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nnales de dermatologie et de vĂ©nĂ©rĂ©ologie (2012) 139, 776â782
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
ICHE THĂMATIQUE/PEAU HUMAINE ET SOCIĂTĂ
e tatouage religieux
eligious tattoos
N. Kluger , pour la Société francaise des scienceshumaines sur la peau
Departments of Dermatology, Allergology and Venereology, Institute of Clinical Medicine,University of Helsinki, Skin and Allergies Hospital, Helsinki University Central Hospital,Meilahdentie 2, PO Box 160, 00029 HUS, Helsinki, Finlande
Recu le 4 novembre 2011 ; accepté le 6 septembre 2012
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Disponible sur Internet le 3
MOTS CLĂSPeau ;Religion ;Tatouage
KEYWORDSSkin;Religion;Tattooing
Le tatouage est pratiquĂ© depuis la prĂ©histoire par quasi-ent toutes les civilisations [1,2]. Les tatouages « forcĂ©s »,unitifs et de marquage (marques dâinfamie, esclavage,risonniers, camps de concentration) mis Ă part, les motiva-ions qui poussent un individu Ă se tatouer sont nombreuses3], probablement multiples et intriquĂ©es, et variableselon les Ă©poques, les individus, les cultures et les effetse mode. Toutefois, de nombreux anthropologues prĂȘtentgalement au tatouage une fonction magique, spirituelleu religieuse. DâaprĂšs Renaut [4], les marquages corpo-
els, ici les tatouages, entretiennent un rapport avec leomaine religieux sâils rĂ©pondent Ă un des quatre critĂšresuivants :Adresse e-mail : [email protected]
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151-9638/$ â see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droitsttp://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2012.09.013
obre 2012
actualisation rituelle (le tatouage est recu lors dâunrite religieux ou fait partie intĂ©grante dâune pratiquemagique) ;capacitĂ© symbolique (le tatouage reprĂ©sente un signe, unsymbole, un mot ou une image Ă contenu religieux) ;fonction Ă©lective (le tatouage dĂ©note une appartenanceconfessionnelle, un sacerdoce, ou signale une dĂ©marchevotive ou pĂ©nitentielle) ;pouvoir sotĂ©riologique1 : le tatouage agit contre des puis-sances mauvaises, ou confĂšre des bienfaits.
Si le tatouage rĂ©pond Ă ces quatre critĂšres, alors ileut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme ayant une « forte intensitĂ© reli-ieuse » [4]. Notons nĂ©anmoins que la nature « religieuse »e chacun des critĂšres reste plausible mais non cer-aine et quâil est souvent difficile de rĂ©unir les quatreritĂšres.
Le tatouage joue ainsi diffĂ©rents rĂŽles, centrĂ©s sur leurorteur : un rĂŽle « magique », oĂč le tatouage est utilisĂ©omme un talisman, une forme physique de protectionontre les maladies, les catastrophes ou les mauvais esprits ;n rĂŽle possible dans le passage dans lâAutre Monde aprĂšs laort dans certaines croyances et enfin, un rĂŽle « religieux »proprement parler dans lâexpression de lâaffiliation reli-
ieuse, dans la dĂ©votion et lâexpression de la foi. Mais,e tatouage religieux reste Ă©galement paradoxal dans leens oĂč il sâoppose directement Ă des Ă©crits sacrĂ©s (Bible,
1 Sotériologie : doctrine du salut par un rédempteur.
réservés.
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Le tatouage religieux
LĂ©vitiques 19:28 ; Coran, Sourat El Nissa, verset 119) quibannissent purement et simplement le tatouage. DĂšs lors,la question de lâinfluence de la religion sur la pratique dutatouage de nos jours et les motivations qui poussent cer-tains individus revendiquant une affiliation religieuse Ă setatouer mĂ©ritent dâĂȘtre Ă©tudiĂ©es.
