6
Le laboratoire en zone tropicale LE LABORATOIRE D'ANALYSES DE BIOLOGIE REFI RENT EN ZONE TROPICALE : EXEMPLE DU RI SEAU INTERNATIONAL D ES IN STITUTS PASTE U R MI DICALE Philippe Buchy a,*, Didier Monchy b, Benoft Garin c, Patrice Combe d, Yves Buisson e Rdsum6 Le RCseau international des Instituts Pasteur (RIIP) compte & ce jour 29 instituts dent 17 sent install#s en zone tropicale. Les laboratoires d'analyses de biologie medicale (LABM) des instituts du RIIP ont & la fois un rSle de diagnostic, d'expertise, de recherche et de formation. Le plus souvent situes dans des pays en dCveloppement, ils ont accumul6 I'experience de plusieurs generations de biologistes pour essayer de repondre au mieux & une forte demande des populations et des autorites sanitaires malgre des ressources parfois limitCes. A partir d'exemples concrets et d'experiences vecues, les auteurs depeignent les principales difficultes rencontrees dans leur exercice de la biologie m#dicale en zone tropicale et proposent des moyens pour les surmonter. Laboratoire d'analyses mddicales - laboratoire r(~f(~rent - pays en ddveloppement - pays tropical. Summary : Reference clinical analysis laboratory in tropical area : example of the R(~seau international des Instituts Pasteur The R~seau international des Instituts Pasteur (R//P) includes 29 institutes of which 17 are located in tropical area. The clinical analysis laboratories from the RIIP play a significant role in different fields: diagnosis, expertise, research and training. a Institut Pasteur de Nha Trang - Vietnam b Laboratoire de biologie clinique - Institut Pasteur du Cambodge c Laboratoire de biologie clinique - Institut Pasteur de Nouvelle-Caledonie d Laboratoire de biologie clinique - Institut Pasteur de Madagascar e Institut de medecine tropicale du Service de Sant6 des ArmCes Parc du Pharo - 13998 Marseille Armees * Institut Pasteur du Cambedge 5, bd Monivong - Phnom Penh Royaume du Cambodge pbuchy@pasteu r-kh.org article re(;u et accept(~ le 28 f(~vrier 2005. ©ElsevierSAS. Eventhough the laboratories are usually located in a tropical environment in which financial resources, as well as the amount of equipment are both restricted, they have been able to gain experience through several generations of biologists in order to answer the needs of populations and health authorities, Based on practicle examples and reports of field situations, the authors show the major difficulties encountered in reference laboratories in such tropical area and suggest solving solutions. Clinical analysis laboratory - reference laboratory - emerging country - tropical country. 1. Introduction D es la fondation de I'lnstitut Pasteur & Paris en 1887, les colla- borateurs de Louis Pasteur ont commence & essaimer dans le monde, crCant de nouveaux instituts pour faire beneficier les popula- tions Iointaines des decouvertes de la science et constituant ainsi pro- gressivement une communaute scientifique au depart francophone puis internationale. Le premier Institut Pasteur d'Outre-Mer fut fonde & Sargon en 1891, le second & Tunis en 1893, le troisi6me & Madagascar en 1898. Bien d'autres furent crCes ensuite en Asie, au Maghreb et en Afrique noire. IIs sent aujourd'hui rassembles au sein d'un reseau unique au monde :le RCseau international des Instituts Pasteur (RIIP) qui, depuis plus d'un siecle, apporte une contribution importante & la progression de la connaissance des maladies infectieuses et & I'ame- lioration des conditions sanitaires des habitants des zones tropicales. De grands noms restent attaches & cette 6popee scientifique : Albert Calmette (1863-1933 ; co-decouvreur avec Camille Guerin du vac- cin antituberculeux), Alexandre Yersin (1863-1943 ; dCcouvreur du bacille de la peste & Hong Kong en 1894), Adrien Loir (1862-1941 ; createur du premier laboratoire antirabique hers de France, & Saint- Petersbourg, en Russie, puis reel ambassadeur itinerant de Pasteur au quatres coins du monde), Charles Nicolle (1866-1936 ; prix Nobel de medecine, decouvreur de I'agent de la toxoplasmose en 1908 en Tunisie, puis du rCle du pou dans la transmission du typhus exanthC- matique en 1909, en Tunisie egalement), Paul-Louis Simond (1858- 1947 ; decouvreur du rSle de la puce dans la transmission de la peste, en Inde, en 1898), Georges Girard (1888-1985 ; co-decouvreur, avec Robic, du vaccin EV centre la peste, & Madagascar, en 1932), Marcel Baltazard (1908-1971 ; dCcouvreur du r~servoir naturel de la peste en Iran, en 1963) [2]. RevueFran?aise des Laboratoires, avri12005, N ° 372 21

Le laboratoire d'analyses de biologie médicale référent en zone tropicale : exemple du réseau international des Instituts Pasteur

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Le laboratoire d'analyses de biologie médicale référent en zone tropicale : exemple du réseau international des Instituts Pasteur

Le laboratoire en zone tropicale

LE LABORATOIRE D'ANALYSES DE BIOLOGIE REFI RENT EN ZONE TROPICALE : EXEMPLE DU RI SEAU INTERNATIONAL D ES IN STITUTS PASTE U R

MI DICALE

Phil ippe Buchy a,*, Didier Monchy b, Benoft Garin c, Patrice Combe d, Yves Buisson e

R d s u m 6

Le RCseau international des Instituts Pasteur (RIIP) compte

& ce jour 29 instituts dent 17 sent install#s en zone tropicale.

