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Le de ´pistage ne ´onatal face au de ´fi des progre `s de la biologie Neonatal screening facing progresses of biology F. Feillet a, * ,c , B. Chabrol b,c , J. Sarles c , M. Roussey c a Centre de re ´fe ´rence des maladies he ´re ´ditaires du me ´tabolisme de Nancy, CHU Brabois-Enfants, alle ´e du Morvan, 54110 Vandœuvre-le `s-Nancy, France b Centre de re ´fe ´rence des maladies he ´re ´ditaires du me ´tabolisme de Marseille, ho ˆpital d’enfants de la Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 05, France c Socie ´te ´ franc ¸aise de de ´pistage ne ´onatal, 38, rue Cauchy, 75015 Paris, France Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com 1. Introduction Le de ´pistage ne ´onatal est un des grands succe `s de la me ´de- cine moderne. Depuis plus de 40 ans, pre `s de 19 000 nouveau- ne ´s de ´piste ´s en France [1] ont eu une vie radicalement trans- forme ´e gra ˆce a ` un traitement propose ´ avant l’apparition de sympto ˆmes. Cinq maladies font l’objet de ce de ´pistage dans notre pays : la phe ´nylce ´tonurie (1972), l’hypothyroı ¨die (1978), l’hyperplasie conge ´nitale des surre ´nales (1995), la dre ´panocy- tose (1995) et la mucoviscidose (2002). Les crite `res de valida- tion de ces de ´pistages ont e ´volue ´ avec le temps, permettant l’introduction d’un de ´pistage cible ´ pour la dre ´panocytose (me ´thode confirme ´e par la Haute Autorite ´ de sante ´– HAS- en 2014) [2] et l’introduction d’un de ´pistage comprenant une e ´tape d’analyse ge ´ne ´tique ne ´cessitant un consentement e ´claire ´ (mucoviscidose). Depuis une vingtaine d’anne ´es, un grand nombre de pays a instaure ´ la technique de spectrome ´- trie de masse en tandem (MS-MS) qui permet de de ´pister un grand nombre de maladies du me ´tabolisme interme ´diaire (aminoacidopathies, aciduries organiques et anomalies de la be ´ta-oxydation mitochondriale) [3]. Cet outil permet e ´ga- lement de faire un de ´pistage a ` grande e ´chelle des maladies lysosomales (par analyses enzymologiques multiplex) [4] ou d’autres maladies lie ´es aux mole ´cules complexes (comme les maladies peroxysomales) [5]. De plus, les nouvelles techni- ques de se ´quenc ¸age a ` tre `s haut-de ´bit permettent de proposer un de ´pistage ge ´ne ´tique de certaines mutations, voire d’ana- lyser l’ensemble de l’exome comme cela a e ´te ´ publie ´ re ´cem- ment [6]. Toutes ces techniques ouvrent la voie a ` de nouvelles possibilite ´s qu’il faut confronter aux crite `res de Wilson et Jungner [7] qui re ´gissent la justification d’un de ´pistage ne ´o- natal qu’il faut rappeler : la maladie de ´piste ´e doit constituer une menace grave pour la sante ´ publique ; elle doit e ˆtre accessible a ` un traitement efficace ; les moyens de diagnostic et de traitement doivent e ˆtre disponibles ; il doit exister une pe ´riode pre ´clinique au cours de laquelle la maladie peut e ˆtre de ´cele ´e ; l’histoire naturelle de la maladie, notamment son e ´volution de la phase pre ´clinique a ` la phase symptomatique, doit e ˆtre connue ; un test diagnostique efficace doit exister ; ce test doit e ˆtre acceptable pour la population ; le choix des sujets qui recevront un traitement doit s’ope ´rer selon des crite `res pre ´e ´tablis ; le cou ˆt de la recherche des cas, y compris les frais de diagnostic et de traitement des sujets reconnus malades, ne doit pas e ˆtre disproportionne ´ par rapport au cou ˆt global des soins me ´dicaux ; il faut assurer une continuite ´ dans la recherche des cas et non la conside ´rer comme exe ´cute ´e une fois pour toutes. 2. De ´pistage des anomalies du me ´tabolisme interme ´diaire Ce de ´pistage existe dans de nombreux pays depuis plus de vingt ans gra ˆce a ` la MS-MS. La de ´termination du choix des maladies de ´piste ´es varie e ´norme ´ment selon les pays (de 1 en Finlande a ` 29 en Autriche) [8]. En France, la HAS a pre ´conise ´ en * Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (F. Feillet). Rec ¸u le : 9 juin 2014 Accepte ´ le : 10 juin 2014 Disponible en ligne 24 juin 2014 E ´ ditorial 816 http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2014.06.001 Archives de Pe ´diatrie 2014;21:816-820 0929-693X/ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s.