Les premiĂšres traces du tatouage et deleur fonction religieuse ou magique
Des instruments, Ă type dâaiguilles rudimentaires en oset de rĂ©cipients, dĂ©couverts dans des grottes en Franceet en Europe, Ă proximitĂ© de figurines « gravĂ©es », datantdu palĂ©olithique supĂ©rieur, entre 38 000 et 10 000 ans avantJ.-C. ont fait suggĂ©rer Ă certains anthropologues la possi-bilitĂ© dâune Ă©ventuelle utilisation Ă but de tatouage dĂšscette Ă©poque [5]. Cependant, il est impossible de prou-ver que ce mobilier ait effectivement servi Ă ce but. Cenâest quâen 1991, lors de lâautopsie du corps dâun hommevieux de 5300 ans (« Iceman » ou Ătzi) retrouvĂ© en excellentĂ©tat de conservation dans un glacier du Tyrol, que la pre-miĂšre preuve physique de la pratique du tatouage durantla PrĂ©histoire a pu ĂȘtre confirmĂ©e. Cet homme prĂ©sen-tait plusieurs marques sur les lombes et aux membres. Denombreuses hypothĂšses sont possibles quant aux raisonsde ces marques (ornementale, magique, sociale. . .). Deschercheurs autrichiens ont suggĂ©rĂ© quâil sâagissait dâuneforme dâacupuncture [6], mais cette interprĂ©tation restecontestĂ©e [7]. Il faut avouer quâil nâexiste que peu depreuves pour affirmer que les tatouages ornementaux prati-quĂ©s par les peuples anciens auraient une connexion directeavec les pratiques religieuses [4]. Ainsi, parmi des momiesĂ©gyptiennes tatouĂ©es, vieilles de 4000 ans, celle de la prĂȘ-tresse Amunet (2160â1994 avant J.-C.) attire lâattention[2]. DĂ©couverte en 1891 Ă ThĂšbes, elle prĂ©sente plusieurstatouages aux formes gĂ©omĂ©triques sur les bras et lescuisses, composĂ©es de lignes parallĂšles et de points. Desstatuettes aux dessins similaires ont Ă©tĂ© dĂ©couvertes dansde nombreuses tombes Ă©gyptiennes. Ces symboles pour-raient ĂȘtre en rapport avec la fertilitĂ© et le rajeunissement.Un des premiers tatouages figuratifs, retrouvĂ©s en Ăgyptesur des objets, est reprĂ©sentĂ© sur des femmes, danseuses,chanteuses, musiciennes et concubines qui portent le sym-bole de Bes, le dieu nain de lâamusement, protecteur dela maison, des nouveau-nĂ©s, des enfants et des femmes.Le tatouage aurait eu ici vocation Ă protĂ©ger contre lesmaladies vĂ©nĂ©riennes, mais pourrait Ă©galement se rappor-ter Ă la sexualitĂ© ou Ă la fertilitĂ© [1,2]. NĂ©anmoins, cetatouage apparaĂźt ĂȘtre plus « corporatiste » que « religieux »[4].
Le tatouage comme moyen de protection
De nombreuses cultures ont utilisé ou utilisent encoreles tatouages comme un talisman, un moyen physique deprotection contre la maladie, les attaques animales, les
catastrophes, le dĂ©mon ou les mauvais esprits. Le tatouagese voit ainsi attribuer une fonction magique ou mystique, etdont la rĂ©alisation sâintĂšgre parfois dans un rituel religieuxbien dĂ©fini.tsme
777
En Asie, la tradition bouddhiste associe aux tatouages unerĂšs forte fonction protectrice. Cela est notamment le casn Asie du Sud-est (ThaĂŻlande, Cambodge, Birmanie), oĂč lesatouages peuvent ĂȘtre rĂ©alisĂ©s par des moines (Fig. 1AâB).n Birmanie, les membres du Pakokku, clan bouddhiste, sontĂ©putĂ©s pour leur aptitude Ă attraper des serpents Ă mainsus. Le tatouage est utilisĂ© ici comme forme de mithridatisa-ion contre le venin en se faisant tatouer chaque semaine unĂ©lange dâencre noire et de venin de vipĂšre ou de cobra lorsâun rituel de priĂšre. La lĂ©gende rapporte quâaucun dâentreux ne serait dĂ©cĂ©dĂ© dâenvenimation. Les soldats birmanst cambodgiens voient en leurs tatouages une protectionontre les blessures par armes blanches, balles voire mis-iles (« bullet-proof tattoos ») (Fig. 1C). Les thaĂŻlandais sontrĂšs souvent porteurs de tatouages reprĂ©sentant des textesacrĂ©s bouddhistes auxquels sont encore une fois attribuĂ©eses fonctions magiques, qui sont rĂ©alisĂ©s durant des ritesnitiatiques.