Les laboratoires d'analyses de biologie medicale (LABM)

des instituts du RIIP ont & la fois un rSle de diagnostic, d'expertise,

de recherche et de formation. Le plus souvent situes dans des pays

en dCveloppement, ils ont accumul6 I'experience de plusieurs

generations de biologistes pour essayer de repondre au mieux

& une forte demande des populations et des autorites sanitaires

malgre des ressources parfois limitCes. A partir d'exemples

concrets et d'experiences vecues, les auteurs depeignent

les principales difficultes rencontrees dans leur exercice

de la biologie m#dicale en zone tropicale et proposent

des moyens pour les surmonter.

Laborato i re d 'analyses mddica les - laborato i re r(~f(~rent -

pays en d d v e l o p p e m e n t - pays tropical .

S u m m a r y : R e f e r e n c e c l in ica l a n a l y s i s l a b o r a t o r y

in t rop ica l a r e a : e x a m p l e o f t h e R(~seau i n t e r n a t i o n a l

d e s Ins t i tu ts P a s t e u r

The R~seau international des Instituts Pasteur (R//P) includes 29 institutes of which 17 are located in tropical area.

The clinical analysis laboratories from the RIIP play a significant

role in different fields: diagnosis, expertise, research and training.

a Institut Pasteur de Nha Trang - Vietnam b Laboratoire de biologie clinique - Institut Pasteur du Cambodge c Laboratoire de biologie clinique - Institut Pasteur de Nouvelle-Caledonie d Laboratoire de biologie clinique - Institut Pasteur de Madagascar e Institut de medecine tropicale du Service de Sant6 des ArmCes Parc du Pharo - 13998 Marseille Armees

* Institut Pasteur du Cambedge 5, bd Monivong - Phnom Penh Royaume du Cambodge pbuchy@pasteu r-kh.org

article re(;u et accept(~ le 28 f(~vrier 2005.

©ElsevierSAS.

Eventhough the laboratories are usually located in a tropical

environment in which financial resources, as well as the amount

of equipment are both restricted, they have been able to gain experience through several generations of biologists in order

to answer the needs of populations and health authorities, Based on practicle examples and reports of field situations,

the authors show the major difficulties encountered in reference

laboratories in such tropical area and suggest solving solutions.

Clinical analysis laboratory - re ference laboratory -

emerg ing country - t ropical country.

1. Introduction

D es la fondation de I'lnstitut Pasteur & Paris en 1887, les colla- borateurs de Louis Pasteur ont commence & essaimer dans le

monde, crCant de nouveaux instituts pour faire beneficier les popula- tions Iointaines des decouvertes de la science et constituant ainsi pro- gressivement une communaute scientifique au depart francophone puis internationale. Le premier Institut Pasteur d'Outre-Mer fut fonde & Sargon en 1891, le second & Tunis en 1893, le troisi6me & Madagascar en 1898. Bien d'autres furent crCes ensuite en Asie, au Maghreb et en Afrique noire. IIs sent aujourd'hui rassembles au sein d'un reseau unique au monde :le RCseau international des Instituts Pasteur (RIIP) qui, depuis plus d'un siecle, apporte une contribution importante & la progression de la connaissance des maladies infectieuses et & I'ame- lioration des conditions sanitaires des habitants des zones tropicales. De grands noms restent attaches & cette 6popee scientifique : Albert Calmette (1863-1933 ; co-decouvreur avec Camille Guerin du vac- cin antituberculeux), Alexandre Yersin (1863-1943 ; dCcouvreur du bacille de la peste & Hong Kong en 1894), Adrien Loir (1862-1941 ; createur du premier laboratoire antirabique hers de France, & Saint- Petersbourg, en Russie, puis reel ambassadeur itinerant de Pasteur au quatres coins du monde), Charles Nicolle (1866-1936 ; prix Nobel de medecine, decouvreur de I'agent de la toxoplasmose en 1908 en Tunisie, puis du rCle du pou dans la transmission du typhus exanthC- matique en 1909, en Tunisie egalement), Paul-Louis Simond (1858- 1947 ; decouvreur du rSle de la puce dans la transmission de la peste, en Inde, en 1898), Georges Girard (1888-1985 ; co-decouvreur, avec Robic, du vaccin EV centre la peste, & Madagascar, en 1932), Marcel Baltazard (1908-1971 ; dCcouvreur du r~servoir naturel de la peste en Iran, en 1963) [2].

Revue Fran?aise des Laboratoires, avri12005, N ° 372 21

Page 2: Le laboratoire d'analyses de biologie médicale référent en zone tropicale : exemple du réseau international des Instituts Pasteur

Le l abo ra to i re en zone trop#cale

Le Reseau international des Instituts Pasteur (RIIP) compte & ce jour 29 instituts repartis sur 5 continents. Dix-sept sont situes en zone tro- picale : en Afrique et dans I'Ocean indien (Tunisie, Algerie, Maroc, Senegal, Cete-d'lvoire, Niger, Cameroun, Republique centrafricaine, Madagascar), en Amerique centrale et aux Antilles (Guadeloupe, Guyane), en Asie (Iran, Cambodge, 3 au Vietnam : Ho Chi Minh-ville, Nha Trang et Hand0, en Oceanie (Nouvelle-Caledonie). Au total, ces instituts emploient plus de huit mille personnes, sans compter les 61eves, etudiants et stagiaires originaires de multiples pays.

