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Le travail décent pour tous N° 57, septembre 2006 Quitter les champs pour l'école Migrations : les mythes et la réalité Un monde des affaires conscient de ses responsabilités L'autre Inde Temps et travail Egalement dans ce numéro :

Le travail décent...L’Organisation internationale du Travail (OIT), créée en 1919, groupe les gouvernements, les employeurs et les travailleurs de ses 179 Etats membres dans une

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Page 1: Le travail décent...L’Organisation internationale du Travail (OIT), créée en 1919, groupe les gouvernements, les employeurs et les travailleurs de ses 179 Etats membres dans une

Letravail décent

pour tous

N° 57, septembre 2006

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Quitter les champs pour l'école Migrations : les mythes et la réalitéUn monde des affaires conscient de ses responsabilités L'autre Inde Temps et travail

Egalementdans ce numéro :

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Le magazine Travail est publié troisfois par an par le Département de lacommunication et de l’informationpublique du BIT, à Genève. Aussi publiéen anglais, arabe, chinois, danois,espagnol, finnois, hindi, japonais,norvégien, suédois et tchèque.

RÉDACTEUR :May Hofman Öjermark

ASSISTANTE DE RÉDACTION :Katherine Lomasney

EDITION ESPAGNOLE :Réalisée avec le concours du Bureau de l’OIT à MadridRESPONSABLE DE LA PRODUCTION :Kiran Mehra-KerpelmanASSISTANTE DE PRODUCTION :Corine LuchiniRECHERCHE PHOTO :Marcel CrozetGRAPHISME :MDP, OIT TurinCOUVERTURE :M. Montesano, OIT TurinCOMITÉ DE RÉDACTION :Thomas Netter (Président), Rosemary Beat-tie, Charlotte Beauchamp, Lauren Elsaesser,May Hofman Öjermark, Kiran Mehra-Kerpelman, Corinne Perthuis

Ce magazine ne constitue pas undocument officiel de l’Organisationinternationale du Travail. Les opinionsexprimées ne reflètent pas nécessairementles vues du BIT. Les désignations utiliséesn’impliquent de la part du BIT aucuneprise de position quant au statut ju-ridique de tel ou tel pays, zone outerritoire, ou de ses autorités, ni quant autracé de ses frontières.

La mention ou la non-mention de telleou telle entreprise ou de tel ou tel produitou procédé commercial n’implique de lapart du BIT aucune appréciation favo-rable ou défavorable.

Les textes et les photos du BIT peuventêtre librement reproduits, à conditiond’en mentionner la source. L’envoi d’unjustificatif serait apprécié.

Toute correspondance doit être adresséeau Département de la communication etde l’information publique du BIT,CH-1211, Genève 22 (Suisse).

Tél. +4122/799-7912Fax +4122/799-8577www.ilo.org/communication

Imprimé par :OIT TurinISSN 1020-0010

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L ’ O I T D A N S L ’ H I S T O I R E

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BIT

Près de 90 ans après son inscription dans la

Constitution de l’OIT, l’affirmation «Une paix

universelle et durable ne peut être fondée que

sur la base de la justice sociale» n’a rien perdu

de sa véracité. Et le constat qu’il «existe des

conditions de travail impliquant pour un

grand nombre de personnes l’injustice, la mi-

sère et les privations ce qui engendre un tel

mécontentement que la paix et l’harmonie

universelles sont mises en danger» est toujours

d’actualité.

Ces idées nouvelles traduisaient le principe

selon lequel le travail ne doit pas être considéré

comme une marchandise ou un objet de com-

merce, qui devait être inclus avec d’autres «clau-

ses ouvrières» dans la partie du traité de paix

signé à la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui

jetait les bases du programme de travail de la

nouvelle organisation. Ces clauses portaient sur

la réglementation des heures de travail, la

garantie d’un salaire assurant des conditions

d’existence convenables, la sécurité sociale, la

protection des enfants, l’égalité de rémunération

et la liberté syndicale. Toutes trouvèrent leur

place dans le Préambule de la Constitution, à

l’exception du grand principe de base.

En 1944, la Conférence internationale du Tra-

vail, qui se tenait à Philadelphie, a remédié à cela

en réaffirmant les principes qui avaient présidé à

la fondation de l’OIT. Cette fois, le principe «Le

travail n’est pas une marchandise» figurait en

tête de liste, suivi par la liberté d’association et

l’idée que «La pauvreté, où qu’elle existe, con-

stitue un danger pour la prospérité de tous». La

Déclaration de Philadelphie concernant les buts

et objectifs de l’Organisation internationale du

Travail a été annexée à la Constitution pour rap-

peler l’intemporalité des principes qu’elle con-

sacre. L’OIT a ainsi pu survivre à l’effondrement

de la Société des Nations en devenant une insti-

tution spécialisée de l’Organisation des Nations

Unies.

Aujourd’hui, l’OIT reste fidèle à l’esprit de

Philadelphie. A l’ère de la mondialisation,

l’Organisation articule ses activités autour de

la notion de travail décent, traduction des

principes selon lesquels «Tous les êtres hu-

mains, quels que soient leur race, leur croyance

ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur

progrès matériel et leur développement spi-

rituel dans la liberté et la dignité, dans la sécu-

rité économique et avec des chances égales» et

«la réalisation des conditions permettant

d’aboutir à ce résultat doit constituer le but

central de toute politique nationale et interna-

tionale». Ainsi depuis les origines de l’OIT, la

recherche du travail décent est-elle devenue un

objectif mondial, à la réalisation duquel

chaque pays doit s’atteler aujourd’hui et

demain.

Un principe enraciné dans l’Histoire

17 mai 1944: Edward J. Phelan, Directeur du BIT, signant la Déclaration de Philadelphie lors d’uneréunion spéciale avec le Président Roosevelt à la Maison Blanche.

TRAVAIL, N° 57, SEPTEMBRE 2006

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Quitter les champs pour l’école:des appels au changement sur les ondes en Ouganda

Nouveau rapport global sur le travail des enfants

La Journée mondiale contre le travail des enfants,un événement planétaire

Un monde des affaires conscient de ses responsabilités:en matière de bonnes pratiques, le mieux n’est jamaisl’ennemi du bien

Migrations: les mythes et la réalité

L’autre Inde

E N C O U V E R T U R E

Le travail décent pour tous

Le travail décent, ce qu’ils en ont dit

L’Organisation internationale du Travail (OIT), créée en 1919, groupe les gouvernements, les employeurs et les travailleurs de ses 179 Etats membres dansune action commune pour l’avancement de la protection sociale et l’amélioration des conditions de vie et de travail partout dans le monde. Le Bureauinternational du Travail (BIT), à Genève, est le secrétariat permanent de l’Organisation.

A R T I C L E S G É N É R A U X

R U B R I Q U E S

Le travail décent pour tous

Planète Travail

• Un lieu de travail «propre»:

le dépistage de la consommation de drogues

et d’alcool sur le lieu de travail

33

Les nouvelles

• 95e Conférence internationale du Travail

• 296e session du Conseil d’administration

• Un recueil de directives pratiques permet de

nouvelles avancées au profit des travailleurs du

secteur des industries extractives

• La Réunion régionale des Amériques de l’OIT définit

un «agenda de l’hémisphère», plan d’action en faveur

du travail décent pour les dix prochaines années

Champs d’action

Médiathèque

Début juillet, le débat de haut niveau du Conseiléconomique et social des Nations Unies(ECOSOC) a adopté une Déclaration minis-térielle de grande envergure sur le plein emploiproductif et le travail décent, affirmant qu’ellecontribuerait à renforcer les efforts de l’ONU etdu Système multilatéral pour créer des emplois,réduire la pauvreté et apporter un nouvel espoiraux 1,4 milliard de travailleurs pauvres dumonde au cours de la prochaine décennie. Dansce numéro de Travail, reportage sur l’impact decette déclaration.

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Organisation du temps de travail et qualité de vie 29

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TRAVAIL DÉCENT

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BIT

e débat de haut niveau du Conseiléconomique et social des Nations Unies(ECOSOC) qui s’est réuni début juillet aadopté une Déclaration ministérielle de

grande envergure sur le plein emploi productif etle travail décent, précisant qu’elle contribuerait àrenforcer les efforts des Nations Unies et du sys-tème multilatéral pour créer des emplois, éradi-quer la pauvreté et apporter un nouvel espoir àenviron 1,4 milliard de travailleurs pauvres dans lemonde au cours de la prochaine décennie. LaDéclaration apporte un appui supplémentaire àl’Agenda de l’OIT pour le travail décent et ren-force l’action qui vise à faire du travail décent pourtous un objectif mondial et une réalité nationale.

GENÈVE – Confronté à un déficit croissant de«travail décent», avec une hausse de plus de 20pour cent du chômage officiel au cours des dixdernières années et qui nécessite la création d’aumoins 40 millions de nouveaux emplois chaque

année dans les 10 ans à venir pour éviter qu’iln’augmente encore, le Conseil économique etsocial des Nations Unies (ECOSOC) s’est mobiliséen juillet pour renforcer les effort mondiaux pourlutter contre la pauvreté et promouvoir ledéveloppement durable.