Le dépistage néonatal face au défi des progrès de la biologie

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Editorial

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Le depistage neonatal face au defi desprogres de la biologie

Neonatal screening facing progresses of biology

F. Feilleta,*,c, B. Chabrolb,c, J. Sarlesc, M. Rousseyc

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Recu le :9 juin 2014Accepte le :10 juin 2014Disponible en ligne24 juin 2014

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a Centre de reference des maladies hereditaires du metabolisme de Nancy,

CHU Brabois-Enfants, allee du Morvan, 54110 Vandœuvre-les-Nancy, Franceb Centre de reference des maladies hereditaires du metabolisme de Marseille,hopital d’enfants de la Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 05, Francec Societe francaise de depistage neonatal, 38, rue Cauchy, 75015 Paris, France

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

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1. Introduction

Le depistage neonatal est un des grands succes de la mede-cine moderne. Depuis plus de 40 ans, pres de 19 000 nouveau-nes depistes en France [1] ont eu une vie radicalement trans-formee grace a un traitement propose avant l’apparition desymptomes. Cinq maladies font l’objet de ce depistage dansnotre pays : la phenylcetonurie (1972), l’hypothyroıdie (1978),l’hyperplasie congenitale des surrenales (1995), la drepanocy-tose (1995) et la mucoviscidose (2002). Les criteres de valida-tion de ces depistages ont evolue avec le temps, permettantl’introduction d’un depistage cible pour la drepanocytose(methode confirmee par la Haute Autorite de sante – HAS-en 2014) [2] et l’introduction d’un depistage comprenant uneetape d’analyse genetique necessitant un consentementeclaire (mucoviscidose). Depuis une vingtaine d’annees, ungrand nombre de pays a instaure la technique de spectrome-trie de masse en tandem (MS-MS) qui permet de depister ungrand nombre de maladies du metabolisme intermediaire(aminoacidopathies, aciduries organiques et anomalies dela beta-oxydation mitochondriale) [3]. Cet outil permet ega-lement de faire un depistage a grande echelle des maladieslysosomales (par analyses enzymologiques multiplex) [4] oud’autres maladies liees aux molecules complexes (comme lesmaladies peroxysomales) [5]. De plus, les nouvelles techni-ques de sequencage a tres haut-debit permettent de proposerun depistage genetique de certaines mutations, voire d’ana-lyser l’ensemble de l’exome comme cela a ete publie recem-ment [6]. Toutes ces techniques ouvrent la voie a de nouvelles

* Auteur correspondant.e-mail : [email protected] (F. Feillet).