Certains hindous porteraient un tatouage du Dieu singeanuman pour se protĂ©ger de la douleur et de la maladie.e plus, la reprĂ©sentation dâanimaux vĂ©nĂ©neux (scorpions,erpents, abeilles ou araignĂ©es) offrirait une protectionontre les morsures et les piqĂ»res de ces mĂȘmes insectes8].
Au nord du Japon, sur lâĂźle dâHokkaido, les femmes Ainusatouaient leur corps Ă lâimage de leur dĂ©esse pour gar-er Ă distance les esprits mauvais. Enfin, les tatouages deragons Ă©taient supposĂ©s protĂ©ger du feu les pompiers japo-ais de lâancien Tokyo alors que ceux de dauphins protĂšgentes pĂȘcheurs de MĂ©lanĂ©sie contre les attaques de requins.nfin, les aborigĂšnes australiens portent des tatouages sures membres pour pouvoir Ă©viter les boomerangs ennemis9,10].
Le tatouage ne sert pas uniquement à se prémunir desgressions physiques et des catastrophes. Il sert égalementassurer la protection et la stabilité du couple et de la
amille. Ce sont les femmes qui portent ces tatouages.u nord-est de lâInde, Ă Uttar Pradesh, un tatouage deoquille de conque sur le poignet symbolise un mariageeureux et assure quâune femme ne sera pas veuve [8].n Irak, il Ă©tait coutume de tatouer un point sur le nezu lâabdomen des enfants pour les protĂ©ger des mala-ies et de la mort. Les femmes irakiennes se tatouaientgalement pour induire une grossesse, garder lâamour deeur mari ou conjurer un nouvel Ă©chec amoureux. Ceseux derniers types de tatouage Ă©taient rĂ©alisĂ©s en secretar les femmes. Il Ă©tait habituel de lire des passages duoran durant la sĂ©ance de tatouage [11]. Enfin, les chrĂ©-iens dâĂthiopie, notamment les femmes, portent une croixur le front, le cou, le tronc ou les bras comme marquee beautĂ© mais Ă©galement pour les protĂ©ger des mal-eurs et de la maladie. Cependant, les juifs Ă©thiopiens seatouent Ă©galement contre le mauvais Ćil (Fig. 2AâC) [12].es fellahins coptes considĂšrent les tatouages Ă©galementomme une protection contre les dĂ©mons et la maladie13,14].
En Occident, les tatouages protecteurs existent sousifférentes formes. Ainsi, certains marins américains por-
aient sur leurs pieds un coq et un porc ou des hirondellesur les mains ou la poitrine, dans lâespoir que ces ani-aux terrestres ou aĂ©riens les protĂšgeraient de la noyaden les ramenant sur la terre ferme ; un Christ tatouĂ©
778 N. Kluger
Figure 1. Exemples de « Bullet-proof tattoos ». A. Tatouage de lâavant-bras chez un Cambodgien rĂ©alisĂ© par des moines bouddhistes( sujep
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Dr Jean-Luc Rigon, Nancy). B. Tatouage de la cuisse chez le mĂȘmeatient cambodgien.
ans le dos protĂ©geait contre la flagellation du capitainee navire (qui fouetterait lâeffigie du Christ ?) ou uneierge Marie dans le dos est censĂ© protĂ©ger un prisonnierâĂ©ventuelles agressions sexuelles dans le milieu carcĂ©ral.es Tziganes (Roms et Sinti) portent des tatouages contree mauvais Ćil. Les tatouages rĂ©alisĂ©s durant lâĂšre soviĂ©-ique dans les prisons russes ont de nombreuses fonctionshistoire du tatouĂ©, rang social dans la prison, tatouagenti-communiste. . .) [15]. Certains dâentre eux comme leisage de LĂ©nine, Staline ou Engels sur la poitrine auraitn rĂŽle de protection contre les balles et les tirs desardiens de prison (qui oserait tirer sur le portrait deignitaires soviĂ©tiques ?) [15], Ă lâinstar des tatouages derotection cambodgiens ou du dos des marins ou des prison-iers.
