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Le jardin partagé une nouvelle composante du territoire La jardinière partageuse Coralie Scribe paysagiste DPLG 181, rue Duguesclin 69003 Lyon [email protected] Octobre 2009

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Le jardin partagéune nouvelle composante

du territoire

La jardinière partageuse Coralie Scribe paysagiste DPLG

181, rue Duguesclin 69003 [email protected]

Octobre 2009

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Coralie Scribe accompagne les acteurs de la ville et des territoireshabitantscollectivitéspaysagistes architectes urbanistesservices espaces vertsbailleursassociationsentreprisesdans la créationla mise en valeuret la gestionde nouveaux paysages partagés

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Sommaire

1 - Pourquoi ? Les enjeux urbains du jardin partagé..........................p.5

> 1-1 Le jardin partagé dans la ville…un enjeu social, environnemental, paysager et nourricier …............................................p.6

> 1-2 L> 1-2 Le jardin, le parc, la nature, des constantes de l’urbanisme du 20ème siècle...........................................p.10

> 1-3 > 1-3 Inventaire et typologie des jardins partagés du Grand Lyon........................................p.13

2 - Où ? Des jardins et des liens à partager sur le territoire du Grand Lyon..........................p.17

>> 2-1 Le jardin partagé à l’échelle de l’îlot, un moyen de réintroduire la nature dans les ville-centres du Grand Lyon.........p.18

>> 2-2 Le jardin partagé à l’échelle du paysage, un moyen de préserver les terres fertiles au cœur du territoire du Grand Lyon.............p.19

3 - Comment ? La programmation et la coproduction citoyennedes jardins partagés..........................p.21

>>> 3-1 >>> 3-1 Des jardins partagés et des jardiniers partageurs pour ccomposer la ville …..............................p.22

>>> 3-2 Les nouvelles >>> 3-2 Les nouvelles démarches urbaines, levier du développement des jardins partagés.......................................p.25

>>> 3-3 Paysages et jardins partagés nouvelles composantes du territoire.......................................p.26

Repères bibliographiques................p.28

Ce document est le fruit d'une étude commandée par la communauté urbaine du Grand Lyon.

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1 Pourquoi ?Les enjeux urbainsdu jardins partagé

« MIF », micro-implantation florale dans les pentes de Lyon :sur des espaces minuscules le citadin cherche à renouer avec la « terre végétale »

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> 1-1 Le jardin partagé dans la ville... un enjeu social, environnemental, paysager et nourricier

> Le jardin partagé, naissance et définition

Au début des années 90, dans plusieurs agglomérations françaises, Lille, Lyon, Bordeaux, Nantes, Paris, des citoyens investissent des friches, des espaces délaissés. Ces lieux de proximité et de mixité, cultivés en commun, se transforment progressivement en jardins, affirmant leur dimension sociale, collective, participative, éducative, pédagogique et écologique. En 2003, une proposition de loi relative aux jardins collectifs est votée, c’est le début d’une reconnaissance institutionnelle. Le texte définit les jardins partagés comme « des jardins créés ou animés collectivement, ayant pour objet de développer des liens sociaux de proximité par le biais d’activités sociales, culturelles ou éducatives, et accessibles au public. »Depuis plus de 15 ans, les jardins partagés s’imposent peu à peu dans le paysage urbain.

> Le jardin partagé, un espace de sociabilité et de citoyenneté

Par nature, le jardin et les activités de jardinage favorisent le mélange des générations et des cultures. Le jardin partagé est le fruit d’une aventure humaine et d’un mélange de population. Des femmes et des hommes, de classes sociales, d’âges et d’origines culturelles différents peuvent se rencontrer et agir ensemble au sein d’un même espace, autour d’un même projet. La gestion collective ou partagée du jardin est un support de lien social, à travers des activités jardinières, ludiques, festives, éducatives, culturelles ou artistiques. Le jardin partagé devient souvent un lieu solidaire de resocialisation et d’ouverture sur un quartier.

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Cultures de capucines clandestines dans une friche anonyme

Biodiversité sociale, culturelle, générationnelle des « jardiniers partageurs » du Grand Lyon….

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> Le jardin partagé, un espace d’écologie pratique

La mise en œuvre des jardins partagés s’appuie sur des pratiques de jardinage écologique. Un réseau et « une charte du jardin dans tous ses états » dès 1997 y font écho. Les jardiniers adoptent largement et spontanément des comportements écocitoyens dans les jardins et bien au-delà, dans leur vie quotidienne : économie d’eau, tri des déchets, compostage, consommation de produits de saison et locaux, auto-production. Ce jardinage écologique fait prendre conscience des cycles du vivant, du rythme des saisons, des richesses de la biodiversité. Il permet aux urbains devenus jardiniers d’enrichir leur environnement, et d’expérimenter avec le « monde du vivant ».

> Le jardin partagé, un espace qui bouscule les usages et les codes esthétiques

Jardin partagé et jardin public n’ont pas les mêmes rôles, les mêmes statuts, les mêmes contraintes, les mêmes modes de gestion. Aujourd’hui, ils cohabitent et sont complémentaires.

En ville, les espaces verts publics sont très fréquentés et très sollicités. Leur entretien et leur mode de gestion sont généralement rationalisés pour garantir aux usagers confort, propreté et sécurité. Les aménagements sont fonctionnels parfois standardisés pour répondre aux attentes d’un public large, et pallier efficacement à des dysfonctionnements voire des accidents. La nature est vécue et conçue comme un décor inoffensif, le plus souvent agrémenté de plantes horticoles, de mobilier normalisé. Cette esthétique parfois caricaturale de la nature domestiquée, découle sans doute d’un héritage culturel des jardins à la française, des squares Hausmanniens, des « espaces verts » des années 70. Cet héritage a influencé notre imaginaire collectif, mais notre vision change et le jardin partagé traduit cette évolution: il enrichit la diversité des paysages et contraste avec l’environnement urbain, ordonné et minéral. Il contribue à changer notre regard sur les espaces urbains plantés, et plus largement sur la nature en ville.