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http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2014.06.001 Archives de Pediatrie 2014;21:816-8200929-693X/� 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

possibilites qu’il faut confronter aux criteres de Wilson etJungner [7] qui regissent la justification d’un depistage neo-natal qu’il faut rappeler :� la maladie depistee doit constituer une menace grave pourla sante publique ;� elle doit etre accessible a un traitement efficace ;� les moyens de diagnostic et de traitement doivent etredisponibles ;� il doit exister une periode preclinique au cours de laquelle lamaladie peut etre decelee ;� l’histoire naturelle de la maladie, notamment son evolutionde la phase preclinique a la phase symptomatique, doit etreconnue ;� un test diagnostique efficace doit exister ;� ce test doit etre acceptable pour la population ;� le choix des sujets qui recevront un traitement doit s’opererselon des criteres preetablis ;� le cout de la recherche des cas, y compris les frais dediagnostic et de traitement des sujets reconnus malades, nedoit pas etre disproportionne par rapport au cout global dessoins medicaux ;� il faut assurer une continuite dans la recherche des cas etnon la considerer comme executee une fois pour toutes.

2. Depistage des anomalies dumetabolisme intermediaire

Ce depistage existe dans de nombreux pays depuis plus devingt ans grace a la MS-MS. La determination du choix desmaladies depistees varie enormement selon les pays (de 1 enFinlande a 29 en Autriche) [8]. En France, la HAS a preconise en

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Depistage neonatal et progres de la biologie

2011 la mise en place du depistage du deficit en acyl-CoA-deshydrogenase des acides gras a chaıne moyenne (MCAD)[9]. Ce depistage est toujours en attente d’une decisionministerielle du fait de la necessite, pour ce type de depistage,de regrouper des laboratoires regionaux de depistage neona-tal. Il faut rappeler ici que la liste des maladies pouvantbeneficier d’un depistage neonatal est fixee par le ministrede la sante apres avis de l’agence de biomedecine (Arrete du22 janvier 2010 fixant la liste des maladies donnant lieu a undepistage neonatal).La MS-MS permet de depister plus de 30 maladies differentespar l’analyse des acides amines et des acylcarnitines plasma-tiques. Il est interessant de constater que certains pays ontchoisi de depister quasiment tout ce qui etait depistable, alorsque d’autres comme la Grande-Bretagne [10] ont realise uneanalyse tres approfondie, maladie par maladie, de l’interetd’un depistage et n’ont finalement retenu que le MCAD,n’ayant pas mis en evidence d’arguments suffisants pourdepister les autres maladies reperables par cette technologie[10]. Pour certains pays, des maladies comme la tyrosinemiede type I [11], l’acidurie glutarique de type I [12], l’homocysti-nurie [13] ou l’acidurie isovalerique [14] sont retenues dans lesgroupes de maladies a depister [8]. Des consensus ont d’ail-leurs ete publies afin de rationaliser la prise en charge despatients, y compris apres le depistage neonatal [12,15]. EnFrance, un consensus de prise en charge du deficit en MCAD aete publie pour completer les recommandations de la HAS[16]. Actuellement, un groupe de travail au sein de la HAS estconsacre au second volet du depistage neonatal par MS-MS,cela s’inscrit dans les axes de travail du plan national maladiesrares 2011–2014 (axe A-1-6) [17].

3. Depistage des maladies lysosomales

Les maladies lysosomales forment un groupe de maladies quiont fait l’objet de progres majeurs depuis une vingtained’annees, car des traitements de plus en plus nombreuxont ete developpes (greffe de cellules souches hematopoıe-tiques, enzymotherapie substitutive, inhibiteurs de substrats,molecules chaperonnes). La MS-MS, grace a des techniquesenzymologiques multiplex, permet de realiser le depistage decertaines de ces maladies comme l’ont demontre plusieursetudes. Les maladies depistables sont les deficits en sphingo-myelinase, les maladies de Krabbe, de Gaucher, de Fabry, dePompe et les mucopolysaccharidoses (MPS) de type I, II, IV etVI. On peut separer ces maladies en plusieurs groupes pourevaluer l’interet de leur depistage.

