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Pourquoi pas N o 2 / EST. 2012 VOTRE EXEMPLAIRE GRATUIT le Cap sur l’Islande : embarquez à bord du journal francophone le plus septentrional d’Europe

Le Pourquoi Pas / 2013

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Cap sur l’Islande: embarquez à bord du journal francophone le plus septentrional d’Europe

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Page 1: Le Pourquoi Pas / 2013

Pourquoi pasNo2 / EST. 2012 VOTRE EXEMPLAIRE GRATUIT

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Cap sur l’Islande : embarquez à bord du journal francophone le plus septentrional d’Europe

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Nous sommes heureux de lancer le deuxième numé-ro du Pourquoi Pas, desti-

né à tous les francophones curieux de découvrir l’Islande. Le Pourquoi Pas est né en février 2012 lorsque deux membres de la future équipe sont allés enquêter sur les traces des pêcheurs d’Islande dans les Fjords de l’Est. Ensuite, tout est allé très vite. Un premier numéro a vu le jour l’été 2012 et l’aven-ture continue encore et toujours avec le lancement du site (www.lepourquoipas.is) et la publication du second numéro que vous tenez entre vos mains.

Le Pourquoi Pas est un journal en français donc. Mais alors, pour-quoi publier dans la langue de Molière au soixante-sixième degré nord ? Deux réponses à cette ques-tion :

1. Pourquoi Pas ?!

2. Parce que c’est une évidence pour nous.

La vie des fondateurs du journal est intimement liée à la France et à l’Islande. Nous passons notre temps à observer les deux pays avec tendresse et intérêt. Lorsque les vagues de touristes franco-phones se sont faites de plus en plus puissantes dans le Grand Nord, nous avons vite compris

que notre connaissance des deux pays pouvait être utile à beau-coup. Certes, des publications sont d’ores et déjà disponibles pour les voyageurs se rendant en Islande : brochures, cartes, journaux… mais tout est rédigé dans la langue de Shakespeare !

Face à ce constat, notre entreprise résulte d’une démarche modeste-ment qualifiée de philosophique. La diversité est ce qui fait la beau-té de ce monde. S’il existe 6000 langues, pourquoi se limiter à l’anglais ? Publier en français est original et répond à un besoin réel des voyageurs sur le terrain. Cette démarche invite par ailleurs les Nordiques à se pencher de plus près sur une langue latine. Bref, cela ne peut qu’encourager les relations entre la francophonie et l’Islande.

D’autre part, les rédacteurs du Pourquoi Pas ont décelé une ten-dance des papiers anglophones à se « hypster –iser » et à se poser en maîtres du bien-pensant. Le Pour-quoi Pas, lui, se veut à la fois ten-dance, cool, futile, ringard, réac-tionnaire, bohème, drôle, ridicule, et avant-gardiste.

Le Pourquoi Pas a vocation à être un papier ouvert à toutes les cultures, du moment que l’Is-lande demeure le sujet principal.

Dans notre premier numéro par exemple, une demi-page était ré-digée en italien et nous espérons continuer à évoluer dans ce sens.Les thèmes du Pourquoi Pas sont divers et variés : culture, danse, cinéma, art, politique, sexe, mode, billets d’humeur, et photographie y sont entre autres traités. Vous y trouverez également des inter-views et des reportages. Le Pour-quoi Pas n’est fermé à aucune opi-nion et encourage la participation de ses lecteurs.

Le Pourquoi Pas est un guide pour les voyageurs se rendant en Islande.

Le Pourquoi Pas fait rêver ceux qui le lisent à l’autre coin du globe.

Le Pourquoi Pas amuse les franco-phones vivant en Islande.

Le Pourquoi Pas a un lectorat po-tentiel de 35 000 personnes, ce qui est parfait pour rester fantaisistes (dans le sens où on fait ça entre nous, dans la confidence) tout en maintenant naturellement un mi-nimum de sérieux.

Bonne lecture à vous, et si l’en-vie vous prend, envoyez-nous quelques lignes… rédigées dans la langue de votre choix !

FONDATEURS :Lea Gestsdóttir GayetBergþóra JónsdóttirVirginie Le BorgneSerge Ronen

RÉDACTRICES EN CHEF :Lea Gestsdóttir Gayet et Virginie Le Borgne

JOURNALISTES :Lea Gestsdóttir GayetVirginie Le BorgneSébastien MarrecSerge Ronen

GRAPHISME :Bergþóra Jónsdóttir

SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : Axelle Detaille

ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO : Axelle Detaille, Viktor Gestsson Gayet, Corinne Leleu, Gilbert Muller

PHOTOGRAPHES : Lea Gestdóttir GayetVirginie Le BorgneRyan MarlenJulien RatelSimon Steel

REMERCIEMENTS :La liberté et l’optimisme débor-dant islandais, tous ceux qui ont soutenu ce projet par leur confi ance et leur fi nancement, la France, l’Islande. Sandra Dwarf. Rut Ingólfsdóttir. Þorleifur Gunnar Gíslason. Un grand merci à Arnór Bogason pour la création de notre site web.

IMPRESSION :MorgunblaðiðHádegismóum 2,110 Reykjavik Islande

Le LPP se veut un journal ouvert à toutes sortes d’opinions. Pour soumettre des articles ou des bil-lets d’humeur, veuillez envoyer un courrier électronique à l’adresse suivante : [email protected]

Visitez aussi notre site web : www.lepourquoipas.is

N°2 — Édito

MANIFESTE du Pourquoi pas 64°08 N – 21°56 WPar Lea Gestsdóttir Gayet - Photo : Julien Ratel

IL S’EN EST PASSÉ DES CHOSES EN ISLANDE DEPUIS L’ÉTÉ DERNIER !

Nous avons un nouveau gouvernement, le président de la Répu-blique a eff ectué une visite offi cielle en France et les Islandais ont fi ni 18e à l’Eurovision. Et surtout, les Islandais ont enfi n réussi à battre l’équipe de France de handball ! Il est diffi cile de rendre compte d’une année entière dans un seul numéro de 16 pages, c’est pourquoi nous vous renvoyons vers notre site web le reste de l’année (www.lepourquoipas.is). Pour cette seconde édition, l’équipe du Pourquoi Pas vous propose un journal axé autour des fi gures principales de la vie publique islandaise. On essaiera de comprendre comment le gouvernement considéré comme étant responsable de la crise a pu remporter aussi facilement les élections législatives. On se penchera aussi sur la vie culturelle, en découvrant ce qui fait la spécifi cité du cinéma, de la musique et de la littérature islandaise. On fera un détour par la mode, en comparant les tendances de Reykjavík à celles de Paris. Enfi n, cette édition 2013 sera ponctuée de portraits d’Islandais de tous

genres !

Bonne lecture et surtout,

bon séjour en Islande !

LEA GESTSDÓTTIR GAYET BERGÞÓRA JÓNSDÓTTIR VIRGINIE LE BORGNE AXELLE DETAILLE SERGE RONEN

LE POURQUOI PAS

ENTRE PARIS ET REYKJAVIK

ENTRE L’ÉQUATEUR ET LE CERCLE POLAIRE

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Âgé de 58 ans, François Hollande a fait ses classes à l’Ecole Nationale de l’Administration (ENA). D’abord magistrat à la Cour des comptes, il est ensuite avocat. Il devient premier secré-taire du parti socialiste en 1997, poste qu’il occupera pendant onze ans. Il est également maire de Tulle, une commune du Sud-Ouest de la France, entre 2001 et 2008.

Le « président normal » a pris la tête du pays le 15 mai 2012. Socia-liste, il a été élu sur des valeurs telles que la justice sociale et l’égalité.

Il rencontre sa première compagne, Ségolène Royal, lors d’une soirée de l’ENA dans les années soixante-dix. De leur union naîtront quatre enfants. L’annonce de la séparation de François Hollande et Ségolène Royal est annoncée le soir du deuxième tour des élections législatives de 2007. Trois ans plus tard, il offi-cialise sa relation avec Valérie Trierweiler, journaliste. Cet épi-sode continue d’alimenter beaucoup de rumeurs.

Ólafur, 70 ans, est originaire de Ísafjörður, dans les Fjords de l'Ouest. Il a épousé en secondes noces, Dorrit Moussaief, descen-dante de Ghenghis Khan. Il a été élu 4 fois président, sa dernière victoire remontant au 30 juin 2012.

Le président n’exerce en Islande qu’une fonction de représenta-tion. Le pouvoir exécutif se trouve entre les mains du Parlement. Les élections qui déterminent l’action politique de l’Islande sont de ce fait les législatives.

Ólafur doit sa popularité à son refus de ratifier les accords Icesave négociés par le gouvernement de gauche, ce qui explique en partie le succès de la droite aux dernières législatives.

La résidence officielle du Président de l'Islande est Bessastaðir, à 10 km de Reykjavik. Il n’y a pas de sécurité au portail et tout Islan-dais peut pratiquement se rendre sur le perron de son président.

La voiture officielle du Président de la République est facilement reconnaissable : la plaque d’immatriculation porte le numéro 1.

ÓLAFUR RAGNAR GRÍMSSONFRANÇOIS HOLLANDE

N°3 — Politique

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N°4 — Politique

ÉLECTIONS LÉGISLATIVES : la gauche fait naufrage, la droite reprend le gouvernail, les pirates à l’abordage

Le LPP revient sur les élections législatives d’avril dernier qui ont mené la droite au pouvoir. Cette même droite tenue pour res-ponsable de la crise financière en Islande. Comment expliquer ce virement de bord ?

L’Islande sous un gouverne-ment formé par une coalition de partis de gauche pendant quatre ans ? Certainement une anomalie pour une nation qui, depuis son indépendance en 1944, a toujours été gouvernée par une coalition de partis de droite, par le seul Parti de l’in-dépendance ou plus rarement par une coalition entre ce der-nier et la gauche. C’est en tout cas ce que semble montrer la victoire de l’actuelle opposition aux élections législatives du 27 avril dernier, qui renouvelaient les 63 membres du Parlement islandais, l’Alþingi, pour les quatre prochaines années.

Les résultats signent le retour des partis de droite qui ont gouverné ensemble entre 2003 et 2007, le Parti de l’indépen-dance (conservateur) et le Parti du progrès (centre-droit et agra-rien). Les partis de gauche de l’actuelle coalition, l’Alliance (social-démocrate) et le Mou-vement des verts (socialiste et écologiste), ont donc été dure-ment sanctionnés : ils ne sont pas seulement revenus à leurs scores habituels d’avant 2007 ou 2009, dates auxquelles ils avaient connu des résultats his-toriques, mais ont obtenu des scores largement inférieurs. Le Parti de l’indépendance est ar-rivé en tête avec 26,7 % des voix, soit trois points de plus qu'en 2009 mais dix de moins par rap-port à 2007. Le Parti du progrès, qui avait enregistré son plus mauvais score en 2007 avec 11,7 % des voix, réalise une percée en atteignant 24,4 %. L’Alliance plonge à 12,9 % (29,8 % en 2009) et le Mouvement des verts à 10,87 % (21,7 % en 2009), son plus mauvais score depuis 2003.

Personne, l'an dernier, n’aurait présagé cette popularité du Par-ti du progrès, apportée par son opposition répétée et stricte à tous les plans de rembourse-ment des épargnants lésés par la faillite de la banque en ligne Icesave, filiale de l’une des trois principales banques du pays. En janvier, le parti était aux pre-mières loges pour se féliciter du jugement de la Cour de l’Asso-ciation Européenne de libre-échange, qui a donné raison à l’Islande contre le Royaume-Uni et les Pays-Bas, principaux États où la banque était implan-tée. Les Islandais s’étaient déjà opposés à deux reprises à des compromis de remboursement directement négociés par les gouvernements concernés via des référendums. Le Parti de l’indépendance était lui favo-rable aux offres de rembourse-ment, ce qui a nui à ses résultats, alors que son leader a souffert de contestations internes au parti et d’un manque de légiti-mité.

