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Michel MinéDaniel Marchand

LE DROIT DU TRAVAIL

EN PRATIQUE

Vingt-troisième édition mise à jour au 14ÞjanvierÞ2011.

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© Groupe Eyrolles – 1983, 1995, 1996, 1997, 1998, 1999, 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2005, 2008, 2009, 2010, 2011

ISBN : 978-2-212-54883-9

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ChapitreÞV

Droits et libertésde la personne du travailleur

Le Code du travail prévoit que «Þnul ne peut apporter aux droits despersonnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions quine seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni propor-tionnées au but recherchéÞ» (L.Þ1121-1, L.Þ120-2).

La personne au travail peut exercer ses libertés et ses droits de per-sonne humaine et en particulier de citoyen. Il s’agit là des droits del’Homme au travail, dont le citoyen demeure titulaire dans son activitéprofessionnelleÞ; ces droits constituent une limite au lien juridique desubordination.

Une distinction est à opérer entre les libertés et les droits. Ainsi,l’exercice des libertés suppose l’abstention du pouvoir (selon la concep-tion du libéralisme issu de la Révolution française notamment)Þ; tandisque l’exercice des droits suppose l’intervention du pouvoir (en référenceaux droits sociaux proclamés à la Libération notamment).

Une liberté précède toujours le droit correspondantÞ; par exempledans l’entrepriseÞ: liberté d’expression du citoyen qui suppose quel’employeur n’intervienne pas et droit d’expression du salarié quiimplique que l’employeur mette à sa disposition des moyens (groupesd’expression).

Les formules ne sont pas toujours précises et ne rendent pas toujourscompte de la complexité de ces «Þdroits et libertésÞ». Ainsi, le droit demener une vie familiale normale constitue à la fois une liberté et undroit.

L’employeur doit respecter les droits et libertés de la personne dusalarié. Des restrictions sont possibles, mais uniquement si elles sontpertinentes, la restriction devant être proportionnée à ce qui est néces-saire à l’exercice de la fonction professionnelle.

La dignité est à la source des droits et libertés de la personne humaineet des règles de non-discrimination. Selon le droit communautaire, ladignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée(CJCE 9Þoct. 2001, le droit fondamental à la dignité humaine fait partie

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du droit de l’UE). La dignité de la personne humaine n’est pas seule-ment un droit fondamental en soi, mais constitue la base même desdroits fondamentaux. En droit interne, la dignité a valeur constitution-nelle (DC 27Þjuill. 1994) et est protégée par le Code civil (art.Þ16) etpar le Code pénal (art.Þ225-13 et 14). La personne ne peut pas renoncerà sa propre dignité (CE 27Þoct. 1995, affaire dite du «Þlancer de nainÞ»).«ÞLa dignité humaine suppose la reconnaissance de la valeur égale de tous lesindividusÞ» et «Þl’importance intrinsèque de toute vie humaineÞ»Þ; l’autono-mie personnelle en découle (CJCE 10Þjuill. 2008, SharonÞColeman,conclusions de l’avocat général du 31Þjanv. 2008).

Droits et libertés

Ces droits et libertés se distinguent en droits et libertés du citoyen eten droits et libertés plus spécifiques au travailleur.

À lireÞ: Mélanges en l’honneur de Jean-MauriceÞVerdier, Droit syndical etdroits de l’homme à l’aube du XXIeÞsiècle, Dalloz, 2000Þ; A.ÞLyon-Caen,Droits fondamentaux et droit social, Dalloz, 2004Þ; P.ÞWaquet, L’entrepriseet les libertés du salarié, Liaisons, 2003Þ; M.ÞMiné, Siffler en travaillantÞ?Les droits de l’homme au travail, Le Cavalier Bleu, 2006.

Droits et libertés du citoyen

A. Liberté d’expression

La liberté d’expression est un droit individuel, consacré en droitinterne (Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789) eteuropéen (Convention européenne des droits de l’Homme de 1950).