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Emerveillement, recyclage, jardinage, récupération… autant de scènes de la vie ordinaire des jardins partagés

Entre le square traditionnel et le jardin partagé...esthétique, usages, pratiques,

responsabilité, participation, écocitoyenneté diffèrent.

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En effet, le jardin partagé est composé à plusieurs : fruits, fleurs, légumes se mélangent, effacent les frontières et les repères des traditionnels vergers, potagers, bouquetiers. Il accueille volontiers la faune et la flore chassées partout ailleurs en ville. La biodiversité des jardins reflète aussi la biodiversité des jardiniers. L’empreinte du jardinier partageur n’est pas toujours visible, effacée par une nature libre, foisonnante, conquérante et audacieuse. Le jardin partagé laisse faire aussi les saisons et change constamment. Il ne craint pas le vide hivernal, ni les feuilles mortes qui tombent et restent au sol, pour le nourrir. On y redécouvre les plantes indigènes méconnues, les « mauvaises herbes » méprisées.Souvent, l’aspect sauvage, inédit ou excentrique des jardins partagés dérange. Il interpelle et provoque des réactions qui témoignent d’un bouleversement des usages et des représentations de la nature chez le citadin. Il le questionne aussi en lui proposant de ne plus être seulement un usager contemplatif de l’espace public, mais de devenir un citoyen-jardinier actif de l’espace partagé.

> Le jardin partagé, un réservoir de biodiversité

Au-delà des questions esthétiques qu’il pose, le jardin partagé joue un rôle écologique indéniable. Qu’il soit peu entretenu, ou très soigné, vaste ou minuscule, il offre un lieu d’accueil à la nature dans la ville, alors que celle-ci continue de se densifier et se minéraliser. C’est une niche jardinière, un réservoir d’espace qui rend possible à nouveau les cycles naturels. On y héberge le vivant : humus, plantes, insectes, oiseaux…Le jardin partagé et le jardinier partageur tentent ainsi de retrouver des formes d’écologie pratique, à travers des petits espaces urbains, quotidiens, de proximité. Ils réintroduisent du vivant, de la diversité humaine et végétale, là où celle-ci était détruite ou n’avait plus de place.

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1990-2010: le jardinage urbain n’est plus un phénomène de mode mais un phénomène durable

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Aujourd’hui, les délaissés urbains font partie des lieux où peut encore s’exprimer la diversité biologique. Cette diversité n’a plus de place sur le territoire urbanisé ou exploité par l’agriculture intensive. Les jardins partagés ont investi et continuent d’investir, des friches urbaines et les donnent à voir autrement. En faisant parler d’elles, et en les revendiquant comme lieu vivant de partage, ils contribuent à faire admettre l’idée que le jardin, le paysage ne sont pas figés. Ils valorisent des lieux par ailleurs négligés ou délaissés qui recèlent de précieuses richesses, pour qui sait les regarder, les identifier et les nommer.

> Le jardin partagé, l’effet papillon

« Un battement d'aile de papillon à Paris peut provoquer quelques semaines plus tard une tempête sur New-York »… Réalité ou métaphore, l’effet papillon montre que des changements de comportements à première vue insignifiants, peuvent déclencher des bouleversements à grande échelle. Le jardin partagé donne accès à un coin de nature, en bas de chez soi, au bout de la rue : plus besoin de voiture pour aller à la campagne, ou d’habiter une maison pour avoir un petit jardin… Il offre à tous la possibilité de s’inscrire à nouveau dans un micro-écosystème, d’entretenir les cycles fondamentaux naturels, et permet à certains de produire leur alimentation.

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De l’humus au fruit, du composteur à l’assiette, le jardinier se réinscrit dans le cycle universel du vivant, et témoigne « d’un effet papillon positif »

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> 1-2 Le jardin, le parc, la nature, des constantes de l’urbanisme du 20ème siècle

> Fin du 19ème, début du 20ème siècle : Les jardins ouvriers Pour tenter de remédier à la misère ouvrière, le père Volpette fonde en 1894, à Saint Etienne, les premiers jardins ouvriers. A la même époque, des industriels dans le Nord de la France prêtent des lopins de terre aux plus démunis pour qu’ils accèdent à une autonomie alimentaire. En 1896, l’abbé Lemire fonde les premiers jardins ouvriers au sein de la Ligue du coin de terre et du foyer . A l’époque, il s’agit de détourner le prolétariat « des bistrots, de l’alcool et des idées syndicalistes» qui se répandent. Le travail de la terre et l’air pur des champs sont salutaires. A travers le jardin ouvrier, l’abbé Lemire est porteur d’une utopie sociale encore présente : celle de la famille ouvrière installée sur un terrain inaliénable comportant maison et jardin.En 1916, en pleine pénurie alimentaire de la première guerre mondiale, les premiers jardins ouvriers sont créés à Lyon. Edouard Herriot, maire de la ville met à disposition des terrains aux ouvriers des imprimeries de Gerland : les jardins ouvriers du Livre, qui existent encore aujourd’hui.Dans Lyon et son agglomération, comme partout en France, les jardins ouvriers vont connaître des périodes d’essor, puis de déclin durant le XX ème siècle. Ils disparaissent en partie après la seconde guerre mondiale, car les terrains sont repris pour construire des logements. Dans les années 1950, les jardins ouvriers sont rebaptisés « jardins familiaux », et connaissent un regain dans les années 1970, avec la crise et le développement de « la nouvelle pauvreté » qui frappe de nombreux français. La loi Royer de 1976 sur les jardins familiaux protège les jardins. Cette loi, inscrite dans le code rural, a pour objectif de les préserver. En cas d’expropriation de jardins, ils doivent être recréés sur d’autres espaces. Parallèlement, l’intérêt pour le jardinage se développe dans toutes les classes sociales et amorce la revalorisation des jardins familiaux. De plus, une nouvelle mixité sociale est favorisée au sein des jardins. De nombreuses villes lancent des programmes de création de jardins familiaux, le plus souvent en périphérie des villes mais aussi près des centres urbains, quand les opportunités foncières le permettent. Aujourd’hui, la Ligue du foyer et du coin de terre est devenue la Fédération Nationale des jardins familiaux.