Dans un accord de grande envergure sur l’ur-gence de s’attaquer à ce que les intervenants à laréunion de l’ECOSOC ici ont appelé une crisemondiale de l’emploi, les ministres ont réaffirméque «l’accès pour chaque homme et chaque femmeà un travail productif dans des conditions deliberté, d’équité, de sécurité et de dignité est essen-tiel pour assurer l’éradication de la faim et de lapauvreté, l’amélioration du bien-être économiqueet social de tous, la réalisation d’une croissanceéconomique soutenue et d’un développementdurable de toutes les nations, et une mondialisa-tion équitable et fédératrice».

La Déclaration ministérielle dresse une listed’initiatives des gouvernements et d’autres institu-

L

Le travail décent pour tousLes Nations Unies se mobilisent pour renforcer les efforts mondiaux afin de pr

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LE TRAVAIL DÉCENT : UN CONCEPT MONDIAL

omouvoir le travail décent et le développement durable et réduire la pauvreté

Le concept de travail décent a été formulépar les mandants de l’OIT – gouvernements etorganisations d’employeurs et de travailleurs– comme un moyen d’identifier les prioritésmajeures de l’Organisation et de moderniserson approche pour le 21ème siècle. Il est fondésur l’acception du travail comme source dedignité personnelle, de stabilité familiale, depaix dans la communauté, de démocratie auservice des peuples et de croissanceéconomique qui augmente les possibilitésd’emplois productifs et de développement desentreprises. En un laps de temps relativementcourt, ce concept a réuni un consensus inter-national parmi les gouvernements et les orga-nisations de la société civile sur le fait quel’emploi productif et le travail décent sont deséléments clés pour réussir à éradiquer lapauvreté.

Le travail décent reflète un certain nombredes priorités de l’agenda social économique etpolitique des pays et du système international:

!! Mondialisation juste. Plutôt que de con-duire vers l’économie informelle ou de créerune émigration massive, l’expansion mondia-le doit trouver les moyens d’offrir des possi-bilités de travail décent là où les gens vivent. !! Réduction de la pauvreté. Créationd’emplois et réduction de la pauvreté sontinextricablement liées. Le travail est uneissue à la pauvreté et comme le stipule laconstitution de l’OIT : «La pauvreté où qu’elleexiste représente un danger pour laprospérité de tous.»!! Sécurité. Une communauté qui travailleest une communauté en paix. Cela reste vraiaux niveaux local, national, régional et mon-dial. !! L’intégration sociale. Atteindre l’égalitédes chances et dépasser les discriminationsde toutes sortes sont cruciales pour permet-tre à chacun de réaliser pleinement sonpotentiel.!! Dignité. Le travail n’est pas une marchan-dise. Les coûts du travail reflètent des êtreshumains pour lesquels le travail est unesource de dignité et de bien-être familial.

!! Diversité. Les politiques doivent êtreélaborées sur mesure en fonction des besoinsspécifiques d’un pays – il n’existe pas demodèle unique.

L’objectif global du travail décent est d’ap-porter un changement positif dans la vie dechacun aux niveaux national et local. L’OITapporte son aide à travers des programmes detravail décent à l’échelon national développésen coordination avec les mandants de l’OIT. Ilsdéfinissent les priorités et les objectifs dansdes cadres de développement national etvisent à lutter contre les déficits majeurs detravail décent grâce à des programmes effi-caces qui répondent à chacun des objectifsstratégiques.

L’OIT travaille avec d’autres partenaires àl’intérieur et au-delà de la famille des NationsUnies pour fournir l’expertise approfondie etles instruments politiques indispensables àl’élaboration et la mise en œuvre de ces pro-grammes. Elle apporte aussi son appui à laconstruction des institutions nécessaires pourles mettre à exécution et en mesurer les pro-grès. L’équilibre interne de ces programmesdiffère d’un pays à l’autre, reflétant leursbesoins, leurs ressources et leurs priorités.

Pour progresser, il faut aussi agir au niveaumondial. L’Agenda pour le travail décent offreune base à un cadre plus juste et plus stablepour le développement mondial. L’OIT s’ef-force de développer la dimension de travaildécent dans les politiques économiques etsociales, en partenariat avec les principalesinstitutions du système multilatéral et lesacteurs majeurs de l’économie mondiale.

L’Agenda pour le travail décent

Pour réussir à mettre en pratique l’Agendapour le travail décent, quatre objectifsstratégiques doivent être mis en œuvre, l’éga-lité entre les sexes étant un objectif trans-versal:

Créer des emplois – une économie quigénère des possibilités d’investissement,d’entrepreneuriat, de création d’emplois et demoyens de subsistance durables ;

Garantir les droits au travail – obtenir lareconnaissance et le respect des droits destravailleurs. Tous les travailleurs, et en parti-culier les travailleurs défavorisés ou pauvres,ont besoin de représentation, de participationet de lois justes qui soient appliquées et ser-vent véritablement leurs intérêts ;

Étendre la protection sociale – promouvoirà la fois l’intégration et la productivité en s’as-surant qu’hommes et femmes jouissent deconditions de travail sures, qui leur accordentsuffisamment de temps libre et de repos, quiprennent en considération les valeurs fami-liales et sociales, fournissent une indemnisa-tion adéquate en cas de perte d’emploi ou desalaire et donnent accès à un système desoins approprié ; et

Promouvoir le dialogue et la résolution desconflits – les pauvres comprennent la néces-sité de négocier et savent que le dialogueest le moyen de régler pacifiquement lesproblèmes. Le dialogue social, impliquant desorganisations de travailleurs et d’employeursfortes et indépendantes, est primordial pouraugmenter la productivité, éviter les conflitsau travail, et construire des sociétés cohé-sives.

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tions qui doivent prendre en compte l’impact deleurs politiques sur l’emploi et en assurer une plusgrande cohérence, invitant «l’ensemble des acteursconcernés, y compris les institutions de BrettonWoods et d’autres banques multilatérales, à rejoindrenos efforts» pour mettre en œuvre la Déclaration.

«Ce mouvement offre une occasion extraordi-naire d’intégrer l’objectif global de l’emploi produc-tif et du travail décent pour tous dans les activitésrégulières de toutes les organisations onusiennesconcernées», a déclaré le Directeur général du BITJuan Somavia. «Cela peut mettre en route unprocessus de dialogue politique au sein du systèmemultilatéral – y compris les Institutions de BrettonWoods – afin de stimuler la nécessaire convergencepolitique au service de l’objectif global adopté lorsdu Sommet des Nations Unies de 2005».

«Le plein emploi productif et le travail décent pour tous»

La Déclaration reconnaît «l’agenda du BIT pourle travail décent comme un instrument importantpour atteindre l’objectif du plein emploi productifet du travail décent pour tous». Elle soutient aussiavec force une mondialisation juste et est résolue àfaire des objectifs de plein emploi et de travail pro-ductif et décent pour tous un objectif central despolitiques nationales et internationales et desstratégies de développement national et de réduc-tion de la pauvreté.

«Nous faisons appel à l’Organisation interna-tionale du Travail pour se consacrer à la mise enœuvre des engagements concernant la promotiondu plein emploi productif et du travail décent pourtous pris lors des principales conférences et som-mets des Nations Unies … de façon à réaliser desprogrès significatifs à la fois en matière de poli-tiques et de programmes opérationnels», affirme laDéclaration. «Et dans cette optique, nous deman-dons à l’OIT d’envisager le développement de plansd’action assortis de délais à l’horizon 2015, en col-laboration avec l’ensemble des parties concernées,pour atteindre cet objectif».

La Déclaration marque également une étapeimportante dans l’effort mené par l’OIT pour pro-mouvoir un agenda du travail décent comme moyende réduire la pauvreté et d’obtenir un développe-ment durable, équitable et fédérateur. Cette réunionétait le premier sommet international à reprendre lesrecommandations du Sommet Mondial de 2005 envue d’une mondialisation juste et à faire des objectifsde plein emploi productif et de travail décent pourtous un objectif central des politiques macro-économiques nationales et internationales.

M. Somavia a déclaré que cet accord favoriseraitle lancement de «contributions opérationnellespratiques pour créer un environnementéconomique, social et politique qui génère suffi-samment de travail décent pour reléguer la pau-vreté aux oubliettes de l’histoire. Au cours des dixprochaines années, nous devrons systématique-ment mettre en œuvre la notion de s’affranchir dela pauvreté par le travail qui est une clé pour laréalisation des Objectifs du Millénaire pour leDéveloppement. Ils vont de pair.»

La nouvelle Déclaration ministérielle est égale-ment significative parce que l’ECOSOC coordonnele travail des 14 agences spécialisées des NationsUnies, de 10 Commissions thématiques et de 5commissions régionales. Il a été identifié par le rap-port du Sommet mondial de 2005 comme ayantpotentiellement un rôle clé à jouer dans la revitali-sation du système des Nations Unies. M. Somavia aaffirmé que la décision du panel de 54 membresservira à «reconnecter les Nations Unies avec l’exi-

gence démocratique des individus et des famillespartout dans le monde d’une chance égale d’accès àun travail décent».