3.1. Maladies a expression essentiellementneurologiqueCe groupe comprend les deficits en sphingomyelinase, engalactocerebrosidase (maladie de Krabbe) et en iduronate-sul-fatase dans sa forme severe (MPS IIa). L’absence de traitement

efficace de ces maladies rend la proposition de depistageneonatal non pertinente selon les criteres actuels. La greffede cellules souches hematopoıetiques precoce avait fait naıtreun espoir pour la maladie de Krabbe [18] mais les resultats a longterme n’ont pas ete a la hauteur des espoirs initiaux : certes laduree de vie est augmentee, mais la maladie neurologiquecontinue de progresser, bien que plus lentement. Etant donnel’absence de traitement efficace a long terme, ces maladieslysosomales a expression neurologique ne sont pas encoreadaptees au depistage neonatal.

3.2. Maladies lysosomales s’exprimant tardivementLa maladie de Fabry est egalement depistable en periodeneonatale, et des etudes pilotes ont deja ete realisees [19].Concernant la frequence de la maladie, l’etude de Spada et al.[19], realisee sur 37 400 nouveau-nes, avait trouve une pre-valence de 1/3100 alors que la prevalence habituellementreconnue est de 1/50 000. Dans cette etude, 11 nouveau-nes porteurs d’une mutation moderee avaient ete depistespour un seul porteur d’une mutation classique. Il est possiblequ’un grand nombre de ces patients porteurs d’une mutationmoderee ne presenteront jamais de maladie clinique, ou alorstres tardivement et pourraient ainsi correspondre a de « vraisfaux positifs ». Le benefice d’un tel depistage (qui permettraitde traiter sans retard des patients le necessitant) doit etre misen balance avec l’impact sur les enfants et leurs familles del’annonce d’une maladie s’exprimant a l’age adulte et l’impactfinancier represente par le risque de traiter trop precocementdes patients qui ne le necessitent pas encore.

3.3. Maladies dont l’histoire naturelle a etemodifiee

La maladie de Pompe est a ce titre demonstrative. Il s’agitd’une maladie dont la description initiale etait essentielle-ment musculaire, avec une atteinte du muscle cardiaque(dans la forme infantile) et des muscles squelettiques. Uneenzymotherapie substitutive a obtenu en 2005 l’autorisationde mise sur le marche avec une amelioration du servicemedical rendu de niveau 2 pour les formes infantiles, l’effi-cacite pour les formes de l’adulte restant a prouver. Un grandnombre de nourrissons a ete traite avec des resultats dece-vants, car la majorite de ces enfants sont decedes ou ontevolue dans un tableau paralytique generalise. Initialement,on a pense que cela etait du au retard diagnostique et donc dela prise en charge specifique, En fait, certains enfants traitestres tot ont egalement evolue vers un tableau paralytiquegrave. Cela a alors ete relie a la presence ou non d’uneproteine residuelle objectivee par le statut cross-reactiveimmunological material (CRIM) [20]. Il a ete montre quel’absence de proteine native (maltase acide) influait sur lepronostic par la production d’anticorps diriges contre l’enzy-motherapie substitutive. Des traitements immuno-modula-teurs ont alors ete proposes et ont montre une efficacite dans

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la maıtrise de la reponse immunitaire avec une ameliorationsecondaire du pronostic [21]. Cependant, les enfants CRIMpositifs ont malgre tout presente cette degradation secon-daire. Il apparaıt aujourd’hui que cette maladie a egalementun tropisme neurologique qui se caracterise par une surditede perception et surtout par une atteinte du motoneuronegenerant un tableau de type atteinte de la corne anterieure,tres proche de celui observe dans les amyotrophies spinalesinfantiles de type I et II. Cette atteinte neurologique (qui avaitete decrite des 1973 [22]) etait masquee par la presentationmusculaire et cardiaque predominante. L’amelioration initialede ces enfants sous enzymotherapie (traitement de la partmusculaire et cardiaque de cette maladie) a fait penser quenous possedions un traitement efficace, mais il apparaıtaujourd’hui que ce traitement est insuffisant car il ne permetpas de traiter l’atteinte neurologique sous-jacente. Il est doncindispensable de trouver un traitement (ou des traitementscombines) permettant de prendre en charge a la fois l’aspectmusculaire et l’aspect neurologique de la maladie de Pompepour proposer cette maladie au depistage neonatal [23]. Cettemaladie est donc une histoire a « mauvais » rebondissements,qui montre tres clairement qu’il est indispensable de connaı-tre l’histoire naturelle a long terme des maladies que l’onsouhaite depister.

