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UNIVERSITÉ LUMIERE LYON 2 Institut d'Etudes Politiques Mémoire de fin d’études Le Droit International Humanitaire face au terrorisme: les prisonniers de Guantanamo Séminaire de Droit International Public Marie RAMBAUD Sous la direction de Mr KDHIR Année universitaire 2006-2007 Mémoire soutenu : 15 juin 2007

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UNIVERSITÉ LUMIERE LYON 2Institut d'Etudes PolitiquesMémoire de fin d’études

Le Droit International Humanitaire face auterrorisme: les prisonniers de Guantanamo

Séminaire de Droit International PublicMarie RAMBAUD

Sous la direction de Mr KDHIRAnnée universitaire 2006-2007Mémoire soutenu : 15 juin 2007

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Table des matièresRemerciements . . 4Dédicace . . 5Introduction . . 6Titre 1 : Le Droit international humanitaire : un cadre normatif adapté au terrorisme dans lecas de conflits armés . . 13

Chapitre 1 : De l’applicabilité du droit des conflits armés à la Guerre en Afghanistan. . . 14I. L’angle du jus ad bellum :de la responsabilité des Taliban et de la légitime défense. . 14II. La guerre en Afghanistan, un conflit armé ( ou quand la lutte contre le terrorismeprend la forme d’un conflit armé) . . 19

Chapitre 2 : L’interprétation américaine : une application relative du droit des conflits armés( à travers le statut des prisonniers de Guantanamo). . . 24

I. Les détenus de Guantanamo : un statut juridique incertain . . 24II. Une application relative et discriminatoire du droit des conflits armés auxprisonniers de Guantanamo. . . 30

Titre 2 : Le Droit international humanitaire : un cadre normatif inadapté au terrorisme entemps de paix . . 42

Chapitre 1 : Nullum crimen sine lege ?ou de l’introuvable définition du terrorisme . . 42I. Le terrorisme, un flou juridique ou le « brouillage conceptuel » entre guerre etterrorisme. . . 42II. L’impasse de la définition du terrorisme . . 45

Chapitre 2 : Nulla poena sine lege : la répression des actes terroristes. . . 52I. La mise en place d’un droit pénal ad hoc par les Etats-Unis . . 52II. De la réponse pénale au terrorisme et du respect des droits liés au procès . . 58

Bibliographie . . 73Dictionnaires . . 73Articles . . 74Publications officielles . . 76

Conventions de Genève . . 76Conventions de l’ONU . . 76Conventions régionales . . 77Conventions internationales et régionales relatives aux Droits de l’Homme . . 78Résolutions, projets et rapports . . 78

Législation américaine . . 79Jurisprudence . . 79

Jurisprudence américaine . . 79Jurisprudence de la CIJ . . 80Jurisprudence du Tribunal Pénal International pour l’ex Yougoslavie . . 80Jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme . . 80Jurisprudence britannique . . 81

Discours . . 81Résumé . . 81Mots-clefs . . 82

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Le Droit International Humanitaire face au terrorisme: les prisonniers de Guantanamo

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RemerciementsA Mr Kdhir, mon directeur de mémoire. Pour sa disponibilité, pour m’avoir enseigné la rigueuret transmis la passion du Droit.

A Julia, pour son écoute, ses questions pertinentes et son aide précieuse.

A ma famille et mes amis, pour leur patience tout au long de l’élaboration de ce mémoire.

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Dédicace

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DédicaceDédicaces

A mon père

A Pierre-Vincent

A Raphaël

A Amélie et à Eugénie

« La violence, qui domine surtout dans la guerre, a quelque chose qui tient de labête féroce ; il faut mettre d’autant plus de soin à la tempérer par l’Humanité, depeur qu’en imitant trop les bêtes féroces, nous ne désapprenions l’Homme »Grotius

« L'homme doit avoir pour guide invariable et constant les principes éternels dudroit et de la justice. »Donoso Cortes

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Le Droit International Humanitaire face au terrorisme: les prisonniers de Guantanamo

6 RAMBAUD Marie_2007

Introduction

« La paix, la tolérance, le respect mutuel, les Droits de l’Homme, l’état de droit et l’économie

mondiale, ont tous également souffert des actes terroristes 1 ».

Cet extrait de l’allocution du Secrétaire Général des Nations Unies, Mr Kofi Annan,souligne et illustre l’impact sans précédent créé par les attentats du 11 septembre 2001,contre le World Trade Center. Partant, il s’agit de mettre en exergue les conséquencesdu terrorisme dans la société internationale. En effet, le terrorisme est un phénomènequi, semble-t-il, a bouleversé les cadres connus de pensée et d’analyse tant politique quejuridique.

Le cadre juridique qui semble avoir été ébranlé est bel et bien celui de la paix, et,partant, de la guerre. Pourtant, guerre et terrorisme coexistent depuis toujours. En effet,comme l’attentat du 28 juin 1914, à Sarajevo, allait être l’élément déclencheur de la PremièreGuerre Mondiale, de même, suite aux attentats du 11 septembre, la notion de « guerre »a beaucoup été entendue, afin de décrire, non seulement l’impact de ces actes mais aussipour en désigner la riposte. Il s’agit, tant pour la guerre que le terrorisme, d’un recours àla violence.

Cependant, si guerre et terrorisme, prima facie, semblent liés, il n’en s’agit pas moinsde deux notions juridiquement différentes. Car s’il existe un droit de la guerre, il n’en estrien pour le terrorisme. Il convient donc de définir chacun de ces concepts, pour tenter d’encirconscrire leur champ d’application.

La guerre est un conflit armé entre deux sujets de droit international. Phénomèneancien, Héraclite d’Ephèse le désignait comme étant « la mère du droit des gens ». C’estainsi que dès son apparition naquit la volonté d’en définir les droits et obligations, autrementdit de créer un droit de la guerre. Ce droit, pour reprendre la définition de Jean Pictet, est« une branche du droit international qui s’inspire du sentiment d’humanité et qui est centrésur la protection de la personne humaine ». C’est bel et bien ce « sentiment d’humanité »qui, semble-t-il, poussa Platon à écrire qu’ « il n’est jamais juste de réduire en servitudes

des cités grecques 2 » ou Aristote à mettre en lumière la nécessaire solidarité entre les

hommes, au cours de la guerre. Ainsi apparurent les premières bases d’un droit de la guerre.Mais c’est en élaborant la théorie de la guerre juste que juristes et philosophes parvinrentà donner un sens véritablement juridique à ce phénomène.

Ainsi les auteurs romains jetèrent les premières bases de cette théorie, à l’instar deCicéron. Selon lui, une guerre doit avoir pour but de répondre à une violation de la paixet, par là, de viser à rétablir celle-ci. Mais c’est au cours du Moyen-Age que cette théorieprendra toute son ampleur, autour d’auteurs tels Saint Augustin ou Saint Thomas. Seloncette théorie, la guerre apparaît donc comme devant punir les atteintes au droit. Autrementdit, il s’agit là des règles régissant le jus ad bellum, que l’on peut définir comme le droit defaire la guerre. Par là même, il apparaît que les règles visant à « humaniser » la guerre

1 Annan K, Allocution devant l’Assemblée Générale des Nations Unies, le 1er octobre 2001.2 Cité dans Harouel-Bureloup V, Traité de Droit Humanitaire, PUF, Paris, 2005, p.25.

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Introduction

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sont absentes du cadre légal, cadre définissant de manière objective les conditions danslesquelles il est permis à un Etat de recourir à la force.

Mais c’est aux XVII et XVIIIème siècles que réapparaissent les règles d’humanité, ouce que l’on peut désigner comme le jus in bello : les règles régissant les rapports entre lesbelligérants. Ainsi, Suarez, Vitoria puis Vattel vont théoriser cette notion.

Tout d’abord, Suarez évoque la guerre comme étant nécessairement un recours ultime,précisant la nécessité, en cas de conflit, de préserver : « la communauté morale et juridiquede tous les peuples de la terre entière, liés par un ensemble de droits et de devoirs universels

et humains 3 . » Cette idée de « devoirs universels et humains » semble ainsi renvoyer à

l’idée d’une « juste conduite » de la guerre, entre belligérants.Vitoria soulignera ainsi la nécessité, en cas de conflits, de veiller à ne créer que : « le

minimum de malheurs et de souffrance 4 »

Mais c’est Vattel qui marquera le réel point de départ de la distinction entre jus in belloet jus ad bellum, ancrant dans le droit des gens une série de règles fixant des limites auxmoyens licites de guerre. Il relativise ainsi la doctrine de guerre juste, affirmant que :

« La guerre ne peut être juste de deux côtés. L’un s’attribue un droit, l’autre lelui conteste ; l’un se plaint d’une injure, l’autre nie de l’avoir faite. Ce sont deuxpersonnes qui se disputent sur la vérité d’un propos. […] Puis donc que lesnations sont égales et indépendantes, et ne peuvent s’ériger en juge les uns desautres, il s’ensuit que dans toute cause susceptible de doute, les armes de deuxparties qui se font la guerre doivent passer également pour légitimes, au moins

quant aux effets extérieurs 5 . »Ainsi, Vattel souligne la nécessité d’un droit applicable, de la même manière, aux deuxparties d’un conflit armé, afin de limiter les effets de la guerre.

Cependant, c’est à Grotius que l’on doit véritablement les fondements même du droitde la guerre, puisque dans « De jure belli ac pacis », il tente de concilier jus ad bellum etjus in bello, comme le souligne cet extrait :

« En donnant pour titre à ce traité – Du droit de la guerre, nous entendons par làrechercher d’abord […] s’il y a quelque guerre qui soit juste, et ensuite ce qu’il y ade juste dans la guerre. Car le mot droit ne signifie pas autre chose ici que ce quiest juste, et cela dans un sens plutôt négatif qu’affirmatif, de sorte que le droit estce qui n’est pas injuste6 »

Les philosophes des Lumières reprendront ces bases, associant, quant à eux, droit etmorale. Ainsi, Condorcet écrivait que : « la loi de la nature met des bornes au droit de la

3 Cité dans Alland D et Rials S (dir), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, Paris, 2003, p 772.4 Cité dans Harouel-Bureloup V, Traité de Droit Humanitaire, PUF, Paris, 2005, p.71.

5 DE VATTEL Emer, Le droit des gens, ou principes de la loi naturelle appliqués à la conduite et aux affaires des Nations

et des Souverains, livre III, chapitre III, paragraphes 39 et 41, Genève, Editions Slatkine Reprints et Institut Henry Dunant,

1983, tome II, p. 306 GROTIUS, De jure belli ac pacis, 1625, trad. P Pradier-Fodéré, ed par D. Alland et S Gayard-Fabre, P.U.F, Léviathan, Livre

I Chapitre III-1.

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8 RAMBAUD Marie_2007

guerre7 », soulignant par là même le caractère indissociable du jus in bello et du jus adbellum.

La codification de ces règles intervient dès 1863, avec le Code Lieber. Il s’agissait d’uncode pour les armées en campagne, mais destiné aux armées des Etats-Unis. Cependant,il s’agit d’une première tentative de codification des lois et coutumes de la guerre.

Cette codification se poursuit au niveau international, avec la première Convention deGenève, en 1864. Adoptée dans la lignée de la création de la Croix Rouge, cette conventionavait pour but, comme son nom l’indique, d’améliorer le sort des militaires blessés encampagne. Celle-ci consacre ainsi, dans du droit positif, des principes tels que l’obligationde soigner, sans distinction, les blessés de guerre.

S’il s’agit d’une codification de règles du jus in bello, la deuxième source du droit dela guerre, le jus ad bellum, n’en est pas moins absente. Ainsi, ces deux sources sontconciliées à travers la convention de la Haye de 1899. Si celle-ci, prima facie, consacreavant tout les règles du jus ad bellum : « Considérant que, tout en recherchant les moyensde sauvegarder la paix et de prévenir les conflits armés entre les nations, il importe de sepréoccuper également du cas où l'appel aux armes serait amené par des événements queleur sollicitude n'aurait pu détourner8 », on peut noter l’apparition de la Clause de Martens,clause qui stipule :

« En attendant qu'un code plus complet des lois de la guerre puisse être édicté,les Hautes Parties contractantes jugent opportun de constater que, dans lescas non compris dans les dispositions réglementaires adoptées par elles, lespopulations et les belligérants restent sous la sauvegarde et sous l'empire desprincipes du droit des gens, tels qu'ils résultent des usages établis entre nationscivilisées, des lois de l'humanité et des exigences de la conscience publique. »

Les conventions élaborées entre 1864 et 1907 furent remplacées en 1929, en réponse auxatrocités de la Première Guerre Mondiale. Mais ce sont aujourd’hui les quatre Conventionsde Genève, adoptées en 1949 et complétées par les Protocoles de 1977, qui constituent ledroit applicable aux conflits armés. Il s’agit ainsi de la Convention relative à l’amélioration dusort des blessés et des malades dans les forces armées de campagne ; la Convention pourl’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées surmer ; la Convention relative au traitement des prisonniers de guerre et enfin, la Conventionsur la protection des personnes civiles en temps de guerre. Quant aux protocoles, ilsviennent renforcer la protection des victimes des conflits armés internationaux et noninternationaux.

Ces Conventions de 1949 constituent l’essence même du droit de la guerre, en sont lapierre angulaire. Elles soulignent ainsi le fait que ce droit soit constitué non seulement dujus ad bellum mais aussi du jus in bello. Cette définition sera consacrée par la jurisprudencede la Cour Internationale de Justice, celle-ci estimant que : « Ces deux branches du droitapplicable dans les conflits armés ont développé des rapports si étroits qu’ils sont regardés

7 Cité dans Cité dans Harouel-Bureloup V, Traité de Droit Humanitaire, PUF, Paris, 2005, p.79, extrait de Politique de Condorcet,Textes choisis et présentés par Charles Coutel, Paris, 1996

8 Préambule de la Convention (II) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et son Annexe: Règlement concernantles lois et coutumes de la guerre sur terre, La Haye, 29 juillet 1899

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Introduction

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comme ayant fondé graduellement un seul système complexe, qu’on appelle aujourd’hui

droit international humanitaire » 9

Ainsi donc, la guerre est un phénomène défini et régi par le Droit InternationalHumanitaire.

A contrario, le terrorisme, bien qu’aussi ancien que la guerre, reste un phénomènenon défini, et, partant, n’est régi par aucune règle juridique. En effet, définir une notion endroit est « une opération selon laquelle la loi principalement, la jurisprudence et la doctrine

caractérisent une notion, une catégorie juridique, par des critères associés 10 ». Or, c’est

précisément le problème qui se pose ici. En effet, la société internationale est aujourd’huiconfrontée à une impasse qu’est cette définition du terrorisme. En effet, il n’est, à l’heureactuelle, nulle loi qui parvienne à caractériser ce phénomène : les Conventions onusiennesrelatives à ce phénomène n’emploieront le terme, et cela semble significatif, qu’à la fin desannées 1990. Il en va de même pour la doctrine, qui reste divisée quant à cette définition,voire quant à la nécessité même d’une définition. Quant à la jurisprudence, elle n’apparaîtque comme une réponse partielle au phénomène du terrorisme. En effet, les « critèresassociés » nécessaires à une définition apparaissent, en ce qui concerne le terrorisme,comme des critères sans cesse évolutifs et fluctuants, pour lesquels la société internationalen’est pas, à ce jour, parvenue à un consensus.

Si le terme « terrorisme » apparaît avec la Révolution Française et la « Terreur », sesracines remontent au Ier siècle, à travers la secte juive des Zélotes. Ces derniers luttaientcontre les Romains en Palestine. Il s’agit à l’époque d’un terrorisme avant tout religieux, àl’instar du groupe des Hashashins, au Moyen-Age. Ceux-ci perpétraient ainsi des attentatscontre des dirigeants politiques. D’un phénomène religieux, le terrorisme évolue vers unecaractérisation plus politique. Ainsi, l’apparition du terme « terreur », dans le dictionnairede l’Académie, en 1798, correspond à un terrorisme d’Etat. Forme de terrorisme que l’onpourrait définir comme « l’emploi de la contrainte et de la violence à des fins politiques

et dans le silence des lois 11 ». Phénomène politique, le terrorisme réapparaît sousune nouvelle forme à l’ère de la Révolution Industrielle. Il se développe ainsi à partir desrevendications nationalistes qui viennent éclore à l’intérieur même des Empires en déclin,et par le développement de la doctrine anarchiste, via l’idée d’une « propagande par lefait ». Ainsi, par exemple, le Tsar Alexandre II sera tué par des anarchistes en 1881, ouencore, on l’a vu, l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand en 1914, à Sarajevo. Le

XXème siècle sera également frappé par le terrorisme. Le terrorisme prend ainsi des formesdiverses, réapparaissant sous différents visages : lutte contre le colonialisme, à l’instar duFront de Libération Nationale et de l’Organisation de l’Armée Secrète, au cours de la guerreen Algérie ou encore de l’EOKA12, opposant les chypriotes à la Turquie ; islamisme radical ;luttes nationalistes, comme ETA13, pour ne citer que ces exemples.

Le début du XXIème siècle n’est pas épargné par le terrorisme. Ainsi, l’an 2000 estmarqué par l’attentat contre un destroyer américain, le USS Cole. Mais ce sont les attentats

9 Avis consultatif de la CIJ, Avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, §75, 1996.10 Cornu G, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 2004, p.272.11 Chaliand G, Blin A, Histoire du terrorisme, Ed. Bayard, 2004, Paris, p 109.12 Organisation nationale des combattants chypriotes13 Euskadi Ta Askatasuna, groupe nationaliste basque luttant pour l’indépendance.

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du 11 septembre 2001 qui sembleront faire prendre conscience de l’omniprésence et de lamenace de ce phénomène mouvant qu’est le terrorisme. Omniprésence confirmée quelquesannées plus tard, à l’instar des attentats de Madrid, le 11 mars 2004, et de ceux de Londres,le 7 juillet 2005.

Bien qu’il n’existe pas, aujourd’hui, de définition universellement acceptée, par souci derigueur scientifique, nous prendrons cependant comme définition provisoire celle proposéeen 2004 par le Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et lechangement :

« Tout acte, autre que ceux déjà visés par les Conventions en vigueur, commisdans l’intention de causer la mort ou des blessures graves à des civils ou à desnon combattants, dans le dessein d’intimider une population ou de contraindreun gouvernement ou une Organisation Internationale à accomplir un acte ou à

s’abstenir de le faire 14 ».Précisons d’emblée que ce choix n’est que provisoire, et que cette définition est loin d’êtrejuridiquement satisfaisante, comme nous tenterons de le voir au cours de cette étude. Fautede définition juridique internationalement admise, force est de constater qu’aucun droit nerégi ce phénomène. En effet, ce constat semble répondre à l’adage nullum crimen sine lege :pas de crime sans loi, ou, en l’espèce, pas de crime sans définition.

Mais parce que ces actes terroristes apparaissent, aux yeux de la société internationale,comme des « menaces à la paix et à la sécurité internationales15 », combattre ce phénomènesemble, sinon une évidence, une nécessité. Or, la nature de cette réponse constitue unproblème réel pour les Etats, sujets du droit international, et ce depuis l’apparition duphénomène. Se posent ainsi les questions de savoir comment lutter contre le terrorismetout en sauvegardant les libertés fondamentales.

L’exemple français illustre parfaitement cette idée, et, pour reprendre les termes deJean François Gayraud :

« L’Histoire nous enseigne qu’en matière de sécurité, il existe un permanence desproblèmes. Ainsi, la vague de terrorisme anarchiste entre la fin du XIX et le débutdu XX avait fait émerger des questions centrales, aujourd’hui oubliées et pourtantd’actualité. […] Avec l’émergence du terrorisme anarchiste, on discuta d’abordâprement des outils juridiques pour lutter contre ce phénomène nouveau. La loide 1893 qui créa l’incrimination d’association de malfaiteurs donna lieu à despolémiques vigoureuses sur le respect des libertés publiques. On parla alorsde « lois scélérates ». Or, on entendit des arguments presque identiques quandil fallut en 1986, puis en 1995 et en 2001 doter à nouveau la France de moyens

juridiques adaptés pour affronter des menaces terroristes nouvelles. » 16 Si la question affecte la France, les autres membres de la société internationale sont, de lamême manière, confrontés à ce problème. Ainsi le Royaume-Uni a vu l’une de ses lois, le« Anti-Terrorism, Crime and Security Act 2001 », déclarée incompatible avec la ConventionEuropéenne des Droits de l’Homme par la Chambre des Lords, le 16 décembre 2004. En

14 Rapport du Groupe de personnalités du haut niveau sur les menaces, les défis et le changement, Un monde plus sûr,

notre affaire à tous, 2 décembre 2004, p 52.15 Résolution 1373 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies, 28 septembre 2001.

16 Gayraud J, Le terrorisme, Que sais-je, PUF, Paris, 2002, p 112.

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Introduction

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effet, cette loi prévoyait, par exemple, d’emprisonner de manière prolongée voire définitiveun individu étranger suspecté de terrorisme17.

Aux Etats-Unis, c’est le Patriot Act, adopté le 25 octobre 2001 qui est dénoncé. En effet,celui-ci accroît sensiblement les pouvoirs d’investigation des agences telles le FBI ou laCIA18. De telles dispositions ont été largement dénoncées, notamment par les associationsde défense des libertés19 .

Ainsi, si la lutte contre le terrorisme représente un enjeu réel pour les Etats, en tantqu’elle doit être conciliée avec le respect des libertés fondamentales. Mais la question vaau-delà de ce premier aspect, et c’est précisément l’objet de notre étude.

En effet, les attentats perpétrés en 2001 ont, par le choc produit et ses conséquencestant politiques que juridiques, posé de manière aiguë la question des normes régissant leterrorisme.

Le 11 septembre 2001 furent perpétrés des attentats aériens contre le Pentagone, àWashington, et contre le World Trade Center, à New York. Dès le 12 septembre, le PrésidentBush annonçait que ces attentats étaient des « actes de guerre ». Le 13 septembre, laresponsabilité des attentats était attribuée à Oussama Ben Laden, chef présumé du réseauAl Qaida, et présent en Afghanistan. Le chef du gouvernement Taliban afghan, le mollahOmar, rejeta la demande américaine d’extradition de celui-ci. Le 14 octobre, l’état d’urgencefut décrété aux Etats-Unis et le Congrès américain autorisa le Président Bush à recourir à laforce20. Ainsi, le 7 octobre 2001, l’opération militaire « Liberté immuable » débuta sur le solAfghan. Le 13 novembre, les Taliban étaient renversés, et remplacés, le 22 décembre parun nouveau gouvernement. Au cours de ce conflit armé, environ 520 personnes21, Talibanet membres du réseau Al Qaida furent arrêtées et transférées au camp X-Ray, sur la baseaméricaine de Guantanamo, à Cuba22. Ces arrestations se firent au nom de la lutte contrele terrorisme.

Ainsi, alors que le terme « guerre » est utilisé aussi bien pour désigner les attentatscommis le 11 septembre que pour la lutte menée par ces Etats en riposte à ce phénomène,il semble nécessaire de se demander si le droit de la guerre est applicable au terrorisme.La lutte contre le terrorisme est-elle une guerre ? La question recouvre, par là même,les conséquences de l’applicabilité – ou non - de ces normes aux personnes physiques

17 A suspected international terrorist may be detained under a provision specified in subsection (2) despite the fact that his removalor departure from the United Kingdom is prevented (whether temporarily or indefinitely), Part 4, §23-I du Anti-terrorism, Crime andSecurity Act 2001.

18 Voir par exemple Section 201 du Patriot Act : Authority to intercept wire, oral, and electronic communications relating toterrorism.

19 Voir par exemple l’American Civil Liberties Union : «With our allies on both the left and the right, the ACLU will continueto push for reform of the Patriot Act's unwarranted and intrusive powers. We will also demand that the Bush administration stop itsabuse of power and respect the rule of law. We hope that you will continue to join us in our efforts to keep America both safe andfree.», http://action.aclu.org/reformthepatriotact/.

20 Authorization for Use of Military Force, Public Law 107-40 [S. J. RES. 23], section 2 : (a) IN GENERAL- That the Presidentis authorized to use all necessary and appropriate force against those nations, organizations, or persons he determines planned,authorized, committed, or aided the terrorist attacks that occurred on September 11, 2001, or harbored such organizations or persons,in order to prevent any future acts of international terrorism against the United States by such nations, organizations or persons.

21 Selon le Rapport des Nations Unies, E/CN.4/2006/120, 15 février 2006, p.6.22 En effet, un bail conclu entre les Etats Unis et Cuba, en 1903, donne aux américains juridiction pleine et entière sur la base.

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engagées dans cette « guerre », et plus particulièrement, car c’est l’objet de cette étude,les personnes arrêtées suite au 11 septembre et détenues sur la base de Guantanamo.Nous tenterons donc, à travers cette étude, de nous interroger quant au statut juridique desprisonniers de Guantanamo ainsi que du traitement pénal de ces personnes suspectéesd’avoir commis les attentats terroristes.

Si le Droit International Humanitaire régit la guerre, il apparaît dès lors que la lutte contrele terrorisme, lorsqu’elle prend la forme d’un conflit armé au sens de ce droit, est soumise àses règles (Titre I). Cette applicabilité vaut tant pour la branche jus in bello que jus ad bellumdu Droit International Humanitaire. Par là même, il semble que les personnes arrêtées dansle cadre de cette guerre soient elles aussi soumises aux règles du droit des conflits armés,et plus particulièrement aux Conventions de Genève. Cependant, force est de constaterque cette analyse n’est pas celle retenue par les autorités américaines, qui estiment que lesprisonniers de Guantanamo relèvent de la catégorie de « combattants illégaux », notion dontnous tenterons de démontrer qu’elle est, sinon inexistante, mal fondée. De cette analysedécoule, ipso facto, une application du Droit des conflits armés que l’on pourrait qualifierde relative et discriminatoire.