Hors de l’entreprise, la liberté d’expression s’exerce pleinement, saufabus – le salarié qui s’est exprimé sans abus ne peut pas être sanctionné,un licenciement liberticide est nul (jurisprudence constante depuisSoc.Þ28Þavril 1988, affaire ClavaudÞ; voir le chapitreÞVI concernant l’abus).

Dans l’entreprise, «Þsauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise (…) desa liberté d’expressionÞ» (Soc. 14Þdéc. 1999). L’abus consiste en des «Þter-mes injurieux, diffamatoires ou excessifsÞ». «ÞSeules des restrictions justifiéespar la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peu-vent être apportéesÞ» (Soc. 8Þdéc. 2009, PBRI, Sté Dassault Systèmes).Le salarié ne peut pas se voir interdire les conversations extraprofes-sionnelles (CE 25Þjanv. 1989). Une salariée ingénieur de sécurité nepeut pas être licenciée pour s’être exprimée de manière critique sur leplan de la direction en matière de prévention du risque incendie, aucours d’une réunion du CHSCT (CA Paris, 25Þmars 2004, licencie-ment nul). Le droit d’expression, lui, est un droit collectif (voir cha-pitreÞ21).

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B. Liberté religieuse

La liberté religieuse est une liberté fondamentale qui peut s’exprimer(CEDH art.Þ9 et 10)Þ: ainsi, toute personne a droit à la liberté de pen-sée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changerde religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa reli-gion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ouen privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplisse-ment des rites. Les discriminations en raison d’une religion sont inter-dites (Directive 27Þnov. 2000, Préambule de la Constitution de 1946).

Mais cette liberté, comme toute liberté, n’est pas absolue et doit seconcilier avec d’autres droits et libertés («ÞNul ne peut être inquiété pour sesopinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordrepublicÞ», DDHC 1789, art.Þ10).

Les convictions religieuses peuvent s’exprimer sous réserve de ne pasporter atteinte au bon fonctionnement de l’entreprise. L’employeurtitulaire du pouvoir de direction doit pouvoir organiser le fonctionne-ment de l’entreprise et l’activité des salariés pour atteindre les objectifsqu’il a fixés et maintenir la paix sociale entre les salariés.

La question n’est donc pas nouvelle, mais elle se pose de manièrerenouvelée. La réponse juridique n’est pas écrite, elle est en cours d’écri-ture. Une illustration de cette conciliation se rencontre dans la juris-prudence sur le port du voile («Þdes voilesÞ»)Þ:– une salariée télévendeuse porte un voile selon une tradition islami-

que (CA Paris, 19Þjuin 2003, Sté Téléperformance). À la suite d’unemutation sur un autre site, l’employeur lui demande de le retirer,mais la salariée refuse. Son licenciement est jugé discriminatoire(nullité de la rupture et poursuite du contrat de travail), la lettre delicenciement faisant référence au refus de renoncer à la manifestationde ses convictions religieuses, aucune difficulté n’étant recensée avecla clientèle déjà rencontrée et l’employeur n’apportant pas de preuved’éléments objectifs justifiant le refus.

– une salariée vendeuse dans un magasin de mode d’articles fémininsdécide de porter une bourkaÞ; le refus de l’employeur et le licenciementsont justifiés (CA Saint-Denis de la Réunion, 9Þsept. 1997Þ; CPH Man-tes la Jolie 13Þdéc. 2010, licenciement pour insubordination d’une sala-riée portant un «Þvoile islamique dans une crèche – Aff.ÞBaby-Loup).

– une salariée vendeuse de fruits et légumes dans un centre commercial sevoit refuser le port du voile par son employeur (CA Paris, 16Þmars2001). Ce refus est justifié, le juge soulignant que l’employeur a tentéune conciliation en proposant que le voile soit porté de façon discrète enbonnetÞ; de plus, il avait auparavant accepté une absence de la salariéehors période de congés pour lui permettre de se rendre à LaÞMecque.

– le seul port d’un «ÞfoulardÞ» ne constitue pas, par lui-même, un actede pression (CE, 27Þnov. 1996).