En collaboration avec les structures de Sante publique de leur pays d'implantation, ils ont pour mission de contribuer & la prevention et & la lutte contre les maladies infectieuses. En concertation avec les auto- rites sanitaires locales, ils developpent des recherches axees sur les principales maladies infectieuses, mettent en oeuvre des activites de service (biologie clinique, microbiologie des aliments et des eaux, vac- cinations et conseils aux voyageurs, depistage anonyme et gratuit de I'infection par le VIH), participent aux programmes nationaux de lutte contre les maladies infectieuses, aux enquetes epidemiologiques, et forment des specialistes (medecins, pharmaciens et veterinaires bio- Iogistes, chercheurs, ingenieurs et techniciens).

Presque tous ces instituts possedent un laboratoire d'analyses de bio- Iogie medicale (LABM) ayant un quadruple rele de diagnostic, d'ex- pertise, de recherche et de formation. Confrontes des leur creation aux contraintes de I'eloignement, dans un environnement tropical, le plus souvent dans des pays en developpement (PED), ces LABM ont bene- ficie de I'experience de plusieurs generations de biologistes pour essayer de repondre au mieux & une forte demande des populations et des structures sanitaires, malgre des moyens souvent limites.

2. Implications dans les systemes de sant6 nationaux

Dans le RIIP, les LABM sont souvent des laboratoires nationaux de reference en biologie clinique, voire des centres collaborateurs OMS, participant & des programmes nationaux de Sante publique. La qua- lite de leurs plateaux techniques et la qualification des biologistes leur conferent un niveau d'expertise eleve dans des pays qui disposent generalement de faibles ressources. IIs sont frequemment sollicites pour contreler ou completer des analyses biologiques effectuees par des laboratoires hospitaliers ou prives : identification d'une souche bac- terienne rare ou atypique, caracterisation d'un mecanisme de resis- tance, serotypage ou genotypage d'un agent infectieux, diagnostic d'une hemopathie, dosage d'un parametre biochimique specialise, etc.

Les LABM du RIIP peuvent aussi s'impliquer dans les programmes nationaux de lutte contre le sida, la tuberculose, le paludisme ou d'autres grandes endemies. Face & I'aggravation des resistances bac- teriennes aux antibiotiques, ces laboratoires ont organise un reseau international pour surveiller la sensibilite des bacteries isolees Iors d'in- fections communautaires (diarrhees aigues, infections respiratoires, meningites, infections urinaires et infections sexuellement transmis- sibles) afin de contreler I'efficacite des protocoles therapeutiques en vigueur et de guider la politique nationale d'utilisation des antibiotiques. Des reseaux similaires ont egalement ete crees afin de surveiller les niveaux de resistances des Plasmodium aux molecules anti-paludiques [1 2, 17] ou du VIH aux anti-retroviraux.

En cas d'epidemie, les instituts du RIIP peuvent 6tre amenes & mettre en place des laboratoires de terrain mobilisables dans des delais tres courts et & participer de fa?on precoce & la prise en charge medicale des patients et & I'enquete epidemiologique. Ce type d'intervention est parfois realise au niveau regional, en dehors des pays d'implantation.

Confrontes dans I'urgence & une demande de diagnostic fiable, mal- gre un plateau technique souvent limite, les biologistes recherchent

des tests rapides pour le diagnostic des principales maladies infec- tieuses et parasitaires. C'est ainsi que certaines equipes pasteuriennes ont developpe un test immunochromatographique rapide sur bande- lettes pour la peste et le cholera [1, 15] et se sont efforcees d'adap- ter les methodes de diagnostic biologique aux conditions du terrain (prelevements de sang capillaire sur papier buvard, utilisation de la salive, etc.) [8, 22]. Le RIIP s'est egalement investi dans le develop- pement de reactifs ,, orphelins * n'ayant pas suffisamment de debou- ches commerciaux pour un developpement industriel, par exemple de nouveaux tests ELISA pour le diagnostic de la peste [18, 23] ou de la fievre jaune et des arboviroses [?, 10, 11, 13, 19, 20, 22]. Plus recemment, les epidemies de syndrome respiratoire aigu severe (SRAS) ou de grippe aviaire ont mobilise les Instituts Pasteur pour la mise au point de techniques moleculaires assurant un diagnostic rapide et permettant de s'affranchir des contraintes liees & la culture de ces virus (laboratoire de securite de niveau 3).

Seul reseau de ce type dans le monde, le RIIP a entrepris de coor- donner ses actions de veille microbiologique, de detection des emer- gences et des epidemies, de surveillance des resistances aux anti- infectieux, d'hygiene et de salubrite alimentaire, afin que chaque institut s'implique plus efficacement dans les structures nationales et inter- nationales de Sante publique.

3. Contraintes et difficultes rencontrees par les laboratoires de biologie m6dicale en zone tropicale

Sans vouloir etablir une liste exhaustive des obstacles rencontres par les LABM dans les pays en developpement, il faut souligner les contraintes majeures liees au milieu tropical et decrire les princi- paux ecueils qui jalonnent cette pratique particuliere de la biologie medicale.