Euroscepticisme et désaveuLes résultats de cette élection ne sont pas une surprise dans la mesure où, d’une part, les sondages donnaient depuis le départ les partis d’opposition gagnants, et si l’on prend en compte, d’autre part, un euros-cepticisme croissant chez les Islandais ces dernières années, avec la crise de la zone euro. Le gouvernement actuel avait pré-senté sa candidature d’adhésion à l’Union européenne en 2009, sans que la légère approbation publique traduisît une soudaine ferveur populaire pour cette perspective. Même si un réfé-rendum portant sur la signa-ture d’adhésion était annoncé à l’issue des négociations (actuel-lement en pause), le retour de la droite signifie leur arrêt pur et simple. Si le Parti de l’indépen-dance est historiquement hos-tile à toute entrée dans l’Union, le Parti du progrès avait fait évoluer sa ligne politique sur

le sujet en annonçant en 2009 son soutien à la candidature d’adhésion, avec néanmoins des demandes de concessions. Il est depuis revenu à ses pre-mières amours, c’est-à-dire à une opposition farouche. Les deux partis n’ont pas précisé de date pour un référendum por-tant sur la poursuite ou non des négociations, qu’ils ont cepen-dant promis. La perspective de voir l’Islande devenir le 29e État de l’Union après la Croatie s’éloigne durablement.

Les résultats historiquement bas des deux principaux partis de gauche apparaissent aussi comme une dure sanction à

l’égard de la coalition qui a dû prendre les rênes du pouvoir dans des conditions inédites, juste après le début de la crise financière. La contestation était alors à son comble avec la révélation de scandales publics, la succession d’importantes manifestations et la démission du gouvernement. Élu davan-tage dans l’espoir d’un retour à l’ordre économique que pour des motifs idéologiques, le nouveau gouvernement s’était d’ailleurs résolu à des décisions impopulaires contraires à ses promesses : une augmentation nette des impôts et des taxes (notamment sur la propriété), la réduction générale des dépenses publiques, la reprivatisation des banques… Si la gauche avait

rempli les critères de satisfac-tion du FMI, elle a déçu ses élec-teurs traditionnels mais aussi ceux qui par mécontentement s’étaient tournés exceptionnel-lement vers elle lors des précé-dentes élections. Malgré la ré-sorption du chômage, elle s’est montrée incapable de redonner aux Islandais les niveaux de re-venus d’avant la crise et surtout de régler l'épineux problème de l'endettement privé. Celui-ci est resté la préoccupation pre-mière de nombreuses familles condamnées à rembourser à des taux prohibitifs des emprunts contractés avant la crise pour acheter des biens qui ont de-puis souvent perdu une grande

partie de leur valeur. Quant au Mouvement vert-gauche, son opposition à l’adhésion à l’Union qu’il partage avec la droite ne l’a pas vraiment sau-vé. La pratique du pouvoir en coalition avec un parti qui est lui favorable à cette entrée l’a affaibli. Les dissonances entre députés de la majorité, souvent au sein du même parti, ont d’ailleurs porté atteinte à la co-hérence gouvernementale et à l’avancement des projets de lois ces quatre dernières années.

L'irruption des piratesCe désaveu a certainement bé-néficié au Parti Pirate islandais, fondé sur le modèle du Pirat-partiet suédois, et qui comme lui, s’attache à promouvoir

le libre partage des données informatiques, la suppression des droits de copyrights, des brevets et à défendre la protec-tion de la vie privée en général. Créé en novembre dernier, il a récupéré une partie des voix protestataires et a obtenu suf-fisamment de suffrages pour être représenté, même s’il faut garder à l’esprit que l’électorat des « petits partis » est très vola-til en Islande et que les Pirates ont en quelque sorte remplacé le défunt Mouvement civique de 2009. L’Avenir brillant (Björt Framtíð), un autre nouveau venu issu du Meilleur parti (Besti flokkurinn) fondé no-tamment par l’actuel et excen-trique maire de Reykjavik, Jón Gnarr, a décroché 8,3 % des voix. Il veut dans sa pratique donner une nouvelle conception de la politique et est aussi favorable à l’Union européenne.

Le retour à une coalition sem-blable à celle d’avant la crise, rejetée et jugée pour son cor-poratisme et sa responsabilité dans la crise, ne manque pas de soulever des interrogations : quid de la nouvelle Constitu-tion, déjà à moitié enterrée ? Du bureau du procureur spécial enquêtant sur les affaires de corruption et de crimes finan-ciers ? De la réforme du sys-tème des quotas de pêche ? Et du changement de monnaie ? Les promesses électorales des partis de droite ne peuvent pas rassurer ceux qui se sou-viennent de la politique menée avant la débâcle, et qui ne com-prennent pas que la faculté à oublier puisse aller jusqu’à vo-ter pour les mêmes partis tenus responsables de celle-ci. Mais l’Islande est encore une jeune démocratie qui préfère pros-pecter l’avenir comme thérapie aux erreurs de son proche passé. Jusqu’à la prochaine crise.

64°08 N – 21°56 WPar Sébastien Marrec

RÉSULTATS DÉFINITIFS DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES (en nombre de députés par parti)

19 19 7 9 3 6

PARTI DE L'INDÉPENDANCE

PARTI DU PROGRÈS

MOUVEMENT VERT-GAUCHE

ALLIANCE

PARTI PIRATE

AVENIR BRILLANT

MALGRÉ LA BAISSE DU CHÔMAGE, LES ISLANDAIS N'ONT PAS RETROUVÉ LEURS REVENUS D’AVANT LA CRISE.

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N°5 — Découverte

ÉLECTIONS LÉGISLATIVES : la gauche fait naufrage, la droite reprend le gouvernail, les pirates à l’abordage

Il est des paysages qui ne se contentent pas de flatter le re-gard, ils ont le fascinant pouvoir de vous toucher au plus profond de l’âme… Des paysages que l’on ne ressent et n’apprivoise totale-ment qu’une fois les yeux fermés.

Comme son nom l’indique dans la langue des anciens Vikings, Fjallabak se cache derrière les montagnes. Au milieu des sombres décors de basalte noir, en Islande, quelque part se trouve une oasis de couleurs qui semble directement échappées des palettes des plus grands peintres impressionnistes. Elle est le chef d’œuvre d’un génie excentrique.

Ici c’est la rhyolite qui domine. Roche composée en majeure partie de silice, elle se caracté-rise par ses couleurs allant d’un vert profond à un jaune éclatant en passant par un rouge flam-boyant.

Gigantesque caldeira effondrée, la région est issue de la forge du Tórfajökull, un des volcans centraux les plus productifs

d’Islande. Âgé de plusieurs millions d’années, il entame sa phase de déclin. Les éruptions se font plus rares et l’activité géothermique devient domi-nante. Façonnée ces 10 00 der-niers siècles, Fjallabak est la révérence d’un artiste qui tient à laisser son empreinte dans l’éternité.

Le site jouit d’une exception-nelle combinaison d’activité volcanique, de géothermie, et de glaciers… Un concentré d’Islande en une seule région ! Les autorités ne s’y sont d’ail-leurs pas trompées en déclarant Fjallabak et ses 47 000 hectares réserve naturelle en 1979.

L’Islande s’engage ainsi dans divers programmes incluant la préservation des sites, de la faune, de la flore et la préven-tion de toute dégradation. À l’heure de l’arrivée du tourisme de masse, il est vital de préser-ver ses joyaux les plus précieux et les plus fragiles.

L’isolement des hautes terres et leur climat rude poussent la

faune et la flore à rester muettes dix mois de l’année. Elles n’ont que deux mois pour crier au monde leur existence et c’est à ce moment qu’il faut les abor-der.

La majorité des touristes qui s’aventureront dans ces hautes terres farouchement inacces-sibles neuf mois par an la tra-verseront d’est en ouest. Ils s’offriront un arrêt à Landman-nalaugar, présenté inexorable-ment comme l’endroit imman-quable du site.

Massif dantesque de montagnes multicolores abritant de déli-cieuses sources chaudes (37° environ), Landmannalaugar remplit parfaitement sa mission de dépaysement et de donner un aperçu de la nature sauvage islandaise. Image que retiendra la majorité des visiteurs, l’obsi-dienne noire du Laugahraun au milieu de ces montagnes arc-en-ciel est à couper le souffle.

Ils omettront les atouts majeurs de la région comme Ljótipól-lur (le lac hideux) : un cratère

rouge sang abritant des eaux turquoises qui n’a de laid que le nom. Ils manqueront aussi Fros-tastaðavatn avec son champ de lave originel plongeant dans un lac vert émeraude.

La grande partie des innom-brables trésors de Fjallabak ne connaîtra pas l’affluence du Landmannalaugar. L’essence même de cette région est qu’elle ne se livre qu’à ceux qui quittent les sentiers battus et s’aven-turent hors des routes touris-tiques. Chaque année une poi-gnée d’irréductibles passionnés, carte à la main, s’imprègne de son atmosphère et apprend les noms des moindres montagnes, lacs et pierres… Comme pour se rapprocher au plus près de cet endroit unique au monde.

Les plus téméraires d’entre eux tenteront le trek de Laugave-gur, un incontournable pour les amoureux de la nature. 54 km en quatre jours dans les hautes montagnes islandaises. Une aventure unique pour prendre le temps de voir les paysages dé-filer et les laisser nous pénétrer.

Plusieurs milliers de téméraires y usent leurs semelles chaque année en moins de trois mois.

Loin de dresser la liste des rai-sons de découvrir Fjallabak, loin de peindre une description inexorablement en deçà de la réalité de sa beauté, je ne peux que vous encourager à vous lan-cer dans l’exploration de cette contrée superbe.

Abordez-la sans à priori, sans itinéraire précis; laissez-vous porter par votre intuition. Elle seule sera votre boussole et vous amènera à bon port. Fjallabak se découvre de cette manière, les yeux fermés, l’âme ouverte à la rencontre de cet autre qui vous transforme.

Sachez vous présenter à elle nu de toute appréhension et elle laissera à jamais son empreinte en vous. Il est des beaux pay-sages et il est des paysages que l’on n’oublie pas… Ceux qui s’ancrent dans votre imaginaire pour ne plus vous quitter, Fjal-labak fait définitivement partie de cette catégorie.

FJALLABAK : quand la nature joue les peintres impressionnistes

63°56 N 19°03 WPar Gilbert Muller - Photo : Julien Ratel

Le plus français des cafés d 'Islande

KAFFI SUMARLÍNA

Buðavegur 59 • 750 Fáskrúðsfj örður • Téléphone 475 – 1575 www.sumarlina.123.is • [email protected]

Crêpes et gaufres – spécialités de fruits de mer, d'agneau et pizzas.

Dans le « village français » des Fjords de l’Ouest

Page 6: Le Pourquoi Pas / 2013

Dans cette interview, le mot « dating » sera prononcé une fois, celui de « rigolo » deux fois, et « Is-lande », un nombre incalculable.

On n’aurait pas pu rêver meilleure interview : le jour où nous ren-controns l’équipe d’Air d’Islande, le fondateur est aphone. Cible de moqueries, Ari, à l’allure froide, se détend au fur et à mesure que son verre se vide de thé à la menthe. Heureusement pour nous, un filet de voix s’échappe de sa bouche. Nous prêtons l’oreille plus qu’à l’accoutumée.

Charlotte se souvient : En 2000 je suis allée en Islande pour la pre-mière fois. C’était aussi mon pre-mier voyage toute seule. J’ai eu un énorme coup de cœur. Mon meil-leur ami est parti s’installer là-bas. Il était question que j’y vive. Au début, dans Air d’Islande, je m’occupais de la presse. Je suis dé-sormais également en charge de la production et la programmation.

Air d’Islande : Hvað er það?Ari et Charlotte nous racontent le festival Air d’Islande. Voici le fruit de leur pensée. Pour plus d’informations sur la prochaine édition, consulter le site web d’Air d’Islande ou la page Facebook.

Ari : Fin 2007 on a travaillé avec des programmateurs motivés par le projet. On a projeté 14 films à Paris pour la première édition, à la

filmothèque. On a eu des subven-tions de l’ambassade d’Islande en France, de la ville de Reykjavik et quelques sponsors privés. C’était rigolo. Ensuite il y a eu l’édition de décembre 2008, c’était deux mois après le krach en Islande. C’était un pari. On avait invité le réalisa-teur de Nói albínói et Solveig Ans-

pach. Pour la deuxième édition, on a voulu rajouter la musique tout simplement parce qu’on avait déjà projeté tous les films islandais ! C’était vraiment rigolo, sinon j’au-rais arrêté depuis longtemps.