> Les années 20 : les cités-jardins

Au 19 ème siècle, la révolution industrielle accélère l’exode rural vers les villes et provoque une profonde crise du logement. Pour la population, cette révolution n’est pas synonyme de progrès. Très vite naît un sentiment anti-urbain. Dès lors, les quartiers insalubres, les banlieues s’opposent à la campagne.A la fin du 19 ème en Angleterre, le mouvement pionnier des cités-jardins développe l’idée de villes nouvelles qui utiliseraient « la nature comme composante de l’équilibre social », on rêve d’une ville-campagne.

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Dans l’ancien quartier industriel de Gerland à Lyon,

les premiers jardins ouvriers section « le livre » sont aussi les

premiers à connaître une réhabilitation au sein d’un parc contemporain de 15 hectares,

en 1998

La grande cité-jardin TASE des années 30 à Vaulx en Velin :

chaque logement de ces bâtiments collectifs dispose d’un

jardin vivrier et privatif

Crédit Agence d'urbanisme de Lyon

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Au début du 20ème siècle, les premières cités-jardins anglaises sont saluées comme modèle pouvant inspirer des réalisations en France. A Vaulx en Velin, en 1924, la famille Gillet construit les premières cités TASE. Sur onze hectares, on construit 297 logements d’accueil pour le personnel de la nouvelle usine de fabrication de la soie artificielle. La cité est dotée d’équipements collectifs (foyer, gymnase, centre médico-social) et distribuée par des allées et des ruelles sinueuses. Chaque maison ou logement collectif dispose d’un jardin individuel. La même année, la cité-jardin Berliet de 250 logements se construit à Saint Priest. Les théories de la cité-jardin vont influencer l’architecte Tony Garnier. Il projette à Lyon, « une ville-jardin industrielle », dans un vaste parc pouvant être traversé de part en part. Il imagine des maisons, des villas, et des immeubles collectifs de petit gabarit construits dans des espaces ouverts et plantés. Ce projet ne sera pas réalisé. Seul le quartier des Etats-Unis à Lyon (1922-1933) sera construit. Dans les années 20-30, le rêve du pavillon avec son jardin devient l’archétype de l’habitat populaire et représente un tiers des constructions individuelles en France.

> L’après-guerre : l’urgence et «l’urbanisme des barres »

A la fin de la Seconde guerre mondiale, il faut construire 4 millions de logements en France. Dans ce contexte, on met en place une politique de construction massive qui privilégie la standardisation et la rationalisation du bâtiment. L’état engage dans l’agglomération lyonnaise la construction industrialisée des 2600 logements « les unités de voisinage » de Bron-Parilly entre 1954 et 1959. Cette opération préfigure « l’urbanisme des barres » et les Z.U.P. à venir (zones à urbaniser en priorité) à Venissieux, à la Duchère... Il faut reloger et donc construire en série, des appartements à loyers modérés, « avec tout le confort moderne » , chauffage, salle de bain, vide-ordures. Entre 1945 et le début des années 70, des barres, des immeubles collectifs, des tours surgissent des champs. On fait table rase des grands paysages agricoles pré-existants. L’urbanisme des grands ensembles libère le sol au profit de la voiture. Des espaces verts standardisés et sans usages s’étalent, comblent les vides d’une ville très fonctionnelle. Alors que dans les années 70 s’achève tout juste la construction des grands ensembles, les classes moyennes rejettent la ville et les banlieues. On veut quitter le bruit, la pollution, pour aller vivre à la campagne. L’image et la vie des grands ensembles déjà se dégradent, et les habitants qui en ont les moyens désertent la promiscuité de l’habitat collectif urbain, pour un habitat individuel au vert. On rejette l’urbanisation brutale des 30 glorieuses pour idéaliser la maison individuelle avec son jardin.

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Crédits Agence d'urbanisme de Lyon

Crédit Agence d'urbanisme de Lyon

En 1924« la cité jardin industrielle »TASE s'installe dans la campagne

de Vaulx en Velin

Les Barres de la Duchère, s’imposent dans le paysagede l’agglomération lyonnaise

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> Les années 1970 : le rêve du pavillon avec jardin

A partir de 1966, l’Etat met fin, progressivement, au soutien des constructions d’immeubles remplis de locataires à loyer modéré pour tous, au profit de l’aide à la propriété individuelle de chacun. L’habitat individuel est promu comme moyen privilégié pour remédier à l’échec de l’urbanisme de barres. On pense refondre l’urbanité à partir de la notion de village. « Il s’agit de proposer aux français une nouvelle façon de vivre en exploitant pour cela, dans le cadre d’un urbanisme végétal, les sites les plus agréables ». On veut renouer une relation harmonieuse entre le cadre construit de l’homme et sa nature environnante. C’est ce qui anime notamment les urbanistes-concepteurs de l’Isle d’Abeau, l’une des 12 villes nouvelles en France. Comme pour les cités-jardins du début du siècle, on reparle de la ville à la campagne, de la ville-parc…On imagine des quartiers mixtes associant des petits immeubles collectifs et des maisons individuelles groupées, avec des équipements et des services au milieu de vastes espaces naturels, et d’espaces verts semi-collectifs. Construire des villes à la campagne devient alors le mot d’ordre qui enclenche, dans les années 1970, le phénomène de « rurbanisation ».

