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dossier pédagogique pour aider à étudier en classe LE CONTE DE L’ÉCOLE Machado de Assis dossier réalisé par Pierre Sève maître de conférences, ESPE clermont-auvergne université blaise-pascal (clermont ii) Camille Gargne professeur des écoles, académie de clermont-ferrand avec l’aide de Stéphanie Boudet professeur des écoles, académie de clermont-ferrand Josiane Morel formatrice, ESPE clermont-auvergne Saulo Neiva professeur des universités, université blaise-pascal (clermont ii) Marie Pellegry professeur des écoles, académie de clermont-ferrand

LE CONTE DE L’ÉCOLE · L’empereur Pierre Ier, à la suite de plusieurs années de conflits avec les libéraux, a abdiqué en 1831 et c’est son fils Pierre II qui lui succède

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LE CONTE DE L’ÉCOLEMachado de Assis

dossier réalisé parPierre Sève

maître de conférences, ESPE clermont-auvergneuniversité blaise-pascal (clermont ii)

Camille Gargneprofesseur des écoles, académie de clermont-ferrand

avec l’aide de Stéphanie Boudet professeur des écoles, académie de clermont-ferrand

Josiane Morel formatrice, ESPE clermont-auvergneSaulo Neiva professeur des universités, université blaise-pascal (clermont ii)

Marie Pellegry professeur des écoles, académie de clermont-ferrand

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Remerciements aux élèves de l’école Aristide Briand (Clermont-Ferrand) et des écoles de Chanat-l’Étang et de Saint-Éloy-les-Mines, qui nous ont accueilli dans leur classe et qui nous ont donné accès à leur lecture.

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Sommaire

Présentation de l’œuvre 5 Les contextes 5 Contexte historique de l’intrigue 6 Contexte historique de l’écriture 6 Résumé de l’intrigue 7 Remarque sur le titre 7 Une œuvre au carrefour de plusieurs enjeux

Les difficultés de compréhension prévisibles10 Les réalités de l’école au xixe siècle 10 La complexité de la langue 12 La construction des personnages 12 La polyphonie du texte

Construire l’ensemble d’une séquence16 Les objectifs 16 Un découpage possible 17 Tenir en mémoire le texte déjà découvert

Initier une dynamique de lecture

20 Le recours à des anticipations 21 Le symbole du cerf-volant 22 Les illustrations 24 La traduction

26 Mise en réseau

L’évaluation29 La citation parlante 29 L’anthologie 30 Le résumé différé 31 Les évocations

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35 ANNEXES

36 Quelques illustrations

39 Exemples de fiches de préparation

47 Document pour comprendre l’école au xixe siècle 47 L’école au xixe siècle47 Comment étaient les écoles au xixe siècle ? 48 Les bâtiments scolaires48 Les châtiments corporels à l’école

51 Textes pour une mise en réseau

57 Quelques commentaires critiques

59 Pour aller plus loin

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PRÉSENTATION DE L’ŒUVRE

les contextes

Joaquim Maria Machado de Assis (1839-1908) est né et mort à Rio de Janeiro, d’un père noir descendant d’esclaves et d’une mère portugaise. Il a été typographe à l’Imprimerie nationale, journaliste, puis fonctionnaire et, à la fin de sa vie, occupait des postes assez importants dans la fonction publique. Il a appris le français et l’anglais. Les œuvres qu’il publie dans ses temps de loisirs font de lui le plus grand auteur brésilien du xixe siècle. En 1897, il crée l’Académie Brésilienne des Lettres.

Auteur prolifique, au regard ironique et désabusé, il se plaît à déjouer les apparences des faits et débusquer la folie. La société de Rio fin de xixe siècle apparaît sur fond d’absurde.

Ses œuvres les plus connues sont L’Aliéniste 1 et les Mémoires posthumes de Brás Cubas 2.

contexte historique de l’intrigue

L’histoire se passe en mai 1840. À cette époque, le Brésil est un empire indépendant du Portugal depuis 1822.

L’empereur Pierre Ier, à la suite de plusieurs années de conflits avec les libéraux, a abdiqué en 1831 et c’est son fils Pierre II qui lui succède. Comme il est alors âgé de 5 ans, c’est un régime de Régence qui est mis en place. Mais les tensions entre les partis libéral et conservateur d’une part, les ten-tations sécessionnistes de plusieurs régions d’autre part menacent la cohé-sion du pays. Il est alors décidé d’abaisser l’âge de la majorité du très jeune empereur, qui est finalement couronné en 1841 et prend le pouvoir en 1845.

En 1840, le pays est donc en pleine crise politique. Si le maître Policarpo lit les journaux avec passion, c’est sans doute qu’il y est donné à lire des enjeux nombreux et cruciaux pour l’avenir du Brésil.

1 L’Aliéniste, trad. Maryvonne Lapouge-Pettorelli, Paris, Métailié, 2012.2 Mémoires posthumes de Brás Cubas, trad. R. Chadelec de Lavalade, Paris, Métailié, 2000.

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Contexte historique de l’écriture

Le Conte de l’école3 paraît dans le recueil Várias Histórias 4, en 1896. À cette époque, Machado de Assis est parvenu à s’élever dans la hiérarchie sociale, il mène une vie de couple paisible et il jouit d’une solide réputation d’écrivain. L’année suivante, en 1897, il va fonder l’Académie Brésilienne des Lettres, dont il sera le premier président.

Quoique libéral, il porte sur la société et sur les débats politiques qui ani-ment alors le Brésil un regard très distancié, pour ne pas dire désabusé et parfois cynique.

Résumé de l’intrigue

Pilar, un garçon d’une dizaine d’années, espiègle et rêveur, renonce à faire l’école buissonnière et décide de passer sa matinée en classe.

Il retrouve son voisin de table, Raimundo, qui est le fils du maître. Raimundo est un élève lent d’esprit, qui peine à assimiler les leçons. Mais il craint beaucoup son père qui montre envers lui plus de sévérité qu’envers les autres élèves. Ce jour-là, Raimundo n’a pas compris la leçon de gram-maire et il demande à Pilar que celui-ci lui donne des explications supplé-mentaires. En échange, il propose de lui donner une pièce d’argent qu’il a reçue de sa mère. Pilar hésite devant ce marché, mais il est séduit par le bel objet et il finit par accepter.

Cependant Curvelo, un autre élève plus âgé et plus déluré, peut-être un redou-blant, a observé tout l’échange et va dénoncer ses camarades auprès du maître, qui était absorbé dans la lecture des journaux. Le maître se met en colère, jette la pièce dans la rue, frappe les enfants à coups de férule pour les châtier sous le regard effrayé de tous les camarades. Ensuite Pilar médite de se venger à la sortie de la classe, mais Curvelo qui s’en doute s’est éclipsé rapidement...

Le lendemain Pilar se lève de bonne humeur : il fait beau, il a le projet de retrouver la jolie pièce jetée dans la rue, sa mère lui a offert un nouveau pantalon jaune. Mais en route, il rencontre un régiment de soldats qui marchent au son du tambour ; il se laisse envouter par ce défilé, et finale-ment, fait encore une fois l’école buissonnière.

3. Le conte de l’école, trad. Michelle Giudicelli, Paris, Chandeigne, 2004.4 Éd. française : Histoires diverses, trad. Saulo Neiva, Paris, Classiques Garnier, 2015.

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Remarque sur le titre

En portugais, le terme de « conto » ne désigne pas nécessairement le conte merveilleux classique ni le conte fantastique. Il désigne plutôt un récit bref, ce que les Anglais appellent « short story ». Cet usage s’apparente à celui qu’on a en France pour désigner les Trois Contes (de Flaubert), les Contes de la Bécasse (de Maupassant) ou les Contes du lundi (de Daudet).

Cependant, au moins pour le lecteur français, l’association de cette déno-mination générique avec le singulier et l’article défini de l’école suggère qu’est visée l’institution scolaire dans son ensemble. On peut difficilement éviter de penser à un conte philosophique qui interrogerait les relations entre adultes et enfants... Cependant, si l’ironie qui parcourt l’œuvre s’appa-rente bien à celle des Contes de Voltaire, le récit de Machado de Assis ne se réduit pas à promouvoir une thèse aussi simple que celle d’un Candide ou d’un Micromégas...

On peut donc aussi penser que cet écrit trouve peut-être sa source dans le phénomène des « histoires d’école » puisées au plus près du vécu scolaire et que les enfants se racontent de vive voix. Le conte, merveilleux, classique, réaliste ou fantastique poursuit deux visées : divertir et instruire. Le Conte de l’école peut également apparaître ainsi qu’une sorte de récit anecdotique, plein d’humour, dont l’objectif consiste à distraire le lecteur tout en lui léguant de manière très distanciée une critique de l’école (brésilienne) à cette période.

Une œuvre au carrefour de plusieurs enjeux

Le Conte de l’école est-il le récit d’un souvenir d’enfance ?Oui, mais...

1. Le personnage s’appelle Pilar – ce qui n’est pas le prénom de l’au-teur (Joaquim Maria) ; il a 9 ou 10 ans en 1840 alors que Machado de Assis est né en 1839.

2. Machado de Assis porte volontiers le masque d’un personnage : il écrit souvent des textes à la première personne qui ne racontent pas sa propre vie mais relèvent de la pure fiction (les Mémoires pos-thumes de Bras Cubas, par exemple).

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3. L’enfance qui est décrite semble plutôt une « enfance de rêve ». La fin du récit, en particulier, présente une fantasmagorie onirique.

Une dénonciation de la violence faite aux enfants ?Oui, mais...

1. Le narrateur n’émet aucun jugement explicite contre les châtiments corporels, il indique seulement la douleur et restitue seulement les sentiments de crainte et de dépit que ceux-ci inspirent.

2. La victime ne semble pas tellement traumatisée puisque le lende-main tout va bien ; le fait qu’il n’aille pas à l’école ne doit rien à un sentiment de terreur mais tout à une circonstance fortuite.

3. L’enfant victime n’a rien d’un innocent : il fait l’école buissonnière, il rêvasse en regardant par la fenêtre, il caricature le maître, il dégrade le pupitre...

Une fable moralisatrice, pour dénoncer la « corruption » et la « délation » ?Oui car l’avant-dernière phrase le dit, mais...

1. Le maître révère peut-être les valeurs civiques et châtie la corrup-tion, mais il admet la délation...

2. Ce qui apparaît au maître comme une tentative de corruption peut aussi bien apparaître comme un simple troc : Pilar semble davan-tage intéressé par la beauté de la pièce que par sa valeur financière.

3. Il n’est au fond pas si extraordinaire de faire payer des explications, et ce qui pourrait paraître choquant c’est plutôt la suspension d’une relation d’entraide au profit d’une relation commerciale : c’est à la rigueur de mauvaise camaraderie qu’on pourrait accuser Pilar, et non de corruption passive.

4. Une ironie assidue disqualifie le maître, celui qui devrait être le tenant de la bonne moralité : il fait une entrée en classe ridicule de théâtralité ; on ne voit pas qu’il s’occupe de ses élèves d’aucune manière ; l’exagération de sa colère le rend grotesque...