Charlotte : On essaye de ne pas se mettre la pression !

Ari : Avec Charlotte, nous nous sommes rencontrés en faisant du dating sur Internet (rires) !Charlotte : S’il y a une idée qui jaillit, c’est l’émulation !

Ari : Charlotte est très indé-pendante dans le projet. Moi je

m’occupe surtout des relations avec l’Islande, des subventions et de l’art contemporain. Il n’y a pas de vraie hiérarchie entre nous , c’ est très égalitaire nous travaillons ensemble.

Charlotte : Pour que d’autres gens travaillent avec nous, il faut qu’ils soient passionnés par l’Is-lande. On n’est pas une agence de voyages ! Ari et moi aimons des styles musicaux différents.

Ari : Il n’y a pas que de la folk éthé-rée atmosphérique en Islande, y’a aussi du hip hop !

Charlotte : Il y a une culture hal-lucinante en Islande par rapport au nombre d’habitants. Si les Français sont autant attirés par l’Islande c’est sans doute parce qu’il y a un lien historique entre les deux pays.

Une personnalité marquante dans l’histoire d’Air d’Islande ?Ghostigital, For a Minor Reflec-tion et Lazyblood.

www.airdislande.comwww.facebook.com/airdislande

Raison n°1 : La musiqueJ’y vais d’abord pour découvrir des groupes ou chanteurs islandais que je ne connais pas encore. L’avantage avec le pass du festival : on peut tout essayer sans a priori. Si on aime, tant mieux, si on n’aime pas …on change de lieu. Il y a des dizaines de concerts chaque soir dans Reykjavik, de quoi satisfaire sa boulimie de nouveautés.

J’y vais aussi pour voir ou revoir sur scène les groupes qui ne se produisent pas ou peu en France. L’occasion d’aller au concert de Gus Gus, groupe qui se fait très rare, ou Retro Stefson, qui prend toute son ampleur en live.

La diversité et l’originalité des lieux de concerts est surprenante. Dans la plus petite salle de concert du monde, Eldhús (capacité de deux musiciens et cinq spectateurs), on assiste à une performance plus qu’intimiste. Heureusement, le concert est aussi diff usé à l’extérieur sur écran géant. D’autres lieux magiques existent comme Kex Hostel. Cette ancienne usine de biscuits transformée en auberge de jeunesse possède un salon vin-tage qui off re un cadre propice à des concerts également très intimistes avec, en prime, une vue magnifi que sur le Mont Esja.

Avant de quitter l’Islande, j’aime aller prendre un café confortablement installée dans le canapé chez 12Tonar pour faire ma sélection d’albums non commercialisés en France. De retour à Paris, je fais découvrir à mes amis mes trouvailles, on se nettoie les oreilles ensemble ! Cette année j’avais ramené dans mes bagages l’album d’Asgeir Trausti.

Raison n°2 : L’occasion de découvrir Reykjavik « la délaissée » et de faire du tou-risme hors saisonSéjourner dans la capitale pendant le festival est l’occasion de mieux découvrir Reykja-vik. Chaque soir, les concerts se déroulent aux quatre coins de la ville. J’en explore son plan avec attention et découvre des tas d’endroits pas forcément mentionnés dans les guides touristiques !

J’ai pris le temps de connaître tous les musées, sans oublier de tremper mon maillot de bain dans bon nombre de piscines thermales pour me remettre en douceur de mes soirées tumultueuses.

En fonction de la météo, on peut aussi prévoir de sortir de la ville pour s’immerger dans la nature et s’off rir une dose d’adrénaline supplémentaire. En février, j’ai profi té de ma venue au Sonar pour expérimenter la marche sur glacier !

Il n’est pas rare non plus de croiser les artistes dans Reykjavik la journée. On a beau se répéter que c’est normal car ils habitent là, cela fait quand même quelque chose de croiser Björk ou Jónsi marchant dans les rues !

Raison n°3 : Les échanges de bons plans entre festivaliersÇa discute beaucoup entre festivaliers, la bière islandaise aidant les langues à se délier. Tout savoir sur les concerts de la veille qu’on a loupés, ceux à ne pas rater, et, surtout, les lieux où on mange bien et endroits sympas pour boire un verre. Le festival est une plateforme d’échange de bons plans et de recommandations éclairées entre festiva-liers !Pour moi qui anime une communauté sur les réseaux sociaux en France, c’est l’occa-sion de rencontrer en vrai mes « amis virtuels », surtout ceux qui habitent en province.

Pour couronner le tout, avec un peu de chance, vous pourrez apercevoir une aurore boréale dans le ciel de Reykjavik. Les deux festivals se déroulent en hiver, soit la bonne période !

N°6 — Culture / Musique

LE FESTIVAL Air d'Islande48°51 N – 2°21 EPar Lea Gestsdóttir Gayet et Virginie Le Borgne

PORTRAIT

ARI ALLANSSON

:

Je suis né en 1975. J’ai fait des études de cinéma puis un master en 2007. Je réalisais mes propres fi lms et quelques projets commerciaux. J’ai fondé Air d’Islande en 2007 : au début ce n’était qu’un festi-val tourné vers le cinéma mais progressivement la musique a pris une place de plus en plus importante. Cependant, Air d’Islande reste un festival ouvert et libre. On peut faire du tricot, des dégustations de produits islandais comme aller voir un concert. C’est cet esprit d’ ouverture et de liberté qui nous guide depuis

le début.

PORTRAIT

CHARLOTTE SOHM

:

Je suis née en 1980 à Paris. J’ai fait des études de ciné-ma. Puis de la production et de la communication dans des salles de concert. J’ai deux passions : le cinéma et la musique. J’ai débarqué dans Air d’Islande en 2010, pour la deuxième édition donc. À l’heure actuelle je travaille dans plusieurs boîtes diff érentes, je m’occupe par exemple du festival Africo-

lors. Je suis intermittente.

CORINNE LELEU, PRÉSIDENTE DU COLLECTIF ICELAND-ISLANDE ET GRANDE AMATRICE DE MUSIQUE, EXPLIQUE AU LPP POURQUOI ELLE FRÉQUENTE ASSIDÛMENT LES DEUX FESTIVALS MAJEURS DE L’ÎLE : AIRWAVES ET SONAR.

Pour découvrir de la musique islandaise...

Iceland Airwaves se déroule chaque année à Reyk-javik autour du dernier week-end d'octobre. Il réunit quelques groupes étrangers mais surtout la créative et bouillonnante scène islandaise.

Plus électro mais pas que, Sonar Reykjavik s’est dérou-lé pour la première fois en Islande en février dernier, trois soirs durant, dans le centre Harpa.

« IL N’Y A PAS QUE DE LA FOLK

ÉTHÉRÉE AT-MOSPHÉRIQUE EN ISLANDE, IL Y A AUSSI DU HIP HOP ! »

Page 7: Le Pourquoi Pas / 2013

Les Islandais sont très en avance au niveau artis-tique. L’île compte un

nombre impressionnant de créateurs et de musiciens en tous genres. Il y a cependant un évènement que les Islandais affectionnent tout particuliè-rement : l ’Eurovision. Les rues de Reykjavik sont désertes les soirs de finale : tout le monde est devant son poste de télé-vision. D’aucuns prétendent que si on veut dévaliser une banque, il faut le faire ce soir-là car l ’attention de tout le monde est littéralement focalisée sur les chanteurs venus des quatre

coins de l ’Europe. Comment se fait-il que le pays de Björk et de Sigur Rós aime à ce point l ’Eurovision ? L’équipe du Pourquoi Pas s’est penchée sur la question.

L’Eurovision est une excuse pour faire la fêteLes Islandais adorent l ’Eu-rovision car elle leur offre une excuse pour faire la fête jusqu’au bout de la nuit. Nous sommes de grands fêtards et toutes les occasions sont bonnes pour que la bière coule à flots. Lors de l ’Euro-vision, les Islandais se rendent

à des « Eurovision party ». Avant le début de la compéti-tion, chacun se voit attribuer un pays. Dès que ce pays reçoit des points, il faut boire une gorgée de bière. Généralement, ceux qui représentent la France passent une soirée sobre...

L’Eurovision marque le dé-but de l’étéL’Eurovision se déroule début mai. En avril, les oiseaux mi-grateurs – pluvier doré en tête - reviennent en Islande et en mai les nuits se font de plus en plus courtes. Après avoir passé plus de quatre mois dans le noir, les beaux jours reviennent et l ’Eurovision tombe en même temps.

L’Eurovision est une occa-sion pour l’Islande d’être visible sur la scène interna-tionaleLes Islandais, contrairement aux Français, n’ont pas sou-vent la chance d’être présents sur la scène internationale. En Islande, on ne gagne pas de coupe du monde ni de guerre. Les compétitions de hand, les élections de Miss Monde et l ’Eurovision sont les seuls évè-nements à envergure interna-tionale où nous pouvons faire parler de nous et envisager une victoire.

Les Islandais ont de l’humourL’Eurovision permet à tout

type d’artiste de s’exprimer. Les Islandais, férus d’humour anglo-saxon, savent apprécier certaines performances rin-gardes d’Europe de l'Est car ils aiment ce qui est décalé et ceux qui ne se prennent pas du tout au sérieux... Ce que les Français ont peut-être trop tendance à faire.

Bilan : les soirées Eurovision sont des soirées follesVoilà les quatre raisons pour lesquelles les Islandais aiment l ’Eurovision. Chaque année, on attend assidûment de connaître le nom de celui qui va nous représenter. Ensuite, nous débattons pour savoir si nous allons chanter en islan-dais ou en anglais. Puis nous suivons les demi-finales à la télévision. Le suspense est

presque insoutenable, car si on ne passe pas, la fête battra moins son plein le samedi. La France, elle, est systématique-ment qualifiée pour la finale car elle finance l’événement en grande partie, tout comme la Grande Bretagne, l ’Allemagne, l ’Espagne et l ’Italie.

4 raisons pour lesquelles les Français devraient aimer L’Eurovision

• C’est grâce à l ’Eurovi-sion que les Islandais connaissent quelques mots de français.

• Les Islandais donnent presque toujours des points à la France.

• L’Eurovision était pensée à l ’origine comme étant un moyen de réunir les peuples d’Europe dans un esprit de fête, au lende-main de la Seconde Guerre mondiale.

• Les langues officielles de l ’Eurovision sont l ’anglais et le français.

L’ÉQUIPE DU POURQUOI PAS A PU REN-CONTRER EYÞÓR INGI GUNNLAUGSSON QUI A REPRÉSENTÉ L’ISLANDE CETTE ANNÉE AU CONCOURS DE L’EUROVISION À MALMO AVEC SON TUBE « ÉG Á LÍF », INTERPRÉTÉ EN ISLANDAIS. IL A ACCEPTÉ DE RÉPONDRE À NOS QUESTIONS.

EYÞÓR, DIS-NOUS, POURQUOI LES ISLANDAIS AIMENT-ILS TANT L’EUROVISION ?Bonne question ! Je crois que cela fait partie de notre culture, on est élevé au rythme de l’Eurovision. Aujourd’hui, c’est un peu diffé-rent, toute la famille regarde le show ensemble sans que la musique importe vraiment. Mais les Islandais ne sont pas plus fans de l’Euro-vision que d’autres pays, comme la Suède par exemple. Cependant, comme nous sommes un petit pays, tout prend des proportions énormes. Je pense par exemple que les Américains sont propor-tionnellement plus fans de la Nouvelle Star que nous de l’Eurovision.

QU’AS-TU RESSENTI LORSQUE TU AS CHANTÉ DEVANT TOUTE L’EUROPE ?C’est une sensation impossible à définir. On se rend compte de ce qui vient de se passer une fois que l’on se retrouve dans la chambre verte, là où on attend les points offerts par les différents pays. Sur scène on ne réfléchit pas, on profite juste de l’énergie offerte par un si grand public.