Outre les effets nefastes directs du climat tropical, le biologiste est confronte & plusieurs defis : rendre ses services accessibles & une population majoritairement defavorisee, adapter ses pratiques & Pen- vironnement socioculturel, consolider les infrastructures, surmonter les difficultes d'equipement et d'approvisionnement, recruter des per- sonnels de qualit&

3.1. Facteurs cl imatiques

En comparaison avec le climat tempere, le climat tropical n'apporte que des inconvenients. Une chaleur trop elevee entraine un dysfonc- tionnement des appareils electroniques et genere des problemes ana- lytiques, car les reactions chimiques et surtout enzymatiques sont cali- brees et validees pour une ambiance temperee. Une trop forte humidite deteriore les composants electroniques en entrafnant une conden- sation d'eau sur les surfaces dont la temperature est inferieure & la tem- perature ambiante (zones refrigerees des automates de biochimie, par exemple). Elle favorise aussi le developpement de moisissures sur les optiques des microscopes, les lames de verre, les resines echangeuses d'ions des demineralisateurs, les filtres des hottes bacteriologiques, les feuilles d'archives, les murs, les milieux de culture, ainsi que dans les reactifs de laboratoire (en particulier ceux utilises pour les colo- rations tels que le methanol, le Giemsa, etc.). La proximite de lamer favorise la corrosion des circuits electroniques et des pieces metal- liques par le sel. I 'empoussierement d~ aux vents de sable, notamment dans les zones sahariennes et sub-sahariennes, a tendance & bloquer certains mecanismes des automates et & deteriorer les instruments optiques.

22 Revue Fran?aise des Laboratoire~, avri12005, N ° 372

Page 3: Le laboratoire d'analyses de biologie médicale référent en zone tropicale : exemple du réseau international des Instituts Pasteur

Le laborato i re en zone t ropicale

3.2. Access ib i l i t e des popu la t i ons aux ana lyses b io log iques

Que ce soit pour des raisons economiques ou climatiques, la qualite des voies routieres, fluviales, maritimes ou aeriennes peut g~ner le fonc- tionnement du LABM. Le mauvais etat des pistes, surtout pendant la saison des pluies, retarde le transport des prelevements depuis les structures peripheriques et emp¢che les malades de se deplacer. II n'est pas rare qu'ils confient alors leurs prelevements & un membre de la famille, & un coursier, voire & un chauffeur de taxi-brousse, au mepris des regles les plus elementaires de securite et de conserva- tion des echantillons.

De plus, les gouvernements des PED n'affectant que de faibles moyens & la sante, seule une minorite de la population a la possibilite de sous- crire une assurance de sante privee [3]. Meme dans ces rares cas, le systeme du tiers-payant n'existe generalement pas et les actes de biologie sont mal rembourses. Dans le cadre de la participation aux programmes de lutte contre I'infection VlH/sida, certains instituts ont ouvert un centre de depistage anonyme et gratuit (CDAG).

3.3. Con t ra in tes soc iocu l tu re l les

Differentes habitudes societales, traditions ethniques, representations culturelles et croyances religieuses s'accommodent mal des bonnes r¢gles d'exercice de la biologie medicale, telles qu'on se les represente clans les pays developpes.

Ainsi, un simple prelevement de sang veineux peut susciter de la reti- cence, de la frayeur, et parfois un refus categorique. Dans I'imaginaire de nombreuses populations, le sang est un fluide precieux, rare, sym- bole de vie. II leur est difficile de concevoir que les quelques millilitres preleves representent un volume negligeable par rapport au volume sanguin total. De m¢me, certains types de prelevements (genitaux ou Iocalises dans d'autres regions anatomiques jugees intimes) sont refu- ses Iorsqu'ils sont effectues par une personne du sexe oppose.

Outre la langue nationale et d'eventuels dialectes, il est toujours pre- ferable d'utiliser comme langue de travail une langue << internationale ,,, le plus souvent le frangais ou I'anglais dans le cadre du RIlE Lorsque la langue nationale n'utilise pas I'alphabet latin (le Khmer, par exemple), la traduction phonetique des noms de patients peut induire des erreurs Iors de la saisie informatique des dossiers : inversion de prelevements, non-identification de doublons, recherche d'archives infructueuses, etc.

Les patronymes peuvent egalement 6tre sources d'erreurs, soit parce qu'ils sont trCs repandus (par exemple : Nguyen au Vietnam), soit parce qu'ils sont trop longs pour la reconnaissance des homonymies (par exemple : Rakoto ou Raso & Madagascar). U arrive aussi que le patient ignore sa date de naissance, ce qui oblige & saisir une date par defaut du type 01/01/XX. Ceci peut gener I'identification du patient ou conduire & des confusions de dossiers.

Le secret medical est un principe qui n'est pas toujours bien respecte par le personnel medical ou paramedical du fait d'habitudes de vie com- munautaire, de la peur de dissimuler des informations ou de la persis- tance de reflexes acquis sous des regimes non democratiques. Souvent, le patient charge un tiers d'aller retirer ses resultats au laboratoire en lui confiant, par exemple, la facture des actes, sans toujours saisir la por- tee d'une telle delegation. Des reseaux d'usurpation d'identite peuvent s'organiser, avec tous les risques que cela entrafne en termes de confu- sion de dossiers Iorsque seules les assurances privees, les societes ou la fonction publique prennent en charge les frais de sant&

3.4. Infrastructures

C'est une source importante de difficultes qu'il est parfois difficile de surmonter. La qualite de la ma£onnerie, des toitures, des fermetures, de I'isolation thermique, de la plomberie, du reseau electrique, peut

Revue Franoaise des Laboratoires, avri12005, N ° 372

~tre assez mediocre. Dans les constructions les plus anciennes, 1'evo- lutivite des espaces a rarement et6 envisagee. Les laboratoires ont fre- quemment des hauteurs de plafond excessives et des surfaces de paillasse insuffisantes. L'epaisseur des murs et I'absence de gaines electriques ou informatiques constituent autant d'obstacles & I'elar- gissement ou & la redistribution des zones d'activit& Le necessaire entretien periodique et rigoureux des plans de travail est une t&che qu'il est souvent difficile de confier au personnel de menage.

