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M~decine et Maladies Infectieuses -- 1983 -- 13 -- N ° 4- 212 ~ 221 LE DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE DES ARBOVIROSES • REFLEXlONS ET COMMENTAIRES DU BIOLOGISTE * par F. RODHAIN** RESUME II apparait que, dans le domaine des arboviroses, une plus grande rigueur dans la d~marche diagnostique est n~cessaire. Apr~s avoir rappel~ les principaux tableaux cliniques rev~tus par les infections ~ arbovirus, I'auteur precise les modalit~s du diagnostic (isolement du virus, s~ro-diagnostic), en insistant sur la nature et le caract~re imp~ratif des renseignements qui doivent accompagner tout pr~l~vement adress~ au labora- toire, afin que les tests biologiques puissent ~tre choisis dans les meilleures conditions, et leurs r~sultats correctement interpr~t~s par le biologiste. Mots-clef : Arbovirus - Isolement de virus - S~ro-diagnostic - Diagnostic biologique. Condamn~s & vivre et ~ travailler ensemble, cliniciens et biologistes ont souvent r~ussi fi com- bier peu ~ peu le foss~ d'incompr~hension qui les s~parait. Beaucoup de ((cliniciens)) sont de- venus volontiers biologistes, les ((biologistes)) sont redevenus un peu cliniciens, de sorte que les barri~res s'estompent, d~montrant bien ainsi qu'il s'agissait d'un faux probl~me. II n'en demeure pas moins que certaines dif- ficult~s subsistent parfois. Assurant depuis plu- sieurs ann~es la charge du diagnostic biologique des arboviroses & I'lnstitut Pasteur de Paris, nous sommes chaque jour confront~s ~ des probl~mes r~sultant g~n~ralement d'un manque de rigueur dans les demandes qui nous sont adress6es, de sorte qu'il ne nous para?t pas inutile de pr~ciser & nou- veau quelques principes, pour la plupart d'ailleurs tout ~ fait 61~mentaires, qu'il convient de respecter dans ce domaine. Notre intention n'est ~videm- ment pas d'envenimer une querelle sterile mais au contraire d'apporter des 61~ments clairs afin que les examens en question seient demand~s & bon escient, effectu~s dans des conditions techniques satisfaisantes et leurs r~sultats correctement inter- * Re~:u le 28.10.1982. Acceptation d6finitive le 10.12.1982. ** Laboratoire des Arbovirus (F. Rodhain), Unit6 d'Ecologie virale, Institut Pasteur, 25 rue du Dr Roux, 75015 Paris. pr~tables. II s'agit au total, de supprimer des exa- mens de laboratoire inutiles, de d~terminer ceux qui sont r~ellement indiqu6s dans chaque cas et qui seront par consequent utiles pour le malade et int~- ressants pour les m~ecins, ((cliniciens)) et ((biolo- gistes)) (int6r~t ~pid~miologique en particulier). L'INDICATION DE L'EXAMEN DE LABORATOIRE Ne serait-ce qu'en raison d'un cofit relative- ment 61ev~, un examen de laboratoire visant ~ ~ta- blir un diagnostic d'arbovirose ne devrait pas ~tre demand~ ~ la I~re. Pas plus, ~ vrai dire, que n'im- porte quel autre examen. A la lumi~re de notre experience, I'examen des raisons qui font demander un essai d'isolement d'arbovirus ou un s6ro-diagnostic para?t parfois quelque peu d~routant, il est frequent que les symp- t6mes mentionn6s sur la feuille de renseignements (Iorsqu'elle existe) jointe au pr~l~vement n'~vo- quent en rien une arbovirose; ainsi, on peut relever que des s~rums nous sont parfois adress6s pour ((asth~nie)), ((syndrome d~pressif)), ((migraine)), ((pro- blame infectieux)) (sic), ((difficult~ de d~glutition)), ((oed~me inflammatoire)), ((neutrop~nie)) ou encore simplement ((fi~vre)). Certaines demandes avouent m~me : ((pas de signe clinique)). D'ailleurs, Iorsque le laboratoire d'analyses m~dicales ou le service 212

Le diagnostic biologique des arboviroses : reflexions et commentaires du biologiste

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Page 1: Le diagnostic biologique des arboviroses : reflexions et commentaires du biologiste

M~decine et Maladies Infectieuses -- 1983 -- 13 -- N ° 4 - 212 ~ 221

LE DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE DES ARBOVIROSES •

REFLEXlONS ET COMMENTAIRES DU BIOLOGISTE *

par F. RODHAIN**

R E S U M E II apparait que, dans le domaine des arboviroses, une plus grande rigueur dans la d~marche diagnostique est n~cessaire. Apr~s avoir rappel~ les principaux tableaux cliniques rev~tus par les infections ~ arbovirus, I 'auteur precise les modalit~s du diagnostic (isolement du virus, s~ro-diagnostic), en insistant sur la nature et le caract~re imp~rati f des renseignements qui doivent accompagner tou t pr~l~vement adress~ au labora- toire, afin que les tests biologiques puissent ~tre choisis dans les meilleures condit ions, et leurs r~sultats correctement interpr~t~s par le biologiste.

Mots-clef : Arbovirus - Isolement de virus - S~ro-diagnostic - Diagnostic biologique.

Condamn~s & vivre et ~ travailler ensemble, cliniciens et biologistes ont souvent r~ussi fi com- bier peu ~ peu le foss~ d'incompr~hension qui les s~parait. Beaucoup de ((cliniciens)) sont de- venus volontiers biologistes, les ((biologistes)) sont redevenus un peu cliniciens, de sorte que les barri~res s'estompent, d~montrant bien ainsi qu'il s'agissait d'un faux probl~me.