Mais si le Droit International Humanitaire est applicable dans le cadre d’un conflit armé,il ne s’applique plus durante pacis (II).Il s’agit, autrement dit, de quitter la notion de guerrepour aborder plus précisément celle de terrorisme, ou des actes terroristes commis en tempsde paix. Et, partant, il s’agit de s’interroger quant à la notion de guerre contre le terrorisme.Nous tenterons ainsi de voir que les deux notions – guerre et terrorisme- ne doivent êtreamalgamées. Partant, la question de la définition du terrorisme est cruciale ici. Mais noustenterons de montrer ici que la recherche d’une définition juridique universelle du terrorismetend à l’échec, en tant qu’il est un phénomène politique, évolutif et multiforme. Cetteimpasse nous amènera donc à nous interroger quant à la nécessité même d’une définitionjuridique universelle, au profit d’un renvoi aux définitions des Etats. Si cette définitionuniverselle semble non nécessaire, a contrario, la répression pénale de tels actes apparaîtindispensable. Les Etats-Unis, face au 11 septembre, ont un véritable « droit de juger ».Cependant, nous tenterons de voir, au cours de cette étude, que la réponse apportée par lesEtats-Unis semble être le fruit d’une confusion entre guerre et terrorisme, via la mise en placede commissions militaires. Cette réflexion nous amènera ainsi à souligner l’indispensableconciliation de cette réponse pénale avec les droits fondamentaux garantis en matière deprocès, interrogation que nous tenterons d’enrichir par une approche comparée entre lesEtats-Unis et l’Europe.

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Titre 1 : Le Droit international humanitaire : un cadre normatif adapté au terrorisme dans le cas deconflits armés

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Titre 1 : Le Droit internationalhumanitaire : un cadre normatif adaptéau terrorisme dans le cas de conflitsarmés

Du 7 octobre au 22 décembre 200123, un conflit armé opposa les Etats-Unis à l’Afghanistan.Guerre menée en réponse aux attentats du 11 septembre et justifiée par les Etats-Unis aunom de la légitime défense, ce conflit apparaît néanmoins comme l’incarnation de ce qued’aucun nomment la « lutte contre le terrorisme ». Or, si le terme « guerre » a été maintesfois utilisé pour qualifier cette lutte, à l’instar du Président Bush ( « notre pays est en guerre »24 ), force est de constater que son utilisation semble plus relever de la rhétorique politiqueque de la précision juridique.

Cependant, la guerre est un phénomène régi par le Droit International Humanitaire,donc, par là même, au titre du jus in bello (défini par Rousseau comme « l’ensemble desrègles de droit international applicables aux rapports réciproques des parties à un conflit

armé de caractère international 25 ») comme du jus ad bellum ( défini par Rousseau comme

« l’ensemble des règles du droit international relatives aux conditions dans lesquelles il

est permis à un sujet du droit de gens de recourir à la force armée » 26 ). Ces deuxéléments sont indissociables et constituent le Droit International Humanitaire lui même. LaCour Internationale de Justice a consacré cette idée dans son avis de 1996 :

« Ces deux branches du droit applicable dans les conflits armés ont développédes rapports si étroits qu’ils sont regardés comme ayant fondé graduellementun seul système complexe, qu’on appelle aujourd’hui droit internationalhumanitaire »27

Mais il semblerait que ces deux branches même du Droit International Humanitaire soientmises à mal au nom de la lutte contre le terrorisme, au point que certains auteurs n’hésitentplus à parler d’un nouveau type de guerre – la « guerre contre le terrorisme » - auquelle Droit International Humanitaire serait désormais inapplicable. Il semble donc nécessairede s’interroger quant à la notion même de conflit armé et de son applicabilité à la guerreen Afghanistan ; pour ensuite déterminer le statut juridique des personnes impliquées

23 Position retenue par E David, in BANNELIER K (dir), Le droit international face au terrorisme, Cedin-Paris I, Cahiers Internationaux,n°17, 2002, p. 321. Nous retiendrons ici cette position, en estimant que le conflit s’est déroulé depuis les attaques américaines du 7octobre, jusqu’à la mise en place du nouveau gouvernement afghan.24 BUSH G W, Discours sur l’état de l’Union, 29 janvier 2002

25 ROUSSEAU C, « Le droit des conflits armés », Paris, Ed A Pedone, 1983, p. 2526 ROUSSEAU C, op. cit, p.25

27 Avis consultatif de la CIJ, Avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, §75, 1996.

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Le Droit International Humanitaire face au terrorisme: les prisonniers de Guantanamo

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dans celle-ci, à savoir, dans cette étude, les personnes détenues au cours du conflit etemprisonnées dans la base américaine de Guantanamo.

Nous verrons donc dans un premier temps que le droit international humanitaire est

applicable à la Guerre en Afghanistan ( Chapitre 1er) pour ensuite tenter de démontrer son

application relative aux prisonniers de Guantanamo ( Chapitre 2nd).

Chapitre 1 : De l’applicabilité du droit des conflitsarmés à la Guerre en Afghanistan.

L’angle du jus ad bellum ( ou droit « de faire la guerre »), semble donc à interroger à lalumière de la Guerre en Afghanistan. Par là même, il convient de s’interroger quant aux« conditions dans lesquelles il est permis à un sujet du droit de gens de recourir à laforce armée », à savoir la responsabilité du gouvernement Taliban (I) puis l’invocation de lalégitime défense, par les Etats-Unis ( II).

I. L’angle du jus ad bellum : de la responsabilité des Taliban et de lalégitime défense

Dans la qualification d’un conflit armé, l’élément déclencheur de ce dernier, et donc parlà même la responsabilité de celui qui en est à l’origine, sont des éléments décisifs. Or,pour qualifier la nature du conflit opposant les Etats-Unis et l’Afghanistan, entre octobre etdécembre 2001, il est nécessaire de s’interroger quant à la responsabilité du gouvernementafghan (1). En effet, les Etats-Unis ont justifié cette guerre au nom de la légitime défense, enréponse aux attentats du 11 septembre 2001(2). Nous prendrons ici comme hypothèse dedépart que les attaques contre le World Trade Center étaient menées par des membres duréseau Al Qaida, dirigé par Oussama Ben Laden. Le gouvernement afghan en exercice à cemoment là étant le gouvernement Taliban. Déterminer la responsabilité du gouvernementtaliban revient donc à tenter de voir si les actes d’Al Qaida sont imputables aux Taliban.

1. La question de la responsabilité du gouvernement Taliban dans lesattentats du 11 septembre.Ainsi, la responsabilité peut se définir comme « la production d’un dommage imputableà sujet de droit international à la suite d’un fait, d’un acte ou d’un comportement

internationalement illicite, d’après le droit international » 28 . On peut, à partir de là,déterminer trois situations dans lesquelles la responsabilité d’un Etat peut être engagée,situations que nous tenterons ainsi d’appliquer à la situation créée par le 11 septembre, et,partant, à la responsabilité du gouvernement Taliban.

La première hypothèse consiste en des actes commis par des personnes agissant sousles instructions ou le contrôle d’un Etat. L’article 8 du projet de la CDI sur la responsabilitédes Etats stipule que :

28 KDHIR M, Dictionnaire juridique de la CIJ, Ed Bruylant, 2000, p.297.

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Titre 1 : Le Droit international humanitaire : un cadre normatif adapté au terrorisme dans le cas deconflits armés

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« Le comportement d’une personne ou d’un groupe de personne est considérécomme un fait de l’Etat d’après le droit international si cette personne ouce groupe de personne, en adoptant ce comportement, agit en fait sur lesinstructions ou les directives, ou sous le contrôle de cet Etat ».

La jurisprudence de la CIJ précise que la responsabilité de l’Etat est engagée s’il est établi

« qu’ils [ici les Etats-Unis] avaient le contrôle effectif 29 des opérations militaires

et paramilitaires au cours desquelles les violations en question se seraient produites » 30

. La notion de « contrôle effectif» susceptible d’engager la responsabilité d’un Etat a été,semble-t-il, assouplie par le TPIY :

«One should distinguish the situation of individuals acting on behalf of a Statewithout specific instructions, from that of individuals making up an organisedand hierarchically structured group, such as a military unit or, in case of waror civil strife, armed bands of irregulars or rebels. Plainly, an organised groupdiffers from an individual in that the former normally has a structure, a chainof command and a set of rules as well as the outward symbols of authority.Normally a member of the group does not act on his own but conforms to thestandards prevailing in the group and is subject to the authority of the head ofthe group. Consequently, for the attribution to a State of acts of these groups it issufficient to require that the group as a whole be under the overall control of the

State […]» 31 «a State must be held accountable for acts of its organs whether ornot these organs complied with instructions, if any, from the higher authorities.Generally speaking, it can be maintained that the whole body of international lawon State responsibility is based on a realistic concept of accountability, whichdisregards legal formalities and aims at ensuring that States entrusting somefunctions to individuals or groups of individuals must answer for their actions,

even when they act contrary to their directives» 32 «In order to attribute the actsof a military or paramilitary group to a State, it must be proved that the Statewields overall control over the group, not only by equipping and financing thegroup, but also by coordinating or helping in the general planning of its militaryactivity. Only then can the State be held internationally accountable for anymisconduct of the group. However, it is not necessary that, in addition, the Stateshould also issue, either to the head or to members of the group, instructions for

the commission of specific acts contrary to international law.» 33

Ainsi, au vu de ces considérations, le contrôle d’un Etat sur un groupe de personnes, effectifou global ( c’est-à-dire sans forcément avoir donner de directives à ce groupe), peut engagersa responsabilité internationale. Il s’agit donc, concernant la guerre en Afghanistan, de se

29 C’est nous qui soulignons.30 Arrêt CIJ Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, 27 juin 1986, paragraphe 115.31 Arrêt TADIC, Chambre d’Appel du Tribunal Pénal International pour la Yougoslavie, 15 juillet 1999, paragraphe 120.32 Arrêt Tadic, op cit., paragraphe 12133 Arrêt Tadic, op cit., paragraphe 131

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demander si le gouvernement Taliban exerçait un contrôle global et/ou effectif sur le groupeAl Qaida.

Or, cette hypothèse semble peu plausible, puisque, comme le souligne Marc Sassoli,il semble difficile de croire que le gouvernement taliban contrôlait le réseau Al Qaida. Ainsi,les Taliban avaient des objectifs « qui se limitaient à l’Afghanistan et ne s’intéressaient pas

à la lutte planétaire contre les États-Unis et l’Occident, qui était celle d’Al-Qaïda » 34 .

En outre, le commentaire de l’article 8 du projet de la CDI précise, concernantl’imputabilité d’un acte illicite mené sous le contrôle d’un Etat, que « ce comportement ne

peut être attribué à l’État que si ce dernier a dirigé ou contrôlé l’opération elle-même 35

». Or, les Taliban n’ont pas, semble-t-il, dirigé les attentats du 11 septembre.Ainsi, l’hypothèse de l’imputabilité des actes d’Al Qaida au gouvernement Taliban, dans

le cadre d’un contrôle de ce dernier sur le groupe terroriste, est à rejeter.La seconde hypothèse d’engagement de la responsabilité d’un Etat est celle de

l’omission. Pour préciser cette idée, on peut se référer au commentaire de l’article 1er

du projet de la CDI sur la responsabilité d’un Etat pour fait internationalement illicite. Eneffet, il stipule que « le comportement international illicite d’un Etat peut constituer en uneou plusieurs actions ou omissions, ou en une combinaison d’actions et d’omissions ». Enoutre, la jurisprudence de la CIJ avait déjà consacré cette idée dans l’affaire du Détroit deCorfou. En l’espèce, l’Albanie avait été reconnue responsable pour ne pas avoir indiqué auRoyaume-Uni la présence de mines dans les eaux du détroit ( « En fait, rien ne fut tentépar les autorités albanaises pour prévenir le désastre. Ces graves omissions entraînent la

responsabilité internationale de l’Albanie » 36 ).

Cette notion d’omission renvoie à celle de devoir de diligence37, que l’on peut égalementdésigner comme étant une obligation de prévention. L’article 14§3 du projet de la CDI stipuleainsi que :

« La violation d’une obligation internationale requérant de l’Etat qu’il prévienneun événement donné a lieu au moment où l’événement survient et s’étend surtoute la période durant laquelle l’événement continue et reste non conforme àcette obligation ».

Le commentaire relatif à cet article indique que ce devoir de diligence impose aux Etats :« de prendre toutes les mesures raisonnables ou nécessaires pour éviter qu’unévénement donné ne se produise, mais sans garantir que l’événement ne seproduira pas. La violation d’une obligation de prévention pourrait constituer unfait illicite continu ».

A partir de là, on peut s’interroger quant à l’obligation qui incombait au gouvernement Talibande remettre Oussama Ben Laden aux autorités judiciaires. En effet, la résolution 1267 duConseil de Sécurité des Nations Unies précisait que :

34 SASSOLI M, “La guerre contre le terrorisme, le droit international humanitaire et le statut de prisonnier de guerre”, TheCanadian Yearbook of international law, vol 39, 2001, p.8.

35 Projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, CDI, 2001, p.110.36 Arrêt Détroit de Corfou, fond, CIJ, Recueil 1949, p.2337 on peut également ici se référer à l’affaire de l’Alabama, en 1871.

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Titre 1 : Le Droit international humanitaire : un cadre normatif adapté au terrorisme dans le cas deconflits armés

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« Condamnant avec force le fait que des terroristes continuent d'être accueilliset entraînés, et que des actes de terrorisme soient préparés, en territoireafghan, en particulier dans les zones tenues par les Taliban, et réaffirmant saconviction que la répression du terrorisme international est essentielle pour lemaintien de la paix et de la sécurité internationales, Déplorant que les Talibancontinuent de donner refuge à Usama bin Laden et de lui permettre, ainsi qu'à sesassociés, de diriger un réseau de camps d'entraînement de terroristes à partir duterritoire tenu par eux et de se servir de l'Afghanistan comme base pour menerdes opérations terroristes internationales, Notant qu'Usama bin Laden et sesassociés sont poursuivis par la justice des États-Unis d'Amérique, notammentpour les attentats à la bombe commis le 7 août 1998 contre les ambassades dece pays à Nairobi (Kenya) et à Dar es-Salaam (Tanzanie) et pour complot visantà tuer des citoyens américains se trouvant à l'étranger, et notant également queles États-Unis d'Amérique ont demandé aux Taliban de remettre les intéressés àla justice (S/1999/1021), Considérant qu'en se refusant à satisfaire aux exigencesformulées au paragraphe 13 de la résolution 1214 (1998), les autorités des Talibanfont peser une menace sur la paix et la sécurité internationales, […]1. Insistepour que la faction afghane dénommée Taliban, […] cesse, en particulier, d'offrirrefuge et entraînement aux terroristes internationaux et à leurs organisations,qu'elle prenne les mesures effectives voulues pour que le territoire tenu par ellen'abrite pas d'installations et de camps de terroristes ni ne serve à préparer ou àorganiser des actes de terrorisme dirigés contre d'autres États ou leurs citoyens,et qu'elle seconde l'action menée en vue de traduire en justice les personnesaccusées de terrorisme; 2. Exige que les Taliban remettent sans plus tarderUsama bin Laden aux autorités compétentes[…] »

Or, les Taliban n’ont jamais empêché la préparation des attentats commis le 11 septembre2001, ni remis Oussama Ben Laden à des autorités compétentes. Ceci constitue, primafacie, une infraction au devoir de diligence.

Pour autant, il semble difficilement soutenable de pousser le raisonnement jusqu’àestimer que les Taliban, en ne respectant pas ce devoir de diligence, engageaientvolontairement des hostilités contre les Etats-Unis, autrement dit, se rendaient complicesdu réseau Al Qaida.

De plus, on peut se référer à l’affaire relative au Projet Gabčikovo-Nagymaros. La CIJy avait établi une distinction entre la préparation et la réalisation des faits :

« Un fait illicite ou une infraction est fréquemment précédé d’actes préparatoiresqui ne sauraient être confondus avec le fait ou l’infraction eux-mêmes. Il convientde distinguer entre la réalisation même d’un fait illicite (que celui-ci soit politiquede tout État instantané ou continu) et le comportement antérieur à ce fait quiprésente un caractère préparatoire et “qui ne saurait être traité comme un faitillicite »38

En outre, même si l’on estime que les Taliban ont apporté une assistance au réseau AlQaida, on ne peut leur imputer la responsabilité des attentats du 11 septembre. Ainsi, la CIJ,en 1986, affirmait qu’elle ne pensait pas « que la notion d’agression puisse recouvrir […]

38 Projet Gabčikovo-Nagymaros, C.I.J. Recueil 1997, p. 54, par. 79.

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une assistance à des rebelles prenant la forme de fournitures d’armements ou d’assistancelogistique »39

De là, il apparaît que l’on puisse d’ores et déjà contester l’imputabilité des attentats du11 septembre au gouvernement Taliban. Par là même, il semble que l’on puisse interrogerla justification américaine de la légitime défense pour leur riposte en Afghanistan, à partirdu 7 octobre 2001.

2. La justification américaine de légitime défense en questionLa légitime défense apparaît comme une exception dans l’ordre juridique international. Eneffet, si l’article 2§4 de la Charte de l’ONU interdit le recours à la force, il se voit nuancépar l’article 51 de cette même Charte qui régit ainsi le principe de la légitime défense. Cedernier stipule que :

« aucune disposition ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense,individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations-Unies est l’objetd’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de Sécurité ait pris les mesuresnécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. »

Les Etats-Unis ont, suite au 11 septembre, invoqué ce principe pour justifier leur riposte(l’opération « Liberté immuable ») contre l’Etat afghan.

Il convient donc d’interroger les conditions de mise en œuvre de la légitime défense auvu des évènements du 11 septembre.

Le fait générateur doit être, conformément à l’article 51 de la Charte, une « agressionarmée », agression imputable à l’Etat contre lequel la légitime défense est mise en œuvre.Or, les attentats du 11 septembre ne sont pas imputables à l’Afghanistan. En effet, lesTaliban ne sont pas déclarés responsables d’avoir commis les attentats, mais simplementd’avoir abrité les membres d’Al Qaida. Si, en soi, cela constitue un acte illicite, ce n’est pasune agression armée.

De plus, il semble que la Résolution 1368 ait été interprétée de manière extensive.La légitime défense, en effet, semble pouvoir s’exercer contre un Etat, non pas contre unenébuleuse terroriste, telle Al Qaida. Or, les Etats-Unis ont annoncé s’attaquer non seulementaux Taliban, mais aussi contre Al Qaida : « On my orders, the United States military hasbegun strikes against al Qaeda terrorist training camps and military installations of theTaliban regime in Afghanistan »40. Il semble que les Etats-Unis aient voulu « territorialiser »un conflit qui, au départ, vise les auteurs des attentats.

En outre, le but visé par le déclenchement de la légitime défense doit respecter unprincipe de proportionnalité, ainsi qu’un cadre temporel bien défini.

En premier lieu, la riposte doit être immédiate, en tant qu’elle vise à faire cesser uneagression. Or, le respect de ce critère, par les Etats-Unis, semble être discutable puisque,d’une part, l’agression ( les attentats du 11 septembre) avait cessé, et que la riposte n’estintervenue qu’au bout d’un mois environ, les premiers bombardements ayant eu lieu à partirdu 7 octobre 2001.

Quant au principe de proportionnalité, il convient de le définir précisément. Il s’agit eneffet d’une proportionnalité non pas relative à l’intensité de l’agression armée, mais relative

39 Arrêt CIJ Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, 27 juin 1986, paragraphe 195.40 Presidential Address to the Nation, Président Bush, 7 ocobre 2001.

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aux objectifs visés par la riposte. Cette dernière doit être, selon R. Ago, « de repousserune agression […]et rien d’autre » 41. Or, si l’on se réfère aux déclarations des autoritésaméricaines, avant et pendant l’intervention, il semble que les objectifs allaient au-delà.Ainsi, affirmant «And now the Taliban will pay the price »42, le président américain semblevouloir « punir » et renverser le régime Taliban, pour avoir abrité les membres d’Al Qaida.En outre, il affirmait, en novembre 2001 :

«We are at the beginning of our efforts in Afghanistan, and Afghanistan is onlythe beginning of our efforts in the world. No group or nation should mistakeAmericans' intentions: Where terrorist group exist of global reach, the United

States and our friends and allies will seek it out and we will destroy it 43 . »

Par là-même, le gouvernement américain semble prétendre vouloir empêcher de nouveauxattentats.

Ainsi, les déclarations américaines semblent tendre vers une nouvelle interprétation dela légitime défense, à savoir une légitime défense « préventive ».

Ainsi donc, si, prima facie, la riposte américaine semble légitime, au vu de la gravitédes faits commis le 11 septembre, il semble que la légalité du recours à la légitime défensesoit discutable, ou, du moins, que l’interprétation de l’article 51 de la Charte de l’ONU aitété abusive.

Cependant, l’intervention américaine, engagée dès le 7 octobre 2001, a créé un conflitarmé de facto, puisque, comme le précise le Commentaire du CICR, relatif à l’article 2commun, « Tout différend surgissant entre deux Etats et provoquant l'intervention de forcesarmées est un conflit armé ».

De plus, l’action militaire engagée par les Etats-Unis ne visait pas seulement les Taliban,mais aussi les membres d’Al Qaida. De là, le conflit en Afghanistan apparaissait commeune incarnation de la « lutte contre le terrorisme ». Il convient donc de s’interroger quant àla qualification juridique de ce conflit.

II. La guerre en Afghanistan, un conflit armé ( ou quand la lutte contrele terrorisme prend la forme d’un conflit armé)

L’opération « Liberté immuable » constitue bel et bien un conflit armé, rendant par là mêmele droit international humanitaire applicable (1). En outre, bien que la justification de légitimedéfense des Etats-Unis semble abusive, le droit international humanitaire est applicable, envertu de l’indépendance du jus in bello à l’égard de toute considération de jus ad bellum (2).C’est pourquoi on peut, semble-t-il, affirmer que le droit international humanitaire constitueun cadre normatif adapté à la « lutte contre le terrorisme », quand celle-ci prend la formed’un conflit armé.

1. La guerre en Afghanistan : un conflit armé

41 R Ago, Additif au 8ème rapport sur la responsabilité des Etats, A/CN4/318/Add, ACDI, 1980, II, 1ère partie, p67, §119.42 Président Bush, Presidential Address to the Nation, ,7 octobre 2001.

43 Président Bush, President Discusses War on Terrorism, 8 novembre 2001.

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La guerre en Afghanistan a bel et bien constitué un conflit armé, en tant qu’elle répond auxcritères ratione temporis, loci et materiae.

Les Conventions de Genève, qui constituent la base du Droit International Humanitaire,déterminent les conditions ratione materiae et personae de ce dernier.

Ainsi, l’article 2 (1) commun aux Conventions de Genève du 12 Août 1949 stipule que ledroit international humanitaire s’applique « en cas de guerre déclarée ou de tout autre conflitarmé surgissant entre deux ou plusieurs Parties contractantes, même si l’état de guerren’est pas reconnu par l’une d’elle ».

En outre, le conflit répond aux critères ratione temporis, qui précisent, dans l’article 3(b)du Protocole I de 1977 que : « l’application des conventions et du présent protocole cesse[…]à la fin générale des opérations militaires et dans le cas des territoires occupés, à la finde l’occupation ». Or, le conflit entre les Etats-Unis et l’Afghanistan est identifiable dans letemps – du 7 octobre 2001 au 22 décembre 2001, date de la mise en place d’un nouveaugouvernement Afghan.

Quant aux conditions ratione loci, les Conventions de Genève mentionnent le « territoiredes parties » (article 2 de la Troisième Convention par exemple).

Le commentaire du CICR, à travers la notion d’« opérations militaires », nous apporteici quelques précisions. Ainsi, il stipule que :

« la fin générale des opérations militaires est l’expression même que l’article 6de la IV Convention de Genève utilise et que, selon son commentaire, on peut enprincipe fixer au moment d’un armistice général, d’une capitulation, ou encore,sans qu’intervienne un acte juridique quelconque, au moment de l’occupationcomplète du territoire d’une Partie, accompagnée de la fin effective de touteshostilités. Lorsqu’il y a plusieurs Etats dans l’un ou l’autre camp, la fin généraledes opérations militaires pourra être la cessation complète des hostilités entretous les belligérants, tout au moins sur un théâtre de guerre déterminé ».

Le « théâtre de guerre » est ici bel et bien circonscrit, puisqu’il s’agit du territoire afghan.Quant aux conditions ratione materiae, les Etats-Unis ont affirmé s’attaquer non

seulement aux Taliban mais aussi aux membres du réseau Al Qaida. Ces derniers necréent pas une Haute Partie Contractante, puisque non sujets de droit international.Cependant, l’analyse et la qualification juridiques du conflit restent simplifiées, le conflitafghan apparaissant comme un conflit armé internationalisé.

En effet, celui-ci semble pouvoir être divisé en différentes phases, dont la premièreserait l’opposition entre le gouvernement taliban et les rebelles de l’Alliance du Nord44. Apartir du 7 octobre 2001, la coalition dirigée par les Etats-Unis est venue soutenir l’Alliancedu Nord contre le régime Taliban. Ainsi donc, on assiste à une guerre civile, qui, parl’intervention d’Etats tiers, s’internationalise.

Les Conventions de Genève ne mentionnent pas expressément cette catégorie deconflits, mais la jurisprudence est venue consacrer cette possibilité, à l’instar de l’affaireTadic :

«It is indisputable that an armed conflict is international if it takes place betweentwo or more States. In addition, in case of an internal armed conflict breaking out

44 L’Alliance du Nord, ou Front Uni, est une coalition opposée au régime Taliban, dirigé par le commandant Massoud jusqu’àson assassinat le 9 septembre 2001.

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on the territory of a State, it may become international (or, depending upon thecircumstances, be international in character alongside an internal armed conflict)if (i) another State intervenes in that conflict through its troops, or alternativelyif (ii) some of the participants in the internal armed conflict act on behalf of that

other State.» 45

Enfin, il convient ici de préciser que la notion de « conflit » signifie, selon le Commentairedu CICR sur l’article 2 de la IV Convention, qu’il suffit qu’il y ait « de facto des hostilités ».