La jurisprudence donne donc une réponse contextualiséeÞ: suivant lafonction exercée, l’environnement, etc., la réponse ne sera pas la même.L’entreprise ne peut pas interdire de manière absolue toute expression

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religieuse (délibération HALDE 3Þmars 2008), mais les pratiquantsd’un culte ne peuvent pas imposer leurs comportements ou leur prosé-lytisme (CA Toulouse, 9Þjuin 1997Þ; CA Versailles, 23Þjanv. 1998,délibération HALDE, 6Þavril 2009).

Par conséquent, l’entreprise et les partenaires sociaux sont invités àréfléchir et à répondre à la question posée, à partir et dans le respect desrepères et des balises formulés par le droit et au regard du contexteconcret de travail. Il s’agit par conséquent de définir un cadre collectifpour l’exercice de droits individuels. Ce mouvement a commencé avecplusieurs accords collectifs intéressants comme l’ANI d’octobreÞ2006sur la «ÞdiversitéÞ» (étendu), l’accord PSA de 2004, l’accord Casino de2005, ou encore l’accord ADECCO de 2007, etc.

C. Droit à sa vie privée

Le droit au respect de sa vie privée (art.Þ9 Code civil) implique que leslibertés civiles (se marier, divorcer, conclure un PACS, etc.) soient res-pectées (tout comme avoir une relation sentimentale entre salariés de lamême entreprise). Un règlement intérieur ne peut pas interdire lemariage entre salariés (CE 10Þjuin 1982).

Le salarié a le droit de ne pas être joignable sur son téléphone porta-ble, en dehors de ses heures de travail (Soc.Þ17Þfévr. 2004). Les choix devie privée ne doivent pas être entravésÞ: consommation (Soc.Þ22Þjanv.1992, achat d’un véhicule d’une société concurrente), choix humanitai-res (Soc. 16Þdéc. 1997, clerc de notaire condamné pour aide au séjourd’un étranger sans titre), etc.

Concernant le domicile, «Þsi l’usage fait par le salarié de son domicilerelève de sa vie privée, des restrictions sont susceptibles de lui être apportées parl’employeur à condition qu’elles soient justifiées par la nature du travail àaccomplir et qu’elles soient proportionnées au but recherchéÞ»Þ; il en est ainsi«Þs’agissant d’un établissement spécialisé dans l’accueil des mineurs en diffi-culté, l’interdiction faite aux membres du personnel éducatif de recevoir à leurdomicile des mineurs placés dans l’établissement était une sujétion professionnellepouvant figurer dans le règlement intérieur et… cette restriction à la liberté dusalarié (…) était légitimeÞ» (Soc. 13Þjanv. 2009, Ass. Sauvegarde 71).

D. Droit à une vie personnelle

Le droit à une vie personnelle, qui va au-delà de la seule vie privée,s’exerce sur et hors du lieu de travail.

1. Sur le lieu de travail

«ÞMême au temps et au lieu de travail, le salarié a droit au respect de l’inti-mité de sa vie privéeÞ» (Soc.Þ2Þoct. 2001, Nikon). Cela se vérifie notam-ment pourÞ:– la correspondance postaleÞ: le secret des correspondances est protégé

(art.Þ226-15 NCPÞ; art.Þ8 CESDH), même si l’employeur a interdit

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la réception de courrier personnel dans l’entreprise. L’employeur nepeut pas fonder une sanction disciplinaire sur le contenu d’une cor-respondance privée ouverte par mégarde (Ch. mixte 18Þmai 2007).