II n'en demeure pas moins que certaines dif- ficult~s subsistent parfois. Assurant depuis plu- sieurs ann~es la charge du diagnostic biologique des arboviroses & I ' lnstitut Pasteur de Paris, nous sommes chaque jour confront~s ~ des probl~mes r~sultant g~n~ralement d'un manque de rigueur dans les demandes qui nous sont adress6es, de sorte qu'il ne nous para?t pas inutile de pr~ciser & nou- veau quelques principes, pour la plupart d'ailleurs tout ~ fait 61~mentaires, qu'il convient de respecter dans ce domaine. Notre intention n'est ~videm- ment pas d'envenimer une querelle sterile mais au contraire d'apporter des 61~ments clairs afin que les examens en question seient demand~s & bon escient, effectu~s dans des conditions techniques satisfaisantes et leurs r~sultats correctement inter-

* Re~:u le 28.10.1982. Acceptat ion d6finit ive le 10.12.1982.

** Laboratoire des Arbovirus (F. Rodhain), Unit6 d'Ecologie virale, Inst i tut Pasteur, 25 rue du Dr Roux, 75015 Paris.

pr~tables. II s'agit au total, de supprimer des exa- mens de laboratoire inutiles, de d~terminer ceux qui sont r~ellement indiqu6s dans chaque cas et qui seront par consequent utiles pour le malade et int~- ressants pour les m~ecins, ((cliniciens)) et ((biolo- gistes)) (int6r~t ~pid~miologique en particulier).

L ' INDICATION DE L'EXAMEN DE LABORATOIRE

Ne serait-ce qu'en raison d'un cofit relative- ment 61ev~, un examen de laboratoire visant ~ ~ta- blir un diagnostic d'arbovirose ne devrait pas ~tre demand~ ~ la I ~ r e . Pas plus, ~ vrai dire, que n'im- porte quel autre examen.

A la lumi~re de notre experience, I'examen des raisons qui font demander un essai d'isolement d'arbovirus ou un s6ro-diagnostic para?t parfois quelque peu d~routant, il est frequent que les symp- t6mes mentionn6s sur la feuille de renseignements (Iorsqu'elle existe) jointe au pr~l~vement n'~vo- quent en rien une arbovirose; ainsi, on peut relever que des s~rums nous sont parfois adress6s pour ((asth~nie)), ((syndrome d~pressif)), ((migraine)), ((pro- blame infectieux)) (sic), ((difficult~ de d~glutition)), ((oed~me inflammatoire)), ((neutrop~nie)) ou encore simplement ((fi~vre)). Certaines demandes avouent m~me : ((pas de signe clinique)). D'ailleurs, Iorsque le laboratoire d'analyses m~dicales ou le service

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hospitalier d'o5 ~mane la demande est contact~ par t~l~phone, nous recueillons souvent I'aveu que I'examen a ~t~ demand~ ((~ tout hasard)) (souvent, dans ce cas, parmi beaucoup d'autres) ou (<~ titre syst~matique)) dans le cadre du trop fameux <<bilan viral)) pour completer un dossier. Dans la quasi totalit~ des cas, les examens demand~s dans ces conditions aussi I~g~res et d~nu~es de rigueur sont n~gatifs et inutiles. II est, bien entendu, parfaite- ment comprehensible que les m~decins, hospitaliers ou non, ne soient pas tout-~-fait familiers avec la pathologie arbovirale. IIs peuvent alors toujours trouver avis et suggestions aupr~s des tropicalistes, virologistes ou ~pid~miologistes plus au fait de la question.

II ne semble donc pas inutile de rappeler ici les circonstances dans lesquelles un diagnostic d'arbovirose peut et doit ~tre ~voqu~ (1, 3).

Apr~s une incubation silencieuse de 1 ~ 15 jours, la phase d'invasion r~alise, ~ des nuances pros, le m~me tableau clinique quel que soit I'arbovirus en cause; ce tableau est celui d'un syn- drome infectieux aigu, accompagn~ de douleurs g~n~ralis~es, et d'apparition brutale : fi~vre & 39- 40°C, avec frissons, malaise g~n~ral, anorexie, injection conjonctivale, congestion de la face, c~phal~es souvent intenses, surtout r~tro-orbitaires, arthralgies, myalgies. Ces signes s'accompagnent habituellement d'une leucop~nie, souvent d'une thrombop~nie. Cette phase d'invasion, sans grande particularitY, d'allure pseudo-grippale, dure le plus souvent 2 ~ 3 jours. L'~volution peut alors se faire soit de fa(~on abortive, vers une gu~rison avec convalescence marquee par une importante asth~- nie, soit surtout vers une r#mission transitoire de 12 ~ 36 heures, caract~ris~e par une apyrexie, une quasi-disparition des syndromes infectieux et algique.

La reprise de la fi~vre et des douleurs marque ensuite I'entr~e dans la phas~ d'#tat. Le tropisme du virus se manifestera alors, entrarnant un tableau clinique plus ~vocateur. Tr~s sch~matiquement, on reconnait trois grands syndromes, suivant I'arbo- virus en cause :

1) Soit un syndrome {¢dengue-like~ : c'est un syndrome f~brile algo-~ruptif caract~ris~ par : fi~vre ~ 39-40°C, c~phal~es tr~s p~nibles, arthral- gies et myalgies, photophobie, bradycardie, asth~- nie; naus~es, vomissements, diarrh~e parfois; ~ruption : rash maculo-papuleux, fugace, parfois purpurique, inconstant; parfois des ad~nopathies superficielles. Sur le plan biologique, on ne

retrouve gu~re qu'une leucop~nie, et parfois une thrombop~nie.