N°7 — Culture / Musique

LE FESTIVAL Air d'Islande EUROVISION : pourquoi les Islandais sont-ils fans ? 65°58 N – 18°32 WPar Lea Gestsdóttir Gayet

« LES ISLAN-DAIS ADORENT L’EUROVISION CAR ELLE LEUR

OFFRE UNE EXCUSE POUR FAIRE LA FÊTE

JUSQU’AU BOUT DE LA NUIT. »

Page 8: Le Pourquoi Pas / 2013

Au-delà d’être le berceau des sa-gas, un genre littéraire à part, et de receler des centaines de musi-ciens talentueux, l ’Islande est une terre de plus en plus fertile pour le cinéma.

« Les images en mouvement prennent une place de plus en plus importante dans nos vies ». Le récent succès en France de Queen of Montreuil, la proli-fération des festivals de films nordiques dans l ’Hexagone et la sélection à Cannes d’un

court-métrage islandais en at-testent : le cinéma islandais ne semble plus cantonné au sein de cette petite île de l ’Atlan-tique. Avec une production comprise entre trois et sept films par an, le septième art islandais s’exporte de plus en plus et révèle au monde des acteurs et réalisateurs d’enver-gure internationale.

Depuis quelques années, l ’État islandais a décidé d’aider fi-nancièrement les réalisateurs

qui tournent dans le pays en remboursant une partie des dé-penses du tournage. Plusieurs grands noms dans le milieu ne s’y sont pas trompés : Rid-ley Scott a tourné Prometheus en Islande, Clint Eastwood des scènes de son film les Mé-moires de nos pères, Eli Roth celles de Hostel : partie 2 ou, plus récemment, Janet Graham Borba quelques paysages de la série Game of Thrones.

Pour Hilmar Oddsson, à la tête de la Icelandic Film School de-puis 2010, le marché du film est en pleine expansion en Islande, avec un regain d’intérêt pour les documentaires. Si d’autres pays, comme la France, ont très tôt donné au septième art au-tant d’importance que la litté-rature ou la musique, l ’Islande a mis un peu plus de temps. Ce spécialiste du cinéma rappelle que « la production régulière des films islandais a commen-cé sur l ’île à partir de 1980 et, depuis, grâce aux techniques numériques, de plus en plus de personnes sont capables de réaliser leurs films à un prix moins coûteux ».

DépressifsQuand bien même le cinéma islandais reste un petit mar-ché, le public lui, est bien pré-

sent. Chaque habitant se rend en moyenne cinq fois par an au cinéma, selon des chiffres du centre de statistiques islandais. Un nombre assez élevé au vu de ce pays peuplé de 320 000 âmes qui compte 17 salles de cinéma sur tout le territoire dont 7 dans la capitale, Reykjavik.

Lorsqu’on demande à Hilmar Oddsson ce qu’est la spécificité des films islandais, il moque d’emblée le fait que « tout le monde s’attend à ce que ces derniers soient dépressifs ». Même s’il reconnaît que c’est en effet le cas pour beaucoup, ce spécialiste du cinéma pré-cise surtout que le cinéma is-landais est empreint d’une at-mosphère particulière. « Nous, Islandais, sommes toujours dans un entre-deux. À cause des conditions climatiques et de la nature changeante, nous avons constamment l’impres-sion que nous n’allons pas res-ter ici. Sauf que cela fait 1200 ans que cela dure ! » ironise-t-il. Avant d’ajouter : « ’Toujours’ est un concept abstrait. Nous essayons sans cesse de tirer le meilleur du moment présent. Nous sommes, dans une cer-taine mesure, des survivants et cela doit se ressentir dans nos films ».

S’il devait conseiller au reste du monde quelques films islan-dais, Hilmar Oddsson penche-rait pour Children of nature et Angels of the universe de Friðrik Þór Friðriksson, Nói l’albinos de Dagur Kári, Children et Pa-rents de Ragnar Bragasson. En-fin, Cold light et Tears of stone réalisés par… lui-même. Ce professeur de cinéma souligne également la qualité du tra-vail de la réalisatrice Kristín Jóhannesdóttir qui, regrette-t-il, « n’a pas fait de film depuis trop longtemps ». Pour lui, le cinéma français représente une référence. Celui qui a mis un point d’honneur à rester en Islande pour y travailler et faire partie de la naissance du cinéma, cite volontiers Leos Carax ou encore les cinéastes de la Nouvelle Vague. Enfin, Hilmar Oddsson avoue son admiration pour le « géant » qu’est Michael Haneke. Avant de conclure : « Je suis amou-reux des films français. Ils ont porté la poésie à l ’écran. Ils m’ont inspiré toute ma vie ».

Le LPP a rencontré Guðmundur Arnar Guðmundsson, réalisateur de Whale Val-ley, court-métrage en compétition officielle au Festival de Cannes 2013. Son film a remporté la Mention spéciale du jury.

LPP : Peux-tu te présenter en quelques mots ?Guðmundur : Je suis né et ai grandi en Islande. J’ai étudié les beaux-arts à l’Académie d’Arts d’Islande où j’ai entre autres appris à peindre, à faire des installations et de la vidéo. Quand j’ai eu mon diplôme, je suis allé au Danemark où j’ai étudié l’écriture de scénarios. J’ai commencé à faire des films expérimentaux avant d’entrer à l’école et je me suis naturellement dirigé vers la réalisation.

LPP : Quelle est l’histoire de Whale Valley ?G : C’est l’histoire d’une relation forte entre deux frères qui vivent avec leurs parents dans un fjord reculé en Islande. On découvre leur monde à travers les yeux du plus jeune des frères et on le suit lors d’une journée décisive dans leur existence. Le film parle de l’importance de communiquer ses sentiments et ses problèmes. J’ai tenté d’y répondre du mieux que je pouvais.

LPP : Comment l’idée de faire ce film est-elle apparue ?G : Au début, c’était une expérience. J’avais envie de voir si j’étais capable de créer en une seule prise un sentiment particulier qui unit les deux frères au début du film. Cela a fonctionné et là je me suis posé et me suis demandé : à quoi ressemble la vie de ces deux frères ? Quelle est leur histoire ? Je me suis baladé avec mon carnet à la main pendant un bon moment, écrivant de temps à autre quelques petites scènes,

des sentiments, des images. Je me suis ensuite rendu compte que j’avais assez d’élé-ments pour écrire leur histoire.

LPP : Combien de temps a duré le tournage ?G : Environ six mois. Le plus long reste l’écriture du script : cela m’a pris deux mois pour rédiger sept pages ! Ça m’a rendu fou mais en même temps j’étais persuadé qu’à la fin, cela serait à la hauteur de mes attentes.

LPP : Tu étais surpris d’être sélectionné à Cannes ?G : Je n’en revenais pas ! J’en avais tellement rêvé de me retrouver à ce festival avec mon propre film. Ne serait-ce qu’être au Festival de Cannes t’ouvre de nombreuses possibilités en tant que réalisateur alors gagner un prix c’est encore mieux !

LPP : As-tu l’impression que ton cinéma est particulier du fait de tes origines islandaises ?G : L’Islande fait partie de moi. La nature, sévère, me réconforte et m’aide, parado-xalement. Les longues nuits d’hiver peuvent être difficiles à supporter mais nous oublions et pardonnons dès que l’été lumineux arrive. Mon cinéma est évidemment le reflet de tout ça.

LPP : Que t’évoque le cinéma français ?G : Un art que j’adore et que je découvre au fil des ans. J’apprécie tout particulière-ment la place que la France accorde au septième art.

N°8 — Culture / Cinéma

LE CINÉMA ISLANDAIS, un art en pleine explosion64°08′N – 21°56′WPar Virginie Le Borgne

Page 9: Le Pourquoi Pas / 2013

Le Pourquoi Pas a eu un coup de cœur pour le dernier film de la belle Solveig Anspach : Queen of Mon-treuil. Ce film qui met en scène des Islandais à Montreuil est un véritable bijou, plein de poésie et d’amour.

LPP : Comment est née l’idée de l’histoire de Queen of Mon-treuil ?SA : Queen of Montreuil est la suite de Back Soon. Et d’ailleurs avec Jean-Luc Gaget, mon co-scénariste, nous écrivons la suite de Queen, donc nous aurons une trilogie...L’idée de faire cette trilogie est tout simplement née de l’envie de filmer et de faire un road movie en Islande (Back Soon), l’envie de filmer une oie qui avale un portable, et sur-

tout de retrouver Didda (actrice islandaise, ndlr) après Stormy Weather. On s’est dit : et si on racontait une sorte de suite ? Oui, pourquoi pas ! Et cette fois à Montreuil !

LPP : Des Islandais perdus à Montreuil…pourquoi pas des Maliens à Reykjavik ?SA : Pourquoi pas ? Mais... il y a des Maliens à Reykjavik ? Je n’en ai vu nulle part à mon grand re-gret d’ailleurs.

LPP : Qu’as-tu cherché à mon-trer avec Queen of Montreuil ?SA : J’ai voulu montrer que dans la vie, à un moment donné, nous traversons tous des épreuves, et c’est l’humour qui permet d’aller au-delà. J’ai également voulu

montrer que vivre à plusieurs est mieux que seul, et que les meil-leures familles sont celles qu’on s’invente.

LPP : On te demande réguliè-rement de quelle nationalité sont tes films et quelle est la tienne. As-tu une réponse à ces questions ? Est-ce que la question de la nationalité est une idée qui t’obsède ou, bien au contraire, un sujet qui tra-verse tous tes films de manière plus ou moins inconsciente ?SA : Mes origines comptent énormément pour moi, et, par conséquent, traversent mes films. Lorsque nous étions enfants, mes parents nous di-saient toujours : « Ce qu’on va vous transmettre, vous lais-ser en partant, c’est l’histoire de vos origines ». Et, lorsque, petite, je leur demandais en rentrant de l’école, inquiète : Mais je suis quoi en fait ? Ils me répondaient : Tu es une cit-oyenne du Monde, et c’est une grande chance. Enfant, ce qu’on me renvoyait à l’école était : tu n’es pas islandaise, tu n’es pas américaine (nationalité de mon père) et tu n’es pas juive puisque ton père l’est mais pas ta mère. C’était compliqué à vivre parce

que mes parents s’étaient mis d’accord pour nous élever avec toutes ces cultures (en excluant la religion).

Aujourd’hui, je dirais qu’on est constitué de toutes ces couches de vie. Lorsqu’on me demande d’où je suis je réponds : de Vest-mannaeyjar (où je suis née) et de mon quartier à Montreuil, là où plein d’ethnies différentes se côtoient avec des histoires qui peuvent ressembler à la mienne.

LPP : Combien de fois as-tu travaillé en Islande et sur quels films ? Y a-t-il une dif-férence entre travailler là-bas et en France dans le monde du cinéma ?SA : J’ai tourné près de dix films en Islande, de mon film de pro-motion à la Fémis VESTMAN-NAEYJAR, au long métrage Back Soon, en passant par un documentaire de 26 minutes, DIDDA, Reykjavik, Islande qui est le portrait d’une poète islan-daise rock’n’roll.

Il y a évidemment beaucoup de différences entre travailler en Islande et en France mais c’est assez long à expliquer. En Is-lande, il y a beaucoup d’énergie,

on fait avec le temps qu’il soit bon ou mauvais.

LPP : Que représente l’Islande à tes yeux ?SA : Ma famille, mes ami(e)s, toute une partie de moi. Des paysages dont je rêve la nuit, l’impression d’exister vraiment parce que le vent dessine les con-tours de nos visages.

LPP : Et la France ?SA : Cela ne veut pas dire grand-chose pour moi, ce qui compte ce sont les gens qui y habitent, avec lesquels je travaille et que j’aime.

LPP : Le tourisme vers l’Is-lande augmente chaque année. Comment expliques-tu la fas-cination qu’exerce l’Islande sur certains Français ?SA : La force de la Nature, la beauté vertigineuse des paysages et, avant tout, un sentiment de liberté.

Queen of Montreuil : Long-Métrage avec Florence Loiret-Caille, Didda Jonsdottir, Ulfur Aegisson, Alexandre Steiger, Samir Guesmi, Eric Caruso.EX NIHILO, AGATFiLMS. fr-fr.facebook.com/QueenOf-Montreuil

Le Pourquoi Pas a eu la chance de rencontrer la jolie Marie Le Gar-rec, qui a travaillé avec Solveig sur Queen of Montreuil. Voici ce qu’elle nous a raconté.

