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truongthien
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ROMANCe livre est une fiction. Toute référence à des événements historiques, des comportements de
personnesoudes lieux réels seraitutiliséede façon fictive.Lesautresnoms,personnages, lieuxetévénements sont issus de l’imagination de l’auteur, et toute ressemblance avec des personnagesvivantsouayantexistéseraittotalementfortuite.
ÉDITION : Le Code français de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductionsdestinéesàuneutilisationcollective.Toutereprésentationoureproductionintégraleoupartiellefaitepar quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayantcause, est illicite (alinéa 1er de l’articleL. 122-4) et constitue une contrefaçon sanctionnée par lesarticlesL.425etsuivantduCodepénal
Tousdroitsréservés,ycomprisledroitdereproductiondecelivreoudequelquescitationsquecesoit,sousn’importequelleforme.Lespeinesprivativesdeliberté,enmatièredecontrefaçondansledroitpénalfrançais,ontétérécemmentalourdies:depuis2004,lacontrefaçonestpuniede«troisansd’emprisonnementetde300000€d’amende».
CouverturephotoCopyright:ShevalierArtPremièreédition:Décembre2016
ISBN:9782375761519Copyright©2016Correctrice:Hélène
Attachéesdepresse:Juline,PhanieIllustratrice:Constance
www.lipsandrolleditions.comRetrouvezlessorties,lesnewsetlesjeux-concours
Lips&RollEditionsRetrouvezl’actualitédel’auteure:
SissieRoy
Biographiedel’auteure:SissieRoya32ans,etvitdanslarégionadministratived’Abitibi,dansl’ouestdelaprovincedu
Québec,auCanada.Elle est l’aînée d’une fratrie de trois enfants, et travaille comme intervenante en santémentale
depuisquelquesannées.C’estsagrand-mèrequiluiadonnélegoûtdelalecture.Elleacommencéàécrireàl’adolescence,pours’évaderdesmauxcausésparcettephasedelavieparfoishorrible,maiscen’estquedepuiscinqansqu’elles’estmiseàécriredeshistoires.Auparavant,ellen’écrivaitquedeschansonsetdespoèmes.
Écrires’estimposépeuàpeudanssavie,pourdeveniraujourd’huiunevéritablenécessité.
PrologueGabeTofino–Colombie-BritanniqueEntremamallette,lescoursespourledîneretlesfleurspourHazelle,j’ailesbrasbienchargés.
Maisjeparvienstantbienquemalàouvrirlaporte.Putaindemerde!Pasmoyenqu’elleviennem’aider!Unefoisàl’intérieur,jedéposelessacsetresteabasourdidevantlespectacle.Toutestretourné
danslabaraque,c’estunbordelmonstre!Ils’estpasséquoiici,putain!?Jelaissetomberausolcequ’ilmerested’entrelesmains.J’avanceàpasdelouplorsqu’unbout
depapiersurlatableattiremonattention.«C’estdifficile,maisjen’aipaslechoix.Jedoispartir.Pardonne-moi.Jet’aime.Tulesaisetça
nechangerajamais.Cen’estpastoi,c’estmoi…–Haz»Derage,j’attrapelepapier,lemotetlejettedanslapoubelle.Voilà!Ellel’afait!Elleestpartie…
Àquoi jem’attendais de toute façon ?Ces temps-ci, ellememenaçait de plus en plus souvent defoutrelecamp.
Notrepetitebourgadedemoinsdedeuxmillehabitantsneluiajamaissuffi.Notrevieneluiajamaissuffi!Quevoulait-elledeplusquetoutcequenouspossédonsiciavec
l’airdupacifique,uneîleetlesurf?Tofinoatoutdeparadisiaque,maisilluimanquelesgratte-cieletl’airpolluédelaville.
Ellel’afait…Etmoidanstoutça?Jesuisencoreausecondplan…
1HazelleMontréal–Seizemoisplustard.À des milliers de kilomètres de mon village natal, l’enfer s’est matérialisé sous mes pieds.
Sombre,froidetlugubre.Lavieidylliquedontj’airêvén’aduréquequelquessemaines.Fraîchementdébarquée,jerencontraicethomme,sidifférentdetouslesautres.IlétaitloinderessembleràGabe,avecsonprofildubongars.Cole,lui,possèdetouteslescaractéristiquesdumecdangereux.Desestatouagesà sonallurededur. Ilm’aplu immédiatement,maisnotre relationne fut jamais aubeaufixe.Rapidement,jefusprisonnièred’unespiraleinfernale.Sescolèresfurentfréquentes,sesinsultesabondantes.Ensuite,ildétruisit,peuàpeu,touslesobjetsquinousentouraient.Bientôt,ilsedéfoulasurmoi.
Cemassacreduredepuisdesmois.Jen’aijamaisrienconnudetel.Marespirationestsaccadée,monsoufflecourt.Unepenséemetraversel’esprit:sijesurvisàça,jeretourneàlamaison.
Unelarmeroulesurmajoue,ungémissements’étrangledansmagorge.Jeposemamaincontrema bouche, tentant désespérément de me faire silencieuse. Plus un bruit, un grognement ou untremblement.Jemeconcentreetcomptejusqu’àmilleavantdem’extrairedulit,nerveuse.Mesgestessontrapides,maiscalculés.Monbutestprécis:mebarrerd’ici.
J’attrapemonjeansetfileàpasdeloupverslaporte.Maboucheaungoûtdésagréablederouille,monvisageestdouloureux.Enfait,moncorpstoutentiermefaitmal.J’aidusangséchésurl’unedemespommettesetsousl’avant-brasgauche.Sijesurvis,jeneseraiplusjamaislamême.
Sijenepeuxplusêtremoi,nevaut-ilpasmieuxmourir?Cettepenséemenouel’estomacetmedonneenviedegerber.
Lamortnedoitjamaisêtreuneoption!JAMAIS!Arrivéeàlacuisine,j’enfilemonpantalonetcherchelesclésdemavoiture.Putain!!!Illesamisesoù?Danslapochedesonjeans…Merdedemerde!Paniquée,jeretournedanslachambre.Levoirendormidansmonlitenboxermerépugne.Jevais
vomir alors que je n’aimême pas baisé avec lui. Faut dire qu’avec tout le shit qu’il prend depuisquelquesmois,plusmoyenpourluidebander.Jefouillesonpantalonettrouveenfinmesclés.Jeleregardepourlatoutedernièrefoisavecunenouvellevaguededégoût.
J’aiétésinulledeluifaireconfiance.Siidiotedecroirequ’ilallaitchanger…Leslarmesmemontentauxyeux.Faitchier!Cen’estpaslemomentdechialernidet’apitoyersurtonsort…Magne-toietdégaged’ici!!!J’attrapemesbottesalorsqu’ungrognementenprovenancedelachambrem’emplitdeterreur.Je
relèvelatête,nebougeplus,nerespireplus;ilremuedanslelit.Ilestréveillé.Cettefois,ilvametuer,aucundoute.Ilnevapasm’épargner.Ilvamefaireencoreplusmalquecettenuit…—Hazelle?marmonne-t-ildel’autrecôtédumur.Prisedepanique,j’agripped’unemainmonsacquisetrouveàl’entrée,del’autremeschaussures
etjecoursdehorssansréfléchir.C’esttoutcequej’aipurécupérer.Laneigemegèlelespiedstandisquemon cœur tambourine à pleine vitesse dansma poitrine. Je tremble lorsque j’entends la porteclaquerderrièremoi.
Je déverrouille à distancema voiture et y grimpe avant de refermer la portière. Enmoins detempsqu’iln’enfautpourpousserunsoupirdesoulagement,ilfrappelacarrosseriedemabagnoleavecunerageincontrôlable.
Tétanisée et en larmes, j’arrive à démarrer et quitte cet enfer sans même jeter un coup d’œil
derrièremoi.Jesuisvivante.J’aipeineàycroire.Mais…jevaisoùmaintenant?Lecœur lourd, jeconduispendantunevingtainedeminutes,m’éloignant lepluspossibledece
démon.Jeme gare sur le parking d’unMcDonald’s, assez loin, je l’espère, demon anciennemaison.
Grelottante de la tête aux pieds, je ne me rends compte que maintenant que je suis frigorifiée.L’adrénalineétaitàsonapogée.Àprésent,ellechuteetmontee-shirtnesuffitplus.Merde!Jesuispartiesansrien,nimanteaunivêtement.Rien.Lechauffageestaumaximum,maismestremblementsn’ensontpasmoinsapaisés.Encemoment,riennepourraitmecalmer.
Jejetteuncoupd’œilsurlabanquettearrièreetyaperçoismavestefétiche.Quelsoulagement,elle survit à tout ! Je me mets à rire, mais également à pleurer, je suis devenue incontrôlable,complètement hystérique. J’essaye de convaincre mon esprit de se calmer et réfléchir, mais c’estpeineperdue.Ilnerépondplusderien.Pourtant,aprèsdixminutes,latensioncommenceàretomber.
Lepetitmiroirdupare-soleilm’effraie.Cettefois,monvisagen’estpassituméfié.Ilrestetoutdemêmelesangsurmajoueetsurmonavant-bras.Impossibledecontinuermaroutedanscetétat,jedoistrouverunmoyendemerincer.Ilesttardetleparkingestpresquevide.J’attrapemavestesurlabanquettepourl’enfileretremontelacapuchesurmatêteavantdesortirdelavoiture,lesbottesauxpieds.Mescôtesmefontsouffrir,jesuisépuisée.
D’unpasrapide,j’entredanslefast-foodetmedirigeverslestoilettes.Lelieuestpresquevide,maislesquelquespersonnesprésentesmedévisagent.
CommesouventdepuisquejecôtoieCole,jefixelesol.UnefoisdanslesWC,jesuissitremblantequejem’appuiecontrelaporteuninstantavantdeme
précipiterversle lavabopourfairedisparaîtrelesangséché.Jejetteuncoupd’œilendirectiondumiroir, l’image que je renvoie me fait peur.Mes yeux sont rougis, ma lèvre est gonflée commejamais et j’ose à peine regarder mes bras. Je soupire et inspecte mon visage pour trouver d’oùprovient le sang. Ilm’a salement entaillé lapommette l’enfoiré !L’eauquimenettoiedévoileuneblessured’environcinqcentimètres,heureusementpeuprofonde.J’enlèvemavesteetlaposesurlecomptoir.Mes yeux semouillent de nouveau,mais je ne craquerai pas. Sesmots sont ancrés dansmonesprit:«sijetefaisça,c’estparcequejet’aime…»
Ressaisis-toiHaz!T’aspluslechoix…Le visage à peu près propre, je regagne ma voiture, mais je me sens sale comme jamais.
Maintenant,jefaisquoi?Jevaisoù?Unepenséequej’aieuesouslecoupdel’adrénalinemerevient.«Sijesurvisàça,jerentrechezmoi.»Sansréfléchirdavantage,jem’engagedanslarueetquittecettevillemauditequim’adétruite…
Tofino,attends-moi,j’arrive!
2HazelleHardin,dansleMontana,merappellebientroplavillequej’aifuieilyaunpresqueanetdemi.
Lemêmedécorfigédansletempsavecseshabitantsquisortenttoutdroitd’uneautreépoque.J’entreensoupirant,blasée,danslastation-servicepourfairelepleinderavitaillement.C’estprobablementl’unique du coin et toutme donne la nausée dans cet endroit. J’attrape quatre canettes de boissonénergisanteainsiqu’unpaquetdechipsavantdemedirigerverslecaissier.Jeposemesachatssurlecomptoiraveclamêmenervositéquim’habitedepuismondépartdeMontréal.
PutainHaz,wakeupgirl!1Ilnepeutpasteretrouverici!—Avez-vousprisdel’essence?medemandelecaissier,dansunsourirefigé.—Oui,l’acura…rougeà…lapom…peune,marmonné-je.—Pardon,jen’aipascompris.Soudain,troisjeuneshommesàpeineplusâgésquemoifontuneentréefracassantedanslepetit
commerce. Ils font claquer la porte et se dirigent à vive allure vers lemarchand, visages graves.Aprèsunsursaut,jemecaledansuncoin,entrelemuretlecomptoir,pourmefairetransparente.
—HeyMec!hurlel’undestypesaupropriétaire.Lestroisgarssonthilares,tandisquemoncœurbatàtoutrompredansmapoitrine.Leurbêtise
me tétanise et je décidede filer endoucevers les toilettes.Pournepas craquer, lemieux reste dem’isoler.Jemeprécipite,ouvrelaporteleplusvitepossibleetpénètredanslesWC.Danslapanique,jemanquede trébucher,maisme rattrape à tempscontre lapoubelle. Jemaintiens laporte ferméed’unemaintremblantealorsquedeslarmesmemenacent.
Cen’estpaslemomentdepéterlesplombs!Respire!Calme-toi!Respire!10…9…8…7…6…5…4…3…2…1…0…J’essayedemeconvaincrequeçavamieuxetm’emparedemontéléphonerangédanslapochede
mon jeans pour penser à autre chose.C’est peine perdue : plusieurs textos et une dizaine d’appelsmanqués. Pourtant, tout cela ne provient que d’un seul numéro.C’est lui, toujours lui ! Lui et sesputainsdemenaces.J’enpeuxplus.Entendresavoix, liresesmessages,c’esthorsdequestion!Jesupprimetout,sansscrupule.Monrefletdanslemiroirmefoutencorelatrouille.Mêmesimalèvreadésenflé,mesyeuxsontinjectésdesangetj’aidegroscernesviolacés.
Descoupsrésonnentàlaporteetunenouvellevaguedepaniques’emparedemoi,dissipantlepeudecalmequ’ilyavaitenmoi.Faitesquecettepersonnedégage!Faitesquejen’aipasàluiparler!Faitesquejepuisserestericiindéfiniment!
—Hého!?Y’aquelqu’un?Unlongsoupir,quiressembleétrangementàuneplainte,s’échappedemabouche.—Hého?insistel’inconnu.—J’ai…J’ai…Ouic’estbon…J’ai l’impressionque jene saisplusm’exprimer. Je respireunboncoupet sorsàpasde loup.
Tête baissée et corps tremblant, j’espère ne pas croiser la personnequim’adérangée. Je retourneverslecaissierpasmoinsrassurée,mais,aumoins,sanscrisedelarmes.
—Çava?s’inquiète-t-ilsuruntonbienveillant.—Ouais!réponds-jed’unairfaussementdétaché.Ilposeunregardinquisiteursurmoi;jeluifouslesboules,j’ensuiscertaine.Fautdirequemon
apparencem’effraieaussi.Jetenteunbrefsourirepourlerassurer,envain.—Voussemblezfatiguée,larouteestlongue?—JemerendsàTofino.
—Lavilledusurf,ricane-t-ilgentiment.Il éclatede riredevantmagrimaceetm’offreunclind’œil.Pourquoi jen’aipas rencontréun
mecdecegenreaulieudeCole!?BordeldemerdeHaz!Necommencepasàteposercetypedequestion!Paslapeinederemuerle
couteaudanslaplaie.—Vousn’aimezpaslessurfeurs…—C’estça,lecoupé-je.—Vousallezfairequoilà-bas?—Jeretourneàlamaison.Cescinqputainsdemotsontungoûtamer,ilssontcoincésentraversdemagorge.—Jevaisvoussouhaiterbonneroute,maisjevousconseilledevousreposerunpeu…—C’estunluxequejenepeuxpasmepermettrepourl’instant,avoué-jeavectristesse.—Jetravailleseuljusqu’àminuit.Monpatronestabsent,sivousvousgarezàcôtédelaMazda
blanche,vouspourrezvousreposertranquille.—Merci,jerépondsenluitendantl’argentpourréglermonpleind’essenceetmesachats.Unefoisdehors,leparkingsemblevide.Épuisée,jeconsulteleGPSsurmonportable.Impossible
de conduire pendant vingt heures sans dormir et l’effet des boissons énergisantes s’estomperaforcémentaprèsuntemps.Jemetslecontactetmegareàlafameuseplace,pourtrouverunsemblantd’intimité.Aprèsunsoupir,jeremontelacapuchedemavestesurmatête,monmanteaufraîchementachetémefaitofficedecouverture.Mesyeuxseferment,sansconviction,maisjem’endorspresqueinstantanément.
«Oùsuis-je?Lelieuestlugubre,sombre.Jesenslafraîcheurdubétoncontremespaumesalorsque j’essaie de me relever, avec beaucoup de peine.Mon corps est douloureux, mais je suis enfindebout.J’avancedoucementjusqu’àbutercontreunmur,carmesyeuxontdumalàs’habituerà lapénombre.Ilesttoutaussigeléquelesol.Jecherchelaporteàtâtons,malheureusementintrouvable.Uncridéchirelesilencequirègne,lagorgemefaitmal.Ilmesemblequec’estmoiquisuisentraindehurler.Jegueuleàm’encasserlavoix.Lapeurs’emparedemoi.Mespoingsmartèlentlemurdeplusenplusfort,jusqu’àm’enbriserlesos.
—Haz,jetefaisçaparcequejet’aime.Ilestlà.Ilfautfuir,maislapeurmetétanise.Ilvam’attraperetmetuer.Ilatoujoursditqu’ille
ferait.J’entendsunbruitsourd,commesiquelqu’unfrappaitcontreunefenêtre.—Hazelle…Sa voix… Je frappe de nouveau contre le mur froid dans l’espoir de trouver une façon de
m’échapperdecetendroit.Ladouleurmentaleestaussifortequeladouleurphysique.Sonintonationmefaitmal,autantquesesmainssurmoncou.Jesuffoque,j’aifroid,jemeurs.»
Soudain,c’estcommesiquelqu’unm’avaitsecouéeviolemment,mesyeuxs’ouvrent.Bordel!Jesuisoù?Affolée,jereprendspeuàpeumesesprits.Onfrappeàlafenêtredemavoiture.Levisageécrasé
contrelavitremefaitsursauter.Leputaindecommis…J’ouvremaportière,tremblantecommeunefeuille,defroidetdepeur.
—Çava?medemande-t-il.—Ouais,j’aijustedormipluslongtempsqueprévu.—Y’apasdemal,maisvousn’avezpasl’airenforme.—Jepensequej’aipioncésuffisamment.Jevaiscontinuermaroute.Mercientoutcas.—Sivousvoulez,jepeuxvousprêtermondivan!C’estmieuxque rien,mepropose-t-ilgentiment.L’ancienneHazelle, insouciante, aurait toutde
suiteaccepté.Dommagequecettenanasoitmorte…C’étaittellementplussimpleavant.Cellequeje
suismaintenant,jenepeuxpaslasupporter.Ellemerépugne.Elleestridiculeàavoirpeurdetoutetderien.
—Çavaaller,réponds-jeenposantpourlapremièrefoismesyeuxsurlui.Sonregardme transperce.Jemeredressesurmonsiègeen le remerciant.Mavoixn’estqu’un
faiblemurmureetjenesuispassûrequ’ilm’aitentendue.Moteurallumé,jefaisunemarchearrièreetquitteleparking.Lesruesdecettevillesontvideset
monmalaisetoujoursgrandissant.Sonregardplantédanslemienmefaitpresquesuffoquer,jesuistroublée.Sijenemecalmepas,
jevaisdevoirmegarerenbordurederouteunenouvellefoisetattendrequemaconfusionsedissipe.Moncœurtambourinedouloureusementdansmapoitrineetmarespirationdevientsifflante.Suis-jeentraindefaireunecrisecardiaque?Encoreunefois,matentativepourrestersereineestunéchec.Je ne peux contrôler nimon corps nimes pleurs et suis obligée dem’arrêter pour retrouvermesesprits.
Trèsvite,cesmagnifiquesyeuxsontremplacésparceuxdeCole.Ilssontancrésdanslesmiens,diaboliques.Malgréleurlueurdémente,ilsn’ontpasd’étincelle,commedépossédés.Sidifférentsdeceuxduvendeurqui,pourtantdelamêmecouleurmarron,ontunebeautéinnocente.Unepointedebrun foncéautourde lapupille.Onpeuty lire la joieet labonté.CeuxdeColesontéteintsdepuislongtemps. Jen’yvoyaisquede la colère,de lahainepour lemondeentier, y comprispourmoi-même.
Ilenavaittoujourscontremoi…Jerespirelentement,commesisesirisétaientconstammentposéssurmoi.Jemecaleaufondde
monsiège,aumilieudenullepart.Jepourraisbienmouriricietpersonnenes’enrendraitcompte.Jeprendsmatêteentremesmainsetpousseunsanglotdedésolation.Moncorpsmefaitsimalquej’ail’impressionquetouttangueautourdemoi.Jemordsmonpoingpourreteniruncri.
------1Réveille-toimafille!
3HazellePlusdequarante-huitheuresplustardsurleferrydeDuke,j’arriveàsentirunpeud’apaisement.
Malgré les centainesdekilomètres, j’ai pu trouverquelques instantsde sommeil ici et là dansdesaires d’autoroute. J’ai aussi fait quelques pauses rapides pourm’acheter des fringues bonmarchédansunWalmart,boufferdansdestruck-stopdégoûtantsetpisserdansdeschiottesmalodorantes.Desdizaines de canettes de boissons énergisantes jonchent la banquette arrière. Qui aurait cru que j’yarriverais?Pasmoi!
Enabandonnantmavillenatale, jem’étais jurédene jamaisyremettre lespieds.J’aiquittémafamilledujouraulendemainetjenepensaisplusjamaislarevoir.Enplus,j’aitoujourstoutdétestédanscetteville.Leshabitants,lessurfeurs,lesmémés,maissurtoutlesrumeurs…
J’ai eu la vie typique des personnes bien élevées des petits bleds.Nous nous connaissons tousdepuis nos premiers pas, nous avons grandi ensemble, partagé nos rentrées d’école chaque année.L’été,c’estremplidetouristes,surtoutdepuisquelesurfestdevenuunemode.
RespireHaz!Calme-toi!C’estçaoul’enfer.J’attrapemonsacàmainetmontéléphone.Personnen’estaucourantdemonretour.J’auraisdûprévenir,maisjen’enaipaseul’envie.Pas
maintenant. Je serai bientôt devant le fait accompli alors ne devançons pas l’inévitable.Dansmonbazar,jetrouveunepaired’écouteursquejebrancheàmonportable.L’airtièdeduPacifiquecaressemonvisage,emmêlantunpeuplusmescheveuxmauves.Jefrémis.
Quoi de plus approprié que d’avoir Jesus of Suburbia de Green Day dans les oreilles pourdécouvrirlesbergesdeNanaimo?