L'6volution spontan~e en est constamment favorable : gu6rison sans s6quelles en 8 & 10 jours avec persistence des douleurs et de I'asth6nie durant quelques semaines. Parmi les nombreux arbovirus ~ I'origine d'un tel syndrome, les quatre virus de la dengue sont, de loin, les plus r~pandus.

2) Soit un syndrome m#ningo-enc#phali- tique : c'est ici le neurotropisme du virus qui domine, et le tableau, toujours f~brile, est souvent celui d'une m~ningite aigLie lymphocytaire. Sur le plan neurologique, il peut rev~tir tousles degr~s de gravitY, depuis la discrete note m~ning~e (c~phal6e vive, raideur de la nuque, hyperesth~sie cutan~e, vomissements en jet) jusqu'au tableau complet de m~ningo-enc~phalo-my~lite grave, souvent mortel ou susceptible d'entrafner d'importantes s6quelles neurologiques (physiques ou psychiques). Clinique- ment la vari6t~ des syndromes neurologiques possi- bles est tr~s grande; ils associent g6n6ralement des signes de souffrance c6r6brale diffuse (oed~me), des signes traduisant une atteinte focalis~e : trou- bles moteurs, troubles v~g~tatifs, troubles de la conscience, troubles psychiques, etc., diversement associ~s. Biologiquement, on observe une hyper- prot~inorachie et une r~action lymphocytaire mod~r~e.

L'~volution se fait soit vers un coma neurolo- gique dont I'issue est souvent fatale, soit vers une r~gression progressive, clinique et bi61ogique, abou- tissant ~ la gu~rison avec ou sans s6quelles.

3) Soit enfin un syndrome h#morragique : ici aussi la gravit~ clinique de ce syndrome est tr~s variable; il peut s'agir d'une simple tendance h~morragique (~pistaxis ou gingivorragies b~nignes, p~t~chies, 6ruption purpurique) ou, ~ I'oppos6, d'h6morragies multiples et massives (h~mat~m6ses, meloena, grandes ecchymoses ...)aboutissant ~ la constitution d'un ~tat de choc hypovol6mique. Biologiquement, on observe, outre parfois des signes d'atteinte r~nale ou h~patique (fi~vre jaune), une h6moconcentration, une leucop6nie, une thrombop6nie, s0uvent des signes de CIVD.

Dans les cas graves, notamment chez I'enfant, seule la mise en oeuvre d'une r6animation adequate en unit6 de soins intensifs peut permettre d'6viter I'issue fatale. Les cas b~nins gu6rissent bien enten- du spontan6ment en 8 & 15 jours. Ici encore, parmi les agents de fi~vres h6morragiques arbovirales, ce sont surtout les quatre virus de la dengue qui

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constituent par leur fr~quence un important pro- blame de Sant~ publique p6diatrique.

Bien entendu, toutes les arboviroses n'entrent pas dans ce cadre simplifi6 ~ I'extreme. C'est ainsi que I'on connait des infections arbovirales se pr~- sentant chez I'homme sous forme de fi~vres exan- th6matiques, ou encore comme des polyarthrites ~voluant sur plusieurs ann~es. Par ailleurs, I'allure biphasique classique de ces viroses n'est pas absolu- ment constante. La dengue notamment se mani- feste souvent par un unique 6pisode f~brile. De tou te fac, on, apr6s gu~rison, I' infection est toujours suivie d'une immunit~ sp~cifique, g~n~ralement solide et durable.

Quelques aspects nous semblent devoir ~tre retenus :

- la fr~quence globale des arboviroses : i l ne s'agit pas d'infections rares. Certaines d'entre elles constituent d' importants probl6mes de Sant~ publi- que et, dans certaines r6gions, les enquires s~rolo- giques syst~matiques montrent qu'~ I'~ge adulte, chaque individu ou presque a pr~sent~ une (et sou- vent plusieurs) arbovirose,

- l a fr~quence des formes frustes pseudo- grippales ou m6me totalement inapparentes clini- quement, qui peuvent 6tre le fait de tousles arbo- virus et que seule une s~rologie a posteriori pour- rait r~v~ler,

- un m~me arbovirus peut parfois entrai'ner des tableaux cliniques diff~rents (dengue h6morragique ou non, virus West Nile & I'origine de syndromes ~{dengue-like)) ou d'enc6phalites, etc.),

- les arboviroses sont toujours, en d~finitive, des infections aigSes, f#briles, D incubation relative- ment courte (le plus souvent 1 semaine), laissant, leur suite, persister des anticorps durables.

LE CHOIX DE L 'EXAMEN A DEMANDER

La seule clinique est tout ~ fait insuffisante pour poser un diagnostic d'arbovirose. Les diagnos- tics diff~rentiels sont nombreux, tant au d~but de I' infection qu'~ la phase d'6tat, quel qu'en soit le tableau clinique. C'est dire que le recours aux exa- mens de laboratoire est absolument indispensable. Trois m6thodes peuvent ~tre utilis~es, suivant les cas. Leur indication et leur valeur respectives, leur precision et leur fiabilit~ sont bien diff~rentes,

leurs modalit6s techniques et la diff icult6 de leur mise en oeuvre ~galement.

L' isolement du virus

C'est bien 6vidernment la m6thode la plus sere et la plus pr6cise~pour affirmer un diagnostic d' infection arbovirale. II est habituellement effec- tu6 ~ partir du sang du malade Iors de la phase de vir~mie, c'est-&-dire dans les tous premiers jours suivant I'apparition de la fi~vre (la vir6mie ne dure gu~re que 3 & 4 jours). En pratique, il dolt ~tre ten- t6 rant que le malade est f~brile. Exceptionnelle- ment, I'isolement du virus peut ~tre pratiqu6 ~ par- t ir du LCR ou de fragments d'organes (biopsie ou n6cropsie de foie ou de cerveau).