La qualite de I'eau du reseau de distribution alimentant le laboratoire est un facteur crucial. Les impuretes (sable, microparticules organiques, etc.) peuvent obstruer les fines tuyauteries des instruments necessi- tant un debit d'eau important (par exemple : certains automates de bio- chirnie utilisant I'eau pour le rin?age des cuves). Le pH, la durete et la salinite de I'eau sont sources d'entartrage des systemes individuels de production d'eau distillee ou de la plomberie generale du labora- toire, rendant souvent impossible I'usage d'automates de biochimie ringant les cuves & I'eau. La presence de grandes quantites de germes dans I'eau peut contaminer certains reactifs, instruments ou materiels non sterilisables. Les frequentes coupures d'eau (en periode de seche- resse ou lots de ruptures de canalisations) genent I'entretien des sols et surfaces, le lavage des materiels reutilisables, etc.

I 'alimentation electrique est tres souvent perturbee par des variations de tension qui deteriorent les automates et les systemes informatiques et reduisent la duree d'usage des ampoules electriques, ce qui est tres dommageable Iorsqu'il s'agit d'ampoules de microscope & 6pifluo- rescence. Les ruptures d'alimentation, parfois prolongees, suspendent la majorite des activites du laboratoire tandis que la temperature des refrigerateurs et des congelateurs peut s'elever dangereusement.

La consommation de gaz est generalement assuree par I'utilisation de bonbonnes destinees aux usages domestiques dont on ne contrele pas bien la concentration en impuretes qui peuvent gener les mesures au photometre de flamme.

La chafne de froid est souvent deficiente clans les h6pitaux et les centres de sant& II est difficile de conserver et de conditionner les echantillons biologiques de maniere optimale et de les acheminer vers le LABM dans de bonnes conditions.

Les PED disposent tous d'un reseau telephonique, mais la qualite des communications est variable et la couverture de I'ensemble du pays n'est pas systernatique. En dehors des villes principales, les tele- communications ne sont generalement pas assez performantes pour utiliser la telephonie mobile, la telecopie ou la telematique avec les hSpitaux peripheriques, dispensaires et laboratoires collaborateurs. Uafflux des demandes d'acces sur internet depasse tr~s souvent les capacites des reseaux, ce qui entrafne des interruptions intempestives et des debits de connexion trop lents pour transmettre des documents volumineux ou faire une recherche bibliographique sur le web.

Le traitement des dechets de laboratoire est un souci constant des laboratoires de biologie installes dans les PED. En effet, il n'existe habF tueUement pas de fili~re specifique d'elimination des dechets biolo- giques ou chimiques. Les incinerateurs individuels, Iorsqu'ils existent, repondent rarement aux normes europeennes, internationales ou aux recommandations de I'OMS. De plus, les conteneurs destines & recueillir les dechets ainsi que les boftes & aiguilles sont d'un corot eleve.

Les envois d'echantillons pour des analyses specialisees sont Iimites par le manque d'emballages isothermes ou de carboglace, le coet des envois aeriens, les delais de transport pour les examens fragiles (caryo- type, groupage HLA, etc.), la contrainte des regles de transports inter- nationaux pour les echantillons infectieux (IATA).

3.5. l~qu ipements et app rov i s i onnemen ts

En raison de la faiblesse du marche potentiel, le choix des equipements, des consommables et des reactifs est limite par I'absence de reven-

23

Page 4: Le laboratoire d'analyses de biologie médicale référent en zone tropicale : exemple du réseau international des Instituts Pasteur

Le laborato i re en zone t ropicale

deurs specialises ou de representants de certaines marques. La main- tenance des automates ou des appareillages de moyenne ou haute technologie (systemes experts d'interpretation d'antibiogrammes, ondu- leurs de grande capacite, etc.) est souvent compromise par la faible efficacit6 des services apres-vente : delais longs, techniciens ou inge- nieurs real formes, absence de pieces de rechange en stock. Le co~t eleve des contrats de maintenance oblige beaucoup de laboratoires & effectuer des reparations au ,, coup par coup ,,. Suivant la r¢gula- rite du trafic aerien, la livraison de reactifs en provenance de I'etran- ger ou I'envoi d'¢chantillons & des laboratoires internationaux peuvent etre perturbes ou gravement retardes. Ainsi, la participation aux contr61es de qualite frangais peut etre compromise du fait d'une recep- tion des echantillons hors delais.

Les ruptures de stocks sont frequentes chez les revendeurs de reac- tifs, les delais d'approvisionnement sont souvent longs et le temps d'uti- lisation avant la date d'expiration parfois tr~s court. Ces difficultes concernent tout particulierement le contrele de qualite en hematolo- gie, le phenotypage lymphocytaire et certains disques d'antibiotiques. En revanche, les prix sont majores en raison des frais d'expedition et des taxes douanieres et il est souvent necessaire d'effectuer un regle- ment par anticipation. De ce fair, certains tests (western-blot VII-I, charge virale VlH, numeration des sous-populations lymphocytaires CD4/CD8, PCR, etc.) ont des cot3ts de revient bien superieurs aux moyens financiers des patients. Les marches Iocaux proposent des reactifs de production locale ou regionale, en particulier en Asie, tres competitifs en termes de prix et capables de remporter facilement les appels d'offre, mais dont la qualite n'a pas toujours ete dement vail- dee. II existe egalement des societes non homologuees par le construc- teur, vendant des automates neufs ou reconditionnes sans aucune garantie de fiabilit&