«Themottowasjustalie/Ledictonn’étaitqu’unmensongeItsayshomeiswhereyourheartis/Ilditquelefoyerestdansvotrecœur
Butwhatashame/MaisqueldommageCauseeveryone'sheart/Carlecœurdechacun
Doesn'tbeatthesame/NebatpasdelamêmefaçonIt'sbeatingoutoftimeIlmarqueunemesure»2
Unefoisaccostée,plusquedeuxcentvingtkilomètresmeséparerontdeceuxquej’ailaissés,ilyaplusd’unan.L’appréhensionmegagnetandisquejeretourneàmavoiturepoursortirdutraversier.
—HazelleHollis?Non!Non!Merde!Paselle!Jevoulaispasserincognitojusqu’àcequej’arriveàbonport.Dumoins,jusqu’àcequejesubisse
les foudres dema famille.Mondépart leur a été annoncépar une lettre déposée sur la table de lacuisine.Bon sang, ce que j’ai été lâche ! La vie ici n’était pas pourmoi,mais celle que j’avais àMontréalnefutpasmieux.
Jeme retourne pour faire face à une ancienne amie du lycée, FlorenceCatina. Toujours aussibelleetsophistiquée.Longscheveuxbrunsparfaitementcoiffés,magnifiquesjambesmouléesdansunjeans et très joli pull en laine.Moi, j’ai l’air d’une cruche.Lèvres légèrement enflées, ecchymosesousl’œiletinutiledeprécisermonstylevestimentaire.Etsijeprenaismesjambesàmoncou?Pasfacilesurunferry…
Unebellepenséeprometteuse,maisjesuistétaniséeparl’ironiedelasituation.Fairefaceàmonpassémeclouesurplace.Lafilled’antanquin’avaitjamaispeurderiennidepersonnerestefigéeparlasilhouetted’unsouvenir.
—Flo!Plusque cinqminutes à passer sur ceputainde traversier et je dois tomber sur la plusgrande
pipelette de l’île. C’est bien ma veine ! Impossible de passer mon retour sous silence maintenantqu’ellem’avue.
Bordeldemerde!—T’étaisauQuébec,c’estça?m’interroge-t-elle.—Lesnouvellescirculentviteapparemment.—T’asquandmêmequittéuneviederêvepourallercreverdefaimàl’autreboutdumonde.Il
t’estpasséquoiparlatête,sérieux?Comme d’habitude, elle crache son venin au bout de trente secondes. C’était prévisible. Mes
penséess’embrouillent,jereviensicicontremongré.Maisjemesuispromisquesijesurvivaisàça,jerentraisàlamaison.
Putain,lamaison…— De toute façon, il a rapidement trouvé du réconfort auprès d’une autre, continue-t-elle,
haineuse.Merde,elleestaucourantpourtantqueGabeestunsujettabou!—C’estungrandgarçon,ilfaitcequ’ilveut,tusais?Etpuis,enquoiçateconcerne?J’aiquitté
Tofino,j’aivoulutenterdenouvellesexpériences.J’avaispasenviedepourririci,moi.Mon discours sonne faux, creux. J’aurais bien aimé lui rabattre le clapet,mais c’est un échec.
Gabe,celuiquiconnaîttousmessecrets,celuiquiatoujoursétélàpourmoi…Jenedoispaspenseràluietmeconcentrersurmonbutpremier:mettreleplusdedistancepossibleentreMontréaletmoi.
Cinqmilledeuxcentskilomètres,c’estassez?Putain,j’espèrequeoui!—Jevaisregagnermavoituresitun’yenvoispasd’inconvénient,ajouté-jeenlacontournant.Ellem’agrippeparlebras,sesonglesplantésdansmapeaumarquéeparlesévénementstragiques
demavie.Priseaudépourvu,jegrimacededouleur.D’unviolentcoup,jemesoustraisàsapoigne.—Haz,tonbras?!Nos regards sont soudés, unmillier de questions passe dans le sien, tandis qu’elle doit lire la
terreuretlahontedanslemien.—Nemetoucheplusjamais,aboyé-jesuruntonacide.Elle recule d’un pas, stupéfaite par mon agressivité. Rapidement, je regagne ma bagnole, le
soufflecourtetlapeurauventre.Simonsecretestdécouvert,jevaismourird’embarras.Deslarmespiquentmesyeux,toutçaest-ilvraimentréel?Jem’éteinsàpetitfeu.Dépassée,lajeunefemmequiaquittésonpatelinmerdiquedontlespupillesbrillaientdepromesses,derêvesetdepassion.Elleétaitentière,maistoutças’estenvolédepuisdesmois.
**Le chemin qu’il me reste à faire est paisible en apparence, alors que dans ma tête, c’est
l’explosion.Mesmainstremblent.LamusiquedeSilversteinrésonnedanslavoiture,maisçanem’apaisepas.
Plusriennemedistrait.Jeconduisunmoment surPacificRimHighway, longeantquelques lacs.La routeest sinueuse,
maislavueàcouperlesouffle.Jesuisloindesgratte-cielmontréalais.Cependant,jenesaispassic’estunsoulagementousiçameterrorise.LorsquejetournedanslarueLynnetaperçoislamaisondemonpère,jesuisprochedel’évanouissement.Jegaremavoiturederrièrecelledemonpaterneletobservel’habitation,peuconfiante.Uneadolescenteavecdelongscheveuxrouxapparaîtàlafenêtredusalon.Maisie !Mapetitesœur. Jesorsde lacaisseetmes jambesmeportentàpeine jusqu’à lamaison.J’entresansfrapper,c’estchezmoiaprèstout.
—Haz?!hurlemafrangineencourantversmoi.Jemepenchepourlaprendredansmesbras.Unsentimentdeculpabilitémontetoutdesuiteen
moi:parsonétreinte,jedevinequejeluiaimanqué.
—Tufaisquoiici?PapaaditquetunereviendraispaspourNoël…—Etbiensi,tuvois,jesuislàpourpasserquelquetempsavecvous,annoncé-je.—Tum’asachetéuncadeau?—Un cadeau ? répété-je, abasourdie. Jeme suis décidée au derniermoment pour venir vous
rendre visite, mais nous irons faire les magasins pour te trouver un petit quelque chose dans lasemaine,d’accord?
Despasenprovenancedelachambremefontreleverlatête.Monpèrefaitsonapparitiondanslesalon,enjogging.Visiblement,lesbonnesvieilleshabitudesn’ontpaschangé.C’esttoujourscequ’ilportequandilnetravaillepas.
—Hazelle?Quefais-tuici?demande-t-ilenfronçantlessourcils.—Jeviensvousrendrevisite.—T’eslàpourcombiendetemps?—Jesaispas!Quelquesjours,peut-êtreunesemaineoudeux…—Tonanciennechambresertmaintenantdedébarras.Tuaurasunpeudeménageà fairepour
accéderàtonlit.TucomptesallervoirGabe?Putaindemerde!Illefaitexprèspourmefairechier!J’aienviedeluihurlerqu’ilm’énerve,maisjen’enferairien.Jesuisépuiséeetn’aipaslaforce
pouruneconfrontation.—Non,jenecroispas!jerépondsavecunsourireforcé.Il hausse les épaules etmet ses grossesmains calleuses dans les pochesde sonpantalon.C’est
effrayantcommentjeluiaimanqué!Aprèsunlongsilence,ils’avanceversmoietmeprenddanssesbras.—JesuisheureuxquetusoisàlamaisonpourNoël.—Moiaussi.—Nememenspas,continue-t-ilenéclatantderire.
------2JesusofSuburbiadeGreenDay,extraitedel’albumAmericanIdiot,sortile21septembre2004
parlelabelRepriseRecords.
4GabeJen’aimepaslesragotsetyprêterarementattention.Çarentreparuneoreille,etçaressortpar
l’autre.Unesacréepertedetemps!Dénuéesdesens, les rumeurs finissent toujoursparêtre transformées.Donc,autant les ignorer.
Dansnotrepetiteville,toutcircule,trèsvite,tropvite,etc’estsouventdesconneries.Pourtant,cettefois,jenepeuxpasresterdemarbre,surtoutqueçameconcerneunpeu.Est-cevrai?HazelleHollisest de retour ? C’est comme un coup de poing en pleine gueule. Celle qui m’a détruit en ne melaissantqu’unesimplelettrepourtouteexplicationestrevenueaprèsseizemoisd’absence?
Certains racontent qu’elle a débarqué chez son père sans rien, pas même un sac. D’autresprétendentqu’elleacroiséFlosurleferry,etqu’ilyaeuungrosmalaise.Quelques-unsajoutentqueHazelle aurait été agressive. Faut dire que cette nana réagit au quart de tour et vautmieux pas lachercher.
Est-ellevraimentde retour?Est-elle là,dans lamêmevillequemoi?Va-t-ellebien?Est-elleheureuse?
Toutes ces questionsm’assaillent l’esprit, alors que je ne suis pas sûr de vouloir connaître lesréponses.
Quelleironie!Évidemment, jeneluisouhaitepassonmalheur,maisladécouvrirépanouiemeferaitmal.Nerveuxetlagorgenouée,jegaremavoituredanslarue.Combiendefoisai-jefaitcetrajetquandnousétionsados?Ellefaisaitlemur,j’adoraisça.Maistoutçaestrévolu.Elleauraitdûm’enparleravantdepartircommeunevoleuse.
Jesorsdemabagnole,marchejusquechezlesHollisavantdefrapperàlaporte.—BonsoirTrey!—Salut.Jemedoutaisbienquetuviendraismerendreunevisitetôtoutard,lance-t-ilenrigolant.—Elleestlà?—Ouais,ellefaitunpeudeménagedanssachambre.Jel’avaisconvertieendébarras.Bahmerde!Connaissant sa fille, ça a dû être la crise ! Pourtant, lamaison est paisible. Peut-être s’est-elle
assagiependantsonabsence?Cetteidéepourraitpresquem’arracherunsouriresi jen’étaispassistressé.
—Jepeuxlavoir?demandé-jeenmepassantlamaindansmescheveux.—Àtesrisquesetpérilsmongrand.—MerciTrey!Jeconnaiscetendroitcommemapoche,etmedirigeverslachambredeHazellesanslamoindre
hésitation.Laporteestouverte.Adosséauchambranle,jel’observemettredel’ordredanssesvieillesaffaires.Elleatellementchangédepuissondépart,çam’attriste.Ellesembleavoirperdubeaucoupdepoids,mais jenevoispasbienaveccetteveste immonde.Ses longscheveuxmauves–sales–sontattachésenunequeuedechevalnégligée.Elletiresursamanchepourlarabattrejusqu’àsonpoignetets’essuielefrontdureversdelamain.Elleparaîtsifragile,commesielleétaitsurlepointdesebriserenmillemorceaux.
Qu’estdevenuecettenanainvincible,cetteforcedelanaturequial’airsifaibleàprésent?Jemeraclelagorgepourluisignalermaprésence.Ellesursauteetreculevivementdedeuxpas.Sesyeuxterrorisés se posent surmoi.C’est sûrement la première fois que je peux lire autant depeur et dedésespoirdansunseulregard.
BonsangHaz!Ilt’estarrivéquoilà-bas?—Gabe?Quefais-tuici?
Dans sa voix, il transparaît lesmêmes sentiments de détresse que dans ses iris.Qu’est-ce qu’ill’effrayeainsi?Moi?L’appréhensiondemaréaction?Malheureusement,çasembleplusprofond.
—C’estunepetiteville…—J’aivuFlosurleferry!mecoupe-t-elle.—Jesais.T’esderetourouenvacances?Sonregardnoisetteplongedans lemienetmesonde.Çaa toujoursétésafaçond’abdiquer,de
m’avouer«jesaisquejet’aifâchéou,pire,quejet’aidéçu».J’aienviedeluidire:«Ohbébé!Tum’asfaitsimalenmequittantcommeça».Mais la retrouver ainsi, vulnérable, sur le point de s’effondrer, me rend incapable de la
sermonner.Peut-êtreplustard…—Jenesaispasencore,marmonne-t-elle.Putain!Tucachesquoimonange?—Situveux,tupeuxpasseràl’appartementunsoir,j’aimeraisqu’ondiscute.—Jenevoudraispastedérangeravectagonzesse.Letontranchantdesavoixmesurprend.Chassezlenaturel,ilrevientaugalop!—Nemebalancepascegenredephrase,Haz!—Florencem’aditquetum’avaisrapidementremplacée.Bordeldemerde!Tut’escasséesansrienmedire!Jesoufflelonguementalorsqu’ellecroiselesbrassoussapoitrine.Unegrimacetransperceson
visage, on peut y lire du dégoût, ou bien est-ce de la douleur ? Merde, j’ai l’impression que ladeuxièmesolutionestlaplusplausible…
—Çava?m’inquiété-je.—Pourquoiçan’iraitpas?Ellemedéfieunmomentdu regard, sonairdétachén’estqu’une façade, j’en suis certain.Elle
rendlesarmesrapidement,elleestméconnaissable.Lananad’antanm’auraittenutête,ellem’auraithurlédessus.J’auraispasséunmauvaisquartd’heure.Elleauraittournélasituationàsonavantage.Bienévidemment,j’auraisfiniparm’excuser.
—T’asenvied’allertebalader?—Jedoisterminerderangermachambre,jesuisépuisée.J’aimeraispouvoirdormirbientôt.Dormir?Ilestàpeine18heures!Mêmeexténuéeouàboutdenerfs,ellenes’estjamaiscouchée
sitôt.—Commetuveux.J’habitetoujoursaumêmeendroit,situveuxpasser.—C’estgentil,maisjesuisicipourmereposer,paspourrendrevisiteàtoutlevillage.—Tun’iraspasvoirtespotes?—Non,j’enaipasl’intention.Je plisse les yeux à la recherche d’indices qui expliqueraient ses agissements. Quelque chose
m’échappe.Elleachangé.J’aitoujourssuanticipersesréactions,maislà,jesuisfaceàuneinconnue.Ellejouenerveusementavecsesdoigts,fuyantautantqu’ellelepeutmonregard.Moninquiétudeestgrandissante. Pourquoi je me casse le cul à essayer de la soutenir ? Ou même simplement à lacomprendre?Malgrémacolère,mon instinct refuseque je l’abandonne. Jedois savoir, jedois lasauver.
GénialGabe !Batmanpeutmettreauplacard soncostumede superhérosmaintenantque tuesdanslaplace!
—Tuveuxmeracontercequ’ilt’estarrivélà-bas?Crétin!Laisse-lasedémerder!Tais-toi!Tais-toi!Elle se raidit, ses yeux s’adoucissent avant de s’assombrir. J’ai confirmation de tous mes
soupçons,quelquechosedegraves’estproduitàMontréal,maismonintuitionmefaitsignequejeneconnaîtraijamaisvraimentlavérité.
5HazelleAllongéedansmonminusculelit,jeressasselavisitedeGabe,quelquesheuresplustôt.Toutest
si calme àTofino, je ne peuxque réfléchir. J’entends tout ici, entre le ronronnement du frigo, lesronflementsdemonpère et les craquementsduparquet.Lesheuresdéfilent, impossiblede fermerl’œil.Ladernièrefoisquej’airencontrélesbrasdeMorphée,c’étaità
HardindansleMontana,ilyaplusdetrente-sixheures!Jerepousselescouverturesetenfilequelquesfringuesavantdequitterlamaisonsurlapointedes
pieds.Jemeréfugiedansmavoiture.J’inspire lentementetàdemultiples reprisespour trouver laforcedemettrelecontact.Jeconnaischacunedesrues,desruelles,descoinsetdesrecoinsdecetteputaindeville.Jepourraismerendrechezlui lesyeuxfermés.J’enclenchelamarchearrièreetmevoilàpartie!
Nepensepas!Oublieetconduis!Complètement déboussolée,mon cœur se serre tandis que jeme gare devant l’appartement de
Gabe.Desguirlandesdelumièreembellissentlesfenêtres.Jesuisincapabledesortirdemabagnole.Concentre-toi!RespireHaz!Putainrespire!Mentalement,jefaisuncompteàrebours.10…9…8…7…6…5…4…3…2…1…Encore et encore. Jusqu’à ce quema respiration secalme. Enfin, je prendsmon sac àmain et
attrapemonportableà l’intérieur.La listedemescontactsdéfile.Faitesqu’il ait toujours lemêmenuméro!Çasonnedanslevide.Aucuneputainderéponse.
Mesyeux s’embrument. Je sursaute,mon téléphonevibredansmamain.Quel soulagementd’ydécouvrirleprénomdeGabe!Secouéeparlessanglots,j’essaiederépondre,maissuisincapabledeprononcerunmot.
—Hazelle?C’esttoi?Jehochelatêtecommes’ilpouvaitlevoir.Maisquelleconne…—Oùes-tu?—Cheztoi.—Chezmoi?!répète-t-il.—Larue,devantl’appartement.Silence,ilaraccroché.Jevaissuffoquer.Matêtedevientdeplusenpluslourde,alorsquec’estle
néant complet à l’intérieur. Brusquement, quelqu’un pénètre dans la voiture. Paniquée, j’essaied’attraperlapoignéepourm’enfuirleplusvitepossible.Mesdoigtss’accrochentauvideetjepousseuncrideterreur,mêléàmespleurs.Mavueestbrouilléeparleslarmes.
—Hazelle,calme-toi!C’estmoi,Gabe!En une seconde, tout mon corps se relâche et s’effondre contre la portière. Un grognement
mélangéàunsoupirs’échappedemabouche.Sesyeuxnoirsremplisdequestionsmescrutentavecappréhension.Siseulementjepouvaismeloverdanssesbras.
— Tu veux entrer ? J’ai du chocolat chaud, on pourrait se poser tranquillement, regarder lesvagues.
—Commeavant?demandé-jedansunsouffleaussifaiblequemonsourire.—Rienneserajamaispluscommeavantettulesais.Querépondreàça?Jenemesuispasfaitd’illusions.Partirsuruncoupdetête,seizemoisen
enfer.Aveclaviolence,ladouleur…Plusrienneserapluscommeavant,etsurtoutpasmoi…—J’ensuisconsciente,mais…Lafindemaphrasemeurtentremeslèvres.
—Ilt’arrivequoi?—Riendebiengrave.Onpeutentrer?Muet,ilacquiesced’unhochementdetêteavantd’ouvrirsaportière.—Tuviens?medemande-t-ilenplongeantsesyeuxdansmonregard.Jetressaille,Gabereprésentetoutmonpasséetcelamefouettelevisage.Sasimplicité,sonrire,
lafaçonsidoucequ’avaientsesdoigtsdesepromenersurmacuisse.Jesouffleetsorsdelabagnolealors qu’il me rejoint en posant une main dans le creux de mon dos pour me guider versl’appartement. Ce geste me tétanise. Je ne veux plus que l’onme touche. Un sentiment de dégoûts’insinue en moi, la bile me monte à la gorge. La respiration saccadée, j’avance dans la pièceprincipalequin’apaschangé,misàpartlebordel.Iln’yaplusmeschaussettesrouléesenbouleaupieddudivanqui le rendaient complètement fou.Bienque cet endroitmemettemal à l’aise, cettepenséem’arracheunsourire.
Jemarched’unpasrapidepouratteindrelaterrasse.Tout est pareil. Avant, je ne rêvais que du bruit de la ville, aujourd’hui le calme de l’océan
m’apaise.J’aipourtantpassélesvingtpremièresannéesdemavieàm’enplaindre.Jem’assiedsdansl’escaliermenant à laplage, et contemple l’horizon.Gabeprendplace àmes côtés etme tendunetassedechocolatchaudfumant.Ilposeunecouverturesurmesépaulesquejeserrecontremoi.
—Alors,t’asfaitquoilà-bas?—Pleindechoses…—Tuveuxrienmedire?s’énerve-t-il.—J’aitravaillédansunbar.—Maist’asundiplômed’infirmière!—Ouais,maisenpartant,j’aicomprisquecen’estpascequejedésirefaire.—Mais,tunet’enétaisjamaisrenducompte?—Si.J’aimêmetentédet’enparler.Sonregardseposesurmoi.Ilm’observe.Unsoupirs’étrangledansmagorge.Instinctivement,je
vérifie que ma manche couvre bien mon avant-bras. S’il découvre la vérité, je ne saurai pas luimentir.
—Seizemoissanstoi,ettoujourspasderéponse!s’emporte-t-il.—Jen’enaipasmoi-même.Jecroisquesansm’enrendrecompte,çam’amanqué,continué-je
pourchangerdesujet.—Nosdisputes?rit-il.—Pff,jeparledel’océan,idiot.Un silence confortable s’installe alors quenous sommes tousdeuxperdusdansnospensées. Il
fautdirequejesorsrarementdesmiennes.—Mercipourlechocolatchaud,marmonné-jeaprèsavoiringurgitéunelonguegorgée.Malgré le fait que je ne supporte plus toutes sortes de rapprochement avec quiconque depuis
quelquesmois,jeressenslebesoindemeblottircontremonex.Unsentimentoubliéquim’avaittantmanqué!«Detoutefaçon,ilarapidementtrouvéréconfortauprèsd’uneautre».LaphrasedeFlorésonnedansmatêteetmeramèneinstantanémentàladureréalité.
—Jevaisrentrer,annoncé-jeendétachantmesyeuxdessiens.—Tupeuxdormiricisituveux.—Ici?C’estpasvraimentraisonnable.—Mais non, je te propose la chambre d’amis.Ce sera probablement plus confortable que ton
cagibi.—D’accord.Docilement,j’abdique.
6GabeL’inviteràrestericifutuneerreur.Impossibledepioncer,jetourneetmeretournedansmonlit:
quefait-elle?Dort-elle?Toutsimplement,commentva-t-elle?Ellem’inquiètetellement.Ellemesemble faible, désemparée. Certes, ellem’a abandonné,mais elle est toujours la fille dont je suistombéamoureuxàl’âgededix-septans.Mêmeseizemoisd’absencenepeuventpastoutbriser.Noslienssontplusfortsqueletemps.
Jesuistiraillé:elleadétruitnotreviedecoupled’unsimplereversdelamainpouruncaprice,maisjeneveuxpaspourautantlafairesouffrir.J’allumelatéléquisetrouveaupieddemonlitpourm’occuperl’esprit.Jezappejusqu’àtombersurLesAvengers.Unraclementdegorgemefaitreleverlatête.Elleestlà,dansl’embrasuredelaporte.Elleparaîtsimenueetsifrêledansmonjoggingtroplarge.Pourquoiporte-t-ellecettevestehideuse?Ellequiaimaittantsebaladerennuisette,avecunepetiteculottedecotonendessous…Penseràsessous-vêtementsmedonneundébutd’érection.Bonsang,cequ’ellem’amanqué!
Non,maisçavapaslatêteGabe!Wakeup3!—Jepeuxvenirregarderlefilmavectoi?Savoixtremble.Ellecroisesesbrassoussapoitrineenprenantbiensoinderedescendresamanche.Sescheveux
mauves sont coiffés enunequeuedecheval.Elle fuitmon regard, j’essayepourtantdecapturer lesien.Ellepréfèrebaisserlesyeuxettournersesdoigtsautourdel’unedesesmèches.