> Des années 1990 à aujourd’hui : l’héritage d’utopies multiples et l’émergence du jardin partagé

Depuis les années 1970-1980, les villes s’étalent : de grands espaces ruraux s’urbanisent progressivement. Lotissements, zones d’activités consomment des terres agricoles fertiles et banalisent le paysage. Des opérations de maisons individuelles se développent sur des communes rurales situées à proximité de la sphère d’attraction des grandes agglomérations comme Lyon. Le renchérissement du coût des terrains, oblige à construire de plus en plus loin des villes, entraînant un gaspillage d’espace, une augmentation du trafic routier, de la pollution…De nombreuses études montrent qu’aujourd’hui, une très large majorité de Français rêvent d’habiter une maison avec un jardin à la campagne, la qualité de vie est présumée se trouver dans un cadre naturel.

Et pourtant, la ville dense et compacte change intra muros, les citoyens aiment leur ville et aspirent à redonner du terrain à la nature. L’émergence des jardins partagés en témoigne directement. Ils épousent les formes du tissu urbain au gré de ses opportunités. Ce sont des espaces où s’exprime la démocratie participative. Les jardins partagés sont les héritiers des jardins ouvriers de la fin du 19ème, des cités- jardins du début du 20ème, de la ville-campagne des années 30, de la cité des années 50, la ville-parc des années 80… L’histoire récente de l’urbanisme nous montre que le jardin, le parc, ou l’espace vert, selon les périodes, tente toujours de concevoir un habitat en contact avec la nature.

Aujourd’hui, le phénomène des jardins partagés n’est plus marginal. Il marque une nouvelle étape dans l’histoire des villes. Elus, aménageurs, concepteurs, bailleurs peuvent s’en saisir comme un nouvel élément d’aménagement, une nouvelle composante du paysage dans les quartiers d’habitat social, en accompagnement des espaces publics, des logements, et même sur de très petits espaces, interstices ou pieds d’arbre.

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A l’Ouest comme à l’Est de l’agglomération lyonnaise :lotissements et maisons individuelles, zones d'activité, rognent les terres fertiles et agricoles

Crédit Agence d'urbanisme de Lyon

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> 1-3 Inventaire et typologie des jardins partagés du Grand LyonAnciens ou récents, pérennes ou éphémères, artistiques ou vivriers, hors-sol ou en pleine terre, les jardins partagés dans l’agglomération lyonnaise offrent une palette d’usages très riche. Dans ce paysage varié, on peut distinguer une douzaine de types de jardins.Quels que soient leur composition, leur dimension, leurs usages, leurs modes de gestion, ce sont tous des espaces d’usages et d’usufruits collectifs. La diversité des jardins partagés est issue de l’histoire des quartiers et des habitants qui les font vivre. Animés bien souvent par des associations, des collectifs, ils offrent aux habitants la possibilité de se rencontrer et de participer activement à la création de leur environnement.

1 > Les jardins familiaux sont des ensembles de parcelles individuelles, de pleine terre, d’environ 150 m2, à vocation vivrière, organisées en groupe, équipées traditionnellement de cabanons. Leur gestion est associative et s’ouvre aux personnes à mobilité réduite et aux écoles.

2 > Le jardin potager collectif et productif comme celui de l’association « Côté jardin » à Tassin la Demi Lune est un terrain agricole cultivé (de 1000 m2 à plusieurs hectares). Les adhérents originaires de différents quartiers ou communes payent une cotisation, participent à la mise en culture, et reçoivent en échange un panier hebdomadaire de fruits et légumes. L’association rémunère un jardinier qui s’occupe à l’année du jardin et des productions.

3 > Le jardin de cocagne est un jardin (de 1000 m2 à plusieurs hectares), cultivé par des personnes en réinsertion. Celles-ci sont rémunérées pour produire des cultures maraîchères, revendues sous forme de paniers à des adhérents.

4 > Le jardin d’insertion sociale nécessite un terrain de 2000 à 3000 m2. Il est souvent mis à disposition par une commune, dans un quartier d’habitat social. Ce type de jardin est vivrier et cultivé collectivement. Il permet à des personnes en difficulté de franchir une étape de socialisation et de construire un projet de vie, ou professionnel.

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Jardin ouvriers traditionnels à Vaulx en Velin

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5 > Le jardin en pied d’immeuble comme son nom l’indique, est un espace de surface variable en rez d’habitat social. Il est collectif et/ou partagé en petites parcelles de 10 à 50 m2.. Le jardin est mis à disposition par le bailleur et destiné aux familles qui habitent les logements sociaux locatifs. Les autres habitants du quartier peuvent participer aux événements festifs.

6 > Le jardin pédagogique est un outil pour éduquer à l’environnement le grand public, à travers le jardin et le jardinage. Le jardin est de dimension variable, en bac ou en pleine terre. Il est souvent associé à une école, un centre de loisirs, ou d'autres structures.

7 > Le jardin d’habitant est un espace jardiné collectivement, sur une parcelle de 200 à 600 m2. Cette parcelle est mise à disposition par une convention entre la commune et un groupe d’habitants gestionnaires, en général constitués en association. Le jardin est destiné à l’usage de ses adhérents, mais il est ouvert au quartier en présence des habitants jardiniers sur le terrain, ou à l’occasion de fêtes.

8 > Le jardin de plaisance est un terrain agricole ou inconstructible plus ou moins grand, appartenant à un propriétaire privé (de 500 à 1000 m2 ou plusieurs hectares), découpé en parcelles de dimensions variables. Ces parcelles sont louées à titre individuel ou collectif à des jardiniers-usagers pour leurs loisirs. Des espaces communs, vergers, aires de jeu... sont aménagés.