– le courrielÞ: l’employeur ne peut pas prendre connaissance des e-mailsenvoyés et reçus par le salarié grâce à l’outil informatique mis à sadisposition, même quand l’employeur avait interdit une utilisationnon professionnelle de l’ordinateur, dès lors qu’ils sont stockés dansun fichier intitulé «ÞpersonnelÞ» (Soc. 2Þoct. 2001, Nikon). Maiscette consultation est possible quand «Þl’employeur a des motifs légitimesde suspecter des actes de concurrence déloyaleÞ» et qu’il a fait appel sur labase d’une décision de justice (ordonnance du TGI) à un huissierpour accéder aux données et opérer les constats (Soc. 23Þmai 2007Þ;risque ou événement particulier, Soc. 17Þmai 2005Þ; «Þraisons légiti-mes et sérieuses de craindre que l’ordinateur mis à disposition de la salariéeavait été utilisé pour favoriser des actes de concurrence déloyaleÞ»(Soc.Þ10Þjuin 2008, SA Mediasystem)Þ; l’administrateur réseaux,tenu d’une obligation de confidentialité, peut ouvrir les messagespersonnels des salariés dans le cadre de sa mission, de sécurité desréseaux informatiques – les délégués du personnel peuvent faire uneenquête avec l’employeur pour être éclairés sur la réalité de l’atteinteportée aux droits des personnes (Soc. 17Þjuin 2009, Sté Sanofi chi-mie). L’employeur peut consulter, hors la présence du salarié, sesconnexions internet (Soc. 9 févr. 2010).

– le droit de refuser de participer à une activité récréative (excursion),même organisée par l’employeur en concertation avec le comité d’entre-prise, pendant son temps de travail (Soc. 8Þoct. 1996, MmeÞCosta c/ÞSté Eurodirect). Le salarié doit percevoir sa rémunération.

2. Hors du lieu de travail

En principe, le salarié est libre de ses faits et gestes et n’a pas d’obli-gation envers son employeur (sauf celle de loyauté). Par conséquent, lesactes commis ne peuvent pas justifier un licenciement, sauf par excep-tion quand le comportement du salarié a causé dans l’entreprise untrouble «ÞobjectifÞ», compte tenu de la nature des fonctions exercées etde la finalité propre de l’entreprise (Ch. mixte 18Þmai 2007). «ÞUn faitimputé au salarié relevant de sa vie personnelle ne peut constituer une fauteÞ»(Soc. 16Þdéc. 1997, préc.).

Le salarié ne doit pas être en astreinte pendant ses périodes de reposminimum.

E. Droit de mener une vie familiale normale

Le droit de mener une vie familiale normale s’exerce en particulier auregard du domicileÞ:– libre choix du domicile (Soc. 12Þjanv. 1999, M.ÞSpileersÞ; Soc. 12Þnov.

2008, pour des employés d’immeubles).

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– droit de refuser de travailler à domicile (Soc. 2Þoct. 2001, Sté AXA)Þ;ou a contrario impossibilité pour l’employeur de remettre en causel’exécution en partie de la prestation de travail au domicile du sala-rié, qui avait fait l’objet d’un accord entre les parties (Soc. 31Þmai2006, Sté SCC)Þ; le travail à domicile relève notamment de l’ANI du16Þjuill. 2002 sur le travail à domicile.

– droit d’obtenir une mutation géographique, «Þsans expliquer les rai-sons objectives qui s’opposaient à ce que l’un des postes disponibles dans larégion d’Avignon soit proposé à la salariée, contrainte de changer son domi-cile pour des raisons familiales sérieuses, (…) la décision de l’employeur,informé depuis plusieurs mois de cette situation, de maintenir son affectationà Valenciennes, portait atteinte de façon disproportionnée à la liberté duchoix du domicile de la salariée et était exclusive de la bonne foi contrac-tuelleÞ» (Soc. 24Þjanv. 2007, MmeÞNegri c/ÞSA Omnium de gestionet de financement).

– mise en œuvre d’une clause de mobilité géographique ne doit pasporter atteinte au droit à une vie familiale (salariée veuve ayant deuxenfants, Soc. 13Þjanv. 2009, SA Iss Abilis).

Il s’exerce aussi en matière de modification des horaires de travail.

F. Liberté vestimentaire

En principe, le salarié est libre de choisir sa tenue vestimentaire surson lieu de travail.