Seul I ' isolement permet d 'af f i rmer sans aucu- ne #quivoque la r#a/it# d'une arbovirose en cours et d ' ident i f ier le virus en cause.

Sur le plan technique, I'isolement d'un arbo- virus ne peut 6tre r6alis~ que dans un laboratoire sp~cialis~, en utilisant, selon les cas, I ' inoculation au souriceau nouveau-n6, I'ensemencement de cul- tures cellulaires (cellules de vert#br6s ou, mieux, d'arthropodes en lign~e continue), ou I' inoculation intra-thoracique au moustique d'61evage. L'identi- fication du virus une lois isol6 est effectu~e par s~rologie & I'aide d'immun-fluides de r6f6rence (immune-ascites de souris). Cette identification est toujours tr~s Iongue (plusieurs semaines ou mois). La grande fragilit6 des arbovirus oblige ~ respecter des r6gles tr~s pr6cises pour le transport des pr~l~- vements destin6s aux essais d'isolement (cf. chapi- tre ({Formulation de la demande ...))).

Le s~ro-diagnostic

II s'agit d'une m~thode beaucoup moins fiable que la pr6c6dente, et d' interpr6tation souvent diff i- cile, voire impossible. Le s6ro-diagnostic devrait ~tre r~serv6 soit aux cas o5 I'isolement est impossi- ble & mettre en oeuvre pour des raisons pratiques, soit pour poser a posteriori le diagnostic d'une in- fection survenue plusieurs semaines, mois ou an- n~es auparavant. Le r~sultat d'une s6rologie, ne peut, en tout 6tat de cause, qu'6tablir un diagnostic de pr#somption. Pour une infection en cours, ou r6cente, il est, bien entendu, absolument indispen- sable de disposer d'une paire de s6rums, le premier pr61ev6 le plus t6t possible, le second deux & trois semaines plus tard. C'est I& une notion bien classi- que, dont le bien-fond6 est connu de tous, et il est toujours surprenant de constater qu'encore actuel- lement, cette r6gle n'est que rarement respect~e en

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France. Quoi qu'il en soit, le biologiste dispose alors de trois techniques, parmi lesquelles il devra choisir dans chaque cas celle (s) qui sera (seront) la (les) plus indiqu~e (s) :

- I ' inhibit ion de I'h~magglutination ( IHA):peu sp~cif ique, c'est une r~action de groupe (on sait que la classification actuelle des arbovirus repose sur un regroupement en fonction de leur constitu- t ion antig~nique), elle ne peut pas ~tre utilis~e pour tous les arbovirus (certains ne sont pas naturelle- ment h~magglutinants); les anticorps correspon- dants apparaissent vers le 8~-106 jour et persistent durant plusieUrs ann~es,

- la f ixation du compl6ment (FC) :plus sp~cifi- que que la pr~c~dente, c'est une r~action de sous- groupe; les anticorps ainsi d~tect~s apparaissent vers le 15~-20~ jour et ne sont d~celables que durant quelques semaines ou mois,

- la s~ro-neutralisation (SN) enfin:essentielle- ment pratiqu~e sur cultures cellulaires (technique de r~duction de plages), et pour certains virus seu- lement. Les anticorps neutralisants, les plus sp~ci- fiques, sont d~celables d6s le 6-86 jour, et persis- tent p lusieu rs d izaines d'ann~es.

D~s Iors, il est bien ~vident qu'un r~sultat positif en IHA ou en SN obtenu sur un unique s~- rum, peut traduire une infection r~cente aussi bien qu'une infection tr~s ancienne. En outre, en raison des multiples r~actions crois~es, I ' IHA ne saurait permettre d' identif ier le virus en cause.

En pratique, dans notre laboratoire, les s6ro- diagnostics sont effectu6s de la mani~re suivante : tousles s6rums dilu~s au 1:10 sont trait~sen IHA, vis-a-vis d'une batterie d'antig~nes choisis en fonc- t ion de I'origine g6ographique pr~sum6e de I'infec- t ion (ce qui suppose bien entendu de disposer des renseignements 6pid6miologiques n~cessaires). Les s~rums positifs sont alors repris en IHA, apr~s di lut ion de 10 en 10 jusqu'au 1:1280, vis-~-visdes antig~nes pour lesquels une positivit6 a ~t~ consta- t~e; ~ventuellement, pour tenter de pr~ciser le virus en cause, des r~actions plus sp~cifiques, FC, voire SN, sont ensuite mises en oeuvre. Cette facon de proc6der permet d'~conomiser du temps et des r~actifs, et de r~duire le coot des examens.

L'anatomo-pathologie

Dans certaines arboviroses graves, on peut avoir recours ~ I'anatomo-patholbgie pour affir- mer le diagnostic, soit du vivant du malade, par

ponction-biopsie, soit par examen post-mortem. En pratique, c'est surtout pour aff irmer le diagnostic d'h~patite amarile que ces techniques sont utilis6es.

LA F O R M U L A T I O N DE LA D E M A N D E ET LES C O N D I T I O N S DE L ' A C H E M I N E M E N T

DES P R E L E V E M E N T S

Nous ne nous 6tendrons pas ici sur les erreurs de tous ordres relatives ~ I'~tiquettage des pr~16ve- ments et auxquelles tous les laboratoires se trou- vent confront6s : nom ou pr~nom du malade diff6- rents sur le tube et la feuille de renseignements, manque de pr6cision, voire absence totale d'indica- t ion du laboratoire ou de I'h6pital demandeur (ainsi, combien existe-t-il en France ou dans les DOM-TOM, d'h6pitaux ~de Saint-Denis)), impossi- bles ~ identifier sans connaitre le d6partement ?). II s'agit I& de n6gligences & I'origine et, pour le secr6tariat du laboratoire, de recherches Iongues et fastid ieuses.

