Le Serpent par Fabre d Olivet

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  • 8/8/2019 Le Serpent par Fabre d Olivet

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    Du Serpent selon Fabre-d'Olivet issu de Cosmogonie de Moyse , Sepher Bereshith, chapitre 3.

    Wa-Nahash haah haroum michol haah ha-sadeh sher hashash YHVH-Elohim, wa-iomer el-ha-Ashah, aph ch-mar Elohim lo-thohelou mi-hol hetz ha-gan.

    Or l'Ardeur-cupide (l'intrt, l'envie, l'gosme) tait une passion gnrale (un principe aveugle)parmi toute l'animalit de la Nature-lmentaire laquelle avait faite avant IOAH LUI-les-DIEUX : et

    elle dit (cette passion) Ashah (la facult volitive d'Adam) cause de quoi dclara LUI-les-DIEUX, non-pas-vous-vous-alimentez de-toute substance de-l'enceinte-organique ?

    , Or-l'Ardeur-cupide... On sait assez que les hllnistes, et Saint Jrme, sur leurstraces, n'ont vu ici qu'une couleuvre, un serpent proprement dit : la vrit, selon les premiers, unserpent trs prudent, , et selon le second, un serpent trs fin et trs adroit, serpent callidor . Cette misrable interprtation parat remonter jusqu' l'poque de la captivitde Babylone, et concider avec la perte totale de la langue hbraque : du moins est-il vrai que leparaphraste chaldaque l'a suivie. Il dit , une couleuvre des plus captieuses. Je ne saismme si l'on peut tout--fait disculper l'auteur de la version samaritaine : car, quoiqu'il emploie lemot h#xn, qui rpond l'hbreu ; il est trs douteux qu'il ait exactement compris, n'ayant passu rendre le mot suivant ., ainsi que je le dirai plus loin

    Mais toutes ces autorits, sur lesquelles s'appuie l'erreur, ne doivent point empcher de voirla vrit. Le mot , tel qu'il est employ dans cette circonstance, ne veut pas dire un serpent.C'est une ardeur cupide, envieuse, intresse, goste, qui serpente bien, il est vrai dans le coeur del'homme, et l'enveloppe de ses replis; mais qui n'a rien d'une couleuvre que le nom qu'on lui donne

    quelque fois par mtaphore. Ce n'est qu'en restreignant de plus en plus cette expression figure quele peuple ignorant a pu l'amener au point de ne signifier qu'un serpent. Les hllnistes ont suivi cetteindication grossire; mais pouvaient-ils faire autrement ? Si, par dlicatesse de sentiment ou parrespect pour Moyse, ils eussent voulu soulever le voile en cet endroit, que devenait le jardin, l'arbre,

    la cte, etc. ? Je l'ai dit : dans le parti qu'ils avaient pris, ils devaient tout sacrifier la crainted'exposer leurs mystres.

    Examinons le mot avec l'attention qu'il mrite. Voyons quelle est sa racine, en appelanten tmoignage sur le sens qu'elle renferme, et tous les idiomes analogues qui la possdent, et sacomposition hiroglyphique elle-mme.

    Cette racine est , qui, comme je l'ai dit en expliquant le mot , les tnbres, indiquetoujours une ardeur interne, un feu centralis, qui s'agite d'un mouvement violent, et qui cherche sedistendre. Le chaldaque en drive une foule d'expressions, qui toutes ont rapport l'anxit, l'angoisse, la douleur, aux passions pnibles. C'est, au propre, une torrfaction, au figur, uneardeur cupide, dans l'arabe . C'est une souffrance, une passion douloureuse, dans le syriaque

    ou . C'est enfin, une agitation turbulente, dans l'thiopien , (housh).Cette racine verbalise dans l'hbreu , peint l'action de se prcipiter, de se porter avec

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    vhmence vers une chose. Les verbes analogues ont le mme sens en arabe, en thiopien, ensyriaque. Il n'y a rien l qui nous restreigne l'ide d'un serpent.

    L'analyse hiroglyphique va nous donner peut-tre la clef de ce mystre. Si le lecteur mesuit avec l'attention que demande une composition aussi difficile, il aura remarqu sans doute que

    j'ai pos plusieurs reprises, deux racines diffrentes, et , pour dsigner galement lepremier Principe, le principe lmentaire, le principe inconnu des choses. Le moment est arriv delui dire la diffrence importante que les Prtres gyptiens concevaient entre ces deux racines, et dequelle manire ils l'exprimaient.