Ainsi donc, la guerre en Afghanistan semble pouvoir être qualifiée de conflit arméinternational, comme l’affirme notamment le Comité International de la Croix Rouge, dansson communiqué de presse du 24 octobre 2001 :

« The International Committee of the Red Cross (ICRC), as pro-moter andguardian of international humanitarian law, is increasingly con-cerned about theimpact in humanitarian terms of the war in Afghanistan. It reminds all the partiesinvolved — the Taliban, the Northern Alliance, and the US-led coalition — of their

obligation to respect and ensure respect for international humanitarian law.» 46

Cette applicabilité se voit renforcée par l’indépendance du jus in bello à l’égard du jusad bellum. Autrement dit, bien que les Etats-Unis aient, on l’a vu, justifié leur interventionmilitaire par la légitime défense, le droit des conflits armés est applicable.

2. Le droit des conflits armés est applicable à la Guerre en Afghanistan :l’indépendance du jus in belloSelon Charles Rousseau, le jus in bello peut se définir comme « l’ensemble des règlesde droit international applicables aux rapports réciproques des parties à un conflit armé de

caractère international, et, pour parler plus brièvement, les lois et coutumes de la guerre ». 47

Cette définition renvoie donc clairement aux règles fondamentales du jus in bello¸ et,au delà, au principe d’égalité des parties et au caractère coutumier de règles de droithumanitaire.

Les règles du jus in bello apparaissent indépendantes de toute règle du jus ad bellum.Autrement dit, un Etat ne saurait justifier le non respect des règles du jus in bello sousprétexte, et c’est l’hypothèse qui nous intéresse ici, d’avoir agit au nom de la légitimedéfense.

Cette indépendance s’est vue consacrée tant par les sources conventionnelles (2.1)que par la jurisprudence (2.2).

1.1 L’indépendance du jus in bello consacrée les textes

45 Arrêt Tadic, op cit., paragraphe 8446 CICR, Afghanistan: ICRC calls on ail parties to conflict to respect international humanitarian law ICRC Press Release,

Communication to the press 01/47, 24 october 2001.47 ROUSSEAU C, « Le droit des conflits armés », Paris, Ed A Pedone, 1983, p. 25

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L’indépendance du jus in bello est consacrée par les textes conventionnels. Ainsi, la Clausede Martens, énoncée pour la première fois dans la Convention de la Haye de 1899, stipuleque :

« En attendant qu’un code plus complet des lois de la Guerre puisse être édicté,les Hautes Parties contractantes jugent opportun de constater que, dans lescas non compris dans les dispositions réglementaires adoptées par elles, lespopulations et les belligérants restent sous la sauvegarde et sous l’empire desprincipes du droit des gens, tels qu’ils résultent des usages établis entre desnations civilisées, des lois de l’humanité et des exigences de la consciencepublique ».

Ladite clause sera reprise presque textuellement dans le Protocole II de 1977, dans le TitreI, article 2.

Ainsi, cette clause souligne l’applicabilité du jus in bello, ici nommé le « droit des gens »,dans tout conflit armé, même si le cas n’est pas prévu par le droit conventionnel, ou, commele stipule le commentaire du CICR sur le sujet, « que le droit conventionnel pertinent ne liepas en tant que tel les Parties aux conflits ».

De là, il semble que l’on puisse aisément conclure à l’applicabilité du droit internationalhumanitaire, dans sa branche de jus in bello, à tout conflit armé. Et donc, en conséquence,ce droit est applicable à la « lutte contre le terrorisme » prenant la forme d’un conflit armé,comme c’est le cas pour la guerre en Afghanistan.

De plus, les Conventions de Genève du 12 Août 1949 viennent consacrer – et codifier-

cette distinction. Ainsi, l’article 1er stipule que la convention est applicable « en toutescirconstances ». Cela signifie qu’il est interdit aux Etats d’invoquer des considérations liéesà la licéité du recours à la force (jus ad bellum) pour se dégager de leurs obligationsconventionnelles, issues des Conventions de Genève (jus in bello). Le commentaire duCICR précise ainsi que « "en toutes circonstances", cela signifie enfin que l’application dela Convention ne dépend pas du caractère du conflit ». Par là même apparaît une réelleindépendance du jus in bello à l’égard du jus ad bellum.

Cette indépendance est à nouveau confirmée dans le Protocole additionnel I de 1977,dans l’alinéa 5 de son Préambule :

« Réaffirmant, en outre, que les dispositions des Conventions de Genève du12 août 1949 et du présent Protocole doivent être pleinement appliquées entoutes circonstances à toutes les personnes protégées par ces instruments, sansaucune distinction défavorable fondée sur la nature ou l'origine du conflit arméou sur les causes soutenues par les Parties au conflit, ou attribuées à celles-ci… ».

Le commentaire du CICR précise ici que les notions de « guerre juste ou injuste, agressionou légitime défense » ne sauraient être invoquées par les Parties pour justifier la nonapplication du Protocole.

Ce commentaire souligne donc, à nouveau, que le droit international humanitaire estapplicable à la guerre en Afghanistan, même si les Etats-Unis ont justifié cette interventionau nom de la légitime défense.

1.2 Une indépendance et un caractère coutumier du jus in bello consacréspar la jurisprudence

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La jurisprudence, en outre, a permis de clarifier et de souligner le champ d’application duDroit International Humanitaire.

Ainsi, dès 1949, la CIJ, dans son arrêt Détroit de Corfou, définit implicitement le jus inbello, affirmant que : « […]Ces obligations sont fondées […]sur certains principes généraux

et biens reconnus, tels que des considérations élémentaires d’humanité » 48 .

Plus tard, en 1986, la Cour reprendra cette même définition, estimant : « Il ne fait pasde doute que ces règles constituent aussi, en cas de conflit armé international, un minimum

indépendant de celles, plus élaborées, qui viennent s’y ajouter pour de tels conflits » 49 .

Si le jus in bello apparaît, comme dit précédemment, comme indépendant vis-à-vis dujus ad bellum, il convient de noter que ce droit constitue en outre un droit coutumier, c’est-à-dire « une pratique générale acceptée par tous comme étant le droit. » 50

Ainsi, dans son avis de 1996, la CIJ affirme que :« c’est sans doute parce qu’un grand nombre de règles du droit humanitaireapplicable dans les conflits armés sont si fondamentales pour le respect de lapersonne humaine et pour des « considérations élémentaires d’humanité » […]que la Convention IV de la Haye et les Conventions de Genève ont bénéficiéd’une large adhésion des Etats. Ces règles fondamentales s’imposent d’ailleursà tous les Etats, qu’ils aient ou non ratifié les instruments conventionnels qui lesexpriment, parce qu’elles constituent des instruments intransgressibles du droit

international coutumier. » 51

La nature coutumière du jus in bello est également rappelée dans le Statut du Tribunal PénalInternational pour la Yougoslavie :

« Conformément au paragraphe 1 de la résolution 808 (1993), le Tribunalinternational jugera les personnes présumées responsables de violationsgraves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991. Le droit applicable se présente sous forme de règlesdu droit conventionnel et de règles du droit coutumier. Certaines règles de droitinternational coutumier ne sont pas énoncées dans des conventions, mais unepartie des grands principes du droit humanitaire conventionnel fait partie du droitinternational coutumier. De l'avis du Secrétaire général, l'application du principenullum crimen sine lege exige que le Tribunal international applique des règlesdu droit international humanitaire qui font partie sans aucun doute possibledu droit coutumier, de manière que le problème résultant du fait que certainsEtats, mais non la totalité d'entre eux, adhèrent à des conventions spécifiquesne se pose pas. […]. La partie du droit international humanitaire conventionnelqui est sans aucun doute devenue partie du droit international coutumier estle droit applicable aux conflits armés qui fait l'objet des instruments suivants:les Conventions de Genève du 12 août 1949 pour la protection des victimes de

48 Arrêt Détroit de Corfou, fond, CIJ, Recueil 1949, p.2249 Arrêt Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, 1986, §218, p.114.50 Art 38 du Statut de la CIJ

51 CIJ, Avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, §9, p.256.

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Le Droit International Humanitaire face au terrorisme: les prisonniers de Guantanamo

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la guerre ; la Convention de La Haye (IV) concernant les lois et coutumes de laguerre sur terre et les Règles y annexées du 18 octobre 1907; la Convention pourla prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 et le

statut du Tribunal militaire international du 8 août 1945. » 52

Ce caractère coutumier du droit international humanitaire, consacré de manièrejurisprudentielle, permet de conclure à son applicabilité à lutte contre le terrorisme, prenantla forme d’un conflit armé, c’est-à-dire la guerre en Afghanistan.

Il convient de souligner ici que les Etats-Unis n’ont pas contesté cette qualificationjuridique. Cependant, leur application du droit international humanitaire aux prisonniers deGuantanamo (prisonniers capturés au moment de cette guerre) semble toute relative.

Chapitre 2 : L’interprétation américaine : uneapplication relative du droit des conflits armés ( àtravers le statut des prisonniers de Guantanamo).

Selon A. Mc Donald, « by leing legally obliged to observe international legal standards, theUS and its allies are increasingly seeing themselves as penalized and has having to fight

the warwith an unfair disadvantage” 53 . En effet, il semble que le gouvernement américain,

dans ce qu’il nomme la « guerre contre le terrorisme », voit dans le Droit InternationalHumanitaire un obstacle. C’est ce que nous verrons tant dans l’incertitude concernant lestatut juridique des prisonniers de Guantanamo (I) que dans l’application relative du DroitInternational Humanitaire à ces derniers (II).

I. Les détenus de Guantanamo : un statut juridique incertainLe Droit International Humanitaire est applicable à la guerre en Afghanistan. De là, lesConventions de Genève sont applicables au statut des prisonniers de Guantanamo, ceux-ciayant été capturés lors du conflit (1). Cependant, l’interprétation américaine est toute autre,qualifiant ces détenus de « combattants illégaux », notion qu’il convient d’interroger à lalumière du droit international (2).

1. Le statut de prisonnier de guerre selon le droit des conflits armés et sonapplicabilité aux détenus de GuantanamoLa lex lata, à savoir les Conventions de Genève de 1949, définit de manière précise lestatut de prisonnier de guerre. Or, le droit des conflits armés étant applicable à la guerre enAfghanistan, il semble qu’il s’applique de facto aux prisonniers de Guantanamo, constitués

52 Rapport du Secrétaire général établi conformément au §2 de la résolution 808 du Conseil de sécurité, 13 mai 1993.53 McDonald A, Terrorism, couter-terrorism and the jus in bello, Contributions presented at the “Meeting of independent experts onTerrorism and International Law: Challenges and Responses. Complementary Nature of Human Rights Law, International HumanitarianLaw and Refugee Law” organized by the International Institute of Humanitarian Law, Sanremo, 30 May - 1 June 2002, p.58

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des membres du gouvernement Taliban (1.1) mais aussi de membres du réseau Al Qaida(1.2).

1.1 Le droit des conflits armés est applicable au statut des prisonniersTaliban.Les membres du gouvernement Taliban, arrêtés au cours du conflit en Afghanistan, relèventdu statut de prisonnier de guerre, ainsi que nous allons tenter de le démontrer ici.

C’est la III Convention qui définit la notion de prisonnier de guerre. En outre, bien quele Protocole I traite aussi de ce statut, il n’est pas applicable en l’espèce, les Etats Unis etl’Afghanistan n’ayant pas ratifié le protocole.

Ainsi, l’article 4, §A (1) dispose que :« Sont prisonniers de guerre, au sens de la présente Convention, les personnesqui, appartenant à l'une des catégories suivantes, sont tombées au pouvoir del'ennemi :les membres des forces armées d'une Partie au conflit, de même queles membres des milices et des corps de volontaires faisant partie de ces forcesarmées ; ».

Prima facie, il semble donc que les prisonniers combattants de l’armée régulière talibannejouissent de ce statut, puisqu’ils appartiennent à l’une des « forces armées d’une Partie auconflit », à savoir l’Afghanistan.

Il convient cependant de s’interroger sur le fait que le gouvernement Taliban n’étaitpas reconnu en tant que tel par les Etats-Unis. Il s’agit donc de savoir si cette nonreconnaissance constitue ou pas un obstacle à l’octroi du statut de prisonnier de guerre.

On peut ici établir une comparaison avec les résistants de la « France Libre » du Généralde Gaulle, au cours de la Seconde Guerre Mondiale. En effet, le Comité National Françaisn’était pas reconnu comme le gouvernement de la France. Cependant, les membres desForces Françaises Libres s’étaient vus octroyer le statut de prisonnier de guerre parle Comité International de la Croix Rouge mais aussi par les autorités allemandes, quin’appliquèrent pas les dispositions prévus dans l’armistice de 194054.

En outre, la Troisième Convention de Genève, établie en 1949, stipule que le statut deprisonnier de guerre s’applique en outre aux « membres des forces armées régulières qui seréclament d'un gouvernement ou d'une autorité non reconnus par la Puissance détentrice »55 : c’est précisément le cas des prisonniers Taliban.

On peut en outre renforcer cette position par la pratique même des Etats, enl’occurrence ici les Etats-Unis, au cours de la guerre du Vietnam. En effet, le Vietnam duNord n’était pas reconnu comme un gouvernement par les Etats Unis. De là, les membresdu Vietcong n’auraient pas dû relever du statut de prisonnier de guerre. Cependant, lesEtats-Unis leur ont accordé le bénéfice de ce statut56.

54 L’article 10 alinéa 3 de l’armistice stipulait en effet que « Le Gouvernement français interdira aux ressortissants français decombattre contre l'Allemagne au service d'États avec lesquels l'Allemagne se trouve encore en guerre. Les ressortissants français quine se conformeraient pas à cette prescription seront traités par les troupes allemandes comme francs-tireurs »

55 Article 4, lettre A§3, III Convention de Genève.56 E. David, Principes de droit des conflits armés, 2e éd., Bruxelles, Bruylant, 1999, p 414.

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Ainsi, si les prisonniers Talibans relèvent, sans nul doute, du statut de prisonnier deguerre, il convient de s’interroger quant aux prisonniers membres du réseau Al Qaida,arrêtés au cours du conflit en Afghanistan.

1.2 Les membres d’Al Qaida bénéficient de la protection des Conventions deGenèveOn l’a vu, le statut de prisonnier de guerre repose sur l’appartenance à une « Haute Partiecontractante », à savoir l’appartenance aux forces armées régulières d’un Etat. Or, lesmembres d’Al Qaida, arrêtés lors de la guerre en Afghanistan, ne semblent pas relever decette catégorie.

Cependant, il semble que l’on puisse considérer que les membres d’Al Qaidacombattaient aux côtés des Taliban, et, partant de là, remplissaient les conditions de l’article4§A, 1 de la Troisième Convention de Genève. Ce dernier leur octroie le statut de « milices »ou de « corps volontaires ».

Cette position se voit renforcée par le commentaire du CICR sur la TroisièmeConvention de Genève, qui stipule :

« Alors qu'autrefois les auteurs, unanimes, exigeaient une autorisation expressedu souverain, généralement écrite, que l'on retrouve encore lors de la guerrefranco-allemande de 1870-1871, cette condition n'est plus considérée commeindispensable depuis les Conférences de La Haye. Une « liaison de fait » entrel'organisation de résistance et le sujet de droit international se trouvant en étatde guerre est indispensable. Mais elle est suffisante. Cette « liaison de fait »' peutse manifester par un simple accord tacite, le caractère des opérations indiquantclairement au service de quelle Partie l'organisation de résistance exécute sesopérations; […] Ces différents cas, tirés de l'expérience de la deuxième guerremondiale, sont ceux que les rédacteurs de la Convention ont expressément voulucouvrir »

Ainsi, cette « liaison de fait » évoquée dans le commentaire du CICR semble être applicableaux membres d’Al Qaida. En effet, il apparaît plausible que le fait que les Taliban n’aient pas,d’une part, remis Ben Laden à des autorités compétentes afin qu’il soit jugé et, d’autre part,empêché la préparation des attentats du 11 septembre 2001, peut constituer une « liaisontacite » entre ces deux groupes.

En outre, même si l’on peut contester le statut de prisonnier de guerre aux membresd’Al Qaida, en interprétant strico sensu, les conditions ratione personae de la TroisièmeConvention de Genève, ces derniers jouissent cependant de la protection du droit desconflits armés.

En effet, on l’a vu, la guerre en Afghanistan constitue un conflit armé, rendant applicablele droit international humanitaire. Or, si les membres d’Al Qaida ne sont pas des prisonniersde guerre, ils tombent, de facto, dans la catégorie des « autres personnes protégées »,relevant de la IV Convention de Genève, relative à la protection des personnes civiles entemps de guerre.

L’article 4 de la dite convention stipule ainsi :« Sont protégées par la Convention les personnes qui, à un moment quelconqueet de quelque manière que ce soit, se trouvent, en cas de conflit ou d'occupation,au pouvoir d'une Partie au conflit ou d'une Puissance occupante dont elles ne

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sont pas ressortissantes. Les ressortissants d'un Etat qui n'est pas lié par laConvention ne sont pas protégés par elle. ».

Le commentaire du CICR précise ici que les termes « à un moment quelconque et dequelque manière que ce soit » ont été choisi afin de couvrir toutes les situations :

« Il s'agit aussi bien des individus qui se trouvaient sur le territoire avant ledébut du conflit ou de l'occupation que de ceux qui y viennent ou y sont amenésensuite d'une circonstance quelconque : voyageurs, touristes, naufragés etmême, éventuellement, espions ou saboteurs ».

Si l’article 4 susmentionné semble conditionner la protection de la Convention au critère dela nationalité, celui-ci est largement assoupli par l’article 13 de cette même Convention, quistipule que :

« Les dispositions du présent Titre visent l'ensemble des populations despays en conflit, sans aucune distinction défavorable, notamment de race,de nationalité, de religion ou d'opinions politiques et tendent à atténuer lessouffrances engendrées par la guerre. ».

On peut en outre se référer ici à la jurisprudence Delalic du Tribunal Pénal International pourl’ex Yougoslavie, se prononçant sur la condition de nationalité dans l’octroi de la protectionde la IV Convention de Genève. Les juges de la Chambre d’Appel ont ainsi considéré qu’ilétait nécessaire « d’envisager de façon plus souple les conditions posées par l’article 4 dela IVe Convention de Genève »57, rappelant le commentaire du CICR, et, partant, l’espritmême du droit international humanitaire :

« Le Commentaire de la IVe Convention de Genève nous impose de garder àl’esprit que « les Conventions sont faites avant tout pour protéger des individuset non pas pour servir les intérêts des États »; la présente Chambre de premièreinstance est donc d’avis que les Conventions devraient couvrir le plus grandnombre de personnes possible. »

Et de rajouter :« Cette interprétation de la Convention va tout à fait dans le sens de l’évolutionde la doctrine du droit humanitaire qui a pris une importance croissante au coursde ces cinquante dernières années. Il serait contraire au concept même de droitsde l’homme, qui protège les individus des abus de leur propre État, d’appliquerde façon rigide la condition de la nationalité posée par l’article 4 […]Afin depréserver la pertinence et l’efficacité des normes des Conventions de Genève, ilest nécessaire d’adopter l’approche choisie ici. Ainsi que Meron l’a récemmentdéclaré, "[e]n interprétant le droit, notre objectif devrait être d’éviter autant quepossible de paralyser la procédure judiciaire et, dans le cas des conventionshumanitaires, de leur permettre de remplir leur objectif visant à assurer une

protection" 58 ».Ainsi, au vu, tant des sources conventionnelles que de la jurisprudence, il semble queprisonniers de Guantanamo, tant membres des Taliban que membres d’Al Qaida, arrêtés aucours de la guerre en Afghanistan bénéficient de la protection des Conventions de Genève.

57 Arrêt Delalic c. Procureur, TPIY, 16 novembre 1998, §263.58 Arrêt Delalic c. Procureur, TPIY, 16 novembre 1998, §266.

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Au delà, les autorités américaines, refusant d’accorder le statut de prisonnier de guerreaux prisonniers de Guantanamo, Taliban ou membres d’Al Qaida, les désignent comme des« combattants illégaux », notion qu’il convient d’interroger59.

2. L’interprétation américaine : le flou juridique de la notion de « combattantillégal ».Si les Etats-Unis ont déjà utilisé la notion de « combattant illégal » dans le passé (2.1),il convient cependant d’interroger cette notion dans le cadre du droit international, celle-ciétant inexistante en droit des conflits armés (2.2).

2.1 Les précédents dans l’histoire juridique américaine et sa définitioncontemporaine.

La notion de « combattant illégal » est utilisée aux Etats-Unis depuis le XIXème siècle, plusparticulièrement au moment de la Guerre d’Indépendance, pour qualifier les milices, puisau moment de la Guerre de Sécession.

En 1863, le Code Lieber ( ou « Instructions pour les armées en campagne des Etats-Unis d’Amérique ») semblait, en outre, établir implicitement une distinction entre belligérants« légaux » et illégaux ». Ainsi, la section IV traitant des « Ennemis armés n'appartenantpas à l'armée ennemie » ; « Eclaireurs » ; « Rebelles de guerre » ; « saboteurs » créait descatégories de personnes échappant au statut de prisonnier de guerre.

Mais c’est la Cour Suprême américaine elle-même qui a établi une distinction entre« lawful » et « unlawful combatants », dans l’affaire Ex Parte Quirin. Il s’agissait du cas dehuit individus nazis, qui, après avoir débarqué aux Etats-Unis ( à New York et en Floride)furent arrêtés en possession d’explosifs, et vêtus de vêtements civils au lieu de leur uniformetraditionnel. La Cour Suprême a alors considéré les saboteurs comme des combattants« illégaux » :

«By universal agreement and practice the law of war draws a distinction betweenthe armed forces and the peaceful populations of belligerent nations and alsobetween those who are lawful and unlawful combatants. Lawful combatantsare subject to capture and detention as prisoners of war by opposing militaryforces. Unlawful combatants are likewise subject to capture and detention, butin addition they are subject to trial and punishment by military tribunals for actswhich render their belligerency unlawful. The spy who secretly and withoutuniform passes the military lines of a belligerent in time of war, seeking to gathermilitary information and communicate it to the enemy, or an enemy combatantwho without uniform comes secretly through the lines for the purpose of wagingwar by destruction of life or property, are familiar examples of belligerents whoare generally deemed not to be entitled to the status of prisoners of war, but tobe offenders against the law of war subject to trial and punishment by militarytribunals.»

Il apparaît donc que ces « combattants illégaux » échappent au statut de prisonnier deguerre, et, de facto,à la protection des Conventions de Genève. Une telle situation a été

59 “neither the Taliban nor the al Qaeda are prisoners of war”, A Fleisher, Conférence de presse du 7 février 2002.

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prise en compte au sein du CICR suite à la Seconde Guerre Mondiale, comme l’illustre leCommentaire de l’article 45 du premier Protocole Additionnel :

« De véritables bouleversements politiques avaient accompagné les opérationsmilitaires de la Seconde Guerre mondiale[…]. Il en était résulté des situationsanormales, confuses, caractérisées par l'inextricable enchevêtrement desrapports de droit international. Des groupements nationaux continuaient àprendre une part active aux hostilités alors que l'adversaire leur déniait ce droit,ne les considérait pas comme des combattants réguliers, mais comme desfrancs-tireurs, c'est-à-dire comme des individus participant volontairement auxopérations militaires sans faire partie des forces armées. »

C’est donc dans l’objectif de remédier à cette situation que fut signé le Protocole I desConventions de Genève, en 1977. Mais le président américain de l’époque, Ronald Reagan,refusa de ratifier ce Protocole, consacrant ainsi la notion de « combattant illégal », statutnon protégé par le Droit International Humanitaire.

En 2001, l’administration Bush s’est ainsi appuyée sur la jurisprudence Quirin pourdéfinir la notion de « combattant illégal », au regard des attentats du 11 septembre – et doncde la Guerre en Afghanistan. Elle définit donc les « combattants illégaux » dans le MilitaryOrder du 13 novembre 2001, mais aussi et surtout dans le Military Commissions Act de2006. Ce derner stipule ainsi qu’un combattant illégal est :

« (i) a person who has engaged in hostilities or who has purposefully andmaterially supported hostilities against the United States or its co-belligerentswho is not a lawful enemy combatant (including a person who is part of theTaliban, al Qaeda, or associated forces) »

De là, le gouvernement américain estime que les prisonniers de Guantanamo relèvent de cestatut de « prisonniers illégaux » et, par là même, échappent à la protection des Conventionsde Genève.

Il convient cependant de s’interroger quant au sens et à la pertinence de cette notionen droit international, et plus précisément en Droit International Humanitaire.

2.2 La notion de « combattant illégal » en question : une notion inexistanteen droit international humanitaireSi le statut de combattant illégal est utilisé depuis longtemps dans la jurisprudenceaméricaine, force est de constater que la notion est inexistante au regard du DroitInternational Humanitaire. En effet, le terme n’apparaît pas dans les Conventions de Genèveet ses Protocoles. A contrario, le Droit International Humanitaire a pour règle essentielle leprincipe de distinction entre deux catégories : les civils et les combattants. Un civil est définicomme une personne non membre des forces armées d’une partie au conflit.

Or, considérer qu’il existe une troisième catégorie – de combattant illégal- met à malce principe fondamental, créant un statut intermédiaire. Cette vision est fermement rejetée,comme le souligne Jean Pictet : « Il n'y a pas de statut intermédiaire ; aucune personne se

trouvant aux mains de l'ennemi ne peut être en dehors du droit» 60 . De là, toute personne

tombant aux mains de l’ennemi est protégée par les Conventions de Genève : ainsi les civils

60 J. S. Pictet, dir., Les Conventions de Genève du 12 août 1949, Commentaire, Convention de Genève relative à la protectiondes personnes civiles en temps de guerre, vol. 4, Genève, CICR, 1956, p. 58.