5. La toute dernière phrase contredit celle qui la précède immédiate-ment, comme une épingle crève une baudruche trop gonflée. Ce

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qui, au fond, reste le plus fort dans le souvenir du narrateur : le son envoutant du tambour a finalement plus de valeur que les considé-rations moralisantes.

Au total, il s’agit plutôt d’un éloge de l’espièglerie, de la rêverie, de la sensualité, de l’évitement comme autant de moyens de se préserver de la violence physique (les châtiments corporels) ou morale (les projets d’avenir du père, l’incurie du maître) des adultes.

De fait, le ton se fait pittoresque voire poétique dès que le texte évoque les choses vues, qu’il s’agisse d’un terrain vague magnifié (au début du récit), de l’évocation de la bande de gamins du quartier, de la pièce d’argent, et même du maître faisant « son entrée », du rictus du délateur...

On mentionnera encore la fin du récit : l’exaltation de l’enfant devant le spectacle des militaires5 qui l’amène à entonner une énigmatique et absurde comptine, et déjà sa satisfaction narcissique à se vêtir d’un beau pantalon jaune tout neuf, sa belle humeur qui lui donne l’impression de « monter sur le trône de Jérusalem »... Ces éclats de regard joueur (voire jouisseur) s’op-posent à des considérations prosaïques, triviales, tristement réalistes : « Et dire que j’étais à l’école... » L’univers scolaire décrit est fait de violence, d’ennui, de rivalité... mais il est comme miné, comme sapé par cette aspira-tion à la rêverie et à la sensualité...

La présence d’un cerf-volant, mentionnée deux fois, peut symboliser le sort de Pilar : celui-ci est retenu par l’enfance à la soumission aux adultes comme le cerf-volant par la ficelle, mais comme le cerf-volant dans les souf-fles du vent, il divague librement au gré des hasards plaisants ou désobli-geants. Pilar aspire à la liberté, mu par une irrépressible curiosité et toujours en quête d’autonomie, de découvertes. L’école décrite ne réussit pas à assouvir la curiosité de cet élève particulièrement vif, c’est pourquoi le jeune garçon se laisse volontiers embarquer par d’autres centres d’intérêt qui nourrissent mieux son appétit de connaître et de rêver.

5. Pour comprendre la fascination que les militaires exercent, de façon générale, au xixe siècle sur les civils sédentaires, il faut se souvenir que le sport n’est apparu qu’à la toute fin du siècle - et seulement dans les classes les plus favorisées de la société. La vie militaire représente donc le seul mode de vie dédié aux performances physiques et à la prise de risque corporelle. Les soldats valeureux jouissent du même prestige que de nos jours les footballeurs les plus fameux.

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LES DIFFICULTÉS DE COMPRÉHENSION PRÉVISIBLES

Les réalités de l’école au xixe siècle

Il est vraisemblable que les élèves seront surpris de la négligence du maître et des châtiments corporels. Il y a donc des apports d’ordre histo-rique à faire, soit sous forme d’explications données par l’enseignant, soit sous forme de documents à lire ou à étudier.

On peut éventuellement envisager un travail de recherches guidées sur certains sites consacrés à l’histoire de l’éducation.

On trouvera en annexe deux textes de la fin du xixe siècle qui témoignent d’une pédagogie « sans bienveillance », l’un issu d’un roman français qui décrit l’école de l’époque et l’autre tiré des mémoires d’un authentique enseignant. On trouvera aussi une fiche documentaire fabriquée pour aider les élèves à se représenter les circonstances de l’intrigue, fiche qui a été utilisée dans deux écoles du Puy-de-Dôme.

La complexité de la langue

La langue utilisée par la traductrice imite probablement celle du texte original en portugais. Elle s’apparente, en tout cas, à la langue académique du début du xxe siècle et confère une solennité certaine à cet épisode relati-vement léger.

Les difficultés de vocabulaire et de syntaxe pourront être travaillées selon des modalités habituelles :

• Les suppositions des élèves à partir du contexte ;

• La sélection d’une signification pertinente parmi l’ensemble des significations possibles ;

• L’observation des mots inconnus, le repérage des préfixes, suffixes, radicaux, avec retour systématique sur le contexte ;

• Apparentement à des familles de mots ;

• Le recours à des synonymes donnés par le maître, si besoin est pour ne pas trop ralentir le rythme de la lecture ;

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On sera attentif aux passages qui nécessitent une importante activité infé-rentielle. Voici, par exemple, un passage :

J’eus une étrange sensation. Non que j’eusse de la vertu l’idée qu’en ont les grandes personnes ; non qu’il ne fût pas non plus possible de recourir à un quel-conque mensonge d’enfant. Nous savions tous deux tromper le maître. La nou-veauté était dans les termes de la proposition, l’échange de l’explication contre de l’argent, l’achat franc, direct, donnant donnant ; voilà ce qui me causa cette sensation.

Le début et la fin de ce passage laisse supposer qu’il développe la sensa-tion dont il est question, ou du moins ce qui l’a provoquée. Avec de l’atten-tion, on parvient à identifier trois causes, dont les deux premières sont niées par l’emploi de l’imparfait du subjonctif, qui a ici une valeur de condition-nel. De la formule « Non que j’eusse de la vertu l’idée qu’en ont les grandes personnes », il faut comprendre que la cause de l’étrange sensation du gamin d’alors aurait pu se trouver dans le scandale qu’un adulte aurait probable-ment ressenti devant l’inconvenance de la proposition. De la formule « non qu’il ne fût pas non plus possible de recourir à un quelconque mensonge d’enfant. Nous savions tous deux tromper le maître », il faut comprendre que la cause de l’étrange sensation aurait pu être la crainte d’être démasqué par l’adulte. De la formule « La nouveauté était dans les termes de la proposition, l’échange de l’explication contre de l’argent », il faut comprendre que la sen-sation a été causée par la surprise de voir la relation de camaraderie habi-tuelle remplacée par la relation marchande. Mais le narrateur laisse entendre qu’en éprouvant une étrange sensation l’enfant fait montre d’une forme d’extra lucidité sur la nature singulière de l’accord qui est en train de se nouer, qu’il anticipe sur ce qu’aurait été la réaction d’un adulte vertueux.

On le voit, ce passage combine la difficulté des formes verbales qui ne sont pas familières des élèves (les imparfaits du subjonctif), celle de la tournure syntaxique pour repousser une hypothèse et celle d’une compréhension régressive : ce n’est qu’à la fin du passage qu’est explicitée la relation de causalité.

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La construction des personnages

Les personnages du récit sont bien caractérisés, ils sont mêmes réduits à des caricatures voire à des marionnettes prévisibles.

Deux difficultés sont cependant bien attestées. D’une part, l’absence de familiarité avec les noms portugais engendre des confusions. D’autre part, les élèves ont tendance à pousser jusqu’à la confusion le parallélisme qui est esquissé entre les deux figures paternelles : le père de Pilar et le maître, père de Raimundo. Cette erreur peut passer inaperçue, vu le rôle peu important du père de Pilar dans le déroulement de l’intrigue. Il suffit sans doute de bien mettre au clair la distinction au début du récit : c’est le père de Pilar qui châtie l’école buissonnière, et non pas le maître comme les jeunes lecteurs peuvent le croire. Cette confusion s’explique par la dureté et la brutalité des deux pères avec leurs fils respectifs. La figure paternelle symbolise fermeté et rudesse.

La familiarité avec les prénoms portugais peut se construire :

= par un équivalent : Raimundo est la forme portugaise de Raimond, prénom il est vrai vieilli, mais illustré par Raimond Queneau, Raimond Poulidor, Raimond Aubrac, Raimond comte de Toulouse...

= par des apports culturels :

• Pilar est un mot espagnol et portugais qui signifie «pilier», et qui est souvent associé à Marie (parce qu’elle serait apparue sur un pilier à Saragosse il y a fort longtemps) ; • Policarpo, en français Polycarpe, est un prénom grec qui signifie : « qui a beaucoup de fruits » ; • Curvelo est le nom d’une ville au Brésil, c’est ici un prénom, ou un nom de famille. Il évoque en français l’idée de courbure (cf. curvi-ligne, incurver...)

La polyphonie du texte

Le texte est constitué par la narration d’un souvenir. Il s’y mêle la voix du personnage enfant et celle du narrateur adulte, puisque l’un comme l’autre sont désignés par le même pronom je. La distinction est parfois simple à effectuer, comme dans les phrases suivantes :

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➢ Cela me gêne de dire que j’étais l’un des meilleurs élèves de la classe ; mais c’était le cas. Je ne dirai pas non plus que j’étais l’un des plus intelli-gents, en raison d’un scrupule facile à comprendre et du plus bel effet sty-listique, mais j’en suis parfaitement convaincu. Ici, la mention du style de l’écriture même conduit à attribuer le jugement à l’adulte qui raconte.

➢ [...] donnant cinq ou six expressions différentes, dont j’ai retenu l’inter-rogative, l’admirative, la dubitative et la cogitative. Je ne leur donnais pas ces noms-là, pauvre élève d’école primaire que j’étais ; mais instinctive-ment, c’est ce que je faisais. La qualification de « pauvre élève que j’étais » – qui mentionne non seulement une immaturité avérée mais aussi l’incompétence magistrale à susciter de plus hautes activités – ne peut être énoncée que par l’adulte que l’élève est devenu.

➢ Policarpo en tenait assurément pour un parti, mais je ne pus jamais vérifier ce point. C’est l’adulte seulement qui aurait pu se livrer à une sorte d’enquête sur ce point.

➢ C’était une pièce du temps du roi, de douze vinténs ou de deux tostões, je crois, je ne me souviens plus. C’est plus vraisemblablement à l’adulte que peut arriver cette défaillance de la mémoire.

➢ Non que j’eusse de la vertu l’idée qu’en ont les grandes personnes ; non qu’il ne fût pas non plus possible de recourir à un quelconque mensonge d’enfant. Nous savions tous deux tromper le maître. Puisque l’énonciateur sait quelle idée les adultes ont de la vertu, il faut qu’il soit lui-même adulte.

Mais le partage n’est pas toujours aussi simple, et l’incertitude peut engen-drer une insécurité dans la compréhension. Ainsi dans le passage suivant : Que voulait donc Raimundo ? Je continuai à m’agiter, me tortillant beau-coup, lui parlant à voix basse, en insistant pour qu’il me dise de quoi il s’agissait, parce que personne ne se souciait ni de lui ni de moi. Ou alors, dans l’après-midi...

— Non, pas cet après-midi, me coupa-t-il ; ça ne peut pas se faire cet après-midi.