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Jardin en pied d'immeuble

à Rilleux

Jardin pédagogique dans le parc de

Gerland à Lyon

Crédit Evelyne Bonny

Jardin d'habitantsde l'association Brin d'Guill'

dans le quartier de la Guillotière à Lyon

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9 > Le jardin nomade est un jardin temporaire. Il se déplace au gré des opportunités de terrains qui se libèrent ou se construisent dans un quartier.

10 > Le jardin de rue est un ensemble de jardins hors-sols. Il a pour rôle d’accompagner et de partager des voiries urbaines sur-dimensionnées. Les jardins requalifient et réorganisent la rue par un partage équitable entre les espaces réservés aux modes doux/piétons-cyclistes, et les espaces réservés à la circulation automobile. Ces jardins conçus par des artistes et mis en œuvre par des services espaces verts, sont mis en place à l’initiative de la commune, dans le cadre d’un festival à caractère événementiel par exemple. Puis les jardins restent en place et peuvent éventuellement être gérés par des habitants.

11 > Le jardin de poche est un petit espace urbain (entre 200 et 2000 m2) sans qualités ni usages précis, repéré dans un quartier à l’initiative de la commune. Il est alors requalifié en petit jardin, conçu par un paysagiste associé à un artiste. La gestion est assurée par les services espaces verts ou ponctuellement par des habitants.

12 > La MIF, la micro implantation florale est une culture de plantes à partir de fissures réalisées dans le bitume du trottoir ou du sol imperméabilisé de la rue. Des habitants volontaires sont responsables de ces MIF et se chargent de l'entretien. On trouve dans le même ordre d’idée, le jardinage « des pieds d’arbre ».

Au delà de l’inventaire, ce panel de jardins constitue un vocabulaire potentiel de composition urbaine et paysagère. Programmistes, concepteurs, aménageurs, maîtres d’ouvrages ou bailleurs peuvent se l’approprier.

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Micro implantation florale à la Guillotière, Lyon 7ème

Jardin de poche au clos Carret à la Croix Rousse

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2 Où ? Des jardins et des liens à partager sur le territoire du Grand Lyon

Trottoir de la rue de Bourgogne à Vaise :le « vivant » ne demande qu’à s’exprimer partout…

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>> 2-1 Le jardin partagé à l’échelle de l’îlot, un moyen de réintroduire la Nature dans les ville-centres du Grand Lyon

>> Le jardin partagé : un maillon indispensable de la trame verteet des continuités de corridors écologiques

Aujourd’hui, « le projet de trame verte a pour objectif d’irriguer tout le territoire du Grand Lyon, afin de garantir la continuité de corridors écologiques, indispensables à une libre circulation des espèces animales et végétales. Ce dispositif assure par ailleurs une répartition équitable des espaces de nature, accessibles à tous et partout ».

La trame est constituée d’espaces verts, paysagers, cultivés ou naturels. Une continuité est possible grâce à la création, l’entretien ou la conservation, d’espaces très vastes à l’échelle de l’agglomération ou d’espaces plus petits à l’échelle du quartier ou de l’îlot. Or, dans la ville très dense, la trame verte s’interrompt ou disparaît. Les jardins partagés peuvent rétablir une continuité et une cohérence de la trame, notamment dans les endroits les plus difficiles de la ville : toitures et cours plantées, murs végétalisés, jardins en pieds d’immeubles...

La nature, et l’échelle modulable du jardin partagé en fait un maillon stratégique de la trame verte en ville. Conforter, développer et répartir un réseau de jardins partagés sur l'ensemble du territoire de l’agglomération lyonnaise renforcerait la continuité des corridors écologiques.

>> Le jardin partagé une « mieux value »

Certaines collectivités ont développé des jardins partagés. Elles ont pu l’expérimenter comme outil de développement social et comme espace de valorisation du cadre de vie. Une ville comme Nantes par exemple, a mis en œuvre une politique ambitieuse de jardins partagés et constate aujourd’hui une vraie attractivité, voire une plus-value dans les quartiers équipés de jardins. Des promoteurs Nantais en ont fait un argument de promotion immobilière qui montre bien l’ancrage du jardin partagé dans les nouveaux désirs et les nouvelles pratiques de la ville.

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Quartier de la Part Dieu à Lyon:

la trame vertepeut se faufiler dans

la ville dense

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>> 2-2 Le jardin partagé à l’échelle du paysage, un moyen de préserver les terres fertiles et les corridors écologiques du Grand Lyon>> Le jardin : un désir partagé

Comme partout en France, l’agglomération lyonnaise connaît des problèmes de très fortes densités en ville-centre et d’étalement en périphérie. Depuis les années 1970, un mal être en ville provoque une explosion de l’habitat pavillonnaire, qui consomme de manière irréversible des terres fertiles agricoles, et augmente les déplacements automobiles polluants. La fin de l’énergie bon marché, l’augmentation du coût des transports, la crise environnementale, obligent à inventer de nouveaux moyens de répondre à l’évolution des espaces à bâtir. Le jardin partagé a une carte à jouer dans cette nouvelle organisation de la ville et du territoire de l’agglomération. La création significative de jardins partagés en pleine ville offrirait aux citadins la possibilité de s’approprier à nouveau, un espace de nature et de proximité et permettrait d’endiguer ce phénomène de fuite en périphérie et d’étalement urbain.Le jardin partagé est un outil pour réinventer un habitat moins individualiste, plus collectif, végétal, convivial et généreux.

>> Le jardin habité, l’habitat jardiné

La maison individuelle et son jardin recherche « la campagne en miniature ». Pourtant, le jardin d’une zone pavillonnaire se résume souvent à un carré de pelouse pour les enfants et le chien, entouré de thuyas, avec un barbecue, une piscine et quelques jeux en plastiques. On constate que l’éco-jardinage est peu mis en pratique dans les lotissements. On observe également que la maison individuelle développe un individualisme croissant. Les habitants souffrent de plus en plus d’enfermement, d’isolement… Le jardin partagé peut apporter une nouvelle dimension pédagogique, collective et conviviale à ces zones pavillonnaires, et recréer du lien social.