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relèvent de la Quatrième Convention de Genève, relative à la protection des personnesciviles en temps de guerre.

Cette Convention protège, ainsi donc, tout civil, et ce même s’il a pris part aux hostilités.Ses dispositions visent en fait à éviter la mort de civils innocents, qui risqueraient, en cas desoupçon de participation aux hostilités, d’être pris pour cible par la Partie adverse. Situationqui viendrait mettre à mal le principe de distinction.

Par là même, la notion de « combattant illégal » ne peut et ne doit apparaître que commeune notion descriptive, désignant des civils qui auraient pris part aux hostilités. Pour autant,elle ne constitue en aucun cas un troisième statut, et ces « combattants illégaux » relèventde la protection de la IV Convention de Genève.

Cette idée a été renforcée par le Protocole 1, et plus particulièrement son article 75 :« Dans la mesure où elles sont affectées par une situation visée à l'article premierdu présent Protocole, les personnes qui sont au pouvoir d'une Partie au conflit etqui ne bénéficient pas d'un traitement plus favorable en vertu des Conventionset du présent Protocole seront traitées avec humanité en toutes circonstanceset bénéficieront au moins des protections prévues par le présent article sansaucune distinction de caractère défavorable fondée sur la race, la couleur, lesexe, la langue, la religion ou la croyance, les opinions politiques ou autres,l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou une autre situation,ou tout autre critère analogue. Chacune des Parties respectera la personne,l'honneur, les convictions et les pratiques religieuses de toutes ces personnes. »

Le principe qui sous-tend cet article est ainsi d’éviter que quelconque personne, au coursd’un conflit armé, échappe à la protection du droit international humanitaire.

Ainsi, il ressort de cette analyse que la notion de « combattants illégaux » est nonseulement inexistante au regard du droit international, mais aussi inutile : il semble en effetque le cadre juridique qu’offre le Droit International Humanitaire, via les Conventions deGenève, soit approprié à la situation des prisonniers de Guantanamo.

Mais en considérant qu’il existe outre les civils et les combattants, une troisièmecatégorie de « combattant illégal », les Etats-Unis appliquent, de facto, le droit internationalhumanitaire de manière non seulement relative mais aussi et surtout discriminatoire.

II. Une application relative et discriminatoire du droit des conflitsarmés aux prisonniers de Guantanamo.

Les analyses des autorités américaines ont évolué face à la question du statut desprisonniers de Guantanamo, qualifiés dès le départ de « combattants illégaux ». Nousverrons ainsi que si l’exécutif américain établit une distinction entre membres des Talibanet membres d’Al Qaida, cette distinction n’a pas de réelle conséquence au niveau de leurprotection : en effet, les autorités américaines les qualifient tous de « combattants illégaux »,opérant, par là même, une application discriminatoire du Droit International Humanitaire (1).Cependant, une telle qualification a été remise en cause par la Cour Suprême américaine(2).

1. La distinction entre membres d’Al Qaida et Talibans et ses conséquencesjuridiques.

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L’administration américaine estime que la guerre en Afghanistan est en fait constituée dedeux conflits distincts : l’un opposant les Etats-Unis aux Taliban ; l’autre opposant les Etats-Unis au réseau Al Qaida (1.1). Par là-même, Taliban et membres d’Al Qaida relèveraientde deux statuts différents. Partant, tous ne bénéficieraient pas, aux yeux des autoritésaméricaines, de la même protection accordée par les Conventions de Genève (1.2).

1.1 L’interprétation américaine de la guerre en Afghanistan La position américaine relative à la Guerre en Afghanistan et, partant, au statut desprisonniers de Guantanamo a changé. Ainsi, au début du conflit, le Secrétaire à la Défense,Donald Rumsfeld, désignait tant les prisonniers membres d’Al Qaida que les prisonniersTaliban de « combattants illégaux », leur niant toute applicabilité des Conventions deGenève.

Mais la position américaine s’est transformée. En effet, dans une déclaration en datedu 7 février 2002, le président Bush estimait :

« I determine that the provisions of Geneva will apply to our present conflictwith the Taliban. I reserve the right to exercise the authority in this or futureconflicts.[…] I determine that the Taliban detainees are unlawful combatants and,

therefore, do not qualify as prisoners of war under Article 4 of Geneva.» 61

Ainsi, le gouvernement américain reconnaît l’applicabilité de la III Convention de Genèveaux Taliban, sans pour autant leur accorder le statut de prisonnier de guerre.

Concernant Al Qaida :«As the president decided, the conflict with Taliban is determined to fall underthe Geneva Convention because Afghanistan is a state party to the GenevaConvention. Al Qaeda, as a non-state, terrorist network, is not. Indeed, throughits actions, al Qaeda has demonstrated contempt for the principles of the Geneva

Convention» 62 .Ainsi, les membres d’Al Qaida n’appartiennent à aucune « Partie », c’est-à-dire à aucunEtat, seul sujet de droit international. Ils échappent donc à la protection de la III Conventionde Genève et au statut de prisonnier de guerre.

Au vue de ces considérations, on se trouve donc face à une distinction qui crée, defacto, une applicabilité différente du Droit International Humanitaire.

Or, la Guerre en Afghanistan constitue un conflit armé, et, partant, rend applicable leDroit International Humanitaire à toute personne engagée dans le conflit.

Ainsi donc, tant les prisonniers membres d’Al Qaida que les membres des Talibanpeuvent bénéficier de la protection des Conventions de Genève, soit en tant que prisonniersde guerre, soit en tant que civils.

Dès lors, en distinguant membres d’Al Qaida et prisonniers Taliban et en refusantd’accorder la protection des Conventions de Genève à ces derniers, les Etats-Unis semblentbel et bien appliquer de manière discriminatoire le Droit International Humanitaire.

61 President Bush on Feb. 7, 2002.62 Rumsfeld D, Conférence de presse du 8 février 2002

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Au delà de cette distinction, les autorités américaines justifient cette discriminationdu fait du statut de « combattants illégaux »dont ils estiment que les prisonniers deGuantanamo, dans leur ensemble, relèvent. Et ce, même si, on l’a vu, le Président américaina reconnu l’applicabilité de la III Convention de Genève aux Taliban :

« President Bush said the United States would regard the Geneva Conventionsas applying to Taliban detainees under U.S. control -- but not Al Qaeda detainees.Defense Secretary Donald Rumsfeld said today the United States would continueto treat all detainees humanely and in accordance with standards set by theGeneva Conventions. Bush's decision does not materially change the way alldetainees will be treated by the United States nor does it confer prisoner of warstatus on Taliban members. U.S. officials will continue to call both Taliban and Al

Qaeda members "detainees."» 63

1.2 Une application relative et discriminatoire du Droit InternationalHumanitaireLes prisonniers de Guantanamo ont été arrêtés au nom de la « lutte contre le terrorisme »,lutte qui, on l’a vu, a pris la forme d’un conflit armé international, rendant le Droit InternationalHumanitaire applicable.

Or, en qualifiant ces prisonniers de « combattants illégaux », les autorités américainessemblent vouloir justifier une application relative de la protection des Conventions deGenève. En effet, ils semblent qu’en agissant de la sorte, elles sanctionnent ce qu’ellesconsidèrent être un recours à la force illicite. Autrement dit, les Conventions de Genèveseraient inapplicables aux terroristes, même dans le cadre d’un conflit armé.

Mais cette position semble difficilement acceptable. En effet, nous l’avons vu, la Guerreen Afghanistan est un conflit armé. Les personnes arrêtées dans ce cadre bénéficient doncde la protection des Conventions de Genève.

De là, la distinction entre membres d’Al Qaida et Taliban paraît peu admissible. En effet,opérer une telle différenciation peut apparaître comme l’établissement d’une discriminationentre des personnes qui doivent pouvoir bénéficier des protections accordées par le droitinternational humanitaire. Or, les Conventions de Genève, précisément, prohibent toute idéede discrimination quant à l’octroi de cette protection.

Ainsi, concernant les Taliban, en tant qu’ils relèvent, selon le droit internationalhumanitaire, du statut de prisonniers de guerre, on peut se référer à l’article 16 de laTroisième Convention de Genève qui dispose que :

« les prisonniers doivent tous être traités de la même manière par la Puissancedétentrice, sans aucune distinction de caractère défavorable, de race, denationalité, de religion, d'opinions politiques ou autre, fondée sur des critèresanalogues ».

Refuser de leur octroyer le statut de prisonnier de guerre semble donc aller à l’encontre decette disposition.

Quant aux membres d’Al Qaida, en ce qu’ils relèvent, on l’a vu, du statut de civil, ilsdoivent bénéficier de la protection de la IV Convention de Genève. L’article 27 relatif auxtraitement des personnes protégées est complété par une clause de non discrimination,

63 “Geneva Convention Applies to Taliban, not Al Qaeda”, American Forces Information Service, 7 février 2002.

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clause qui souligne le fait que « toute personne protégée peut se prévaloir de tous les droits

et libertés proclamés par la Convention » 64 et que, par là même, « est exclue toute mesure

discriminatoire qui ne résulte pas de l'application de la Convention. »Ainsi, cette distinction entre membres d’Al Qaida et Taliban, et donc l’application

discriminatoire du droit humanitaire semble violer les dispositions des Conventions deGenève.

Les Etats-Unis appliquent cette distinction au nom du statut de « combattant illégal ».Par là même, au-delà des discriminations créées par ce statut, c’est une application relativedu droit humanitaire qu’il convient d’étudier.

Tout d’abord, il s’agit de souligner le fait que ces conventions humanitaires créent desobligations à l’égard de ceux qui les ont ratifiées. Obligations dont le respect est obligatoire,au nom du principe pacta sunt servanda. Les Etats-Unis, en ratifiant les Conventions deGenève, sont donc dans l’obligation de faire preuve de bonne foi et d’appliquer ce droit.

De plus, cette application relative de la protection des Conventions de Genève pourraitêtre assimilée à des représailles. Or, celles-ci sont formellement interdites par le droitinternational humanitaire. Cette idée a pour corollaire le principe de réciprocité. Ces deuxprincipes sont soulignés dans l’alinéa 5 du Premier Protocole Additionnel de 1977 :

« Réaffirmant, en outre, que les dispositions des Conventions de Genève du12 août 1949 et du présent Protocole doivent être pleinement appliquées entoutes circonstances à toutes les personnes protégées par ces instruments, sansaucune distinction défavorable fondée sur la nature ou l'origine du conflit arméou sur les causes soutenues par les Parties au conflit, ou attribuées à celles-ci ».

La prohibition des représailles est plus explicite dans l’article 47, « De l’interdiction desreprésailles », article dont le commentaire du CICR précise le sens :

« la stipulation sur les représailles se rattache étroitement[…] aux dispositionsqui, en assurant l'application de la Convention « en toutes circonstances », telsles articles 1 , 6 et 7 , lui enlèvent son caractère d'ordre juridique dépendant dela volonté des Etats et soumis à la réciprocité pour lui donner le caractère d'unordre centré essentiellement sur la personne humaine ».

Ainsi, les Etats-Unis refusent d’accorder les protections prévues par les Conventions deGenève aux prisonniers de Guantanamo, ou les leur octroient de manière relative. Ils sebasent sur le statut de « combattant illégal » pour justifier cette position. Cela revient, defacto, à tenter de justifier le non-respect des règles du droit humanitaire au nom de la luttecontre le terrorisme.

Or, il est nécessaire ici de rappeler, tout d’abord, que le droit international humanitaireest applicable à la lutte contre le terrorisme, quand celle-ci prend la forme d’un conflit armé.

Mais au-delà du droit humanitaire, c’est une atteinte aux droits de l’Homme qui apparaîtici, au regard de l’application relative du droit humanitaire. C’est la nature même du DroitInternational Humanitaire qui entre ici en jeu. En effet, la fonction même de ce droit est laprotection de la personne humaine en tant que telle. On peut citer ici la jurisprudence duTPIY, dans l’arrêt Furundzija : « Le principe général du respect de la dignité humaine est à la

base du DIH et des droits de l’Homme, et en est, en fait, la raison d’être 65 ». Or, appliquer

64 CICR, Commentaire relatif à l’article 27 de la Quatrième Convention de Genève.65 TPIY, Chambre de première instance, arrêt Furundzija du 10 décembre 1998, §183.

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de manière relative la protection des Conventions de Genève, c’est nier certains droitsessentiels aux prisonniers de Guantanamo, et notamment les droits relatifs à la contestationde leur statut.

Ainsi, c’est la notion de « combattant illégal » qui, parce qu’elle constitue la base duraisonnement juridique des autorités américaines, semble mettre à mal l’application du DroitInternational Humanitaire. Mais c’est précisément cette notion que la Cour Suprême desEtats-Unis est venue remettre en cause.

2. Vers la remise en cause de la notion de « combattant illégal » à travers lajurisprudence de la Cour Suprême américaineDans tous les cas, la III Convention de Genève prévoit explicitement qu’en cas de douterelatif au statut de prisonnier de Guerre, un tribunal doit être mis en place afin de déterminerce statut. La question s’est ainsi posée concernant les prisonniers de Guantanamo, créantune réelle polémique, au vu de l’interprétation américaine de la dite disposition.

2.1 De l’interprétation de l’article 5 de la III Convention de GenèveL’article 5 de la III Convention de Genève dispose que :

« S'il y a doute sur l'appartenance à l'une des catégories énumérées à l'article4 des personnes qui ont commis un acte de belligérance et qui sont tombéesaux mains de l'ennemi, lesdites personnes bénéficieront de la protection de laprésente Convention en attendant que leur statut ait été déterminé par un tribunalcompétent. ».

Si, prima facie, l’article semble clair, des difficultés apparaissent quant à l’interprétation dela notion de « doute » mais aussi de « tribunal compétent ».

2.1.1 De la notion de « doute »En effet, les Etats Unis ont tout d’abord estimé qu’il n’y avait aucun doute relatif au statutdes prisonniers de Guantanamo, à l’instar du Ministre de la Défense de l’époque, DonaldRumsfeld : «And there has not been doubt, in the sense that the convention would raise it,about these people, that I know of, and they have been then categorized as detainees asopposed to prisoners of war»66

Ensuite, les autorités américaines estimèrent que les enquêtes menées sur le territoireAfghan, par le département de la défense, de la justice et la CIA, étaient suffisantes et sesubstituaient à la mise en place d’un tribunal.

Or, le Comité International de la Croix Rouge est venu contredire cette position,affirmant « les avis divergent entre les Etats Unis et le CICR quant aux procédures à

appliquer pour déterminer que les personnes détenues n’ont pas droit au statut » 67 .

66 Fiscal Year 2003 Defense Budget Testimony – Senate Armed Services Committee (transcript) Secretary of Defense DonaldRumsfeld, Chairman of Joint Chiefs of Staff Richard Myers, And Dov Zakheim, Under Secretary of Defense (Comptroller), Before theSenate Armed Services Committee, February 5, 2002 .

67 CICR, communiqué de presse 02/11 du 9 février 2002

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En outre, il semble qu’en vertu du principe de bonne foi (Par « bonne foi », on entendra

ici « la loyauté, la droiture, l’honnêteté et le respect des engagements pris » 68 ), on puisse

estimer que les Etats-Unis doivent envisager la possibilité d’un doute quant au statut desprisonniers de Guantanamo.

Il convient ici de se référer au commentaire de l’article 5 de la Convention de Genève,relatif à la question de la définition de « doute », bien que ce dernier ne fasse référence qu’àdes cas précis : celui des déserteurs et personnes suivant les forces armées et qui auraientperdu leur carte d'identité. Mais les auteurs du Commentaire s’empressent de préciser que« ces précisions, données par l'article 4, doivent évidemment restreindre, dans une guerrefuture le nombre des cas douteux. Il nous paraîtrait donc indiqué de ne pas donner à cettedisposition une interprétation trop restrictive ».

De là, il semble que l’on puisse interpréter cette disposition comme une quasi-présomption du statut de prisonnier de guerre.

En outre, l’article 5 de la Convention semble faire écho à l’article 45(1) du PremierProtocole :

« Une personne qui prend part à des hostilités et tombe au pouvoir d'une Partieadverse est présumée être prisonnier de guerre et par conséquent se trouveprotégée par la IIIe Convention lorsqu'elle revendique le statut de prisonnierde guerre, ou qu'il apparaît qu'elle a droit au statut de prisonnier de guerre, oulorsque la Partie dont elle dépend revendique pour elle ce statut par voie denotification à la Puissance qui la détient ou à la Puissance protectrice. S'il existeun doute quelconque au sujet de son droit au statut de prisonnier de guerre, cettepersonne continue à bénéficier de ce statut et, par suite, de la protection de la IIIeConvention et du présent Protocole, en attendant que son statut soit déterminépar un tribunal compétent. »

Bien que les Etats-Unis n’aient pas ratifié le Protocole, cette idée de « quasi-présomption »quant au statut est présente de manière explicite dans le manuel de droit militaire américainqui stipule : « When doubt exists as to whether captured enemy personnel warrant continued

PW status, Art. 5 (GPW) Tribunals must be convened » 69

Enfin, un tel refus vient, semble-t-il, contredire la position américaine confrontée à dessituations comparables. On peut ici faire référence à la Guerre du Vietnam au cours delaquelle des tribunaux avaient été créées afin d’étudier le statut des prisonniers.

2.1.2 De l’interprétation de la notion de « tribunal compétent »En outre, les autorités américaines ont jugé inutile la mise en place de tribunaux au titre del’article 5 de la Convention de Genève. En effet, elles estimaient, d’une part, qu’il n’existaitpas de doute quant au statut des prisonniers de Guantanamo, mais d’autre part parce quec’est le Président américain qui a compétence pour déterminer quelles personnes relevaientdu statut de « combattants illégaux ».

Ainsi, la résolution «Authorization for Use of United States Armed Forces», votée parle Congrès le 18 septembre 2001, stipule que :

68 KDHIR M, Dictionnaire juridique de la CIJ, Ed Bruylant, Paris, 2000, p 4969 Operational law handbook, Chapter 2 Law of war, p.28

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«the President is authorized to use all necessary and appropriate force againstthose nations, organizations, or persons he determines planned, authorized,

committed, or aided the terrorist attacks that occurred on September 11, 2001» 70 .Cette compétence est réaffirmée dans le Military Order du 13 novembre 2001 :

«The term "individual subject to this order" shall mean any individual who isnot a United States citizen with respect to whom I determine from time to time inwriting that: (1) there is reason to believe that such individual, at the relevant times, (i) is or was a member of the organization known as al Qaida; (ii) hasengaged in, aided or abetted, or conspired to commit, acts of international

terrorism, or acts in preparation therefor, […]» 71

Une telle disposition semble aller à l’encontre de l’article 5 de la troisième Convention deGenève qui stipule que le statut doit être déterminé par un « tribunal compétent ». Il convientici de se référer au commentaire du CICR quant à cette notion. En effet, celui-ci précise que :

« A Genève, en 1949, un premier amendement substitua à l'expression d' «autorité responsable » la désignation plus précise d'un tribunal militaire. Cettemodification se justifiait par le fait que des décisions qui peuvent avoir lesconséquences les plus graves ne devaient pas être laissées à l'appréciationd'une seule personne »

Or, cette précisément cette interprétation de l’article 5, et, au-delà, la notion même de« combattant illégal » que la Cour Suprême est venue remettre en cause.

2.2 La jurisprudence de la Cour Suprême : le statut de combattant illégalremis en cause et la création des « Combatant Status Review Tribunal»On l’a vu, les Etats-Unis ont estimé qu’il n’existait pas de doute quant au statut des« combattants illégaux ». En outre, rappelons ici que c’est le Président américain qui décidede manière discrétionnaire qui relève de ce statut.

La Cour Suprême américaine, face à cette situation, a plusieurs fois été saisie deplaintes émanant de prisonniers, contestant la légalité de leur détention sur la basede Guantanamo. Autrement dit, la Cour a dû se prononcer sur la possibilité, pour cesprisonniers, de bénéficier de la procédure de l’habeas corpus, c’est-à-dire une procédurequi permet à toute personne emprisonnée d’être présentée devant un juge pour qu’il décidede la validité de sa détention. Nous verrons que la Cour a statué sur des affaires concernantdes nationaux américains mais aussi de prisonniers étrangers, tous arrêtés lors du conflitopposant les Etats-Unis à l’Afghanistan, et incarcérés sur la base de Guantanamo.

2.2.1 La jurisprudence de la Cour Suprême à l’égard de détenus étrangers :la jurisprudence RasulLa question dont avait été saisie la Cour Suprême fut de savoir si les Cours fédéralesaméricaines avaient compétence pour juger de la validité de la détention des détenus

70 Authorization for Use of Military Force, Section 2 (a), 18 septembre 2001.71 Military Order, section 2(a), 13 novembre 2001.

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étrangers, autrement dit si le statut de « combattant illégal » leur permettaient – ou non –

d’introduire un recours en habeas corpus 72 .

L’affaire Rasul concernait douze prisonniers de nationalité Koweïtienne et deuxprisonniers Australiens, arrêtés au cours du conflit en Afghanistan et détenus depuis deuxans sur la base de Guantanamo, en tant que « combattants illégaux ».

Ces derniers ont donc introduit une plainte, contestant leur statut, devant la Cour dudistrict de Columbia. Celle-ci s’est déclarée incompétente pour juger de la légalité de leurdétention, appuyant son raisonnement sur la jurisprudence Eisentrager : « the privilege oflitigation does not extend to aliens in military custody who have no presence in any territory

over which the United States is sovereign ». 73 Le jugement a été confirmé par la Cour

d’Appel.Mais la Cour Suprême, dans son arrêt du 28 juin 2004, a renversé ce jugement, estimant

que les demandeurs pouvaient saisir les tribunaux américains pour contester la légalité deleur détention. Dans son raisonnement, la Cour s’est tout d’abord référée aux origines età l’esprit même du recours en habeas corpus, citant un acte du Congrès datant de 1867et précisant que ce recours est accessible à : « all the cases where any person may berestrained of his or her liberty in violation of the constitution, or of any treaty or law of the

United States ». 74 Elle a ensuite souligné, citant l’opinion dissidente du Juge Jackson dans

l’affaire Saughnessy75 :«Executive imprisonment has been considered oppressive and lawlesssince John, at Runnymede, pledged that no free man should be imprisoned,dispossessed, outlawed, or exiled save by the judgment of his peers or by thelaw of the land. The judges of England developed the writ of habeas corpuslargely to preserve these immunities from executive restraint. [345 U.S. 206, 219]Under the best tradition of Anglo-American law, courts will not deny hearing to anunconvicted prisoner just because he is an alien whose keep, in legal theory, isjust outside our gates»

Ceci souligne ainsi le fait que le recours en habeas corpus constitue un moyen, pour lescours fédérales, de contrôler la légalité d’une détention ordonnée par l’exécutif.

La Cour s’est ensuite penchée sur la référence faite à la jurisprudence Eisentrager parla Cour de Columbia, et l’a rejetée. En effet, elle a estimé que les détenus de l’affaire Rasulavaient un statut autre que celui des personnes jugées dans l’affaire Eisentrager. En effet,les demandeurs, dans l’affaire Rasul, n’étaient pas des nationaux d’Etats en guerre contreles Etats-Unis ; contestaient leur implication dans le conflit afghan ; n’avaient jamais euaccès à un tribunal et, enfin et surtout, étaient emprisonnés sur la base de Guantanamo,base placée sous la juridiction pleine et entière des Etats-Unis.76

72 Une plainte de ce type avait été rejetée en 2002. La Cour californienne, saisie par une coalition de juristes, avait rejeté la demandede recours en habeas corpus au motif que les demandeurs n’avaient pas d’intérêt à agir, en prenant fait et cause pour les prisonniers.( affaire Coalition of Clergy v. Bush, 310 F.3d 1153 (9th Cir. 2002))

73 Cour Suprême des Etats-Unis, Johnson v. Eisentrager, 339 US 777-778, 1950.74 Congrès américain, Act of February 5, 186775 Arrêt de la Cour Suprême, Shaughnessy v. United States ex rel. Mezei, 345 U.S. 206, 218—219 (1953)76 En vertu d’un bail consenti par Cuba aux Etats-Unis, en 1903.

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En outre, la Cour a rejeté l’argument selon lequel le paragraphe 2241du Code deProcédure judiciaire77 interdirait une application extra-territoriale en l’espèce. Ainsi, selon laCour Suprême, en vertu du bail accordé par Cuba aux Etats-Unis, ces derniers ont pleineet entière juridiction à Guantanamo. Le recours en habeas corpus est donc possible pourtoute personne détenue sur la base, et ce, sans distinction entre nationaux américains etdétenus étrangers.

Ainsi, par cet arrêt, la Cour Suprême a jugé que tout détenu étranger, emprisonnésur la base de Guantanamo pouvait contester, devant une cour fédérale, son statut de« combattant illégal ». Il semble donc que, sans contester explicitement la notion de« combattant illégal », la Cour, cependant, vient le remettre en cause. En effet, la créationde ce statut par les autorités américaines visait, semble-t-il, à nier à ces détenus le droitde contester leur statut.

La Cour suprême a complété cette jurisprudence, en traitant du cas de nationauxaméricains.

2.2.2 La jurisprudence de la Cour Suprême à l’égard de détenus américains :la jurisprudence Hamdi.La Cour Suprême a été saisie d’une plainte d’un détenu américain, Yaser Esam Hamdi,arrêté par les forces de l’OTAN en Afghanistan, en 200. Il fut emprisonné au titre de« combattant illégal », d’abord à Guantanamo puis en Virginie et finalement en Caroline duSud. Son père avait requis une plainte pour violation des amendements cinq et quatorzede la Constitution78. Il s’agit donc d’un recours en habeas corpus, par laquelle le requérantdemande de disposer d’un conseiller juridique, de mettre fin aux interrogatoires, et d’êtrelibéré.