La prise de parole de Raimundo conduit à interpréter la formule : Ou alors, dans l’après-midi... comme une parole rapportée dans une sorte de style indirect libre mais, au moment de l’intrigue, adressée directement par

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Pilar à Raimundo. En revanche, la première interrogation (Que voulait donc Raimundo ?) peut très bien n’avoir existé que dans la tête de Pilar. Quant à la circonstance qui justifie l’agitation et l’insistance de Pilar, il est impossible de savoir si elle est mentionnée par Pilar enfant ou par le narra-teur adulte. À propos de ce passage-ci, le point n’a sans doute pas beaucoup d’importance. Dans d’autres passages, l’incertitude contribue à de puissants effets d’ironie. ➢ Dans l’appréciation portée : je me remémorais le Campo et le morne,

pensais aux autres enfants vagabonds, Chico Telha, Américo, Carlos des Escadinhas, la fine fleur du quartier et du genre humain, qui est-ce qui porte ce regard sur les gamins de la rue ? ➢ Dans la description de la férule : Elle était là, accrochée au chambranle

de la fenêtre, à droite, avec cinq yeux du diable, qui opère la comparaison dépréciative ? ➢ Dans le jugement apposé : découper des nez dans une feuille de papier

ou dans le bois du pupitre, occupation dépourvue de noblesse et de spi-ritualité, mais en tout cas innocente, qui mesure la portée morale du geste ? ➢ Dans l’interrogation : Mais après tout, si le maître ne voyait rien, quel

mal y avait-il ? Et il ne pouvait rien voir, tant il était cramponné à ses jour-naux [...], qui minimise la portée du troc ? ➢ Et qui dit Je n’étais pas un enfant modèle, est-ce Pilar enfant qui avait

cette lucidité, ou bien est-ce l’adulte qui se le remémore ? ➢ Et qui utilise l’expression de faire son entrée pour évoquer l’installation

du maître à son bureau ? Est-ce vraiment Pilar enfant qui avait la maîtrise de ce vocabulaire du théâtre ?

Il n’est sans doute pas nécessaire de proposer aux élèves un travail com-plet sur ce point. Il suffit sans doute d’alerter leur attention sur les phrases qui sont parfaitement claires et d’établir les trois catégories suivantes :

• Le narrateur adulte qui écrit ;• Le personnage enfant en son for intérieur ;• Le personnage enfant dans sa relation avec l’environnement de l’intrigue.

Pour y parvenir, on pourra proposer aux élèves une tâche de classement à partir de quelques phrases.

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À l’occasion, dans le fil de la lecture, ou bien si une interrogation particu-lière se fait jour, ou bien si l’on décide de travailler spécifiquement l’ironie, on pourra demander sur quelques exemples choisis de repérer les segments qui présentent une ambiguïté.

Le narrateur qui écrit L’enfant qui pense L’enfant qui parle

On ne sait pas trop

8 Je ne dirai pas non plus que j’étais l’un des plus intelligents, en raison d’un scrupule facile à comprendre et du plus

bel effet stylistique

8 Je ne leur donnais pas ces noms-là, pauvre élève

d’école primaire que j’étais

8 N’oubliez pas que nous étions alors à la fin de la

Régence

8 Maintenant que j’étais enfermé, je

mourais d’envie de gambader dehors

8 ce pouvait être une simple curiosité sans objet, une na-

turelle indiscrétion ; mais ce pouvait être aussi quelque chose

entre eux

8 Je suis un idiot d’être

venu

8 Il faut qu’on fasse très attention

8 Je n’étais pas un enfant

modèle.

8 Mais après tout, si le maître ne voyait rien,

quel mal y avait-il ?

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CONSTRUIRE L’ENSEMBLE D’UNE SÉQUENCE

Les objectifs

Comme dans toute séquence de lecture portant sur une œuvre complète, plusieurs objectifs s’entremêlent :

• Entrainer les compétences déjà-là, c’est-à-dire entrainer les élèves à résoudre des problèmes de compréhension ;

• Conduire les élèves à interpréter cette œuvre polysémique, c’est-à-dire à construire une lecture approfondie qui soit la leur sans que le maître impose sa propre lecture ;

• Conduire les élèves à découvrir l’usage d’une ambiguïté ironique ;

• Conduire les élèves à réagir à la représentation des relations entre adultes et enfants.

Un découpage possible

Le texte est trop long et il est trop ardu pour être lu d’une seule traite. Il faut donc le proposer par segments successifs et imaginer le dispositif pour garder l’essentiel en mémoire d’une fois sur l’autre.

Voici un découpage praticable :

Segment 1 : la mise en place du récitjusqu’à : « nous plongeâmes le nez dans notre livre et reprîmes la lecture » (p. 17).[on pourrait regrouper ce début avec le paragraphe suivant. Il semble

cependant qu’il convienne de faire une pause afin que les élèves puissent s’informer des réalités historiques du monde représenté à propos du pas-sage suivant.]

Segment 2 : les circonstances de l’action (la vie à l’école au xixe siècle, la situation politique...)jusqu’à : « se replongeait aussitôt dans ses journaux, et se concentrait dans sa lecture » (p. 17).

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[le passage est court, mais dense d’informations déroutantes pour des élèves français et contemporains]

Segment 3 : au cœur de la tension dramatique – une pièce contre une aide➢ le suspensejusqu’à : « Eh ! Seu Pilar ! hurla le maître d’une voix tonitruante » (p. 25).[selon la réception des élèves de la classe, on peut vouloir couper juste

avant cette phrase, pour ne pas ruiner tout de suite le plaisir sensuel à tou-cher la pièce]

Segment 4 : la réaction violente du maître➢ le conflit adulte / enfant, et son issuejusqu’à : « Je l’avais trouvée dans la rue et ramassée sans crainte ni scru-pules... » (p. 31).[pour mieux faire ressortir la fantasmagorie finale, on pourrait couper

plus loin et aller jusqu’à «évitais les chocs, les détritus de la rue...», mais il semble que le plaisir de porter un pantalon jaune et une formule comme «monter sur le trône de Jérusalem» participe déjà de la fantasmagorie]

Segment 5 : une fin fantasmagoriquejusqu’à la fin.

Tenir en mémoire le texte déjà découvert

Pour se rappeler facilement les informations déjà engrangées, on peut recourir aux outils habituels qui seront renseignés au fur et à mesure de l’avancement dans la découverte de l’œuvre :

• une reformulation synthétique ;• des fiches sur les personnages.

Voici ce que cela pourrait donner :

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Tableau des événements rapportés à chacun des personnages

Pilar Raimundo Curvelo Maître

UN LUNDI DU MOIS DE MAI 1840[en flash back : avait fait l’école

buissonnière, avait été châtié par son

père]décide d’aller à

l’écolefait « son entrée »

hésitefournit l’explications’approprie la pièce

propose le troc à Pilar : sa pièce

contre desexplications

observe en essayant d’être discret

lit le journal avec passion

non dit : dénonce ses camarades au

maîtreSe met en colère et convoque Pilar et

Raimundo

puni par le maître puni par le maître8 est effrayé par la sévérité de la

punition8 a du remords (?)

8 jette la pièce- injurie

8 frappe à coups de férule

veut se venger, cherche Curvelo

craint la vengeance, s’éclipse prestement

ment à ses parents pour expliquer l’état des mains

LE LENDEMAIN8 veut retrouver sa

pièce8 rencontre les

fusiliers

8 termine la jour-née à la plage

BEAUCOUP, BEAUCOUP PLUS TARDraconte l’épisode

où il a découvert la « corruption » et la

« délation »

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Remarques :

- le « retour en arrière » qui conduit Pilar à décider de se rendre à l’école ce jour-là est mis [entre crochets] ;

- la dénonciation par Curvelo est mentionnée en lettres italiques parce qu’elle n’est pas dite explicitement, Pilar l’infère de l’attitude de Curvelo et de la réaction du maître.

Tableau des personnages

Pilar Raimundo Maître Curvelo

Ce qu’onsait d’eux

8 rêveur8 pas un

enfant sage8 plutôt doué

8 peur de son père

8 pas malin8 n’a pas com-pris la leçon de

grammaire

8 goût du protocole

8 indifférent à la classe

8 soucieux de politique

8 plus âgé8 « diable au

corps »

Le butdans la vie

passer à travers les

gouttes

s’en tirer conforter l’autorité ??

Buts secondaires

8 posséder la pièce parce qu’elle est

belle8 se laisser

envouter par le prestige de l’uniforme, la musique

et l’aventure militaires

obtenir une explication en

la payant

punir ce qu’il considère comme un

trafic immo-ral

?? méchanceté ?espère les avan-tages ordinaires d’un « fayot » ?

Vu le petit nombre des personnages, vu la minceur des événements et leur nature essentiellement psychologique l’un et l’autre sont facilement praticables.

En revanche, il ne semble pas très utile de s’astreindre à manipuler une carte de géographie ou un plan de Rio, dans la mesure où les déplacements ne sont pas un ressort essentiel de l’intrigue. Les lieux cités (rue Princesa, le Campo Sant’Anna, le mont do Livramento, le quartier de la Saude, la plage de Gamboa) se trouvent dans l’actuelle zone portuaire de Rio de Janeiro.

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INITIER UNE DYNAMIQUE DE LECTURE

Comme pour toute œuvre de littérature, il convient que le moteur de la lecture ne se réduise pas à l’établissement d’une compréhension littérale mais que la recherche de gains symboliques sous-tendent les efforts consentis.

Ici, la narration s’emploie à construire une identification du lecteur à Pilar. Une première piste est donc de mettre au jour les aspirations du per-sonnage et leur similarité possible avec ceux des jeunes lecteurs d’aujourd’hui.

Le recours à des anticipations

Il n’est pas toujours judicieux de proposer aux élèves d’imaginer la suite d’une histoire dont on n’a lu qu’un morceau. En effet la lecture suppose bien une faculté de prédiction, mais il est régulièrement difficile de sacrifier des anticipa-tions auxquelles on a donné une forme stable en les verbalisant, et surtout, la lecture suppose une prise de connaissance soutenue par des attentes, et non pas une «validation des hypothèses» trop coûteuse en attention cognitive.

Cependant, quand le récit offre une «croisée des chemins», et quand cette croisée correspond à un dilemme moral, demander aux élèves d’anticiper la suite peut être une façon de les engager à percevoir les enjeux idéologiques du récit.

Dans Le Conte de l’école, l’offre de Raimundo conduit Pilar à choisir. On peut demander aux élèves de participer à cette délibération. Voici quelques réactions :

Sur le vif :

= Pilar a déjà aidé Raimundo, mais lui il veut plus d’explications. C’est pour ça qu’il propose une pièce en échange.

= Pilar va sûrement prendre la pièce et ensuite la revendre ou la donner à sa mère.

= Pilar va pas prendre la pièce il préfère aider Raimundo sans la pièce.= Pilar la trouve belle, lui il n’a que des pièces en cuivre, cette pièce est en

argent alors il la veut.= Pilar prend la pièce car il veut pas que Raimundo se fasse taper.

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Le symbole du cerf-volant

À deux reprises, le texte mentionne le regard rêveur de Pilar sur ce jouet. Dans le premier contexte, il symbolise nettement une liberté qui s’oppose à l’enfermement dans la salle de classe. Dans le second, il se combine à l’at-trait de la pièce.