e tatouage dans lâau-delĂ
uelques trĂšs rares articles mentionnent un rĂŽle possibleu tatouage dans le passage dans lâau-delĂ pour certainesribus polythĂ©istes, que ce soit pour permettre au dĂ©funtây maintenir son intĂ©gritĂ© et son apparence corporelleu dâavoir son Ăąme reconnue par le « passeur » et Ă©viterâerrer entre deux eaux, comme les oboles donnĂ©es Ă Cha-on pour franchir le Styx [9,16]. Dans certaines rĂ©gions
âInde, les reprĂ©sentations religieuses garantissent lâentrĂ©ee la femme au paradis et, une fois lĂ -bas, quâelle soiteconnue par ses ancĂȘtres ou son mari dĂ©cĂ©dĂ© [8]. Auajasthan, les femmes ont le trĂŽne du paon de Krishnast[«
t (Dr Jean-Luc Rigon, Nancy). C. Tatouage du tronc chez un autre
atoué sur leurs bras pour assurer leur entrée au paradis8].
e tatouage chez les chrétiens, les juifs etes arabes
e verset biblique des LĂ©vitiques 19:28 est dâune clartĂ© abso-ue quant Ă lâinterdiction des tatouages et des scarifications :Vous ne ferez point dâincisions dans votre chair pour unort, et vous nâimprimerez point de figures sur vous ». Par
illeurs, le passage des 1 Corinthiens 6:19â20 prĂ©cisant quee corps nâappartient pas Ă lâhomme mais Ă Dieu consti-ue un argument supplĂ©mentaire pour certains chrĂ©tiens deefuser la pratique du tatouage. Lâinterdiction des tatouagesans la Bible sâexplique par lâexistence Ă la mĂȘme Ă©poqueâautres cultes et religions considĂ©rĂ©s comme paĂŻens usantu tatouage [9]. Le Coran proscrit Ă©galement le tatouageSourat El Nissa, verset 119).
Les textes hĂ©braĂŻques mentionnent la pratique duatouage [4]. NĂ©anmoins, pour certains, lâexistence dâuneoi interdisant le tatouage suppose que ce dernier Ă©taitratiquĂ©, au moins de facon marginale ou sacrilĂšge [4,9].ar ailleurs, certains juifs dâĂthiopie, convertis sous laression de missionnaires chrĂ©tiens, ont choisis de seaire tatouer Ă lâimage des chrĂ©tiens dâĂthiopie, comme
igne de leur nouvelle foi afin de faciliter leur intĂ©gra-ion, mĂȘme si leur conversion Ă©tait rarement volontaire12]. Malheureusement, Ă leur retour en IsraĂ«l, cesanciens » juifs, nâĂ©tant pas reconnus comme tels parLe tatouage religieux 779
e le mie.
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Figure 2. Exemples de tatouages traditionnels de protection contrsont pratiquĂ©s aussi bien par les chrĂ©tiens que par les juifs dâĂthiop
lâĂ©tat dâIsraĂ«l, sont contraints de passer par un dĂ©ta-touage dans leur cheminement vers une reconversion[12].