—Oui,biensûr.Lacouverturerecouvremoncorps,maismetrouverpresquenuàcôtéd’ellememetunpeumalà
l’aise.Enplus,ondiraitqu’elleestdevenuepudique,cequimeperturbed’autantplus.Elles’installeloindemoi,maisseglissequandmêmesouslesdraps.
—Génial!TumatesLesAvengers!seréjouit-elle.Sajoiesonnesifaux.C’esteffrayant.—C’estlepremier,l’informé-jepourfairelaconversation.—N’importequoi,c’estledeuxième:L’èred’Ultron.—Y’enacombiendecesputainsdefilms?—Jecroisqu’ilyenatreize,maislesIronMansontmespréférés.—J’avaisoubliéquetuétaisfandecomics.—Jenem’envantepassouvent,sinononmeprendpourunefolle.—T’estoutsauffolle,maist’esbiensûredetoi?Sonriredouxetmagnifiqueretentitdanslachambre,commeautrefois.—J’ensuissûre,jesuisalléelevoiràMontréalavecdesamis.Elleserreleslèvresetdevientsoudainementsilencieuse,commesicesparolesétaientinterdites
outropdouloureusesàsupporter.Çamerendfouderagedelaretrouverainsi.—PutainHaz,tuvasmedirecequ’ilt’estarrivé?—Cen’estpasimportant!J’aimeraisjusteprofiterdutempsquejevaispasserici.—D’aprèslesrumeurs,t’avaisriensurtoiquandt’es…—Depuisquandtuécouteslesragots?mecoupe-t-elle.—Je…Seulementquandilsparlentdetonretour.Etpuis,jevoisbienqu’ilyaquelquechosedepasnormal!—Lanormalité,çanem’ajamaisplu!C’estquoicettephrasetoutefaite?Commesielleétaitrongéeparlesregrets.Unefoisdeplus,
ellepréfèrefixerl’écranplatplutôtquemesyeux.Ellefeintsonintérêt,c’estcertain,maisceserait
déplacédeluifairelaremarque.Autantreportermonattentionsurlefilm,TonyStark4estfêlé!Je ne peux m’empêcher de jeter des coups d’œil réguliers à Hazelle, qui ne paraît pas le
remarquer, immobilecommeunrobot.Parfois,unsouriresedessinesurses lèvres,maisçanevajamaisplusloin.Illuimanquequelquechose,illuimanquelavie.
Quand arrive le générique de fin, elle s’endort paisiblement, sous la couverture. Je n’ai pas lecouragede la réveiller,ondiraitqu’ellenes’estpas reposéedepuisdesmois ! Jem’allongeàsescôtésettrouveenfinlesommeil:saprésencem’apaise.
**J’ouvrelesyeuxdansunsursautalorsquelejourselèveàpeine.Bonsang!C’estquoiceboucan?Unnouveaucridéchiremachambre.Merde!J’avais oublié un instant qu’elle était là, Hazelle ! Les souvenirs de la veille me reviennent à
l’esprit.Cehurlementtrahitsasouffrance.Elles’agiteetessayedes’accrocheràquelquechose,envain.Ellebrailledeplusbelle.
—Hazelle?Calme-toi,maiscalme-toi,tenté-jedelarassurerenluisecouantdoucementlebras.Elle se débat de toutes ses forces. Elle me roue de coups dans son sommeil. Et alors que sa
mancheseretrousse,j’enrestesansvoix.Putain!C’estquoiça?Bordeldemerde!C’estellequis’estfaitça?Quelqu’unluiafaitça?Elles’agitedeplusenplus,laseulesolutionestdel’agripperparlesépaulespourlaremuerun
peuplusvivement,sesyeuxnoisettes’ouvrentenfin.Elleestterrorisée,quelqu’unluiafaitça.—Gabe…,selamente-t-elle.—C’estmoiHaz!T’enfaispas,cen’estquemoi!Je l’attrape pour la serrer contre moi. À ma grande surprise, elle me laisse faire et sanglote
doucementcontremontorse.Nouspassonsdesheuresainsi.Elleserendortaupetitmatin,maisj’ail’impressionquemoi,jenefermeraiplusjamaisl’œil.
------3Réveille-toi!4TonyStark est la véritable identité d’IronMan «L’homme de fer », un superhéros de comic
bookscrééen1963parStanLeepourMarvelComics.
7HazelleJ’ouvre lesyeux, lesoleil inonde lapièce.Cesdrapsnoirsmesontsi familiers.Mesdoigts les
caressentdoucement,matêteembruméeparlessouvenirs.Seuledanslelit, jemelèvelentementetreplacelamanchedemaveste.Lecarrelagefroiddel’appartementmefaitfrissonner.J’aitoujoursdétestécettesensation,maisGaberépétaitsanscessequel’océanvalaitbiendesupporterunpeudefraîcheur. Le sable et les vagues se dévoilent enfin lorsque je tire les rideaux. C’est splendide etapaisant,alorscommentlatempêtepeut-elleencoreenvahirautantmonesprit?
—Lavueteplaît?demandeunevoixdansmondos.Jesursautevivementetmeretourneavecunfauxsourireplaquésurlevisage.—Commetoujours.C’estmagnifique.—Tuastoujourshaïcetendroit,non?—C’estlecarrelagefroiddelachambrequejehaïssais,avoué-jeenriant.—S’iln’yavaiteuquecelapourtefairerester,j’auraisfaitinstallerunplancherchauffant.Siseulementçaavaitétéaussisimple.Lebesoindepartir,dem’ouvriràd’autreshorizonsétait
tropfort.Unrêvepourtantdevenucauchemardesque.—Tucherchaisquoienpartantd’ici?Pour lapremière foisdepuisque je suis arrivée chez lui,mesyeuxplongentdans les siens. Je
n’avais pas encore eu le courage d’affronter cette réalité : ses prunelles reflètent mon échec. Lequitteraété laplusgrosseconneriedemavieetaujourd’hui, faceàsesbeaux iris, jen’aiplusdedoute.Luiavouerestau-dessusdemesforces,alorsjemecontentedehausserlesépaules.
—Allez,jerentrechezmonpère.—Ouais bonne idée, sinon il va croire que t’as une nouvelle fois foutu le camp sans avertir
personne,crache-t-ilavecuneméchancetéquejeneluiconnaissaispas.Piquéeauvif,maisfeignant l’indifférence, je lecontournepourrejoindrelachambred’amiset
enfilermes vêtements.De retour dans le salonpour lui dire au revoir, il a disparu. Je quitte doncl’appartementdansunhaussementd’épaules,maisGabeapparaîtàmescôtéslorsquej’atteinslaported’entrée,unbagageàlamain.
—Tut’étaisbarréesirapidementquetuaslaisséuntasdechosesici.Ilparaîtquetuesrevenuesansrienalorstiens,tuenaurasbesoin,déclare-t-ild’untonfroidenmetendantlavalise.
—Arrêted’écouterlesrumeurs,bordel!—Quandjevoisdansquelétattues,j’aidumalàpenserquec’étaientdesconneries.Regarde-toi
!Regardetesbras!—Quelleclasse,vraiment…Mercipourcecoupbas!—C’estpascommesijetedevaisdurespect.J’aipasnonplustrouvéçatrèsclassedefairela
mortependanttoutcetemps.Tuasétéégoïste.Sesparolessontglaciales,douloureuses.D’autantplusqu’ilaraison.Alorsqu’ilmetourneledos
pourrentrerdansl’appartement,lesremordsm’assaillent.—Jesuistellementdésolée,tenté-jed’unevoixchevrotante.Ils’arrête,maisneseretournepas.—J’aiconsciencedetoutcequetuasfaitpourmoihiersoir.J’aiconsciencequejeneleméritais
pas.Oui,tuasraison,j’aiétéégoïste.Pire,j’aiétélâche!Jesuiscertainequetucomprendspourquoijesuispartie,tulecomprendspeut-êtremêmemieuxquemoi-même,continué-je.
Ilfaitvolte-face,sonregardmedonnelevertige.Ils’avanceversmoiàgrandspas.Parréflexe,jereculejusqu’àmeretrouverledoscontrelaporte.Jemesensprisonnière.
—Commentpeux-tudirequejecomprends?Commenttuosesmebalancerçaenpleinefigure?!
hurle-t-il.—Je…je…Sonvisageestsiprochedumienquejepeuxsentirsonsouffledansmoncou.Illèvelesbrasen
l’air, commes’ilallaitme frapper.Ungesteque jeconnais sibien,mais ilnem’estpasdestiné. Ilenfoncesonpoingdanslemurenuncoupviolent.Impossibledebougeroumêmedeparler.J’essayederesterstoïque,maismapeurdoit se liresurmafigure,car, toutàcoup,sesyeuxs’adoucissent.Gabe n’est pas quelqu’un de dangereux et il arrive à se calmer instantanément. Il recule, celamesurprend.Jen’aiplusl’habitudedececomportement.Coleauraitperdulecontrôlefaceàmaterreuretm’auraitfrappéedetoutessesforces.
—Dis-moicequetuas,m’implore-t-il.Tusaisquetupeuxtoutmeconfier.—Jevaisyaller,monpèredoitsedemanderoùjesuis.—Va-t’en,fuisencoreunefois!Moncœurestunpeuplusmeurtriqu’àmonarrivée lorsque je franchis laporte. Ilasouffertà
causedemoi,demondépart.Bonsang!J’embarquemaculpabilitéenmêmetempsquemesvieillesfringuesquisetrouventdanslavalise.
—Putaindemerde!HazelleHollis!Jetecroyaisévanouiedanslanature.Cette voix familièreme redonne le sourire.Un jeune hommevêtu de noir,Rangers aux pieds,
vesteencuir,piercingsurlalèvreinférieuremedévisage.—Kyle!Ohlala,çamefaitvraimentplaisirdetevoir,m’écrié-jeenluisautantdanslesbras.AprèsGabe,ilestlaseulepersonnequim’afaittenirbonicitoutescesannées.—Ben alors, ça t’est arrivé demanger, là-bas ? On dirait que t’as perdu beaucoup de poids,
plaisante-t-il.—Lavieétaitdifférented’ici,mejustifié-jeendétournantlesyeux.—Tut’eséclatéependanttonvoyage?—Évidemment!réponds-jeavecunfauxrire.Ettoi,tureviensd’oùcommeça?—Onvaprendreunpetit-déjeunerpourquejeteracontetoutça?Onpourrarattraperunpeule
tempsperdu.Mentir,toujoursbalancerdesbobards,éviterlesregards,feindrelajoiedevivre,sourire…très
peupourmoi!—Désolée,jesuispressée.Uneautrefoispeut-être…—Allez,viens,ons’enfout,c’estjustepourpasserunpetitmomentensemble,melance-t-il.—C’esttentant,maisnon.—Jenetelaissepaslechoix,rétorque-t-il.Alorssijen’aipaslechoix…En effet, sans demandermon autorisation, il rejointmavoiture puis s’assied côté passager, un
sourire en coin. Je nous conduis jusqu’à notre restaurant fétiche.AvecKyle,Gabe et le reste de labande,nousnousy retrouvions tous lesdimanchesmatins.C’était notrepetit rituel et j’adorais ça.Entreplaisanteriesettaquineries,onpeutdirequenousnouséclations.J’étaisinsoucianteetlesyeuxdeGabemerendaientbelle,légère.Pendantcesquelquesmomentspartagés,j’oubliaismondésirdem’évader.Malheureusement,çan’aduréqu’untemps.DahliaetMike,l’autrecoupledelabande,ontfiniparsesépareretbizarrement,celaafaitexplosernotregroupe.PuisKyleestpartiàladécouvertedumonde.Jel’aienviépourcela,jevoulaistellementêtreàsaplace.IlnerestaitqueFlorence,Gabeetmoi,queltriodemerde…
—Jen’aipasenvied’yaller,ronchonné-je.—Qu’est-cequitefaitpeur?Misàpartlemondeentier?—Rien!
—Nemeprendspaspouruncon,t’esmameilleurepote,Haz!—Justement,tunedevraispasinsister.Jesorsdelabagnoleenpoussantunsoupir.Unefoisdeplus,jecapitule!Welcometotheblack
paradedeMyChemicalRomanceretentitalorsquejegravislesquelquesmarchesquimeséparentdelaporte.Jenesaispassic’estlefruitdemonimagination,maisj’ail’impressionquetoutlemondecessedeparlerlorsquej’entredanslerestaurant.
—Commec’estbond’êtreàlamaison!s’écrieKyleavecironie.OK,doncpeut-êtrequejen’hallucinaispas.Mesjambesrefusentd’avancer.—Allez,headup5Haz!m’encouragemonpote,enmepoussantlégèrement.Instinctivement,jemedirigeverscequiétaitnotretablehabituelle.Peut-êtreai-jel’airsûrdemoi
–jedisbienpeut-être–,maisjesuisenréalitémortedetrouille.Maplacem’attend,Kyles’assiedenface.
—T’asenviedemeracontercequ’ilt’estarrivé?—Dequoituparles?—Jeteconnaiscommesijet’avaisfaite,répond-il,confiant.Jefaiblisetfaisdemonmieuxpourtrouveruneparade.Est-ceuncrimedevouloiroublier?—Toi,touts’estpassécommeprévu?—Non,jel’avoue,maisjeressemblepasàunmortvivant,moi.—J’aisimplementbesoind’unpeudetempspourretombersurmespieds.Ilmeregarded’unairperplexe.—Jemetrompeouladescenteseralongue?—J’aiatterriyaunmomentdéjà!—L’atterrissageesttoujourscequifaitleplusmal…—Tun’arriveraspasàmetirerlesversdunezavecdejoliesmétaphores,grimacé-je,tandisqu’il
éclatederire.—Salutvousdeux!Vousallezprendrequoi?nouslancelaserveusequirejointnotretabled’un
airamusé.—Uncafé,annoncé-je.—DeuxœufsauplatavecextraBaconetunexpresso.Alorsqu’elles’éloigne,monregardlasuitavantdeseposerpourlapremièrefoissurlasalle.
C’est étrange : rien n’a changé en seizemois,mais je n’arrive pas à retrouver le confort d’antan.Commesitoutel’innocencequim’enveloppaitlorsquej’entraisdanscelieuavaitdisparu.
—Pourquoitunemangespas?Monamimetiredemespensées.—Jen’aipasfaim.—TuvasmeraconterdetavieàMontréal?—Non,jecroispas.—Là, çame surprend.Tuespartievivre ton rêveetondiraitque tunevas jamais aborder le
sujet.C’étaitsiterrible?—Situmeparlaisplutôtdecequetoituasfait?—J’aiétéàToronto,j’airencontrédespersonnessympas,maisnotrevillememanquait.—Pasàmoi!—Pourquoit’esrevenuealors?—Disonsquej’aiconnudesgensmoinscoolquetoi.—C’est-à-dire?Ilst’ontfaitdumal?Alorsqu’ilprononcecesparoles,laserveuserevientavecnoscafés.Kylen’yprêtepasattention
etnemequittepasdesyeuxuneseuleseconde.Merde,ilvavraimentpaslâcherl’affaire.
—Alors?— J’ai pas envie d’en parler putain ! Mais pour résumer, j’ai connu des gens peu
recommandables,m’énervé-je.C’estbon,tuvasmefoutrelapaixmaintenant?—Tucroisvraimentquejevaismecontenterdeça?—Jet’ensupplie,n’insistepaspourl’instant.—Tuvastoutmedirelorsquetuserasprête?Je hoche la tête avant de lui sourire, pourtant incertaine. Enfin, notre conversation prend une
tournureagréable:nousrepensonsà tousnosvieuxsouvenirs,nosdéliresetnosgalèresquenousavonsvécusensembleetonsemarre.Toutsimplement.
------5Relévelatête!
8GabeÀchaque endroit oùHazelle passe, elle y laisse le chaos.Y compris dansmavie et dansmon
cœur,oùelleentreetsortcommebonluisemble,détruisanttoutsursonpassage.Unevraietornade.Quelqu’untoqueàlaporte,celametiredemarêverie.Jeprendssoinderabattrel’écrandemon
ordinateurportableavantd’allerouvrir.Eneffet,sic’estHazelleetqu’elleremarquequejesuisentraindefairedesrecherchessursonséjouràMontréal,jesuisbonpourlamorgue.Ellepeutêtreunevraiefurieparfois.Rectification,ellepouvaitêtreunevraiefurie.
—Florence?Tufaisquoiici?Nousétionscensésnousvoir?demandé-je,prisaudépourvu.—Non,maisj’avaisenviedeterendrevisite.Elleentresansyêtreinvitée.Putaindemerde,ellemefaitchiercettenana.Elleenlèvesonmanteauetlelancesurledivan.OK,faiscommecheztoi…Elle porte une robe rouge, décolletée,mais surtout trèsmoulante. Pas besoin de réfléchir plus
longtempssurlebutdesavisite:leretourdeHazelleluifaitpeur.—Àcequ’ondit,Hazapassélanuitici.—Ahbon?Onditça?Tusaisbienquelesragots,c’estsouventdesconneries.—Jesais,maisjel’aivuedemespropresyeuxsortirdecheztoi.—Tum’espionnes?—Pasdutout,jevenaistevoir.Elletevoulaitquoi?m’interroge-t-elle,hautaine.—Cenesontpastesoignons!—Voilà!Jemedoutaisbienqu’àsonretourtumesnoberais.Sontonestdur,maissonregardestimplorant.J’aitoujoursétéclair:ceneseraitjamaissérieux
entrenous.Quedusexe!Aucunecomplication!—TusaisGabe,çamesaoulequ’ellesoitrevenue,continue-t-elleens’accrochantàmoncou.—Tuveuxquoiaujuste?demandé-jeenessayantdelarepousser,envain.—Seulementcequenousavonstoujoursfaitdepuisledépartdecettepetitepeste.Jemeursd’enviedeluidirededégager,mais jen’enfaisrien.Dèsqu’ellesortirad’ici,ellese
fera un plaisir d’aller raconter à tout le monde que je suis encore fou de mon ex et que je memorfondsdepuissonretour.
Quelleputaindebellemerdetoutça!—Tu saisFlo, elle ne restera pas indéfiniment.Mais je pensequenousdevrionsquandmême
calmerlejeu.—Commentça?—Jenedispasquenousdevonsplusnousvoir,maisplutôtmoinssouvent,tenté-je.Ellefait lamoueetseretientvisiblementd’exploser.Sonvisagelividelatrahit.Jeprendsl’une
desmèchesde ses cheveuxet la replacederrière sonoreille.Mesdoigts caressent la courbede samâchoire.Ellerelèvelatêtepourmeregarderdanslesyeux.Jepenchelamiennepourl’embrasser,mais des images deHazelle apparaissent. Florence colle son corps contre lemien, en frottant sonventresurmonsexequidurcitrapidement.Sesmainslâchentmoncoupourseglissersousmontee-shirtetcajolermontorse.Ellemerepoussedoucementetm’enlèvemonhaut.Moi,jelalaissefaire,même lorsqu’elle me pousse sur le divan et grimpe sur moi. Je me retrouve donc torse nu avecFlorencequim’embrasseetbougecontremonérection.Elles’attaqueàmaceinture.Sadominationme plaît lorsqu’elleme retire le reste demes fringues. Reculant de quelques pas, ellem’offre unsourirepleindesous-entendus.D’ungestesensuel,ellebaisselafermetureéclairdudosdesarobe.
Apparaissentalorssessous-vêtementssexy,aussirougesquesarobe,oùsemêlentdentelleetsatin.Monsexemefaitmaltellementjesuisexcité.JepousseunsoupirdesoulagementlorsqueFlorencel’attrapepour doucementmemasturber en collant son front aumien.Puis, elle descend ses lèvresrosesetcharnuesversmonpénis.Ungrognements’échappedemagorgequandellecommenceàmeprodiguerunesuperbefellation.Jerejettelatêteenarrièrealorsquemesdoigtss’enfoncentdanssescheveux. Sa bouche ainsi que samain s’activent surma queue pourme transporter vers des lieuxinconnus. Je me laisse aller jusqu’à jouir dans sa gorge, mon plaisir envolé dans un long râle.Pendant l’espace de quelques secondes, j’ai vu un autre visage entre mes cuisses, une cheveluremauve,unregardnoisette,Hazelle…
Bonsangdemerde!Putain!Çasepeutpas,c’estinsensé!—Tupeuxpastesortircetteconnassedelatêteunepetiteheure?rugitFlorenceenserelevant.—Maisdequoituparles,bordel?—Nemeprendspaspouruneidiote,Gabe!J’étaisentraindesucertasaloperiedequeueetc’est
àellequetupensais.Neleniepas.—Çasuffit!Sinotreaccordneteconvientplus,tusaiscequ’ilteresteàfaire.—Oh!T’inquiètes,jel’oublieraipas!Jemerelèvevivementetattrapemonboxeretmonjeanspourlesenfiler.Elle,ellerestelààme
fixercommeuneconne, toujoursen sous-vêtements.Lespoingsposés sur leshanches, son regardbleuestdevenunoir,noirdecolère.
— J’ai rien contre le fait que tu sois ici, mais si tu penses avoir des sentiments pour moi,j’aimeraismieuxquetut’enailles.
—Maintenantquet’aseutapetitepipe,tumefousdehors.—Habille-toiFlo,çadevientunpeugênant.Après avoir remis sa robe, elle s’avance lentementversmoi, tout sourirepuismegifle si fort
qu’ellem’endécrochepresque lamâchoire.Undernier regardnoirenmadirectionetellepartenclaquant la porte. C’était peut-être un peu salaud, mais je n’avais pas le choix. Les règles étaientclaires.Aucundenousdeuxnedevaits’attacheràl’autre.
Commesicetteheuren’avaitjamaiseulieu,jem’installetranquillementdevantmonordinateuretouvreFacebook.Ceréseausocialesttoujourslepointdedépartdemesenquêtes.Aujourd’hui,trèspeu sont les personnes qui ne possèdent pas de profil. Je tape Hazelle Hollis dans la barre derecherche.Rien!Elleavaitsupprimésoncompteavantdepartir.
Putain!HazHollis sera peut-être plus prometteur.Bingo !Un profil enmode public apparaît, donnant
accès à la totalité des publications. Mon cœur se serre : ses informations personnelles indiquentqu’elleestencoupleavecuncertainColeRoussy.
Merde,lesboules…Macuriositél’emporte,jedécidedejeterunœilsurcemec.Celuiquiaprismaplace.M’a-t-elle
quittépourlui?C’estuntypemoyen,quinesemblenigrandnipetit,avecunecarrureetunealluretoutaussibanalesquemédiocres.Peut-êtrequelajalousieetlacompétitionparlentpourmoi,maisilal’airtrèsordinaire,trèschiant,trèsnaze.SoncomptedévoiledescentainesdephotosdeHazelleetlui.