Il est perçu à la fois dans son mouvement libre (Pilar a l’air d’oublier qu’il est entravé, puisque la ficelle est « immense », le choix des verbes lui donne même l’air d’être indépendant et mû par lui-même) et dans une sorte d’ap-partenance « au bleu du ciel » :

Extrait 1 : « Pour comble de désespoir, je vis à travers les vitres de l’école, dans le bleu clair du ciel, par dessus le morne do Livramento, un cerf-volant de papier, haut et large, attaché à une immense ficelle, qui se gonflait dans les airs, quelque chose de superbe. Et dire que j’étais à l’école, assis, jambes serrées, avec mon livre de lecture et ma grammaire sur mes genoux. »

Extrait 2 : « Et dehors, dans le ciel bleu, par dessus le morne, le cerf-vo-lant, toujours le même, faisait des embardées de-ci, de-là, comme pour m’inviter à aller le rejoindre. Je m’imaginai là-bas, avec mes livres et mon ardoise sous le manguier, et la petite pièce d’argent dans la poche de mon pantalon, que je ne donnerais à personne, même si on me coupait en mor-ceaux ; je la mettrais en lieu sûr à la maison, et je dirais à Maman que je l’avais trouvée dans la rue. »

Dans la classe, on peut poser aux élèves une question du type de celle-ci : « À ton avis, est-ce que le cerf-volant représente ce dont Pilar a vraiment envie ? »

Une question de ce genre devrait conduire les élèves à saisir l’école buis-sonnière comme aspiration à un idéal et non pas comme simple manifesta-tion de la paresse ; ils devraient aussi ne pas accorder une importance démesurée à la «fable sur la corruption et sur la délation» mais chercher à mettre le huis clos de la classe en relation avec tout ce qui peut entraver un enfant (non pas seulement la violence du maître mais aussi la brutalité du père, la sollicitude pesante de la mère, l’angoissante perspective de l’avenir à préparer). Ils devraient percevoir des enjeux symboliques au-delà de la simple compréhension de l’intrigue.

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Outre ces deux pistes possibles, on peut en explorer d’autres afin de conduire les élèves à saisir l’ironie du texte.

Comme il est difficile pour les élèves d’expliciter leur propre lecture, il est régulièrement plus simple de passer par un regard sur « la lecture des autres », quand le livre propose lui-même les traces de lecteurs : illustrateur, traducteur, préfacier...

Les illustrations

L’illustration proposée par Nelson Cruz est très frappante : déformation des corps, disproportion entre les personnages, clair-obscur et jeux d’ombre, cadrage en plongée ou contre-plongée, expressivité des visages (voir en annexe ce qui en est dit dans la critique publiée dans le Matricule des Anges), tout cela accentue une perspective pathétique. Le lecteur est plutôt incité à plaindre les personnages, à incriminer la violence des adultes, à se réjouir de l’évolution de la relation des pères aux enfants et, particulièrement, de l’insti-tution scolaire. À moins que les exagérations et les effets spectaculaires n’en-traînent, par leur ampleur, un effet inverse : l’excès de pathos peut ridiculiser le propos et faire passer pour emphase la relation affirmée entre la mince anecdote et les si vastes concepts de corruption et de délation.

Mais il existe d’autres illustrateurs qui ont adopté une lecture sensiblement différente. C’est le cas de Silvino, un auteur de Bandes Dessinées qui a mis sous cette forme le texte de Machado de Assis aux éditions Peiropolis (maison d’édition brésilienne). Les choix plastiques de Silvino s’inscrivent dans la tra-dition de la «ligne claire», celle qu’ont illustrée un Hergé (la série des Tintin), un Franquin (série des Spirou), un Uderzo (série des Astérix), un Morris (série de Lucky Luke)... Ces choix garantissent une grande lisibilité et mettent en valeur le pittoresque des attitudes et le burlesque des situations. Manifestement, Silvino n’a pas lu l’histoire tragique qu’a lue Nelson Cruz.

On trouvera en annexe quelques unes des images que nous évoquons.Dès le début de l’étude de l’œuvre, après que les élèves ont lu et compris

le premier segment où il est raconté comment Pilar a été puni par son père pour avoir fait l’école buissonnière, on peut leur montrer les images de Nelson Cruz et celle de Silvino qui illustrent la scène.

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Les élèves vont alors opposer les impressions créées par l’une et l’autre images : d’un côté la compassion devant la cruauté et l’humiliation d’une fessée déculottée (ce qui n’est pas conforme au texte, même si l’on peut deviner une trique brisée en deux aux pieds du père : la fessée aurait suivi une correction à coups de trique si violente que celle-ci se serait brisée) ; de l’autre côté, sourire devant la scène stéréotypée du fils qui court en tentant vainement d’échapper à la correction. Cette opposition de points de vue sur le même texte devrait conduire les élèves à hésiter eux-mêmes quant aux intentions du narrateur : faire sourire ou faire pleurer.

Sur le vif :

— Silvino, c’est plus marrant. Ça fait un peu dessin animé.— Et puis, quand même, on voit mieux...M : Et l’autre, là, celle de Nelson Cruz ?— Alors là, c’est cruel !— Oui, parce qu’il frappe avec ses mains.— ... à cause des couleurs... et de l’ombre.

Cette hésitation peut accompagner toutes les séances de lecture. On peut imaginer construire un tableau pour recueillir les remarques qui poseraient le récit comme pathétique ou comme amusant.

C’est un texte pour nous attrister C’est un texte pour nous amuser= illustration de Nelson Cruz

= le père frappe avec une trique

= le maître n’est pas gentil avec les élèves, il ne s’occupe pas d’eux...

= illustration de Silvino

= c’est un enfant pas bien sérieux= Pilar se moque du maître en caricatu-rant son nez...

On peut enfin, à la toute fin de la séance, demander à chaque élève de prendre position de sorte qu’il ait à se situer par rapport à ce qui aura été dit dans l’ensemble de la classe.

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La traduction

Dans la seule édition du Conte de l’école destinée à la jeunesse disponible en France, on trouve le texte en français traduit par Michelle Giudicelli, et à la fin du volume le texte en portugais brésilien de Machado de Assis. Plusieurs traces témoignent de la lecture qui a été menée par la traductrice.

Ainsi, la note 10, qui commente le terme de Régence : « la Régence, qui correspond à la minorité de l’empereur Pedro II, va de 1831 à 1845. Ce fut une période très agitée, marquée par de nombreuses révoltes contre une politique conservatrice et autoritaire... que l’on peut voir ici incarnée par le maître d’école ». Michelle Giudicelli semble lire dans l’œuvre de Machado de Assis une expression de ses options politiques, plutôt favorables aux opi-nions libérales. Elle suggère ici qu’à travers les infortunes d’un enfant somme toute ingénu, le récit serait une dénonciation des travers autorita-ristes de la société de l’époque.

À la note 9, on lit : « Chico Telha, Américo, Carlos das Escadinhas, morne do Livramento : littéralement Fanfan Tuile, Amérique, Carlos des Escaliers, morne de la Délivrance, noms qui évoquent des espaces de liberté. À la fin du texte, le quartier de la Saùde (Santé) a également une connotation très positive. » Ici, Michelle Giudicelli propose une grille de lecture : l’aspiration à la liberté s’oppose à l’enfermement de l’école, à ses petitesses et violences.

Le plus surprenant se trouve sans doute à la note 2, dont voici le texte : « Lavandières : en français comme en portugais, ce mot désigne à la fois des femmes qui font la lessive dans les rivières ou les lavoirs, ou des oiseaux connus plus couramment sous le nom de bergeronnettes ou hoche-queues. Au Brésil, il désigne aussi des libellules, et c’est certainement le sens que le mot a dans le texte. » On y lit une hésitation lexicologique, la traductrice fait état de son hésitation et, curieusement, abandonne au lecteur le soin de choisir entre deux acceptions puisqu’elle en sélectionne une en corps de texte et signale sa préférence pour une autre dans cette note. Ce point n’a pas manqué de susciter l’étonnement de la part des élèves.

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Sur le vif :

— Alors, la traductrice, elle ne sait pas ce qu’elle veut, elle veut pas choisir.— Lavandières, ça va mieux. Ça en fait un – au moins – qui travaille parce que,

sinon... [allusion à l’école buissonnière]— Mais ça ne va pas avec les ânes... C’est pas des bêtes, des laveuses...— Ben si ! Les laveuses, je crois... Elles venaient avec les ânes pour tout porter.

Les draps, le savon... tout quoi.— Moi, je pense que c’est libellule. C’est libellule, parce qu’il est toujours à

regarder par la fenêtre, avec en plus le cerf-volant...—- On avait dit : il est tête en l’air.

On le voit, les élèves mis en situation de choisir eux-mêmes ne sont pas sans arguments : ils mettent au jour une thématique de l’air et des hauteurs. On peut citer, outre le cerf-volant, le nom des gamins des rues (Tuile, « des escaliers ») et celui du mont « de la Délivrance », l’attention pour le nez du maître, le désir de « monter sur le trône de Jérusalem »...

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MISE EN RÉSEAU

Le thème de la violence de la vie dans les écoles a été souvent traité, on peut trouver beaucoup de textes, historiques ou littéraires. On trouvera en annexe, outre les deux textes qui rendent compte de points de vue d’adultes, trois autres textes qui reconstituent le point de vue d’enfants, et un qua-trième, écrit lui aussi par Machado de Assis, et d’un ton également ironique, ou au moins ambivalent.

L’un de ces textes, celui de Vallès, est nettement pathétique, deux sont comiques : celui de Goscinny et celui d’Elvira Lindo.

Après la lecture de l’ensemble de l’œuvre, on peut – par exemple – distri-buer les textes aux élèves, un par élève ou par binôme d’élèves, en ajustant la difficulté du texte à l’habileté des élèves. On donne alors pour consigne : « Quelles ressemblances et quelles différences trouves-tu entre le texte que je t’ai donné à lire et Le conte de l’école que nous avons lu ensemble ? »

On organise ensuite une mise en commun, pendant laquelle chacun des textes sera oralisé par le maître ou par un des élèves qui l’avaient reçu en lecture. On peut dresser un tableau des remarques faites.

Cependant, il faut bien prendre en compte ce point : la consigne mentionnée ci-dessus permet aux élèves de se représenter clairement une tâche compara-tive, mais elle ne sert pas exactement l’objectif poursuivi. On organisera plus efficacement un tableau en dégageant les effets produits sur le lecteur. Voici, à titre d’exemple, celui qui a été construit dans une classe de CM1-CM2 :

Sur le vif :

Vallès Machado de Assis Goscinny Lindo

Histoire

Soup-çon de copiage-> puni-

tionIl veut

fuir

éloge de la férulecopie et

délation -> vengeance

copie généra-lisée

-> punition

Émotion suscitée cruauté Cruauté ? On n’y croit

pas vraiment Faut-il y croire ?

Ton Ça fait peur

On se demande si c’est pour de vrai

qu’il le penseÇa fait rire Amusant, mais

c’est trop gros

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On peut ensuite demander aux élèves lequel de ces textes fait le mieux penser au Conte de l’école. Ils ont alors la possibilité d’estimer le dosage entre la tension pathétique et la charge d’humour...

Sur le vif :

— C’est le texte du Petit Nicolas, parce qu’il fait rire...— Le directeur, il punit Geoffroy, mais c’est pas bien grave, et à la fin il(s)

rigole(nt) bien.— Au début, on a un peu peur, mais le pantalon jaune... là, on voit bien que

c’était pas tellement sérieux, cette histoire.— Surtout, là, quand il chante, avec les soldats. C’est une histoire de fou...

comme l’histoire de la vengeance.