Pour plus d’information, consulter :www.ilo.org/public/english/bureau/inf/event/ecosoc/index.htmDiscours du Directeur général au débat de hautniveau de l’ECOSOC :www.ilo.org/public/english/bureau/dgo/speeches/somavia/2006/ecosoc.pdf

© M. Crozet/BIT

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7TRAVAIL, N° 57, SEPTEMBRE 2006

LES DÉFICITS DE TRAVAIL DÉCENT

Le monde doit aujourd’hui faire face à uncertain nombre de «déficits» de travaildécent qui prennent la forme de chômage etde sous-emploi, d’emplois improductifs et defaible qualité, de travaux dangereux et derevenus précaires, de droits bafoués etd’inégalité entre les sexes. De nombreux tra-vailleurs migrants sont particulièrement vul-nérables à l’exploitation, au manque dereprésentation et de possibilités d’expres-sion, et ont une protection insuffisante con-tre la perte de revenus liée à la maladie, l’in-validité et la vieillesse.

Quels sont les indicateurs des déficitsde travail décent ?

!! La moitié des travailleurs dans le mondene parviennent pas à se hisser eux et leursfamilles au-dessus du seuil de pauvreté de2 dollars par personne et par jour. !! Une grande partie de la planète est con-frontée à un «écart de genre» important, tanten termes de quantité que de qualité del’emploi. Les femmes sont davantage sus-ceptibles que les hommes de travailler dansl’économie informelle, avec peu ou pas deprotection sociale et un haut degré de pré-carité.!! Plus de 88 millions de jeunes (âgés de 15à 24 ans) dans le monde sont sans emploi ;ils représentent près de la moitié deschômeurs dans le monde alors qu’ils neconstituent que 25 pour cent de la popula-tion en âge de travailler. !! Les migrations de main-d’œuvre sont à lahausse. On dénombre plus de 86 millions detravailleurs migrants dans le monde, dont 34millions dans les pays en développement.!! La croissance économique mondiale a deplus en plus de mal à se traduire par de nou-veaux emplois de meilleure qualité qui per-mettraient de réduire la pauvreté.

Éléments clés de la Déclarationministérielle de l’ECOSOC

!! Nous encourageons fortement la coopéra-tion et la coordination entre agences, dona-

teurs multilatéraux et bila-téraux, dans la poursuite deleurs buts de plein emploi pro-ductif et de travail décent pourtous. A cette fin, nous invitonstoutes les organisations inter-nationales concernées, à lademande des gouvernementsnationaux et des acteurs con-cernés, à contribuer à traversleurs programmes, leurs poli-tiques et leurs activités, auxobjectifs du plein emploi et dutravail décent pour tous, enaccord avec les stratégies dedéveloppement national.!! Nous demandons aux fondsdes Nations Unies, aux pro-grammes et aux agences, etnous prions les institutions finan-cières de soutenir les effortspour intégrer les objectifs deplein emploi et de travail décentpour tous dans leurs politiques, leurs pro-grammes et leurs activités. Dans cette pers-pective, nous invitons les parties prenantes àdûment prendre en compte les programmespar pays de l’OIT en faveur du travail décent demanière à atteindre une approche pluscohérente et pragmatique au sein des NationsUnies en faveur du développement au niveaunational, sur une base volontaire. !! Nous demandons également aux commis-sions thématiques et régionales d’évaluercomment leurs activités contribuent ou pour-raient contribuer aux objectifs de pleinemploi et de travail décent pour tous. !! Nous encourageons aussi toutes lesagences concernées à collaborer activementau développement de la boîte à outils pour lapromotion du travail décent qui est en coursde réalisation par l’Organisation interna-tionale du Travail, à la demande du Conseildes chefs de secrétariat pour la Coordinationdu système des Nations Unies.!! Nous faisons appel à l’Organisation inter-nationale du Travail pour se consacrer à lamise en œuvre des engagements concernantla promotion du plein emploi productif et du

travail décent pour tous pris lors des princi-pales conférences et sommets des NationsUnies, y compris ceux contenus dans lesrecommandations du Sommet mondial de2005 et du Sommet mondial pour leDéveloppement social, de façon à réaliser desprogrès significatifs à la fois dans les poli-tiques et dans les programmes opérationnels.Dans cette optique, nous demandons à l’OITd’envisager le développement de plans d’ac-tion assortis de délais à l’horizon 2015, en col-laboration avec l’ensemble des parties con-cernées pour atteindre cet objectif.!! Nous nous engageons à mettre en œuvrela présente déclaration et invitons tous lesacteurs concernés, y compris les institutionsde Bretton Woods et les autres banquesmultilatérales, à nous rejoindre dans cecombat.

Déclaration ministérielle du débat de hautniveau de l’ECOSOC (texte adopté), para. 33-38.http://www.ilo.org/public/english/bureau/inf/event/ecosoc/declaration.pdf

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TRAVAIL DÉCENT

E N C O U V E R T U R E

Le travail décent,«Pour moi, le travail décent est un travailgratifiant. Il doit enrichir l’existence dutravailleur, lui permettre de s’épanouir dansson être et dans sa vie professionnelle.»

Evelin Toth MucciacciaroChef du Département International, UATUCCroatie

«Pour concrétiser la notion de travaildécent, il faut un contexte qui permetteaux travailleurs d’acquérir des qualifi-cations professionnelles mais aussi desqualités personnelles. Ils pourront ainsise perfectionner tout au long de leurcarrière et mener une vie équilibrée.»

Andrew MooreDirecteur du bureau de Bruxelles,Confédération de l’industrie britannique(CBI)Royaume-Uni

«Dans ma région, ce sont les femmes quiassument la charge de la famille. Lorsque l’on forme une femme, on forme toute unenation», dit-on en Afrique. «Il faut stimulerl’entrepreneuriat féminin. Les femmes quitravaillent non seulement subviennent à leurspropres besoins et à ceux de leur famille, maisencore elles portent la société.»

Rose Karikari AnangDirectrice exécutive, Association des employeursdu Ghana (GEA)Ghana

«Pour moi, c’est surtout un état d’espritpolitique, l’idée de vivre dans unesociété où un homme est en mesure deprendre soin de soi et de sa famillecomme il faut, de survivre dans la dignité.»

Moulomba NzienguiConseiller du ministre du Travail et de l’EmploiGabon

«Le travail décent est un travail quigarantit le respect des droits fondamen-taux, le droit de se syndiquer, le droitde négociation collective, le droit depercevoir un salaire décent et d’avoirun emploi sûr. Les travailleurs ontbesoin d’un emploi qui leur permetted’assurer l’avenir de leur famille.»

Jan SitholeSecrétaire général, SFTUSwaziland

«Le travail décent suppose la prospéritéet la capacité de déterminer ses proprescompétences, son propre parcours etson propre avenir. Ce n’est pas seule-ment une question de salaire, c’est aussiune question de bien-être et de réussiteà long terme. L’amitié, le sentiment defaire véritablement partie d’une équipeprocure de la fierté.»

Phil O’ReillyDirecteur général, Organisation desemployeurs néo-zélandaisNouvelle-Zélande

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ce qu’ils en ont dit «Le travail décent, ce sont des chanceségales pour les deux sexes et heureuse-ment, cela s’est beaucoup amélioré.»

Iok Cheong LamChef par intérim du Département de la sécurité et de la santé au travail,Bureau des affaires sociales Région administrative spéciale deMacao, Chine

«Pour moi qui travaille auxPhilippines, la notion de travaildécent est à prendre très ausérieux, car elle est là pour meprotéger et pour protéger tous lestravailleurs, indépendamment deleur race, de leur sexe et de leurstatut. Le travail décent donne durelief aux capacités humaines.»

Ranulfo PayosVice-président, Confédération desemployeurs des PhilippinesPhilippines

«Le travail décent est un travail quiconfère dignité et respect aux tra-vailleurs. Pour qu’il existe, il faut queles droits fondamentaux comme lagarantie d’un salaire et de conditions detravail sûres soient respectés. Le travaildécent donne aux travailleurs et à leurfamille des raisons de croire en unecroissance économique durable.»

Sharan BurrowPrésident, Conseil australien des syndicatsAustralie

«Je pense que le droit à la sécuritésociale, les droits liés à l’emploi etun bon dialogue social sont néces-saires. Sur la base de ces principesfondamentaux, le travail décentpermet la rencontre entre gou-vernements, employeurs et tra-vailleurs.»

Juan Carlos Zúñiga RojasSyndicat des travailleurs de l’élec-tricité et des télécommunications(SITET) Costa Rica

«Le travail décent est un emploi qui per-met de bénéficier des normes interna-tionales comme le respect de la légalité,de la sécurité mais c’est aussi un travaildans lequel on se réalise au-delà desbesoins quotidiens, un travail dont onest fier.»