3.4. Deficits enzymatiques a phenotypes multiplesLa plupart des maladies lysosomales ont une expressionphenotypique qui depend grandement de l’activite residuellede l’enzyme deficitaire. C’est ainsi que les maladies de Hurleret de Scheie (MPS I) se presentent sous deux tableaux clini-ques tres differents alors qu’ils sont dus au deficit de la memeenzyme, la L-iduronidase. Le traitement de la MPS I depend dela forme clinique. La greffe de cellules souches hematopoıe-tiques est le traitement reconnu des formes severes car il estindispensable de traiter l’atteinte neurologique, mais ellegenere une mortalite et une morbidite non negligeables[24]. L’enzymotherapie substitutive est reservee aux formesmoderees, sans atteinte neurologique, car elle ne passe pas labarriere hemato-encephalique et ne peut donc pas traiter lesatteintes neurologiques. L’absence de correlation genotype-phenotype satisfaisante rend le depistage neonatal systema-tique de cette maladie tres complique [25]. En effet, l’analysede l’activite enzymatique en periode neonatale permet dedepister des nouveau-nes indemnes de signes cliniques pourla plupart. La difficulte reside dans la decision therapeutiquecar il n’est pas possible de faire courir le risque d’une greffe ades enfants porteurs de formes moderees et l’enzymotherapiesubstitutive ne traiterait pas l’atteinte neurologique d’uneforme severe. De plus, l’enzymotherapie en periode neonatalediminue l’expression somatique des formes severes, obligeanta attendre l’apparition des signes neurologiques pour poserl’indication d’une greffe d’autant moins efficace qu’elle esttardive. Le benefice neurologique (greffe precoce pour eviter

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les signes neurologiques des formes severes) d’un depistageneonatal disparaıtrait donc.Ce continuum entre les formes moderees et graves est tresrepandu dans le domaine des maladies hereditaires du meta-bolisme. Si cela ne pose pas de probleme dans la prise encharge de la phenylcetonurie car le traitement depend d’unseuil biochimique facilement mesurable, ce continuum (asso-cie a l’incapacite actuelle de determiner avec certitude et defacon precoce le niveau de severite de la maladie) rendimpossible une decision therapeutique claire en periode neo-natale pour ces maladies lysosomales.

4. Depistage par sequencage a haut-debitdu genome

Depuis quelques annees, les techniques de sequencage ahaut-debit ont modifie la place de la genetique dans lesprocedures diagnostiques et dans la comprehension de nom-breuses maladies dont l’origine multifactorielle comporte unepart genetique. Il est aujourd’hui possible d’obtenir uneanalyse de l’ensemble du genome grace aux techniques desequencage a haut-debit et la question de l’application de cestechniques au depistage neonatal a ete soulevee [6]. Ungroupe de travail du National Institute of Health a d’ailleursete mis en place pour reflechir a ce probleme [26].En realite, ces nouvelles techniques risquent de souleverbeaucoup plus de problemes qu’elles vont en resoudre. Eneffet, chaque analyse va generer la mise en evidence demilliers de variants genetiques dont la signification sera plusou moins difficile (et le plus souvent impossible) a etablir.Vont etre rassembles par cette technique tous les problemesque l’on peut actuellement voir arriver au niveau du depistageneonatal :� impossibilite de faire une analyse maladie par maladie de lapertinence d’un diagnostic neonatal ;� impossibilite de predire la pathogenie reelle des variantsmis en evidence (que voudra alors dire la notion de faux-positif ?) car tous les enfants seront porteurs de tresnombreux variants ;� impossibilite d’informer les parents des pathologiesrecherchees puisqu’elles le seront toutes et qu’un grandnombre de ces maladies ne sont pas connues aujourd’hui ;� la notion de consentement eclaire n’aura plus aucun sens,car il y aura une information globale pour un depistage tousazimuts (en esperant que ces programmes ne soient pas remisdans les mains d’un secteur a but lucratif ou dont l’ethiqueserait a mettre en cause) ;� les resultats ne pouvant etre donnes dans leur globalite,que deviendra la notion ethique que l’information medicaleappartient au patient et qu’il a droit a cette information ?� la determination de facteurs de risques genetiques de toutesorte devra-t-elle faire l’objet d’une information au patient eta ses parents ? A titre d’exemple, la position actuelle de ne pas