D’un geste rageur, je ferme l’ordinateur,mes émotions sontmises à nu : la peur, la haine, leregret, l’incertitudeet la jalousiesemélangent.Dansl’incapacitédemesortirdela tête ladernièreimagedeHazelleetlui,jepassemamainsurmonvisage.Commesicemouvementallaittouteffacer.Lebrasdecetypeautourdesoncou,sonsourirecharmeur,leursregardsamoureux…
9HazelleAprèsavoirdéposéKylechezsamère,jemedirigechezmonpaternel.Discuter,rireetdéconner
avecunvieuxpotem’afaitdubien.Jemesenspluslégère,moinsangoissée.Pourlapremièrefoisdepuisdesmois,uneenviedemereleverpouravancergranditenmoi.Jegaremavoiture,attrapemavalise et entre dans la maison. Je trouve mon géniteur installé sur le canapé devant un match dehockey.Drôledecoïncidence,lesCanucksdeVancouvercontrelesCanadiensdeMontréal.Luicontremoi,c’estunsigne.Monpèremejetteunregardamusé.
—T’asvuHaz?!Monéquipeestentraindebattrelatienne.Putaindemerde!Mavieestunenfer!—Génial…,marmonné-jeenm’enfuyantdansmachambre.Sonrirem’exaspèreauplushautpoint.Cesportatoujoursétéunesourcedeconflitsàlamaison.
Depuisquejesuistoutepetite,jevoueuncultepourl’équipedeMontréal.AlorsquesateamféticheestetresteraVancouver.Ilatantaimémetaquiner,enpartieàcausedemontempérament.Commejeréagis sans cesse au quart de tour, la situation partait en vrille et je finissais inéluctablement parbouder dans un coin. Lui, ça l’éclatait. Cependant, en ce moment, je ne pense pas avoir la forcementalepourdiscuterhockeyaveclui,oubiendiscutertoutcourtd’ailleurs.Lasolitudem’apaise,lesgensm’effraient. Jem’adosse contremaporte closepourme laisser glisser jusqu’au sol.Genouxsousmonmenton, je soupire en enroulantmes bras autour demes jambes,mon front contremesrotules.
Montéléphonevibre.D’ungesteautomatique,jeledéverrouilleavantdeparler.FaitesquecesoitGabe!
—Allô?—Hazelle!Putain,tutedécidesenfinàmerépondre?!Monsangnefaitqu’untour,moncœurcessedebattreetmoncorpstremble.Commejel’aidit,il
esttempsdesereleverpouravancer,alorshorsdequestionquejemelaisseabattre.—Tuveuxquoi,Cole?—T’esoù?Son ton est glacial. C’est comme si sa voix agressait mes tympans autant que ses poings
meurtrirentmonvisage.—Çaneteregardepas!—Hazelle!Réponds-moi!—Fous-moilapaix!—T’esretournéecheztoi,c’estça?T’esretournéedanslesbrasdecepetitmerdeuxdeGabe?—Çaneteregardepas!Jeneveuxplusquetum’appelles.—J’aimeraisquetumelaissesuneautrechance.—C’esthorsdequestion,merde!Fous-moilapaix!—Putain!Tumegonfles,hurle-t-ilmefaisantsursauter.Degrosses larmes incontrôléesroulentsurmes joues.Mavoixdéfaille,maismonespritprend
unecertaineassurance.Jeluitiendraitêtejusqu’aubout.RévoluelapetiteHazellequisefaisaitpiétiner.—Chérie,tunepeuxpasvivresansmoi.—Jeneveuxpas…jeneveuxplus…Jenesaispaspourquoijem’obstineàparleràceconnard.RaccrocheHaz,putain,maisraccroche…Jesuisfigée,commepriseaupiège.Jen’arriveplusàpenser,cesmenacessontirréalistes.Mon
téléphonetombesurleplancherdansunbruitsourd.Jemetraînejusqu’àmonlitpourmeréfugiersous les couvertures, mais je me trouve dans un monde parallèle. Un grincement résonne enprovenanceducouloir,enfinjecrois.Quelqu’unfrappeàmaporte,jen’ensuispassûre.Lapoignéetourne,est-ceuneillusion?Ons’assiedprèsdemoi,oupas?J’entendsunerespirationtoutprèsdemoi,est-elleréelle?
—Haz?Cettevoixestunretourimmédiatàlaréalité.Retouràl’espoir,àlavie.Gabe!Un soupir de soulagement s’échappe dema bouche,maismon corps est incapable de bouger.
Pourtant,mesvertiges sedissipent. Ilpose samainsurmonbras,c’estdouloureux.Mesyeuxsontfermés si forts que mes paupières semblent sur le point de se briser. Mon ex-copain tire sur lacouverture.
Non!Ilnedoitpasmevoirainsi!Non!Ilnedoitpasavoirpitiédemoi!Non!Non!Non!—Hazelle?Ilsepassequoi?Pitié,sortez-moidecetenfer.Jemesenspathétique,plusfaiblequejamais.Sijemecachesousmacouette,alorspeut-êtreque
jedeviendraiinvisible.Iln’auraplusàregarderl’échecquejesuis.Matêteestenfouie,maisrienneseproduit.Jenedevienspas invisible.Jenedisparaispas.Aucontraire,Gabemerejoint,passeunbras autour de ma taille et se colle à mon corps. Sa peau chaude contre la mienne me calmetranquillement.Ildéposeunbaisersurmescheveux.
—Sais-tucequim’aleplusmanquéaprèstondépart?Jesecouelatête,incapabledem’exprimer.—Tes chaussettes, roulées en boule sur le divan. Jeme suis rendu compte qu’on se disputait
vraimentpourrien.Unsourireétendmabouche.Meslongsdoigtsenlacentlessiens,cettesincéritémeréchauffele
cœur.Ilsemblelepercevoircommeunencouragement,carilcontinuesondiscours.—Quand tu espartie, sentir tous les jours tonparfumdansmesdrapsm’était devenuvital.Le
manqueétaittropfort.J’avaisréaliséàquelpointtuétaismalheureuseavecmoi.Hier,jet’aitraitéed’égoïstealorsqu’aufond,c’estmoilecoupable.Tondésirdetoutquitterpourlagrandevilleétaitpourmoiunenfantillage.Tumourraisàpetitfeuici,aujourd’huij’enaiconscience.
C’estvrai,maiscen’estpascetteviequim’atuée…—Lesjourspassaient,maistunerevenaispas.Jet’envoulaisénormément,maisjemesuisvoilé
lafacependantseizemois.C’étaitsurtoutcontremoiquej’étaisencolèrependanttoutcetemps.—Pourquoi?cafouillé-je.—Parcequej’étaisaveugléparmonamour-propre…J’enrestesansvoix.Jenel’aijamaisconsidérécommeresponsabledemafuite.Seulmonesprit
vagabond en était la raison. Ni nos disputes , ni nos engueulades, ni nos coups de gueule… nimeschaussettes roulées en boule n’en étaient la cause. Ces quelques mots seraient si simples àprononcer,pourtant,jedemeuremuette.
Gaberesserresonétreinte,ungesteanodinquimedonnetantd’espoir.Ilpossèdequelquechosedesalvateur.
—Hazelle?J’ignorecequ’ilt’estarrivé,etsituneveuxpasmeledire,jen’insisteraiplus.Sacheseulementquejesuislà.Pourtoustesinstantsdefaiblesse,jeseraiprèsdetoi.
Nousrestonsunmomentdanscetteposition.Lesommeilmegagneenfinetpourlapremièrefois,je suis sereine. Les paroles deCole ont disparu, seuls lesmots doux deGabe baignent dansmonesprit.
**
À mon réveil, je suis seule et nous sommes en plein milieu de la nuit. Gabe a remis unecouverturesurmoiavantdepartirensilence.Jemeglissehorsdemonlitpourmedirigerversmavaliseque j’ouvredoucement,gagnéeparunecertaineappréhension.Ellenecontientquequelquesvêtements,dontmavieillevestedeGoodCharlotte;aussitôt,unsourirefendmonvisage.
Putain,unpeudenostalgie,çafaitdubien.Laveste hideuse qui est surmondos finira sûrement à la poubelle car elle est immédiatement
remplacéeparmatrouvaille.J’ydécouvreentreautresquelquestee-shirts,monbloussonencuiretunejupeenjean.Tellementdesouvenirsmereviennentenmémoire.
Aprèscemaigreinventaire,jerejoinslasalled’eaupourm’yfairecoulerunbain,enemportantunjeanstrouéaugenou,unhautnoirbasiqueetdessous-vêtements.
Une fois la baignoire pleine, jeme déshabille pour entrer dans l’eau chaude quime pique departout. Je n’ai pas subi de violence depuis quelques jours, mais mon corps semble encore plusmeurtriquelorsdemafuite.Lesgifleset lescoupsdepoingavaientpourtantplu laveilledemondépart.
Uneecchymosequejen’avaistoujourspasremarquéeestentraindevirerauvert-jaunesurmacuisse.J’auraispulaconstaterplustôtétantdonnéladouleurquejeressentaisàcetendroit,maislaforcementale,etmêmephysique,memanquait.Jemelaverapidementenutilisantlesproduitsdebaindema petite sœur. Corps séché et cheveux enroulés dans une serviette, j’enfilemes vêtements enprenantbiensoindecouvrirmesblessures.Jevaistrouvermonpèreausalon.Cegrandinsomniaquenedortjamaisavant03ou04heuresdumatin.Ilnesemblepasétonnédemevoirici,malgrél’heuretardive.
—Iltevoulaitquoi,Gabe?—Riendespécial,nousavonsunjusteunpeuparlé.—Turevienspourcombiendetemps?medemande-t-ilalorssanstransition.Çamegavedéjàcetinterrogatoire.—Jenesaispas…—Neluifaispascroirequeturestessic’estpourpartirdujouraulendemain.—Jeneluiairienpromisetpuisjeviensdetedirequejen’ensavaisrien.Ilrestepantoisdemevoirirritéedelasorte.—Pourquoies-tuiciHaz?Jeteconnais,t’espasrentréeparplaisir,continue-t-ilfroidement.Ilcommencesérieusementàmegonfler.Qu’ils’occupedesesproblèmes,jeréglerailesmiens
touteseule.—Tumecroisinsensibleouquoi?m’emporté-je.—Non,maist’escommetamère,incapablederesterenplace.Aïe,c’esttoujoursdouloureuxd’entendredesallusionsàmaman.Unmatin, à notre réveil, elle n’était plus là. Tout simplement volatilisée.Nous avons cherché,
nousl’avonsattendue,nousavonsappelélapolice,nousavonsattendu,attendu,encoreattendu.Ellen’estjamaisréapparue.
C’estbienironiquedepenserquecequej’aifaitsubiràmonentourageestlachosequejen’aijamaispupardonneràmagénitrice.
—Jesuislàmaintenant,c’estcequicompte,non?—Maisiecroyaitquetuétaisrepartielorsqu’ellenet’apastrouvéedanstonlitcematin.Ilfaut
avouerquemoiaussic’estcequej’aicru,continue-t-il,commes’iln’entendaitpasmesparoles.—Jesuisencorelà…—Ellet’avaitpréparélepetit-déjeuner.Sagrandesœurluiamanqué.—Arrête,maisbonsangarrête!Jesuislàmaintenant.Alorsqu’iln’avaitpaslâchélatélévisiondesyeuxdepuisledébutdenotreconversation,iltourne
enfinlatêteversmoi.—Hazelle, lorsque tu étais ado, nous nous étions juré qu’il n’y aurait pas demensonge entre
nous.Jamais.Jenesuispasdouépourlessuppositions,maisquandjeteregardeencemomentjesaisqu’ils’estpasséquelquechose.
Monpèren’ajamaisétédotéd’uneclairvoyanceimpressionnanteetpourtant…—C’estdifficiled’enparler.Disonsquej’airencontréunhommeméchant,quim’afaitconnaître
desmoments un peu difficiles, expliqué-je, pourminimiser les faits.Revenir ici était lameilleurechoseàfaire.
—Machérie,tusaisquenoussommeslà.Lorsquetuserasprête,alorstupourrastoutmeconfier.—Mercipapa,murmuré-jelesyeuxembués.—Situnetesenspascapabledem’enparlerparcequetuashonte,discuteavecGabe,ouencore
Kyle,maisnegardepascelaentoi,mapuce.Entendre cesmotsme fait un bien fou. Focalisée sur nos disputes à propos du hockey, j’avais
oubliéôcombienj’aimaislesconversationsavecmonpère.
10GabeDepuis combien de temps suis-je assis sur le canapé à ressasser mes paroles et à étudier ses
réactions?Unrire,unepointedepeur,unpeudenostalgie…Jefrôle lavéritéduboutdesdoigts,maisellemerepoussedèsquejem’enapprocheunpeutrop.Laculpabilitéd’avoiroséfouillerdanssontéléphonequandelles’estendormiedevraitmeronger,maisiln’enestrien.Cetétatdetorpeurprovenaitforcémentd’uncoupdefil,carleportableétaitsurleplancherlorsquejesuisrentrédanslachambre.Prendrelenumérod’oùvenaitledernierappelétaituncoupdepoker.Monultimecarteàjouerpourtenterdelasauver.
Quelqu’untambourinedel’extérieur,tellementfortquecelamefaitsursauter.—POLICE,OUVREZTOUTDESUITE!!!C’estquoicebordel?Qu’est-cequ’ilsfabriquentlà?J’aifaitquelquechosedemal?Quelqu’un
estmort?IlestarrivéquelquechoseàHazelle?Jecoursvers l’entrée,enproieàunetrèsgrandeappréhension.
—Putain !Mais tu te fous dema gueule ?! T’es revenu quand ?! hurlé-je, à la fois énervé etsoulagédetrouverl’undemesmeilleursamis,KyleMarchand.
—Yadeuxjours!Tuvasmelaissersurlebasdetaporteouquoi?—Dansmesbras,mec!S’ensuituneaccoladetimide,maisfranche.Oh,maisqu’ilm’amanquécecon!Jeluifaissigne
d’entreretdemesuivre.—T’arrivestoutdroitdeToronto?—Ouais!Jenesuisquedepassage,m’avoue-t-il.—Tut’envasoù?—JecroisquejevaisprendreunbilletpourallerenThaïlande.—Bahmerde!C’estunméchanttripquetutefais!Lesourireauxlèvres,monpotes’assiedsurlefauteuildusalonalorsquejeluitendsunebière.—Viensavecmoi,propose-t-ilenattrapantlaboisson.—Jenesuispascommetoi!—Quinetenterienn’arien,rit-il.—T’asvuHazelledepuistonretour?—Ouais,enfaitc’estpourçaquejesuislà.Sonexpressionchangesoudainement,sonairdevientgrave.Toutcelanefaitquerenforcermes
craintes.—Jel’aivueplusieursfoisdepuisqu’elleestrentrée,j’enaiperdulesommeil,luiexpliqué-je.
Tusaiscequ’illuiestarrivélà-bas?tenté-jesanstropycroire.—Jesuis tombéparhasardsurellehiersoir,onaétémangéunbout.Ellenem’arienavoué,
maisellen’estpasenforme,mec.C’estinquiétant.Surtoutd’aprèslesquelquesrumeursquej’aipuentendre.
—J’enaimaclaqued’entendreparlerderumeurs.J’aibesoind’aveux,defaitsréels.Çamesaouled’entendredesconneriesdèsquejemetslepied
dehors.— Tout comme moi, mais quand tu vas découvrir ce que j’ai à te dire, je pense que tu vas
halluciner.—Benvas-y,accouche!—Putainmec!Jevoisquejet’aimanqué,ricane-t-il.J’auraisbiensurenchérien l’invitantàallerse faire foutre,mais j’ouvreàpeine laboucheque
l’onfrappedenouveauàlaporte.—T’attendsquelqu’un?Jesecouelatêtepourrépondreparlanégative.Lorsque j’ouvre, elle est là, face àmoi, à triturer ses doigts, une nouvellemanie dont elle ne
semblepouvoirsedéfaire.Unemèchedecheveuxs’échappedesacapucheet lui tombedevantsesyeuxmarron,d’oùreflètequelquechosedesemblableàdelatimidité.Ellequin’avaitpeurderien…
—Jetedérange?demande-t-elled’unevoixdouce.—Non,Kyleestici,ondiscutait.—Jepeuxmejoindreàvous?L’enviedeprendresonvisageentremesmainsetdedéposerunbaisersursonfrontm’assaille.
J’aimerais luidirequeje laprotégerai,queje trouverai lapersonnequi luifaitdumaletqueje latueraimoi-mêmes’illefaut.Maisaulieudeluiavouertoutça,jesoupireetluisouris.
—Évidemment.Ellemesuitjusqu’ausalon.Parréflexe,jesuppose,elles’assiedsurlecanapédeuxplacesetje
m’installeàsescôtés.—Hazelle!Mabelle!s’écrieKylepourcachersonmalaise.Jepouffedevantl’airsoupçonneuxqu’elleprend.Sesyeuxnousjaugenttouràtour.Pasdedoute,
elleacompris.—OK!Vousparliezdemoic’estça?—Commesituétaislesujetprincipaldedeuxmecsquinesesontpasvusdepuisdeuxans.—Jevousconnais,deuxvraiespipelettes,encorepiresqueFlorence.—Oh,maisHaz chérie, nous avonsvingt-quatremoisde ragots à rattraper, lui expliqueKyle.
Raconte-nouslestiens,çanousoccupera!semarre-t-il.Hazchérie?Pourquoiill’appellecommeçacecon?Ilnelalâchepasduregard,lajalousiemevrillel’estomac.C’estétrangederessentirçavis-à-vis
d’euxalorsqu’ilsonttoujoursagiainsi,commes’ilspartageaientquelquechosequejen’aijamaissucomprendre.Encemoment,çam’énerve!
—Çam’étonneraitquetusoisprêtmentalementpourentendrecequej’aiàdire.C’estmaintenantmoiqueKylenequittepasdesyeux.C’estcertain,ellevacomprendrequ’onen
saitplusqu’ellenelesouhaiterait.—OK,vousmefaitesflipper!Ilsepassequoi,là?—Rien!T’asencoretaguitare?laquestionnemonamipourchangersubtilement–ounon–de
sujet.Sonvisagepâlitetcelacréeuncertainmalaiseentrenoustrois.—Non,enfait,jenejoueplus.—Pourquoi?m’étonné-je.Tuadoraisça!—Parcequelesgenschangent,explique-t-elled’unevoixfaible.Gagné par les souvenirs, je la revois avec ses cahiers et ses chansons qu’elle traînait toujours
partout.Jerepenseauxcentainesd’heuresqu’ellepassaitsurledivan,ouassiseentailleursurlesolentraindegratterlescordesdesaguitare.Commentleschosesont-ellespusedégraderàcepoint?Commenttoutçaa-t-ilpudevenirsimoche?
—Tutefousdemoi?!Leschosesnepeuventpaspasserd’unextrêmeàl’autresiradicalement,s’emporteKyle.
—T’aspas changé toi, peut-être ? Jeveuxdire, pendant tesvoyages ?Tunevaspasme fairecroire que tu reviens de ton tour dumonde sans avoirmodifié ta philosophie, s’insurge-t-elle.Lemondeévolue,leschosesaussietnousavec!
Elleluttepournepaslefrapper,elleboutdel’intérieur.Lasituations’envenime.Étrangement,ça
mesoulagedeconstaterquesontempéramentdefeuestderetour.—Non,pascommeça!—Kyle,fous-moilapaix!—Non!Pastantquetunem’expliqueraspascequ’ils’estpassé.Ellecroiselesbrassouslapoitrineetnelâchepassonadversairedesyeux.Çavadégénérertout
ça.—BonOK !Cet idiot t’a dit qu’il partait enThaïlande ? demandé-je pour changer de sujet et
calmerlejeu.—Pourquoisiloin?—Ceseraitplutôtpourquoipas?Jen’aipasd’attacheici,mamèresedébrouillebiensansmoi.—L’herben’estpasforcémentplusverteailleurs,explique-t-elled’untonneutre.Pourtant,cettepetitephraseenrévèlebeaucoupsursonétatd’âme.—Parlepourtoi!Voyagerpourdécouvrirlemonde,c’estçaquimerendheureux.Hazellerestesilencieuse,apparemmentenproieàunegranderéflexion.—Commentt’astrouvétonbonheur?s’intéresse-t-elleenfronçantlessourcils.Cettequestion,quisonnecommeunerévélation,nouslaissetousdeuxpantois.—Jesaispas,tunedoispascouriraprès.Çavientcommeça,Haz!—Moi,jecroisqu’ilfautentretenirsonbonheur,yfaireattentionquandonytouche.Commeune
petitechosefragile.Parcequeçapartrapidementencouilles.Ellenemeregardepas,maisjemesensconcerné.Est-cedelaprétention?Peut-êtrequejeprends
simplementmesdésirspourdelaréalité.—C’estunsujetunpeutropsérieuxpourdesretrouvailles!lancé-je.Kyleéclatederire,cequi
faitsursautermabelle.—Mec,jepeuxavoiruneautrebière?poursuit-il.—Ouais.—Jefaisundétourparlestoilettesetjeteramèneàboire,marmonneHazelle.Elle se lève d’un bond.Mon ami me jette un regard inquiet qui en dit long. J’ouvre alors la
bouchepourparler,maissesgrosyeuxm’indiquentquelemieuxàfaireestdemetaire.—J’aipenséquevousvoudriezvosbièresimmédiatement,nousinforme-t-elleennoustendant
deuxcanettes.—Belleinitiative,Haz!lataquinenotrepote.—J’aiparfoisenviedetedired’allertefairevoir,maistum’astropmanqué.—Oh,maisnetegênepas.Elleluilanceunregardcompliceavantdepartirverslasalledebain.—Tucroisqu’onpourraitluipiquersontéléphone?mequestionne-t-il.—Jesaispastrop.Enplus,ildoityavoiruncode.Tuterappellesqu’ellenouscachaittoujours
pleindetrucs?Putain,çamerendaitfou!—Ondoittenterlecoup.—Nousferionsdesagentsspéciauxdutonnerre!—JeseraiKyleBond.—Etmoi,SuperGabe.—Vosnomsdecodesontvraimentmerdiques.Toutcommevous!Merde,grillés!Nousnousmarronsalorsqu’ellereprendsaplaceàmescôtés.— J’ai rencontré un mec là-bas, commence-t-elle en jetant un coup d’œil dans ma direction,
visiblementinquiètedemaréaction.—Ouais,jem’endoutais.Enfin,j’aifouillédanstonFacebooketjesuisaucourantdetoutquoi.—Iln’étaitpascommetoi.Tente-t-elledesejustifieroubiendemerassurer?Probablementunmélangedesdeux.Entout
cas,c’estunéchec.—Ahnon?Ilavaitungrospénis,lui?rigoleKyle.—Ilaétéleseulgarsàs’intéresseràmoi,explique-t-elleenluilançantunregardmeurtrier.Tu
sais,yatoujourseuquetoidansmavie,Gabe.Iln’avaitvraimentriendespécial.Ilétaitnibeaunigentil.Maisjeluiplaisaisetçamesuffisait.C’estpathétique,j’ensuisconsciente.