Marc BlondelMembre du Conseil d’administration du BITEx-secrétaire général de la Confédérationgénérale du travail force ouvrièreFrance

«Le travail décent, c’est celui quipermet la fin de l’exclusion soustoutes ses formes. C’est celui quigarantit à l’homme non seulementun minimum vital mais aussi uneprotection.»

Guillaume AttigbeConfédération des syndicatsautonomes du BéninBénin

«Le travail décent peut être une solu-tion aux problèmes que rencontrent lesfemmes : l’accès à l’emploi toutd’abord, mais aussi à la formation etaux postes de responsabilité.»

Rahmani MessaoudaUnion générale des travailleurs algériensAlgérie

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Quitter les champs pour l’école: des appels

10

e nouveau rapport du BIT, La fin du travail

des enfants: un objectif à notre portée, dresse

un constat mitigé du travail des enfants

dans le monde. Le nombre total d’enfants

astreints au travail a certes diminué, mais on en

dénombre encore 50 millions en Afrique subsaha-

rienne. Cependant, grâce à une mobilisation inter-

nationale sans précédent en faveur de l’abolition du

travail des enfants – le mouvement organise notam-

ment des campagnes de sensibilisation innovantes

en faisant appel aux radios locales – la lutte que mène

l’Afrique contre ce fléau connaît désormais un regain

d’espoir. Kevin Cassidy, du BIT, a visité une planta-

tion de thé en Ouganda et nous livre ses impressions.

TORO – Sur les vertes et luxuriantes collines de

Toro, qui ondoient sous un chaud soleil, Annet, une

adolescente de 15 ans, récolte des feuilles de thé. Des

centaines d’enfants s’adonnent comme elle à cette

besogne, pour une trentaine de centimes par jour.

En observant tous ces petits visages, d’un bout à

l’autre des plantations de thé de Fort Portal, on est

frappé par la tristesse d’un regard qui semble contem-

pler un avenir dénué de tout espoir. «Oui, je veux aller

à l’école des filles de Kyebambe», explique tranquille-

ment Annet. «Mais mes parents sont pauvres et ne

peuvent pas m’entretenir. Il faut que je travaille sur les

plantations pour gagner de quoi acheter mes livres et

mes crayons, mais je n’y arrive pas toujours.»

Bien que la Constitution ougandaise garantisse la

protection de l’enfant contre toute forme d’exploitation

et contre tout travail dangereux, on estime à 7,9 mil-

lions – soit, en gros, un enfant sur trois – le nombre

d’enfants de 5 à 17 ans astreints à travailler.

La majorité des enfants victimes de ce fléau se

recensent dans les zones rurales, où 60 pour cent envi-

ron de la population vivent dans la pauvreté. A cette

sinistre réalité s’ajoute le fait qu’un enfant sur cinq est

orphelin – les parents ayant été généralement emportés

par le VIH/sida. Nombre de ces déshérités, devenus chef

de famille, doivent subvenir aux besoins de leurs frères

et sœurs en s’éreintant à des tâches mal rémunérées.

Dès leur plus jeune âge, ces enfants savent qu’ils

devront sacrifier leur droit à l’éducation et à un avenir

peut-être plus souriant pour aider les membres de

leur famille à survivre.

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Changer les mentalités par le dialogue

Une campagne de communication destinée à pro-

mouvoir les droits des travailleurs en Afrique de l’Est a

été organisée dans le prolongement du projet de

coopération technique du BIT sur le renforcement des

relations professionnelles en Afrique de l’Est. En

Ouganda, cette campagne a commencé par une série

d’émissions diffusées par six stations de radio

nationales – Voix de Teso, Voix de Toro, Radio Paidha,

CBS, Radio Ouganda et Radio Kigezi – en autant de

langues locales, afin de susciter l’intérêt du public pour

quelques thèmes fondamentaux de la Déclaration,

comme la liberté syndicale, le travail des enfants, le tra-

vail forcé et la discrimination.

A Fort Portal, la Voix de Toro a été un ardent

défenseur de la cause des travailleurs ougandais; avec

la diffusion hebdomadaire d’un programme consacré

aux thèmes clés de la Déclaration, la station a offert

aux autorités et aux représentants des travailleurs et

des employeurs un espace de rencontre pour débattre

de ces questions et engager le dialogue avec la com-

munauté locale.

Pour Paddy Twesigomwe, représentant du Syndicat

national ougandais des travailleurs des plantations et de

l’agriculture (NUPAW), ces émissions ont permis à la

population d’accéder à des informations absolument

vitales. «La campagne radiophonique de l’OIT a été et

reste une excellente initiative. Elle nous a beaucoup

aidés, car la radio est le meilleur moyen de communica-

tion pour toucher les agriculteurs», a-t-il affirmé.

Grâce à l’engagement actif des syndicats auprès des

travailleurs et des agriculteurs, et à la campagne de

sensibilisation et de soutien organisée par une grande

entreprise locale, le travail des enfants a pu être com-

battu avec succès sur les plantations.

Quiconque souhaite être employé dans l’entreprise

de conditionnement de thé de Mabale, située dans le

district de Kyenjojo à environ 20 km de Fort Portal,

doit présenter un certificat attestant qu’il a payé l’im-

pôt annuel que doit acquitter toute personne de plus

de 18 ans, salariée ou non. Le gouvernement ayant

supprimé cet impôt, les dirigeants de l’entreprise

n’ont – ô ironie – pas d’autre choix que de s’adresser

aux autorités villageoises locales pour s’assurer que le

demandeur d’emploi est bien en âge de travailler.

Sur les propriétés, des surveillants sont là pour

s’assurer que les personnes qui n’ont pas été

embauchées ne puissent pas accéder aux exploita-

tions, et pour veiller à ce que les parents n’amènent

pas leurs enfants avec eux pour poursuivre la cueil-

lette après la journée de travail.

L’entreprise de Mabale a veillé à ce que ses activités se

conjuguent avec le programme d’éducation primaire

universelle mis en place par le gouvernement ougandais

en 1997, qui a pour but d’augmenter le taux de scolari-

sation dans les écoles primaires. L’usine a notamment

aidé les parents les plus démunis en leur fournissant

livres, crayons et autre matériel scolaire. Grâce à cette

initiative, appuyée par l’entreprise, 90 enfants qui tra-

vaillaient jusque-là sur les plantations de thé sont

aujourd’hui à l’école primaire de Kabaranga.

«Nous essayons de participer à l’élimination du

travail des enfants en facilitant leur scolarisation.

Nous contribuons ainsi à leur offrir de meilleures per-

spectives d’avenir», explique Kenneth Kyamulesire,

Directeur général de l’usine.

Lors d’un entretien avec Joseph Katende, coordina-

teur du projet au niveau national mandaté par l’OIT,

K. Kyamulesire a reconnu que c’était grâce aux pro-

grammes radiophoniques et aux discussions avec sa

famille et ses amis qu’il avait radicalement changé de

point de vue sur le travail des enfants.

En collaboration avec les dirigeants locaux et le

représentant syndical, l’entreprise s’est engagée à

au changement sur les ondes en Ouganda

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assurer la fourniture du matériel scolaire, de manière

à ce que les enfants ne soient pas obligés de travailler

pour les acquérir et n’aient donc pas à quitter les

bancs de leur classe.

Il ressort des entretiens menés avec les responsables

locaux que les émissions de radio ont joué un rôle

décisif dans le retrait, l’an dernier, de 365 enfants qui

travaillaient sur les plantations de Butit, Mukunyu,

Kyarusozi et les exploitations de Mabale.

Consolider l’acquis

Parvenir à garder les enfants à l’école et à éviter qu’ils

ne soient de nouveau obligés de travailler est l’un des

principaux défis à relever dans les communautés agri-

coles les plus démunies. Il arrive en effet que les parents

n’aient pas conscience des avantages à long terme de

l’école, ou n’y attachent pas d’importance – et c’est en

particulier le cas des familles les plus démunies,

lorsqu’elles doivent renoncer à un revenu immédiat

pour assurer la scolarisation des enfants.

Pour la directrice de l’école primaire de

Kabaranga, petite école qui accueille depuis peu un

grand nombre d’enfants qui travaillaient auparavant

sur les plantations de thé, l’important est d’assurer la

scolarisation des enfants à long terme.

«Nous sommes très heureux d’avoir ces enfants, qui

ont tous très envie d’apprendre. Mais la vraie question

est de savoir ce qui les attend quand ils auront terminé

l’école primaire. Devront-ils retourner sur les planta-

tions de thé parce qu’ils n’auront pas les moyens de

poursuivre leur scolarité?», demande celle que les élèves

appellent Mme Alice.

Sur fond de danses et de chants, beaucoup de ces

enfants nous ont confié qu’ils étaient bien sûr très con-

tents d’être de nouveau à l’école, mais que la pauvreté

contraindra une grande partie d’entre eux à retourner

travailler sur les plantations de thé pour gagner la petite

somme (entre 1 à 2 dollars) qui les aidera à subvenir aux

besoins de leurs proches et acheter leurs fournitures

scolaires. Ces enfants, souvent orphelins, vivent avec

leurs grand-parents qui ne peuvent plus travailler et ont

besoin de leur aide pour avoir de quoi manger.