Plus pr~occupantes, car sources possibles de contaminations 6ventuellement graves du person- nel sont les fautes de condit ionnement des pr~l~- vements Iors de leur envoi. II arrive encore que du sang soit adress~ par poste ou par porteur dans un simple tube de verre (facilement cassable) parfois mSme bouch6 par un simple tampon de caton. Ce genre de d~sinvolture n'est g~n~ralement gu~re appr6ci~ de la personne charg~e de r6ceptionner les pr61~vements. Nous nous contenterons ici de rap- peler que I'O.M.S. a recommand~ les pr6cautions respecter pour I'envoi d'6chantil lons ~ventuelle- ment dangereux (2).

II revient en principe au clinicien demandeur de pr~ciser la nature de I'examen pr~conis~ : essai d'isolement d'arbovirus, s6ro-diagnostic ou examen anatomo-pathologique. II s'av~re que fort peu de demandes sont explicites ~ cet 6gard, beaucoup ne comportant que la simple mention ~(Arbovirus)) (voire seulement et, ~ vrai dire, assez cavali~rement ((Arbo)) sans autre mention de quelque nature que ce soit !). Ce fait est d'autant plus 6tonnant que, pour d'autres agents infectieux, cette pr6cision est toujours donn6e. Ainsi, personne ne songerait adresser ~ un laboratoire un pr~l~vement de sang pour ((Salmonelle)) mais bien plut6t pour ((h6mo- culture, pour isolement et identification de Sal- monelle)) ou ((s~ro-diagnostic de Widal)).

Une difficult~ indiscutable, en ce qui concer- ne les essais d'isolement d'arbovirus, r~sulte de la

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fragilit~ de ces agents, en particulier leur grande sensibilit~ ~ la chaleur. Le sang complet (5cc de sang recueilli sur anticoagulant), dolt parvenir au laboratoire dans la glace pour un transport n'exc~- dant pas 6 heures, ou, pour un transport plus long, en glace carbonique ou en azote liquide. Si, pour les ~tablissements parisiens, I'acheminement d'un tube de sang dans I'heure qui suit le pr~l~vement ne devrait gu~re poser de probl~me, il n'en va pas de rn~me, bien entendu, pour un hSpital ~loign~ ou, a fort iori , outre-mer, compte tenu des alias de certains transports a~riens.

Lorsque le malade n'est plus f~brile (conva- lescent ou gu~ri), c'est & la s~rologie qu'il appar- t ient de tenter d'~tablir un diagnostic a posteriori. Le pr~l~vement 6ventuellement rec.u auparavant pour isolement constitue le s~rurn pr~coce. Le s6- rum tardif (ou le s~rum unique dans le cas d'une malhdie ancienne) peut ~tre adress~ au laboratoire, sans precaution particuli6re (3 ~ 5 cc de s~rum st~rilement d~cant~). Quant aux fragments d'orga- nes destines aux ~tudes anatomo-pathologiques, le mieux est sans doute de les faire parvenir simple- ment fixes en forrnol ~ 10 p. 100 (~ la rigueur en liquide de Bouin).

Nous voudrions surtout insister ici sur les ren- seignements qui doivent accornpagner tout pr~l~ve- ment quel qu'i l soit.

Renseignements classiques d'identification

- Nom et pr~nom du malade, ~ge, sexe, pro- fession (sa taille ou son poids sont sans int~r~t !).

- Nom et adresse complete du service et/ou de I'~tablissement demandeur (hSpital, L.A.M...) et m~decin responsable ~ contacter si n~cessaire.

-Ad resse (s) ~ laquelle dolt ~tre envoy6 le r~sultat et (ce qui semble rnanifestement beaucoup plus important pour nombre d'administrations hospitali~res qui fournissent toujours des renseigne- ments tr~s d~taill~s & ce sujet) : adresse ~ laquelle dolt ~tre envoy~e la facture.

Renseignements clin iq ues

- D a t e s des pr61~vements (bien rarement pr~cis~es; & d6faut, nous estimons que la date de r6daction de la feuille de renseignements est effec- tivement la date du pr~16vement). II arrive que nous parviennent des s6rurns pr61ev~s deux, voire trois mois auparavant !.

- Date du d~but de la maladie : d6but de la fi~vre et dur6e de la phase f~brile; le probl6me est 6videmrnent de savoir exactement oQ se situe le pr~l~vement dans I'~volution de I' infection : il s'agit d'une donn6e fondamentale, absolument in- dispensable pour une interpretation correcte du r~sultat.

- Tableau clinique et biologique de la mala- die : ces renseignements sont utiles au biologiste qui doit proc6der aux choix des antig~nes :i l serait 6videmment inutile, par exemple, de rechercher les virus seulement neurotropes devant un syndrome purement h~morragique. Certaines demandes sont accompagn6es de la mention ((Arboviroses du

' groupe B)), ce qui supposerait que la clinique pour- rait permettre de reconna~tre le groupe s6rologique du virus en cause ! Or, un m~me tableau clinique peut parfaiternent ~tre engendr6 par des virus tr~s 61oign6s quant ~] leur constitution antig6nique.