—Pourquoitunousracontestoutça?Majalousieestpiquéeauvifetsesmotssontdifficilesàentendre.—Pourquevouspuissiezbiencomprendrecequejesuissurlepointdevousmontrer,
explique-t-elle,enenlevantsavestepournousdévoilersonavant-bras.Lesplaiessursapeaupartiellementbleutéesontcommeuncoupdepoignardentrelescôtes.
—Haz?!Ils’estpasséquoiputain?—C’estévident,non?J’aimepasemployerletermefemmebattue.Ilcomportetropde
vérité,tropdedouleur.—Donclesrumeursétaientfondées?avanceKyleavecprudence.—Çadépendlesquelles.Oui,ilm’afrappéeetoui,çaduredepuisdesmois.Non,jenel’ai
passuppliédemefaireendurerça,etsurtoutpassilongtemps.—C’estpourçaquetuesderetour?—Jemesuispromisquesij’ensortaisvivante,jereviendraisàlamaison,explique-t-elle.—T’ensortirvivante?répété-je,abasourdi.Putain,maisc’estpirequecequejepensais.Elleestdevenuesifaible,toutprenddusensmaintenant.Mais,étonnement,jenel’aipas
vueaussifortequedepuisqu’elleracontecettehistoiresordide.—Ouais!Ilyaunesemaine,iladébarquéaubaroùjetravaillais,complètementdéfoncé.
Ilamenacémacollèguedefaireexplosersabagnolesielleneluidisaitpasoùj’étais.Elleaprispeuretm’aappeléepourquejeviennelechercher.Ildevaitrentreràlamaison,faireunsommeetreprendresesesprits.Cependant,unefoischezmoi,çaatournéaudrame.Ilm’aaccuséed’êtreinjusteaveclui,quejenel’aimaispasassezetquejenepensaisqu’àmoi.Ilavoulum’embrasser…
—Ila…tusais…Est-cequ’ilt’a…?demandeKyled’unevoixblanche.—S’ilm’aviolée?Non,nevousinquiétezpas.Quefairemaintenantàpartrestersilencieuxpourlaisseraucerveauletempsd’encaisser
toutça?Uncoupdemassue.Jebousdel’intérieur,maistentedefairebonnefigurepourgarderunairdétaché.
—Etaujourd’hui,tutesenscomment?Mavoixestplusfaiblequejenelesouhaiterais,magorges’estasséchée.—J’essaiedemeremettredetoutça,deremonterlapente.Désoléelesgars,maisjene
veuxplusenparler.Voussavezleprincipal,c’estassezpourlemoment.Entoutcas,pourl’instant,j’aibesoind’unebière.
—Jevaist’enchercherune,m’empressé-je.Jemelèveetquittelesalon.Cettebièreétaitl’occasionrêvéedem’éloignerdesautres.Ce
n’estpastantl’impactdesesmotsquiestdouloureux,carj’avaisdéjàdesdoutes,maisplutôtletondétachéqu’elleautilisépourlesprononcer.Commesielles’étaitfaiteuneraisond’avoirsubitoutça.Lespaumessurlecomptoirdelacuisine,jerespirelonguement.
Jevaisluibuterlagueuleàcefilsdepute.Unemainseposedansmondos.Hazelle.—Gabe?Kyleestparti,ilvarevenircesoiroudemain.Tuveuxquejetelaisse?Mesyeuxplongentdanslessiens.Desirishabitéspardesdémons.Jecroisquej’aurais
préférénejamaissavoir.Aumoins,touts’éclaire:soncomportement,sonregardquimesuppliaitdecomprendre,sadouleurfaceàmonimpuissance.Samainglissedemonépaulejusqu’àmonbras.
—Gabe,jesuisdésoléedet’enavoirparlé.—Pourquoi?Jet’avaisditquetupouvaisteconfier.—Oui,maismaintenantquetusais,ilyadelapitiédanstesyeux.C’estinsupportable.Encoreunefois,jefaispreuvedestupidité.J’aimeraisluiavouerquejen’éprouveaucunepitié,queseulelacolèrem’envahit.Maisj’ai
peurquemesmotslablessentalorsjerestemuet.Suis-jefaible,oubienest-ceuneforce?Jenesaisplus.Cequiestbienprésentparcontre,c’estcetteculpabilitéquimeronge.Oui,jemesenscoupabledelasituation,deconstatertoutecettesouffrancequiémaned’elle.Toutçamedépasse.Jamaisjen’auraispenséquetoutçairaitaussiloin.
J’attrapesonvisageentremesmainsetl’attireprèsdemoi.Lecontactdesoncorpscontrelemienestapaisant.C’estd’autantplusagréablequej’ail’impressionqu’êtredansmesbrasluiapporteduréconfort.Jelaserrecontremoi.Jamaisplusjenelalâcherai.Lesbattementsdesoncœurrésonnentcontremapoitrine.Jedéposeunbaiserdanssescheveux.
—T’asfaim?Bravomec!Elleseconfieàtoiettuluiproposesdebouffer!—Oui,jecroisquejegrignoteraisbienunbout.—Dequoiaurais-tuenvie?—Macaronisaufromage?Etonmangedanslelitenmatantunfilm.—TantquecenesontpaslesAvengers,çameva.J’aitoujoursriencompris.—T’enfaispas,jevaistrouverautrechose.—Dansmachambre,yapleindeDVDdanslemeublesouslatélévision.—Jevaisnouschoisirunfilmd’horreur,rit-elle.Ellefaitunpas,maisjelaretiensparlamainsansm’enrendrevraimentcompte.—Jesuislàmapucesijamaistuasbesoindequelquechose.—Jesais,merciGabe.Àcontrecœur,jelalaisses’éloigner.J’auraisvoululagarderprèsmoi,lapréserverdetout.
Lemélangedeculpabilitéetd’impuissancemeronge.J’oseàpeinepenseràcequ’ellepeutressentir.Jem’attelleàluipréparerlesmeilleursmacaronisaufromagequ’ellen’aurajamaismangé.Ellemerejointdanslacuisine,unDVDàlamain.
Merde,elleaévidemmentprisceluiquiappartientàFlorence…Apparemment,monexpressiond’hébétudemetrahit.—D’aprèslesrumeurs,tufréquentesquelqu’un…Ellelaissesaphraseensuspens.Unepetitevoixdansmatêtem’ordonnedetoutnier,mais
jepréfèrejouerlacartedel’honnêteté.—C’estvrai.
Bahouais!Supercrétin!Ellevateréduireencharpie!—Et,c’estFlo?Sontonestfroidetdistant.OK,mauvaisepioche!Onvajouerlacartejoker:lemensonge.—Non!—Tefouspasdemoi!—Ouaisbon,c’estelle!Maisnousdeux,nousnenousdevonsrien!m’emporté-je.Ellereculededeuxpas.—T’asraison…t’asraison…Écoute,jenevaispastedérangerpluslongtemps.Sonregardseperddanslemien.Ellesembleencolère,maispascontremoi…contreelle-
même.—J’aimeraisqueturestes.—Pourquoielle?demandemonexd’unevoixéteinte.—J’ensaisrien.C’estarrivécommeça.—T’esquandmêmepastombéparaccidentsursonvagin!—C’estpascequej’aidit.JemesentaisseulaprèstondépartetFloétaitlà.—N’empêchequej’avaisraison,ellet’atoujourstournéautour.Unpetitsourireamusésedessinesurseslèvres,cequimefaitéclaterderire.Ellesejoint
àmoi.L’atmosphères’apaiseenfin.—T’asencorefaim?Ellemerépondparunhochementdetête.—Jepréparelesmacaronisettoi,vanoustrouverunautrefilmquecettemerde
11Hazelle«Jemeretrouvelà,unenouvellefois.Lelieuestlugubre,sombre.Jesens la fraîcheurdubéton
contre mes paumes alors que j’essaie de me relever, avec beaucoup de peine. Mon corps estdouloureux,maisjesuisenfindebout.J’avancedoucementjusqu’àbutercontreunmur,carmesyeuxontdumalàs’habitueràlapénombre.Ilesttoutaussigeléquelesol.Jecherchelaporteàtâtons,malheureusementelleresteintrouvable.Uncridéchirelesilencequirègne,lagorgeestdouloureuse.Il me semble que c’est moi qui suis en train de hurler. Je gueule à m’en casser la voix. La peurs’emparedemoi.Mespoingsmartèlentlemurdeplusenplusfort,jusqu’àm’enbriserlesos.
—Haz,jetefaisçaparcequejet’aime.Ilestlà.Ilfautfuir,maislapeurmetétanise.Ilvam’attraperetmetuer.Ilatoujoursditqu’ille
ferait.J’entendsunbruitsourd,commesiquelqu’undonnaitdescoupscontreunefenêtre.—Hazelle…Sa voix… Je frappe de nouveau contre le mur froid dans l’espoir de trouver une façon de
m’échapperdecetendroit.Ladouleurmentaleestaussifortequeladouleurphysique.Sonintonationmefaitmal,autantquesesmainssurmoncou.Jesuffoque,j’aifroid,jemeurs.»
Mesyeux s’ouvrent alors qu’unhurlement s’échappe demabouche.Desmainsme touchent levisage.
Ausecours,laisse-moitranquille,laisse-moivivre!Je frappe, je frappe de toutesmes forces. Dans le vide, sur quelqu’un, je ne sais pas,mais je
frappe!Unevoixrésonneauloin,sijepouvais,jelafrapperaisaussi.Jefrappe.—Hazelle!Hazelle!C’estmoi!C’estGabe!Calme-toi!Ces quelques mots atteignent enfin mon cerveau, je reconnais cette intonation. Silence, je me
laisseallersurlematelas,exténuée.—Çava?s’inquièteGabe.—Encore ce rêve, toujours lemême. Il me hante. Toutes les nuits. Je le déteste, je le déteste
tellement,sangloté-je.Monex-copainrestemuetetmeserredanssesbraspendantunlongmoment.Unmutismemêlé
auxbattementsdesoncœur,quicognenttelleunedoucemélodie.— Tu sais, j’ai constamment cru que nous n’étions pas un couple parfait et encore moins
conventionnel.Nousavionsnosfaiblesses,commetoutlemonde.Maisnousétionsheureux,j’étaistropbornée
pourm’enrendrecompte.Etpuis,j’airencontréColeetdécouvertlaviolenceconjugale.J’aienfincomprisquecequenousvivionsétaitfort,uniqueetvrai.
—Ças’estpassécommentlapremièrefois?Saquestionestfragile,sonintonationestfausse.Ilneveutpassavoir,maisildoitsavoir.Sinous
souhaitonsavancerensemble,ilacomprisqu’ildevaitconnaîtrelavérité.—Toutestpartid’unedisputecomplètementstupide,devantlatélé.Monéquipedehockeyabattu
lasienne.Jemesuisréjouie,réactiondesplusbanales,jesuppose.Saufqueçal’afaitsortirdesesgonds.Ilm’ahurléquej’étaisunemauvaisegagnanteetquejelerépugnais.Lespremièressecondes,j’aicruqu’ildéconnaitouqu’ilétaitunpeu impulsif.Mais j’aivitecompris,etçam’afigée. Ilestentré dansune colèrenoiredevantmonmanquede réaction, cequim’a encoreplus tétanisée. Il adéchirésontee-shirtcommesic’étaitunevulgairefeuilledepapier.Jemerappellem’êtreditqu’ilpourraitmeréduireenmiettess’illevoulait.Alors,jemesuislevéeetsuissortiedechezluiàtoutevitesse.
—Pourquoies-turetournéeavecluiensuite?
En effet, ça semble incompréhensible et ses sourcils froncés en disent long sur lemanque delogique.Jehausselesépaules,maisjesaistrèsbienpourquoijesuisrevenue.
— J’ai cru qu’il était quelqu’un de bien, qu’il avait juste eu un coup de sang. Sauf qu’il n’estjamaisplusredevenulemême.
—Haz…Je…—Nemedispasquetuesdésolé,carc’estimpossible.Etquandbienmêmeceseraitvrai,nele
montrepas.Regarde-moicommetum’astoujoursregardée,sanspitié.—Tu…—Jesais,c’estbeaucouptedemanderaprèscequej’aifait.—Pourquoituespartie?—Jenesaistoujourspas.Unmensongevautmieuxqu’unevéritédouloureuse.Mavieavecluim’ennuyaitetj’aidécidéde
prendrelelarge.Point.L’ironieavouluquejetombesurunmaladementalquim’afaitcomprendremaconneried’avoircrachésurGabe.
—Jevaisretournerchezmonpère,annoncé-je.—C’estinutile,tuasdormilongtempsetlanuitestdéjàbienavancée.—Ouais,maisimaginesiFlodébarque…—Net’enfaispaspourelle,ellen’estpasprèsdesepointer.—Pourquoi?—Parcequetuesderetour.Sonaveumeserrelapoitrine.Oui,jesuisderetour,maisquisaitpourcombiendetemps?Hors
dequestiondeluidonnerdefauxespoirs.Ilesttropbienpourça.—Gabe,encemoment,jesuisici,maispeut-êtrequebientôtje…—Jesais,mecoupe-t-il.Maisjepensequ’ilesttempsquenousprofitionsdel’instantprésent,il
fautarrêterdetoujoursêtresurlaretenuejusteparcequ’onnesaitpasdequoidemainestfait.L’instantprésent,c’esttoutcequ’ilfautpourconnaîtrelebonheuraufinal.Ilpermetdezapperles
douleursdupasséetde,pourquoipas,êtreheureuse.C’estunephilosophieoubliée,commedevenueinavouablelorsquejefaisfaceàmonexistence,àmonenfersurterre.
—Tuveuxm’endireplussurtavielà-bas?—Non ! Je pense que j’ai fait assez de révélations pour aujourd’hui. Parle-moi de toi plutôt.
Qu’est-cequetuasfaitpendantmonabsence?—Tuveuxvraimentdiscuterdeça?—Évidemment,toutcequiteconcernem’intéresse.—Quandj’airéaliséquetuétaispartie, jen’étaispasvraimentétonné.Jecroisquejem’ysuis
toujoursattendu.T’enparlaissansarrêt,delagrandeville.—Jenel’avaispasprémédité,c’estarrivésuruncoupdetête.—Jesais.Il pose un baiser dans mes cheveux tandis que je me laisse profiter du moment, de l’instant
présent.Sarespirationralentittranquillement.Toutdesuite,celamerappellemesnuitsd’enferavecCole.Ildevaits’assoupirpourquejepuisseenfin«vivre».Lorsqu’ildormait,jepouvaism’évader,sortirdulitpourallerécrirequelqueslignesougrattermaguitareletempsd’unoudeuxmorceaux.
Unsoir, ilenaeusaclaque.Pourtant, jenefaisaisriendemal,soi-disantj’étaisbruyantealorsquejen’osaismêmeplusprononcerunmot.Ils’estavancéversmoienfurie, laragetransformaitsonvisage.Ilm’aarrachélaguitaredesmains,j’aieubeausupplier,c’étaitcommesisonespritavaitquitté son corps. Il a explosé l’instrument contre le plancher qui a volé en éclats dans un boucanfracassant.Ilyavaitdesmorceauxpartout,etilm’aobligéeàlesramasserunparun.Àgenouxpar
terre,c’estcommesijejetaislesfragmentsdemavieaucompte-gouttes.Jemedébarrassaisdemesespoirs,mesrêvesetmesillusions.Toutçapartaitàlapoubelledansl’humiliationlaplustotale.
Lorsque Gabe dort à poings fermés, je me tire doucement du lit avant de me diriger vers lacuisine.J’ytrouveunbloc-notesetygriffonnequelquesmots.
«Jesuischezmonpère,situasenviedevenirmerejoindre…XOXOHaz»**
Lorsquemasœurapparaîtenfindanslacuisine,lamatinéeestdéjàbienentamée.Cettegossedortplusqu’unoursquihiberne!Yeuxbouffisetcheveuxenbataille,c’estbeaud’êtreuneado!Passûrequ’ellem’aitremarquée,maisjeluilancetoutdemêmeunjoyeux«bonjour»;pourtouteréponse,j’aidroitàungrognement.Monpèrenousrejoint,jemeretourneverslui.
—Elleestmorte,tucrois?ris-je,devantlemanquederéactiondemafrangine.—T’enfaispas,elleronchonnerajusqu’àcequ’elleavalesapremièregorgéedecafé,aprèsça
iramieux,m’explique-t-il,sourireauxlèvres.Maisielèvelesyeuxaucielfaceànotreamusement.Jel’observeavecattentionpourlapremière
foisdepuisquejesuisrentréeàlamaison.Elleabiendûprendrequinzecentimètresenseizemoiset,malgrésonvisageendormi,jeremarquequ’elleressemblebeaucoupàmaman.C’enestperturbant.
—Tufaisquoiaujourd’hui,sœurette?Ellemejetteunregardintriguéethausselesépaulesdansunsemblantdesourire.Elleattendune
propositiondemapart,c’estcertain,maisjemefocalisequelquessecondessursonvisageradieuxavantdecontinuer.Celameconfortedansmonidée:jeluiaimanqué,jeleuraimanqué.Jeretrouveenfincetteambiancefamilialejoviale.
—J’aipenséqu’onpourraitdécorerlamaisonpourNoël,annoncé-je.—C’estunebonneinitiative,lancemonpère.—Jemedisaisaussiqueceseraitsympad’alleracheterlenécessairepourfabriquernospropres
décos,commequandnousétionspetites.Lesyeuxdemasœurs’illuminent.Ellesembleheureuse,maispeut-êtreest-ceplutôtdutracas?Je
nesauraisdire,jusqu’àcequ’elleselèved’unbondpours’enfuirdanssachambre.Monpaterneletmoiéchangeonsunregardinquisiteur.
—Ellevasecalmeretrevenir.Tonidéeestbien,tente-t-ilpourmeréconforter.Intriguéeetunpeuinquiète,jedécidederejoindreMaisiepouravoirquelquesexplications.Elle
estassisesursonlitetmefixe.Sonmutismemedonneenvied’abandonner,maisjeprendstoutdemêmeplaceprèsd’ellepouraffrontersesinterrogations.
—Tun’aimespasmaproposition?demandé-jepourcommencerlaconversation.—C’estpasça.C’estque…Jesaispas…Vas-turepartir?Sa question est légitime, mais le ton de sa voix est étonnant, sans arrogance ni sarcasme. J’y
perçoisunecertainefroideur.—J’ensaisrien,Maisie!—Jesuissûrequetuvastebarrer,alorspaslapeinedefairecommesituaimaisêtreici.Je rectifiemesmotsde toutà l’heure.Cen’estpas toujours sibeaud’êtreuneado.Unemôme
blesséedecetâgepeutavoirdesparolesbouleversantes,quifrappentlàoùçafaitmal.—Jemesentaispasbienici!medéfends-je.—Jesuispasbête,jel’avaiscompris,maist’auraispumeledire.T’asfaitcommemaman.— Je suis désolée. Je craignais les réactions, c’était de la lâcheté. Je ne voulais pas qu’onme
retienne.—Siturepars,tuvasm’eninformer?—Oui,jetelepromets.—Moiaussi,jevaismecasserd’ici.
Cesparolesmefontpeur.C’estégoïstedemapart,maiselledoitchangerd’avis.Tropdechosestraumatisantespeuventseproduire.
—Sic’étaitàrefaire,jeresteraisici.—Papacroitqu’ilt’estarrivéquelquechosedemallà-bas.—Ilaraison,maisçan’aplusd’importance.Ici,jesuisensécurité.—T’envapasalors!—Lavie,c’estpasaussisimple.—Ellesecompliqueàcausedenoschoix.Situprendslesbonnesdécisions,ellerestefacile.—Depuisquandtuesdevenuesiphilosophe?Ellemedonneunpetitcoupd’épaule,jepassemesbrasautourd’elleetlaserrecontremoi.Elle
répondàmonétreinteenentourantlessiensautourdemataille.Cetéland’affectionmeprendunpeuaudépourvu.Magorgesenouesousl’effetdel’émotion.
—Tutrouvesmonidéenullealors?—Maisnon!C’estjustequejevoispaspourquoitufaisautantd’effortssic’estpourremettreles
voiles.Pasbesoind’êtreuneadultepourdevinerlalogiquedel’existence.—Parcequepourl’instantjesuislàetçameplaîtbien.Gabem’afaitcomprendrequejedevais
meconcentrersurl’instantprésent.Puis,Noëlestdansunesemaine,jevaisenprofiteràfondpourpasserleplusdetempspossibleavecvous.
—Promets-moidemedireaurevoirquandturentrerascheztoi.Cesmotssontpiresqu’unegifle.Chezmoi.Quej’aillelà-basouailleurs,Tofinoseratoujoursma
maisondansmoncœur,monchez-moi.Merde!Pourquoijeneréalisetoutçaquemaintenant?—Juré,machérie…—Nousn’allonspasfairedesguirlandesenboulesdepapier,j’espère?J’éclatederireetluiébouriffelescheveux.—Non.Viensavecmoi,j’aipleind’idées…
12GabeLorsquej’arrivechezHazelle,l’après-midiestdéjàbienentamé.Àmonréveil,ellen’étaitpluslà,
envoléecommeilyaseizemois.Etpuis,j’aitrouvéunenotesurlatable,commeilyaseizemois.Mais le contenu était bien différent et tellement rassurant qu’il m’a décroché un sourire. Elle meproposaitd’allerlarejoindrechezsonpère.Aprèsavoirfaitdeuxoutroisbricoles,jemeretrouveenmoinsdetempsqu’iln’enfautpourlediredevantlaportedelamaisondemonex-copine.
—AlorsGabe,c’estreparticommeavant?ritsongéniteurenm’offrantuneaccolade.—Tusais,avecHaz,onn’estjamaissûrderien,ricané-je.—T’asjamaissibiendit.Lesfillessontdanslacuisine.Unefoismonmanteauetmesbottesretirés,jesuisTroypourrejoindrelesdeuxsœurs.Assisesà
latable,ellesrigolentetsetaquinent.Desbonshommesdeneige,despetitsrennesaunezrougeetuncurieuxpèreNoëltrônentaumilieud’unsacrébazar.Onytrouvedupapierdécoupé,despommesdepin,desfilsmulticolores,destubesdecolle,desfeutres…bref,c’estlebordel.Hazelleseretourneversmoi.Elleadelacolleetdespaillettesvertesetmauvessurlevisage.