    Ils attachaient l'une et l'autre, l'ide du mouvement; mais ils considraient la premire comme le symbole du mouvement propre, rectiligne, et la seconde comme celui du mouvementrelatif, circulaire. Le caractre hiroglyphique qui rpondait ces deux mouvements tait galementun serpent: mais tantt droit et passant par le centre d'une sphre, pour reprsenter le principe ;tantt repli sur lui-mme et enveloppant la circonfrence de cette sphre pour reprsenter leprincipe . Lorsque ces mmes Prtres voulaient indiquer la runion des deux mouvements ou des

    deux principes, ils peignaient un serpent debout, se dployant en ligne spirale, ou bien deux serpentsentrelaant leurs mobiles anneaux. C'est de ce dernier symbole qu'est venue le fameux caduce desGrecs.

    Quant la nature de l'un et de l'autre de ces principes, j'ai assez dit qu'ils la taisaient. C'taitmme avec assez d'indiffrence qu'ils employaient les radicaux ou pour caractriser leprincipe thr, ign, arien, aqueux, terreux, minral, etc. : comme s'ils eussent voulu faireentendre qu'ils ne croyaient pas ces choses simples et homognes, mais composes. Cependant, aumilieu de ces significations diverses, celle qui se prsentait le plus souvent tait celle du feu. Dansce cas, ils envisageaient le principe sous ses diffrents rapports sensibles ou intelligibles, bons ou

    mauvais, et modifiaient le mot radical qui le reprsentait au moyen des signes. Ainsi, par exemple,le primitif, l'clat intelligible, etc. Si l'on durcissait la voyelle initiale, il prenait un caractre deplus en plus vhment. , reprsentait une exaltation, tant au propre qu'au figur, , un foyerardent, , une ardeur passionne, ardisante, dsordonne, aveugle. Il en tait peu prs du mmedu primitif. Le mouvement seul distinguait encore les deux principes, soit qu'ils levassent, soitqu'ils abaissassent. Le mouvement rectiligne inhrent au primitif , empchait de confondre sesdrivs avec ceux du primitif, o dominait le mouvement giratoire. Les deux radicaux et reprsentaient bien galement un foyer; mais dans le premier , il tait un foyer d'o le principeign rayonnait avec violence; tandis que dans le second , c'tait un foyer, au contraire, o cemme principe, mu circulairement, se concentrait de plus en plus et se dvorait lui-mme.

    Tel tait le sens hiroglyphique de cette racine que j'ai dj examine sous ses rapportidiomatiques. Cette concidence ne doit point laisser de doute au lecteur. Or le signe qui la gouvernedans le mot , est celui de l'action passive, individuelle et corporelle; en sorte que l'ardeurdvorante exprime par la racine , devient, au moyen de ce signe, une ardeur passive, froide danssa vhmence, renferme, astringente, compressive. C'est, au propre, tout corps dur et rfractaire,toute chose cre, coupante et corrodante, comme le cuivre, par exemple, que ce mot signifie, dansun sens trs restreint; c'est au figur tout sentiment pnible, resserrant, farouche, comme l'envie,l'gosme, la cupidit, c'est en un mot le vice.

    Voil la vraie signification du mot . J'ai djt oblig d'tendre mes preuves plus qu'l'orginaire; mais son importance le commandait. On voit bien qu'il ne signifie pas simplement un

    serpent. Moyse qui a tant parl de la vie reptiforme au commencement de Bereshith, s'est bien gardde l'employer. Le mot , dont il fait usage, est celui, dans son idiome, indique vritablement un

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    serpent. On peut facilement y reconnatre la source du mot latin et franais, et celle du celtique,sertz, qui s'est conserv sans altration dans l'occitanique moderne.

    , la passion-aveugle-et-gnrale... Ce qui prouve que le traducteur samaritain n'a pointentendu le mot , c'est qu'il a compltement manqu le sens de celui-ci. Il le rend par ly+s),

    fin, cauteleux, subtil; et le fait cadrer ainsi avec l'ide bizarre qu'il parat avoir rellement eue, que

    . signifiait un serpent. Le mot tait nanmoins facile, trs facile expliquer; maiscomment dire qu'un serpentest une passion, une vhmence, un aveuglement, et pour ainsi dire unentranement universel, dans la nature productrice ? C'est pourtant ce qu'on trouve dans la racine ou , dont je viens de parler assez longuement, et que. Cette racine n'est autre que le primitifMoyse fait gouverner ici par le signe du sens matriel ; signe presque toujours pris en mauvaisepart. Le signe final , qu'il y ajoute, indique que l'ide est gnralise, et doit tre prise dans le sensle plus tendu.

    Tous les drivs de la racine prsentent quelque ide funeste : c'est d'abord, , unviolent adversaire; , une privation de la vue; c'est ensuite, ou , un dsert, une strilit,

    une nudit entire, tant au propre qu'au figur; c'est , un lieu dvast, un abme, une caverne;c'est enfin , un aveuglement absolu, un abandon total. On peut placer la suite de tous cesmots le nom que les persans donnaient l'adversaire infernal, (hariman), qui n'est rien autrechose que le mot dont il s'agit dans cette note, avec la syllabe augmentative .