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L’ÉVALUATION

Évaluer ce qu’a produit une lecture d’œuvre complète pose toujours pro-blème, car on voudrait évaluer les deux objectifs d’entraîner les compétences à comprendre et celles à élaborer une interprétation recevable. Ce qui est proposé ici vise clairement à évaluer les compétences à interpréter ; l’évalua-tion des compétences à comprendre a sa place dans le déroulement même d’une séquence plutôt que dans un bilan terminal 6, ou elle a sa place dans des activités spécifiques. On s’attachera donc plutôt aux points suivants :➢ l’ironie : histoire pathétique ou histoire pour amuser, ou encore his-toire pour dénoncer ;➢ les enjeux pour le personnage de Pilar ;➢ la perception du contraste entre la réalité éprouvante de l’école et l’es-pace ouvert à l’ambition de l’enfant.On peut vouloir mesurer ce qui reste à moyen terme dans la mémoire :

on privilégiera une évaluation différée dans le temps – par exemple deux mois après la lecture de l’œuvre – et l’on ne proposera pas un travail de «révision» auparavant. À ce moment-là, le travail de l’oubli et de la mémoire aura laissé dans l’esprit des élèves ce qui les aura le plus marqués, ce qui vaudra réellement pour eux. Et dans la mesure où l’on ne souhaite pas mesurer leur capacité à dire ce que le maître attend mais où l’on souhaite obtenir le témoignage de leur réelle appropriation, ce passage par le temps est régulièrement hautement significatif, même s’il conduit, bien sûr, à des approximations ou à des erreurs locales bien compréhensibles.

Les productions vont renseigner le maître sur les habiletés de tel ou tel élève, elles permettent aussi de renvoyer à la classe l’image de ce qui a été lu. Le maître peut en faire état : cela permet à chaque élève de se situer dans l’ensemble de ses camarades et par rapport à ce qui a été dit collec-tivement ; cela peut permettre aussi éventuellement de relancer un travail d’interprétation.

Dans cet esprit, plusieurs dispositifs sont envisageables.

6. On pourra consulter l’article de Catherine Tauveron « Que veut dire évaluer la lecture littéraire ? », Repères 31, 2005, p. 73-112. Cet article fait propositions très utiles pour évaluer les compétences à comprendre / interpréter.

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La citation parlante

On peut parfois considérer l’œuvre littéraire comme une arborescence fractale. De même que chaque petit morceau de chou-fleur reproduit en minuscule la structure de l’ensemble de la fleur, de même chaque fragment d’une œuvre contiendrait en lui-même l’intention de l’ensemble de l’œuvre. Cela est particulièrement vrai dans le cas des recueils de poésie, mais ça l’est aussi de certains récits.

Dans Le Conte de l’école, on ne trouve guère qu’une phrase qui puisse servir : « Cette nuit-là, je m’endormis en envoyant les deux garçons au diable, aussi bien le rapporteur que le tentateur. » Les qualificatifs évoquent l’intrigue et ses enjeux moraux, le singulier (le rapporteur, le tentateur) la dimension de fable moralisante, l’expression familière «envoyer au diable» le ton finalement léger de la narration et l’endormissement l’heureux ca-ractère du héros. Le commentaire de cette phrase peut donc permettre de rappeler les aspects essentiels de l’œuvre.

Dans la classe, le maître peut écrire cette phrase au tableau et demander aux élèves ce qu’ils peuvent y associer. Il peut alors prendre en notes ces re-marques au tableau, en organisant son tableau de sorte de regrouper ce qui concerne la fable morale, ce qui concerne la dénonciation de la violence, ce qui concerne la légèreté du ton... Les élèves chercheront ensuite à justifier ces regroupements.

L’anthologieOn demande aux élèves de recopier chacun trois passages qui lui plaisent

particulièrement. Cela met l’élève en situation d’assumer sa propre liberté de lecteur et de manifester les lieux privilégiés de son investissement subjectif.

On peut ensuite rendre compte à la classe en regroupant les passages choisis selon leur thème ou en les listant dans l’ordre de la fréquence avec laquelle ils ont été choisis.

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Le résumé différé

On propose aux élèves la consigne «écris l’histoire comme tu t’en souviens maintenant.» On peut les aider en leur fournissant le début : « C’est l’histoire de... »

Les déformations, la sélection des éléments mis en avant permettent de se faire une idée de ce qui reste dans l’esprit de tel élève, et – dans l’ensemble de la classe – de ce qui a été perçu comme important.

Sur le vif :

Voici, à titre d’exemples, deux productions de ce type (orthographe remise à la norme) :

D’un élève sensible à l’aspiration à la liberté :C’est l’histoire d’un petit garçon nommé Pilar. Il est rêveur et libre, il se permet

de faire «l’école buissonnière». Son père le frappe à coups de trique. Il se permet de faire l’école buissonnière car il est très fort en classe, c’est l’un des premiers de la classe. Son voisin de classe, Raimundo, le fils du maître Policarpo, ne comprend pas tout, il est mal pour faire ses exercices. Raimundo montre une pièce d’argent à Pilar et lui donne contre de l’aide pour sa leçon. Curvelo, le plus âgé des élèves, les dénonce. Raimundo et Pilar, Policarpo leur donne des coups de férule. Pilar ment à sa mère qui lui offrit un beau et neuf pantalon jaune. Pilar enfila son beau pantalon et recommença l’école buissonnière et finit sa journée sur la plage.

D’un élève sensible à l’ambiguïté du récit (et qui apparente le travail demandé à une quatrième de couverture) :

C’est l’histoire d’un homme qui nous raconte son enfance. Il a fait deux fois l’école buissonnière. Cet homme s’appelle Pilar, il était très intelligent. Le maître donne des coups de férule aux enfants quand ils font des bêtises. D’ailleurs leur maître s’appelle Policarpo. Est-ce que cet homme lui a pardonné ? Il va y avoir de l’action, du suspense. Bonne lecture !

On peut dresser une synthèse et l’exposer à la classe. Il n’est pas indiffé-rent, par exemple, que dans une classe la moitié des élèves ont mentionné ceci : Pilar s’autorise à faire l’école buissonnière parce qu’il est un très bon élève. Faut-il y voir, de la part des jeunes lecteurs, le regret de ne pas pouvoir s’identifier complètement ? Il n’est pas non plus indifférent qu’ils soient nombreux à penser que c’est la méchanceté qui suscite la violence du maître...

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Sur le vif :

= pour la moitié des élèves : Pilar s’autorise à faire l’école buissonnière parce qu’il est un très bon élève.

= pour un tiers : Pilar va retrouver sa pièce= pour un tiers : le maître frappe les élèves parce qu’il est méchant= pour un quart des élèves : à la fin, Pilar est envouté par la musique des

militaires

Les évocationsDans ce travail, il ne s’agit pas de restituer la hiérarchie des événements

ou des personnages, mais de recueillir les associations qui ont marqué les imaginations, les impressions qui ont frappé les sensibilités...

On sélectionne dans le texte entre vingt et trente mots, qu’on choisit de sorte qu’ils soient chargés d’un sens évocateur, mais qu’ils ne désignent pas un élément essentiel à l’intrigue – ceci afin que ce ne soit pas la remémo-ration des événements qui guide le choix des élèves, mais bien l’investisse-ment de leur sensibilité et de leur imagination.

Voici, par exemple, une sélection qu’on pourrait utiliser :

agiterattendre

attentivementbleu

cerf-volantcœur

cuisantdoigts

échappereffronté

émoi

haussements d’épaulesjaunâtrejournal

moumurmurernoblessepantalonpenséerêver

rougerue

souriretenter

terminertête

tortillertouchervertuvoiryeux

On les présente aux élèves dans l’ordre alphabétique, mais ils appar-tiennent à des champs lexicaux différents :

Mots du corps : cœur, doigts, pantalon, tête, yeuxMots de la vie émotionnelle : effronté, émoi, haussements d’épaules, no-

blesse, sourire, tenter, vertu

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Mots de la pensée ou de la parole (du langage) : attentivement, murmurer, pensée, rêver

Mots du mouvement : agiter, attendre, échapper, entrée, se tortiller, ter-miner

Mots des sensations : bleu, cuisant, jaunâtre, mou, rouge, toucher, voirMots pour des objets à valeur symbolique : cerf-volant, journal, rue

On donne aux élèves la consigne suivante : « Choisis dans la liste cinq mots qui te rappellent quelque chose du Conte de l’école. Écris en une phrase ce que ce mot te rappelle. »Cela pourrait donner des remarques de ce type 7 :

Exemple fictif : = Effronté : Curvelo n’a pas honte de dénoncer ses camarades

= Terminer : Pilar termine ses exercices plus vite que les autres.

= Rêver : Pilar rêve quand il regarde le cerf-volant.

= Jaunâtre : le sourire de Raimundo quand il se sépare de sa pièce à contrecoeur.

= Rue : Pilar aime bien courir dans la rue

On peut ensuite rendre compte à la classe de ce qui a été retenu. Pour cela, on peut reprendre les mots en les classant selon les champs lexicaux et simplement agrandir les mots selon la fréquence avec laquelle ils ont été choisis.

7. Ici nous inventons car nous n’avons pas recueilli d’exemples authentiques, mais nous inventons en nous inspirant du travail d’autres classes à propos d’autres romans.

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Voici des exemples fictifs :

D’une classe A qui serait sensible au débat moral

cœur doigts

pantalon

tête yeux

effronté émoi

haussements d’épaules

noblesse sourire

tenter

vertu

attentivement

murmurer pensée

rêver

agiter attendre

échapper

entrée

se tortiller terminer

bleu

cuisant

jaunâtre mou

rouge

toucher

voir

cerf-volant

journal rue

D’une classe B qui serait sensible à l’opposition liberté / enfermement

cœur doigts

pantalon tête

yeux

effronté

émoi haussements d’épaules noblesse

sourire

tenter

vertu

attentivement

murmurer

pensée

rêver

agiter

attendre

échapperentrée

se tortiller

terminer

bleu cuisant

jaunâtre

mou

rouge

toucher

voir

cerf-volant journal

rue

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D’une classe C qui serait sensible au spectacle de la violence

cœur doigts pantalon tête

yeux

effronté émoi haussements d’épaules noblesse

sourire

tenter vertu

attentivement

murmurer

pensée rêver

agiterattendre

échapperentrée se tortiller terminer

bleu

cuisant jaunâtre

mourougetoucher

voircerf-volant journal rue

Pour aider les élèves à regarder le tableau obtenu, on peut leur deman-der de justifier les regroupements de mots. Mais l’essentiel, bien sûr, est le commentaire de la sélection. La classe A produit une lecture où compte les manifestations des émotions, l’ambivalence du « sourire jaunâtre » qui s’oppose à l’affirmation pétulante du pantalon jaune ; la classe B met en» valeur les objets symboles de liberté (cerf-volant, bleu...) et d’affranchisse-ment (pantalon) ; la classe C souligne la douleur (cuisant) et ses effets (les paumes rouges)

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Annexes

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QUELQUES ILLUSTRATIONS

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Le père de Pilar châtie son fils pour avoir fait l’école buissonnière

Illustration de Nelson Cruz

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Le maître se saisit de la férule.