—Hey,t’esvenu!s’écrie-t-elle.Ellesemblesiheureusedemevoir,unejoiepourtanteffacéedepuisquelquesjours.—Ouais,j’aidûfaireunarrêtchezuneamieavantdevenir.Ses yeux se plissent pour me jeter un regard lourd de sous-entendus. Approbation ? Joie ?
Tristesse?Jalousie…Étonnement,ellemesouritlaseconded’après.Jenecomprendraijamaiscettenana!Sonespritdoitêtredanslefloutotal,cequilerendimpossibleàdéchiffrer.—Tuvienst’asseoiravecnous?medemandeMaisie.Hazelle m’invite à son tour d’un signe de tête. C’est absurde de penser que je me place
innocemmentàcôtéd’elle,commesiderienn’était.—Vousvoulezquejevousaide?—Tupeuxaccrocherlescordesauxpommesdepin,meproposeMaisie.EtmevoilàpartiàbricolerdestrucshideuxpourNoël.Pasfaciled’accrochercescordelettesde
merde sur la tige de ces pommes de pin pourries argentées. Et voilà,mes doigts sont pailletés departout.
—Cesera lesboulespourmettredanslesapin.AvecpapaetHazelle,nousironsenacheterundemain.Unvrai.Aussigrandquedanslesfilms!
Sonémerveillementmetireunsourire,maismesyeuxsontéblouisparleregardamuséquesasœurposesurelle.
—T’asenviequejet’accompagne?—Jesaispas…ilpeut?demandeMaisieàsafrangine.—T’espasobligé,tusais.—Jeprendraimonpick-up.—Çamarche!Çam’éviterad’emprunterceluiduvieuxFrank.Lesmile6sirared’Hazmeréchauffelecœur.Idiot,faible,groscrétinaucœurdeguimauve…Rienn’yfait,jecraque.«Laseulefaçond’êtreheureuxc’estd’aimersouffrir»,commediraitWoodyAllen.Je vais morfler, pas de doute, je fonce tête baissée, tant pis. Elle est mon amour de jeunesse,
l’amourd’unevie…—Gabe?
Jeplongemonregarddanslesien.J’ai la têtepleinedesouvenirsetellesembleamuséefaceàmon visage tourmenté. Elle a toujours adoré rire de moi, alors que j’étais l’idiot de service. Çan’avaitpasd’importance,c’estcommeçaqu’ellem’aimait.
—Tudînesavecnous?medemande-t-elle.—Ouais,avecplaisir.—Nousallonsmangerdeslasagnes!Maisc’estpasHazquiacuisiné,c’estpapa.—C’estplutôttantmieux,tasœurcuisinecommeunpied.—Oh,maistunet’esjamaisplaintencinqansderelation,sedéfendHazelle,dontl’agacement
nousamuse.L’atmosphèredanslamaisonestàlafêteetTroymetendunebièreainsiqu’àsafille.—Non,çava,jen’aipasenviedeboire.Il semble étonné,mais tente de ne rien laisser paraître. En vain. Faut dire queHaz n’a jamais
refusédeprendreunpetitverre.—Alors,ilvousrestebeaucoupdedécosàfaire?Jepeuxvousaider?s’intéresse-t-ilpourpalier
sasurprise.Sonaînéeluitendundessinqu’elleafaitpourqu’illedécoupe.Pendantcetemps,jecontinueà
attacherlesputainsdecordelettesauxpommesdepin.Jesenssonregardposésurmoi,jerelèvelatêteetcroiselesyeuxmarrondecellequej’aime.Elleprendlepignonquej’aidanslesmains,nosdoigts se touchent et s’entremêlent.MonDieu, comme j’ai envie de l’embrasser. Sentir ses lèvrescontrelesmiennes…
Merde!Sympal’érectionenfacedesonpère…J’avaledifficilementmasaliveetinspireprofondémentpourmecalmer.Sielleachangédefaçon
aussiradicale,alorspeut-êtrequeceseraitdifférententrenous,peut-êtrequeçamarcheraitpourdebon.Cespenséesinterditeshantentmonesprit.
—T’esunesacréetronche,metaquinelabelle.Jeluitirelalangue,cequil’amuse.Aprèsavoirrangénoschefs-d’œuvre,nousmettonslatable
dans lemêmeesprit jovial.Nous aurionspresque l’air de la famille idéale, la familleheureusedecélébrer les fêtesdans l’union.Dommagequecene soitqu’une illusion.Nous sommes loind’êtrecontents et unis. Tout cela n’est qu’une façade, mais c’est l’instant présent, alors nous nous ensatisferons. Troy me tend une autre bière, Hazelle ne prendra qu’un soda. Nous savourons leslasagnesdanslerireetlabonnehumeur,nousremémorantlesanecdotesdupassé.
------6Sourire
13HazelleJesoutiensmonexdumieuxquejepeux.Monpèrel’afaitboireplusquederaisonalorsqu’ilest
lui- même en train de cuver sur le divan ; ils se sont manqués. Je porte à bout de bras un Gabechancelantetsouriantcommeunidiot.AvecMaisie,nousl’aidonsàenfilersonmanteauetsesbottes;ilnousaurafalludelapatience.
—JevaisdormirHaz,m’indiquemapetitesœur.—Poseunecouverturesurpapa.—Çava!Jesaismedébrouiller,grognel’intéressédepuislecanapé.Mafranginemefaitsignequ’elles’encharge.—JeramèneGabechezluietjereviens.—Haz?Faisattentionsurlaroute.—T’enfaispas!Jemedépêche.—Tupeuxresteràlamaison,proposemonexenchancelant.Ilmetsonbrassurmesépaulesetmesouritinnocemment.Sabêtisemefaitleverlesyeuxauciel.—DorschezluiHazelle,c’estplusprudent.Onsevoitplustard.Jecroisqu’ilvaavoirbesoin
quetul’empêchesdevomirpartout.Mapetitesœurappuiesesdiresd’unhochementdetêteetm’offreunlégersmile7encourageant.—T’enfaispas,demain,aprèsavoirtrouvélesapin,nousironsfairelesmagasinspouracheter
quelquescadeaux,larassuré-je.—ÀdemainHaz!Prendssoindecetabruti.Ettoi,essaiedenepasgerberpartout,ordonne-t-elle
àGabe.—Jesuisungrandgarçon,tusais!—Ouais,maist’essaoul.L’accuséprendun faux air choquéquime fait rire. Je passemonbras autour de sa taille pour
l’aideràsortirdelamaisonetl’asseoirdanslepick-up.Nousn’avonsquequelquesruesàparcourir,maisj’appréhendeletrajet.Meretrouverdansunpetitespaceclosensacompagniemeperturbe.J’aitentédefairebonnefiguretoutelasoirée,maisc’esttoutdemêmedifficiledepasserdutempsaveclui sansme remémorer tous nosmoments agréables. Tout cela a un goût de déjà-vu quime rendnostalgique.
Unefoislavoituregarée,Gabeseraclelagorgepourquejemetourneverslui.Jereconnaissonexpressiondej’ai-fait-une-bêtise-ne-t’énerve-pas,jem’attendsaupire.
—Jevaist’avoueruntruc.Jenesuispasvraimentsaoul.J’aiunpeuamplifiélasituation.—…—Jesuisdésoléd’avoirmenti,jevoulaispasserplusdetempsavectoi.—Entrons,onvadiscuter.Ilhochelatêteetsortducamion.L’enfoiré!Iln’aaucunproblèmeàmarcherdroitetnechancelle
plus ! J’ai porté ses 80 kg pour rien !Mon regard est assassin, mais, au vu de son sourire, il acompris que je n’étais pas vexée. Je me déleste de mon manteau et de mes bottes lorsque noussommesàl’intérieuretosemêmeretirermaveste,enfin!Gabenemelâchepasdesyeux,ilanalysetousmesmouvements.Jepassemachinalementmamaindroitesurmonavant-brasgauchemaintenantàdécouvert.Touchermesplaiesmeprovoqueunfrisson.Ils’avanceversmoietattrapemonmembrepourconstaterlemassacre.
—N’aiepashontedecequ’ilt’estarrivé.Nelaissepastoutecettemerdechangerlapersonnequetues.Avecletemps,lesmarquesvontdisparaître.Etalors,turetrouverasgoûtàlavie,murmure-t-ilenrelevantmatêtedesonautremainafinquejeleregarde.
—C’esttellementlaid.—Jesais,maisarrêtedetecacher.Tuesmagnifique,nel’oubliepas.Sesyeuxapaisentmestensions,mahonte,mesregrets;penseràtoutcelamefaitsoupirer.—Alorstun’espassisaoulqueça?!—Jesais,c’étaitcomplètementcond’exagérermonétat.—T’auraispusimplementmeledemandersituvoulaisquejerentreavectoi.—Yavaittropderisquesqueturefuses.—Tudoisbienmalmeconnaîtrepourcroireça.—Jeneteconnaisplus,Haz.—Pourtant,jesuistoujourslamême.Unpeucabossée,maislamême.—Alorssijet’embrasse,tunemegifleraspas?Lagorgenouéeparl’émotion,jesecouelatête.Non,jamaisjenelefrapperai.Jamaisplusjene
luiferaidumal.Jamais!Ilsepencheversmoietprendmonvisageentresesmains.Àcecontact,jenepeuxm’empêcherdefrissonner.Unsoupirs’échappedemeslèvreslorsqu’ilydéposelessiennes.Seizemoisévanouisparuneétreintebrûlante.Sesbisoussontbrusques,passionnésetmecoupentlesouffle.
—Gabe,uneseconde…,marmonné-jecontresabouche.—Nemefaispasattendrepluslongtemps.Sarespirationdansmanuquemefaitperdre la tête.C’estcommeunefièvrequim’empêchede
penser.Mesbrasserefermentautourdesoncou,ungémissements’échappedemabouchelorsqueses lèvres délicates couvrent ma gorge d’une multitude de baisers jusqu’à atteindre mon lobed’oreillequ’elless’amusentàmordiller.Sesdoigtsattrapentmaceinturepourcollermonbassinausien.Sesmainsdescendentsurmesfessesetlesagrippent.Enl’espaced’uninstant,jesuissoulevéedu sol etmes jambes s’enroulent autour de ses hanches. Son érection surmon sexem’arrache unlégercri.J’avaisoubliécombienilpouvaitm’exciter.
—Amène-moidanstachambre,ordonné-je.Il ne répond pas et avance en gardant ma bouche prisonnière de la sienne. Ses bras puissants
représententpourmoiunezonedeconfiance, jamais ilsnemelâcheront. Ildonneuncoupdepieddanslaportepourentreretmeposeavecdouceursurlelit.Ilcommenceàôtersontee-shirt,maisjeleretiens.
—Laisse-moitedéshabiller,luimurmuré-jedansunfrisson.Jemelèveàsescôtésetpassemespaumessursontorse.Jesouhaiteleredécouvrir,commelors
de notre première fois. Je triture son haut que je lui enlève en hâte d’un geste naturel.Mesmainsprennentsonvisageencoupe,mesdoigtscaressentsesjouesetsabarbedetroisjourspourensuitedescendreverssoncouetfinirsursesépaulesmusclées.Nosregardssontsoudésl’unàl’autre.Jecontinuel’explorationdececorpsquejeconnaispourtantparcœur.Jem’affaireàsaceinturepourluienleversonjeansdéforméparsonérection.Jebaissesonboxernoir,enmemordantlalèvre.Ilest là, devant moi, complètement nu, magnifique, son pénis dur comme la pierre. J’embrassesensuellementsoncoualorsqu’ilrelèvelesyeux,etm’emparedesonsexepourluioffrirunlentva-et-vient.
—Hazelle!Jeveuxtabouche…Jedévorecesquelquesmotsparunbaisersensuelavantdeléchersanuqueetsontorsepourenfin
atteindre son entrejambe. Jem’accroupis en face de lui tout en continuantmonmouvement sur saqueuealorsqu’iljettesatêteenarrière.J’entrouvreleslèvresetprendsdoucementsonpénisdansmabouche.Un gémissementme confirme qu’il aime ce que je lui offre. Je passema langue sur songland.Sesdoigtsentrentdansmescheveuxetmecaressent.
—Oh!Haz!Merde!
Jerelèvelatêteavecunsourireamuséetilmefaitsignedemeredresser.—Maintenant,c’estàmontourdetedéshabiller.—Gabe…Je…non.Prisedepanique,jenesouhaitepasqu’ilpuissemevoirmutilée,abîmée,transformée.Jeconnais
soncorpsparcœur,ilnereconnaîtraitpaslemien.—T’esmagnifique,viensavecmoisurlelit.Ilmeserrecontreluietm’inviteàm’allongeràsescôtés.Noussommesétendusl’unàcôtéde
l’autreetpasuneseulesecondesesirisnemelâchent.Samainentredoucementsousmonhaut.Parréflexe,jefermelesyeux.
—Non!Regarde-moi!Il nem’écoute plus, comme transporté par l’excitation. Il dépose un baiser contremes lèvres,
remontemontee-shirtpourdévoilermonventrequ’ilembrassetendrement.Sabarbemepiqueetmechatouille, ce quime provoque un éclat de rire totalement incontrôlé. C’est unmoment délicieux.Avectoutautantdedouceur, ildébouclemaceintureetmedélestedemonpantalon.L’angoissemegagnepeuàpeu,engendrantdelégerstremblements.
—Regarde-moiHaz!Nemelâchepasdesyeux.Finalement, il m’enlève mon haut et m’embrasse la poitrine. En sous-vêtements devant lui, je
pousseunpetitcrilorsqu’ilcessesesbaisers.Monsoutien-gorgerejointmesautresfringuessurlesol après son geste expérimenté pour le dégrafer. Il caresse de nouveau mon ventre tandis qu’ilmordille doucementmes tétons.Un gémissement s’échappe demes lèvres quand samain descendversmonintimité.Sesdoigtsbougentsurmonsexemouillé,maisj’endésiretoujoursplus.Jeveuxsonpénisauplusprofonddemoi.
—Gabe!Prends-moi!Il me sourit et continue à me masturber. Il approche ses lèvres contre mon oreille pour y
murmurer:—Laisse-toialleretjouismachérie.Ses doigts jouent encore avec mon clitoris. À ces mots et ces gestes, je suis secouée par un
orgasmequime fait arquer le dos. Jeme laisse retomber contre lematelas, faible et frissonnante.Gabeprendlacouvertureetlaposesurmoiavantdes’allongeràmescôtéspourmeserrercontrelui.
—Maintenant,dormonsmapuce.—Ettoi?marmonné-jed’unepetitevoix.—T’enfaispaspourmoi,ricane-t-ilenlaissantunbaiserdansmescheveux.Jeroulesurmoi-mêmepourluifaireface.Ilenroulesesbrasautourdemoietjecalematêteau
creuxdesonépaule.—Jenecomprendspaspourquoituestoujourslà…—Ahbon?Pourtantc’estlogique,non?Jepréfèrerestermuettedevantcemanqued’évidence.—Jen’aiaiméquetoidansmavie.—Jenepercutepaspourquoi,répété-je.—Teperdrem’apresquetué…Sonaveumevrillel’estomac.Jesuisrevenuedepuisquelquesjoursàpeine,etj’ail’impression
den’êtrejamaispartie.Ilaoubliémonerreurcommes’effacelacraiesuruntableaunoir.—JenesaispascequetuallaischercheràMontréalnicombiendetempstuvasresterici.Jene
suisplussûrderiendepuistonretour,misàpartd’unechose:jen’aijamaiscessédet’aimerHazelle.—Arrête…—Cen’estpasparcequetum’empêchesdeledirequeceneserapluslecas.Il resserre son étreinte, je me sens bien. Comme je ne l’ai pas été depuis si longtemps. La
plénitude,laquiétude,maisaussil’incertitude.Commeill’adit,jeprofitedel’instantprésent,maisl’angoissedenepassavoirdequoidemainserafait,jenepeuxl’oublier.J’aibesoindesaprésence,d’entendresarespiration,devoirsesbeauxyeuxetdemeréveillerdanssesbras,encoreettoujours.
Unlongmoment,jeleregardedormirpuisjemepenche,embrassesajoueetmurmure:—Désoléed’avoirétésiégoïste.Puis,jemedirigeversladouche.
------7Sourire
14HazelleUnefoisdouchée,jeprofitedel’odeurdeGabesurmapeau.J’aitoujoursaimémelaveravecses
produits,c’estcommeemporterunepartiedelui,n’importeoùjevais.Deplus,j’aienfilél’undesesvieux tee-shirts et son jogging que j’ai trouvé dans sa penderie. On frappe doucement à la porte.L’espacedequelquessecondes,jesuisterrifiée.
Çanepeutpasêtrelui!Ressaisis-toiHaz!Jem’avanceàpasdeloupversl’entréeetouvresurunemagnifiquejeunefemmequejeconnais
trèsbien.Sescheveuxbrunssontretenusparunchignon.Sesyeuxvertss’écarquillent.—T’asrapidementreprisplacedanstesquartiers,Princesse,lance-t-elled’unevoixacide.—Jen’habitepasici.—Tufaisquoialors?—J’airaccompagnéGabe,ilavaitunpeutropbu.—Ettut’essentieobligéedet’installer…C’estquoileproblèmedecetteconnasse?—Jenecomprendspascequetumeveux,Flo.—Tureparsquand?medemande-t-elleenignorantmesparoles.—Jenesaismêmepassijeresteounon.—TucomptesremettrelegrappinsurnotrecherGabe?—Tucommencessérieusementàmesaouler,fous-moilapaix.Monénervementlasurprend,maiselleneselaissepaspourautantdéstabiliser.Jenem’attendais
pasàentendredesmotsaussipathétiques.Ilsmefontdelapeinepourelle,malgrésaméchanceté.—Écoute,commemarelationavectonexdépenddesi turestesoupas, jecroisquejesuisen
droitdedemander.—Casse-toi,exigé-jeencroisantlesbrassousmapoitrine.—Dommagequetun’habitespasici,tuauraispumefoutreàlaportesinon!—D’accord!Tuveuxquoi,bordel?—Quetudégages!—Jevaispas te faire leplaisirdedescendreà tonniveaupourqu’ons’engueulecommedeux
gamines.T’asgagné, jemebarre,mais je suispas sûrequeGabeapprécierade se leveravecuneautrenanadanssonlit,bluffé-je.
Je lui tourne ledoset filedans lachambre.J’attrapemesvêtementssur lesol.Gabeseréveillealorsetmesourit.
—Tut’envasdéjà?s’inquiète-t-il.—Ouais!Maprésencen’estplus…commentdire…approuvée…—Quoi?—T’asdelavisite.Sesyeuxsonttraversésparunéclairdecompréhension.Ilserelèveets’assieddanslelit.—T’enfaispas!Jesuisplutôtmalplacéepourtejuger,lerassuré-jeenluicaressantlajoue.Ilattrapemonpoignetetvissesonregarddanslemien.—Tunebougespasd’ici,compris?Sonairfurieuxm’effraie.Jemedéfaisdesapoigned’ungestevif.Unebouledeterreurseloge
aucreuxdemonestomac.—Gabe,non!Jevaisretourneràlamaison,onsevoitplustard?—Cen’estpasàtoidetebarrer,merassure-t-il.—C’estdéplacédemapartd’imposermaprésenceàquiquecesoit.
—JevaisparleràFlorence,OK?—Jeneveuxpasrester,tudoislecomprendre.J’ensuisincapable.—D’accord!Jetelaissefiler,maisjepassetevoirquandelles’enva.—Merci,maisjenet’obligeàrien.Jeteredonnetesfringuesplustard.Ilestdéçuquejelequitte.Jelelisdanssesyeux.Aprèsunsoupir,jedéposeunbrefbaisersursa
joue.Alors,ilattrapemonvisageentresesmains.—C’esttoujourstoi.—Jesais.Unfaiblesouriresedessinesurmeslèvres.Jedétourneleregardavantdesortirdelachambre
commeunefusée.Lorsquej’arriveausalon,Florenceestassisesurlecanapé.Elleestbelleàcouperlesouffle,contrairementàmoiquiai l’airenpermanenced’unemerde.Je lui jetteunrapidecoupd’œilalorsqu’ellerelèvelatêteavecfierté.Elleesticicommechezelle.Moi,jenesaismêmeplusoùestmamaison.
Lajalousiemevrillel’estomac.Toutçan’apasdesens.Pourquoivoudrait-ild’unenanacommemoialorsqu’ilpeutl’avoir,elle
?Aprèsavoirmismonmanteauetmesbottes,jesorscommeuneflèchedel’appartement.Jen’aiquedixminutesdemarche.Àpeineai-jefaitquelquespas,quejememetsàtremblerdetoutmoncorps.Le soufflememanque,moncœurbat à tout rompredansmapoitrine. Impossibledemecontrôleralorsquejeneconnaismêmepaslasourcedemapanique.J’accélère.Plusvitej’arriveraichezmonpère,plusvitejepourraim’étendreetmecalmer.
Une voiture passe à côté de moi, ralentit puis s’arrête. Je stoppe à mon tour, terrifiée. Cettebagnolem’estinconnue.Laportières’ouvresuruntype.
—Haz?Tufaisquoidehorsàcetteheure-ci?Kyle,Putaindemerde!J’aieulesboules!—J’étaischezGabe.—Ilestplusde04heuresdumatinmabelle.Tun’auraispaspuresterpourdormir?—Ilareçuunevisitesurprise,doncjesuispartie,lâché-jedansunrirelégèrementnerveux.—Ett’aslaissétaplace?—Jen’aiplusvraimentdeplace,tusais.Ilme regarde longuement, probablement pour dénicher une petite phrase réconfortante. Jeme
contentedeluioffrirunfaiblesourire,ilnetrouverariendetoutefaçon.—Tumeramènesàlamaison?demandé-je.—Embarquemabelle,onvaallerdiscuter.IlestimpossibledecontredireKylelorsqu’ilaentêtedevoussortirlesversdunez.Luiavouer
uneoudeuxbroutillesdeplusdevraitsuffire,j’espère.Ilconduitjusqu’àunpetitparkingenborduredel’océan.Pendantprèsdedixminutes,noussommessilencieux,maislachansonZzyzxRddeStoneSourrésonneenarrière-plan.Moncœurseserre.
—Alors,tuvasfairequoi?s’enquit-il.—Jen’aipasencoreprismadécision.—Gabe…C’estpassérieuxavecFlo…,tente-t-ildemerassurer.—Jesais.—Pourquoit’esrestéelà-basmalgrécequetuvivais?demande-t-ilsanstransition.Évidemment,cettemêmequestionque jemeposesansarrêt.La réponseest là, sousmesyeux,
maisc’esttoujoursdifficiled’avouersonéchec.Luirévélermepermettrapeut-êtredel’accepter.—Revenir,c’étaitcrieraumondeentiermadéfaite.—Onn’endurepaslescoupsparsimplepeurdel’échec.—Simple?Riennel’était.Tunesaispascequel’effroipeutfaireendurer.—Non!T’asraison,maisalorsexplique-moi!