Dans le Proche Orient, les traces les plus anciennes detatouage dans le sud-ouest asiatique remontent Ă plus de6000 ans avec la dĂ©couverte de figurines peintes sur lecorps dans la vallĂ©e du Tigre et de lâEuphrate [9]. Encoreune fois, la seule dĂ©couverte de figurines peintes sur dumobilier ne signifie pas forcĂ©ment pratique du tatouage.Cependant, il existe de nombreux tĂ©moignages de la pra-tique du tatouage pendant lâantiquitĂ© au sein des tribusbĂ©douines et maghrĂ©bines, en Syrie, en Irak, et en Thrace[4]. La littĂ©rature anthropologique occidentale est rare surle sujet du tatouage en Afrique du nord, en Ăgypte ou dansla pĂ©ninsule arabique [9,11,13,14]. Si le Coran proscrit letatouage, nĂ©anmoins, dans les tribus nomades (BerbĂšres,BĂ©douins, Nubiens), la pratique du tatouage prĂ©cĂšde laconversion Ă lâIslam. Ces tatouages « tribaux » occupaientdiverses fonctions : ornementale, statut social, reconnais-
sance parmi les tribus. . . Ă ce jour, le tatouage rituel existetoujours, notamment en milieu rural. Il est courant dansle Maghreb, le YĂ©men et chez les nomades du dĂ©sert.Cependant, les tatouages ne reprĂ©sentent jamais lâimage deĂ©lsl
auvais Ćil en Ăthiopie (Dr Rick Hodes, Addis Ababa). Ces tatouages
âhomme, conformĂ©ment aux interdits coraniques. Notonsue les tatouages en forme de croix observĂ©s au Maghrebtaient couramment utilisĂ©s comme tatouage thĂ©rapeutiqueu mĂȘme titre que dâautres motifs simples. Il nâest pasn rapport avec une appartenance au christianisme [4]. Enevanche, nous avons des tĂ©moignages du dĂ©but du xxe siĂšcleapportant des musulmans se faisant tatouer lors de leurĂšlerinage Ă la Mecque, notamment une mosquĂ©e ou le tapisacrĂ© [4].
Si le tatouage Ă©tait considĂ©rĂ© comme paĂŻen et leorps comme lâimage de Dieu, nous avons des tĂ©moi-nages de chrĂ©tiens tatouĂ©s de croix, de lance, duhiffre de JĂ©sus et de Marie ou du nom du Christur les poignets ou sur les bras [2]. Les premiĂšresraces dâun lien entre tatouage et christianisme appa-aissent au ve siĂšcle, notamment Ă lâĂ©poque de Procopee Gaza [2,4]. De plus, des tĂ©moignages plus tardifsapportent des pĂšlerins revenant tatouĂ©s de JĂ©rusa-em [2]. Les tatouages des chrĂ©tiens orientaux sont
galement attestĂ©s Ă lâĂ©poque moderne, notammentors de pĂšlerinage Ă JĂ©rusalem : armĂ©niens, Ă©thiopiens,yriens et surtout coptes dâĂgypte [4,14]. NĂ©anmoins,e tatouage copte (une croix Ă lâintĂ©rieur du poignet7 N. Kluger
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Figure 3. Tatouage Ă connotation religieuse et lettrage avecexpression dâune valeur personnelle : « comme lui jâai aimĂ©, commelui jâai souffert » (Jean-Louis Boissy Tatouage, Chagny).
80
roit) a une fonction de marque dâidentitĂ© religieuse maisgalement ornementale et thĂ©rapeutique ou prophylactique4,13].
a religion a-t-elle encore une influenceur les tatouages des nos jours ?