>> Habitat densifié, jardin partagé

Aujourd’hui, l’urbanisme s’oriente vers des formes urbaines économes en espace, en énergie. La ville dense, compacte et non diffuse est déclinée à l’échelle du territoire, et de l’architecture.Les documents de planification urbaine, SCOT, PLH, PDU, PLU traduisent cette préoccupation. Ils tentent d’orienter l’urbanisation au sein du tissu existant et favorisent une mixité fonctionnelle et sociale. Des jardins partagés peuvent s'associer à la programmation d’habitat collectif.

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Lotissement récent à l’Ouest de l’agglomération lyonnaise: la maison individuelle consomme trop souvent le paysage et les terres

agricoles. Le jardin est un bout de terrain qui produit davantage de déchets, (tontes de gazon,

tailles des haies...) que de biodiversité

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>> Jardiner le patrimoine fertile des terres nourricières : le paysage partagé

Depuis 40 ans, le développement résidentiel sur les terres fertiles a des impacts inquiétants et irrémédiables sur l’agriculture et le paysage. La préservation des terres agricoles, des sites et des paysages passe souvent en second plan, par rapport aux enjeux financiers du développement des zones pavillonnaires ou d’activités. Aujourd’hui, les grandes agglomérations ont la responsabilité de préserver leur territoire agricole, afin d’assurer à terme des circuits courts de distribution, garantir la souveraineté et la sécurité alimentaire de leur population. Dans cette mouvance, les AMAP (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne de proximité) se développent avec succès depuis 2001. Elles maintiennent des espaces de maraîchage et des terres arables fertiles de proximité, et alimentent les populations environnantes avec des produits de terroir, adaptés au climat et au sol. Elles entretiennent une diversité des paysages et des sols, face à la standardisation des monocultures de l’agriculture industrielle, ou l’urbanisation.

AMAP, agriculture urbaine, maraîchage urbain, potagers de ville, champs urbains, jardins vivriers collectifs, toutes ces appellations et expériences traduisent les multiples facettes possibles d’un paysage partagé, à la fois habité et nourricier. Il s’agit d’inventer de nouveaux moyens de valoriser des terres nourricières, de préserver un patrimoine de savoir-faire et de plantes potagères.

Tous ces espaces et ces pratiques offrent aux citoyens la possibilité de s’approvisionner en fruits et légumes locaux de saison, ou de les produire eux-mêmes. Ils participent ainsi directement à la préservation d’un patrimoine de terres nourricières et à la gestion équitable d’un paysage partagé.

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Champ cultivé le long des abords du nouveau tramway de Vénissieux : l’agriculture urbaine et le jardinage urbain, face à la pression foncière ne pourront pas se maintenir et se développer sans une politique du territoire et une maîtrise foncière adaptées

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Comment ? La programmation et la coproduction citoyenne des jardins partagés

Copropriété du 3ème arrondissement à Lyon :en a-t-on bientôt fini des pelouses pelées sans usage et sans vie, entretenues à grands frais, depuis les années soixante?

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>>> 3-1 Des jardins partagés et des jardiniers partageurs

>>> De l’arbre au lopin

On peut difficilement imaginer une ville sans arbre. Faut-il le rappeler, l'arbre n'est pas un mobilier urbain, son activité biologique (photosynthèse, évapo-transpiration, ombrage…) permet d’apporter de l’oxygène indispensable à la respiration humaine, et contribue à diminuer les effets néfastes de la pollution et des îlots de chaleur.Par ailleurs, il constitue un élément essentiel de composition des places, mails, contre-allées, avenues, rues, squares, bosquets, parcs … Au même titre que l’arbre en ville, le lopin de jardin pourrait lui aussi structurer de nouveaux espaces et participer à la composition d’une rue, à l’ambiance d’un quartier. L’organisation des lopins, la conception des parcelles et la nature des jardins sont variables. Ils s’adaptent aux conditions du site et aux besoins des habitants. On compose avec les jardins, comme on compose avec les arbres, en fonction de l’ensoleillement, de la nature du sol… La politique de l’arbre en ville du Grand Lyon a pour principe de « planter le bon arbre au bon endroit ». Ainsi pourrait-on développer une politique du jardin partagé en ville : « le bon jardin au bon endroit »…

>>> Le bon jardin au bon endroit

La condition préalable à la création de jardins est d’avoir une terre saine, et ce, quels que soient les projets de jardins. L’exposition du terrain peut être très variable : des espaces au Nord vivent très bien l’été, tandis qu’au contraire des espaces plein Sud vivent mieux à mi-saison. Dans tous les cas, l’exposition et la nature du terrain déterminent le choix des espèces cultivées. Le jardin s’adapte aux conditions extérieures, climat, nature du sol, topographie, et non l’inverse. Le découpage et la distribution parcellaire d’un jardin est très modulable en fonction du nombre plus ou moins fluctuant d'habitants jardiniers. Leur dimension est variable dans l’espace et le temps. Selon ses moyens et ses besoins, on habite un T1 T2 T3. De même, les parcelles varient de taille entre 10, 20, 30, 100... m2. Selon ses besoins et ses moyens, on jardine un J1, J2, J3. Les lopins sont jardinés collectivement et/ou individuellement. Le jardin partagé peut avoir des espaces collectifs et/ou des espaces privatifs.L’équipement des jardins peut être minimum, pour un confort optimum. Un simple toit de protection et un coffre à outils suffisent à remplacer le cabanon. La récupération des eaux pluviales, la mise en place de matériel de compostage, la mise à disposition d’outils de jardinage appropriés sont indispensables.