C’est invraisemblable de t’imaginer, toi, une femme si courageuse avec un caractère si fort selaissermaltraiter.
—J’avaisenvied’êtrecellequipouvaitletransformer.Tusais,unpeucommedanslesromans.—Putain,maislaviec’estpasunecomédieromantique,Haz!Lavie,c’estresteravecsonamour
d’adolescenceetmourirvieuxetheureux.Jebaisse lesyeux,honteuse.Lesgensnepeuvent s’empêcherde faire allusionàmonex.C’est
déjàexaspérantdesavoirquejeluiaifaittantdemal,jen’aipasbesoinquetoutlemondeenrajoutetoujoursunecouche,merde!
—T’espaslepremieràpenserquej’aicrachéauvisagedeGabeenmebarrant.—Jen’aijamaisditça,maistuauraispupréparertondépartdifféremment.—Tucroisquejenem’ensuispasrenducompte?—Netefâchepas,jeveuxseulementcomprendre.—J’aipas immédiatementcaptéque j’étais tombéesurunpsychopathe.L’ascensiondesa folie
s’estfaitegraduellement,maisavectoujoursunpeuplusdeviolence.Commesijedevaism’yfairetranquillement,commesic’étaitpossible.Jen’aijamaisétéaussimisérabledetoutemavie.
Je n’ose pas le regarder, lire la pitié dans les yeux des gens est la pire des punitions après unmomentdefaiblesse.
—Onnenousapprendpasàl’écolecommentnousprotégerquandonnousfrappe,continué-je.Lorsquejeracontel’histoire,s’échapperestperçuecommelasolutionévidente.Maiscen’estpassisimple.Yapersonnequi teprendpar lamainpour tedire«OK,va ramasser tes affaires et nouspartons».Non!Çanefonctionnepascommeça.Onestprisdansunengrenageinfernal.
—C’estquoilamarcheàsuivrealors?medemande-t-il,visiblementému.Jetournelatêtepourleregarder,vissermesyeuxmarrondanslebleudessiens.—Yenapas.Unjour,turéalisesquec’estpasnormal,maist’asjustetroplesboulesderamasser
tes merdes et de te barrer. C’est indéfinissable la peur que tu traînes en pensant qu’il pourrait teretrouver.
—Pourquoit’espartiedeMontréal?—J’avaisatteintunpointdenon-retour.S’ilm’avaitfrappéeunenouvellefois,j’enseraismorte,
c’estcertain.Meserrerlagorgeunesecondedetrop…—Jevaisletuercemec!rugitKyle.—Non!Jet’interdisdefoutretonnezdanscettehistoire.—Haz!Tunepeuxpasmedemanderça.—C’estmaviequiendépend.Tudoiscomprendreça!—C’estjusteinsoutenabledepenserquetuasvécutoutça.—Jesais.Bon,jesuisfatiguéemaintenant,tumeramèneschezmoi?Ilhochelatêteetmetlecontact.Aprèsuntrajetdenouveausilencieux,Kylegarelavoituredevant
lapetitemaisondemonpère.—Souviens-toiquejesuislà,peuimportecequ’ilsepasse.—T’enfaispas,jel’oublieraipas.Alorsquejemedirigeversl’entrée,uneombresedessinedanslapénombre.Quelqu’unestassis
sur labalançoiresous leporche,pourtant, iln’yaaucunebagnoleauxalentours.Moncœurbatdenouveaulachamadelorsquel’hommeselèveetvientversmoi.Malgrélatétanisation, jereculededeuxpasetmeprendslepieddansunepierre.Jetombesurlesfesses.Lechocestsourdetremontelelongdemacolonne.Ilm’aretrouvée.Mesyeuxsepressentleplusfortpossiblealorsquedegrosseslarmess’évadentd’entremespaupières.Magorgeesttropserréepourylaisseréchapperuncri,unsimple«ausecours».L’hommes’avancerapidementversmoi.
—Haz?Çava?
Cettevoix,cen’estpascelledudémon,maisplutôtdusauveur.—Gabe!braillé-jeenessayantdemerelever.—Tut’esfaitmal?—Non,lerassuré-jeenattrapantlamainqu’ilmetend.Ilmeserrecontreluialorsquejesanglotedoucementcontresonmanteau.—Jesuislà,mapuce.Ses mots me calment instantanément, mon ange gardien. Le temps est venu de se rendre à
l’évidence, j’ai changé. Ilsm’ont changée. Cole, tout commeGabe. Chacun à leur façon. Luim’adétruite,l’autremereconstruit.Sesbrassontlaseuleissuepourbriserleschaînesdelasouffrance.Jem’enrendscomptepourdebon.Tropdesangacoulé,tropdelarmesontétéversées.
—Gabe?Çatedérangeraitdemerameneràlamaison?—Viens!Parfois,lesmotssontdetrop.Pasbesoind’euxpourluifairecomprendrecequejeressens.Voilà
pourquoiilatoujoursétéceluiqu’ilmefaut.Ilpassesonbrasautourdematailleetmetientserréecontrelui.
—Oùas-tumistonpick-up?—Jedevaisréfléchir,jesuisvenuenmarchant.—Àquoitupensais?—Quejen’avaispasenviequeturepartes.C’estavectoiquejeveuxtenterl’impossible,Haz!—JesuiscomplètementbriséeGabe,tuvast’épuiseràmereconstruire.—Tusaisbienquecen’estpaslegenredechosequim’effraie.—Jen’aiplusenviederepartir,oud’êtreloindetoi.Ils’arrêteuninstant,prendmonvisageentresesmainsetposeunbaisersurmeslèvres.Salangue
entredoucementdansmabouche.Sespaumesglacéescaressentmoncou.Jepassemesbrasautourdelui.Mesdoigtsagrippentsescheveuxbruns.Ilsedécolletranquillementdemonétreinteenmefixantdanslesyeux.
—Tusaiscequejeveuxencemoment?L’intensitédesonregardmetranspercelecœurpourremonterjusqu’àmabouche,m’empêchant
deprononcerlemoindremot.Ilapprocheseslèvresdemonoreilleetmurmure:—Jeveuxtefairel’amour».
15Hazelle« Je suis de retour dansmon appartement àMontréal. Tout est enmillemorceaux ;CD,DVD,
vaisselle,ordinateur.Non!Jeneveuxplusêtreici!OùestGabe?Mavieestréduiteàça,àtouscesdébris qui jonchent le sol. J’essaie de ne pas les écraser. En vain. Je détruis les bribes de monexistenceenlespiétinant.Laported’entréeclaqueviolemmentcontrelemur.Pasbesoindereleverlatêtepoursavoirquec’est lui, jedistingueraissespasentremille.Ceuxdudiable,ceuxquihantentmonesprittouteslesnuitsetquirésonnentencoupsdetonnerre.BOUMBOUMBOUM,ils’approche.BOUMBOUMBOUM, mon cœur tambourine dans mes oreilles. BOUM BOUM BOUM, ses giflesclaquentdansmes tympans. Ilcrie fort,mais jen’entendsrien.C’estcommesi lapeurm’indiquaitinconsciemment d’ignorer la voix dudémon.Devantmon immobilité, ilm’attrape à lagorge etmeplaqueausol.J’encaisse,dansl’attenteducoupfatal.Mondosheurtelemur,unedouleurfulgurantemeremontedubassinjusqu’àlatête.Ilm’empoigneparlescheveuxpourmerelever.Monagitationnefaitqu’alimentersafureur.Àprésent,ilserremagorgesifortquejedeviensstoïque,deplusenplusfaible.»
Enunsursaut,retouràlaréalité.C’estcommesij’avaisreçutouscescoups,maisjeneressensaucune douleur physique. Gabe est là, étendu à mes côtés et paisiblement endormi. Je lui touchel’épaulepourleréveiller;ilgrogne,passesonbrasautourdematailleetm’attirecontrelui.
—Çavapas?demande-t-ildansundemi-sommeil.—Maintenant,si.—Unnouveaucauchemar?—Je…oui…mais,taprésencemeréconforte,commetoujours.D’ordinaire,ilm’auraitquestionnéepoursavoirsijesouhaitaisenparler.Ilsaitquec’estdevenu
inutile. Ilmecomprend, ilcomprendmespeines. Jemeblottiscontre lui, sa respirationmecalme.Doucement, il se rendorten reserrantnotreétreintealorsquemespenséesme tourmententencore.Pourquoi partir ? La vie était si bien ici… Pourquoi faut-il toujours que nous compliquions leschoses?
—Haz!Jet’entendsréfléchirjusquedansmesrêves.—Excuse-moi…Lecauchemarm’aunpeusecouée,maist’enfaispas.—T’asdûavoirdesbeauxmomentslà-basquandmême?—Ouais,surtoutdanslesdébuts.J’aiconnudesgenssuper,Aria,unenanaavecquijem’éclatais,
nousavonsdesbonssouvenirs,lespectacledePennywise8entreautres.Mais,avecletemps,Colel’aéloignéedemoi.Etj’avaistrophontepourl’appeler.
—Tun’aspasàtesentirsimal…—Cen’estpassisimple.—Arrêtedetepensercoupabledecequ’ilt’estarrivé.Promets-le-moi!Malgrésavoiximpatiente,ilmecaresseledos.—Impossible!C’estcomplètementimpossible!—Haz!C’estluilelâche,pastoi!—Jelesais,maisjeneleressenspascommeça.Pourquoi je l’ai laissé faire ?C’est absurde. J’ai les boules en permanence qu’ilme retrouve,
qu’il m’appelle, qu’il débarque ici. J’ai peur Gabe ; ça régit le moindre de mes gestes, de mespensées.J’aioubliéquij’étaisavant.
—TuesHazelleHollis,commencespartedireça.Ensuite,souviens-toiquejet’aimeetquemoi,jenel’oublieraijamais.
—Maissijetedétruisencore?
—Net’inquiètedoncpaspourmoi!J’aienduréFloaprèstondépart,jepeuxtoutsupporter.Jeluidonneuncoupdecoude,etretiensunsourire.—Nedispasça.—C’estvrai!Maisellem’abeaucoupaidé,jel’avoue.—Tusais,jen’aiplusl’intentionderepartir,maisjedoisallercherchermesaffaires.Enfin,s’il
enrestequelquechose.—Jet’accompagnerai.Ilresserresonétreinte.Lavienepeutqu’êtrebelledanssesbras.—Jepréparelepetit-déjeuner?Aprèsonpourraitallercheztonpèrepourlesapin.—Tuveuxquejet’aide?—Non,repose-toi.Ilm’offreunbaisersurmonfrontetquittelachambre,simplementvêtudesonboxer.Merde,qu’ilestsexy!Je ferme les paupières en pensant à l’avenir, à Gabe, aux souvenirs que nous allons créer
ensemble.Peut-êtreai-jesomnolé,peut-êtreai-jedormi;danstouslescas,monmecestàmescôtéslorsquemesyeuxs’ouvrent.Unplateauestposéauborddulit.
—Tut’esrendormie?—Non,enfait,jenesaispas.—Oùtuastrouvécetterose?pouffé-je,enobservantleplateau—Tuterappelleslavoisined’enfaceavecsesfleursartificielles?Un rire francs’échappedemaboucheenme remémorantnosdélires sur les fleursmochesen
plastiquedelapas-si-agréable-voisine-d’en-face.—Jesuisallédanssesplates-bandesetj’aiprislaplusbelle.Jecroisqu’ellem’avucarjel’ai
entenduecrier.J’aimalauventretellementjerigole.Ils’avanceversmoipourm’embrassersurlatête.—Desgaufrescongelées!m’exclamé-je.—Situavaissuquejeteferaisunsiparfaitpetit-déjeuner,tuseraisrevenueavant,non?—Situm’avaiscuisinéçaplussouvent,jeneseraisjamaispartie.—Çatombebien,j’aibienl’intentiondenefairequeçaàmanger.Ilsepencheversmoietm’offreunbaisersurl’épaule,toutprèsdelaclavicule.Jeposemajoue
contresatêteetnousrestonsunpetitmomentainsi.Quelqu’untambourineàlaporteetnoussortdenotrehébétude.
—C’estencorel’unedetesmaîtresses?ironisé-jedevantsesgrosyeux.—Lesnanasnefontpaslaqueuetouslessoirsdevantchezmoi.—Dommage!Onfrappedenouveau,cequim’arracheunsursautalorsGabeprendmamaindanslasienne.—Vaouvrirs’ilteplaît,marmonné-jeentriturantmontee-shirt,prised’angoisse.—Hazelle?C’estlavoixdemafrangine.Lesoulagementmefaitsoupirer.—Tun’espasprête?hurle-t-elleenconstatantmatenue.—Yapaslefeu,Mai.—Elleestdeboutdepuis06heuresdumatin,nousapprendmonpèreavecunsourireamusé.—Vamettreçaetdépêche-toi.Ma sœurme lance un sac de vêtements etme fait les gros yeux pourm’inciter à accélérer la
cadence.Jemedirigetranquillementverslasalledebainetenfilerapidementcequ’ellem’aapporté,unjeansetunhautsimple.J’ouvreuntiroirpourytrouverunebrosseavecdelongscheveuxbrunsquienpendent.Unedouleurmeprendauxtripesetjefermecemauditmeubleauplusvite.
CetteconnassedeFloestvraimentpartout!Ceseraitdéplacéd’êtrelafillequis’estbarréeendoucependantplusd’unanetquifaitunecrise
dejalousieàsonexdèssonretour.Tentonsdelajouercool…Aprèsréflexion,pasbesoindepeigne,une queue de cheval haute devrait suffire. Avant de quitter la pièce, j’ouvre de nouveau le tiroir,attrapel’objetquimedégoûteetlebalanceàlapoubelledansunsourirenarquois.
Pouffiasse…—Yaquelquechosequit’amuse?s’intéresseGabeensortantdelachambre,habillé.—Non,riendutout.Jepensaisjusteàuntrucdrôle.—Tumeracontes?—Peut-êtreplustard,ricané-jeenluilançantunclind’œil.—Alorstuvasrevenircesoir?—Onverra.Enécoutantmesparoles,Maisiesemblechangerd’humeur.Çaal’airdeladérangerquejedorme
ici,ilfautquenousparlionstranquillementdetoutça.— Papa, assieds-toi devant avec Gabe, je vais prendre place derrière avecMaisie, annoncé-je
lorsquenousavonsrejointlepick-upgaréenfacedel’appartement.Monbeaubruns’avanceversmoietposesamainsurmanuque.—Çavamapuce?—Ouit’enfaispas,nousendiscuteronsplustard.Ilsepencheversmoietmurmureàmonoreille:—Jepeuxt’embrassertucrois?Monregarddanslesien,jemecontentedeluisourirealorsqu’ilposeunbaisertendreaucoinde
meslèvres.—Bon,onyvaouvouspassezlajournéeàvousfairelesyeuxdoux?grognemonpaternel.Nouspréféronsignorercetteremarque,maispartageonstoutdemêmeunemouecomplice.Putaincequ’ilm’amanqué!Cette complicité, les smiles échangés, nos blagues, tout ça m’a manqué. Lui tout entier m’a
manqué.Unefoisinstallésdanslavoiture,mafrangineévitemonregard.Retrouversaconfianceneserapaschosefacile.Gabeetmonpèrediscutentsansarrêtjusqu’àlasapinière,tandisquejefaisdespiedsetdesmainspourattirerl’attentiondemasœur.
Aprèsquelquessoupirsd’exaspérationdesapart,nousarrivonsenfinàdestination.Bonsang!Elleestbornée!—T’enpensesquoidecelui-là?luidemandé-jeenpointantauhasardunsapin.—Jem’enfous,Haz!—Ilsepassequoi?Pourquoit’escommeça?—Commesiçat’intéressait.—Tumefaislagueule?—Ouais!Çafaitseizemoisquet’esabsente,etmaintenantquetuesderetour,pourjenesaispas
combiendetemps,tumelaissesmiroiterquetuvaspeut-êtrerevenir.J’enaimarre,situveuxpasdenous,casse-toi!
—Maisie,çasuffit!tonnenotrepère.—C’estsimple,vousdeux,vousaveztoujoursfaitsesquatrevolontés.Çamesaoule,jemebarre.Elletournelestalonsetsedirigeàgrandspasverslepick-up.Ouais,ellesecasse,enfinjusqu’à
labagnolequoi…—Ellevasecalmer,tentedemerassurerpapa.Prisederemords,jepréfèretoutdemêmelarejoindre.—ÉcouteMaisie,jesuisconscientequetum’enveux.Maisnousavonsdéjàeucetteconversation
hier.Jenesaisplusquoitedire.—Jeneteforcepasàmeparler.—D’aprèscequeditpapa,tusemblaisheureusecematin.—T’étaispaslàdonctunesaispas.—C’estlefaitquej’aidormichezGabequitedérange?—Non!J’aimebienGabe,t’esjusteailleurs.Toutletemps.Etmêmequandt’eslà,tunel’espas
vraiment.Ellearaison.Unepartiedemoiest restée là-bas,prenantmavieenotage.Lesgarçonssonten
pleineconversationaveclevendeur,nousavonscinqbonnesminutespourmettreleschosesauclair.—J’airencontréunhomme.Ilm’afaitbeaucoupdemal.Ilmefrappait.Souvent.Uneadolescentepeut-ellecomprendrecette souffrance?Son regardattristém’indiqueque tout
s’éclaireenfindanssonesprit.—T’astoujoursenvied’yretourner?m’interroge-t-ellegravement.—Non!J’aitroppeur!—Etsiunjour,tucessesd’êtreeffrayée,tupartiras?—Jen’ensaisabsolumentrien,maispourl’instant,jesuistrèsbienici.—Tonbesoindetoutplaqueracommencéquand?—Aucuneidée,jecroisqu’ilaconstammentétéenmoi.J’étaisunegosseetnerêvaisquedela
grandeville.Elleprendmamaindanslasienneetposesatêtecontremonépaule.Nousrestonsainsiunlong
momentavantdevoirGabeetnotrepères’avancerversnous.—Yapasdecasse?ricanemonex,monami?Oupeut-êtremoncopain…Pff,jesaismêmepluscommentl’appeler.—Çava,t’enfaispas,nousdiscutionsentrefilles,annoncemasœuravecunpetitsourire.—Nousavonschoisilesapin.Monpaternelnousobserveàtourderôle,unsmileplaquésursonvisagerondetlégèrementridé.
Ilgrimpedanslepick-upetGabeprendplacederrière levolantavantderouler jusqu’àcheznous.Pendantqueleshommesinstallentlesapin,mafrangineetmoisortonslesboîtesdedécoration.Biensûr,toutauraitétéplusbeauavecseulementnoscréations,maisnousn’enavonspasassez,alorsnousaccrochonsdesdéjàtoutesfaites.
Le reste de la journée se déroule sans encombre ;Maisie et moi nous éclatons à embellir lamaison en marmonnant des chansons de Noël sous le regard amusé de nos deux acolytes. Gabes’avanceversmoietj’enprofitepourpassermesbrasautourdesoncouetdéposerunbaisersurseslèvres.Ilestétonné,maism’embrassedenouveau.
—Jevaisdevoiryaller,maisjecroisquetudevraisdormiricicesoir.—C’estcequejepenseaussi.—Jepasseteprendredemainmatinetnousironsmangerunpetit-déjeuner,çateva?J’acquiesce,ilbaisselatêtepourpressersabouchecontrelamienne.—Àdemainmabelle,murmure-t-il.Moncœurseserre,ilmemanquedéjà.—Jepréfèrequandtumefaislagueule,jecrois,dis-jeàmasœurlorsquejemeretournepour
découvrirsonregardamusé.—C’estfaux,tuadoresquejememoquedetoi.Enfin,jeretrouvemaviedefamillequej’aimaistantetquej’avaislaisséefiléeentremesdoigts.
------8PennywiseestungroupeaméricaindepunkrockoriginairedeHermosaBeachenCalifornieet
fondéen1988.
16HazelleL’alarmedemontéléphoneretentit,jegrogneettapeauhasardpourlefairetaire.Rienn’yfait,il
finiraparterredansunbruitsourd.—Haz!Allez,lève-toi!Ilest04heuresdumatin!C’estNoël!hurleMaisiedepuislaportede
machambre.Sadiquecommeelleest,elleallumelalumièrequim’aveugle.—Laisse-moidormirencoreuneheure!—Non!Bougetongrosderrière,nousavonspleindechosesàpréparer.—Uneheure,Maisie!Unepetiteheure!—Non!T’asvouluinviterGabe,Kyleetpleind’autremonde.Bouge-toi!Etviensm’aider.Merde!Elleestpirequ’untyran!—C’estbon!J’arrive.Laisse-moitroisminutes.—Non!Maintenant!Jesaisbienquetuvasterendormir.AllezHaz!Jet’ensupplie!Jemeredresse,retenantunsoupirexaspéré.—Jepeuxprendreunedouche?demandé-jeàmamaîtresse.—Plustard,ondoitmettreladindeaufour,cuisinerlasauceauxcannebergesetlatourtière.On
vapouvoirfairedupainauxépicesouencoreducakeauxfruits?Oh,oudulaitdepoule?Allez,Haz,disoui!
Bonsang!Nousaurionsdûcommencerhier!—Oudesbeignets!Oui!Tufaislesmeilleursdumonde!—OK,minutepapillon!Tut’enflammeslà!Ellevients’asseoirsurlelitàcôtédemoietposesatêtecontremonépaule.—LedernierNoëlsanstoiétaitsitriste,magrandesœurm’atellementmanqué.—D’accord!Vapourlelaitdepouleetlesbiscuitsaupaind’épice,maispourlecakeauxfruits,
nousn’allonspasavoirletemps.Ellesautillesurplaceentapantdanssesmains.—Jesavaisquetudiraisoui!Allez!bougetongroscul,toutdesuite.Jeviensvraimentdemefaireentuberparuneadodeseizepiges?Fautdirequesonchantageétaitdanslesrèglesdel’art.Jesorsdulitalorsqu’ellesedirigeaupas
decourseverslacuisine.J’entreàsasuiteetsuissurprisepar l’odeuralléchantequirègnedanslamaison.
—T’asdéjàcommencé?demandé-jeenfronçantlessourcils.—Oui,ladindeestaufourdepuisuneheureenviron,doncnousavonsletempsdefaireleCake
auxfruits?PapaaachetéleGrandMarnier9etlecognac.—T’asbucombiendecafécematin,toi?—Jesaispas!Deuxoutrois,marmonne-t-elleenjetantuncoupd’œilaupercolateur.—Mai!Iln’enrestepresqueplus!—Jevaisenrefaire,annonce-t-ellejoyeusement.—Oui,maistoi,tuvascarbureràl’eauetaupainsecpourlemoment.Sabonnehumeurm’envahit.Jenepeuxm’empêcherdeluisourire.—OK!Faisons-lestoncakeauxfruitsettesbeignets.—Etsionmettaitducognacdansnoscafés?lance-t-elleenfaisantbougersessourcilspourme
fairerigoler.Etçafonctionne,carj’explosederiresifortqu’ellesursaute.Ellem’observed’unœilmoqueur,
puissejointàmoi.