Tous les parents et les tuteurs ont reconnu qu’ils

avaient besoin d’activités rémunératrices pour

améliorer leur situation financière. En l’absence de

perspectives d’emploi, et compte tenu du grand âge

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lors que le droit à l’éducation fait partie des droits fondamentaux, force est de cons-tater qu’au moins 100 millions d’enfants – dont 55 pour cent de filles – ne sont toujours

pas scolarisés. Dans plus de 40 pays, moins des deux tiers des enfants parviennent jusqu’àla fin du primaire, soit le niveau qui sert d’indicateur en matière d’alphabétisation. Presque800 millions d’adolescents de 15 ans ou plus ne savent ni lire ni écrire.

L’incapacité de nombreux pays à assurer la scolarisation des enfants comme desadultes s’explique notamment par une pénurie d’enseignants qualifiés. La recommandationOIT/UNESCO concernant la condition du personnel enseignant, adoptée il y a quaranteans, reste encore, au plan international, le seul texte de référence général concernant lemétier d’enseignant. Plus récemment, la Déclaration de Pretoria sur le personnelenseignant et le Rapport mondial de suivi sur l’éducation pour tous de l’UNESCO rappellentque bien des pays doivent encore s’attacher à mettre en place un corps d’enseignantsqualifiés, convenablement rémunérés et fortement motivés pour atteindre les objectifsvisés en matière d’éducation pour tous et réaliser les OMD. Si le déficit d’enseignants qua-lifiés dans le monde n’est pas précisément quantifié, on estime cependant qu’il faudraitenviron 35 millions de nouveaux enseignants pour atteindre ces objectifs d’ici à 2015; dansbeaucoup de pays, il faudra assurer une augmentation annuelle de 20 pour cent des effec-tifs pour qu’il n’y ait pas plus de quarante élèves par classe.

Les pays qui ne parviennent pas à atteindre les objectifs en matière d’éducation pourtous ne consacrent généralement à l’éducation que la moitié des montants qui seraientnécessaires; il apparaît même que 20 pays risquent ne pas être en mesure d’assurer la sco-larisation primaire universelle d’ici à 2015.

LLaa ssttrraattééggiiee ddee ll’’OOIITT

L’OIT recommande aux pays d’investir au moins 6 pour cent du PIB dans l’enseignementet la formation. Depuis 2004, l’Organisation a aidé plus de 20 pays d’Afrique, des Amériqueset d’Europe de l’Est à combler leur retard dans le domaine des technologies de l’informa-tion, à évaluer les besoins en enseignants et à élaborer et à appliquer des solutions en col-laboration avec les pouvoirs publics, les syndicats d’enseignants et les écoles privées – unoutil essentiel dans la lutte contre le travail des enfants. C’est pour cette raison que le Pro-gramme international pour l’abolition du travail des enfants (IPEC) a apporté un soutiensans réserve à la campagne «Chaque enfant a besoin d’un enseignant».

Pour plus d’information, visiterhttp://www.ilo.org/public/english/standards/ipec/themes/education/index.htm

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CHAQUE ENFANT A BESOIN D’UN ENSEIGNANT

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13TRAVAIL, N° 57, SEPTEMBRE 2006

e travail des enfants constitue une violation desdroits fondamentaux; il est avéré qu’il est préju-

diciable au développement de l’enfant, lequel risquede pâtir toute sa vie de ses répercussions psy-chologiques et physiques. On peut le classer entrois catégories:

! Tout travail effectué par un enfant n’ayant pasatteint l’âge minimum prescrit (convention n° 138);

! Les tâches dangereuses qui nuisent au bien-êtrephysique, mental ou moral d’un enfant de moinsde 18 ans (ou de 16 ans, dans certaines condi-tions strictement définies);

! Les pires formes de travail des enfants (conven-tion n° 182).

PPrriinncciippaalleess ccoonnvveennttiioonnss ddee ll’’OOIITT aapppplliiccaabblleess::

* Convention (n° 138) sur l’âge minimum, 1973;* Convention (n° 182) sur les pires formes de travail

des enfants, 1999.

LCE QU’EST LE TRAVAIL DES ENFANTS…

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de la majorité des tuteurs, il semble qu’il faille faire un

choix douloureux entre la survie de la famille tout

entière et les études de quelques-uns.

Pour Jane Rose Nasuna, les choses, en tout cas, sont

claires. «Certains parents sont conscients de l’impor-

tance de l’éducation pour leurs enfants. D’autres pensent

que c’est de l’argent gaspillé. Quant à moi, je fais tout ce

que je peux pour que mon enfant puisse poursuivre des

études. Peut-être qu’un jour, lorsqu’il aura un bon

emploi, je pourrai arrêter de travailler et me reposer», dit

Jane en caressant les cheveux de son enfant.

A voir ce flot d’enfants quitter la classe, on sent tout

le plaisir qu’ils ont à apprendre et à jouer avec des amis

au lieu de travailler dans les plantations sous un soleil de

plomb. «Je suis heureux d’être de nouveau à l’école et de

pouvoir apprendre, car je sais que cela me servira plus

tard», nous confie un garçonnet avec un large sourire.

Pendant que les membres de la communauté con-

tinuent de travailler de concert, l’OIT va poursuivre

son combat contre le travail des enfants ainsi que le

travail de sensibilisation effectué par l’intermédiaire

des programmes de radio interactifs. Joseph Kasim-

bazi, responsable des émissions de «La voix de Toro»

estime «qu’il est urgent que la population locale sache

de quelle manière ces enfants sont dépossédés de leur

enfance et de leur avenir».

Pour reprendre les propos de Kash – c’est son nom

pendant les émissions : «Avec les programmes radio

nous pouvons toucher un public encore bien plus

large. Je suis fier d’être pour quelque chose dans cette

évolution. Mais nous ne pouvons pas y arriver tout

seuls; nous avons besoin d’aide pour que le rêve de ces

enfants devienne réalité.»

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Aujourd’hui, plus de 200 millions d’enfantstravaillent dans le monde. L’OIT s’emploie àretirer les enfants du monde du travail pour lesmettre à l’école. Cette présentation flash vousmontre pourquoi :http://www.ilo.org/public/english/bureau/inf/wdacl/index.htm

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TRAVAIL, N° 57, SEPTEMBRE 2006

N O U V E A U R A P P O R T G L O B A L

e 4 mai 2006, le BIT a pu-blié son nouveau rapport

global sur le travail desenfants intitulé: La fin du tra-vail des enfants: un objectif ànotre portée, dans lequel onpeut lire que, pour la premièrefois, le travail des enfants,notamment sous ses aspectsles plus condamnables, reculepartout dans le monde.

Le rapport, diffusé simultanément par25 bureaux de l’OIT, nous apprend quele nombre d’enfants astreints au travaila diminué de 11 pour cent au cours desquatre dernières années au plan mon-dial (de 246 millions en 2000 à 218 mil-lions en 2004) et que le nombre d’en-fants effectuant des travaux dangereuxa baissé de 26 pour cent (126 millionsen 2004, contre 171 millions en 2000).

Selon le rapport, c’est en Amériquelatine et dans les Caraïbes que le tra-vail des enfants a reculé le plus rapide-ment au cours de ces quatre années. Lenombre d’enfants astreints au travail ya en effet diminué de plus de deux tierspendant cette période et l’on ne compteplus aujourd’hui que 5 pour cent d’en-fants dans cette situation.

Selon le rapport, la région Asie etPacifique a également enregistré unebaisse significative du nombre d’en-fants économiquement actifs. Il fautcependant savoir que les effectifs de lapopulation enfantine ont égalementdiminué, d’où une réduction du pour-centage d’enfants astreints au travail.Selon les estimations du BIT, c’est danscette région que l’on recense encore leplus grand nombre de cas dans legroupe des 5-14 ans – quelque 122 mil-lions d’enfants seraient concernés.

Avec 26 pour cent de la populationenfantine – soit presque 50 millionsd’enfants – qui travaillent, c’estl’Afrique subsaharienne qui détient lerecord mondial du nombre d’enfantsexerçant une activité économique.Selon le rapport global, ce sont leseffets cumulés d’une forte croissance

démographique, de la misère et del’épidémie de VIH/sida qui ont empêchéla lutte contre le travail des enfantsde progresser. On note cependantquelques signes encourageants,notamment une hausse de 38 pour centdu taux de scolarisation dans le pri-maire entre 1900 et 2000.

Si l’OIT et ses partenaires tripartitesont toujours été à la pointe des initia-tives internationales visant à éliminerle travail des enfants, les acteurs lesplus divers prennent aujourd’hui unepart active au processus.

Les progrès, passés ou actuels, de lalutte contre le travail des enfants,passent nécessairement par une volon-té politique clairement affirmée, et quis’incarne notamment par l’adoption demesures cohérentes dans les domainesde la lutte contre la pauvreté, de l’ins-truction élémentaire et des droits del’homme. Les initiatives visant à réduirela pauvreté et à faciliter la scolarisationsont d’importants préalables sanslesquels il est vain d’espérer voir lespays s’attaquer sérieusement au pro-blème du travail des enfants.

