôle économique en adéquation avec celui d’acteur de santé publique ». La FSPF a conçu un outil de modélisa- tion prompt à surveiller, officine par officine, toute modification intempestive. Se voulant ainsi prête au transfert, à terme, du quart de la rémunération totale de l’officine vers l’honoraire conventionnel, la FSPF estime que pour le rendre signifi- catif dès 2013, ce sont 500 à 700 millions d’euros (10 à 13 % de la rémunération) qu’il est nécessaire d’investir dans l’opération. Moyennant cela, il souhaite la modification de l’arrêté de marge correspon- dant, là où Gilles Bonnefond n’attend de ce dernier qu’il ne concerne que les grands condi- tionnements. Si FSPF et USPO se rejoignent pour plébisciter l’essor des génériques, l’USPO table sur les 200 à 300 millions d’euros que leur relance devrait générer pour « démarrer la machine » sans toucher à la marge. « Cela suffit de se priver d’un mécanisme économique qui ne fait perdre ni de la qualité aux patients ni baisser le taux de remboursement. Revenons au taux de 83 % de générique » plaide Gilles Bonnefond. Serge Benaderette Journaliste, Paris (75) [email protected] Négociations conventionnelles Le casse-tête du financement des honoraires Note 1. Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. JORF du 22 juillet 2009. www.legifrance. gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFT EXT000020879475&categorieLien=id a a a

Le casse-tête du financement des honoraires

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7 actualités

Actualités pharmaceutiques n° 514 Mars 2012

Pour amorcer

la rémunération

des nouvelles missions

officinales à l’acte

et la dispensation

à l’honoraire,

les syndicats FSPF et

USPO ont choisi deux

stratégies différentes

face à un seul scénario

des caisses d’assurance

maladie : la baisse de

la marge commerciale.

La fumée blanche de la nouvelle convention sorti ra-t- el le, le 28 mars,

de la cheminée du conclave des négociations ? Destinée à établir, pour 5 ans, les relations des pharmaciens d’officine et de leurs syndicats (Fédé-ration des syndicats pharma-ceutiques de France ou FSPF, Union des syndi cats de phar-maciens d’offi ci ne ou USPO, Union nationale des pharma-cies de France ou UNPF) avec l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (Uncam) et le réseau des cent caisses primai res d’Assurance mala-die (Cpam), la question devient aussi aiguë qu’est lourde la mutation de l’exercice offici-nal à réaliser. Les caisses ont plani fié sept séances portant sur des thématiques visant à mettre progressivement le cap vers la rémunération aux hono-raires (25 % à l’horizon 2017) initiée par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2012 (article 74) et les nouvelles missions de la loi

Hôpital, patients, santé et terri-toires (HPST)1. Un agenda aussi express est-il tenable ?

Un véritable marathon Le marathon conventionnel a débuté le 7 février dernier par un cadrage macro-économique et la rémunération à la perfor-mance (générique et indicateurs de qualité) et s’est poursuivi le 14 avec la marge officinale et la dispensation, suivi, le 22, des nouvelles missions du pharma-cien et de la restructuration du réseau officinal. Les négocia-teurs ont repris le 7 mars les discussions sur la rémunération à la performance et le 14 mars, sur les marges, la dispensation, et les nouvelles missions. Puis ils ont abordé la dématérialisa-tion des échanges, la mise à jour 1.40 du logiciel Sesam-Vitale®, les télés services et la taxation des feuilles de soins papier (FSP). La séance du 21 mars traiterait des instances paritai-res et des astreintes tandis que le 28 du même mois se boucle-raient les derniers points.« On se moque de nous avec ce calendrier qui n’est pas tenable. Car il ne donne pas à la réforme les moyens de ses ambitions » a lancé Gilles Bonnefond (USPO), le 21 février lors de la présentation du trimestriel de son syndicat Officines avenir.La fin du quinquennat embolise les possibilités réglementaires du gouvernement sur le départ. Or, avec la tournure prise par la négociation, il semblerait que le besoin d’arbitrage ministériel puisse se faire sentir. Les caisses ont quelque peu refroidi l’ambiance, le 14 février, en émettant comme seule hypo-

thèse des baisses de marge dégressive lissée pour 2013. Leur simulation cible la première tranche des médicaments, ceux qui, vendus à un prix inférieur à 22,90 euros, sont soumis au taux de marge de 26,1 %. Le scéna-rio envisage quatre réductions : au taux de 25,4 %, il produirait une diminution de marge de 110 millions d’euros (0,7 %), au taux de 24,7 %, la décrue serait de 210 millions d’euros (1,4 %), à 24 %, il plongerait de 310 millions d’euros (2,1 %) et à 23,3 %, de 420 millions d’euros (2,8 %).Un scénario dur à avaler alors que les baisses des prix sur les princeps et les génériques amputeront déjà, cette année, la marge commerciale sur la vente des boîtes remboursées de 500 millions d’euros.

Quelques jours pour se déterminer Avec de telles hypothèses la Cnamts « met la profession sur un tapis roulant en pleine descen te aux enfers et procède au tir au pigeon » déplore-t-on à l’USPO. Que la réforme de la rémunération crée des distor-sions apparaît inévitable aux yeux de Philippe Besset (FSPF). Dès lors que les écarts restent raisonnables « l’ensemble des pharmaciens est prêt à les assu-mer tant ils sont convaincus qu’ils doivent, pour leur avenir, mettre leur rôle économique en adéquation avec celui d’acteur

de santé publique ». La FSPF a conçu un outil de modélisa-tion prompt à surveiller, officine par officine, toute modification intempestive. Se voulant ainsi prête au transfert, à terme, du quart de la rémunération totale de l’officine vers l’honoraire conventionnel, la FSPF estime que pour le rendre signifi-catif dès 2013, ce sont 500 à 700 millions d’euros (10 à 13 % de la rémunération) qu’il est nécessaire d’investir dans l’opération. Moyennant cela, il souhaite la modification de l’arrêté de marge correspon-dant, là où Gilles Bonnefond n’attend de ce dernier qu’il ne concerne que les grands condi-tionnements. Si FSPF et USPO se rejoignent pour plébisciter l’essor des génériques, l’USPO table sur les 200 à 300 millions d’euros que leur relance devrait générer pour « démarrer la machine » sans toucher à la marge. « Cela suffit de se priver d’un mécanisme économique qui ne fait perdre ni de la qualité aux patients ni baisser le taux de remboursement. Revenons au taux de 83 % de générique » plaide Gilles Bonnefond. �

Serge Benaderette

Journaliste, Paris (75)

[email protected]

Négociations conventionnelles

Le casse-tête du financement

des honoraires

Note1. Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009

portant réforme de l’hôpital et relative

aux patients, à la santé et aux territoires.

JORF du 22 juillet 2009. www.legifrance.

gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFT

EXT000020879475&categorieLien=id

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