La Cour de district de Virginie a tout d’abord estimé que la déclaration qui justifiait lestatut de « combattant illégal » de Hamdi était insuffisante. Il s’agissait de la déclaration

Mobbs 79 , basée sur les interrogatoires de Hamdi et sur son association avec legouvernement Taliban. La Cour a donc demandé au gouvernement de compléter cesallégations, et a permis au requérant d’être assisté d’un avocat.

Le gouvernement américain a cependant saisi la Cour d’Appel, qui statua ainsi sur laquestion de savoir si la déclaration Mobbs constituait un élément suffisant pour examinerle statut de « combattant illégal » de Hamdi. Celle-ci a donné raison au gouvernement,estimant que les intérêts sécuritaires des Etats-Unis n’avaient pas été suffisamment prisen compte, et en estimant que le gouvernement américain n’avait pas à fournir de preuvessupplémentaires quant au statut de Hamdi.

77 “Writs of habeas corpus may be granted by the Supreme Court, any justice thereof, the district courts and any circuit judgewithin their respective jurisdictions. The order of a circuit judge shall be entered in the records of the district court of the district whereinthe restraint complained of is had” Titre 28 US Code, section 224178 Amendement 5 : “No person shall […]be deprived of life, liberty, or property, without due process of law; nor shall private property betaken for public use, without just compensation” ; Amendement 14 : “All persons born or naturalized in the United States, and subject tothe jurisdiction thereof, are citizens of the United States and of the State wherein they reside[…] nor shall any State deprive any personof life, liberty, or property, without due process of law; nor deny to any person within its jurisdiction the equal protection of the laws.”

79 Du nom de son auteur, le Conseiller spécial du sous secrétaire à la Défense.

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Puis, la Cour d’Appel s’est appuyée sur la résolution du Congrès80 permettantau Président américain de prendre les mesures appropriées dans la lutte contre leterrorisme pour juger que l’arrestation et la détention de combattants « illégaux » rentraientdans ce cadre.

Enfin et surtout, elle a jugé que le requérant pouvait avoir droit, en tant que citoyenaméricain, à une enquête judiciaire limitée sur la légalité de sa détention, au regard de larépartition des pouvoirs entre l’exécutif et le Congrès, lui refusant ainsi un examen précisdes faits.

La Cour Suprême a donc été saisie de deux questions : d’une part, elle s’est prononcésur le fait de savoir si l’Exécutif avait autorité pour détenir des prisonniers qualifiés de« combattants illégaux » ; d’autre part, elle a statué quant à la procédure accordée à uncitoyen contestant ce statut.

Tout d’abord, la Cour ne conteste pas le statut de « combattant illégal », estimant quele Congrès, par l’Authorization for Use of Military Force, avait rendu possible l’arrestationdu requérant, même de nationalité américaine. Mais la réponse à la seconde question vientmettre à mal la conception même du statut de « combattant illégal ».

En effet, la Cour a analysé les arguments des autorités américaines justifiant le statut deHamdi. La Cour a tout d’abord rejeté l’argument selon lequel les conditions de l’arrestationdu requérant étaient incontestables. En effet, la Cour souligne que Hamdi n’a pu, lors de sonarrestation, contester lui même ou via l’intermédiaire d’un conseiller les allégations portéescontre lui, et que le simple fait de résider en Afghanistan, au moment de son arrestation, neconstituait pas une preuve qu’il combattait contre les Etats-Unis :

«First, the Government urges the adoption of the Fourth Circuit’s holdingbelow–that because it is “undisputed” that Hamdi’s seizure took place in acombat zone, the habeas determination can be made purely as a matter oflaw, with no further hearing or factfinding necessary. This argument is easilyrejected. As the dissenters from the denial of rehearing en banc noted, thecircumstances surrounding Hamdi’s seizure cannot in any way be characterizedas “undisputed,” as “those circumstances are neither conceded in fact, norsusceptible to concession in law, because Hamdi has not been permitted tospeak for himself or even through counsel as to those circumstances.” 337 F.3d335, 357 (CA4 2003) (Luttig, J., dissenting from denial of rehearing en banc);see also id., at 371—372 (Motz, J., dissenting from denial of rehearing en banc).Further, the “facts” that constitute the alleged concession are insufficient to

support Hamdi’s detention 81 .»Le second argument soumis à la Cour par le gouvernement américain souligne le caractèreexceptionnel de la situation. Selon lui, il devrait limiter la portée des recours individuellesrelatives au statut de « combattant illégal » au simple examen de la base juridique de ladétention. Selon les autorités américaines, la séparation des pouvoirs limite les pouvoirsdes cours fédérales face aux décisions militaires.

Il s’agit ici de l’équilibre entre les intérêts du gouvernement américain et les droits detout citoyen détenu de contester son statut, s’il estime qu’il y a violation de la Constitution. La

80 Authorization for Use of Military Force, Joint Resolution 23.81 Cour Suprême des Etats-Unis, Hamdi et al v. Rumsfeld, 542 U. S.(2004),28 juin 2004, §III-B.

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Cour se réfère ici à la célèbre jurisprudence Mathews et plus particulièrement le « Mathewscalculus » qui détermine l’équilibre entre « the private interest that will be affected by theofficial action » et « the Government’s asserted interest ». La Cour s’appuie notammentsur la jurisprudence susmentionnée82 pour conclure au droit du requérant de contester sonstatut devant une cour fédérale, d’avoir accès à un avocat et d’avoir accès aux allégationsà l’origine de sa détention. Elle le fait de manière incontestable, comme l’illustre l’opinion duJuge O’Connor : « We have long since made clear that a state of war is not a blank check

for the President when it comes to the rights of the Nation’s citizens 83 ».

Ainsi donc, nationaux américains et étrangers détenus sur la base de Guantanamo sesont vus reconnaître le droit de contester leur statut devant une cour fédérale. Ces décisionsde la Cour Suprême semblent bel et bien « vider de sa substance » la notion même de« combattant illégal »84.

La réaction du gouvernement américain, suite au jugement Hamdi, a été quasimentimmédiate, afin de se conformer aux arrêts susmentionnés du 28 juin 2004. Des tribunauxde révision du statut des prisonniers ont ainsi été mis en place (les Combatant Status ReviewTribunal) dès le 7 juillet 2004, en vertu de l’ « Order Establishing Combatant Status ReviewTribunal ». Il convient de s’interroger quant à la portée de tels tribunaux.

2.2.3 Les « Combatant Status Review Tribunal»en questionLes tribunaux mis en place dès juillet 2004 ont pour but de déterminer si un prisonnier relèveou non du statut de « combattant illégal ». Il ne s’agit pas d’accorder le statut de prisonnierde guerre à tout détenu qui ne relèverait pas de ce statut. Il s’agit de tribunaux militaires.

Mais la légalité même de ces tribunaux a été remise en cause par la juge Green,dans l’affaire « Re Guantanamo Detainee Cases » en janvier 2005. Et effet, il s’agissaitd’une plainte émanant de onze prisonniers ayant comparu devant de tels tribunaux. Cesderniers estiment que les procédures prévues par les tribunaux militaires ne respectent pasles garanties constitutionnelles du droit à un procès équitable.

La juge a estimé, qu’au vu des jurisprudences Rasul et Hamdi, les prisonniersdevaient bénéficier de ces garanties85, et notamment, de la notification des charges portéescontre eux, de l’assistance d’un avocat. Or, précisément, ces tribunaux militaires prévoientqu’au cours de la procédure, les prisonniers soient représentés, non par un avocat, maispar un officier militaire ( il ne s’agit pas d’une assistance juridique mais d’une simplereprésentation) :

82 « That is, « the risk of erroneous deprivation » of a detainee’s liberty interest is unacceptable high under the Government’sproposed rule, while some of the « additionnal or substitute procedural safeguards” suggested by the District Court are unwarrantedin light of their “probable value” and the burdens they may impose on the militray on such cases” ( Mathews, 424 US, at 335).

83 Arrêt de la Cour Suprême Hamdi et al v. Rumsfeld, n° 03-6696, 542 US 507, 28 juin 2004, p29.84 Il convient cependant de noter ici que la Cour Suprême, dans l’arrêt Lakhdar Boumediene et al v. Bush, rendu le 2 avril 2007,

a rejeté la possibilité pour une dizaine de détenus de Guantanamo de faire un recours en habeas corpus, au motif que l’épuisementdes voies de recours n’était pas réalisé. Sans remettre en cause la jurisprudence Hamdi, cette décision de la Cour retarde cependantla possibilité pour ces détenus de contester leur légalité. On peut semble-t-il penser que la Cour Suprême, sans doute à nouveausaisie d’ici quelques temps, s’alignera sur la jurisprudence Hamdi.

85 A contrario, quelques semaines auparavant, le juge Leon estimait que la décision de la Cour Suprême d’accorder un droitde recours en habeas corpus ne s’appliquait que pour le cas d’espèce

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Titre 1 : Le Droit international humanitaire : un cadre normatif adapté au terrorisme dans le cas deconflits armés

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«Personal Representative. Each detainee shall be assigned a military officer, withthe appropriate security clearance, as a personal representative for the purposeof assisting the detainee in connection with the review process described herein86 .»

En outre, les prisonniers ne peuvent avoir accès aux charges portées contre eux, si lespreuves sont classées au nom de la sécurité nationale : «The detainee shall be allowedto attend all proceedings, except for proceedings involving deliberation and voting by themembers or testimony and other matters that would compromise national security if held in

the presence of the detainee 87 . »

Il y a donc, semble-t-il, violation du droit à un procès équitable. Enfin, la juge a ainsijugé irrecevables en tant que preuve les aveux obtenus par la torture et, en outre, a estiméque la notion même de « combattant illégal » était trop vague et interprétée de manière tropextensive, permettant une détention illimitée des détenus relevant de ce statut.

Cependant, cet arrêt n’a pas remis en cause l’existence même de ces tribunaux, quiexistent toujours et révisent les statuts de prisonniers. Force est de constater que bonnombre de jugements rendus par ces tribunaux ont abouti à la confirmation du statut de« combattant illégal ». Ainsi donc, bien que la Cour Suprême, ainsi que certaines juridictionsnationales ont mis en cause ce statut et les tribunaux de révision, ces derniers perdurent.

Ainsi, la guerre en Afghanistan constitue bel et bien un conflit armé international. Par làmême, le Droit International Humanitaire est applicable en l’espèce. Partant, les personnesarrêtées au cours de ce conflit – Taliban et membres d’Al Qaïda- doivent pouvoir bénéficierdu statut et de la protection que leur accordent les Conventions de Genève. En effet, lanotion de « combattant illégal », telle qu’invoquée par les Etats-Unis semble être mise àmal, sinon remise en question. Au vu de ces considérations, on peut, semble-t-il, estimerque le Droit International Humanitaire, constitue un cadre normatif adapté à la lutte contrele terrorisme, lorsqu’elle prend la forme d’un conflit armé.

Mais si le droit des conflits armés est applicable en cas de guerre, il n’en va pasde même durante pacis. Ainsi, alors que l’administration américaine justifie, notamment,l’incarcération illimitée des prisonniers et leur détention sur la base de Guantanamo aunom de la « guerre contre le terrorisme », il semble nécessaire de s’interroger quant à lapertinence d’associer le terme « guerre » à cette lutte, quand elle ne prend pas la formed’un conflit armé. Parler de « guerre » contre le terrorisme apparaît comme un non sens,d’un point de vue juridique. Ainsi, quand un acte terroriste est commis durante pacis, leDroit International Humanitaire ne semble plus applicable en l’espèce. L’enjeu est doncdouble, puisqu’il s’agit de s’interroger quant à la définition même du terrorisme, en tantqu’elle conditionne le régime juridique applicable à de tels actes. Et, de facto, il convientde s’interroger quant à la répression d’actes terroristes commis durante pacis,à l’instar del’arsenal juridique mis en place suite aux attentats du 11 septembre 2001.

86 Order Establishing Combatant Status Review Tribunal, §c, 7 juillet 2004.87 Ibid, §g-4.

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Le Droit International Humanitaire face au terrorisme: les prisonniers de Guantanamo

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Titre 2 : Le Droit internationalhumanitaire : un cadre normatifinadapté au terrorisme en temps de paix

Le droit international est applicable lorsque le terrorisme, et, partant, la lutte contre leterrorisme, prend la forme d’un conflit armé. Autrement dit, le droit international humanitaireest un cadre normatif adapté à la « lutte contre le terrorisme », si et seulement si on est faceà un conflit impliquant des sujets souverains du droit international : des Etats. A contrario,durante pacis, il semble que le droit des conflits armés soit inapplicable aux actes terroristescommis par des agents non étatiques. Par là même, les actes de terrorisme relèveraientnon plus du droit humanitaire, mais du droit pénal.

Si les Etats ont depuis longtemps tenté d’apporter une réponse juridique au terrorisme,les attentats du 11 septembre ont, semble-t-il, mis en exergue l’importance de la menace degroupes terroristes non étatiques et transnationaux. Menace qui, par là même, représenteun réel défi pour le droit international, notamment du point de vue du respect des droitsfondamentaux en matière de procès.

Face au terrorisme, il convient de s’interroger quant à la question de sa définition, en

tant qu’elle détermine le régime juridique qui lui est applicable (Chapitre 1er) ; mais aussi

quant à la répression des actes terroristes commis en temps de paix ( Chapitre 2nd).

Chapitre 1 : Nullum crimen sine lege ? ou del’introuvable définition du terrorisme

La recherche d’une définition du terrorisme n’est pas nouvelle, et les difficultés qui y sont

liées ne le sont pas moins. En effet, déjà au XVIIIème siècle, le chevalier de Jaucourt, dansl’Encyclopédie de Diderot, soulignait « qu’il semble assez difficile de définir la terreur ». Troissiècles plus tard, la même difficulté surgit quant à la définition du terrorisme.

Suite aux attentats du 11 septembre, la question de la définition s’est révélée d’autantplus urgente que l’on constate un réel « brouillage conceptuel » entre deux notions pourtantdistinctes : guerre et terrorisme (I), confusion qui souligne l’impasse que représente larecherche d’une définition universelle du terrorisme ( II).

I. Le terrorisme, un flou juridique ou le « brouillage conceptuel » entreguerre et terrorisme.

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Titre 2 : Le Droit international humanitaire : un cadre normatif inadapté au terrorisme en temps depaix

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Si les attentats du 11 septembre ont créé un bouleversement international, la question dela qualification juridique de ces attaques s’est rapidement posée. Ainsi, si juridiquement lesattentats ne constituent pas un acte de guerre (1), force est de constater que les autoritésaméricaines font une toute autre interprétation de ceux-ci, les qualifiant d’actes de guerre,effaçant ainsi la frontière entre guerre et terrorisme (2).

1. « Ce n’est pas la guerre !88 » : les attentats du 11 septembre ne constituentpas un acte de guerreLe 13 septembre 2001, le Président américain Bush affirmait : « On Tuesday morning,

September 11, 2001, terrorists attacked America in a series of despicable acts of war » 89

. Or, qualifier les attentats terroristes d’actes de guerre semble incorrect d’un point de vuejuridique.

En effet, l’article 8 du statut de la CPI définit les crimes de guerre comme suit :« Les infractions graves aux Conventions de Genève du 12 Août 1949 […] Lesautres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armésinternationaux dans le cadre établi du droit international En cas de conflitarmé ne présentant pas un caractère international, les violations graves del’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève du 12 Août 1949 Lesautres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés neprésentant pas un caractère international »

On le voit, les crimes de guerre consistent en des infractions aux lois et coutumes deguerre, c’est-à-dire des situations opposant des entités souveraines : les Etats. Or, lesmembres d’Al Qaida ayant commis les attentats contre le World Trade Center ne constituenten rien, au sens du droit international, une Haute Partie Contractante. Al Qaida est unréseau transnational, une entité non étatique. Par là-même, il semble que l’on ne puissepas considérer les attentats du 11 septembre comme un crime de guerre.

En outre, il semble tout aussi abusif d’affirmer que les attentats du 11 septembreprovoquent un état de guerre entre les Etats-Unis et un groupe transnational. Autrement dit,les actes terroristes commis en temps de paix, malgré l’ampleur de l’attaque, ne créent pasun état de guerre. G Abi Saab le souligne ainsi en disant que « l’ampleur d’un acte illicitene détermine pas sa qualification juridique et ne peut à elle seule transformer un crime de

droit interne […]un acte de guerre établissant un état de guerre 90 ».

En fait, on se trouve ici face aux règles fondamentales du jus ad bellum, c’est-à-dire

les règles établissant les conditions dans lesquelles des « sujets du droit des gens » 91

peuvent avoir recours à la force armée. Cette définition même souligne l’inapplicabilité desrègles du droit des conflits armés aux attentats du 11 septembre en tant qu’ils ne créent pasd’état de guerre, n’opposant pas deux sujets de droit international.

88 Expression de Alain Pellet dans un « Point de vue » du Monde en date du 21 septembre 2001.89 National Day of Prayer and Remembrance for the victims of the terrorists attacks

90 Abi Saab G, in FLAUSS J (dir), Les nouvelles frontières du droit international humanitaire, Bruylant, 2003, p.34.91 ROUSSEAU C, « Le droit des conflits armés », Paris, Ed A Pedone, 1983, p. 25

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Au regard de la résolution 1368 adoptée par le Conseil de Sécurité des Nations-Unies,

qui qualifie les attentats de « menace à la paix et à la sécurité internationales » 92 , on voit

bien qu’il existe une certaine ambiguïté autour de la définition des actes terroristes.Il est certain que les règles du droit international des conflits armés sont inadaptées

aux attentats terroristes commis en temps de paix. Mais une telle incertitude quant àla qualification juridique des attentats du 11 septembre, et plus généralement des actesde terrorisme, conduit parfois à une véritable confusion entre deux notions pourtantjuridiquement différentes, à savoir la guerre et le terrorisme.

2. L’interprétation américaine : l’effacement de la frontière entre guerre etterrorisme ou une extension abusive de la notion de guerre au terrorisme.Qualifier les attentats du 11 septembre d’acte de guerre consiste en une extension abusive,extension qui conduit à un vrai « brouillage conceptuel ».

Les attentats terroristes du 11 septembre n’étant pas des actes de guerre, le droitinternational des conflits armés est inapplicable en l’espèce, et, par là même, inapplicableaux actes terroristes commis par des entités non étatiques, en temps de paix.

Or, le gouvernement américain considère que le 11 septembre crée un état de guerre,et, plus précisément, provoque une « guerre contre le terrorisme ». Une telle positionrevient, de facto, à amalgamer guerre et terrorisme. Or, la jurisprudence américaine avaitprécédemment distingué ces deux notions, dans un arrêt de la Cour du district de NewYork, « Pan American World Airways, inc v. The Aetna Casualty and Surety Company »,du 17 septembre 197393. La question qui fut posée à la Cour fut celle de la couverture del’assurance. Autrement dit, fallait-il considérer que cet attentat était couvert par l’assuranceen tant que « risque de guerre » ? La Cour a répondu par la négative, estimant que « theloss was not one due to or resulting from a « war » or « warlike operation » », et, plus loin :

« Far closer to our mark than the all risk expert is a recent expression of ourSecretary of State. His views are not controlling in this insurance case. But thedistinctions he drew in a United Nations presentation between "war" and suchterrorist actions as fedayeen hijackings and killings are found by this court toreflect the kind of boundaries the words should have for insurance policies aswell as broader concerns.».

On peut établir ici un parallèle intéressant avec le droit des assurances français. En effet,la réparation de dommages diffère selon leur origine. S’ils résultent d’un acte terroriste, ilsseront régis par les dispositions des lois du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le

terrorisme 94 . A contrario, si les dommages sont la conséquence d’un acte de guerre, leurindemnisation sera régie par la législation applicable en temps de guerre.

Enfin, il semble que l’on puisse voir dans cet amalgame un certain manque decohérence. En effet, en qualifiant le 11 septembre d’actes de guerre, l’administration

92 Il est intéressant de noter ici que cette expression sera reprise par le Conseil de Sécurité au sujet des attentats perpétrésà Madrid le 11 mars 2004 (résolution 1530).

93 Il s’agissait ici du cas d’un avion détourné en 1970 par deux membres du Front de Libération Populaire de Palestine, avionqui fut détruit au Caire par des explosifs.94 L’article 9 tel que modifié par la Loi 87-1060 30 Décembre 1987 stipule « La réparation intégrale des dommages corporels résultantdes actes visés au I du présent article est assurée par l'intermédiaire d'un fonds de garantie »

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Titre 2 : Le Droit international humanitaire : un cadre normatif inadapté au terrorisme en temps depaix

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américaine rend applicable le droit des conflits armés à ces attaques terroristes. Or, lesmembres d’Al Qaida arrêtés et jugés pour avoir commis les attentats du 11 septembrerelèvent, selon le gouvernement américain, du statut de « combattants illégaux » et nebénéficient pas de la protection des Conventions de Genève.

En outre, en estimant que le terrorisme est assimilable à un acte de guerre,l’administration américaine semble aboutir à un réel paradoxe : « elle implique dereconnaître au terrorisme la qualité de « menace de défense », et plus seulement de

« menace de sécurité » 95 . Autrement dit, cet amalgame reviendrait à accorder unelégitimité de combattant aux auteurs d’actes de terrorisme.

Parler de « guerre » contre le terrorisme apparaît donc comme un amalgame, sinondangereux, abusif.

Ainsi, il existe donc un véritable flou autour de la notion de terrorisme, qui conduit,semble-t-il, à une confusion entre les notions de guerre et de terrorisme. Or, ce flou, s’ilest, prima facie, le fruit d’une rhétorique politicienne, il semble aussi résulter de l’absencede définition universelle du terrorisme. Or, comme le souligne l’adage « nullum crimen sinelege », tout concept juridique doit être précisément défini, afin d’y apporter une réponsepénale appropriée.

II. L’impasse de la définition du terrorismeDès lors se pose la question d’une définition juridique universelle du terrorisme. La questionn’est pas nouvelle, et les débats qui l’entourent sont loin d’être clos. Ainsi, de nombreuxobstacles se dressent face à la recherche d’une définition juridique du terrorisme (1), àtel point que l’on semble aujourd’hui amené à se demander si définir ce phénomène estréellement nécessaire (2).

1. Les obstacles à la définition juridique universelle du terrorismeLa définition du terrorisme semble ainsi poser problème par sa nature même, en tant qu’ilest un phénomène politique (1.1) et parce qu’il est multiforme et évolutif (1.2). Ainsi, lesnombreuses tentatives d’élaboration d’une définition se sont heurtées à ces deux principauxobstacles, tant et si bien qu’en 2004, le Rapport du Groupe de personnalités de haut niveausur les menaces, les défis et les changements affirmait : « il y a un monde entre cesConventions éparses […] d’une part et d’autre part, un cadre normatif contraignant comprisde tous qui fasse le tour de la question du terrorisme ».

1.1 Le terrorisme, un phénomène fondamentalement politiqueEn tant que phénomène par nature politique, la définition du terrorisme pose deux types deproblèmes. Tout d’abord, la frontière entre terrorisme et droit à l’autodétermination semble,sinon floue, sujette à débats entre les sujets de droit international (1.1.1). En outre, définirjuridiquement un phénomène politique semble nécessiter une dépolitisation de celui-ci. Or,il s’agit ici d’un obstacle majeur car en faisant du terrorisme une infraction vide de toutevisée politique, on se trouve face à des infractions déjà réprimées par les droits pénauxnationaux. (1.1.2).

95 CUMIN D, Tentative de définition du terrorisme à partir du jus in bello, Revue de Science Criminelle et de Droit PénalComparé, Jan-mars 2004, p.26. ,

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1.1.1 Terrorisme et droit à l’autodétermination des peuples : une frontièrefloueLe rapport du groupe de personnalités de haut niveau de 2004 est explicite : « Lespopulations sous occupation étrangère ont le droit de résister et aucune définition duterrorisme ne peut annuler ce droit ».

En effet, le droit à l’autodétermination des peuples est un droit consacré par la Chartedes Nations Unies dans son article 1§2 qui stipule que tous les peuples ont le droit « dedisposer d’eux même ». Il est rappelé dans le Pacte des Droits Civils et Politiques, dansson article 1§1 : « Tous les peuples ont le droits de disposer d’eux même. En vertu de cedroit, ils déterminent librement leur statut politique […] ».

Cependant, certains Etats, confrontés à la recherche d’une définition juridique duterrorisme, craignent de voir ce droit constituer une justification à des actes terroristes. Acontrario, d’autres Etats redoutent, à travers la lutte contre le terrorisme, un déni de ce droit.

Ces deux visions antagonistes mettent à jour un aspect différent de la définition. Eneffet, par « terroriste », il semble que l’on entende souligner le caractère illicite des méthodesd’action, tandis que « combattant de la liberté » constituerait une référence à la finalité del’action. Ainsi, autour d’un même phénomène, s’opposent deux conceptions qui semblentdifficilement conciliables.

Cette controverse a été la cause majeure de l’échec des Etats à parvenir à unconsensus autour de cette définition. Cette opposition a notamment été vive au coursdes années 1970-1999 et particulièrement à l’occasion des négociations relatives à lacréation d’une Cour Pénale Internationale. Ainsi, les résolutions de l’ONU relatives auterrorisme sont longtemps restées ambiguës, et ce au point de ne pas utiliser le termede « terrorisme » jusqu’en 199796. Pour tenter de contourner le problème de la relationterrorisme-droit à l’autodétermination, l’insertion d’une clause de renvoi a été décidéeaux Conventions de Genève et ses Protocoles additionnels.97 Mais cette position sembledifficilement satisfaisante : en effet, il s’agit de définir des actes terroristes commis durantepacis, le droit international humanitaire prohibant le terrorisme commis durante bello. Ilsemble donc qu’en opérant de la sorte, on n’élude pas le problème.