LPP : Présente-toi en quelques motsMLG : Franco-belge et parigote de fait et dans l’âme, j’ai suivi des études aux Beaux-Arts de Paris en sculpture et gravure en pierres fines. Puis j’ai intégré un atelier de décors où j’ai exercé mes talents de sculpteur et de mouleur staffeur pour différents projets assez divers, du parc des schtroumpfs au parc Astérix, en passant par des décors de publi-cité parfois assez conséquent. Je me souviens notamment avoir dû recréer en volume l’univers fantastique de Jérôme Boch en studio, pour la marque DIOR. Au fil des rencontres, j’ai tra-vaillé sur des longs métrages. Le premier a été Jusqu’au bout du monde de Wim Wenders. Une de mes plus belles rencontres, avec Solveig Anspach, m’a permis de rencontrer son univers et de débuter une longue collabora-tion sur l’ensemble de ses films

aussi bien pour travailler sur les décors que sur les costumes.

LPP : Combien de fois as-tu travaillé en Islande et sur quels films ? Y a-t-il une dif-férence entre travailler là-bas et en France dans le monde du cinéma ? MLG : J’ai travaillé deux fois en Islande, sur les deux films que Solveig Anspach a tourné à Vest-manneyjar et à Reykjavik, pour les films Stormy weather et Back Soon.

Travailler en Islande implique de s’adapter aux intempéries, à l’absence ou à l’abondance de lumière naturelle pour tourner entre autre à l’extérieur. Ce n’est pas du tout un handicap mais c’est un paramètre qu’il faut in-tégrer pour organiser le travail. Et puis j’ai rencontré les Islan-dais, c’est un plaisir de travailler avec eux car ils sont très réactifs, inventifs et extrêmement dyna-miques. Leur allant est conta-gieux, rien ne les arrête. Il n’y a jamais de temps mort ou de repos dans une journée de tour-nage. Notre pause déjeuner ou

même un petit café de temps à autre, qui sont des rituels incon-tournables dans une journée de tournage en France, ne sont pas de rigueur en Islande.

LPP : Quel souvenir gardes-tu de l’Islande ?MLG : Un premier souvenir de touriste émerveillé et subjugué par les paysages. J’ai incroyable-ment ressenti la force des élé-ments, surtout à Vestmanneyjar où j’ai découvert et admiré les aurores boréales de novembre à décembre. Et puis je garde sur-tout en souvenir le plaisir des nombreuses rencontres avec des personnages fougueux et ami-caux comme Didda, Mireya ou encore la première assistante sur Back Soon. Rencontres tou-jours aussi bienveillantes des habitants de Vestmanneyjar qui m’ont souvent aidée pour amé-nager tels ou tels décors.

LPP : En tant que chef déco-ratrice tu as dû recréer des intérieurs islandais. As-tu une anecdote à ce sujet ? MLG : Nous avons effective-ment tourné dans des inté-

rieurs vides ou désaffectés. Pour essayer de comprendre l’univers des Islandais, j’ai rencontré de nombreuses personnes qui m’ont

invitée à rentrer chez elles.

Ce qui m ’ a

l e

plu s frappé ce sont les inté-rieurs des maisons qui sont extrême-ment denses. Pas un centimètre de mur qui ne soit re-couvert de photos, de tableaux ou de livres et beaucoup d’objets divers parfois très hété-roclites !

Cela demande un sacré boulot pour récréer un intérieur de maison islandaise.

LPP : Queen of Montreuil est-il un film sur les Français ou les Islandais ?MLG : Sur les deux mon capi-taine ! Quand la fougue et l’ima-ginaire islandais rencontrent le spleen baudelairien d’une jeune

française, surtout en haut d’une grue, on obtient un

film tellement décalé que tout homme peut s’y

reconnaître. On a envie de se nour-

rir de cette folle huma-

nité et de la rendre uni-verselle.

N°9 — Culture / Cinéma

QUEEN OF MONTREUIL : une histoire d ’Islandais perdus à Montreuil

« Ce film est tellement décalé que tout homme peut s’y reconnaître »

48°86′N – 2°43′EPar Lea Gestsdóttir Gayet et Virginie Le Borgne

LPP : Quel souvenir gardes-

MLG : Un premier souvenir de touriste émerveillé et subjugué par les paysages. J’ai incroyable-ment ressenti la force des élé-ments, surtout à Vestmanneyjar où j’ai découvert et admiré les aurores boréales de novembre à décembre. Et puis je garde sur-tout en souvenir le plaisir des nombreuses rencontres avec des personnages fougueux et ami-caux comme Didda, Mireya ou encore la première assistante

. Rencontres tou-jours aussi bienveillantes des habitants de Vestmanneyjar qui m’ont souvent aidée pour amé-

LPP : En tant que chef déco-ratrice tu as dû recréer des intérieurs islandais. As-tu une

MLG : Nous avons effective-ment tourné dans des inté-

invitée à rentrer chez elles.

Ce qui m ’ a

l e

plu s frappé ce sont les inté-rieurs des maisons qui sont extrême-ment denses. Pas un centimètre de mur qui ne soit re-couvert de photos, de tableaux ou de livres et beaucoup d’objets divers parfois très hété-roclites !

LPP : Queen of Montreuil est-il Queen of Montreuil est-il Queen of Montreuilun film sur les Français ou les Islandais ?MLG : Sur les deux mon capi-taine ! Quand la fougue et l’ima-ginaire islandais rencontrent le spleen baudelairien d’une jeune

française, surtout en haut d’une grue, on obtient un

film tellement décalé que tout homme peut s’y

reconnaître. On a envie de se nour-

rir de cette folle huma-

nité et de la rendre uni-verselle.

Page 10: Le Pourquoi Pas / 2013

Au milieu du fjord Breiða-fjörður, situé dans l ’ouest de l ’Islande, l ’un des villages les plus isolés du pays, sur une île de deux kilomètres de long et cinq cent mètres de large : Flatey. C’est dans cette petite société en vase clos que Vik-tor Arnar Ingólfsson, enfant, a passé quelques vacances d’été. À l ’époque, outre le central té-léphonique, le seul lien avec le reste du monde était le bateau postal qui reliait Stykkishól-mur aux Fjords de l ’Ouest et faisait halte sur l ’île une fois par semaine. L’énigme de Fla-

tey, le quatrième roman de l ’auteur, mêle donc souvenirs, portraits de la vie quotidienne dans l ’Islande rurale d’antan et invention d’une galerie de per-sonnages pittoresques. Paru en 2003, c’est l ’un des best-sellers islandais de la dernière décen-nie. La publication par les Édi-tions du Seuil est la neuvième traduction du roman.

Juin 1960. Sur un îlot isolé au large de Flatey, un cadavre mé-connaissable est découvert par des pêcheurs. Le jeune adjoint du Préfet de Patreksfjörður,

N°10 — Culture / Littérature

L’ÉNIGME DE FLATEY, un polar insulaire65°22 N – 22°54 WPar Sébastien Marrec

ASSOCIATION FRANCE-ISLANDE

JUIN 1960. SUR UN ÎLOT ISOLÉ AU LARGE DE FLATEY, UN CADAVRE MÉCONNAISSABLE EST DÉCOU-

VERT PAR DES PÊCHEURS.

L’ASSOCIATION EST PRÉSENTE SUR INTERNET AU TRAVERS DE :

. Son site http://www.france-islande.com

. Son forum http://www.france-islande.com/forum

. Sa page Facebook https://www.facebook.com/Association.France.Islande

L’association publie aussi une revue trimestrielle de 24 pages réservée à ses adhérents. Ces derniers sont tenus au courant des di� érents évènements concernant l’Islande en France par l’intermédiaire d’une lettre d’informa-tion envoyée par courriel.

Pour adhérer : http://www.france-islande.com/adherer

L’Islande est un pays envoûtant dont on ne revient jamais complètementindemne, vous vous en rendrez vite compte. Une fois rentrés chez vous l’Islande vous manquera. Pour prolonger le rêve rejoignez l’association France-Islande. Partagez-y votre expérience et vos connaissances, apprenez des autres, aidez à faire connaître l’Islande au sein du monde francophone.

qui se préparait à plonger dans la conservation des hypo-thèques et ne portant aucun intérêt à l ’affaire, est dépêché sur place pour rapatrier l ’indi-vidu, mener une enquête en solitaire et établir un rapport. Très vite, il fait connaissance avec la petite communauté, où chacun s’observe pour tuer le temps. Le corps se révèle être celui d’un éminent universi-taire danois spécialisé dans les anciennes sagas nordiques, dont tout le monde ignorait la présence en Islande sauf le curé de Flatey qui l ’a hébergé. Qu’est-ce qui l ’a mené dans les parages incognito sur ce minuscule royaume autarcique des chasseurs de phoques ? Le Livre de Flatey, une com-pilation de textes du Moyen-Âge relatant les vies des rois de Norvège. Un trésor parti dans la bibliothèque du roi du Danemark, mais dont la copie conservée sur l ’île renferme une énigme, sous forme de charade en quarante questions. La réponse ne peut se lire que grâce à la résolution d’un code, que tous les chercheurs se sont échinés à déchiffrer, en vain, et qu’il est interdit par supers-tition de recopier. Ce que fait le professeur… Tenter de percer le mystère d’un livre emblème de l ’âge d’or est-il un motif suffisant de meurtre ? Et qui a pu transporter l ’homme, vu le faible nombre de bateaux ?

L’intrigue policière est dou-blée du contenu de l ’énigme qui vient entrecouper la narra-tion de chaque chapitre, où l ’on découvre l ’une des quarante questions et les propositions de réponse. Les précisions sur la technique du vélin et la com-

position des sagas au début du roman laissent en effet place, toutes les trois pages, à des épi-sodes sanglants de meurtres, de complots et de guerres, dont la lecture est assez déconcer-tante de prime abord. À vrai dire, si l ’histoire paraît nébu-leuse jusqu’aux deux tiers du livre, et que la multiplicité des protagonistes rajoute à la confusion, ces devinettes per-

mettent de s’immerger dans l ’univers belliqueux des sagas et apportent un rythme effi-cace à l ’ensemble. Dans la der-nière partie, les relations entre le livre et les personnages clés, malheureusement peu développés, sont adroitement entremêlées, sans que le final fasse dans le spectaculaire. Et l ’on sent bien que Viktor Arnar s’est beaucoup amusé dans la création de cette fausse légende autour d’un livre bel et bien réel, sans doute le plus richement enluminé parmi ceux aujourd’hui conservés à l ’Institut Árni Magnússon, à Reykjavik. L’intérêt réside aussi dans l ’évocation de la vie rurale insulaire, la nourri-ture étant par exemple mise à

l ’honneur, plus que dans le dé-veloppement des personnages, pour lesquels l ’économie de mots confine à la superficia-lité – un bémol malheureuse-ment fréquent dans les polars scandinaves.

Mais si ces dix dernières an-nées, avec Arnaldur Indriða-son et Arni Thorarinsson notamment, le polar islandais

s’est fait une réputation en s’attelant à passer au crible la société contemporaine de Reykjavik, L’énigme de Fla-tey a l ’originalité d’entraîner le lecteur dans l ’Islande des microcosmes ruraux, encore à l ’écart du monde. Au risque de reléguer l ’intrigue au rang de prétexte.

L'Enigme de Flatey, de Viktor Arnar Ingólfsson. Traduit de l 'Islandais par Patrick Guelpa. Editions du seuil. Saut 21€

Page 11: Le Pourquoi Pas / 2013

Après avoir abordé des sujets variés tels que le cinéma, la musique et

la littérature dans son dossier culture, le LPP a décidé de s’at-taquer aux dessous de la mode islandaise. Il suffit de se pro-mener une après-midi dans les artères principales de Reykja-vik pour se rendre compte que la capitale fourmille de créa-teurs talentueux, aux styles variés. Mais qu’est-ce-qui ca-ractérise la mode islandaise ?

Qu’est-ce qu’être élégant au 66° nord ?