Renseignements ~pid~miologiques

- Pour une infection contract6e en France : mode de vie habituel (citadin, agriculteur, chas- seur ...) et lieu de r6sidence. Tousles arbovirus, en effet, ne sont pas tropicaux : plusieurs sont transrnis en France m~tropolitaine, notamment les virus West Nile, Tahyna, Soldado, et celui de I'en- c~phalite ~ tiques.

- Pour une infection contract~e outre-rner : dates et lieux des s6jours hors de France; ces ren- seignements doivent ~tre aussi precis que possible :

dans le temps, de fac, on & Iocaliser comme il convient le d~but de la maladie et les da- tes des pr~l~vements par rapport au d6rou- lement du voyage; ne pas oublier que I'in- cubation ne saurait d~passer 15 jours (inutile d'envisager, par exemple, I'~ventua- lit6 d'une arbovirose asiatique sur la notion d'un s6jour en Inde six mois auparavant !),

dans I'espace, en indiquant, s'il y a lieu, I'itin~raire dat~ du voyage. Rechercher des virus asiatiques chez un sujet ayant s6jour- n~ au Br~sil constitue une erreur se tradui- sant par une perte de temps et d'argent (l ' indication : ((au retour d'un voyage aux Antilles)) est beaucoup trop vague, men- t ionner : ((d~but de la fi~vre survenu 6 jours apr~s avoir quitt~ la Martinique)); de m6me ((du 9 au 12 avril & Bamako puisdu 12 au 20 avril & Abidjan)) est une indica-

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t ion utilisable, alors que ({voyage r~cent de 10 jours en Afr ique de I'Ouest)) ne I'est pas, ni m~me {{en Cbte d' lvoire derni~rement))).

- Dates et lieux des voyages ant~rieurs :nous avons vu que certains anticorps persistent tr~s Iongtemps; leur d6tection peut donc seulement r~v~ler une infection, ~ventuellement inapparente, contract~e Iors d'un voyage effectu~ plusieurs an- n~es auparavant. II y a lieu, en particulier, d' indi- quer clairement au biologiste une r~sidence de Ion- gue dur~e outre-mer. La mention ((malade d'origine antillaise)) ne signifie pas forc~ment que le sujet vit ou a v~cu aux Antilles; un malade dont le nom pa- t ronymique est manifestement vietnamien ou mal- gache n' indique pas n~cessairement qu'il a s~journ~ dans son pays d'origine ! S'ajoutent 6ventuellement des impr~cisions traduisant une ignorance d'ordre g~ographique : des voyages au Sri Lanka (Ceylan) motivent parfois la recherche d'arbovirus d'Oc~a- nie ! Quant & Iocaliser g~ographiquement {(Saint- Gapoure)) (Singapour !) on conc, oit la diff icult~ de la t~che. II arrive aussi qu'un diagnostic soit deman- d~ pour un virus pr6cis n'existant pas dans la r6gion o5 a s~journ~ le sujet. D'autres demandes concer- nent par exemple exclusivement la dengue de type 3 !.

- Circonstances pr~sum~es de I'infection : no- t ion de piqere de tique par exemple.

- N o t i o n d'une ~ventuelle vaccination anti- amarile : lieu, date et type de vaccin. II est extr~- mement frequent de d6celer des anticorps anti- amarils isol6s : sauf mention contraire, on admet g6n6ralement qu'ils sont le relier d'une vaccina- t ion ant6rieure mais il n'est ~videmment pas possi- ble de I'affirmer, surtout sur un unique s~rum. De plus, en cas d' infection naturelle par un Flavivirus (groupe auquel appartient le virus de la fi6vre jau- ne), les anticorps anti-amarils peuvent atteindre un titre tr6s ~lev~ par le jeu des r~actions crois6es, et toute interpretation est impossible sans la notion de vaccination (celle-ci n'a d'ailleurs pas n~cessai- rement 6t~ subie & I'occasion du voyage au cours duquel I'arbovirose rut contract~e).

Ces quelques remarques indiquent assez /'im- portance qu'il faut attacher aux renseignements cliniques et #pid#miologiques qui doivent imp#rat/- vement accompagner tout pr#16vement adress# au laboratoire.

II convient de garder en m6moire que, sur les 450 arbovirus actuellement connus, une centaine

environ est responsable de maladie chez I'homme. Un s6rum unique, d~pourvu de ces informations, adress6 par exemple avec la seule mention {{s~ro- diagnostic d'arbovirose)) (voire ({de I'arbovirus))) est g~n~ralement inutilisable : les antig6nes sont alors choisis au hasard, les ~ventuels r~sultats posi- tifs seront ininterpr6tables. Une telle demande constitue une d~pense inutile, et ne peut satisfaire aucun des trois partenaires, malade, m~decin clini- cien et m~decin biologiste. Des feuilles de rensei- gnements sp6ciales sont & la disposition des labora- toires demandeurs (le personnel charg6 de I'exp6di- t ion des pr~l~vements ayant rec, u des ordres imp~- ratifs ~ ce propos, il arrive souvent que ces feuilles soient bien jointes ~ I'envoi, ... mais vierges !).

De plus, les diff~rentes statistiques 6tablies partir de r6sultats des examens pratiqu~s dans un but diagnostique constituent un syst~me de surveil- lance 6pid~miologique assez satisfaisant, dans le cadre de nos activit6s de Centre National de R6f~rence sur les Arbovirus. Encore faut-il, pour que ces statistiques soient cr~dibles, que les rensei- gnements cliniques et 6pid~miologiques qui nous sont fournis soient utilisables. Une fois ~limin6s les pr~l~vements d~pourvus des renseignements corres- pondants, les effectifs utiles risquent d'etre trop faibles.