Ce débat persiste encore aujourd’hui, comme le prouvent les débats qui eurentlieu lors de la Sixième Commission de l’Assemblée Générale pour la négociation dela Convention Générale sur le terrorisme98. A titre d’exemple, le Yémen, au nom del’Organisation de la Conférence Islamique, condamnait « le terrorisme sous toutes sesformes et manifestations » mais précisait que « la lutte des peuples contre l’occupationétrangère et pour l’autodétermination devrait être différenciée du terrorisme ». Le Ghana,quant à lui, insistait sur l’idée que ce droit à l’autodétermination « devrait être exercé dansle respect des normes de la décence humaine », faisant, par là même, écho au Secrétaire

96 Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif, signée en 1997 ; puis, en 1999, laConvention internationale pour la répression du financement du terrorisme.

97 L’article 12 de la Convention internationale contre le prise d’otage stipule ainsi « la présente Convention ne s’applique pasà un acte de prise d’otages commis au cours de conflits armés au sens des Conventions de Genève de1949 et des Protocoles yrelatifs, y compris les conflits armés visés au paragraphe4 de l’article premier du Protocole additionnel I de 1977, dans lesquels lespeuples luttent contre la domination coloniale et l’occupation étrangère et contre les régimes racistes, dans l’exercice du droit despeuples à disposer d’eux-mêmes »

98 Les travaux de la Commission, clos le 3 mars 2006, illustrent à nouveau l’impossible consensus international autour de laquestion de la définition du terrorisme.

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Général de l’ONU qui rappelait régulièrement que « le droit de résister à l’occupation depeut comprendre le droit de terroriser ou de blesser des civils ».

Ainsi, on le voit, la distinction entre « combattant de la liberté » et « terroriste » est loind’être évidente, et continue de susciter des débats importants entre les Etats. Par là même,une définition juridique universelle semble difficilement atteignable.

A cet obstacle majeur vient s’ajouter la question de la dépolitisation d’un concept quel’on veut définir juridiquement. Dépolitisation nécessaire mais, semble-t-il, impossible.

1.1.2 Le droit juge des actes, non des intentions : de l’impossibledépolitisation du terrorismeDe nombreux projets ont tenté de définir le terrorisme par les motivations des auteurs deces actes. Or, celles-ci sont avant tout politiques. On peut ici prendre pour illustration ladéfinition établie par Département d’Etat Américain, qui insiste sur le caractère préméditéet fondamentalement, voire exclusivement politique du terrorisme : « The term "terrorism"means premeditated, politically motivated violence perpetrated against noncombatanttargets by subnational groups or clandestine agents, usually intended to influence anaudience 99 ».

Or, en définissant le terrorisme en se référant à des motivations, il semble que l’onrisque d’assimiler ce phénomène à toute forme d’utilisation de la violence pour atteindre desobjectifs politiques. Or, le droit, par définition, réprime des actes non des intentions. De là,semble-t-il, apparaît la nécessité de dépolitiser le concept même de terrorisme.

Dès lors, se pose la question de savoir comment dépolitiser un phénomène politiquecomme le terrorisme.

La question n’est pas nouvelle, et la première tentative de dépolitisation de la notionde terrorisme date de 1856, avec la « Clause belge » ou clause d’attentat qui stipule, dansson article premier que :

« Ne sera pas réputé délit politique ni fait connexe à semblable délit, l’attentatcontre la personne d’un chef d’un gouvernement étranger […] lorsque cet attentatconstitue le fait soit de meurtre, soit d’assassinat, soit d’emprisonnement ».

Il s’agissait ainsi d’éviter qu’un acte aussi grave que le terrorisme ne puisse être érigé aurang d’infraction politique, et, par là même, que ses auteurs bénéficient d’une protectiondiplomatique. Cette volonté de dépolitiser le concept de terrorisme sera reprise tout au long

du XXème siècle. Ainsi, les différentes résolutions adoptées au cours des années Trenteomettent toute référence à quelconque motivation politique. On peut citer ici la Conventionde la Société des Nations adoptée en 1937, qui définissait le terrorisme dans son articlepremier comme : « des faits criminels dirigés contre un Etat et dont le but ou la nature estde provoquer la terreur chez des personnalités déterminées, des groupes de personnes oudans le public ». La référence à une motivation politique est ici clairement écartée.

Il s’agit ainsi de définir une infraction internationale du terrorisme, en dépolitisant lanotion. Cependant, on se trouve ici face à deux types d’obstacles.

Le premier est que définir une infraction internationale nécessite de facto les moyensde réprimer, au niveau international, de tels actes. Autrement dit, il faudrait une juridiction

99 Title 22 of the United States Code, Section 2656f(d).

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internationale compétente pour sanctionner l’infraction du terrorisme. Or, la Cour PénaleInternationale n’est, à ce jour, pas compétente en la matière.

Le second obstacle est que parvenir à une définition acceptée par l’ensemble des Etatsnécessite une définition globale. Or, on l’a vu, les débats sont loin d’être clos et un consensussemble difficilement atteignable.

Phénomène politique, le terrorisme est, en outre, un phénomène protéiforme et évolutif,rendant la recherche d’une définition du terrorisme d’autant plus ardue.

1.2 Le terrorisme, un phénomène multiforme et évolutifDéfinir le terrorisme représente ainsi un réel défi pour la communauté internationale. Eneffet, il s’agit de tenter de réduire un phénomène protéiforme à la singularité et la simplicitéd’un concept unique. Concept qui se doit d’être clair et sans ambiguïté, au nom du principenullum crimen sine lege.

1.2.1 L’échec des conventions relatives au terrorisme : des réponsesjuridiques ponctuelles insuffisantesLes conventions internationales relatives au terrorisme sont souvent apparues suite à desgraves crises internationales, appelant à la nécessité d’une réponse juridique internationale.

Ce fut ainsi le cas pour la première convention relative au terrorisme, de 1937. Elle

apparaît en effet comme une réponse à l’assassinat du Roi Alexandre Ier de Yougoslaviepar un séparatiste croate, au cours d’une visite en France. La Société des Nations s’étaitalors saisie de la question du terrorisme, estimant, dans une résolution du Conseil, en 1934que : « the rules of international law concerning the repression of terrorist activity are not

at present sufficiently precise to guarantee international cooperation » 100 . A partir de

là fut mis en place un Comité Spécial chargé de l’élaboration d’une convention relative auterrorisme, qui aboutit, ainsi, en 1937, à la Convention de Genève. Celle-ci ne fut cependantjamais ratifiée.

Plus récemment, la Convention sur la prévention et la répression des infractions contreles personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques,signée à New York le 14 décembre 1973, ainsi que la Convention Internationale contre laprise d’otages du 17 décembre 1979, apparaissent toutes deux comme une réponse auxattentats commis au cours des Jeux Olympiques de Munich, de septembre 1972.

Partant de ce constat, il semble que les conventions internationales apparaissentcomme des réponses « au cas par cas » à un phénomène insaisissable. Par là même, iln’existe pas d’infraction internationale autonome du terrorisme.

C’est pourquoi la communauté internationale a tenté de saisir cette complexité par uneapproche que l’on peut qualifier de « sectorielle ».

1.2.2 Une approche sectorielle insatisfaisanteLes différentes conventions internationales relatives au terrorisme font référence à desinfractions déjà existantes. C’est ainsi le cas, pour ne citer que ces exemples, de laConvention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime du

100 LoN (CIRT), Geneva, 10 April 1935, LoN Doc. CRT 1.

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10 mars 1968, la Convention pour la répression des attentats terroristes à l’explosif du 15décembre 1997, ou, plus récemment, la Convention Internationale pour la répression desactes de terrorisme nucléaire, signée en septembre 2005.

Or, tous ces instruments internationaux consistent en des conventions énumératives,définissant des actes particuliers de terrorisme. Or, « énumération n’est pas synonyme de

définition » 101 . En effet, on risque d’omettre de potentielles nouvelles formes de terrorisme,

restreignant une définition dans une énumération d’actes. Dès lors, il faudrait réformer lesconventions pour les « actualiser », ce qui semble difficilement envisageable. En effet, siparvenir à un consensus est déjà difficile au moment des négociations d’une Convention,on peut semble-t-il douter de la possibilité de parvenir à nouveau à un compromis. Lacommunauté internationale, en effet n’est pas encore parvenue au stade d’une sociétéinternationale.

On voit donc bien que le terrorisme, en tant que phénomène en évolution permanente,est difficile à circonscrire, donc à définir. Et l’approche sectorielle n’apporte qu’une réponseinsatisfaisante et ne permet, en aucun cas, d’établir une infraction internationale autonome.

1.2.3 De l’impossible définition d’une infraction commise contre un ordrepublic international inachevé Définir juridiquement le terrorisme semble être une tâche d’autant plus difficile que cephénomène, en tant que « menace contre la paix et la sécurité internationales » apparaîtcomme une menace contre l’ordre public. Ainsi, par exemple, le Code Pénal français définitle terrorisme comme un acte « ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par

l'intimidation ou la terreur». 102

Mais si au niveau interne, cet ordre public est clairement défini103, il n’en va pas demême au niveau international. Ainsi, René-Jean Dupuy définit l’ordre public internationalcomme, d’une part, un ordre public sécuritaire ( à savoir le maintien de la paix) et un ordrepublic normatif104 ( le jus cogens, c’est-à-dire : « une norme acceptée et reconnue par lacommunauté internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelleaucune dérogation n'est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme

du droit international général ayant le même caractère. » 105 ). Or, si l’infraction à l’ordre

public sécuritaire ne semble pas constituer un obstacle à une définition du terrorisme (il ya consensus au sujet de la condamnation du terrorisme), cela n’est pas valable au sujetde l’ordre public normatif. Ce dernier nécessite, par définition une reconnaissance « de lacommunauté internationale des Etats dans son ensemble ».

Or, définir un phénomène lui même évolutif en fonction d’un ordre public internationalinachevé semble mener à une aporie.

101 HUGUES E, La notion de terrorisme en droit international : en quête d’une définition juridique, Journal du Droit International,3, 2002, pp 764.102 Article 421-2 du Code Pénal

103 L’ordre public désigne ainsi le bon ordre, la sécurité, la salubrité et la tranquillité publique.104 « L’ordre public en droit international », in R Polin (dir), L’ordre public, PUF, Paris, 1996, p103.105 Article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des Traités, 23 mai 1969.

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En outre, l’ordre public international est constitué par les Etats souverains, sujetsde droit au traditions juridiques différentes. On peut dès lors douter de l’existence d’unconsensus autour d’une définition unique du terrorisme. D’autant plus qu’à l’intérieur mêmede ces Etats, il existe parfois différentes définitions du terrorisme : c’est le cas des Etats-Unis, qui disposent ainsi de trois définitions différentes ( Département d’Etat106, FBI107 etDépartement de la Défense108).

On est donc véritablement amené à se demander si définir le terrorisme est réellementnécessaire. D’autant que comme le souligne J Dauchy, les Etats n’ont pas cessé, mêmesans définition juridique universelle du terrorisme, de mettre en place « un cadre politico-

juridique pour une lutte efficace contre le terrorisme » 109 .

2. Une définition est-elle vraiment nécessaire ?Définir de manière juridique le terrorisme met en lumière une difficulté majeure. En effet, il nes’agit pas que d’une simple description du phénomène. A contrario, une telle définition doitêtre « opérationnelle ». Autrement dit, c’est sur celle-ci que les Etats formant la communautéinternationale devraient s’appuyer afin de mener à bien la lutte contre le terrorisme.

Or, les Etats ne sont pas encore parvenus à une définition juridique universelle. Pourautant, ils établissent encore maintes conventions afin de lutter contre le terrorisme. Cettesituation nous amène à deux constats. D’une part, la communauté internationale devrait,semble-t-il, s’appuyer sur les ordres juridiques nationaux pour réprimer le terrorisme (2.1).D’autre part, on assiste à un glissement du débat sur le terrorisme à l’ONU, glissement quinous amène à l’idée qu’une définition du terrorisme n’est pas indispensable (2.2).

2.1 Un renvoi nécessaire aux ordres juridiques nationaux, faute d’infractioninternationale autonome.Les différentes conventions internationales relatives au terrorisme ont une approcheessentiellement sectorielle. Or, cette dernière s’en tient à se référer à des infractionsdéjà définies et réprimées en droit national. Ainsi, le droit international semble décrire lephénomène. Partant, la répression de ces actes relèverait, par là-même, de la compétencedes Etats.

A titre d’exemple, on peut citer ici le cas de la capture illicite d’aéronefs. La Conventionpour la répression de la capture illicite d’aéronefs, signée à la Haye en 1970, stipule ainsidans son article premier :

« Commet une infraction pénale toute personne qui, à bord d’un aéronef en vol,illicitement et par violence ou menace de violence s’empare de cet aéronef ouen exerce le contrôle ou tente de commettre l’un de ces actes ou est le compliced’une personne qui commet ou tente de commettre l’un de ces actes »

Or, cette convention, ratifiée par la France la 18 septembre 1972, semble faire écho à l’article224-6 du Code Pénal français, qui stipule que

106 Title 22 US Code, Section 26 56 F(d)107 Title 28, Code of Federal Regulation, Section 085108 Dod, directive 2000 12, Dod Antiterrorism/Force protection Program, 13 avril 1999.109 « Mesures contre le terrorisme », dans Travaux de la Commission Juridique de l’Assemblée Générale, 51 ème session,

AFDI, 1996, pp 582-583.

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« Le fait de s'emparer ou de prendre le contrôle par violence ou menace deviolence d'un aéronef, d'un navire ou de tout autre moyen de transport à borddesquels des personnes ont pris place, ainsi que d'une plate-forme fixe située surle plateau continental, est puni de vingt ans de réclusion criminelle. »

Ainsi, définir de manière universelle le terrorisme semble vain puisque les actes cités parles conventions existantes sont déjà réprimées en droit national.

2.2 Le glissement des débats onusiens : une définition non indispensable.La difficulté de définir le terrorisme est reconnue par l’ensemble des sujets du droitinternational. Difficulté telle que certains auteurs, à l’instar de Mme Higgins, n’hésitent pas àparler de « term of convenience » pour désigner la notion de terrorisme. Ainsi, le terrorismeserait un simple « label », un terme de commodité, et non un concept juridiquement défini.

En outre, la Rapporteuse Spéciale, dans son rapport final « Terrorisme et droits del’Homme »110 de 2004 affirmait que « la mise au point d’une définition du terrorisme était untâche des plus ardues et par trop ambitieuse ».

Mais c’est surtout le Communiqué de l’Assemblée Générale de l’ONU, en date du5 octobre 2001, qui apparaît réellement intéressant et souligne l’évolution du débat :« L’Assemblée Générale [est] priée de ne pas attendre une définition juridique exactedu terrorisme pour lutter contre ce fléau […]»

Ainsi, si la définition du terrorisme semble impossible, on ne peut laisser impunis desactes de terrorisme.

Autrement dit, si le concept de nullum crimen sine lege semble difficilement applicableau niveau international, faute de définition juridique universelle du terrorisme, c’est, semble-t-il, au niveau national que celui-ci doit s’appliquer. Ce principe a pour corollaire le respectdes droits fondamentaux, et plus particulièrement, on le verra, le respect du droit à un procèséquitable pour les personnes jugées pour des actes de terrorisme. C’est donc aux Etatsqu’il incombe de mener cette tâche de répression des actes terroristes, et c’est bel et bience que souligne l’Assemblée Générale de l’ONU.

Ainsi, si la coopération entre les Etats de la communauté internationale semble menerà une impasse lorsqu’il s’agit de définir le terrorisme, a contrario, cette coopération peut –et doit – s’avérer efficace pour la mise en place d’un « appareil juridique national de justice

efficace et reposant sur la primauté du droit » 111 .

Ainsi, la recherche d’une définition du terrorisme ne semble pas indispensable, à ladifférence de la nécessaire mise en place de moyens efficaces de lutte contre un telphénomène. Pour autant, si elle est légitime, cette lutte doit s’inscrire dans le respect desdroits et des libertés fondamentales. Dès lors, il convient de s’interroger quant à la questionde la répression des actes terroristes, notamment suite aux attentats du 11 septembre 2001.

110 E/CN.4/Sub.2/2004/40, Rapport final de la Rapporteuse spéciale sur terrorisme et droits de l'homme , 25 juin 2006, p7.111 §IV-4 du Plan d’Action en annexe de la Résolution adoptée par l’Assemblée Générale le 8 septembre 2006, A/RES/60/288.

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Chapitre 2 : Nulla poena sine lege : la répression desactes terroristes.

Si l’on ne peut contester le droit des Etats-Unis à juger les auteurs des attentats du11septembre, force est de constater que l’arsenal juridique mis en place à cet effet constitueun véritable droit pénal ad hoc, qu’il convient d’étudier au regard du Droit International (I).Etude qui nous amènera à nous interroger quant à l’indispensable conciliation entre luttecontre le terrorisme et respect des droits fondamentaux en matière de procès (II).

I. La mise en place d’un droit pénal ad hoc par les Etats-UnisSi les Etats-Unis ont, sans aucun doute, le « droit de juger » les auteurs des attentats commisle 11 septembre 2001, sur le territoire américain (1), ce droit de punir ne doit pas, pourautant, être le prétexte à des mesures d’exception. Il convient donc de s’interroger quant àla mise en place de tribunaux militaires par les Etats-Unis (2).

1. Le « droit de juger » des Etats-UnisIl ne fait nul doute que les Etats-Unis, face aux attentats du 11 septembre 2001, soientcompétents pour juger les auteurs de ces actes terroristes. Ainsi, cette compétence relèvede la compétence territoriale (1.1) mais aussi de la compétence réelle (1.2) et, dans unecertaine mesure, de la compétence universelle (1.3).

1.1 Le « droit de juger » au titre de la compétence territorialeLa compétence territoriale peut se définir comme le fait, pour un Etat, « d’exercer surson territoire toutes les activités de son choix d’une manière exclusive et illimitée avecla puissance souveraine de son pouvoir de contrainte, sauf le respect des obligations

internationales – conventionnelles et coutumières- contractées et acceptées par lui ». 112

Autrement dit, cette compétence s’exerce dans le cadre des compétences de l’Etatet, partant, est fondée sur la souveraineté de l’Etat. Ce dernier peut donc sanctionner lesauteurs d’infraction commises sur son territoire.

Or, concernant les Etats-Unis, les attentats du 11 septembre ont été commis surle territoire américain ( Washington, New York et Pittsburgh). Les Etats-Unis peuventdonc légitimement exercer leur compétence territoriale en poursuivant les auteurs de cesattentats.

Mais c’est également au titre de la compétence réelle que ce droit de juger est rendupossible.

1.2 Le « droit de juger » au titre de la compétence réelleLa compétence réelle est « l’habilitation de l’Etat à poursuivre et juger des infractions d’uneextrême gravité pour sa sûreté intérieure ou extérieure […] même lorsque ces crimes etdélits ont été perpétrés en dehors de son territoire, et même si ils ont pour auteur un

112 KDHIR M, Dictionnaire juridique de la CIJ, Ed Bruylant, Paris, 2000, p 72.

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étranger » 113 . On peut également parler d’un principe de protection pour qualifier cette

compétence de l’Etat souverain. En effet, ce dernier va, via son droit pénal interne, définirquelles sont les infractions portant atteinte à ses intérêts « vitaux », et par là même, cellesd’entre elles qui seront soumises à sa juridiction.

Ainsi, s’agissant des Etats-Unis, on peut affirmer que les attentats du 11 septembreconstituent « une infraction d'une extrême gravité pour sa sûreté » au point qu'ils mettenten péril les intérêts vitaux de l'Etat. Les membres des Nations-Unies ont eux même qualifiéces actes de « menace à la paix et à la sécurité internationales »114. De là, les Etats-Unispeuvent s’appuyer sur la compétence réelle pour juger les auteurs de ces attentats.

Il convient de souligner ici que la compétence réelle, est liée à la nature même del’infraction (menace grave contre la sûreté de l’Etat). Par là même, cette caractéristique larapproche de la notion de compétence universelle, compétence sur laquelle, semble-t-il, sefonde également le droit de juger des Etats-Unis.

1.3 Le « droit de juger » au titre de la compétence universelleIl convient tout d’abord de définir la notion de compétence universelle. Le principe estsimple : « les auteurs des infractions très graves peuvent être soumis aux tribunaux de toutEtat sous la juridiction desquels ils viennent à se trouver » 115.

Cette notion apparaît dès Grotius, lorsqu’il écrivait :« Depuis l’établissement des Etats, on est convenu, il est vrai, que les délitsdes particuliers concernant proprement le corps dont ils sont membres seraientabandonnés à ces Etats eux-même et à leurs chefs, pour être, suivant leurvolonté, punis ou dissimulés. Mais un droit aussi absolu ne leur a pas étéégalement concédé en matière de délits qui intéressent en quelque sorte lasociété humaine, délits que les autres Etats, ou leurs chefs, ont le droit depoursuivre, de la même manière que dans chaque Etat, il est donné une actionpopulaire à raison de certains délits. […] Il s’ensuit que l’Etat chez lequel vit celuiqui a été convaincu de la faute doit faire un de ces deux choses : ou, s’il en estrequis, punir lui même le coupable selon son mérite, ou le remettre à la discrétion

du requérant » 116 .Ainsi, la volonté qui sous-tend la notion de compétence universelle est d’assurer la chancede voir les auteurs d’infractions graves jugés, et ce en étendant le champ des compétencesdes tribunaux nationaux. Elle est, pour reprendre les termes de Claude Lombois, « unsystème pour la défense pénale d’un intérêt commun à tous les Etats ».

S’agissant du terrorisme, et, en l’espèce, des attentats du 11 septembre, en tant quemenace contre la paix et la sécurité internationales, ceux-ci semblent pouvoir rentrer dans lechamp de la compétence universelle. On se trouve en effet face à des actes d’une extrêmegravité. Pour étayer cette thèse, on peut, semble-t-il, se référer à la Convention européenne

113 KDHIR M, Dictionnaire juridique de la CIJ, Ed Bruylant, Paris, 2000, p 71.114 Résolution 1368 du Conseil de Sécurité de l’ONU, 12 septembre 2001.

115 KDHIR M, Dictionnaire juridique de la CIJ, Ed Bruylant, Paris, 2000, p 73.116 GROTIUS, De jure belli ac pacis, 1625, trad. P Pradier-Fodéré, ed par D. Alland et S Gayard-Fabre, P.U.F, Léviathan,

1999, Tome II, Livre II, Chapitre XXI, §III, 1-2 et §IV, 1.

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pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977, qui se réfère à la compétenceuniverselle :

« 1. Tout Etat contractant prend les mesures nécessaires pour établir sacompétence aux fins de connaître d'une infraction visée à l'article 1er dans le casoù l'auteur soupçonné de l'infraction se trouve sur son territoire et où l'Etat nel'extrade pas après avoir reçu une demande d'extradition d'un Etat contractantdont la compétence de poursuivre est fondée sur une règle de compétenceexistant également dans la législation de l'Etat requis. 2. La présente Conventionn'exclut aucune compétence pénale exercée conformément aux lois nationales. »117

Ainsi, il semble que l’on puisse affirmer que les Etats-Unis ont le droit de juger les personnesayant commis ces attentats, au titre de la compétence universelle.

On l’a vu, le « droit de juger » des Etats-Unis est incontestable, fondé sur lescompétences territoriale, réelle voire universelle. Cependant, ce droit ne doit pas s’exercerau mépris de la légalité : autrement dit, il « ne vise pas à éviter le mal mais le sanctionneaprès qu’il s’est produit […] [et] ne tend ni à la vengeance, ni même à tenir en respect les

agresseurs éventuels par la manifestation de force de l’agressé éventuel. » 118

Il convient dès lors d’étudier l’arsenal pénal mis en place par les Etats-Unis afin de jugerles auteurs des attentats du 11 septembre, détenus à Guantanamo.

2. « Inter arma, silent leges ? » : du Military Order au Military CommissionsAct ou la question des tribunaux militairesDes tribunaux militaires d’exception ont été mis en place aux Etats-Unis, afin de jugerles personnes arrêtées suite aux attentats du 11 septembre et soupçonnées d’en être lesauteurs. Il semble nécessaire d’en étudier la légalité au regard du droit international maisaussi, on va le voir, au regard du droit américain. En effet, la Cour Suprême américaine, enjuin 2004, a jugé ces tribunaux illégaux (2.1). Mais de nouvelles commissions sont venuesremplacer les premières, commissions dont il convient, à nouveau, d’étudier la légalité (2.2).

2.1 De l’illégalité des commissions militaires : la jurisprudence Hamdan, uneremise en cause de la réponse pénale américaine au terrorisme.Le 13 novembre 2001, le Président américain signait le « Detention, Treatment and Trialof certain non citizens in the War against terrrorism » également appelé le Military Order.Justifié par un état d’urgence119, ce décret créait des tribunaux militaires, ayant compétencepour juger les personnes suspectées de terrorisme, ou de soutien à des activités terroristes.Ainsi, la section 1(e) du dit décret stipule :

117 Article 6 de la Convention européenne pour la répression du terrorisme, Strasbourg, 27 janvier 1997.118 LOMBOIS C, Droit Pénal International, Précis Dalloz, Paris, 1979.

119 “In light of grave acts of terrorism and threats of terrorism, including the terrorist attacks on September 11, 2001, on theheadquarters of the United States Department of Defense in the national capital region, on the World Trade Center in New York, andon civilian aircraft such as in Pennsylvania, I proclaimed a national emergency on September 14, 2001”, Section 1(b), Military Order,13 novembre 2001.

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« To protect the United States and its citizens, and for the effective conductof military operations and prevention of terrorist attacks, it is necessary forindividuals subject to this order pursuant to section 2 hereof to be detained, and,when tried, to be tried for violations of the laws of war and other applicable lawsby military tribunals»

Or, on l’a vu, les attentats du 11 septembre n’ont, en aucun cas, créé d’état de guerre. Parlà-même, la mise en place de tribunaux militaires ne semble pas fondée.

A contrario, l’administration Bush a justifié cette mesure en se référant à un précédent

célèbre de la Seconde Guerre Mondiale, à savoir l’affaire Ex Parte Quirin 120 , déjàmentionnée précédemment : « I would remind those who don’t understand the decision Imade that Franklin Roosevelt made the same decision in World War Two. Those were

extraordinary times, as well » 121 .