Pour ce qui concerne I'equipement informatique du LABM, les four- nisseurs Iocaux ne proposent souvent que des assemblages ben rnar- che, voire des contrefa9ons qui exposent a. des pannes & repetition. Certains laboratoires sont amenes & utiliser des Iogiciels entierement congus Iocalement ou inspires de modeles anciens. I'achat de Iogi- ciels eccidentaux presente aussi des inconvenients : coQt elev& aleas dans le service apres-vente, decalage horaire rendant difficile les ope- rations de telemaintenance, difficultes pour 6diter les resultats en plu- sieurs langues avec utilisation de caracteres non latins, complexite relative des Iogiciels par rapport au niveau de connaissances en informatique chez lee utilisateurs. Uemploi concomitant d'au moins deux monnaies differentes (monnaies nationales utilisees pour la facturation des actes et euros pour I'administration centrale et le paiement des commandes) et les fluctuations des taux de change compliquent la gestion financiere des LABM.

3.6. Ressources humaines

Dans les PED, le niveau de formation des personnels de laboratoire, toutes categories confondues, est generalement peu homogene. Peu de pays ont une ecole de techniciens de laboratoire avec un niveau d'equipement permettant I'organisation de travaux pratiques. Nombre de techniciens sent d'anciens aides-laborantins promus & I'anciennete sans avoir regu de formation theorique ou pratique complementaire. De meme, pour les medecins et les pharmaciens, la biologie medicale ne figure pas parmi les enseignements prioritaires des universites. Les enseignements post-universitaires, dont pourraient profiter les biolo- gistes, aussi bien nationaux qu'expatries, sont tres rares dans les PED. La constitution d'une bibliotheque scientifique de qualiteest tres co0- teuse et la reception des revues par la poste est soumise aux caprices des services postaux, tandis que la consultation de revues ,, on line ,, requiert des connexions internet de bonne qualit&

4. Comment pallier ces difficultds ?

Deux approches complementaires doivent 6tre envisagees : d'une part, la mise en place de moyens visant & ameliorer I'infrastructure gene- rale, les equipements et les approvisionnements, d'autre part la for- mation du personnel et I'adaptation des differentes etapes (pre-ana- lytiques, analytiques, post-analytiques) de fonctionnement du LABM.

4.1. Infrastructure

On n'installe pas un LAI3M n'importe 0~. II faut, chaque fois que c'est possible, choisir judicieusement I'emptacement des b&timents en evi- tant le front de mer, lee zones inondables, la proximit6 de grandes arteres de circulation et d'autres sources de pollutions. II faut 6gale- ment s'assurer de la fiabilit6 des entreprises, du respect des normes 61ectriques, de la qualite des materiaux de construction, de la plom- berie, de la climatieation. II faut s'assurer de la bonne evacuation des eaux usees et des eaux de pluie pour prevenir les inondations de Iocaux. Pour eviter le piege des appels d'offres dans lesquels le mieux- disant est habituellement celui qui propose des materiaux de moindre qualite, il est recommande de remplir le descriptif du cahier des charges avec la plus grande precision.

Le laboratoire dolt comporter des pieces seches et temperees, avec un enregistrement des temperatures, pour I'entreposage de certains reactifs, des consommables et des archives. II faut disposer aussi d'un nombre suffisant de chambres froides, de refrigerateurs et de conge- lateurs afin de gerer au mieux lee stocks de reactifs et d'eviter les rup- tures. Les pieces techniques devraient idealement etre climatisees en continu (l'interruption de la climatisation pendant la nuit ne genere pas de reelles economies, mais favorise les phenomenes de condensation ainsi que la degradation des reactifs stockes & temperature ambiante). Lorsque I'humidite est trop importante, il faut placer un deshumidificateur & proximite des appareils les plus sensibles. I'ouverture des fen~tres est & proscrire, meme en saison fraTche, afin d'eviter I'entree de pous- siere, de sable, d'insectes ou d'embruns marins. Les systemes d'en- registrement des temperatures (locaux, refrigerateurs, congelateurs) ou de I'alimentation electrique peuvent se reveler tres utiles Iors de la sur- venue d'evenements contraignant & laisser le laboratoire sans presence humaine (troubles politiques, penuries, greves, cyclones).

Dee stocks d'eau sont & prevoir en cas de Iongues ruptures d'ap- provisionnement, pour le nettoyage des mains, des sols, des paillasses, des materiels, des sanitaires, etc. Si le fonctionnement du LABM requiert de grandes quantites d'eau qualifiee pour la fabrication sur place de milieux de culture ou pour I'utilisation d'automates de bio- chimie, il est necessaire d'installer un systeme de filtration et de puri- fication (osmose inverse, resines echangeuses d'ions) avec un contrele de qualit6 interne (resistivite). ['eau delivree par les reseaux urbains etant rarement satisfaisante, il est preferable d'employer de I'eau dis- tillee pour reconstituer colorants et reactifs, de meme que pour la plu- part des techniques de coloration sur lame.