La ratification des conventions n° 182et n°138 de l’OIT, qui s’est opérée à unrythme rapide, conjuguée aux progrèsenregistrés dans l’application d’autres

traités internationaux relatifs aux droitsde l’enfant, ont permis de faire desavancées décisives vers l’éliminationdu travail des enfants. A l’heureactuelle, 160 des 179 Etats membres del’OIT pays ont ratifié la convention (n° 182)sur les pires formes de travail desenfants, 1999.

Grâce à cette forte assise législative etréglementaire, aux initiatives concrètesqui ont été prises et au travail de sensi-bilisation qui a été effectué, le mouve-ment mondial dispose désormais d’unsolide ancrage. Les progrès accomplisdoivent être en grande partie attribués àl’action du plus important programme decoopération technique de l’OIT, le Pro-gramme international pour l’abolition dutravail des enfants (IPEC), qui mène uneaction décisive depuis quatorze ans.

De nombreuses organisations, desorganisations des Nations Unies, desONG et d’autres représentants de lasociété civile se sont joints à l’appellancé par l’OIT en faveur d’une actionencore plus résolue. Ces divers acteursse sont associés pour faire reculer letravail des enfants. Les médias et lesmilieux universitaires, conscients quele problème du travail des enfantsacquérait une dimension internationalede plus en plus marquée, ont su semobiliser et sont aujourd’hui desacteurs de premier plan dans la luttecontre ce fléau.

Il importe qu’au cours des prochainesannées l’OIT, grâce à une action à lafois plus ciblée et plus stratégique,sache cristalliser les efforts d’une véri-table alliance mondiale, plus résolueque jamais à appuyer les actionsnationales visant à abolir le travail desenfants. Cette nouvelle répartition desrôles permettra à l’OIT d’intervenir plusefficacement afin que le travail desenfants ne soit bientôt plus qu’un mau-vais souvenir.

Pour tout complément d’informations,veuillez consulter le site:www.ilo.org/declaration

NOUVEAU RAPPORT GLOBAL SUR LE TRAVAIL DES ENFANTS

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L A J O U R N É E M O N D I A L E C O N T R E L E T R AVA I L D E S E N FA N T S

LA JOURNÉE MONDIALE CONTRE LE TRAVAIL DES ENFANTS, UN ÉVÉNEMENT PLANÉTAIRE

n pleine fièvre «footballistique»,

Coupe du monde oblige, l’Or-

ganisation internationale du Tra-

vail (OIT) a brandi un «carton

rouge» contre le travail des

enfants. C’est l’un des multiples

événements organisés pour mar-

quer la Journée mondiale contre

le travail des enfants, qui, cette

année, avait pour thème : «La fin

du travail des enfants: ensemble

nous pouvons le faire !» Et un peu

partout dans le monde, dans des

centaines de villes, le mouvement

mondial contre le travail des

enfants a démontré que telle était

bien son intention.

A Addis-Abeba, en Albanie, au Brésil ouencore au Burkina Faso et dans biend’autres régions du monde, le 12 juin amarqué un nouveau temps fort dans lamobilisation internationale contre le travaildes enfants. Une centaine d’événementsont eu lieu dans plus de 70 pays. Les

responsables du Programme internationalde l’OIT pour l’abolition du travail desenfants (IPEC) considèrent que la Journéemondiale de cette année a connu un suc-cès sans précédent.

«Jamais autant d’événements n’avaientété organisés à l’occasion de la Journéemondiale», constate Guy Thijs, directeur del’IPEC. «Leur nombre d’activités montrecombien nos partenaires nationaux etlocaux collaborent pour éliminer le travaildes enfants.»

Si à Genève la campagne «Carton rouge»avait une valeur symbolique, les résultatsde l’action menée par l’IPEC ces dixdernières années pour mobiliser les forcescontre le travail des enfants, eux, sont bienconcrets. A preuve les centaines d’activités– tables rondes, débats télévisés, matchsde football, représentations théâtrales,expositions, animations de rue et défilés,projets scolaires, spectacles musicaux etculturels – qui ont marqué la journée du12 juin.

En mai, l’OIT avait publié son rapportglobal intitulé La fin du travail des enfants:un objectif à notre portée (voir encadré).Les délégués des gouvernements, desemployeurs et des travailleurs qui partici-paient à la Conférence internationale duTravail ont examiné ce rapport le 9 juin,passant en revue les progrès réalisés et lesproblèmes à résoudre au cours de ladécennie à venir pour éliminer les formesdangereuses de travail des enfants. Enoutre, les ministres du Travail du Brésil,Luis Marinho, de la Tanzanie, JumanneMaghembe, et de la Turquie, Murat Bases-gioglu, ont participé à une table ronde avecles représentants des travailleurs et desemployeurs de ces pays. Auparavant, le8 juin, les ministres de huit pays luso-phones avaient annoncé à la Conférencel’adoption d’une déclaration commune con-damnant le travail des enfants et ses piresformes.

A Genève, Roger Milla, légende du foot-ball, a donné le coup d’envoi d’un matchamical entre un club de football et uneécole. Ce match a été précédé d’une céré-

monie à laquelle ont participé JuanSomavia, Directeur général du BIT, Federi-co Addiechi, chef du Département«Responsabilité sociale» de la Fédérationinternationale de football association(FIFA), Eduardo Missoni, secrétaire généralde l’Organisation mondiale du scoutisme,Nicole Petignat, célèbre arbitre de matchsinternationaux, et Carlos Xavier, foot-balleur portugais qui a fondé un club con-sacré à l’éducation des enfants par lesport. S’adressant aux filles qui étaientprésentes, Mme Petignat a invité celles-ci à«siffler» avec elle le travail des enfants età se battre pour les droits des filles et desgarçons. Elle a insisté sur la nécessité dedonner aux enfants, et surtout aux filles, lapossibilité d’échapper au travail en allant àl’école, en faisant du sport et en ayant desloisirs.

Une autre activité importante a eu lieu àSialkot, au Pakistan, ville où l’IPEC a mis finau travail des enfants dans les ateliers defabrication de ballons de football, grâcenotamment à la FIFA. Dans le cadre d’unprogramme qui utilise le sport commeinstrument d’insertion des anciens tra-vailleurs enfants, ceux qui autrefois cou-saient les ballons sont désormais scola-risés et peuvent jouer au football pendantla récréation.

«La journée mondiale n’est pas une finen soi», explique M. Thijs. «Elle sert decatalyseur au mouvement mondial contrele travail des enfants.»

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Roger Milla, prestigieux footballeur de la

Coupe du monde de football, donne le coup

d’envoi d’un match amical entre un club de

football local et une école.

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U N M O N D E D E S A F FA I R E S C O N S C I E N T D E S E S R E S P O N S A B I L I T É S

ans un monde des affaires qui ne cesse decroître et de se diversifier, le dialogue socialest un outil précieux pour encourager lesentreprises à adopter et à mettre en œuvre

des politiques de responsabilité sociale.

GENÈVE – En 1993, on dénombra 188 morts et 460blessés dans l’incendie qui ravagea l’usine de jouetsKader, dans la banlieue de Bangkok; cette tragédie, quisouleva naturellement une émotion considérable, euégalement pour effet d’alimenter partout dans lemonde un débat animé autour ce qu’il est aujourd’huiconvenu d’appeler la «responsabilité sociale des entre-prises» (RSE). La plus grande partie du capital de l’u-sine Kader était détenue par des investisseurs étrangers,et l’essentiel de la production exportée vers les Etats-Unis et d’autres pays industriels. Le fait que le person-nel – pour l’essentiel des jeunes femmes originaires dezones rurales pauvres – se trouva littéralement pris aupiège ajouta encore à l’horreur de ce sinistre. Les troisbâtiments qui se sont effondrés abritaient des centainesd’ouvriers et ne possédaient pas le moindre dispositifde sécurité – ni extincteur, ni système d’alarme, ni sys-tème d’aspersion, ni sortie de secours.

Les syndicats s’en prirent aux multinationales, à quiils reprochèrent de sous-traiter avec des fournisseursqui violent les droits des travailleurs, et des campagnespubliques furent organisées contre quelques marquesparmi les plus célèbres. Ce n’est que récemment quel’on a pu lire dans le rapport annuel de la CISL que desviolations graves des droits des travailleurs avaient étécommises dans un certain nombre de multinationalesréputées. Au cours des quinze dernières années, denombreuses multinationales ne se sont pas contentéesd’adopter des codes de conduite visant à garantir lerespect par leurs fournisseurs de quelques normesminimales; elles ont inscrit la mise en œuvre concrètede ces codes au cœur même de leurs activités (voir figure).