Pour répondre à ces ques-tions, le LPP vous propose un bref comparatif des habitudes vestimentaires françaises et islandaises, puis une entrevue avec le styliste Guðmundur Jörundsson.

Les Islandais, vivant sur une terre de feu et de glace, sont des personnes de l ’extrême.

Habitués aux climats rudes, ils affectionnent tout particu-lièrement les vêtements avant tout pratiques. Face aux nou-velles matières synthétiques qui pullulent sur le marché, les Islandais retournent tou-jours à leur premier amour : la laine. Le pull islandais, le « lopapeysa », est une valeur sûre, qu’il s’agisse d’aller grim-per une montagne ou faire une course. Les moufles, bonnets et écharpes en laine sont éga-

lement très populaires. Les touristes ne s’y sont d’ailleurs pas trompés et se jettent sur ces articles lors de leurs visites en Islande. La chaussure tra-ditionnelle islandaise est le « gúmmískór », l ’équivalent d’une botte en caoutchouc coupée au niveau de la che-ville. Pour affronter la météo islandaise, il faut donc sortir armé d’un « lopapeysa » et être chaussé de « gúmmískór ». Ce-pendant, l ’équipe du Pourquoi

Pas se veut plus glamour et vous propose une sélection du meilleur de la mode islandaise mixée avec des pièces intempo-relles françaises... Rincez-vous l ’œil !

LPP : Quel est ton parcours ?GJ : J’ai étudié à l ’Icelandic Art Academy en 2008. Je me suis fait la main en travaillant à Kormákur & Skjöldur. Après avoir étudié le stylisme, j’ai dé-cidé de créer mon propre label, JÖR, en octobre 2012. Je ne me

souviens à vrai dire pas quand a débuté mon envie de me lancer dans le stylisme. Pour une rai-son obscure, j’ai décidé d’étu-dier ça mais j’ignore pourquoi ! On ne peut pas vraiment parler de passion.

L’entreprise compte cinq em-ployés. L’idée d’avoir ma propre entreprise ne m’a jamais vrai-ment effrayé, c’est plutôt agréable de travailler pour soi ! L’ouverture du magasin il y a deux mois a été une bonne surprise puisqu’il y a plus de

clients qu’espéré. J’aime que les choses se passent vite.

LPP : Quelles sont tes inspi-rations ?GJ : Au début j’aimais bien Alexander McQueen mais en général, il n’y a pas un designer qui vaut plus qu’un autre à mes yeux. J’ai toujours voulu faire des choses un peu folles, créer un monde. Et puis, j’aime bien le côté business.

LPP : Quel est le public visé par ta marque ?GJ : Tout le monde, même s’il y a sûrement plus de personnes de Reykjavik qui viennent acheter mes vêtements. Nous visons trois catégories de public : les gens tendances, ceux qui pré-fèrent les costards et ceux qui privilégient le décontracté.

LPP : C’est quoi le style is-landais ?GJ : La manière de s’habiller en Islande a beaucoup changé ces dernières années. Il y a un certain éveil dans la volonté de bien s’habiller. C’est assez difficile de définir ce qu’est le style islandais car il est en

grande partie façonné par les conditions climatiques. Il y a un mélange de hipsters, de style « bûcheron » avec de grosses barbes et des chaus-sures de montagne et des tou-ristes en Gore-Tex.

La mode est un petit marché ici mais le point positif est qu’il est modulable. Les Islandais aiment en général acheter des marques du pays mais il y en a peu et c’est surtout très cher.

LPP : Que t’évoque le style français ?GJ : Il est racé, élégant, clas-sique et moderne en même temps. Il y a une histoire der-rière. Même lorsqu’il s’agit de s’habiller de manière décon-tractée, les Français le font d’une manière respectable. Le style français est pour moi le meilleur !

Jör de Guðmundur Jörundsson Laugavegur 89 - Reykjavikwww.jorstore.com

N°11 — Mode

COMMENT S'HABILLER au 66 nord?

JÖR de Guðmundur Jörundsson

66°05 N – 23°08 W

66°05′N – 23°08′W

Par Lea Gestsdóttir Gayet

Par Virginie Le Borgne - Photo : Virginie Le Borgne

L’ÉNIGME DE FLATEY, un polar insulaire

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Icewear

Ellingsen

Chanel

Kron by Kronkron

Jean Paul Gaultier

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Page 12: Le Pourquoi Pas / 2013

La chasse à la baleine n’est pas le sujet de conversation préféré des Islandais. Ils préfèrent, pour ce qui est de la chasse, fermer les yeux et évoquer une « tradition ». En 2009, Sigursteinn Másson, le porte-parole du Fonds interna-tional pour la protection des ani-maux, avait tenté d’organiser une manifestation pour sensibiliser la population sur cette question. Peine perdue : il n’était pas parve-nu à rassembler assez de monde. « Demander à un Islandais s’il soutient la chasse à la baleine revient à lui demander s’il sou-tient son pays » résume-t-il. Une affaire de patriotisme, en somme.

En mai dernier, l’annonce de la reprise de la pêche après un arrêt de deux années a fait polémique. L’entreprise Hvalur hf. a un quota annuel de chasse de 150 et 170 ba-leines, uniquement des baleines de Minke et des rorquals com-muns. L’état de conservation de la première n’est pas préoccupant. Mais les rorquals, les plus grands mammifères du monde après la baleine bleue, sont répertoriés comme espèce en danger par la liste rouge de l’Union interna-tionale pour la conservation de la nature, l’inventaire mondial le plus complet en matière d’éva-luation du risque d’extinction des espèces. Pour Kristján Lofts-son, à la tête de Hvalur et le plus célèbre des chasseurs de baleines du pays, les quotas permettent la reproduction de l’espèce, qui compte une vingtaine de milliers de représentants dans les eaux islandaises. Depuis le moratoire de 1986 voulu par la Commis-sion internationale de pêche à la baleine, la chasse a connu un renouveau en Islande lors de sa reprise « scientifique » en 2003, commerciale en 2006, puis avec une loi en 2008 renouvelant son autorisation pour une période de cinq ans. Pour le ministère de la Pêche, les cétacés, plutôt que la surpêche, seraient responsables de l’effondrement des réserves de poissons dans les océans, et l’uti-lisation durable des ressources maritimes impliquerait donc une limitation de la population de baleines. En 2004, des chercheurs canadiens ont contredit cette théorie, mettant en évidence que les zones de pêches des nations et les zones d’alimentation des mammifères sont bien distinctes, mais surtout que baleines et hommes ne se nourrissent pas des mêmes produits de la mer.

Les observer ou les mangerLa majorité des prises est expor-tée principalement vers le seul débouché commercial en vertu de la Convention de Washing-ton, le Japon. Faiblesse du marché

oblige, le quota fixé en 2009 ne fut même pas atteint. Hvalur avait dû congeler des stocks démesurés – 1 500 tonnes – avant de cesser son activité pour cause de chute de la demande, suite à la catastrophe de Fukushima. Une reprise de la demande a relancé l’activité, mais la chasse reste très peu lucrative en regard des profits apportés par l’industrie touristique florissante de l’observation des baleines ou whale watching. Lancée en 1991, devenue très populaire depuis, elle permet d’admirer les grands mammifères lors de leur migra-tion dans les eaux islandaises d’avril à octobre. La contribution de cette activité à l’économie s’éleve à une douzaine de mil-lions d’euros. Les conclusions du secteur sont unanimes : la chasse est significative ni en termes d’emplois, ni en termes de contri-bution aux exportations. L’in-dustrie du tourisme s’interroge donc sur la façon dont pourront coexister, dans un futur proche, l’observation des baleines et leur chasse. Elle voit d’un mauvais œil cette dernière, jugée inutile et sans marchés, et si l’influence sur le tourisme ne peut être mesu-rée (le nombre de visiteurs étant en progression exponentielle), la pratique détériore indubita-blement l’image très pro-en-vironnementale de l’Islande à l’étranger. Le 7 mai, l’Association du tourisme islandais (SAF en islandais) a émis un communi-qué sans appel pour s’opposer à la reprise de la pêche baleinière : « La seule façon d’utiliser dura-blement les stocks de baleines en Islande est de les montrer aux touristes, nationaux et étrangers, d’une manière responsable – c’est-à-dire que les baleines valent plus vivantes que mortes. […] SAF demande au gouvernement d’intervenir de sorte que les inté-rêts supérieurs du pays ne soient pas sacrifiés aux intérêts parti-culiers de Kristján Loftsson ».

Les traditions imaginairesÀ Reykjavik, une agence propose aux touristes d’aller observer les baleines avant d’en déguster, de retour au port. De plus en plus de restaurants en proposent prétex-tant la curiosité gastronomique. Paradoxe ironique : quand on les interroge, une grande majorité de consommateurs affirment qu’ils ne sont pas favorables à la chasse, mais déclarent qu’ils en goûte-raient pour des raisons culturelles et historiques. Des brochures et agences évoquent d’ailleurs la nécessité d’expérimenter le fruit d’une tradition baleinière ances-trale... qui n’a jamais existé. Dans le passé, les Islandais se conten-taient des baleines échouées sur

la côte. La pêche commerciale islandaise telle qu’on la connaît ne commença qu’en 1948, initiée par une seule famille, celle de Hvalur. Auparavant, à partir de 1883 et jusqu’à l’abolition de la chasse en 1913 décidée par le Par-lement, ce sont les Norvégiens qui construisaient des pêcheries. Les Islandais s’en plaignaient alors, en raison des nuisances so-nores et olfactives et de ses consé-quences sur la pêche au hareng…

La guerre Froide baleinière La chasse à la baleine est en fait un acte politique, qui traduit la volonté des « gens in-dépendants » de ne pas se laisser dicter par l’Union euro-péenne ou la Com-mission baleinière interna-tionale leurs activités de pêche. Évoquant des discriminations commerciales, le pays clame qu’il est majoritairement dépendant des ressources marines et qu’il sait donc les respecter pour son intérêt, s’appuyant sur une série d’observations scientifiques dont on peut douter de l’indépendance.

Elles pro-

viennent généralement de l’Institut national de re-cherche marine, dépendant du ministère, et de la Com-mission sur les mammifères marins d’Atlantique Nord (NAMMCO), une organisa-tion créée en 1992 par les mé-contents du moratoire de la Com-mission internationale baleinière (1986) : la Norvège, l’Islande, le Groenland et les Îles Féroé. Depuis 1992, l’Islande est le seul pays baleinier à ne pas être membre de la C B I pour échap- per au moratoire, estimant que l’inter-diction permanente constitue une violation de la souveraineté des États. L’Islande reproche à quelques grands États de s’arroger le droit de chasser la baleine dans ses eaux territoriales, comme les États-Unis, qui bénéficient d’un quota de 280 baleines dédiées à la chasse de subsistance des ethnies de l’Alaska.

Derrière la viande, l’animal sensible Les baleines, à la longue espé-rance de vie et placées au som-met de la chaîne alimentaire,

ingèrent d’importantes quanti-tés de métaux lourds et notam-ment du mercure, dû à la pollu-tion des océans. Mais ce danger sanitaire n’est heureusement pas leur seul trait de distinc-tion. Grâce au travail des biolo-gistes marins, on sait depuis quelques années que les baleines et les dauphins disposent d’une intelligence remar-quable grâce à des neu-rones en fuseau, dont on croyait qu’ils étaient j u s q u ’ à présent

l ’ a p a -nage de l ’ h o m m e et des grands singes. La capacité à souffrir se double d’une empathie émotion-nelle envers les états affec-tifs de leurs semblables, donc d’une conscience de soi. Y-aurait-il alors une façon « humaine » de tuer les ba-leines, comme le clame le ministère de la Pêche, qui affirme que 80 % des animaux meurent immédia-tement sans réaliser qu’ils ont été chassés ? Les défenseurs des

baleines affirment que bien sou-vent, le harpon ne parvient pas à atteindre directement la tête, re-tardant l’arrêt cardiaque. Face à ces découvertes qui soulèvent des problèmes moraux, la rhétorique de la tradition culturelle et de la viabilité économique montre cruellement ses limites – et fait du débat sur la chasse à la baleine

un

symbole du conflit grandis-sant entre les différentes visions sur l’utilisation des ressources de la planète, et sur la valeur accor-dée à la vie animale.