Bien que d'entretien coQteux, un groupe electrogene peut 6tre d'un grand secours & condition d'en verifier regulierement le ben fonc- tionnement, de le doter d'un systeme de declenchement automatique (notamment en cas d'orage) et de disposer de stocks suffisants de carburant. Afin de privilegier I'alimentatien continue des zones ,, sen- sibles ,, (chambres froides, congelateurs), il peut 6tre judicieux de leur affecter un circuit specifique, independant du circuit general (bureaux, eclairage exterieur, etc.). Meme si le laboratoire dispose de son propre groupe electrogene, il faut equiper lee automates, le sys- teme informatique, certains appareils delicats (microscopes & epi- fluorescence ou & camera digitale, par exemple) d'onduleurs individuels ainsi que de stabilisateurs de courant. Les onduleurs individuels peu- vent 6tre remplaces par un onduleur principal couvrant I'ensemble du reseau electrique, mais c'est un materiel cot3teux & I'achat ainsi qu'&

94 Revue Frangaise des Laboratoires, avril 2005, N ° 372

Page 5: Le laboratoire d'analyses de biologie médicale référent en zone tropicale : exemple du réseau international des Instituts Pasteur

Le laboratoire en zone tropicale

I'entretien. Un paratonnerre de bonne qualite doit proteger les lignes electriques et telephoniques du laboratoire.

4.2. I~quipements et approv is ionnements

Dans le choix des fournisseurs, il est souhaitable de s'orienter en prio- rite vers ceux qui, ayant une Iongue et solide implantation locale, assu- rent la qualite des services et la fiabilite des instruments. De plus, les fournisseurs ayant des marches volumineux arrivent plus facilement & garantir des prix interessants. Afin de reduire les coots de formation et de faciliter les rotations de personnel, il est preferable d'uniformi- ser le choix des automates ou des Iogiciels utilises sur plusieurs postes de travail. Meme avec un service apr~s-vente tres performant, les reven- deurs ne peuvent pas toujours assurer une reparation immediate. C'est pourquoi, il est recommande de prevoir une solution de rechange : automates de secours si I'on dispose de moyens financiers suffisants, semi-automates (compteur en hematologie, spectrophotometre en biochimie) ou techniques manuelles (cellules de Thomas ou de Malassez pour I'hematologie, par exemple). Le choix des appareils dolt s'orienter vers des instruments robustes privilegiant les composants mecaniques & I'electronique, parfois superflue, sans se laisser seduire par les dernieres nouveautes du marche qui n'ont pas encore fait la preuve de leur fiabilit& Lorsque des contraintes particulieres d'utilisation (enregistrement des temperatures par exemple) ne justifient pas I'achat de refrigerateurs ou de congelateurs chez un distributeur specialise, il est recommande d'acheter ce type de materiel dans le commerce local, en choisissant une marque d'electromenager reputee. Habituellement ,, tropicalis6 ,>, il sera plus facile & reparer ou A echan- ger rapidement en cas de panne.

Pour I'achat des reactifs, il faut identifier les fournisseurs capables d'as- surer des livraisons regulieres et acceptant de livrer de petites quan- tites Iorsque la duree d'utilisation est courte. Une gestion scrupuleuse des stocks permet de pallier d'eventuelles ruptures momentanees et paffois imprevisibles du revendeur local. Les commandes doivent 6tre prevues plusieurs semaines, voire plusieurs mois & I'avance, selon la nature des reactifs et I'origine de I'expedition. II faut prevoir de vastes chambres froides et des pieces de stockage seches et temperees pour conserver les stocks necessaires.

Lors de I'installation du reseau informatique du laboratoire, il est pre- ferable de s'adresser aux firmes qui garantissent un service apres-vente rapide et de qualite. II n'existe, semble t-il, que tres peu de concep- teurs de Iogiciels de laboratoire pouvant repondre aux besoins d'edi- tion des resultats en plusieurs langues avec un choix de police de caracteres adapt& Les grosses compagnies assurent generalement une telemaintenance. Cela suppose neanmoins des connexions tele- phoniques ou intemet de bonne qualit& II peut ~tre avantageux de se doter de systemes individuels de liaison par satellite, utiles egalement pour les autres activites de communication.

4.3. Ressources humaines et formations

Afin de compenser les difficultes locales de recrutement, la plupart des LABM du RIIP forment leurs techniciens de laboratoire sur place. La formation continue du personnel dolt ~tre une preoccupation perma- nente. Elle suppose une implication forte et continue des biologistes. Les formations specialisees doivent 6tre planifiees et prevues dans le budget des laboratoires pour permettre aux techniciens et aux cadres d'effectuer des stages & I'etranger. Les besoins de documentation peu- vent 6tre satisfaits aupres de sites internet donnant gratuitement acces & des revues scientifiques (exemple : http://www.freemedica/jour- nals.com/). En outre, les laboratoires installes dans les PED peuvent demander leur affiliation gracieuse & la bibliotheque ,, on-line ,, de I'Organisation mondiale de la Sante (http://www.healthintemet- work.org/) qui propose un large eventail de publications medicales et scientifiques.