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Depistage neonatal et progres de la biologie

autoriser les analyses genetiques chez les mineurs dans lamaladie de Huntington devrait-elle etre remise en cause parceque ce diagnostic serait systematiquement fait en periodeneonatale [27] ?� que faire de l’information de ces multiples heterozygoties ?Faudra-t-il en faire une carte d’identite genetique que l’onconfrontera a celle d’un partenaire eventuel ?� nos collegues americains ajoutent (bien avant certaines deces considerations ethiques) le probleme de la gestion de cesresultats dans un monde ou la sante est regie par desassurances privees et ou l’egalite devant la sante dependraitde la carte genetique de chaque individu.Au vu de ces reflexions, on percoit aisement que les avanceesmajeures des techniques de biologie rendent tout possible. Ilest evident qu’il y a des interets financiers gigantesquesderriere ces possibilites et il est absolument essentiel qu’ily ait une reflexion ethique sur l’utilisation de ces techniquesdans le domaine du depistage neonatal (mais pas unique-ment) pour pouvoir resister aux pressions que l’on voit dejavenir de part et d’autres.

5. Conclusion

La medecine et la sante en general consistent a donner dubien-etre a nos contemporains, ce qui est repris par lesprincipes de bioethique que sont la bienfaisance et la non-malfaisance. Les progres de la biologie nous donnent lapossibilite d’obtenir des la periode neonatale une massed’information dont la signification clinique est loin d’etreevidente. Le principe de bienfaisance ne peut s’appliqueraux nouveau-nes que si l’on a une prise en charge efficacea proposer, et le principe de non-malfaisance serait incroya-blement mis a mal par une inondation d’informations inquie-tantes donnees a des parents dont le nouveau-ne normal nereclame aucune prise en charge medicale immediate.Ainsi, dans tous les cas, l’extension du depistage neonatal ad’autres maladies doit obligatoirement etre accompagneed’une information claire, precise, comprehensible et approu-vee, non seulement de la part des professionnels de la sante,des ethiciens, des economistes, des philosophes, des religieux,des associations de malades, mais aussi de la populationgenerale avec leurs representants, c’est-a-dire des elus.Les nouvelles technologies et les nouvelles forces economi-ques et sociales posent des challenges ethiques et cliniquesau depistage neonatal : adapter les standards cliniques etethiques a la rapidite des developpements technologiques etpreparer les reponses des systemes de sante publique faceaux avancees medicales et aux forces sociales, professionnel-les et du public, qui poussent a l’extension des programmesde depistage neonatal. Avant de lancer de nouveaux pro-grammes de depistage, il faut s’assurer que ceux-ci serontcompris, acceptes et supportes par la collectivite afin qu’ilspuissent etre proposes de facon equitable a l’ensemble de la

population et non reserves a certaines regions ou categoriesde population, comme cela se passe actuellement aux Etats-Unis [28].

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.

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