—Alorst’esd’accord?Sesyeuxsontpleinsd’espoirenprononçantcesparoles.Cependant,c’estdecourtedurée,carje
secouelatêteetajoute:—Fautpaspoussermémédanslesorties,papillon.—C’estNoël,Haz!T’esvraimentcasse-pieds!—Excuse-toiimmédiatement,sinontoncaketupeuxtelemettreoùjepense.Ellemefixeunpetitmomentenfronçantlessourcils.—T’esuneméchantefrangine,réplique-t-ellefaussementfâchée.—Retireaussicesparolessinontun’auraspastoncadeau,lamenacé-jeavecunsourire.—Quoi?Tum’asachetéquelquechose?Savoixmontedeplusieursoctavestellementelleestexcitée.Jem’avanceverselle,laprendsdans
mesbrasetlaserretrèsfortcontremoi.—Tum’asmanqué,Maisie!—Toiaussifrangine!Cettefois,sonintonationestchevrotante,sesyeuxsontembués.—Jenevaisplusjamaisrepartirmachérie,jet’enfaislapromesse.Masœursanglotealorsquejeluicaressedoucementlescheveux.—OK,ondoitsedépêcher,sionveutarriverdanslestemps,lance-t-elleensedéfaisantdemon
étreinte.Elleouvrelesarmoiresetsortdestonnesdechosesprobablementinutiles.SiGabeestlaraisonprincipaledemonenviederester,Maisieestlaseconde.L’heuresuivante,
nos cakes aux fruits sont enfournés, la pâte à beignets préparée et celle du pain sont en train dereposer.
Dupain!Encore une idée fabuleuse de ma frangine. Quand notre père se réveille, aux alentours de 09
heures,nousavonspresquetoutterminéetnoussommescouvertesdefarinedelatêteauxpieds.—Jefileàladouche,Gabearrivebientôtetjen’airienàmemettreàpartmesvieillesfringues.—Vavoiraugrenier,ildoityavoirunemalleavecdeschosesàtamèrequi,sijemerappelle
bien,sontassezsympas,lâchemonpaterneld’untonbourru.Iln’aimepasparlerdemamanetc’estagréabledesavoirqu’ilfaituneffort.
—Jevaisjeterunœil,merci.Tuviensavecmoimoustique?demandé-jeàMaisie,quimesuitensautillant.
Nous grimpons l’échelle pour découvrir rapidement la malle en question. Pendant plusieursminutes,lesilencerègnedanslapièce,noussortonslesvêtementsunàun,avecfascination.Papaatoutemballédansdegrossacs.Mafranginetombesuruneroberougescintillanteavecuneceinturesertiedepetitespierresbrillantes.Ellemelatend,j’aidumalàlaprendredansmesmains.
—Haz,ceseraitparfaitpourNoël,ça.Elleestfaitepourtoi.—Jesaispas,c’estàmaman.—C’estpascommesielleallaitrevenirpourleschercher.Tuneperdsrienàl’essayer.Jehochelatêteavantquederetournerenbas.Jefileprendreunelonguedouchechaudepourme
débarrasserdelafarinecolléeàmapeau.L’annéedernière,àlamêmeépoque,j’avaisrefusédevenirvoirmafamillepourpartagerdutempsavecCole.Ilm’avaitpromisunNoëlmagiqueetblanc.Nousavonspassélasoiréechezsagrand-mamanquiétaitd’unetendressesanségalpoursonpetit-filsquilui,s’estcontentéderécupérer lesprésentsavantdesebarrer.Dans lavoiture, ilm’areprochématimiditéetd’avoirsnobésesproches.Engros,jeluiaifaithonte.Unefoisàlamaison,ils’enestprisàmesCDqu’il a cassésunparun sousmeshurlements.Ce soir-là,mon seul cadeaua étéunnezbrisé,çafaitaussimalqu’onledit.
Jechasserapidementcespenséesdematête;cetteannée,monNoëlseramerveilleux.J’enfilelarobequemasœuretmoiavons trouvée.Monrefletdans lemiroirmeprouvequ’elleavait raison,ellemevatrèsbien.J’essaiedepeigner,maisc’estpeineperdue,ilssontindomptables.Enfouillantdansmacommode,jetombesurmonancienferàlisser.
Une foismes cheveux aplatis, je reste unmoment à fixer l’image que la glaceme renvoie. Jeressembledeplusenplusà lafilleque j’ai laissée ici ilyaseizemois.J’ouvre ledeuxièmetiroirpourrécupérerdumaquillage.J’appliqueuntraitdecrayonsnoirsousmesyeuxetdumascarasurmescils.Satisfaitedurésultat,jesorsdelasalledebain.
—Ilétaittemps,jecommençaisàpenserquetut’étaissauvéeparlafenêtre,ricaneMaisie.JeneluiprêtepasattentioncarGabeestassissurlepetitdivan.Ilestmagnifiquedanssachemise
noireàfineslignesrouges.—Salut,lance-t-ilsimplementensedirigeantversmoi.—T’esarrivétôt.—T’essuperbe.—Toiaussi.Jemesenscommelananaquiestinvitéeaubaldepromoparlemecsurquielleflashedepuis
toujours.Aucune idéede ceque je dois lui direoude commentmecomporter. J’ai juste enviedel’embrasser,mais est-ce autorisé ?Toutema famillemedévisage.Cependant, ça ne semble pas ledérangercarilbaisselatêteversmoietposetendrementseslèvressurlesmiennes.
— Je vais à la douche, vous êtes dégoûtants, rigole ma sœur dans une fausse grimaced’écœurement.
Onfrappeàlaporte,monpères’empressed’allerouvrir.Gabeetmoinepouvonsdétachernosyeuxl’undel’autre.LavoixdeKylenoustiredenotremutisme.
—Mercipourl’invitationTroy!Çaneposepasdeproblèmequemamèresoitlà?—Bien sûr que non !Les filles ont cuisiné pour trente personnes.Laisse passer tamère, petit
malpoli.Laréactiondemonpaternelnousfaitriretouslestrois.IlenatoujourspincépourJoëlle.Lepapa
deKyleestdécédétrèsjeuned’uncancer.—Vouscroyezqu’ilsvontconclurebientôt?demandemonami.— Jamais ! Troy va continuer de passer à la supérette où travaille ta maman et lui faire des
blaguespasforcémentdrôles.Elle,ellevacontinueràenrire,renchéritGabe.—Alors,vousdeuxçasembleêtredenouveaud’actualité.JefixeGabeduregard,ilenroulesonbrasautourdematailleetm’attirecontrelui.—Jecroisbienqueoui,réponds-jeenleprenantdecours.—Vousvenezausalonoùvousrestezdanslemilieudelamaison?ricanemongéniteur.Ilestdebonnehumeuretçameréchauffelecœur.Troisièmeraisonderester:voirplussouvent
monpèreainsi.Nous lessuivonsausalon,Gabemeproposedem’installersursesgenouxcequej’accepte. Jem’y laisse choir sansme faireprier.On frappedenouveauà laporte, j’ai droit à unsourireremplidesous-entendus.
Ilmecachequoilà?—Vaouvrir,mesoufflemoncopaindanslecreuxdel’oreille.Jeplisselespaupières,surpriseetméfiante.Lorsquejerépondsenfin,jetombefaceàfaceavec
unejeunefemmedevingtcentimètresdemoinsquemoi.Sescheveuxsontrougeflamboyant.—HAZ!hurle-t-elleenmesautantdanslesbras.—Bonsang!Dahlia!Tufaisquoiici?—Gabem’ainvitée.Jetournelatêteversl’intéresséquim’adresseunclind’œil.
—T’aspasl’aircontentedemevoir!—Non!Non!Entre!Jesuissurprise,maistrèsheureuse.Jemepoussepourlalaisserpasseretremarqueenfinunhommederrièreelle.—Ahoui,jeteprésenteFarley,monfiancé.—Ohmerde…,juré-je,cequifaitriremonamie.—Fermezlaporte.Onselesgèle!hurleKyledepuislesalon.—Donnez-moivosmanteauxetallezretrouverlesautres.Je file rapidementàmachambrepourposer leurseffetssur le lit,ainsiqueceuxdeKyleetde
Joëlle.—Çat’embêtepasqu’ilssoientlà?JesecouelatêteenmetournantversGabe.—J’aipenséqueçateferaitplaisirdevoiruneamie.—T’asbienfait!Merci!—Haz,jet’aime,tulesaisnon?Jeferaisl’impossiblepourtoi.—Jelesais!Jet’aimeaussi!Ils’avanceversmoietmeprenddanssesbras.Ilposeunbaisersurlesommetdemoncrâne.Un
raclementdegorgenous tiredenotre intimité. Jesourisendécouvrantmapetitesœurvêtued’unerobenoireetvertequimetenvaleursesgrandsyeuxetsescheveuxroux.
—Excusez-moidevousdérangerlesamoureux,maisGabe,t’asdelavisite.—Quid’autreas-tuinvité?demandé-jeavecunbrind’amusementetdesuspicion.—Netefâchepas.Promets-le-moi.—Gabe!SitumedisquetuasinvitéFlorence,je…—T’enfaispas,tun’auraspasàcachermoncorps.J’aiproposéàmesparentsetmafrangine.—Non!Jenesuispasencoreprêteàlesrevoir.Ilsdoiventmedétester.Je…non!—Neracontepasdesottise.Ilsavaienttoustrèshâtedeteretrouver.Des pas résonnent dans le couloir, puis la voix demon ancienne belle-sœur retentit.Maisie se
poussepourlalaisserentrer.—Tiens,lavoilà!Tutecachaisouquoi?rit-elle.—Nola!Laisse-launpeurespirer.—Écoute-moibiengrandfrère,jen’aipasvutapetiteamiedepuispresqueunanetdemi…Elles’avanceversmoipourmefaireuneaccolade.—Mercid’êtrerevenue,tunousasmanqué,murmure-t-elleàmonoreille.—Moiaussi,marmonné-je.—Bon,lâche-la,jedoisluiparlerunmoment,onteretrouveausalon,d’accord?ordonneGabe
àsasœurquiluifaitunegrimaceenluibalançantsonmanteauetceuxdesesparents.Illeslancesurlelitetprendmonvisageentresesmains.—Excuse-la,tusaiscommentelleest.—T’enfaispas!L’ouraganNolanem’ajamaisfaitpeur.Tuvoulaismedirequoi?—Oui!Jeleuraiditqueturestaispourdebonetquenousétionsdenouveauensemble.Sinon,
ilsseseraientposétropdequestions.—Ilsnem’enveulentpasd’êtrepartie?—Non!L’importantc’estquetusoisrevenue.—Gabe,mercidenejamaisavoirabandonné.Ilmeserredanssesbrasetnousregagnonslesalonoùfusentlesriresetlesplaisanteries.C’était
les derniers invités surprises. Un Noël en famille, avec ceux pour qui je compte vraiment. Laquatrièmeraisonderesterestdevivredesfêtesaussiparfaitesquecelles-ci.
17HazelleHier,Noëlaétégrandiose.Simple,maisjoyeux.Assisesur la terrasseetenrouléedansungrosplaiden laine, j’admire lebeaucieletdevine le
lever du soleil à travers les nuages. Une vue à couper le souffle qui appartient seulement à cettebourgadequejeréapprendsàaimer.C’estsiapaisant,monpassélaidettraumatisants’évanouitpeuàpeu demamémoire. Plus rien ne comptemis à part cet instant, cette plénitude quime promet unavenirheureux.C’estsiironique,jamaisjen’auraispenséqueTofinoseraitlasolution.
Laportegrince,Gabe,monroc,maraisondevivre!—Jeterapporteuncafé.Jeluisourisenposantmesdoigtsfroidssurlemugbouillant.Ilvients’asseoirderrièremoisur
levieuxtransatetjemelovecontresoncorpsalorsqu’ilenroulesesbrasautourdemoi.Mon regard se perd devant l’océan pacifique. C’est un hiver étonnement froid. Les vagues se
brisent contre les rochers, c’est splendide. Il dépose un baiser dans mes cheveux. Il m’inspire. Ilméritequejemedévoile.
—Ici,jenemesentaisjamaiscomblée,j’avaisl’impressionquequelquechosememanquait,enpermanence,chuchoté-jed’unevoixtremblante,lesyeuxbaissés.
—Etmaintenant?—J’aiapprisquelavien’estpasplusbelleàplusdecinqmillekilomètres.—Laviepeutêtrelaide,peuimportel’endroitoùnousnoustrouvons.—Jecroisquejedevaispartirpourmerendrecomptequec’étaittoiquimeconvenais.—Dansunede tes chansonspréféréesdeGreenDay, ilsdisentque ;«Lamaison est là où se
trouvenotrecœur»—Ouais,maisilsexpliquentaussiqu’aucuncœurnebatenmêmetemps.—Lesnôtres,si.Ilatoujoursétéunromantique.Sonregardétincelantplongedanslemien.Unsouriresedessine
sursonvisagecreusantunefossettedanssajouedroite.MonDieu,commeilestbeau.—Haz,ilyaquelquechosequiteferaitplaisirpourNoël?—Riendutout!Tumelaissesunesecondechance,c’estamplementsuffisant.—Etsijetedisaisqu’ilneigeencemoment?Je n’ai pas le temps de me retourner qu’il pose déjà ses mains glacées contre mes joues et
m’embrasse. Ses lèvres sont chaudes et me font oublier tout le reste, même ma tasse de café serenversemalencontreusementsurlui.
—MerdeHaz!!!—Excuse-moi!m’écrié-jealorsquemesyeuxsemouillent.—Jenesavaispasquemesbaiserstefaisaientperdrelatête,rit-il.Ilprendmonvisageentresespaumeslorsquenosregardssecroisent.Sesiriss’excusentetme
supplientdemecalmer.Meslarmespourraientcouler,maissespupillesm’enempêchent.—Bonsang!Hazelle!Çava?Tupleures?—Jet’aibrûlé,jesuistellementdésolée.—Mapuce,cen’estrien.C’étaitseulementunpeuchaud,maistunem’aspasfaitmal,jevaispas
mefâcherpoursipeu.Jepousseunsoupirendétournantlesyeux.—Çavaaller,maistudoismeregarder,d’accord?Jefermelespaupières,mespleursnes’en
échapperontpas.Cequine tuepasnous rendplus forts.Àpartirdemaintenant, jemebattrai,quoi
qu’ilarrive.—Jevaischangerdepantalon,nousramenerunecouetteetnousnousposeronstranquilles,OK?Laneigetombeengrosfloconépais.C’estunebienétrangevisionaveccecield’unblancsipur.
Jemelèvepourm’accouderàlabalustrade.Jesensquelqu’unposerunecouverturesurmesépaulesetmeprendredanssesbras.Jehumesonparfum.
—Çavamieux,machérie?—J’aiconnul’enfer,maisvivrel’horreurm’apermisderéaliserquec’esttoiquim’astoujours
gardélatêtehorsdel’eau.C’estgrâceàtoisijerevismaintenant.—Monamour,tun’asjamaiscomprisquetuétaiscommeunphœnix.Chaquefois,turenaisde
tescendres.—Jet’aimeGabe.Ilmesourit,puism’embrassemurmurantlesmots«moiaussi»contremeslèvres.
ÉpilogueHazelleUnanplustardLesnuitssontcequ’ilyadeplusdifficile.Gabedorttandisquejetourneenrondcommeunlion
encage.Quandlanoirceurarrive,elletraîneavecellelescauchemars.Laseulesolution:m’écroulerdefatigue.Cesoir,mespenséesmehantentplusquejamais.Unelongueannées’estécouléedepuisque je suis revenue. Elle n’a pas été pas facile, mais restera mémorable. Je me suis reconstruitetranquillement, en acceptant mes échecs et en refusant de craquer. La patience de Gabe a étéessentielle.
Cesoir,soncorpsnuestcontrelemien,etcetteimagemepermetdenepassombrer.Moncopainmerendplusforte,unpeuplusvivantechaquejour.J’aienviequ’ilmefassel’amourdenouveau,dele sentir enmoi, contremoi, sa bouche surmes seins.Mesmains se promènent sur son torse, lechatouillant.Ungrognements’échappedesagorgelorsquel’uned’elless’approchedangereusementdesonsexe.Lesmoispassésensaprésencenefontpasdiminuermondésirpourlui,aucontraire.
Qu’ilestbeau,commejeleveux!Mesdoigtss’enroulentautourdesaqueuequiestdéjàpresquedure.Savoirquejel’excitemême
lorsqu’il est endormi m’emmène dans un monde merveilleux. Mes lèvres s’écrasent doucementcontrelapeaudesoncouetsepromènentjusqu’àsagorge.Unrâlerauques’enéchappealorsquejecommenceunlentmouvementdeva-et-vientsursonpénis.
—BordelHaz!T’enaspaseuassezpourlasoirée?gémit-ilattisé.—Non,maissitupréfères,jepeuxmesatisfairetouteseuledanslasalledebain.—T’esmalade,jamais!Réveille-moicommeçaautantdefoisqu’ilteplaira.—Tais-toietfais-moil’amour.—ÀvosordresMiss,ricane-t-il.L’instantd’après,ilmeplaquecontrelematelasetseretrouvesurmoi.Saboucheseposesurla
mienne, mes doigts agrippent ses cheveux. Je suçote sa lèvre inférieure, lui arrachant un petitgrognementd’excitation.Lorsqu’ilm’embrasselagorge,j’arqueledospoursentirsoncorpscontrelemien,mapeaucontrelasienne,sonérectioncontremonsexehumide.
—Gabe!Il mordille mes tétons pendant que je gémis son prénom et tout mon être est parcouru d’une
décharge électrique qui m’amène tout près de l’orgasme. Il s’enfonce en moi alors que je frôlel’extase et je hurle son prénom. Un lent mouvement de va-et-vient s’ensuit, je perds pied. Jem’accrocheàsesépaules,griffantsapeau.Sonregardestvissédanslemientandisqu’ilmeprenddeplusenplusrapidement.Mesjambess’enroulentautourdeseshanches.Noussommesterrassésparunorgasmefulgurant lorsquesabouches’emparedelamienne.Àboutdesouffle, ils’écroulesurmoipuisroulesurlecôté.Jemeblottisdanssesbrasetramènelacouverturesurnosdeuxcorpsnus.
—Jet’aimeGabe.—Moiaussi,machérie.Samaincaressemescheveux.—Marions-nous,murmuré-jesansréfléchir,pourtantconfiante.Ilseredresseinstantanémentetmefixe.Jeneregrettepasmesparoles,maissonregardmelaisse
perplexe.—J’ypensedepuisunmomentenfait,avoué-jeenm’asseyantàmontourdanslelit.—T’essûredetoi?—Jenevaispasrepartir,marmonné-je,unpeublesséeparsonhésitation.—Sij’accepte,tunetedébarrasserasplusjamaisdemoi,tulesais,j’espère?—C’estcequejedésire,c’esttoiquej’aime.
—Alors,jetedis«oui».Jeluisouris,plusheureusequejamais.Gabesortdulit,nucommeunver,etouvreletiroirdesa
commode.Ilfouilleàl’intérieuretrevients’asseoiràmescôtés.—HazelleHollis,veux-tudevenirmafemme?Ilme tendunpetit écrin envelours rougequi contient labaguede fiançaillesde samère.Mes
yeuxs’embuent.—C’estmoiquit’aidemandéenmariageenpremier,ricané-jeàtraversmeslarmes.—Chérie,jesaisbienquetun’espasunepersonneconventionnelle,maisc’estl’hommequiest
censéfairelaproposition.—Alors,siçapeuttefaireplaisir,jetelalaisse,maisquandtuaurasledostourné,jediraiàtout
lemondequec’estmoiquiaifaitlagrandedemande.Nous rions de bon cœur. L’avenir seramagnifique avec lui àmes côtés. Ilm’attire vers lui et
glisselabaguedesamèreàmonannulaire.Ilm’embrassedanslecoucequimefaitglousser.—Prêtepourunsecondround?murmure-t-ilenmordillantmonlobed’oreille.
Fin.
RemerciementsVoicidoncmonnouveauromandechezLipsandRoll.Premièrement,j’aimeraisremerciertoute
l’équipe(Constance,Hélène,Amélie,monéditriceShirleyetPhanie)pourlesopportunités.Mercidecroireenmoipourceroman.
ÉcrireLeRetourduPhoenixfutassezpérilleux,toutenrestantlachoselaplusfacilequej’aifaite.Parfois,j’avaislesmotsauboutdesdoigts,maisilétaitdurdelesassemblerpourformerdesphrasescohérentes.Monhistoires’apparentebeaucoupàcelledeHazelle.Maviefutchambouléedelamêmefaçonquelasienne.
Maintenant, j’aimerais remerciermes deuxbêta lectrices,MorganeFerré et JustineTestemalle.Morgane, je te le répète souvent, mais je suis tellement heureuse d’avoir fait ta connaissance. Àtravers notre passion communepour lamusique (etCoreyTaylor), la lecture et les conneries quenousdébitonssansarrêt,j’aidécouvertunepersonnemerveilleuse.Justine,mapetiteblonde!Jesuisaussi trèscontentedeteconnaître, tuesunepersonnesivraieetsiauthentique.Tajoiedevivreestcontagieuse.Elys,macollègueauteurechezLipsandRoll,mercidepartagerl’aventureavecmoi.Tuesgéniale,toutcommemabelleÉloïseFlores,mercipourtusaisquoi.Jevousadorelesfilles!
Encore une fois, Emmanuelle Quinto, ma jumelle française, nos délires sont tout simplementfabuleux.Jet’aimebeaucoupmachérie.MarieBounab,ClaudeBeguelinetMarionEL,mateamdefolie!Mercipourtouscesmoments,mêmesiparfoisjesuismoinsprésente.MerciàIsabelleCaillet,Lætitia Loyacono, Émilie Menand, Audrey Ravix, Aurélia Minel, Vanessa Tourneau, SandrineGhidina,StephanieMathy,CecileGranier,SandraPoitou,Mais surtout,merci àma famille etmesamisdem’avoirsoutenuedepuismonretour,mercid’être làpourmoi.Mercid’être lespersonnesquevousêtes.UnmercitoutspécialàmameilleureamieAlexandraAyottequiestlàchaquefoisquejeressenslebesoindeparler.
Mes remerciements pourLe Retour du Phoenix sont relativement courts,maismerci à chacund’entrevousd’êtreprésentàmescôtésdanscetteaventure,mercidetoutcœur
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Retrouvezl’actualitédel’auteure:SissieRoy