es motivations qui poussent au tatouage sont avantout personnelles mais Ă©galement dĂ©pendantes deâenvironnement de lâindividu : les amis, souvent eux-ĂȘmes tatouĂ©s, la famille, les collĂšgues, le regard de
âautre, la sociĂ©tĂ©. Elles comprennent lâaspect esthĂ©tique,e tatouage Ă©tant utilisĂ© comme une parure pour embelliron corps ; la recherche dâindividualitĂ© ; lâexpression dealeurs personnelles voire pour certains dâune vĂ©ritableatharsis ; lâendurance physique et la rĂ©sistance Ă laouleur ; lâappartenance et lâengagement Ă un groupeu un sous-groupe culturel ou social ; la spiritualitĂ© et laradition culturelle ; la rĂ©sistance Ă la sociĂ©tĂ©, aux parentsu autre. . . [3]. Dans leur revue sur les motivations desodifications corporelles, Wohlrab et al. ne mentionnentas stricto sensu le tatouage religieux [3]. Ils citentependant la « spiritualitĂ© » mais sans plus de dĂ©tail. Leatouage religieux procĂšde bien sĂ»r de lâappartenance Ă n groupe religieux ou Ă une religion en prioritĂ©, mais pasniquement. De plus, comme mentionnĂ© prĂ©cĂ©demment,e tatouage peut ĂȘtre commĂ©moratif dâun pĂšlerinage Ă Ă©rusalem [2,9,13,14]. Mais, plus que le tatouage reli-ieux, Ă©merge actuellement surtout le tatouage Ă thĂšmeeligieux. Le tatouage devient lâexpression de la croyancen une ou plusieurs divinitĂ©s supĂ©rieures sans que leatouĂ© ait une rĂ©elle affiliation religieuse ou soit converti.insi, de nombreux occidentaux portent des tatouagese dieux ou de dĂ©esses hindouistes ou de Bouddha, sansuâils soient hindouistes ou bouddhistes. Sâajoutent leĂŽle esthĂ©tique, lâexpression de valeurs ou lâhistoireersonnelle du porteur (Fig. 3). Il est probable, poure pas dire certain, que certains portent des tatouageseligieux sans aucun attachement religieux, voire mĂȘmeans un but paradoxal dâopposition ou de provocation10].
Dans leur Ă©tude nationale tĂ©lĂ©phonique sur les tatouagest les piercings rĂ©alisĂ©e auprĂšs de 500 AmĂ©ricains en avril004, Laumann et Derick avaient posĂ© la question de larĂ©sence ou non dâune affiliation religieuse aux rĂ©pondeurs17]. Seuls 19 % (61/320) des individus avec une affilia-ion/appartenance religieuse Ă©taient tatouĂ©s et 5 % parmies tatouĂ©s et percĂ©s. NĂ©anmoins, inversement, 52 % desatouĂ©s (61/116) et 43 % (17/39) des tatouĂ©s et percĂ©seconnaissaient une affiliation religieuse [17]. Dans unetude allemande sur 2043 individus, Stirn et al. retrouvaientgalement une faible religiositĂ© dans le groupe des indivi-us tatouĂ©s comparĂ©s aux non-tatouĂ©s [18]. En revanche,ne Ă©tude amĂ©ricaine autopsique de 3430 individus dĂ©cĂ©dĂ©se mort violente (homicide ou accident) dans le Nouveau-exique, montrait une prĂ©valence plus importante de
atouages religieux chez les blancs hispaniques (18 % des cas)omparée aux blancs non hispaniques (3 %) [19]. Les auteursoncluaient à une forte prévalence de tatouages à symbo-ique religieuse chez les catholiques blancs hispaniques [19].
Figure 4. Tatouage religieux et commĂ©moratif en mĂ©moire dâunproche (Tattoo 55, Saint Brieux).
Le tatouage religieux 781
Figure 5. AâD. Exemples de tatouages religieux modernes. A. Tatouage Ă lâeffigie du Christ crucifiĂ© (Onirik tattoo, Solignat). B. Tatouagentale
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du dos dâune Sainte (Abraxas, Paris). C. Tatouage dâinspiration oriePeuple, Belley). D. Chapelet (CeltâInk, Dinan).