Cependant, «Þla liberté de se vêtir à sa guise au temps et au lieu de travailn’entre pas dans la catégorie des libertés fondamentalesÞ» (Soc. 28Þmai 2003et Soc. 12Þnov. 2008, M.ÞMontribot c/ÞSAGEM, affaire dite du ber-muda). La liberté vestimentaire n’est pas une liberté fondamentale dontle non-respect par l’employeur entraînerait la nullité de sa décision(licenciement notamment).

Les restrictions apportées par l’employeur à la liberté vestimentairedoivent être justifiées, par l’activité professionnelle, et proportionnées(Soc. 18Þfévr. 1998, M.ÞBouéry c/ÞSté SleeverÞInternationalÞ; salariérefusant de porter une blouse blanche dans un atelier de coupe).

Ainsi, une apprentie serveuse de restaurant peut porter un piercing(CA Toulouse, 11Þoct. 2001)Þ; l’employeur ne peut pas imposer à desambulanciers le port obligatoire d’une cravate en interdisant «Þjeans etbasketsÞ» (Soc. 19Þmai 1998Þ; les prescriptions de l’employeur ne peu-vent pas être plus exigeantes que celles de la convention collectiveapplicable)Þ; deux salariés embauchés en qualité de surveillants par unsyndicat de copropriétaires d’une résidence peuvent refuser de porterun uniforme, alors qu’une clause du contrat individuel de travaill’imposait (Soc. 16Þjanv. 2001, le contrat de travail ne peut comporterde restrictions plus importantes aux libertés individuelles que cellesprévues par la convention collective, la CCN des gardiens conciergesemployés d’immeubles imposant le port d’un uniforme uniquement

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pour certaines catégories de personnel auxquelles n’appartenaient pasces salariés)Þ; etc.

L’employeur peut prescrire certaines tenuesÞ:– pour des motifs de sécurité (exempleÞ: port d’Équipements de Pro-

tection Individuelle, adaptés au salarié, quand la protection collec-tive est impossible ou en complément de celle-ci).

– pour des motifs commerciaux (exemplesÞ: uniforme pour une hôtessede l’air, CA Paris, 13Þmars 1984Þ; tenue fournie par l’entreprise pourune caissière de magasin, Soc. 7Þoct. 1992, MmeÞAppino c/ÞNouvel-les Galeries)Þ; le règlement intérieur peut fixer une «Þobligation pourle personnel qui est en contact avec la clientèle d’avoir une présen-tation correcte et soignée adaptée à l’image de marque du magasinÞ»(circulaire du ministère du Travail du 10Þsept. 1991).

En revanche, l’employeur ne peut pas imposer de manière détailléeune apparence physique (TGI Créteil, 19Þjanv. 1995, CGT c/ÞEuro-disney, interdisant un «ÞCode des apparencesÞ») ni une tenue ridicule,dégradante ou indécente (CA Paris, 16Þjuin 1990), etc. L’employeur nepeut pas non plus imposer le port d’un uniforme aux salariés sanscontact avec la clientèle (Soc. 3Þjuin 2009, CCN des entreprises de pré-vention et de sécurité, pour des «Þagents-vidéosÞ»).

L’employeur peut interdire certaines tenues (exemplesÞ: bermuda portépar un salarié, agent technique dans une entreprise de la métallurgie,sous sa blouse, pendant une période de canicule, et licencié pour ce fait,Soc. 28Þmai 2003 et Soc. 12Þnov. 2008, préc.Þ; dans le cas d’une salariéeen contact avec la clientèle, dans une agence immobilière, l’employeurpeut lui interdire de se présenter au travail en survêtement, Soc. 6Þnov.2001, MmeÞBrunet c/ÞSarl LR ImmobilierÞ; pour une aide-comptable,amenée à se déplacer dans les bureaux de l’entreprise, «Þun chemisier trans-parent sur une poitrine nueÞ», Soc. 22Þjuill. 1986, MmeÞMorel c/ÞSté Siteco).