Lors du Forum économique mondial de Davos, desdirigeants d’entreprise ont affirmé que les PDG desgrandes entreprises mondiales éprouvent aujourd’huile plus vif intérêt – et encore, ils estiment que le mot estfaible – pour la question de la transparence, et sontdésormais tous rassemblés autour de ce mot d’ordre.En 2003, l’Organisation internationale des employeursa renchéri à son tour, indiquant que la RSE ne concer-nait pas seulement les grandes multinationales et que,par son caractère non contraignant, la diversité de sesformes et sa souplesse, cet outil devait permettre àtoutes les entreprises, où qu’elles soient situées et quelleque soit leur taille, de s’interroger sur la meilleuremanière de s’adapter aux réalités du marché. Pourl’OIE, la RSE relève de la libre initiative des entrepriseset désigne l’ensemble des activités que ces dernières,anticipant sur la loi, mènent dans les domaines les plusdivers – social, économique, environnemental. Il fautrappeler que bon nombre de ces codes de conduite ontété élaborés faute de dispositifs nationaux appropriés.

Selon l’étude sur les dirigeants d’entreprise publiéepar McKinsey en janvier 2006, les PDG du mondeentier sont aujourd’hui totalement convaincus que leurrôle social ne consiste pas uniquement à s’acquitter decertaines obligations envers les actionnaires, et qu’illeur incombe également de contribuer au bien public,notamment en assurant des emplois décents, en faisantdes dons à des associations et, au-delà de leurs obliga-tions légales, en prenant des mesures pour réduire lapollution et limiter les autres effets néfastes que peu-vent avoir leurs activités. De nombreuses initiatives se

Un monde des affaires conscient de ses responsabilités:en matière de bonnes pratiques, le mieux n’est jamais l’ennemi du bien

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DL’incendie qui ravagea en1993 la fabrique de jou-ets Kader à Bangkok arelancé le débat autourde ce qu’il convient d’ap-peler la «responsabilitésociale».

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sont inscrites dans le cadre d’une approche spécifique– triple bottom line – qui prend en compte, outre lerésultat financier, le bilan social et environnemental del’entreprise.

Les actionnaires et les analystes financiers ontégalement compris l’importance qu’il y a à évaluerles activités des entreprises sous l’angle social. Lesgrands indicateurs mondiaux tels que le Dow JonesSustainability Index et le FTSE4Good suivent deprès les résultats financiers des grandes compagniesparticulièrement soucieuses de la question dudéveloppement durable, ce qui incite de nombreusesmultinationales à s’engager encore davantage à fairerespecter les normes internationales du travail dansleurs filières d’approvisionnement.

Les représentants des travailleurs se montrent quandà eux plus réservés. Lors de la 95e session de la Con-férence internationale du Travail, Sir Roy Trotman,président du groupe des travailleurs, a attiré l’attentionsur le fait que si les initiatives prises dans le domaine dela RSE partent généralement d’une bonne intention,«elles sont souvent prises de manière unilatérale dans lebut délibéré d’éviter à avoir à mener des négociationscollectives et de reconnaître pleinement les principes etdroits fondamentaux au travail, tels qu’ils sont définispar l’OIT». Il a proposé que l’OIT examine la teneur destextes relatifs à la RSE et fournisse, si nécessaire, desorientations sur la manière d’en assurer la compatibilitéavec les normes de l’Organisation.

L’OIT et la RSELa structure tripartite de l’OIT, qui fonde la spéci-

ficité de l’Organisation, constitue une base solide pourla RSE. Bien antérieure aux codes de déontologie, laDéclaration de principes tripartite sur les entreprisesmultinationales et la politique sociale (texte adopté en1997 et révisé en 2000), offre encore des enseignementsextrêmement précieux en matière de RSE.

Les principes énoncés dans cet instrument devaientinitialement servir de points de repère aux gouverne-ments, aux multinationales et aux organisations de tra-vailleurs et d’employeurs. Aujourd’hui, l’Initiativefocale de l’OIT sur la RSE permet de s’assurer que lesprincipes de la déclaration sont correctement et plusfréquemment intégrés dans les initiatives privées enmatière de RSE; il s’agit notamment d’améliorer la col-lecte, l’analyse et la diffusion des informations, demener une action cohérente susceptible de fédérer lescontributions de l’ensemble des départements du BITet d’offrir des services promotionnels et des servicesconsultatifs techniques.

Un exemple notoire est fourni par le programme del’OIT visant à améliorer les conditions de travail dansles usines cambodgiennes. Ce programme, opéra-tionnel depuis 2001, a été mis en œuvre en collabora-tion avec les pouvoirs publics, les responsables desusines et les syndicats; il a assuré dans un premiertemps la mise en place d’un système de contrôle quicouvre aujourd’hui 250 usines employant plus de

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Source: Mamic 2004.

LA RSE SE MONDIALISE: EXEMPLE D’ORGANIGRAMME D’UNE MULTINATIONALE DU SECTEUR DE LA CHAUSSURE

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U N M O N D E D E S A F FA I R E S C O N S C I E N T D E S E S R E S P O N S A B I L I T É S

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>> 280 000 ouvriers, et a lancé l’an dernier un programmede formation à l’intention des dirigeants et des tra-vailleurs, qui se poursuivra jusqu’en 2009. Pour repren-dre les termes de Dan Henkle, vice-président de Gapchargé des questions relatives à la responsabilité sociale,«tous les acteurs – syndicats, employeurs, pouvoirspublics, acheteurs – sont réunis autour d’une mêmetable». Selon Christine Evans-Klock, du BIT, c’estencore une fois le Cambodge qui, en améliorant lesnormes de travail dans ses usines de vêtements, nonplus par un simple contrôle mais par des activitésd’éducation ouvrière, montre aujourd’hui la voie àsuivre.

Le programme SHARE (réponses stratégiques desentreprise à la question du VIH/sida), mis en œuvreconjointement par l’OIT et le ministère du Travail desEtats-Unis, offre un autre exemple d’initiative enmatière de RSE mettant l’accent sur le dialogue social.Des accords de coopération ont été signés avec quelque300 entreprises et 300 000 travailleurs de 23 pays béné-ficient aujourd’hui de ce programme.

Global Compact pour le bien du plus grand nombreLa communauté mondiale a également mis au point

une approche plurielle pour promouvoir la promotionde la RSE. En 1999, les Nations Unies ont institué leGlobal Compact, initiative dans le cadre de laquelle lesorganisations des Nations Unies, les organisations detravailleurs et les représentants de la société civile s’en-gagent à respecter quelques principes universels enmatière sociale et environnementale. Aujourd’hui, plusde 2 500 entreprises de 70 pays adhèrent à cette initia-tive et se consacrent à la promotion de dix principesfondamentaux – provenant en partie de la Déclarationsur les principes et droits fondamentaux au travail de

l’OIT – portant sur les droits de l’homme, le droit dutravail, la protection de l’environnement et la lutte con-tre la corruption.

Cet intérêt croissant pour la RSE de la part de toutun ensemble d’institutions et d’acteurs a permis auxentreprises de prendre davantage conscience de l’in-térêt que présentent les normes du travail pour l’essorde leurs activités. Ce regain d’attention a égalementincité les petites et moyennes entreprises (PME) dumonde entier à réfléchir à la question de leur respon-sabilité sociale; de fait, la majorité des signataires duGlobal Compact sont des PME. Un projet de l’OIT surle développement durable – mené dans le cadre duPacte mondial et financé par le gouvernement italien –centre ses activités sur des PME italiennes, albanaises,marocaines et tunisiennes.

Mise en œuvre des codes de conduiteDe nombreuses entreprises ont adopté un ensemble

de normes et de directives éthiques appelées à régir lesdivers volets des activités qu’elles mènent dans ledomaine social, environnemental et des droits del’homme. Les codes de bonne conduite des entreprisespeuvent s’appliquer aussi bien aux activités des éta-blissements qu’elles possèdent en propre et dont ellesont le contrôle direct qu’à celles de leurs fournisseurs etsous-traitants étrangers, généralement implantés dansles pays en développement. L’application de ces codespeut toutefois s’avérer difficile au fur et à mesure quel’on s’éloigne de la maison mère. Ainsi, le directeurd’une multinationale du secteur du vêtement a puaffirmer que, s’il décidait un beau jour de cesser de fairele nécessaire pour assurer l’application du code, cer-taines usines continueraient à respecter les consignes,mais que d’autres s’en dispenseraient le jour même.

Qu’en est-il lorsque des fournisseurs ne considèrentpas qu’il est de leur intérêt d’appliquer le code de déon-tologie? Avant de passer commande, certaines multina-tionales exigent de leurs fournisseurs qu’ils s’engagent àrespecter les dispositions du code et menacent, le caséchéant, de refuser d’entrer en matière, comme l’a faitle PDG d’une multinationale du secteur de la chaus-sure. Il peut toutefois arriver que de petits fournisseursne disposent pas des ressources financières et humainesnécessaires pour appliquer le code, ou n’en voient pasl’intérêt; les entreprises risquent alors de devoir cesserleurs activités, et les travailleurs de se retrouver dans desconditions de travail encore pires, ou au chômage.

C’est la raison pour laquelle on s’attache aujour-d’hui à promouvoir l’éducation et la formation à tousles niveaux de la filière d’approvisionnement – desdirigeants aux ouvriers, en passant par les cadres. Selonun dirigeant local, la première chose à faire est de sen-sibiliser le directeur général et l’actionnaire aux avan-tages du programme.