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>>> Petit ou grand, horizontal ou vertical

En ville, la pression foncière est très forte et rend parfois difficile la préservation ou la programmation de jardins partagés. Cependant, l’inventaire des jardins du Grand Lyon montre qu’il est possible de s’installer et faire vivre un projet sur de toutes petites surfaces. Les jardins familiaux ou les micro-jardins en pieds d’arbres, montrent que l’on peut décliner différentes façon de jardiner et différentes tailles de jardins. Les surfaces sont plus ou moins grandes selon la typologie de jardin mise en oeuvre.En cas de très forte densité, sur des espaces contraints, minéralisés, ou même pollués, il est possible de jardiner des espaces qui ne sont pas en pleine terre, de cultiver notamment dans des bacs. Le jardin nomade déplace les bacs de terre, dans un quartier, au fil des opportunités de terrains qui se libèrent. Des jardins peuvent aussi s’installer sur les toitures. En effet, le toit des bâtiments est souvent inexploité et constitue une 5ème façade. Le jardin toiture contribue alors à la régulation thermique de la construction et à l’ambiance micro-climatique du quartier, tout en offrant un espace jardiné à ses habitants. Faute de terrain, les murs végétaux ou jardins verticaux sont aussi explorés dans certains quartiers : ils réhabilitent une ambiance végétale (odeurs, textures, couleurs, variations saisonnières) bienfaisante aussi bien pour l’œil que pour l’esprit…

>>> Un lieu à haute valeur ajoutée écologique

Les jardins partagés et les jardiniers partageurs sont tantôt nomades et éphémères ou au contraire, sédentaires et pérennes. En effet, la population d’un quartier change constamment. L’engagement des habitants jardiniers est fluctuant selon les déménagements, les changements de vie professionnelle, les familles recomposées... Le jardin partagé vit et reflète toutes ces fluctuations à court, moyen ou long terme.Le jardin partagé navigue entre nature et culture. Il se vide et se remplit au fil du temps et des saisons. Tout comme un logement est habité ou vacant, iI est tantôt jardiné, tantôt livré à la nature. L’enjeu est de gérer ce cycle aléatoire d’occupation. Quoiqu’il arrive, le jardinage biologique sait s’accommoder de ces variations de rythme. Il intègre cette dynamique, et arbitre le tandem nature-culture, par des techniques appropriées : paillage, fauchage, semis spontanés, engrais verts… Qu’il soit livré à lui-même et à la nature, ou cultivé assidûment par des habitants jardiniers, le jardin partagé reste un espace de réserve et d’expression de la biodiversité. Il a une légitimité dans la ville car c’est un lieu à haute valeur ajoutée, sur le plan écologique.

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Le jardin partagé est une arche pour la biodiversité

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>>> Des savoir-faire à remettre en pratique

Le jardinage éco-responsable consiste à gérer la cohabitation et la bonne coopération entre le sol, les plantes, les auxiliaires et les jardiniers. La matière première est le sol et sa fertilité. Cette richesse est essentielle, surtout en ville où le sol perméable et vivant se fait très rare. Le jardin partagé entretien donc cette fertilité : le compostage est un des fondements du jardinage partagé.Tout comme en architecture, on connaît des procédés de construction qui ont fait leur preuve, il en va de même en jardinage biologique. En effet, il existe des outils, un répertoire végétal et des techniques adaptés: paillage, annuelles rustiques, engrais verts, plantes potagères locales et sobres…L’eau est toujours une contrainte et une préoccupation majeure dans le jardin. Le jardinage partagé est synonyme d’écogestion de l’eau, à travers la récupération massive d’eau de pluie, et la maitrise des techniques culturales sobres et économes. Il est essentiel d’accompagner les habitants jardiniers dans l’apprentissage des techniques de jardinage, car la plupart des citadins n’ont plus aucunes racines rurales et sont déconnectés des savoir-faire jardiniers.

>>> Des espaces verts aux espaces « bio-divers »

Les « Services Espaces Verts » ont fait évolué leur pratique, en intégrant la gestion différenciée, la diversité des plantations. Aujourd’hui, les « espaces verts » tendent à devenir des espaces bio-divers, au niveau des usages ou des modes de jardinage.Les services techniques pourraient soutenir le jardinage urbain, se mettre davantage au service des jardins partagés et former des « techniciens-jardiniers-animateurs et médiateurs ». A l’avenir, les espaces verts ne seront plus seulement créés, aménagés, équipés et entretenus, mais aussi animés. Ce qui appelle sans doute de nouvelles compétences au sein des Services Espaces Verts.

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Les jardiniers se forment au jardinage éco-responsable

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>>> Le jardin partagé, un espace de coproduction citoyenne

Les jardins partagés émanent tantôt de l’initiative d’habitants, d’associations, de comités de quartier, tantôt de l’initiative publique, Services Espaces Verts, Services de l’urbanisme…Ils sont souvent nés sur des espaces vacants que des habitants se sont appropriés. Le jardin partagé est atypique et brouille les repères classiques : contrairement à l’espace public, il est géré par des habitants, et contrairement à l’espace privé, c’est un espace partagé. Planifier des espaces qui, par définition, émanent de la volonté d’un groupe d’habitants à un instant et en un lieu donnés, peut paraître complexe ou risqué. Or, sans offre, il n’y a pas de demande et le succès des vélov du Grand Lyon illustre bien ce phénomène. La demande de jardin partagé est forte, elle s’exprimera d’autant plus et d’autant mieux que des projets verront le jour.Aujourd’hui, il est possible de s’inspirer des expériences de jardins partagés réalisés à l’initiative d’habitants, pour planifier en amont des aménagements à différentes échelles. Le jardin partagé peut intégrer progressivement les nouveaux programmes de rénovation urbaine et sociale, de logements, de ZAC. Les jardins partagés font partie des équipements de la ville contemporaine, au même titre que d’autres équipements culturels, sportifs, services de transports.Il s’agit de mettre en place la co-construction, la coproduction et la co-gestion d’un espace partagé. Le cadre du projet est fixé par une collectivité ou un bailleur social, dans lequel les habitants, les techniciens, les aménageurs, les promoteurs, les concepteurs, les entreprises, les gestionnaires participent ensembles à l’élaboration de l’espace.La conception, la réalisation et la gestion du projet nécessitent un accompagnement constant et indispensable qu’il ne faut pas négliger en termes de compétences et de coût financier.