N°12 — Société

LA CHASSE À LA BALEINE, l’épine au pied de l’Islande

64°38 N – 21°66 WPar Sébastien Marrec

Page 13: Le Pourquoi Pas / 2013

Le réveil est difficile, car rarement à horaires fixes et toujours trop mati-nal. Le café avalé, il ne reste plus qu’à s’habiller chaudement avant de se rendre au port. Les palangres, appâts et autres nécessités sont chargés puis le capitaine et son second s’ins-tallent sur leur siège respectif. Le cap à prendre et la distance sont

déterminés, le jeune ma-telot pou-

v a n t alors estimer le

temps qu’il est permis à ses paupières d’être de nouveau baissées.

Le deuxième réveil est moins com-pliqué, et il est désormais temps de poser les lignes. Un palangrier effec-tuant des sorties à la journée va uti-liser en moyenne entre dix et quinze

mille hameçons, et choisit son secteur de pêche en fonction de l ’espèce re-cherchée en priorité.

Les chaînes faisant office de plombée sont lancées par-

dessus bord, entraînant les palangres à rythme régulier. Il faut prendre diverses pré-

cautions : les lignes doivent toujours être tendues afin d’évi-

ter qu’elles ne s’emmêlent autour de l ’hélice, faire attention à ce qu’un

hameçon ne s’invite pas dans votre main, ou encore faire du bruit à l ’aide

d’un bâton sur de l ’acier pour dis-suader les fulmars, compagnons

de toujours, de venir goûter à ce qu’ils ignorent être

plus ou moins un piège.

L e capita i ne

est à la barre et dirige avec

p r é c i s i o n son navire, c a l c u l a nt du mieux p o s s i b l e le cou-rant, ce d e r n i e r

pouvant d é p l a -cer les

lignes de p lu s i eu r s

d i z a i n e s de mètres et

les faire ainsi atterrir dans un « no fish’s

land ».

C’est son moment crucial

qui lui permettra, ou pas, de sourire à l ’idée qu’une

fois amarrés, il aura un meilleur ratio poids/palangre que ses collègues boxant dans la même catégorie, avec qui il est plus ou moins ami.

Une fois tout l’équipement dans l’océan, nous avons deux heures

d’attente environ pour laisser le temps aux poissons de venir se piquer sur nos hameçons. Alors, face à l’ennui, nous discutons du

temps qu’il fait ou fera, ou fai-sait hier (la météo est notre péché

mignon), de sports, de pêche à la ligne, enfin de tout ce qui est politiquement correct entre un père marin et son fils.

Ensuite le travail commence réelle-ment, car jusqu’à présent les tâches effectuées ressemblent plus à des va-cances en Corse, pour garder le côté risqué.

Huit heures seront nécessaires afin de ramener les lignes, et il n’y a jamais de temps mort. Nous nous octroyons éventuellement une pause dépas-sant rarement les deux minutes pour boire un café quand l’hiver nous gèle le corps ou de l ’eau quand l’été nous fait transpirer, cette deuxième option étant moins courante par chez nous.

Le capitaine s’occupe de la machine tirant les palangres, dirige le bateau à l ’aide des commandes extérieures

afin de rester dans le bon axe et aide les poissons à monter à bord, car ils aiment bien se décrocher

pile au moment où leur tête sort de l ’eau, les petits malins. Son second les réceptionne et après les avoir tra-vaillés, les place dans la cale en les classant par espèce et par catégorie de taille.

Inlassablement les caisses se rem-plissent, car la pêche est toujours fructueuse en Islande. La journée est qualifiée de satisfaisante lorsque nous attrapons cent kilos par cinq cent ha-meçons. Donc pour dix mille hame-çons nous espérons au moins deux

tonnes de poisson. Sou-vent, car nous sommes d’excellents marins, nous dépassons cette barre haut-la-main.

À onze heures il faut appeler la criée pour leur annoncer les captures, la vente approchant. Une partie des lignes encore à l ’eau, nous estimons le poids total. Les acheteurs savent qu’ils pourchassent à la louche, mais il est tout de même assez inédit de vendre un poisson pas encore remonté, voire pas encore leurré. « Salut vieux con, on ramène deux tonnes de cabillaud et six cent kilos d’églefin. T’as plutôt intérêt à nous vendre ça à bon prix ! ». En réalité, le prix est celui du mar-ché et il diffère d’un jour à l ’autre, en

fonction de l ’offre et de la demande. Pour votre information, le kilo de cabillaud rapporte en moyenne deux

euros au marin.

Le dernier hameçon est (enfin) au sec et nous nous dirigeons vers le port de notre village. Nous sommes attendus et le bateau est déchargé à vive allure. Pas le temps de rigoler, juste les in-sultes amicales habituelles envers les employés de la criée. Non mais qui sont ces types qui se prennent pour les rois de la mer alors qu’ils n’ont jamais foutu les pieds sur un bateau ? Tocards !

Les anciens n’allant plus en mer ob-servent avec des yeux envieux les plus jeunes travailler, ne se gênant pas pour raconter leurs histoires de

pêches miraculeuses où aucun pois-son ne pesait moins de dix kilos. Ces histoires nous en connaissons les multiples variantes depuis bien longtemps, mais elles donnent quand même toujours le sourire.

La journée s’achève par le nettoyage à l ’eau douce de tout ce qui ne sent pas le propre, ainsi que par la préparation de la sortie du lendemain.

Ça y est ! Je peux désormais rentrer manger jusqu’à ce que mon estomac soit bien rempli, aller sur Internet et prendre une douche, quand même. Puis la soirée me permet de passer un moment avec mes amis, et de bons moments avec mon amie.

Allongé dans le lit je rêvasse, pense à la journée écoulée, à ce que je vais faire ce week-end, au match de handball de l ’équipe nationale qui approche… Soudain la porte s’entrouvre et une silhouette imposante s’exclame : « Debout ! ». Il est quatre heures ? Déjà ?

N°13 — Société

LA CHASSE À LA BALEINE,l’épine au pied de l’Islande

JOURNAL de bord d'un pêcheur islandais

75° N – 40°EPar Victor Gayet Gestsson

« LE CAPI-TAINE EST

À LA BARRE ET DIRIGE AVEC PRÉ-

CISION SON NAVIRE. »

Page 14: Le Pourquoi Pas / 2013

Quelles infrastructures pour les autistes dans un pays de 320 000 habitants ?L’équipe du Pourquoi Pas, après le visionnage du documentaire de Friðrik Þór, s’est penchée sur les conditions de vie des autistes en Islande.

Símon a aujourd’hui 12 ans. Comme 9 personnes sur 10 at-teintes d’autisme, il est de sexe masculin. Dernier d’une fratrie de six frères et sœurs, il a été diagnostiqué autiste non-verbal lors de ses deux ans. Les parents de Símon (le père est pêcheur et la mère est banquière) n’ont rien vu venir : « Bébé, il se développait normalement. Il avait commencé à parler. Rien ne le différenciait

des autres enfants ». Cependant, Bryndís et Gestur commencent à observer une régression dans le comportement de leur fils. Il arrête de parler, affectionne cer-tains objets en particulier et il devient de plus en plus difficile de le regarder dans les yeux. « Ce fut un choc pour nous quand le diagnostic est tombé. L’autisme est traître car on n’a rien vu venir. Encore aujourd’hui cela fait drôle de regarder des photos de lui d’avant ». Comment gérer cette situation lorsqu’on vit au nord de l’Islande ? La famille de Bryndís et de Gestur réside dans un village de 1 500 habi-tants à une heure de route de la deuxième ville la plus peuplée du pays, Akureyri. « Pendant

un moment nous avons envisagé d’aller vivre à Reykjavik, la capi-tale, car les infrastructures y sont plus importantes ».

L’Islande fait un cinquième de la France et compte 320 000 habi-tants. La densité de population est de 3 habitants au kilomètre carré. Comment l’État s’y prend-t-il pour subvenir aux besoins de tous les citoyens ? D’après des chiffres récents, 1,3 % des enfants islandais seraient atteints d’au-tisme.

« La municipalité a fait beaucoup de progrès ces derniers temps. Au début nous étions désem-parés. Avoir un enfant atteint d’autisme nous a rendus vulné-rables. » La famille de Símon a finalement décidé de rester dans le nord et d’effectuer des allers et retours mensuels vers la capitale et les spécialistes plutôt que de déménager. L’avantage de vivre dans une petite communauté, disent-ils, est que « tout le monde connaît Símon. Les premières fois où il rentrait tout seul de l’école, des gens le raccompa-gnaient à la maison, car ils pen-saient qu’il aurait pu se perdre. La solidarité nous permet de tenir le coup ». Aujourd’hui, à l’instar de Margret et Keli dans Le courage d’une mère, Bryndís, Gestur et leur famille ont compris qu’il ne fallait pas chercher à transfor-mer Símon, mais l’accepter tel qu’il est et tenter de comprendre son univers, sa réalité. « Nous devons apprendre à vivre avec

lui, et ne pas s’acharner à vouloir le changer, le faire rentrer dans la norme. Après tout, c’est la diver-sité du monde qui fait sa beauté et son intérêt, non ? » lance Vik-tor, frère aîné de Símon, d’un air taquin. Comme ses aînés mascu-lins, Símon aime particulière-ment la mer et la nature. Il adore explorer les fjords avec son marin de père à la recherche de bancs de poisson et peut observer les oiseaux sur les falaises des heures durant. Il a été baptisé Símon en l’honneur du meilleur ami de son père, disparu en mer. Une vieille croyance islandaise affirme que les âmes des disparus viennent parfois habiter le corps des nouveau-nés. On parle alors de « gömul sál » ou de « vieille âme ». Ainsi, un enfant de quelques mois à peine peut parfois don-ner l’impression d’avoir vécu 1000 ans. C’est le cas de Símon. Derrière ses beaux yeux bleus et ses boucles blondes, on sent une grande profondeur d’âme. Símon a beau ne pas pouvoir parler, il ne laisse personne indifférent et est très attachant. Il marque tous ceux et celles qu’il rencontre. Voilà peut-être le cadeau que les autistes nous font : ils nous font réfléchir sur notre rapport à au-trui et à la vie en général. Nous avons cinq sens pour percevoir le réel; les autistes, et Símon en tête, en auraient-ils un sixième ?

Concrètement, Símon a un em-ploi du temps bien organisé. Il se rend à l’école avec les autres en-fants de son village. Il a le droit

à des leçons particulières l’après-midi, il va souvent à la piscine et passe quelques week-ends par mois dans une ferme où il parti-cipe aux tâches, dans la limite de ses moyens. Mais Símon, enfant de son temps, adore surtout pas-ser du temps sur son Mac et son iPad. Il photographie les images qui défilent sur l’écran et les fait ensuite défiler à grande vitesse. Que voit-il ? Pourquoi fait-il cela ? Que recherche-t-il ? Ceux qui voient là une marque de défi-cience mentale devraient s’inter-roger sur les gens « normaux » qui restent stoïques plusieurs heures d’affilées devant des programmes télé abrutissants. « Les autistes ont la réputation d’être très en retard dans certains domaines, et très précoces dans d’autres. Símon, par exemple, faisait ses puzzles à l’envers, se repérant uniquement avec les formes, lorsqu’il était petit », raconte Gestur en regardant tendrement son fils. Quel avenir à présent pour Símon ? « Il faut continuer à travailler avec lui, la famille et l’école, ajoute-t-il, pour faire en sorte que Símon évolue dans un univers qui lui convient. Il nous faut découvrir et comprendre ce qu’il aime, afin qu’il mène l’existence la plus heureuse pos-sible. Car autistes ou pas, nous aspirons tous à la même chose : le bonheur ».