4.4. Phase pre-analyt ique

On optera, dans la mesure du possible, pour des appareillages utili- sant un minimum de sang (micromethodes). Lorsque la culture ou la religion I'impose, il faut former des preleveurs des deux sexes. II ne faut pas hesiter A autoriser le conjoint ou la famille directe & assister au pre- levement. La salle de prelevements genitaux doit 6tre situee dans un endroit discret dont I'acces n'est pas visible de la salle d'attente. Si le LABM a des collaborateurs exterieurs habituels, il est souhaitable de leur fournir & I'avance tout le materiel de prelevements (seringues et aiguilles steriles & usage unique, tubes adequats, protocoles de pre- 16vement, etiquettes et bons d'analyse, etc.). II est conseille d'instau- rer des navettes pour le ramassage des echantillons dans de meilleures conditions de delai, de securite et de temperature. La saisie infor- matique des dossiers doit recueillir le maximum d'informations d'etat civil (tous les prenoms, la date de naissance, le sexe, I'adresse pre- cise, etc.), surtout quand le patronyme est tres repandu. Cette t&che doit 6tre confiee & des secretaires experimentees, utilisant des pro- cedures standardisees de traduction des noms Iorsque la langue natio- nale n'utilise pas de caracteres latins. On evite ainsi d'enregistrer une m~me personne consultant plusieurs fois sous plusieurs noms diffe- rents. Le chef du laboratoire doit veiller au respect du secret medical par les secretaires comme par I'ensemble du personnel et organiser le service de reception en consequence. II faut prevoir des procedures donnant aux patients la possibilite de se faire prelever de maniere ano- nyme, notamment pour les tests de grossesse, la serologie du VlH et la recherche de maladies sexuellement transmissibles.

4.5. Phase analyt ique

Elle doit respecter les recommandations du Guide de bonne execu- tion des analyses (GBEA) ou d'un autre referentiel (ISO 15189, par exemple) avec des procedures #crites, les plus claires possibles, dont on aura verifie la comprehension par tout le personnel technique en raison de la barriere linguistique [1,4, 5, 14, 16]. Les contrSles de qua- lite internes et externes doivent ~tre realises avec la m~me frequence que dans les LABM des pays developpes [6, 9]. De nombreux laboratoires du RIIP ont ainsi dej& obtenu une certification ou une accreditation internationale. D'autres sont des laboratoires nationaux de reference ou des centres collab0rateurs de I'OMS.

Compte tenu des conditions climatiques, il est important de verifier tr~s regulierement la calibration des instruments. Lors de I'acquisition d'au- tomates et de divers appareils de laboratoire, il est important de choi- sir le revendeur ayant la meilleure reputation de service apres-vente (competence, rapidite d'intervention, mise & disposition d'un appareil de remplacement en cas d'immobilisation prolongee) et de negocier avec lui, des la raise en service, les contrats de maintenance les plus longs possibles. Pour les petites reparations, il faut pouvoir disposer d'un technicien polyvalent A qui on fera suivre les stages de mainte- nance proposes par les societes qui commercialisent le materiel de laboratoire. Le biologiste lui-meme ne doit pas hesiter & mettre & pro- fit I'installation des appareils ou les interventions sur panne pour se familiariser avec le fonctionnement de son parc de materiel.

Pour les analyses tres specialisees ou rarement demandees, il faut prevoir des connexions avec des laboratoires experts nationaux ou internationaux.

4.6. Phase post-analyt ique

Ici encore, il faut s'adapter aux conditions locales. L'archivage doit etre fait chaque jour, sur un second support liable (deuxieme disque dur du serveur ou CD-ROM). Cela ne dispense pas de conserver les archives sur papier mais il faut s'assurer que I'endroit de stockage est sec, tempere, & I'abri des inondations eventuelles et bien protege des intrusions de toutes sortes. La constitution d'une biotheque (sero-

Revue Fran?aise des Laboratoires, avri12005, N ° 372 25

Page 6: Le laboratoire d'analyses de biologie médicale référent en zone tropicale : exemple du réseau international des Instituts Pasteur

Le laborato i re en zone t ropicale

theque, souchier de microorganismes) est tr~s importante car eUe per- met de recontrSler des resultats (par exemple Iorsqu'on s'aper£~oit a posteriori qu'il y avait un probleme sur un lot de r6actif) mais aussi de realiser des enqu~tes retrospectives dans le respect des r~gles d'ethique. Enfin, I'enl6vement et le traitement des dechets du labora- toire ne doivent pas ~tre neglig6s ; en I'absence d'entreprise sp6cia- lisee, il faut utiliser un broyeur-d6sinfecteur pour d6chets d'activit6 de soins & risques infectieux, conforme aux normee europ6ennes.

5. Conclusion

~ exercice de la biologie medicale en milieu tropical comporte de nombreuses particularites. Le biologiste dolt consentir un effort

d'adaptation permanent afin d'affronter des situations auxquelles sa formation universitaire nera pas reellement prepar6. Le Reseau inter- national des Instituts Pasteur r6unit un ensemble de LABM ben6ficiant de rexperience de plusieurs g6n6rations dans rexercice de la biolo-

gie m6dicale sous les tropiques. Toutefois, les remarquables progres scientifiques r6alis6s dans le domaine du diagnostic biologique au cours des trois derni6res decennies ont surtout 6t6 exploit6s par les pays d6velopp6s. Transf6r6es dans les PED, les nouvelles techniques ne profitent pas aux malades qui en ont le plus besoin. En concenta- tion avec les medecins prescripteurs, les biologistes des LABM des PED doivent imaginer une biologie diff6rente, prenant en consid6ra- tion les contraintes environnementales, les priorit6s de sant6 publique et les moyens economiques des populations. ,&, cet ~gard, la biologie sous les tropiques ne dolt plus se contenter du transfert et de I'adaptation des pratiques d6velopp6es dans les pays du nord. Imaginative et innovante, elle dolt ~tre d'abord au service des hommes.

Remerciements : nous souhaitons remercier tous les colli~gues qui, de part leurs travaux, ont permis d'illustrer d'exemples ce texte, ainsi que le Dr Jean-Louis Sarthou pour la relecture du manuscrit et ses commentaires.

26 Revue Fran?aise des Laboratoires, avri12005, N ° 372