>>> 3-2 Les nouvelles démarches urbaines, levier du développement des jardins partagés

En France, le phénomène des jardins partagés apparaît au même moment que le concept de développement durable. Cette concomitance souligne le lien, entre les jardins partagés, et les questions d’aménagement durable du territoire.

Rappelons qu’en 1992, le Sommet de la Terre de Rio fait émerger l’idée de développement durable, «un développement économique, environnemental et social, qui répond aux besoins du présent, sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs». Cette prise de conscience collective a progressivement amené de nouvelles façons de penser la ville. Ainsi naît la démarche Haute Qualité Environnementale, «HQE », visant à intégrer les projets dans leur environnement, en tenant compte de plusieurs «cibles» : économie d’énergie, recyclage, gestion de l’eau, matériaux de construction écologiques... La HQE s'applique de plus en plus aujourd’hui à des programmes et des opérations de bâtiments publics, de logements ou d’espaces publics.

Tout comme la « HQE », l’Approche Environnementale de l’Urbanisme, « l'AEU », se développe. A travers cette approche, les projets urbains prennent en compte toutes les caractéristiques environnementales du site à urbaniser. L’AEU croise aussi bien l’analyse de données physiques, (topographie, hydrogéologie,

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exposition, climat, paysage, biodiversité, gestion des ressources naturelles, énergie...) que de données historiques, humaines, sociales, et culturelles. L’AEU donne ainsi des outils pour améliorer la qualité environnementale des projets urbains.

A travers ces nouvelles démarches urbaines, on peut s’étonner du peu de prise en compte du jardin partagé comme élément de programme et de projet. Sans doute cela tient-il au fait que le jardin partagé s’est développé en parallèle des démarches urbaines. Né de la friche, et du terreau social, le jardin partagé a affirmé son identité, son existence, en marge des démarches programmatiques urbaines et paysagères classiques…

Quoiqu’il en soit, le jardin partagé est devenu un facteur de «meilleure qualité environnementale» et de fait, constitue une composante urbaine transversale aux principales cibles et thématiques environnementales. Il répond aussi à de nouvelles aspirations sur la manière d’habiter en harmonie avec l’environnement et en quête de nouvelles gouvernances.

>>> 3-3 Paysages et jardins partagés nouvelles composantes du territoire

Le jardin partagé recèle des enjeux sociaux et environnementaux tels, qu’il constitue désormais une composante urbaine à part entière. Moyennant une prise en compte en amont dans les différents documents de planification territoriale, il permet d’irriguer tout le territoire du Grand Lyon. Sa typologie très variée, de la micro-implantation-florale au maraîchage urbain, laisse la possibilité d'élaborer des stratégies multiples, selon le contexte.

Dans les villes et les quartiers urbains denses, un maillage de micro et macro-jardins redonne aux habitants un espace de nature de proximité, reconstitue une trame verte cohérente et des corridors écologiques continus.

Dans les espaces péri-urbains, les jardins partagés ont une vocation plus élargie. On peut parler de « paysages partagés ». Ils garantissent la continuité de vastes corridors écologiques et les enrichissent d’espaces jardinés. La mise en place de jardins partagés maraîchers de grande ampleur préserve les terres fertiles, et pérennise une agriculture urbaine vivrière au sein du Grand Lyon. A long terme, le paysage partagé rééquilibre et régule les pressions urbaines. Il garantit la sécurité et la souveraineté alimentaire de la population de l’agglomération Lyonnaise.

Dans cette optique, paysages et jardins partagés doivent prendre leur place dans les agendas 21 locaux, les Schémas de Cohérence Territoriale (SCOT), les Plans locaux d'Urbanisme, (PLU), les Plans d'Aménagement et de Développement Durable (PADD).

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Au fil des opportunités, il est possible de programmer des jardins partagés au sein d’équipements, d’îlots, de quartiers, existants ou en projet. Les opérations urbaines d’envergure, zones d’activité, éco-quartiers, programmes de renouvellement urbain, peuvent au plus tôt intégrer les jardins partagés dans leur programmation.

> Parcs publics, squares, espaces publics, sections de jardins familiaux: >> Programmation de jardins partagés à vocation de loisirs, d’auto-production.

> Equipements éducatifs près des crèches, des écoles, des centres de loisirs: >> Programmation de jardins partagés à vocation pédagogique.

> Hôpitaux, maisons de retraite, établissements spécialisés :>> Programmation de jardins partagés à vocation thérapeutique.

> Quartier politique de la ville (GPV, ANRU...): >> Programmation de jardins à vocation d’insertion et de mixité sociale, d’auto-production, de loisirs.

> Quartiers de logements, quartiers résidentiels, lotissements :>> Programmation de jardins partagés à vocation de loisirs, d’auto-production, pédagogiques.

> Réserves foncières, friches urbaines, terrains agricoles, champs maraichers, vergers, espaces AMAP:>>Programmation de jardins partagés à vocation nourricière, d’auto-production, pédagogique. ...Nombreux sont les espaces propices au partage, la liste n’est pas exhaustive et reste à inventer…

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Alain Corbin, L’avènement des loisirs, Aubier, 1995.

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Françoise Dubost, Les jardins ordinaires, L’Harmattan, 1984.

Philippe Dufieux, Le rêve de la maison, CAUE du Rhône, 2007.

Robert Harrison, Jardins, Réflexions sur la condition humaine, Editions Le Pommier, 2007.

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