TABLEAUI

Positivit~s traduisant une arbovirose ancienne ou rdcente (traces sdrologiques de vaccinations exclues), en fonction des renseignements disponibles (sur 500 s~rums re(}us au laboratoire pour diagnostic au ler janvier au 30juillet 1982)

Renseignernents joints & la demande

S~rurns d~pourvus de tout renseignement clinique et ~piderniologique 149 (29,8%)

S~rurns accornpagn~s de renseignernents insuffisants en nature et/ou en precision 302 (60,4%)

S~rurns accompagn~s de renseignernents precis et cornplets

Positifs

20 (13,4%)

85 (28,1%)

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Total 500 (100%) 121 (24,2%)

217

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T A B L E A U II

Positivit~s traduisant une arbovirose ancienne ou rdcente (traces sdrologiques de vaccinations exclues), en fonction de la formulation de la dernande (sur 500 s~rums re(;us au laboratoire pour diagnostic du ler janvier au 30 juillet 1982).

Formulation de la demande Positifs

((Arbovirus)) ou ((Arboviroses)) (isolement ou s~ro<liagnostic non precise) 93 (18,6%) 10 (10,7%)

((S~ro<liagnostic d'arbovirose)) 302 (60,4%) 54 (17,8%) 407 (81,4%)

i <(S~r0<liagnostic de dengue)) 105 (21,0%) 57 (54,2%)

Total 500 (100%) 121 (24,2%)

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L.'examen des tableaux I e t II indiquant les resultats globaux de 500 serologies consecutives pratiquees dans notre laboratoire du ler janvier au 30 juil let 1 982 illustre bien la situation ~ cet egard. On observe en effet que 9,8% seulement des prele- vements sont accompagnes des renseignements necessaires. Parmi ces prelevements, 32,6% sont positifs, contre 13,4% seulement des serums de- pourvus de renseignements. Quant ~ la formula- t ion de la demande, 10,7% seulement des examens pour ((Arbovirus)) traduisent effectivement une arbovirose (il s'agit generalement d'ailleurs des serums depourvus de renseignements). Les prele- vements rec.us pour ((sero-diagnostic de dengue)) 6manent pour la plupart des DOM-TOM o5 sevis- sent periodiquement des epidemies et, des Iors, il n'est pas etonnant d'y relever un pourcentage de positivite vis-&-vis des virus de dengue de 54,2%. II va de soi que les examens demandes ~ bon escient et correctement formules s'averent propor- tionnellement bien plus souvent positifs et donc bien utiles & tous. On constatera que, dans notre laboratoire, pros du quart des sero-diagnostics rea- lises aboutissent ~ la mise en evidence d'une arbo- virose recente ou ancienne (les traces serologiques de vaccination anti-amarile etant bien entendu exclues).

L ' INTERPRETATION DES RESULTATS

C'est au biologiste, ~ I'inverse, qu'il appartient, condit ion bien sQr qu'il dispose des donnees

necessaires, d'accompagner le resultat d'une inter- pretation aussi claire et utile que possible.

Un resultat negatif isole ne peut faire eli.miner un diagnostic d'arbovirose. II peut s'agir d'un pre- I~vement trop precoce. Chacun salt qu'i l faut alors disposer d'une paire de s#rums, dont les dates de prel~vement sont eloignees de 2 & 3 semaines. II est frequent qu'un serum soit preleve, pour sero- diagnostic uniquement, chez un malade encore febrile, et qu'il ne soit suivi d'aucun serum tardif. II pouvait alors s'agir effectivement d'une arbovi- rose qu'il ne saurait gtre question de mettre en evi- dence dans de relies conditions. Par ailleurs, les infections dues ~ des virus non hemagglutinants (et donc non detectables par I HA), doivent ~tre re- cherchees en F.C.; encore faut-il que les renseigne- ments permettent d'evoquer une telle possibilite pour suggerer au biologiste une telle eventualite.

Mais les plus gros probl~mes d' interpretation resultent de la frequence des reactions croisees ob- servees en I HA. Rappelons ici qu'un sero-diagnostic positif ne saurait qu' indiquer une presomption plus ou moins forte d'arbovirose. Seule une ascension du titre des anticorps (en principe une difference de 4 dilutions) ~ 2 ~ 3 semaines d'intervalle permet d'aff irmer une arbovirose recente. En IHA, reac- t ion dont la specificite se situe au niveau du groupe, de nombreux antig~nes d'un m~me groupe peuvent reagir positivement; le titre le plus eleve n'indique pas necessairement I'arbovirus en cause.' II peut, en effet, s'agir d'une ascension anamnestique d'anti- corps resultant d'une infection naturelle ou d'une vaccination anterieure par un autre virus du groupe. En effet, en cas d' infection par un Flavivirus chez un sujet vaccine contre la fievre jaune, le titre ob- serve vis-&-vis de I'antig~ne amaril peut ~tre tres eleve. On est alors en presence d'une ((reaction de

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Page 9: Le diagnostic biologique des arboviroses : reflexions et commentaires du biologiste

groupe)), tout comme dans I'eventualit~ de plu- sieurs flaviviroses successives, o5 des r~actions for- tement positives peuvent ~tre d~tect~es vis-a-vis de tous les antig6nes du groupe qui seraient utilis~s. Tout essai d' interpr~tation est alors impossible dans I'ignorance des vaccinations subies et des s~jours outre-mer dans les ann~es pr~c~dentes. Sans ces notions, la conclusion ne peut ~tre que ((trace s~rologique d' infection ancienne par un arbovirus de tel groupe)), ce qui n'est gu~re utile au clinicien comme au malade. Dans certains cas, la mise en ceuvre secondaire d'une r6action de fixation du compl~ment, voire d'une s~ro-neutralisation, peut permettre de clarifier un tel r~sultat; ces tests ne peuvent ~tre pratiqu~s qu'~ la condit ion expresse de disposer de donn~es cliniques et 6pid6miologi- ques tr6s pr~cises (tableau III).