Il convient donc d’étudier ici les tribunaux créés par le Président Roosevelt, en vertu duMilitary Order du 2 juillet 1942. Ainsi, ce dernier stipulait :

« By virtue of the authority vested in me as President and as Commandant inChief of the Army and Navy […] I, Franklin Delano Roosevelt do hereby appointas a military commissions the following persons […]. The Military Commission

shall meet in Washington DC in july 8th, 1942[…] to try for offences against the

laws of war and the Articles of war 122 »

Ainsi, si prima facie, il semble que ce précédent soit pertinent pour justifier la création detribunaux militaires, il convient de souligner que dans cette affaire, les Etats-Unis étaientofficiellement en guerre contre l’Allemagne nazie. Or, a contrario, on ne peut parler de guerrecontre le terrorisme. Donc, vouloir juger les auteurs présumés des attentats du 11 septembrepar des tribunaux militaires semble difficilement justifiable.

En outre, la création de tels tribunaux semble contestable d’un point de vueconstitutionnel. En effet, c’est le président Bush qui a créé ces tribunaux :

«By the authority vested in me as President and as Commander in Chief of theArmed Forces of the United States by the Constitution and the laws of the UnitedStates of America, including the Authorization for Use of Military Force JointResolution (Public Law 107-40, 115 Stat. 224) and sections 821 and 836 of title 10,

United States Code 123 »Or, cela semble aller à l’encontre de la Constitution américaine, qui stipule en effet que :

« The Congress shall have Power […]to constitute Tribunals inferior to thesupreme Court ; […]To define and punish Piracies and Felonies committed on the

high Seas, and Offenses against the Law of Nation » 124 .

120 Il s’agit en l’espèce de huit saboteurs nazis arrêtés sur le sol américain.121 Allen Mike, Bush defends Order for Military Tribunals, Washington Post, 20 novembre 2001.

122 Proclamation 2561, 7 Fed Reg 5101, July 7, 1942, Appointment of a military commission.123 Military Order, 13 novembre 2001.124 Constitution américaine, section 8, « Powers of Congress »

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Ainsi, sans autorisation expresse du Congrès, le président américain n’a pas compétencepour créer de telles commissions. Cette idée s’est vue renforcée par la jurisprudence de laCour Suprême, à l’occasion de l’affaire Milligan125, en 1866 mais aussi et surtout par l’arrêtHamdan v. Rumsfeld du 29 juin 2006.

Concernant la première affaire, il s’agissait, en l’espèce, d’un homme accusé deconspiration et condamné à mort par une Commission militaire, commission mise en placepar le Président. La Cour estima ainsi que :

«Every trial involves the exercise of judicial power; and from what source didthe military commission that tried him derive their authority? Certainly nopart of the judicial power of the country was conferred on them; because theConstitution expressly vests it "in one supreme court and such inferior courts asthe Congress may from time to time ordain and establish," and it is not pretendedthat the commission was a court ordained and established by Congress. Theycannot justify on the mandate of the President; because he is controlled by law,and has his appropriate sphere of duty, which is to execute, not to make, the

laws» 126

Par là-même, la Cour Suprême estimait que le droit constitutionnel, en l’espèce, avait étéviolé. Et, partant, que les commissions militaires établies par le président n’étaient paslégales.

C’est à nouveau cette position que prit la Cour Suprême à l’occasion de l’arrêtHamdan127. En effet, en l’espèce, la Cour estimait que « The military commission at issue

is not expressly authorized by any congressional act » 128 , et, plus loin, « Neither the

Authorization for Use of US armed forces nor the Detainee Treatment Act can be read to

provide specific, overriding authorization for the commission convened to try Hamdan» 129

Ainsi donc, par la jurisprudence Hamdan, la Cour Suprême remet en causele fondement même des commissions militaires. Remise en cause face à laquellel’administration Bush a rapidement riposté, via le Military Commissions Act.

2.2 La riposte de l’administration Bush : les Military Commissions Act et leManual of Military Commissions.Le 17 octobre 2006, le Président Bush annonçait : « The Military Commissions Act is one

of the most important pieces of legislation in the war of terror » 130 .

125 Cour Suprême, Arrêt Ex parte Milligan, 71 US 1 (1866)126 Ibid, p 121. On peut également citer l’opinion du juge Davis qui estimait à ce sujet « I submit, thereof, that upon the

text of the original Constitution, as it stood when it was ratified there is no color for the assumption that the President,

without an act of Congress, could create military commissions for the trial of persons not military, for any cause or under

any circumstances».127 Cour Suprême, Arrêt Hamdan, 548 US (2006)128 Ibid, p.3129 ibid, p.3

130 Office of the Press Secretary October 17, 2006

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Ce Military Commissions Act apparaît ainsi comme la réponse de l’administration Bushau désaveu créé par la Cour Suprême américaine lors de l’affaire Hamdan susmentionné.

Ainsi, le Military Commissions Act n’est pas un décret présidentiel, mais bel et bienune loi, adoptée conjointement par le Sénat et le Congrès américains. Elle permet ainsià l’administration de créer de nouvelles commissions militaires, compétentes pour jugerles personnes suspectées d’avoir commis des actes terroristes. Cette loi est basée sur denouvelles procédures. Ainsi, le Military Commissions Act semble bel et bien répondre auxexigences formulées par la Cour Suprême lors de l’affaire Hamdan. Mais si, prima facie, etd’un point de vue strictement constitutionnel, cette loi ne semble poser aucun problème delégalité, il convient néanmoins de se pencher sur les objectifs qu’elle vise.

Ainsi, il semble ici intéressant d’étudier le texte du projet de loi, présenté au Congrèsaméricain. En effet, celui-ci stipule :

«(5)The Supreme Court in Hamdan v. Rumsfeld, 126 S. Ct. 2749 (2006), heldthat the military commissions established by the Department of De fense underthe President’s Military Order of November 13, 2001, were not consistent withcertain aspects of United States domestic law. The Congress may by law,and does by enactment of this statute, eliminate any deficiency of statutoryauthority to facilitate bringing terrorists with whom the United States is engagedin armed conflict to justice for violations of the law of war and other offensestriable by military commissions. The prosecution of such individuals by militarycommissions established and conducted consistent with this Act fully complieswith the Constitution, the laws of the United States, treaties to which the UnitedStates is a party, and the law of war. (6) The use of military commissions isparticularly important in this context because other alternatives, such as theuse of courts-martial, generally are impracticable. The terrorists with whom theUnited States is engaged in armed conflict have demonstrated a commitment tothe destruction of the United States and its people, to the violation of the law ofwar, and to the abuse of American legal processes. In a time of ongoing armedconflict, it generally is neither practicable nor appropriate for combatants likeal Qaeda terrorists to be tried before tribunals that include all of the procedures

associated with courts-martial». 131

Le projet de loi, et, partant, le Military Commissions Act lui même stipulent donc trèsclairement l’objectif poursuivi par la création de commissions militaires. Il s’agit de poursuivreles auteurs d’actes terroristes « with whom the United States is engaged in armed conflict ».Autrement dit, les autorités américaines réaffirment ici l’idée selon laquelle les attentatscommis le 11 septembre auraient créé un état de guerre.

En outre, le 18 janvier 2007 fut publié le Manual of Military Commissions. Destiné àdéfinir les procédures applicables aux dites commissions, il précise, dès son préambule,que celles-ci visent à : « to ensure that alien unlawful enemy combatants who are suspected

of war crimes 132 ».

Selon cette interprétation, la création de telles commissions militaires s’inscrirait doncdans la perspective d’une « guerre contre le terrorisme », notion qui est un non sens d’un

131 Senate Bill « Military Commissions », S.3930, September 22, 2006, p4.132 Department of Defense, Manual for Military Commissions, 18 janvier 2007, p.1.

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point de vue juridique. En effet, les terroristes – ou terroristes présumés- ne constituent pasune Haute Partie Contractante, c’est-à-dire un sujet de droit international. Il n’existe doncpas de « guerre contre le terrorisme ». Autrement dit, il semble difficilement acceptable devouloir juger des personnes suspectées de terrorisme via des commissions militaires.

Ainsi donc, les Etats-Unis semblent avoir mis en place un réel droit pénal ad hoc, enréponse aux attentats commis le 11 septembre et, partant, au nom de ce qu’ils désignentcomme une « guerre contre le terrorisme ». Cependant, parce que cette conception estjuridiquement erronée, et parce que « le terrorisme est un crime politique […][Il] poseune question qui n’est pas susceptible d’être résolue par la seule action de tribunaux

spécialisés 133 », les commissions militaires semblent constituer une réponse inappropriée

au terrorisme. Réponse d’autant moins appropriée qu’elle ne semble pas, on le verra,respecter les garanties fondamentales liées aux procès.

De là, il convient de s’interroger quant à la mise en place d’une réponse pénale auterrorisme.

II. De la réponse pénale au terrorisme et du respect des droits liés auprocès

La question de la répression pénale des actes terroristes commis durante pacis, apparaîtcomme une thématique cruciale, puisqu’il s’agit de réprimer une atteinte à l’Etat de droit.

Il semble donc nécessaire de se demander lesquelles, des juridictions internationalesou des juridictions nationales, semblent, aujourd’hui, les mieux à même de répondre à cesactes (1).

Cependant, si « par lui-même, le droit ne peut apporter qu’une réponse très partielleà la question du terrorisme ; […] cela ne signifie en aucune façon que la réponse au

terrorisme doive s’affranchir du droit 134 . » Partant, il semble indispensable de souligner

le respect nécessaire des droits fondamentaux en matière de procès, respect que nousappréhenderons à travers une approche comparée entre le droit américain et les juridictionseuropéennes (2).

1. De la réponse pénale aux actes terroristes : quelles juridictions ?L’ampleur des attentats du 11 septembre 2001 est venue renforcer l’interrogation relativeaux juridictions à même de punir les actes terroristes. Ainsi, si la mise en place d’un arsenaljuridique universel semble, sinon difficilement envisageable, prématuré (1.1), la réponsepénale à de tels actes semble relever de la compétence des Etats. (1.2)

1.1 Une réponse pénale universelle qui semble prématuréeFace au terrorisme, la doctrine s’est interrogée quant à la compétence de la Cour PénaleInternationale, qui serait compétente pour juger certains actes de terrorisme. (1.1.1). En

133 Soulier G, « 11 septembre 2001, ondes de choc », in Manière de voir n°60, Le Monde Diplomatique, novembre-décembre2001, p.40

134 Ibid, p.40.

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outre, il semble légitime de s’interroger quant à la mise en place de tribunaux pénauxinternationaux ad hoc (1.1.2)

1.1.1 De la compétence de la Cour Pénale Internationale en matière deterrorismeLe statut de Rome portant création de la CPI ne donne pas compétence à la Cour pourjuger des actes de terrorisme. A contrario, l’acte final de la conférence de plénipotentiairesdes Nations Unies précise :

« Regrettant de n’avoir pu dégager une définition généralement acceptable descrimes de terrorisme et des crimes liés à la drogue, qui auraient pu relever de lacompétence de la Cour, Affirmant que le Statut de la Cour pénale internationaleprévoit un mécanisme de révision qui permet d’élargir ultérieurement lacompétence de la Cour, Recommande qu’une conférence de révision organiséeconformément à l’article 123 du Statut de la Cour pénale internationale étudiele cas des crimes de terrorisme […]s liés à en vue de dégager une définitionacceptable de ces crimes et de les inscrire sur la liste de ceux qui relèvent de lacompétence de la Cour135. »

Cette disposition renvoie donc la question de la compétence de la Cour en matière deterrorisme à la révision du Statut, prévue en 2009. Cependant, à l’instar de G Doucet,d’aucuns estiment que la Cour serait compétente pour certains actes de terrorisme, actesqui seraient assimilés soit à un crime de guerre, soit à un crime contre l’humanité. Il convientdès lors de s’interroger quant à la pertinence de ces propositions.

G Doucet propose ainsi d’assimiler un acte de terrorisme à un crime contre l’humanité :« En conséquence et eu égard au champ de compétence ratione materie de laCPI, il ne paraît pas impossible de considérer qu'un crime de terrorisme puisseentrer dans la compétence de la CPI pour autant que l'acte en cause réunissetous les éléments constitutifs du crime contre l'humanité tels que prévus àl'article 7 du Statut de la CPI et rien ne peut, a priori, faire obstacle à ce que la CPIait à en connaître136 »

Par là même, serait considéré comme crime contre l’humanité un acte de terroriste quiconstituerait : « une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile137 ». Cette notion d’attaque généralisée est ensuite définie comme suit :

« le comportement qui consiste à multiplier les actes visés au paragraphe1 à l'encontre d'une population civile quelconque, en application ou dans lapoursuite de la politique d'un État ou d'une organisation ayant pour but une telle

attaque 138 ».135 Acte final de la conférence de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d’une cour criminelle internationale,

Rome, 17 juillet 1998, p 8.136 Doucet G, Terrorisme, juridiction pénale internationale et victimes, Revue Internationale de Droit Pénal, 2005/3-4, vol.

76, p 270.137 Article 7§1 du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale.138 Article 7§2 du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale.

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Prima facie, il semble donc que certains actes de terrorisme commis durante pacis puissentsatisfaire à cette définition. En effet, le terrorisme apparaît bel et bien comme un actede violence commis à l’encontre d’une population civile ( l’exemple des attentats du 11septembre l’illustre parfaitement). En outre, cette attaque a semble-t-il été planifiée par lesmembres du réseau Al Qaida.

Cependant, à ce stade, il semble nécessaire de nuancer la possibilité invoquéed’assimiler un acte de terrorisme à un crime contre l’humanité. En effet, on pourrait évoquerici le principe nullum crimen sine lege qui souligne la nécessité de définir de manière préciseun concept. Or, il semble que l’on ne puisse définir le terrorisme par analogie avec un crimecontre l’humanité. A cet égard, on peut citer ici l’article 22§2 du Statut de la CPI qui stipule,précisément : « La définition d'un crime est d'interprétation stricte et ne peut être étenduepar analogie. »

En outre, assimiler certains actes terroristes à des crimes contre l’humanitén’apporterait, semble-t-il, qu’une réponse très partielle à la question de la répression duterrorisme, qui apparaît comme un phénomène en constante évolution.

Outre l’assimilation à un crime contre l’humanité, G Doucet propose de :«reconnaître qu’un acte de terrorisme est assimilable, à défaut de réunir leséléments constitutifs d’un crime contre l’humanité, à un acte de guerre ou un actedéclaratif de guerre de manière à ce que le droit international humanitaire soit

immédiatement applicable et de facto, déclenche la compétence de la CPI 139 »

Or, il semble qu’une telle solution soit difficilement soutenable puisqu’elle reviendrait à créerun amalgame entre guerre et terrorisme, qui apparaissent comme deux notions distinctes.

En outre, d’autres obstacles semblent s’opposer à l’idée d’une compétence de la CourPénale Internationale en matière de terrorisme.

En effet, il convient tout d’abord de souligner que la compétence de la Cour PénaleInternationale n’est pas universelle. En effet, sa compétence ne lie que les Etats Partiesà son statut140. Par là même, la Cour n’est compétente que pour un crime commis par leressortissant d’un Etat partie au Statut, et pour un crime commis sur le territoire d’un Etatpartie. ( ou, le cas échéant, un Etat qui aurait reconnu la compétence de la Cour). Une telledisposition limite donc la portée de la compétence de la Cour, et par là même, son éventuellecompétence à l’égard d’actes terroristes commis durante pacis.

En outre, la Cour « est complémentaire des juridictions criminelles nationales 141

» : cette idée semble donc renvoyer, en premier lieu, la compétence pour juger des actesterroristes aux juridictions nationales142.

Ainsi, il semble que les actes de terrorisme ne puisse, en l’état actuel du Statut deRome, relever de la compétence de la Cour Pénale Internationale.

139 Doucet G, De la nécessité d’une réponse pénale universelle au crime du terrorisme, in Terrorisme, victimes et

responsabilité pénale internationale, Paris, Calmann-Lévy, 2003, p.534.140 Article 12§1 du Statut de la Cour Pénale Internationale.141 Article premier du Statut de la Cour Pénale Internationale.142 Ainsi, l’article 17 stipule : « une affaire est jugée irrecevable par la Cour lorsque : a) L'affaire fait l'objet d'une enquête ou

de poursuites de la part d'un État ayant compétence en l'espèce »

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Une révision du statut est prévu pour 2009. Mais il semble peu probable que l’onparvienne à donner compétence à la Cour pour juger des actes terroristes, faute de définitionjuridique universelle du terrorisme.

Ainsi, si la CPI ne semble pouvoir répondre aux actes terroristes, il semble que l’onpuisse s’interroger quant à la création de tribunaux pénaux internationaux ad hoc.

1.1.2 De la possibilité de créer des tribunaux pénaux ad hoc

En tant que « menace à la paix et à la sécurité internationales » 143 , le terrorisme pourrait,

prima facie, faire l’objet d’une répression pénale mise en place sous l’égide des Nations-Unies, via des tribunaux pénaux ad hoc.

En effet, le Conseil de Sécurité de l’ONU, en vertu de l’article 41144 de la Charte desNations Unies, peut créer de tels tribunaux, à l’instar du Tribunal Pénal International pourl’ex-Yougoslavie, ou le Tribunal Pénal pour le Rwanda145.

Cependant, il semble que de tels tribunaux soient créés avant tout pour pallier auxinsuffisances des Etats en matière de juridictions pénales. Ainsi, par exemple, la créationdu TPIR s’est vue justifiée par le fait que le Conseil de Sécurité estimait : « qu'unecoopération internationale est nécessaire pour renforcer les tribunaux et l'appareiljudiciaire rwandais , notamment en raison du grand nombre de suspects qui seront

déférés devant ces tribunaux 146 . » De tels tribunaux répondent donc, semble-t-il, à des

situations exceptionnelles où l’Etat ne peut, par son propre arsenal juridique, répondre auxactes dont il est victime.

En outre, de tels tribunaux ont une compétence ratione temporis limitée. Ainsi, par

exemple, le TPIR juge des actes commis entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994.Ainsi, eu égard à ces considérations, créer des tribunaux spéciaux ad hoc apparaît

difficilement envisageable pour des actes terroristes : d’une part, cela n’apporterait qu’uneréponse partielle au terrorisme et, d’autre part, ces actes terroristes ne semblent pas porteratteinte au fonctionnement correct de l’arsenal juridique des Etats concernés.

Ainsi, la mise en place d’une réponse pénale universelle semble difficilementenvisageable actuellement. Ce constat semble faire écho à notre constat selon lequel leprincipe nullum crimen sine lege devait s’appliquer en droit interne, faute de définitionuniverselle du terrorisme. Autrement dit, il semble que le principe nulla poena sine lege, luiaussi, doive être le fait de juridictions internes.

1.2 Les juridictions pénales internes comme réponse au terrorisme ?

143 Résolution 1368 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, 12 septembre 2001.144 « Le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée doivent être prises pour

donner effet à ses décisions, et peut inviter les Membres des Nations Unies à appliquer ces mesures », article 41 de la Charte desNations Unies, San Francisco, 26 juin 1945.

145 Ainsi, par sa résolution 955 (1994), le Conseil de sécurité créait le TPIR, estimant que : « cette situation continue de fairepeser une menace sur la paix et la sécurité internationales »

146 Ibid.

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Les commissions militaires n’apparaissent pas comme une réponse adéquate aux actesterroristes, ceux-ci n’étant pas des actes de guerre. Il semble donc que les juridictionspénales compétentes pour juger d’actes terroristes commis durante pacis soient bel et biendes juridictions de droit commun (1.2.1). Cependant, il semble qu’une coopération avec lesNations-Unies pourrait permettre de rendre encore plus efficace le fonctionnement de cesjuridictions, nous amenant ainsi à nous interroger quant à la mise en place de possibles« tribunaux mixtes » (1.2.2).

1.2.1 Les tribunaux pénaux internes, une réponse possible aux actesterroristesLes tribunaux pénaux de droit interne apparaissent comme une solution à la question dela répression du terrorisme. Cette idée semble d’ailleurs la solution retenue, en premierlieu, par les Nations-Unies. En effet, dans son communiqué de presse du 5 octobre2001, l’Assemblée Générale appelait à : « un renforcement des structures nationales[…]nécessaires pour lutter de manière implacable contre le terrorisme ». On peut semble-t-ilestimer que les juridictions pénales de droit interne font partie des « structures nationales »précitées.

En outre, les Etats, en vertu de leurs compétences territoriale, réelle et universellesont compétents pour punir les auteurs d’actes de terrorisme qui seraient commis à leurencontre : ainsi, les Etats-Unis sont compétents pour juger les auteurs du 11 septembre, oul’Espagne à l’égard des auteurs des attentats du 11 mars 2004.

Ensuite, si au niveau international, le terrorisme n’est pas défini, il n’en va pas de mêmeen droit interne. Partant, il semble plus légitime qu’une personne soit jugée devant unejuridiction de droit interne.

Enfin, pour contourner les potentiels obstacles liés à la souveraineté territoriale, il existele principe de l’extradition ( ou principe aut dedere, aut judicare). Il s’agit d’une : « opérationpar laquelle un Etat, sur sa demande, à un autre Etat, un individu qui se trouve sur leterritoire du premier mais qui, pénalement poursuivi ou condamné par le second, est réclamé

par celui-ci pour y être jugé ou pour y subir sa peine. 147 »

Ainsi, un auteur d’actes terroristes peut être extradé. Cependant, parce que l’extraditionest un acte mixte ( relevant du droit interne et du droit international), elle se voit opposercertains obstacles. Ainsi, l’extradition relève de la souveraineté nationale, c’est-à-dire qu’unEtat peut refuser d’extrader une personne accusée de terrorisme par un autre Etat. Un telconstat vient nécessairement souligner les lacunes possibles qui s’opposent au jugementde personnes accusées de terrorisme par des juridictions de droit interne.

Parce que la réponse pénale aux actes de terrorisme semble conditionnée à unecoopération entre les Etats, il semble que l’on puisse légitimement s’interroger quant à lamise en place de tribunaux « mixtes ».

1.2.2 Les tribunaux pénaux mixtes : une réponse adaptée aux actesterroristes ?Le plan d’action annexé à la résolution adoptée par l’Assemblée Générale de l’ONU le 8septembre 2006 stipule :

147 Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 5ème édition, Paris, 2004, p. 388.

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« Nous savons que des États pourront avoir besoin d’aide pour mettre en placeet maintenir un tel appareil de justice pénale efficace et reposant sur la primautédu droit, et les encourageons à tirer parti de l’assistance technique offerte entre

autres entités par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime 148 »Si, par là même, les Nations Unies ne font que proposer une assistance techniqueaux juridictions nationales, il semble que l’on pourrait, en poussant la logique plus loin,considérer la création de tribunaux mixtes comme une solution au problème de la répressionpénale du terrorisme.

On peut définir les tribunaux mixtes comme des juridictions « impliquant la justice

nationale, sous supervision internationale 149 ». De tels tribunaux ont ainsi été créés en

Sierra Leone150, en 2002, grâce à une coopération entre le gouvernement national et lesNations-Unies.

Appliqués au terrorisme, ces tribunaux mixtes pourraient apparaître comme uncompromis entre le respect du « droit de punir » des Etats victimes d’actes terroristes, etl’implication nécessaire de la communauté internationale face à la lutte contre de tels actes,véritables « menaces à la paix et à la sécurité internationales ». L’implication des NationsUnies pourrait, en outre, assurer le respect des droits fondamentaux garantis en matière deprocès. En effet, il s’agit là d’un enjeu réel face à la « lutte » contre le terrorisme.

2. De l’indispensable conciliation du respect des droits garantis en matièrede procès et de la lutte contre le terrorisme.« La défense des Droits de l’Homme […] c’est la clef du succès de toute stratégie anti-

terroriste. C’en est aussi le ciment 151 . »

En effet, si la réponse pénale au terrorisme est nécessaire, cette réponse doit s’inscriredans le respect des droits fondamentaux garantis en matière de procès. C’est, semble-t-il, lacondition sine qua non pour faire de cette lutte contre le terrorisme un instrument au servicede la paix mondiale. Parce que les actes terroristes concernent tous les Etats, il sembleintéressant d’aborder la question sous l’angle d’une démarche comparée, entre l’approcheaméricaine ( face aux attentats du 11 septembre) et l’approche européenne (notamment viala jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme).

Nous tenterons ainsi d’étudier la mise en œuvre des garanties d’indépendance,d’impartialité et de droit au juge (2.1) puis le respect des garanties liées à la procédurejudiciaire elle même (2.2).

2.1 L’indispensable indépendance et impartialité des juridictions pénales

148 Plan d’action en annexe de la résolution A/RES/60/288 de l’Assemblée Générale des Nations Unies, 8 septembre 2006,

Chapitre IV, point 4.149 De la Brosse Renaud, Les trois générations de la justice pénale internationale, Annuaire français de relations internationales

2005 volume 6, p. 164.150 Résolution 1315 (2000) du Conseil de Sécurité de l’ONU.

151 Kofi Annan, allocution devant l’Assemblée Générale de l’ONU à l’occasion de la présentation du rapport « S’unir contre leterrorisme », 2 mai 2006, New York.

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L’indépendance des tribunaux apparaît comme l’un des fondements des garanties enmatière de procès. Ce principe est ainsi rappelé dans de nombreux textes internationaux.On peut ainsi citer le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques qui stipule :

« Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personnea droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par untribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soitdu bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des

contestations sur ses droits et obligations de caractère civil 152 . »

Ce principe est également consacré par la Convention Européenne des Droits del’Homme153, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples154 ainsi que laConvention Américaine relative aux Droits de l’Homme155, pour ne citer que celles-ci.

Ainsi, les juridictions statuant face à des personnes soupçonnées de terrorisme doiventrépondre à ce principe, quelles qu’elles soient.