Illustration de Nelson Cruz

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Le père de Pilar châtie son fils pour avoir fait l’école buissonnièreIllustration de Silvino

Le maître se saisit de la féruleIllustration de Silvino

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EXEMPLE DE FICHES DE PRÉPARATION

[le découpage du texte suit les propositions faites ci-dessus]

Séance 1

Objectifs= découvrir un nouveau récit et mettre en place la situation : lieux, époque, personnages, enjeux= amorcer la réflexion sur le ton (glauque ou drolatique) à travers la comparaison de deux images tirées d’éditions différentes

Questionnaire écrit n°11 - Lis attentivement la 1ère de couverture et complète la fiche d’identité du livre.

Titre : ..................................................................Auteur : ...............................................................Illustrateur : .........................................................Éditeur : ...............................................................

2 - Lis le texte puis réponds aux questions suivantes :a. Qui est le personnage principal de l’histoire ? b. À ton avis, dans quel pays se déroule cette histoire ? Justifie.c. En quelle année se passe l’histoire ? d. Quels autres personnages découvre-t-on ? Indique ce qu’on sait sur eux.e. Qui raconte l’histoire ?

3 - Pourquoi le père bat-il son fils ?4 - Pourquoi Pilar décide-t-il finalement de « prendre le chemin de l’école » ?5 - Que fait Pilar quand il a fini sa leçon d’écriture ?6 - Pourquoi Raimundo hésite-t-il à parler à Pilar ? (donne au moins 2 raisons)7 - À ton avis, qu’a-t-il à lui demander de si important ?

Projection des deux images (de Nelson Cruz et de Silvino) où le père de Pilar le punit d’avoir fait l’école buissonnière. Laquelle correspond le mieux au film que se sont fait les élèves ? Recueil des impressions : à votre avis est-ce que ça va être une histoire plutôt drôle ? triste ?...

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Construction et renseignement de la fiche récapitulative qui sera affichée au tableau

Extrait Lieux Personnages Action(s)(= Résumé rapide)1

Où en est-on à la fin de l’extrait 1 :.................................................................................................................

2

Séance 2

Objectifs= Lire un texte pour le comprendre= Comprendre les circonstances historiques de l’intrigue

Questionnaire écrit n°2A. Relis attentivement le texte autant de fois que nécessaire et n’hésite pas à y revenir pour répondre aux questions.

1. Pourquoi le maître lit-il les journaux avec autant d’attention ?2. Sachant que l’on parle de politique, essaie d’expliquer l’expression « en tenait assurément pour un parti ».3. Quel objet le maître tient-il dans sa main sur l’image de la page 27 ? 4. À ton avis, à quoi cet objet peut-il servir ?5. Voici deux définitions du mot « correction ». Entoure celle qui te paraît être la bonne dans ce texte.

Action de corriger, d’apporter des modifications.Châtiment corporel, coups donnés à titre de punition.

6. Quelle raison le narrateur avance-t-il pour expliquer que le maître ne les « corrige » pas ce jour-là ?

B. L’école au xixe siècle

1. Le xixe siècle correspond à la période qui s’est écoulée entre les années ...... et ..........2. En te rappelant que l’histoire se déroule en 1840, donne deux indices du texte qui prouvent que cette histoire ne se passe pas à notre époque.

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Lis les deux textes et observe le document (il s’agit des textes et du docu-ment qu’on trouve en annexe du dossier).3. Cite deux punitions courantes pour les élèves au xixe siècle.4. Que penses-tu de l’école à cette époque-là ?

Renseignement de la fiche récapitulative

Séance 3

Objectifs= Permettre la compréhension littérale et inférentielle du récit= Faire ressentir le suspense et dégager quelques procédés qui per-mettent de l’installer.

Lecture orale du maître, par dévoilement progressif, selon ce découpage :

1. De « au bout d’un moment » à Tu sais ce que j’ai là ?Question orale : À ton avis, qu’a Raimundo dans la poche de son pantalon ?

2. De « Non. » à « Tu veux celle-là ? »Question orale : À ton avis, Pilar va-t-il vouloir prendre la pièce que lui tend Raimundo ?

3. De « pour toute réponse » à « un échange de bons procédés ».Question orale : Quel marché Raimundo va-t-il proposer à Pilar ?

4. De « il me donnerait la pièce » à « prends-la, prends-la... »Question orale : Quelles sont les solutions dont dispose Pilar ?

5. De « Je parcourus la classe du regard » à « Soudain, je regardai Curvelo et j’eus un coup au cœur ».

Question orale : Pourquoi Pilar a-t-il un coup au cœur en regardant Curvelo ?

6. De « il avait les yeux fixés sur nous » à « Eh ! Seu Pilar !, hurla le maître d’une voix tonitruante. »

Questionnaire écrit n°31. Retrouve les six parties que nous avons lues et place une croix pour les séparer.

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2. Entoure la dernière phrase de chacune de ces six parties. En observant ce que tu as entouré, explique comment l’auteur nous donne envie de lire la suite. 3. a. Relis le passage suivant : « Soudain, je regardai Curvelo et j’eus un coup au cœur ; il avait les yeux fixés sur nous, avec un sourire qui me sembla mauvais. Je fis comme si de rien n’était, mais quelques instants plus tard, me tournant de nouveau vers lui, je le trouvai dans la même position, avec le même air, à cela près qu’il commençait à se tortiller sur son banc avec impatience. Je lui adressai un sourire, mais il ne me le rendit pas ; au contraire, il fronça les sourcils, ce qui lui donna un air menaçant. Mon cœur se mit à battre très vite. »

3. b. Entoure dans ce passage tous les mots ou expressions qui montrent le changement d’atmosphère et qui nous « inquiètent ».

Récapitulation des procédés pour créer le suspense :• emploi de dialogue et de phrases interrogatives et injonctives courtes, • rupture dans le récit avec le mot « soudain », • changement d’atmosphère avec du vocabulaire qui évoque la peur.

Séance 3 bis

Objectifs= S’appuyer sur ses connaissances sur la langue pour asseoir la

compréhension

Questionnaire écrit n°3 bis1. Fais une phrase pour expliquer ce que veulent dire les expressions sui-vantes dans le texte :

mon sang ne fit qu’un tour : le mettre à l’abri des foudres de son père : il m’en coûtait de la refuser : j’étais sur des charbons ardents :

2. Explique le sens des mots suivants. Sers-toi du contexte pour trouver la réponse :

embardées : relique :

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3. Sachant que potion et poison, que noyé et nocif sont de la même famille, trouve un mot de la même famille que émoi.4. Subrepticement vient d’un verbe latin qui veut dire « ramper ». Ce verbe latin a donné aussi le nom d’une famille d’animaux. Trouve laquelle.5. Dans la phrase : « Pour toute réponse, je tendis furtivement la main, après avoir regardé du côté du bureau du maître. » relève l’adverbe, dis ce sur quoi il nous renseigne (temps, lieu ou manière).6. Donne un mot de la même famille que « manguier ». Explique ensuite ce qu’est un manguier.7. « Mais ma montre ne marchait pas à l’allure habituelle ». Explique ce que cela veut dire dans le texte.8. De quoi rêve Pilar plutôt que d’être à l’école avec ce maître sévère ? 9. « Seu » est l’abréviation de « senhor » qui veut dire « monsieur » en por-tugais. À ton avis, pourquoi le maître dit-il « Seu Pilar » ?10. « Non que j’eusse de la vertu l’idée qu’en ont les grandes personnes. » Un enfant de 10 ans est-il capable de penser cela ? Cherche le mot « vertu » dans le dictionnaire et explique ce que cette phrase veut dire avec tes propres mots.11. « Mais après tout si le maître ne voyait rien, quel mal y avait-il ? » Penses-tu que c’est le narrateur qui pense cela ou l’enfant qu’il a été ? Pourquoi ?

Et toi, que penses-tu de cette remarque ?12. Imagine ce que le maître va dire à Pilar et ce qui va se passer ensuite.

Renseignement de la fiche récapitulative

Séance 4

Objectifs= lire un texte pour le comprendre= trouver le sens d’un mot en fonction du contexte= mettre au jour les enjeux moraux du récit

Questionnaire écrit n°41. Fais une phrase pour expliquer ce que veulent dire les expressions sui-vantes dans le texte :

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Il scruta le fond de ma conscience : Une voix de stentor : Il nous asséna un autre sermon : Je ne pipai mot :

2. Explique le sens des mots suivants. Sers-toi du contexte pour trouver la réponse ou cherche un mot de la même famille :

Nier : Une vilénie : Les imprécations :

3. Dans la phrase : « Je sursautai comme si je sortais d’un rêve, et me levai précipitamment. », relève l’adverbe et indique sur quoi il nous renseigne (lieu, temps ou manière).4. Dans la proposition : « qui me laissèrent les paumes rouges et enflées », explique la terminaison du participe passé « enflées ».5. Pour quelle raison est-ce que « toute la classe était en proie à la terreur » ?6. Relève les indices qui montrent que Curvelo a peur de Pilar (donne au moins 3 indices).7. Qui désignent les mots rapporteur et tentateur ?8. Pilar fait encore un rêve à la fin de cet extrait. Lequel ?

Débat autour des questions suivantes : • le trafic de Pilar et Raimundo méritait-il la réaction du maître ? • Pilar menace de « casser la figure » de Curvelo, faut-il toujours se faire justice soi-même ?• Quant à Curvelo, que pensez-vous de sa dénonciation ?...

Renseignement de la fiche récapitulative

Séance 5

Objectifs= lire un texte pour le comprendre= faire ressentir aux élèves le côté rêveur de Pilar et la fin presque irréelle = conclure le débat : l’enfance de Pilar était-elle si terrible ?

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Questionnaire écrit n°5A. La réponse est dans le texte 1. Qu’est-ce qui pousse Pilar à s’habiller vite ce matin-là ?2. Que lui a offert sa mère ?3. Que décide de faire Pilar quand il entend les tambours et qu’il voit les soldats ?4. Que finit par faire Pilar à la fin de la matinée avant de rentrer ?

B. Je me sers du texte, de mes connaissances et de ce que j’ai compris pour répondre5. Essaie d’expliquer ce que ressent Pilar quand il dit : « je sortis de chez moi comme si j’allais monter sur le trône de Jérusalem ».6. Colorie les adjectifs qui caractérisent le mieux Pilar.

Intelligent Timide Joueur Sérieux

Bête Rêveur Manipulateur Libre

7. Pilar rentre avec son pantalon neuf tout chiffonné et n’a pas retrouvé la pièce. Pourtant il dit avoir « le cœur léger ». Essaie d’expliquer pourquoi.8. Dans ce dernier extrait, Pilar reprend une mauvaise habitude qui lui avait valu les foudres de son père. Laquelle ?9. Les raclées de son père étaient-elles si terribles finalement ?

C. Je donne mon avis10. Penses-tu que le narrateur nous raconte cette histoire pour nous attrister ou pour nous faire sourire ?11. Que penses-tu de la fin de cette histoire ? Cela te paraît-il possible ?12. Dessine le passage de l’histoire que tu as préféré.

Débat autour des questions suivantes : • Pensez-vous que le narrateur adulte garde un mauvais souvenir de cette période ?• Le conte de l’école est-il une histoire terrible ou une histoire amusante ?