Quant ~ I' identification d'un arbovirus isol6 du sang d'un sujet vir~mique, son identification re- pose sur la mise en ~euvre de r~action de fixation du compl~ment ou de s6ro-neutralisation avec I'antig6ne en question vis-&-vis d'immune-ascites de souris pr~par~es avec des virus de r~f~rence. II s'agit d'~preuves extr~mement Iongues et coeteuses et on conc.oit facilement I' importance d'une orien- tation clinique et ~pid~miologique permettant de choisir, parmi les 450 possibilit~s th~oriques, celles (au nombre d'une dizaine au maximum) qui sont les plus probables.

Nous nous devons d'insister sur le fait que seul le biologiste sp~cialiste, parfaitement au fait des variations de la situation ~pid6miologique des arboviroses, peut interpr6ter comme il convient les examens qu'il a lui-m~me pratiqu~s. Une positivit~ isol6e est ininterpr6table et n'est d'aucun int~r~t pour personne.

CONCLUSION

Les arboviroses sont des affections relativement fr~quentes, qu'i l ne faut pas 6voquer en d6sespoir de cause, mais ~ bon escient.

2) Le meilleur moyen de diagnostiquer une arbovirose repose sur I'isolement du virus. La phase de vir6mie est pr6coce;et courte (en pratique, ten- ter I'isolement tant que le malade est f6brile). Adresser alors le pr61~vement (sang recueil l i sur anticoagulant) : dans la glace si le transport dure moins de 6 heures, ou congel~ en carbo-glace ou en azote liquide pour un transport plus long, et men- t ionner clairement ((isolement d'arbovirus)) sur la demande d'examen.

3) Un s#ro-diagnostic ne peut qu'~tablir un diagnostic de pr#somption, a posteriori. Le diag- nostic d'une arbovirose en cours n~cessite obliga- toirement de disposer d'une paire de s#rums pr~le- v~s & 2 ou 3 semaines d'intervalle. E'interpr6tation

e n e s t toujours difficile et al~atoire. Adresser au laboratoire (sans precaution particuli6re) 3 & 4 ml de s6rum st~rilement d~cant6 pour chaque pr~16ve- ment et pr~ciser sur la demande : ((s~ro-diagnostic d'arbovirose)).

4) Accompagner imp#rativement tout pr616- vement adress~ au laboratoire des renseignements indispensables :

- - renseignements d' identif ication : nom, pr~nom, ~ge, sexe, profession du malade, ~tablissement demandeur (h6pital, servi- ce, L.A.M.)et nom du m6decin responsa- ble ~ contacter si n~cessaire,

- renseignements cliniques : date du d~but de la maladie (d6but de la fi6vre et dur~e de la phase f6brile), tableau clinique et biologique de la ma- ladie, dates des pr~t~vements,

II nous semble n6cessaire, pour 6voquer un diagnostic d'arbovirose, et ~tablir ce diagnostic d ans des conditions satisfaisantes, d'avoir ~ I'esprit les notions suivantes :

1) Les arboviroses sont des infections aigSes, f#briles, dont I' incubation dure de 1 & 15 jours (une semaine le plus souvent), surtout (mais non exclusivement) tropicales. Apr~s une phase d'invasion d'allure pseudo-grippale, les tableaux cli- niques sch6matiques de la phase d'~tat sont au nombre de trois : syndrome dengue-like, syndrome meningo-enc~phalitique et syndrome h~morragique.

- - renseignements ~pid~miologiques : dates et lieux (aussi pr#cis que possible) du s~jour outre-mer s i l l y a lieu; lieu de r~sidence (habituel et/ou temporaire) et mode de vie (agriculteur, chasseur, cita- din ...) si le malade n'a pas quitt6 la France, dates et lieux des 6ventuels voyages ant~rieurs, circonstances pr~sum~es de I' infection, notion d'une 6ventuelle vaccination anti- amarile ant6rieure (date, lieu, type de vaccin).

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Page 10: Le diagnostic biologique des arboviroses : reflexions et commentaires du biologiste

Ce n'est qu'~ I'aide de toutes ces informations, d'ailleurs ~l~mentaires et dont le bien-fond~ n'est pas ~ d~montrer, que le biologiste pourra :

- c h o i s i r le (ou les) type(s) d'examen ~ pra- tiquer,

- choisff le mode d'isolement le plus adapt~ ou composer judicieusement la batterie d'antig~nes ~ utiliser,

- interpreter correctement le r~sultat obtenu.

De 25 p.100, les s6ro-positivit~s globales de- vraient alors atteindre 33 p. 100 ou plus des demandes d'examen, et c'est ~ 1'6vidence I'int~r~t de tous de pratiquer en France une m6decine plus efficace, pour le malade, plus satisfaisante pour le clinicien et pour le biologiste. II nous appara~t que, dans ce domaine comme dans tous les autres, une plus grande rigueur dans la d6marche diagnostique dolt sans cesse ~tre recherch~e.

SUMMARY / t appears that, in the field o f arboviroses , a more str ict r igour is necessary in the diagnosis proceeding. Reminding the main clinical aspects o f arbovirus infections, the author defines precisely the diagnosis me- thods (virus isolation, serological diagnosis), insisting on the absolute necessity o f precise informations to annex to every sample sent to the laboratory, in order that biological tests can be adequately chosen and their results correct ly interpreted by the biologist.

Key-words : Arbovirus infections - Virus isolation - Serological diagnosis - Biological diagnosis.

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