De là, il convient de s’interroger quant au respect de ces conditions d’indépendancepar les commissions militaires mises en place aux Etats-Unis, dans le cadre du MilitaryCommissions Act de 2006. En effet, ce dernier prévoit que les commissions militaires serontconstituées et présidées par des militaires:

«A military judge shall be detailed to each military commission under thischapter. The Secretary of Defense shall prescribe regulations providing for themanner in which military judges are so detailed to military commissions. Themilitary judge shall preside over each military commission to which he has been

detailed 156 .»Or, il semble que l’on puisse douter de l’impartialité des membres de telles commissions faceaux personnes soupçonnées de terrorisme, d’autant que ces actes ne constituent pas desactes de guerre. Mais la Cour Suprême américaine n’a jamais jugé que ces commissionsviolaient ce principe d’indépendance, ni nié l’existence d’un état de guerre.

A contrario, la jurisprudence de la CEDH est, à cet égard, éclairante. En effet, dans denombreux arrêts mettant en cause la Turquie, la Cour conclut à une violation de l’article 6§1de la Convention par les cours de sûreté157 mises en place par l’État turc, dans le cadre dela lutte contre le terrorisme :

« La Cour, dans ses arrêts précédents, a attaché de l'importance à lacirconstance qu'un civil doive comparaître devant une juridiction composée,même en partie seulement, de militaires (voir, entre autres, Inca, précité, § 72).152 Article 14§1 du Pacte International relatifs aux Droits Civils et Politiques, 16 décembre 1966.153 Article 6 de la CEDH : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délairaisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi », 4 novembre 1950.154 Article 7§1(d) de la CEDH : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend:[…] le droit d'être jugédans un délai raisonnable par une juridiction impartiale », 27 juin 1981, Nairobi.155 Article 8 de la CADH : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue avec les garanties voulues, dans un délairaisonnable, par un juge ou un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi antérieurement par la loi », 22 novembre 1969,San José.156 §948j, Military Commissions Act, 2006.

157 Article 143 de la Constitution Turque, tel que modifié par la loi du 18 juin 1999.

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Elle considère que pareille situation met gravement en cause la confiance que les

juridictions se doivent d'inspirer dans une société démocratique 158 » « Elle [laCour] constate qu'il est compréhensible que le requérant, qui répondait devantune cour de sûreté de l’Etat d'infractions prévues et réprimées par le code pénal,ait redouté de comparaître devant des juges parmi lesquels figurait un officier decarrière appartenant à la magistrature militaire. De ce fait, il pouvait légitimementcraindre que la cour de sûreté de l'État se laissât indûment guider par desconsidérations étrangères à la nature de sa cause. Partant, on peut considérerqu'étaient objectivement justifiés les doutes nourris par la requérante quant à

l'indépendance et à l'impartialité de cette juridiction 159 . »La Cour Européenne des Droits de l’Homme rappelle ainsi l’importance du respect duprincipe de l’indépendance des tribunaux, notamment en cas de lutte contre le terrorisme.

Il semble également de se pencher ici sur la mise en place de tribunaux dits « sansvisage », dans le cadre de la répression des actes terroristes, en Amérique Latine160

notamment. Il s’agit de juridictions qui préservent l’anonymat des témoins mais aussi desjuges, procureurs et auxiliaires de justice. Cette pratique a été condamnée par le Comitédes Droits de l’Homme, qui estime qu’une telle pratique est contraire à l’article 14 du Pacteinternational des Droits Civils et Politiques.

Enfin, il semble intéressant de s’interroger quant à la juridiction mise en place enEspagne, afin de juger les auteurs présumés des attentats du 11 mars 2004. Le tribunalest constitué de trois juges de la Audiencia Nacional, c’est-à-dire la plus haute juridictionpénale espagnole. Il semble donc que l’Espagne n’ait pas créé de juridiction ad hoc. Cestrois juges, Javier Gomez Bermudez, Fernando Garcia Nicolas et Alfonso Guevara sont desjuges de droit pénal. S’il est encore tôt pour juger de l’impartialité et de l’indépendance dece tribunal, prima facie, il semble qu’il respecte ces principes.

Ainsi, si l’indépendance des tribunaux qui jugent les auteurs présumés d’actesterroristes apparaît comme une condition sine qua non, il convient également de soulignerl’importance des garanties en matière de procédure judiciaire.

2.2 L’indispensable respect des garanties lors de procédures judiciairesNous nous pencherons ici sur quelques exemples précis de ces droits fondamentaux, dontnotamment le droit d’être présent à son jugement (2.2.1) ; le droit d’être défendu (2.2.2) ;le droit à un recours effectif (2.2.3), et enfin la question de l’usage des preuves (2.2.4).

2.2.1 Le droit d’être présent à son jugementLe droit d’être présent à son procès est une garantie élémentaire en matière de procédurepénale. Ce droit est consacré dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

158 CEDH, Arrêt Ocalan c. Turquie, Requête n° 46221/99, 18 janvier 2005, §116.159 CEDH, Arrêt Dolasan c Turquie, Requête n° 29592/96, 18 janvier 2005, §22.

160 A titre d’exemple, voir : Comité des Droits de l’Homme, Affaire Antonino Varga Mas c Pérou, Communication No. 1058/2002,16 novembre 2005 ; Affaire Manuel Francisco Becerra Barney c Colombie, Communication No. 1298/2004, 10 août 2006.

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qui stipule : « Toute personne accusée d'une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au

moins aux garanties suivantes: […] A être présente au procès 161 »

Pourtant, il semble que certains Etats, au nom de la lutte contre le terrorisme, mettentà mal ce principe fondamental.

On peut ici se référer à la jurisprudence de la Cour Suprême américaine, qui souligneainsi l’importance de ce droit. Elle estime ainsi :

« It is not evident why the danger posed by international terrorism, considerablethough it is, should require, in the case of Hamdan’s trial, any variance fromthe courts-martial rules. The absence of any showing of impracticability isparticularly disturbing when considered in light of the clear and admitted failureto apply one of the most fundamental protections afforded […] : the right to be

present 162 . »

Ainsi, même si la Cour, en l’espèce, ne conteste pas la mise en place de cours militaires, ellecondamne la violation du droit à être présent à son procès. Par là même, elle souligne quedes circonstances « exceptionnelles » ne sauraient justifier le non respect de ce standardminimal en matière de droit pénal. Autrement dit, la lutte contre le terrorisme n’autoriseen rien une limitation au droit d’être présent à son procès, pour toute personne suspectéed’avoir commis des actes terroristes.

2.2.2 Le droit d’être défenduSi le droit d’être présent à son procès est fondamental, il en va de même pour le droitd’être défendu. Il s’agit ainsi du droit, pour toute personne suspectée, de bénéficier d’uneassistance juridique, et plus précisément de l’avocat de son choix.

Ce principe est notamment consacré par le Pacte International relatif aux droits civilset politiques, qui dispose, dans son article 14§3(d), que :

« Toute personne accusée d'une infraction pénale a droit, en pleine égalité, aumoins aux garanties suivantes: A être présente au procès et à se défendre elle-même ou à avoir l'assistance d'un défenseur de son choix; si elle n'a pas dedéfenseur, à être informée de son droit d'en avoir un, et, chaque fois que l'intérêtde la justice l'exige, à se voir attribuer d'office un défenseur, sans frais, si elle n'apas les moyens de le rémunérer »

A titre d’illustration, on peut ici citer l’exemple de l’Espagne, à l’occasion du procès àl’encontre des auteurs présumés des attentats commis le 11 mars 2004. En effet, en vertude la loi sur l’assistance juridique gratuite163, le ministère de la justice a prodigué une aidefinancière aux avocats des accusés :

« El Ministerio de Justicia, consciente de la especial complejidad del caso, hadirigido el apoyo ministerial en tres direcciones: la retributiva, la relativa a ladificultad de comunicación de los abogados con sus defendidos (dado quepor un lado la mayoría de ellos no hablan español, y por otro se encontraban161 Article 14§3(d) du Pacte International relatifs aux Droits Civils et Politiques, 16 décembre 1966.162 Arrêt Hamdan v. Rumsfeld, Cour Suprême américaine, 29 juin 2006, p.5163 Ley 1/1996, de 10 de enero, de Asistencia Jurídica Gratuita, et Article 119 de la Constitution espagnole, qui stipule : « La justiciaserá gratuita cuando así lo disponga la Ley, y, en todo caso, respecto de quienes acrediten insuficiencia de recursos para litigar. »

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dispersos en distintos centros penitenciarios alejados de la capital) y la quefacilita el acceso de esos mismos letrados a las actuaciones judiciales, dado el

gran volumen de las mismas 164 . »Il s’agit donc, non seulement d’assurer aux accusés une assistance juridique gratuite, pardes avocats commis d’office mais aussi de leur assurer une défense effective, notammenten finançant des interprètes. 165

Le droit d’être défendu apparaît comme un principe essentiel, principe qui permet derespecter l’égalité des armes, même en cas de jugement pour actes de terrorisme.

Dès lors, il semble intéressant de s’interroger quant au respect de ce droit au sein descommissions militaires créées pour juger les personnes suspectées d’être les auteurs desattentats du 11 septembre. Il semble ainsi que l’on puisse douter de l’effectivité du droit àêtre défendu. En effet, le Military Commissions Act prévoit :

« DEFENSE COUNSEL.— The accused shall be represented in his defense beforea military commission under this chapter as provided in this subsection. Theaccused shall be represented by military counsel detailed under section 948kof this title. The accused may be represented by civilian counsel if retained bythe accused, but only if such civilian counsel— is a United States citizen; isadmitted to the practice of law in a State, district, or possession of the UnitedStates or before a Federal court;‘ has not been the subject of any sanctionof disciplinary action by any court, bar, or other competent governmentalauthority for relevant misconduct; has been determined to be eligible for accessto classified information that is classified at the level Secret or higher; has signeda written agreement to comply with all applicable regulations or instructions for

counsel, including any rules of court for conduct during the proceedings 166 .»Ainsi, tout accusé à le droit d’être représenté par un militaire : il semble par là même que l’onpuisse douter de l’effectivité – du moins de l’indépendance- de cette assistance juridique.

En outre, si l’Act prévoit la possibilité de bénéficier d’un avocat civil, cette possibilité estsoumise à de nombreuses conditions restrictives. La principale d’entre elles est la nationalitéde l’accusé, qui doit être américain pour pouvoir bénéficier de l’assistance d’un avocat civil.Or, force est de constater que la plupart des personnes mises en cause sont d’origineétrangère, ce qui limite la portée de cette disposition167.

Il semble donc que le droit d’être défendu, dans un contexte de « lutte contre leterrorisme », risque d’être mis à mal au nom de « circonstances exceptionnelles ». Ceciapparaît difficilement acceptable, car ce droit semble constituer l’un des piliers de toutprocès, en tant qu’il incarne le principe même de contradictoire.

164 Communiqué de presse du ministère de la justice Espagnol, 31 août 2006, p.2 ( www.justicia.es)165 Cette idée rejoint également le droit d’être informé dans sa langue des charges portées contre soi ( article 14§3(f) du Pacteinternational relatif aux droits civils et politiques : « Toute personne accusée d'une infraction pénale a droit à se faire assistergratuitement d'un interprète si elle ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience »166 Military Commissions Act, §949c «Duties of trial counsel and defense counsel»

167 En outre, il semble que l’administration Bush veuille limiter à nouveau ce droit, justifiant cette position par des questionsde sécurité à l’intérieur même du camp : article publié dans le New York Times, « Court Asked to Limit Lawyers at Guantánamo »,William Glaberson, 26 avril 2007.

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2.2.3 Le droit à un recours effectif Si le droit d’être défendu est essentiel, il semble que le droit de contester sa condamnationauprès d’une juridiction supérieure soit tout aussi important. Ce principe apparaît égalementdans le Pacte International relatif aux droits civils et politiques : « Toute personne déclaréecoupable d'une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la

déclaration de culpabilité et la condamnation 168 . »

Il convient donc, dans un contexte de « lutte contre le terrorisme » de s’interroger quantau respect de ce droit fondamental.

Ainsi, le Military Commissions Act exclut tout recours en habeas corpus, stipulant :«No person may invoke […] any protocols thereto in any habeas corpus or othercivil action or proceeding to which the United States, or a current or formerofficer, employee, member of the Armed Forces, or other agent of the UnitedStates is a party as a source of rights in any court of the United States or its

States or territories 169 .»Par là même, les autorités américaines semblent nier le droit à un recours contre leuraccusation, pour les personnes qui seraient jugées coupables d’actes de terrorisme parces commissions. Une telle disposition serait, semble-t-il, justifiée par le « caractèreexceptionnel », résultant de la lutte contre le terrorisme. A nouveau, il semble que l’on puisseaffirmer que de telles circonstances ne sauraient remettre totalement en cause une libertéfondamentale.

A cet égard, il semble que l’on puisse établir une comparaison avec la jurisprudencede la Cour Européenne des Droits de l’Homme, saisie d’une plainte du terroriste « Carlos »,pour violation du droit à un recours effectif170. En l’espèce, la Cour a conclu à la violation del’article 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme, qui stipule :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présenteConvention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant uneinstance nationale, alors même que la violation aurait été commise par despersonnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »

En effet, Mr Ramirez Sanchez contestait l’impossibilité de recours contre une décisionadministrative relative à mise en isolement. L’opinion dissidente du juge Casadevall s’avèreici tout à fait intéressante. Celui-ci écrit en effet :

« Nous souhaitons préciser d’abord que nous partageons les préoccupationsque peuvent avoir les autorités nationales, en général, à l’égard des difficultésauxquelles elles doivent faire face dans la lutte contre le terrorisme et le crimeorganisé. Cependant, à l’instar de la jurisprudence de Strasbourg, les mesuresque les États sont obligés de prendre pour protéger la démocratie contre cesfléaux doivent se conformer à ses valeurs primordiales -et par excellence aurespect des droits de l’homme- et ne pas les compromettre au nom de leurprotection. Aussi, d’une manière plus particulière, nous pouvons comprendreque la détention du requérant, compte tenu de certains risques potentiels168 Article 14§5 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, 16 décembre 1966.169 Section 5(a) du Military Commissions Act de 2006.

170 Affaire Ramirez Sanchez contre France, Requête no 59450/00, Arrêt de Grande Chambre, 4 juillet 2006.

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liés à sa personnalité, peut poser des problèmes compliqués aux autoritéspénitentiaires et que des installations de haute sécurité et des régimes carcérauxspéciaux soient nécessaires et doivent être imposés à certaines catégories dedétenus ou de condamnés. Nous devons garder à l’esprit, néanmoins, que lesgaranties de l’article 3 sont absolues et n’admettent pas d’exception et que lanature des infractions reprochées au requérant est dépourvue de pertinence sousl’angle de cet article. »

Si le juge fait ici référence à l’article 3 de la Convention, relatif à l’interdiction de la torture etaux traitements inhumains ou dégradants, il semble que l’on puisse aisément étendre cetteréflexion au respect du droit à un recours effectif.

2.2.4 De l’usage des preuvesFace à la lutte contre le terrorisme, la question des preuves utilisées au cours d’un procèsprend toute son importance. Il s’agit non seulement des preuves dites confidentielles –et, partant, de la question de l’accès aux preuves- mais aussi et surtout le problème despreuves obtenues sous la contrainte.

Tout d’abord, il convient de s’intéresser aux preuves dites « secrètes», c’est-à-dire despreuves non divulguées à l’accusé, pour cause de « secret défense », mais utilisées à sonencontre, au cours du procès.

A ce titre, il convient de s’intéresser à la possibilité de recourir à cette procédure, ausein des commissions militaires américaines. Ainsi, le Military Commissions Act prévoit :

«(1) NATIONAL SECURITY PRIVILEGE.—(A) Classified information shall beprotected and is privileged from disclosure if disclosure would be detrimental tothe national security.»

L’Act permet ainsi d’utiliser non seulement des preuves «protégées» : si le juge estime queces preuves concernent la sécurité de la Nation, il ne les divulguera pas à l’accusé. Cecisemble limiter les droits de la défense, ce qui est difficilement acceptable au regard desgaranties fondamentales en matière de procès équitable.

On peut ici établir un parallèle avec la jurisprudence de la Cour Européenne des Droitsde l’Homme :

« Il [l’accusé] considère que toute omission de divulguer des preuves pertinentessape le droit à un procès équitable. Avec le Gouvernement et la Commission,il reconnaît que le droit à une divulgation intégrale n'est pas absolu et peut,lorsque sont poursuivis des buts légitimes, tels que la protection de la sécuriténationale, de témoins vulnérables ou de sources d'information, être soumis àdes limitations, mais il estime que toute restriction aux droits de la défense doitêtre strictement proportionnée et assortie de garanties procédurales propres àcompenser le handicap infligé à la défense. Tout en admettant que dans certainescirconstances il pourrait être nécessaire, dans l'intérêt public, d'exclure l'accuséet ses représentants de la procédure de divulgation, il soutient que l'audiencenon contradictoire devant le juge a violé l'article 6 de la Convention, dès lors

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qu'elle n'offrait aucune garantie contre les préventions ou erreurs judiciaires et

qu'il n'y fut pas possible de présenter des arguments au nom de l'accusé 171 . »Ainsi, rien n’interdit les autorités nationales de limiter la divulgation de preuves, si laprotection de l’ordre public l’exige. Mais cette limitation ne saurait remettre en cause lecaractère contradictoire du procès :

« Tout procès pénal, y compris ses aspects procéduraux, doit revêtir un caractèrecontradictoire et garantir l'égalité des armes entre l'accusation et la défense :c'est là un des aspects fondamentaux du droit à un procès équitable. Le droità un procès pénal contradictoire implique, pour l'accusation comme pour ladéfense, la faculté de prendre connaissance des observations ou éléments depreuve produits par l'autre partie (arrêt Brandstetter c. Autriche du 28 août 1991,série A no 211, §§ 66–67). De surcroît, l'article 6 § 1 exige, comme du reste le droitanglais (paragraphe 19 ci-dessus), que les autorités de poursuite communiquentà la défense toutes les preuves pertinentes en leur possession, à charge comme

à décharge (arrêt Edwards précité, § 36) 172 . »

Cette idée revêt une importance accrue lorsqu’on étudie l’utilisation, au cours d’un procès,de preuves obtenues sous la contrainte. Le Military Commissions Act, prima facie, prohibeleur usage, stipulant :

« A statement obtained by use of torture shall not be admissible in a militarycommission under this chapter, except against a person accused of torture as

evidence that the statement was made 173 .»Cependant, il semble que l’on puisse nuancer cette disposition, via une clause prévoyantla protection des méthodes utilisées pour obtenir des preuves : autrement dit, les ditesméthodes ne sont pas divulguées. Ainsi, il est précisé que :

« The military judge, upon motion of trial counsel, shall permit trial counsel tointroduce otherwise admissible evidence before the military commission, whileprotecting from disclosure the sources, methods, or activities by which theUnited States acquired the evidence if the military judge finds that (i) the sources,methods, or activities by which the United States acquired the evidence are

classified, and (ii) the evidence is reliable 174 .»Il apparaît inacceptable que l’usage de la torture ou d’autres traitements dégradantspuissent être utilisés, même en cas de circonstances exceptionnelles, ou, et c’est l’objet denotre étude, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

La jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, à cet égard, est sanséquivoque :

« Des considérations différentes valent toutefois pour les éléments recueillisau moyen d’une mesure jugée contraire à l’article 3. Une question peut se

171 Affaire Jasper contre Royaume-Uni, Requête no 27052/95, 16 février 2000, §43.172 Ibid, §51.173 Military Commissions Act, §948(r), «Exclusion of statements obtained by torture».174 Ibid, §949(d)(B) Protection of sources, methods, or activities.

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présenter sous l’angle de l’article 6 § 1 relativement à des éléments obtenusau mépris de l’article 3 de la Convention, même si le fait de les avoir admiscomme preuves ne fut pas décisif pour la condamnation du suspect (#çöz c.Turquie (déc.), no 54919/00, 9 janvier 2003, et Koç c. Turquie (déc.), no 32580/96,23 septembre 2003). La Cour rappelle à cet égard que l’article 3 consacre l’unedes valeurs les plus fondamentales des sociétés démocratiques. Même dansdes situations extrêmement difficiles, telles que la lutte contre le terrorismeet le crime organisé, la Convention prohibe en termes absolus la torture et lespeines et traitements inhumains ou dégradants, quels que soient les agissementsde la victime. L’article 3 ne prévoit pas d’exceptions, en quoi il contraste avecla majorité des clauses normatives de la Convention, et il ne souffre nulledérogation en vertu de l’article 15 § 2 même en cas de danger public menaçant

la vie de la nation. 175 » « Dans le système de la Convention, il est reconnu

depuis longtemps que le droit énoncé à l’article 3 de ne pas être soumis à latorture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants consacrel’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques. C’est un droitabsolu qui ne souffre aucune dérogation en aucune circonstance. Aussi, toutedéposition obtenue en violation de l’article 3 de la Convention ne doit êtreinvoquée comme un élément de preuve contre le requérant, si ce n’est contrela personne accusée de traitement contraire à l’article 3 pour établir ou prouverl’existence d’une telle preuve. Une déclaration faite en méconnaissance del’article 3 est intrinsèquement dépourvue de fiabilité. De plus, l’utilisation d’unepreuve obtenue en violation de l’article 3 constitue souvent la raison pourlaquelle les actes de mauvais traitements sont initialement utilisés. La priseen compte d’une telle preuve pour établir la culpabilité d’une personne est

incompatible avec les garanties de l’article 6 de la Convention 176 »Au vu de ces considérations, il semble que l’on puisse affirmer que le terrorisme et lesDroits de l’Homme sont intimement liés. Violer ce « droit à l’humanité177 » au nom de la luttecontre le terrorisme reviendrait à mettre à mal les fondements même de la communautéinternationale.

Pour conclure cette étude, on peut reprendre les termes de Kalliopi K Koufa, RapporteurSpécial aux Droits de l’Homme :

« Il y a donc manifestement un lien étroit entre le terrorisme et l'exercice desdroits et libertés de l'individu. Ce lien est directement perceptible lorsque desgroupes ou des individus se livrent à des activités terroristes et, ce faisant, tuentou blessent des gens, les privent de leur liberté, détruisent leurs biens ou sèmentla terreur par la menace et l'intimidation. Il l'est indirectement lorsqu'un Étatréagit au terrorisme en adoptant une politique et des pratiques qui dépassentles limites de ce qui peut être admis en droit international et se soldent par des175 Arrêt Jalloh c. Allemagne, no 54810/00, §§ 99-100, 11 juillet 2006, §99176 Arrêt Soylemez contre Turquie, Requête no 46661/99, 21 septembre 2006, §122. En l’espèce, le requérant avait été

arrêté dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. (voir notamment §92)177 Kdhir Moncef, Le droit à l’humanité, « Point de vue », Le Monde, 6 mai 2004.

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violations des droits de l'homme, comme les exécutions extrajudiciaires, latorture, les procès iniques et autres mesures de répression illicites qui portentatteinte aux droits de l'homme non seulement des terroristes mais aussi de civils

innocents. 178 »

178 Rapport préliminaire, E/CN.4/Sub.2/1999/27, 7 juin 1999, §25.

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Bibliographie

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Législation américaine

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Jurisprudence

Jurisprudence américaine

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Le Droit International Humanitaire face au terrorisme: les prisonniers de Guantanamo

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Jurisprudence de la CIJ

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Avis consultatif de la CIJ, Avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l’emploid’armes nucléaires, 1996.

Projet Gab#ikovo-Nagymaros, C.I.J. Recueil 1997

Jurisprudence du Tribunal Pénal International pour l’ex Yougoslavie

Chambre d’Appel du Tribunal Pénal International pour l’ex Yougoslavie, Arrêt Tadic, 2octobre 1995.

Chambre d’Appel du TPIY, Arrêt Delalic c. Procureur, 16 novembre 1998.

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Jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme

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Bibliographie

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Arrêt Dolasan c Turquie, Requête n° 29592/96, 18 janvier 2005.

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Affaire Ramirez Sanchez contre France, Requête no 59450/00, Arrêt de GrandeChambre, 4 juillet 2006.

Jurisprudence britannique

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Discours

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RésuméLe 11 septembre 2001, les attentats perpétrés contre le World Trade Center ont provoquéun véritable traumatisme au sein de la société internationale. Ce traumatisme a, en outre,mis à mal les cadres de référence juridiques traditionnels et notamment le droit de la guerre.Alors que l’on parle de « Guerre contre le terrorisme », il convient de se demander si ledroit de la Guerre est applicable à cette lutte contre le terrorisme, et, par là même, au statutapplicable aux prisonniers de Guantanamo.

Le droit de la guerre est applicable quand le terrorisme prend la forme d’un conflit armé,comme c’est le cas pour la Guerre en Afghanistan. Partant, les prisonniers arrêtés au cours

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de ce conflit doivent bénéficier de la protection apportée par le droit de la guerre, et plusparticulièrement les Conventions de Genève.

A contrario, concernant la lutte contre le terrorisme, durante pacis, le droit de la guerrene s’applique pas. Or, il semble précisément que les Etats-Unis, à travers la mise en placed’un droit pénal ad hoc, c’est-à-dire par des commissions militaires, créent un amalgameentre la guerre et le terrorisme. Cela revient, par ailleurs, à poser la question de la définitionmême du terrorisme, définition qui apparaît, semble-t-il, sinon impossible, fort difficile àtrouver, et ce, faute de consensus international. Il semble donc qu’une définition nationalesoit la plus à même de permettre une réponse pénale appropriée face à de tels actes.Réponse pénale qui doit impérativement respecter le « droit à l’humanité », autrement dit,les droits de l’Homme. Lutter contre le terrorisme ne sera, semble-t-il, efficace que si etseulement si le droit et la justice sont respectés.

Mots-clefsGuantanamo, Droit International Humanitaire, terrorisme, lutte contre le terrorisme, droitsfondamentaux, définition du terrorisme, 11 septembre, Guerre en Afghanistan.