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DOCUMENT POUR COMPRENDRE L’ÉCOLE AU XIXe SIÈCLE

l’école au xixe siècle

Au début du xixe siècle, les enfants dont les parents avaient assez d’argent pouvaient aller à l’école. Avant que Jules Ferry impose ses lois pour l’école, les parents devaient payer les livres et les salaires des enseignants. Beaucoup d’enfants étaient obligés de travailler au lieu d’aller à l’école.

En 1833, une loi obligea chaque village à ouvrir sa propre école publique de garçons. Dans les villes plutôt grandes il y avait une école pour les garçons et une pour les filles.

En 1867, la loi se renforça en faveur des filles : chaque village devait aussi disposer d’une école pour les filles.

Les lois Ferry de 1881 et 1882 rendirent l’instruc-tion primaire obligatoire pour les garçons et les filles âgés de 6 à 13 ans.

Jules Ferry était un ministre, c’est lui qui a rendu l’école obligatoire et gratuite.L’école publique était laïque (on ne parle pas de religion) et gratuite. Des

milliers d’écoles furent alors construites, grâce à l’Etat qui donnait de l’argent. Il fallait que l’école soit propre pour éviter des épidémies. On imposa aussi une cour de récréation pour que les élèves dépensent leur énergie.

Comment étaient les écoles au xixe siècle ?

Les écoles n’étaient pas comme celles d’aujourd’hui. Les classes n’étaient pas mixtes, c’est-à-dire que les garçons et les filles étaient séparés pendant les cours, à la récréation, à la cantine.

Les élèves portaient des uniformes ou des blouses. Comme ça, tout le monde était habillé pareil et les vêtements étaient protégés.

Les salles de classe étaient différentes aussi. Le bureau du professeur se trouvait sur une estrade devant le tableau noir, les tables des élèves, en bois, étaient légèrement obliques et avaient des encriers. Les salles étaient sou-vent sombres, sans couleurs.

Jules Ferry était un ministre, c’est lui qui a rendu l’école

obligatoire et gratuite.

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Les bâtiments scolaires

Les pensionnaires (les élèves qui ne rentraient pas chez eux) n’avaient pas du tout le droit de sortir de l’école pour aller faire un tour en ville.

Cependant, ils pouvaient recevoir quelques visites, mais avec l’autorisa-tion des parents et à des heures précises (souvent entre 14h et 16h). Cela se passait dans une salle appelée « parloir ».

Les dortoirs et réfectoires étaient souvent immenses et austères (tristes, murs vides, pas de décoration). 20, 30, 40 élèves dormaient dans des dor-toirs qui n’étaient pas encore chauffés au début du xxe siècle.

Les châtiments corporels à l’école

Parmi les punitions des petites écoles et des collèges du xvie au xixe siècle, il y a d’abord le fouet, dont la version familiale devient le martinet ; puis viennent la férule, la mise au piquet, l’exclusion, les pénitences (dont la mise à genoux sur une bûche, le bonnet d’âne, la terre embrassée) et le cachot. Le bâton n’est pas utilisé à l’école, mais il l’est largement au dehors (il constitue le châtiment des valets et des manants). La bastonnade et la main sont réservées à la punition infligée dans l’espace familial. Le fouet ou martinet est formé d’une ou de plusieurs lanières de cuir ou de chanvre, attachées à l’extrémité d’un manche, avec ou sans nœuds ; la férule était une palette en bois ou en cuir, avec laquelle on frappait la main des écoliers. Il existait une hiérarchie entre la férule, réservée aux fautes bénignes, et le fouet, utilisé pour les fautes graves.

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Extrait des authentiques Mémoires d’un instituteur de C.-D. Férard (1894)

Au lieu de la baguette traditionnelle, s’égarant parfois sur les doigts des élèves paresseux ou insoumis, il importa dans notre école, la célèbre férule des frères de Caen, surnommés chez nous les Grands Chapeaux... Si, en effet, la baguette classique laissait parfois de regrettables traces, la férule, pour paraître plus bénigne, n’en était pas moins meurtrière. Il fallait voir les contorsions et les grimaces du pauvre patient appelé à faire l’épreuve de l’instrument nouveau : il allongeait la main, il la retirait ; il soufflait sur ses doigts pour calmer sa cui-sante douleur ; ou poussait des cris de paon.

Extrait du roman de Jules Leroux Léon Chatry, instituteur (1913)

Surtout, de la discipline ; de la discipline, avant tout. Vous faites une leçon, exigez que les bras soient croisés, les pieds alignés. Des bras se décroisent... vingt lignes ; un pied bouge : vingt lignes ; un élève répond à une question avant d’avoir levé deux doigts : vingt lignes. N’admettez aucune excuse, aucune réclamation. Si un élève n’est pas content, envoyez-le-moi ; je lui ferai exécuter une petite danse sans musique, qui lui ôtera l’envie de recommencer.

Site sur les châtiments : http://www.le-temps-des-instituteurs.fr/doc-l27ecolier-recompenses.html

Fouet

Férule

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TEXTES POUR UNE MISE EN RÉSEAU

Texte 1 : L’Enfant, Jules Vallès, chapitre 15 « Projet d’évasion »

Mardi matinC’était composition en version latine.Je cherchais un mot dans un dictionnaire tout petit que mon père m’a

donné à la place de Quicherat.Turfin croit que c’est une traduction.Il s’avance et me demande le livre que je cachais tout à l’heure.Je lui montre le petit dictionnaire.« Ce n’est pas celui-là.— Si, m’sieu !— Vous copiez votre version.— Ce n’est pas vrai ! »Je n’ai pas fini qu’il me soufflette.Mon père et ma mère me battent, mais eux seuls dans le monde ont le

droit de me frapper. Celui-là me bat parce qu’il déteste les pauvres.Il me bat pour indiquer qu’il est l’ami du sous-préfet, qu’il a été reçu

second à l’agrégation.Oh ! Si mes parents étaient comme d’autres, comme ceux de Destrême

qui sont venus se plaindre parce qu’un des maîtres avait donné une petite claque à leur fils !

Mais mon père, au lieu de se fâcher contre Turfin, s’est tourné contre moi, parce que Turfin est son collègue, parce que Turfin est influent dans le lycée, parce qu’il pense avec raison que quelques coups de plus ou de moins ne feront pas grand chose sur ma caboche. Non, mais ils marquent dans mon cœur.

J’ai eu un mouvement de colère sourd contre mon père.Je n’y puis plus tenir ; il faut que je m’échappe de la maison et du

collège.Où irai-je ? – À Toulon. Je m’embarquerai comme mousse sur un

navire et je ferai le tour du monde.

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Texte 2 : Mémoires posthumes de Bras Cubas, J.-M. Machado de Assis, traduit par R. Chadebec de Lavalade, Paris, Métailié, 1989, p. 47-49)

Et maintenant, sautons à pieds joints par-dessus l’école, l’ennuyeuse école, où j’appris à lire, écrire, compter, donner des taloches et en rece-voir, polissonner sur les plages, sur les collines, et dans tous les lieux propices à l’école buissonnière.

Ce temps d’école avait ses amertumes ; il y avait les réprimandes, les punitions, les leçons difficiles et longues, et pas grand-chose de plus, très peu, presque rien. Le plus dur était la férule, et cependant... Ô férule, terreur de mes années d’enfance, toi qui fus le compelle intrare 8 dont usa un vieux maître, ossu et chauve, pour faire entrer dans mon cerveau l’alphabet, la prosodie, la syntaxe et tout ce qu’il savait, férule bénie, si honnie aujourd’hui, que ne suis-je resté sous ton joug, avec mon âme juvénile, mon ignorance et ma petite épée si supérieure à l’épée de Napoléon ! Que demandais-tu, en fin de compte, vieux maître de mes premières leçons ? Des récitations par cœur, une bonne tenue en classe : rien de plus, rien de moins que ce que demande la vie qui nous donne, elle, les dernières leçons ; avec cette différence que toi, si tu m’inspiras de la crainte, tu ne m’inspira jamais d’aversion. Je te vois encore entrer dans la salle avec tes pantoufles de cuir blanc, ta casaque, le mouchoir à la main, le crâne nu, la barbe rasée de près ; je te vois t’asseoir, souffler, grogner, renifler une première prise, puis nous appeler pour la récita-tion. Et tu fis cela pendant vingt-trois ans, discret, effacé, ponctuel, pauvrement logé dans une petite maison de la rue du Pou, sans impor-tuner le monde de ta médiocrité, jusqu’au jour où tu fais le grand plon-geon dans les ténèbres et où personne, sauf un vieux noir, ne te pleura – personne ni moi, qui te devais pourtant les rudiments de l’écriture.

8. Cette expression est une citation en latin d’un verset de l’évangile de Luc (chapitre 14, verset 23). Dans le texte de Luc, Jésus raconte une parabole : un riche offre un dîner, mais ses invités se dérobent et ne veulent pas venir, alors le riche envoie ses serviteurs recruter des «invités» parmi les pauvres, les mendiants, les sans-abris... quitte à les contraindre à venir au dîner. La formule signifie « Contrains-les à entrer. » Cette parabole a été interprétée comme ceci : le dîner est une image du royaume de Dieu, les invités qui ne veulent pas venir sont comme les athées ou les libres-penseurs, les pauvres que l’on pousse ainsi sont comme le bon peuple qu’il s’agit de séduire ou d’impressionner...

Cette formule a été utilisée pour justifier la répression des hérétiques (il s’agit de les faire entrer de force dans l’église catholique), en particulier au moment de la Révocation de l’Édit de Nantes. Ici, Machado de Assis suggère que la rigueur avec laquelle la férule pouvait contraindre les cancres au travail scolaire ressemble à celle autrefois déployée contre les esprits indépendants qu’étaient les protes-tants, et il interroge ironiquement la légitimité de son emploi...

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Notre maître s’appelait Ludgero ; mais je tiens à donner ici son nom complet : Ludgero Cafard – un nom funeste, éternel sujet de plaisante-rie pour les enfants. Un de nous surtout, Quincas Borba, se montrait cruel pour le pauvre homme. Deux ou trois fois par semaine, il glissait dans la poche de son pantalon – un large pantalon à coulisse – ou dans le tiroir de sa table ou à côté de son encrier un cafard mort. S’il venait à découvrir la chose au cours des heures de classe, le maître sursautait, promenait sur nous des regards flamboyants et nous traitait de tous les noms : nous étions des malappris, des sauvages, des polissons, des canailles. Les uns tremblaient, les autres murmuraient ; mais Quincas Borba restait impassible, les yeux fixés au plafond. [...]

Texte 3 : Le petit Nicolas a des ennuis, Goscinny & Sempé, Denoël, 2004 (1964) (p. 111 sq.)

Le Message secretPendant la composition d’histoire, hier, à l’école, il s’est passé quelque

chose de terrible. Agnan, qui est le premier de la classe et le chouchou de la maîtresse a levé le doigt, et il a crié :

— Mademoiselle ! Cet élève copie !— C’est pas vrai, sale menteur ! a crié Geoffroy.Mais la maîtresse est venue, elle a pris la feuille de Geoffroy, celle

d’Agnan, elle a regardé Geoffroy, qui a commencé à pleurer, elle lui a mis un zéro, et après la composition, elle l’a emmené chez le directeur. La maîtresse est revenue seule en classe, et elle nous a dit :

— Mes enfants, Geoffroy a commis une faute très grave ; non seule-ment il a copié sur un camarade, mais encore, il a persisté à nier, ajou-tant le mensonge à la malhonnêteté. Par conséquent, Monsieur le Directeur a suspendu Geoffroy pour deux jours. J’espère que ça lui ser-vira de leçon, et lui apprendra que, dans la vie, la malhonnêteté ne paie pas. Maintenant, prenez vos cahier, nous allons faire une dictée.