« Chaque homme dans sa nuit s’en va vers sa lumière », Victor Hugo

En 2009, l’un des réalisateurs les plus connus d’Islande, Friðrik Þór Friðriksson a sorti un docu-mentaire sur l’austisme, Sóls-kinsdrengurinn ou Le courage d une mère. L’idée lui a été souf-flée par Margret Dagmar Erics-dóttir, mère de Keli, onze ans, autiste non-verbal. Le documen-taire, brillant, suit le combat de cette mère qui se démène pour comprendre l’autisme, et ce fai-sant, son fils. Le film pose la question de la communication avec les autres, de l’existence et du rapport au corps. Les autistes sont-ils intelligents ? Sont-ils ca-pables de comprendre le monde qui les entoure ? Que penser lorsque les tests des médecins in-diquent que votre pré-adolescent

a le QI d’un enfant de deux ans ?La problématique que pose ce do-cumentaire est moins de décou-vrir comment soigner l’autisme que de savoir comment com-prendre ces individus différents de nous et apprendre à vivre avec eux. Les autistes évoluent dans un univers qui leur est propre. Ils ont des troubles du compor-tement qui peuvent se traduire par des actes d’automutilation. Il est parfois difficile d’avoir un contact visuel avec eux. Friðrik Þór Friðriksson filme avec ten-dresse et respect les efforts de Keli et de son entourage pour vivre ensemble en harmonie. Ce documentaire, tout en question-nant l’autisme et en dénonçant le manque de moyen mis à la disposition des familles, ques-tionne en réalité l’être humain et le sens de l’existence en général.

Car si les autistes sont différents, il n’en demeure pas moins qu’ils restent mystérieux à nos yeux. Quelle vision du réel Keli a-t-il ? Les autistes, de par une sensibi-lité différente du commun des mortels, bénéficieraient-ils d’une autre porte d’accès au réel et au monde qui nous entoure ? Peut-être avons-nous plus à apprendre des autistes que ces derniers de nous...

Friðrik Þór alterne des images fil-mées en Islande et aux États-Unis car Keli est issu d’une famille biculturelle. On le voit enfant, s’adressant à la caméra et la fixant droit dans les yeux. Puis progres-sivement, l’enfant semble perdre contact, ou perdre les moyens de communiquer avec le monde qui l’entoure. Débute alors la quête de Margret. Le spectateur passe

des rires aux larmes. Le projet a bénéficié d’une marraine de choix en la personne de Kate Winslet, qui ayant reçu le docu-mentaire chez elle a accepté d’en être la narratrice dans la version anglaise. Depuis, une fondation, la « Golden Hat Foundation » a vu le jour. Un livre, avec l’Islan-dais Keli et Kate Winslet en cou-verture, a été publié dans lequel DiCaprio et d’autres stars hol-lywoodiennes se mettent dans la peau de personnes en incapacité de communiquer. Ils répondent tous à la même question : si vous recouvriez l’utilisation de la parole après une vie murée dans le silence, quels seraient vos pre-miers mots ?

Cette question a laissé l’équipe du LPP songeuse... Et vous, quels seraient vos premiers mots ?

N°14 — Société

QUAND L’HISTOIRE d’un petit autiste attire Kate Winslet en Islande

PORTRAIT : Símon, petit autiste vivant dans le nord de l ’Islande

65°58 N – 18°32 W

65°58 N – 18°32 W

Par Lea Gestsdóttir Gayet

Par Lea Gestsdóttir Gayet - Photo : Virginie Le Borgne

Page 15: Le Pourquoi Pas / 2013

N°15 — Société

Cela peut sembler naïf ; lorsque j’ai atterri en Islande pour y effec-tuer mon stage de six mois il y a maintenant sept ans, l’un de mes objectifs était d’améliorer mon anglais. Ce qui est assez étonnant avec le recul mais il est bien connu que les Islandais sont des cham-pions des langues, et parlent tous au moins une seconde langue – et l’anglais en grande majorité.

Puis rapidement la volonté de se fondre au mieux dans la société islandaise grandit et l’apprentis-sage de la langue, ne serait-ce qu’à un « niveau survivor » s’impose. L’anglais devient un paradoxe. Il entretient nos origines lin-guistiques non-islandaises, mais représente aussi une bouée de sau-vetage qu’il faut admettre bien utile.

Se familiariser avec l’inconnu…L’islandais est une langue ger-manique, qui trouve ses origines dans l’ancien norrois, la langue des Vikings. La langue a peu évo-lué au cours de ces derniers huit ou neuf siècles.

Inutile de préciser qu’elle n’a aucune racine commune avec le français, ce qui ne facilite pas la tâche.

Son alphabet compte 32 lettres, et il faut se familiariser avec le « ð », le « æ » ou encore le « þ ». Il est aussi intéressant de noter qu’il n’existe pas de « c » ou de « q » dans cette langue.

Les Islandais ont droit à un cla-vier spécial, permettant ainsi l’accès facile aux caractères is-landais.

Sa prononciation est là aussi tout à fait différente, et l’islandais a des intonations inhabituelles pour une oreille française. On parle souvent de « langue qui chante » ; le chant proposé par l’islan-dais est je trouve assez sédui-sant. Des sons qui n’existent pas en français vont devoir être vite maîtrisés. Sachez par exemple que « au » se verra pro-noncé « œil ». « á » se dira « ao ». « Oui », qui est traduit « já » en islandais, est donc dit « iao ».

L’ordre des mots dans la phrase exige le verbe toujours en se-conde position.

L’islandais est une langue flexionnelle qui compte quatre cas (tous ceux qui ont choisi alle-mand en L.V.2 sauront de quoi je parle) et les déclinaisons repré-sentent clairement le casse-tête de toute personne souhaitant apprendre la langue. Il n’est pas aisé de savoir quand utiliser un datif ou un accusatif.

Se diriger vers une école semble être la meilleure démarche à suivre pour débuter. L’offre sur Reykjavik y est assez impor-tante. Les cours sont utiles pour acquérir et solidifier un mini-mum de bases et une fois que l’on a gagné un peu plus d’assurance nous voilà prêts pour aller goû-ter l’eau du grand bain.

… et se jeter à l’eauIl n’est pas facile de combattre ses peurs de paraître ridicule parce qu’on ne sait pas comment tourner une phrase ou pronon-cer un mot. L’audace et le cou-

rage doivent répondre présent dès le départ.

On peut d’abord s’entraîner tout en faisant ses courses dans les ma-gasins. Un « góðan daginn » (bon-jour), suivi d’un « einn poka » (un sac) et d’un « takk » (merci) suffi-ront. Ensuite, on peut tenter une commande au restaurant, ou le week-end venu, au bar. Pour les in-téressés, « une bière s’il vous plaît » se dit « einn bjór ». Et tout se fait graduellement. Il arrivera que l’on vous réponde en anglais, et dans ce cas il ne faut pas se décourager et poursuivre en islandais.

Discuter avec un collègue ou un ami est bien sûr une option de choix. Pour ma part, j’ai la chance d’avoir un collègue très patient avec qui je peux discuter sur nombre de sujets, et qui n’hé-site pas à me corriger lorsque j’utilise la mauvaise déclinaison. Soit dans 99 % des cas. Ça reste un moyen très efficace d’acqué-rir du vocabulaire.

L’apprentissage par imitation est aussi à prendre en considération,

c’est-à-dire apprendre la langue comme un enfant et ainsi ne pas chercher à comprendre mais simplement utiliser des bribes de phrases ou des expressions per-çues et assimilées auparavant. Il faut pour cela être attentif à son interlocuteur, écouter la radio, regarder la télé et laisser son oreille s’attarder sur des discus-sions entendues au travail, entre jeunes, à la piscine ou dans la rue. Il faut savoir accepter qu’un nom comporte seize déclinaisons dif-férentes selon s’il est employé au singulier ou au pluriel, avec ou sans article, au nominatif, à l’accusatif, au datif ou au génitif.

L’apprentissage d’une langue s’apparente à l’apprentissage d’un morceau de musique. Avant de le maîtriser parfaitement, il faut laisser le temps à l’esprit de s’imprégner de chaque note. Il en va de même avec les mots. Il pa-raît qu’il faut entendre un même mot trois fois avant de pouvoir le retenir et se l’approprier.

APPRENDRE l’islandais64°08 N – 21°56 WPar Axelle Detaille

L'ISLANDE : une île phare dans l’Atlantique Nord, entre deux continents

À Thingvellir, haut lieu de l’iden-tité islandaise, une simple crevasse sépare deux continents. Il est pos-sible, sans grand effort, d’avoir un pied en Amérique et un pied en Europe. Nombre de visiteurs qui se livrent à ce petit exercice phy-sique ont le sentiment d’être pro-pulsés à coup sûr dans l’euphorie, voire l’irréalité. Cette crevasse, en ce site quasi magique, illustre, fait comprendre mieux que beau-coup d’ouvrages, la configuration géopolitique de l’Islande. Une île phare dans l’Atlantique Nord encore rattachée à l’Europe par la culture et les traditions, mais déjà partie intégrante du Nou-veau Monde. Les Islandais, venus de Norvège et d’Irlande, ont en effet souvent les yeux tournés vers l’ouest, vers l’Amérique.

Quand la crise économique, née de la banqueroute des princi-paux établissements financiers du pays, a touché de plein fouet la société islandaise, la kronur (la monnaie nationale) s’est ef-fondrée, son cours a tellement chuté que la question s’est posée de la remplacer par une autre devise. La première éventualité a été d’adopter à sa place l’euro. Cependant la situation écono-mique de la zone euro est appa-rue à ce point préoccupante que des voix se sont aussitôt élevées dans la classe politique islan-daise pour préconiser une autre solution : le passage au dollar canadien.

Rien d’étonnant à cela, au Ca-nada réside une forte commu-nauté d’origine islandaise. Au XIXe siècle et au début du XXe

siècle, les Islandais ont quitté en masse leur pays natal pour aller chercher fortune ou simplement survivre sous d’autres cieux, notamment en Amérique du Nord. C’étaient des paysans, des pêcheurs, ou les deux à la fois, ils allaient s’enraciner dans des terres vierges qui n’attendaient que la main de l’homme. Ils avaient été précédés un millier d’années auparavant par leurs ancêtres à l’esprit aventureux, les Vikings.

En effet les intrépides Vikings, venus d’Islande, avaient non seulement mis le cap sur l’ouest en vue d’explorer, dans de folles expéditions, les côtes glacées du Groenland, mais s’étaient aventurés jusque dans les fo-rêts du Canada actuel. Les ves-tiges d’implantations norroises

viennent témoigner que bien avant Christophe Colomb les Vi-kings avaient découvert l’Amé-rique. Cette fascination pour les terres inconnues se retrouve dans les Sagas. Cette fascination fait partie intégrante de la psy-ché islandaise.

L’Islande, membre de l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord), participe à sa manière à l’effort de guerre contre les Talibans en Afghanis-tan. À sa manière ? En raison de sa faible population (320 000), étant donné que l’Islande n’a pas d’armée, un seul Islandais vient prêter main forte au corps expéditionnaire de l’OTAN en Afghanistan. Il séjourne alter-nativement à Kaboul et à Reyk-javik. Les autorités islandaises tenaient à démontrer leur volon-

té de respecter les engagements internationaux de leur pays, même de façon symbolique...

« Entre deux continents, mon cœur balance », pourraient chanter en chœur les Islandais. Entre l’Europe et l’Amérique, certains d’entre eux ont parfois du mal à choisir. Toutefois ils ne sont pas obligés de choisir. Ils ont suffisamment de confiance en eux, d’énergie et de créati-vité pour inventer une formule hybride…et développer une société qui puisera à l’avenir le meilleur ou le pire dans les deux continents. En tout cas, la capi-tale Reykjavik joue d’ores et déjà un rôle phare dans l’ensemble de l’Atlantique Nord.

64°08 N – 21°56 WPar Serge Ronen - Photo : Julien Ratel

Page 16: Le Pourquoi Pas / 2013

« Certains mots sont probablement aptes à changer le monde, ils ont le pouvoir de nous consoler et de sécher

nos larmes. Certains mots sont des balles de fusil, d’autres des notes de violon. Certains sont capables de faire fondre la glace qui nous enserre le cœur et il est même possible de les dépêcher comme des cohortes de sauveteurs quand les jours sont contraires et que nous

ne sommes peut-être ni vivants ni morts. » JÓN KALMAN STEFÁNSSON, ENTRE CIEL ET TERRE, PARU EN 2010*

* Traduit par Éric Boury (Éditions Gallimard)