Les liens entre la religiositĂ© et les modifications corpo-relles de nos jours sont mal connus. Ils nâont Ă©tĂ© que peuĂ©tudiĂ©s et uniquement chez les chrĂ©tiens. Pourtant, cettequestion mĂ©rite dâĂȘtre posĂ©e. En effet, partant du prin-cipe que les religions imposent un cadre « moral » de vieaux croyants [20] et que le tatouage est banni dâun pointde vue biblique, on pourrait sâattendre a priori Ă une cor-rĂ©lation fortement nĂ©gative entre religiositĂ© et tatouage.Pourtant, Lin observait une corrĂ©lation faiblement nĂ©gativeentre la religion et la perception des tatouages [21]. DemĂȘme, Koch et al. [20] ont retrouvĂ© un faible impact dela « religiositĂ© », ici dĂ©finie par lâimportance de la convic-tion et de la foi, la frĂ©quence des priĂšres et le rythmede frĂ©quentation dâune Ă©glise, dans des milieux pourtanttrĂšs conservateurs (baptistes du Texas). Plus rĂ©cemment,Rivardo et Keelan ont trouvĂ© 16 % dâĂ©tudiants tatouĂ©sparmi les 236 Ă©tudiants dâune universitĂ© privĂ©e catho-lique amĂ©ricaine. Ils concluaient Ă©galement sur un effetmineur de la pratique de la religion sur les modifica-tions corporelles [22]. Ainsi, le tatouage religieux sembleoccuper une certaine place chez les croyants chrĂ©tienset ce malgrĂ© les interdits bibliques originels [23]. Kochet al. distinguent les tatouages commĂ©moratifs dâun Ă©vĂš-nement donnĂ© (dĂ©cĂšs. . .) (Fig. 4), ceux tĂ©moignant de
la foi du porteur, ou de son engagement [23]. Cela aĂ©tĂ© confirmĂ© par Firmin et al. [24], dans une Ă©tude por-tant sur un petit groupe dâĂ©tudiants tatouĂ©s dâorientationchrĂ©tienne Ă©vangĂ©lique. Ceux qui portaient des tatouagestrnm
bouddhiste et lettrage « Om » de la jambe et du pied (Lâencre du
xplicitement religieux (croix ou autre motif religieux. . .)vaient Ă©tĂ© exclus de lâĂ©tude pour ne sâintĂ©resser quâauxtudiants avec dâautres tatouages sans valeur religieuse.es Ă©tudiants avaient une connaissance assez limitĂ©e de laosition « officielle » biblique sur les tatouages, mais consi-Ă©raient leurs tatouages comme une expression de leurpiritualitĂ©. Les motifs des tatouages avaient Ă©tĂ© choisisprĂšs longue rĂ©flexion comme Ă©tant compatible avec leursroyances [24]. NĂ©anmoins, ces quelques rares Ă©tudes sontoutes nord-amĂ©ricaines. Il est donc difficile dâinterprĂ©tereur portĂ©e en France. Cependant, il est certain quâaussiien en Europe quâaux Ătats-Unis, les motifs religieux fontartie intĂ©grante des thĂšmes rĂ©currents demandĂ©s par lalientĂšle aux tatoueurs (Fig. 5AâD). Cela est attestĂ© pares nombreux sites internet traitant des tatouages religieux25] et lâexistence aux Ătats-Unis dâune « Christian Tattoossociation ».
Le tatouage religieux constitue une forme particuliÚree tatouage qui concerne majoritairement les occidentauxhrétiens. Le message véhiculé par le dessin est sou-ent trÚs fort (passion du Christ, Christ crucifié, Sainteierge. . .). Cependant, en raison de sa banalisation, leatouage concerne aussi bien les croyants pratiquants ouon (tatouage religieux) que les autres (tatouage à conno-
ation ou Ă thĂ©matique religieuse). Les motivations pourĂ©aliser de tels tatouages restent profondĂ©ment person-elles, comprenant lâexpression de la dĂ©votion et de la foi,ais Ă©galement la commĂ©moration dâun moment important,7
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82
ans oublier lâesthĂ©tique du tatouage. Paradoxalement, lesnterdits bibliques ne semblent plus avoir une influencemportante pour le croyant qui dĂ©sire un tatouage.
Ă©claration dâintĂ©rĂȘts
âauteur dĂ©clare ne pas avoir de conflits dâintĂ©rĂȘts en rela-ion avec cet article.
emerciements
âauteur remercie chaleureusement les Dr Jean-Luc RigonNancy) et Rick Hodes (Addis Abeba, Ăthiopie) pour leurs cli-hĂ©s de tatouages traditionnels cambodgiens et Ă©thiopiensinsi que les tatoueurs membres du Syndicat national desrtistes tatoueurs (SNAT) pour leur disponibilitĂ© Ă fournire nombreux clichĂ©s de tatouages religieux dont seulementertains ont Ă©tĂ© choisis ici.
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