À la récré, on était bien embêté, parce que Geoffroy est un copain, et quand on est suspendu, c’est terrible, parce que les parents font des histoires et vous privent d’un tas de choses.

— Il faut venger Geoffroy ! a dit Rufus. Geoffroy fait partie de la bande, et nous, on doit le venger contre ce sale chouchou d’Agnan. Ça servira

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de leçon à Agnan, et ça lui apprendra que, dans la vie, ça ne paie pas de faire le guignol.

Nous, on a tous été d’accord, et puis Clotaire a demandé :— Et comment on va faire pour se venger d’Agnan ?— On pourrait tous l’attendre à la sortie, a dit Eudes, et on lui taperait

dessus.— Mais non, a dit Joachim. Tu sais bien qu’il porte des lunettes, et

qu’on ne peut pas lui taper dessus.— et si on ne lui parlait plus ? a dit Maixent.— Bah ! a dit Alceste. De toute façon, on ne lui parle presque jamais,

alors, il ne se rendra pas compte qu’on ne lui parle plus.— On pourrait peut-être le prévenir, a dit Clotaire.— Et si on étudiant tous drôlement pour la prochaine composition, et

qu’on était tous premier à sa place ? j’ai dit.— T’es pas un peu fou ? m’a demandé Clotaire en se donnant des coups

sur le front avec le doigt.— Moi, je sais, a dit Rufus. J’ai lu une histoire, dans une revue, et le

héros, qui est un bandit et qui porte un masque, vole l’argent des riches pour le donner aux pauvres, et quand les riches veulent voler les pauvres pour ravoir leur argent, alors lui il leur envoie un message, et c’est écrit : «On ne se moque pas impunément du Chevalier Bleu. » Et les ennemis ont drôlement peur, et ils n’osent plus voler.

— Ça veut dire quoi : « impunément » ? a demandé Clotaire.— Mais, j’ai dit, si on envoie un message à Agnan, il saura que c’est

nous qui l’avons écrit, même si nous mettons des masques. Et nous serons punis.

— Non, monsieur, a dit Rufus. Je connais un truc que j’ai vu dans un film, où des bandits envoyaient des messages, et pour qu’on ne recon-naisse pas leur écriture, ils écrivaient les messages avec des lettres découpées dans des journaux et collées sur des feuilles de papier, et personne ne les découvrait jusqu’à la fin du film !

Nous on a trouvé que c’était une drôlement bonne idée, parce qu’Agnan aurait tellement peur de notre vengeance, qu’il quitterait peut-être l’école, et ce serait bien fait pour lui.

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Texte 4 : Manolito, Elvira Lindo, Gallimard, Folio Junior, 1997 (p. 97 sq.)

Un jour je suis arrivé en classe pour un contrôle de sciences nats en étant JPQD (Je Pige Que Dalle) et tous ceux de ma rangée avaient la tête aussi vide que moi. On a donc demandé à Paquito Medina si ça le dérangeait pas qu’on copie sur lui. Quand tu es dans l’obligation vitale de copier sur quelqu’un, tu te fiches de savoir qu’il est de la planète Terre ou d’une autre planète ; tout compte fait, on tourne tous autour du soleil.

Paquito Medina était très content qu’on lui demande ce petit service. C’est encore une preuve que Paquito Medina est un extraterrestre car moi, je ne laisse qu’une personne copier sur moi – et encore, il faut qu’elle me paye – mais pas toute la rangée, ça va pas, non ?

M’dame Asuncion nous a donné une question vache sur les états liquides, solides et gazeux. On l’a tous regardée avec des yeux pleins de haine ; une question comme ça, je ne la souhaite même pas à mon pire ennemi.

Paquito Medina a commencé à écrire en laissant copier celui de der-rière et ainsi de suite jusqu’à Grandes Oreilles et moi, qui sommes tou-jours assis au dernier rang.

J’étais tout excité. C’est dans ces moments-là, quand les êtres humains forment une grande chaîne d’amitié, que tu penses que la paix mondiale est possible. Moi, j’ai mis ma copie bien en évidence pour que Yihad puisse copier derrière moi. [...]

Le lendemain, on a tous attendu avec impatience la note du contrôle. J’imaginais m’dame Asuncion déclarant : « Manolito Garcia Moreno, un méga 20 / 20. » Je me voyais déjà arrivant chez moi avec mon 20/20 et j’imaginais ma mère en train de le raconter à Louise : « Mon Manolito a eu un méga 20 / 20 en sciences naturelles. » Mais ça n’a pas été ça du tout, la vie réelle ne correspond jamais aux idées de ma tête. M’dame Asuncion est arrivée dans la classe et au lieu de distribuer des 20 elle a commencé par distribuer des lettres. Personne ne comprenait rien, dix d’entre nous ont reçu une enveloppe : moi, Grandes Oreilles, Susana, Arturo Roman, Jessica l’ex-grosse, Paquito Medina et quatre autre.

Et m’dame a fini par déclarer :— Vous êtes tellement bêtes que vous ne savez même pas copier.C’était donc ça, m’dame avait tout découvert.

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En fait, Paquito Medina avait commis une erreur fatale : il s’était trompé de question, au lieu d’écrire sur les états liquides et gazeux, il avait écrit sur les couches de l’atmosphère, tu vois, la stratosphère, etc.

Paquito Medina s’était trompé et nous on était bête, comme a dit m’dame Asuncion. Elle voulait que nos parents apprennent que nous ne savions même pas copier. [...]

Grandes Oreilles et moi nous sommes rentrés avec la lettre dans notre cartable. Il y a des fois où une lettre peut-être aussi lourde que du plomb, surtout quand elle annonce de mauvaises nouvelles. Grandes Oreilles avait moins peur que moi parce que comme ses parents sont séparés, sa mère se sent coupable de tout ce qui lui arrive, et elle ne le gronde presque jamais, donc à Grandes Oreilles, les zéros lui rentrent par une oreille et lui ressortent par l’autre. Mais moi, je me fais toujours engueuler, jamais personne n’a pitié de moi. Je commençais déjà à sentir la claque de ma mère sur le cou. Qu’est-ce que ça fait mal ! Heureusement que mon père arrivait tard le soir et qu’il était trop fatigué pour m’en-gueuler. Voilà pourquoi je suis content que mon père soit chauffeur de camion.

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QUELQUES COMMENTAIRES CRITIQUES

Critique dans la revue mensuelle Le Matricule des Anges, signé M.P. paru dans le numéro 57, octobre 2004

Une courte nouvelle en vérité que ce « conte » aux accents autobiographiques de l’illustre écrivain brésilien Machado de Assis (1839-1908), une nouvelle « amorale » signalons-le, un foudroyant réquisitoire contre... l’école. Dans un texte aux effets d’ondulations et de spirales, l’auteur mène ses phrases selon une logique insolite créant un suspense continuel dans une histoire dépourvue d’intrigue, mettant en cause l’institution scolaire en la désignant comme un lieu de tous les possibles, du pire surtout. L’enfant Pilar y découvre la tyrannie, la corruption et le mensonge. Le jeune garçon sortira de cette histoire convaincu que l’école n’est pas une ouverture sur le monde, lui donnant mille raisons de faire son école buissonnière, la seule qui vaille.

Si le texte (bilingue) est ironique de bout en bout, les illustrations facilitent habilement la lecture du jeune lecteur peu prompt au second degré, lui per-mettant ainsi de comprendre ce que sous-tend cette histoire, relatée par Pilar, en montrant graphiquement sa dimension tragique. Par des effets d’images déformées, étirées, tantôt détourées, tantôt pleine page et aussi des contre-plon-gées et plongées qui révèlent des points de vue vertigineux, des couleurs aux tons chauds (rouge, brun), l’illustrateur Nelson Cruz dévoile le sentiment de malaise, de suffocation qu’évoque l’espace clos de la classe et la terreur que sèment les adultes ne laissant aux enfants que le choix de l’enfermement mental. Les pères et l’enseignant apparaissent ainsi dans la splendeur de leur sadisme, représentés dans des postures désavantageuses, qui donnant une fessée déculottée, qui hurlant. Un petit livre retentissant !

Critique sur le quotidien Le Figaro, signé M. A. paru le 7/9/2004Une bonne leçon d’école« Soudain, je me dis que ce qu’il y avait de mieux, c’était l’école. Et c’est de

ce côté que je dirigeai mes pas. En voici la raison. » Pour les enfants qui veulent comprendre ce qui pousse le petit Pilar à aimer autant les bancs de la salle des classes, on leur conseille vivement la lecture de ce Conte de l’école, qui se passe

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en 1840, subtilement écrit par Machado de Assis (traduit du portugais, Brésil, par Michelle Giudicelli) et merveilleusement illustré par Nelson Cruz.

Le problème de Pilar, c’est son père, un « vieil employé », « rigide et intolé-rant », selon les mots du petit garçon. Le papa, comme beaucoup de parents, n’a qu’un désir : la réussite scolaire et professionnelle de son enfant. « Il rêvait pour moi d’une belle situation dans le commerce, et était impatient de me savoir en possession des atouts commerciaux, lire, écrire, compter, afin de me placer comme commis dans un magasin », raconte Pilar. Oui, mais voilà, tout ne se passe pas toujours comme on le voudrait. L’enfant l’apprendra à ses dépens et fera l’apprentissage de maux aussi durs que la tentation, la corruption ou la délation. Une bien jolie fable.

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POUR ALLER PLUS LOIN

Sur le livre et son auteur

Le blog Machado de Assis, le sorcier de Rio, https://contedelecoleblog.wordpress.com/

La conférence de Pierre Sève, « Didactiser une œuvre du patrimoine : que faire de la lecture des autres ? L’exemple du Conte de l’école, de Machado de Assis »http://richmedia.univ-bpclermont.fr/Mediasite/Play/1835e4daab-6441268b1a2d50527c36e91d

Sur les cerfs-volants

May Angeli, Les Yeux du cerf-volant, Seuil Jeunesse (album lisible dès le cycle 2)Thierry Dedieu, Feng, fils du vent, Seuil Jeunesse (album lisible au cycle 3)

Sur les châtiments

Stevenson, Un jour affreux, l’école des loisirs (album lisible dès le cycle 2)Olivier Douzou et F. Bertrand, Le conte du Prince en deux, ou l’histoire d’une mé-

morable fessée, Seuil Jeunesse (album lisible dès le cycle 2)Magali Wiéner, La Claque, Thierry Magnier éditeur (court roman pour le cycle 3)

Autres titres de Machado de Assis lisibles par de jeunes lecteurs

Des idées de canari, dans le recueil La Théorie du Médaillon, Paris, Métailié, 2002.« Un apologue », in Histoires diverses, Paris, Classiques Garnier, 2015.

dossier pédagogique composépar mylène contival & anne lima

editions chandeigne