Droits et libertés du travailleur

A. Liberté du travail

La liberté du travail, de valeur constitutionnelle (décret d’Allarde 14-17Þjuin 1991), «Þle droit qu’a toute personne d’obtenir la possibilité de gagnersa vie par un travail librement choisi ou acceptéÞ» (Soc. 16Þdéc. 2008, StéAxa, art.Þ6.1 du Pacte international relatif aux droits économiques,sociaux et culturels de 1966Þ; CEDH), implique que le salarié peutchoisir son travail et changer d’employeur. Elle permet notamment ausalarié de mettre en échec ou de limiter la portée de certaines clausescontractuelles (clause d’exclusivité, de non-concurrence, de dédit-formation, etc.). L’employeur doit respecter cette liberté d’exercer uneactivité professionnelle (Soc. 27Þfévr. 2007Þ; Soc. 11Þjanv. 2006Þ; Soc.10Þjuill. 2002). Cette liberté du travailleur s’accompagne désormais du«Þdroit à la qualification professionnelleÞ» et à une formation permet-tant d’acquérir une qualification (L.Þ6314-1).

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«ÞLa clause par laquelle l’employeur soumet l’exercice, par le salarié engagé àtemps partiel, d’une autre activité professionnelle, à une autorisation préalable,porte atteinte au principe fondamental du libre exercice d’une activité profession-nelle et n’est valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légi-times de l’entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir etproportionnée au but recherchéÞ» (Soc. 16Þsept. 2009, SA Ame’ric).

Cette liberté s’accompagne désormais du «Þdroit à la qualificationprofessionnelleÞ» et à une formation permettant d’acquérir une qualifi-cation (L.Þ6314-1). «ÞTout travailleur engagé dans la vie active (…) adroit à (…) la qualification professionnelleÞ» et «Þdoit pouvoir suivre, àson initiative, une formation lui permettant, quel que soit son statut,de progresser au cours de sa vie professionnelle (…) en acquérant unequalification…Þ», enregistrée dans le Répertoire National des Classi-fications Professionnelles, reconnue dans les classifications d’uneConvention Collective Nationale de branche ou ouvrant droit à un cer-tificat de qualification professionnelle (cf. infra VAE).

Cette liberté est à distinguer du «Þdroit à l’emploiÞ» qui n’est pas(encoreÞ?) considéré comme un droit individuel. Le Conseil constitu-tionnel le reconnaît comme un droit collectifÞ: «ÞIl appartient à la loi deposer des règles propres à assurer au mieux le droit pour chacun d’obtenir unemploiÞ» (DC 12Þjanv. 2002).

Ainsi, il est nécessaire de rendre effectif «Þl’emploi des travailleurs àdes occupations où ils aient la satisfaction de donner toute la mesure deleur habileté et de leurs connaissances et de contribuer le mieux aubien-être communÞ» (articleÞIII b, de la Déclaration de Philadelphie, del’OIT, du 10Þmai 1944).

B. Droit à la santé

Le droit à la santé implique notamment le droit au repos (à valeurconstitutionnelle, DC 29Þavril 2004), et donc l’absence d’astreinte pen-dant les repos minimum obligatoires, et le droit de retrait (voir le cha-pitreÞ13 sur ce droit fondamental à la santé).

C. Droit de participer

Il traduit des «Þlibertés collectivesÞ» d’exercice individuel. Ce droit semanifeste notamment à travers la liberté de s’unir (liberté syndicale, exer-cice d’une activité syndicale), le droit d’élire ses délégués, le droit d’agirdans un conflit collectif (faire grève), le droit de négocier collectivement(droit à la négociation collective) ou encore le droit de s’exprimer collec-tivement (voir la quatrième partie de cet ouvrage). Ainsi, l’employeurdoit respecter la liberté de manifestation (Soc. 23Þmai 2007).

La dimension collective des droits de l’Homme est essentielle. À défautde leur mobilisation, les droits de l’Homme «ÞindividuelsÞ» risquent soitde générer des comportements individualistes et égoïstes, en revendi-quant des droits sans obligations, soit de demeurer largement ineffectifs.

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