Un autre problème tient à la multiplicité des codes –on en dénombrerait 10 000 dans le seul secteur du vête-ment. Pour remédier à cette difficulté, quelques multina-tionales essaient, en collaboration avec leurs concurrents,de mettre au point des codes applicables à la totalité d’un

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LECTURES RECOMMANDÉES

BIT. 2000. Déclaration de principes tripartite sur lesentreprises multinationales et la politique sociale.

BIT. 2002. Codes of conduct and multinationalenterprises (CD-ROM). Ce CD-ROM contient 240codes de conduite de 209 organisations de neufbranches.

Organisation internationale des travailleurs (OIE).2003. La responsabilité sociale des entreprises:l’approche de l’OIE.

Ivanka Mamic. 2004. Implementig codes of conduct:How businesses manage social performance inglobal supply chains.

ISO 26000

L’Organisation internationale de normalisation (ISO) tra-vaille actuellement à la mise au point d’une norme inter-nationale sur la responsabilité sociale (ISO 26000), quidevrait être publiée en 2008. Cette norme, qui s’appli-quera non seulement aux entreprises, mais aussi auxpouvoirs publics, aux organisations à but non lucratif etautres, fournira des informations de base sur les droitsde l’homme, la protection de l’environnement, le droit du

travail, le développement durable, la RSE et d’autresquestions. L’OIT a récemment signé avec l’ISO un proto-cole d’accord aux termes duquel elle s’engage à fournirune assistance technique sur les principes régissant lesnormes internationales du travail et sur les démarchesles plus efficaces pour les appliquer au sein d’une orga-nisation. Par voie de réciprocité, l’ISO associera l’OIT àtoutes les phases de l’élaboration de la norme ISO26000.

secteur. C’est ainsi, par exemple que HP, Dell et IBM ontpublié en 2004 un code de conduite – Electronic Indus-try Code of Conduct –, afin d’assurer dans la filière d’ap-provisionnement du secteur de l’électronique la sécuritédes conditions de travail, un traitement respectueux dessalariés et des procédés de fabrication qui tiennentcompte des impératifs environnementaux. On peutégalement citer l’initiative du Conseil international desindustries du jouet, qui s’attache à promouvoir desnormes internationales de sécurité dans le secteur dujouet ainsi qu’une attitude responsable en matière depratiques publicitaires et commerciales visant le publicenfantin.

L’élaboration de ces codes de conduite de branches’est accompagnée d’initiatives faisant appel à de mul-tiples partenaires, dont les principes reposent sur unensemble de normes internationales instituant desminima en matière de salaires, d’horaires de travail, desanté et de sécurité, de travail forcé et de travail desenfants. On peut en citer quelques-unes de première

importance: Social Accountability International (SAI),Fair Labour Association (FLA), Fair Wear Foundation(FWF), et Ethical Trading Initiative (ETI). Une nou-velle norme ISO sera publiée en 2008 (voir encadré).

Un autre aspect intéressant est la prolifération desaccords cadres internationaux (ACI). Il s’agit d’accordsconclus entre une multinationale et une organisationtelle que la Fédération mondiale des syndicats. De fait,les normes internationales du travail de l’OIT, notam-ment celles qui concernent la sécurité et la santé au tra-vail, sont citées plus fréquemment dans les ACI quedans les autres initiatives prises dans le domaine de laresponsabilité sociale des entreprises. Les ACI associentles syndicats aux procédures de mise en œuvre,lesquelles comprennent un dispositif de suivi pour lesvérifications, le dialogue et, le cas échéant, l’instructiondes plaintes. Quelque 40 ACI ont été signés entre 1999et 2006.

Malgré ces récentes avancées, il reste encore beau-coup à faire. Il convient notamment de renforcer lesprocédures de contrôle, interne ou indépendant, lesinspections régulières dans les usines et les exigencestouchant l’établissement des rapports. Les programmesd’éducation et de formation commencent à avoir desrésultats dont l’impact sera durable. Les entreprisesdoivent se responsabiliser et intégrer dans leurs objec-tifs de gestion les stratégies de la RSE et les normesinternationales du travail. Il importe enfin, et c’est sansdoute l’élément le plus important, qu’une bonne gou-vernance assure la réglementation des relations profes-sionnelles et la protection des intérêts de toutes les par-ties prenantes.

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Pour plus d’information, visiter www.ilo.org/publns ou contacter [email protected]

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Migrations : Les mythes et la réalité

ne forte médiatisation a récemmentavivé le débat international sur les tra-vailleurs migrants. La pauvreté et ledéficit de travail décent sont les deux

principales raisons qui poussent ces travailleurs àfranchir les frontières dans l’espoir d’une exis-tence meilleure et, très souvent, à accepter n’im-porte quel travail aussi malpropre ou dangereuxsoit-il. Mais le nœud du débat réside dans l’ap-préciation de leur apport et, par conséquent, dudegré de responsabilité que doivent assumer lespays d’accueil à leur égard. Luc Demaret, spécia-liste des activités pour les travailleurs au BIT, etPatrick Taran, spécialiste principal des migra-tions, analysent la situation actuelle des tra-vailleurs migrants en séparant la fiction de laréalité dans le nouvel épisode du débat sur lesmigrations.

Personne ne s’étonnera d’apprendre que, sansl’aide d’une abondante main-d’œuvre immigrée,l’économie de la plupart des pays industrialisésserait très mal en point et peut-être mêmeparalysée. Mais ces travailleurs expatriés et leurfamille y trouvent-ils leur compte ?

Selon un article publié en janvier 2006 par uneagence de presse, certains experts estiment que,sans les immigrés entrés illégalement dans le pays,l’économie britannique et ses services publicss’effondreraient. En octobre 2005, le Korea Timestitrait sur la contribution des étrangers à la réus-site de l’économie coréenne et, plus loin, affirmaitqu’ils étaient devenus la colonne vertébrale de la«Corporate Korea». Plus récemment, le FinancialTimes (26 avril 2006), sous la plume d’une cor-respondante à Madrid, faisait observer que larelance de la demande de logements due aux

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immigrés avait été décisive dans l’essor renouveléde l’industrie du bâtiment espagnole. Et l’annéedernière, sur la base d’un accord signé entre legouvernement, les employeurs et les travailleurs,l’Espagne a régularisé près de 700 000 travailleursimmigrés.

On le sait, les émigrés envoient des sommesimportantes dans leur pays d’origine, souvent auprix d’énormes sacrifices et on ne compte plus lesétudes sur le montant des rapatriements de fondsdes quelque 86 millions de travailleurs émigrés depar le monde. D’après les dernières estimations, cemontant se situerait autour de 160 milliards de dol-lars par an, ce qui fait de ces transferts la deuxièmesource de devises derrière le commerce du pétrole.C’est aussi trois fois le montant global de l’aide audéveloppement. En revanche, l’apport des immi-grés, et notamment de ceux qui sont en situationirrégulière, à l’économie des pays d’accueil estgénéralement passé sous silence, voire nié.

Pourtant, sachant qu’un travailleur émigréenvoie en moyenne dans son pays 13 pour cent deses revenus, il s’ensuit qu’il en dépense 87 pourcent dans son pays d’accueil. On pourrait ainsichiffrer, en partant du montant total des trans-ferts, à plus de 1000 milliards de dollars par anl’investissement des immigrés dans l’économiedes pays d’accueil! Dans une publication récente1,l’Organisation pour la sécurité et la coopérationen Europe (OSCE), l’Organisation internationalepour les migrations (OIM) et l’OIT relèvent que,selon de nombreuses études, les migrants occu-pent des emplois vitaux dont les nationaux neveulent plus et que leur présence, leurs activités et

leur esprit d’initiative créent des emplois (voirencadré).

Mythe no 1 : Les immigrés sont un fardeau pourl’économie du pays d’accueil

Brunson McKinley, Directeur général de l’OIM,affirme que l’idée selon laquelle les immigrés cons-tituent un fardeau pour les pays d’accueil n’estfondée sur aucune analyse sérieuse (InternationalHerald Tribune, 24 juin 2005). Ainsi, le gouverne-ment du Royaume-Uni a calculé qu’en 1999 et en2000 les travailleurs immigrés au Royaume-Uni ontrapporté 4 milliards de dollars nets au budget del’Etat, c’est-à-dire qu’ils ont payé plus d’impôts et decotisations à la sécurité sociale qu’ils n’ont coûté enprestations. De plus, l’Institut de recherche sur lespolitiques publiques – Institute for Public PolicyResearch – a récemment indiqué que la contributiondes immigrés aux recettes de l’Etat, qui équivalait à8,8 pour cent du total en 1999 et en 2000, enreprésentait aujourd’hui plus de 10 pour cent. EnAllemagne, chaque immigré rapporterait enmoyenne un montant net de 60 000 dollars au coursde sa vie. En Espagne, 25 pour cent des recettes dubâtiment proviendront cette année des travailleursimmigrés, qui ont fait construire plus de 170 000maisons. Aux Etats-Unis, l’immigration auraitgénéré un revenu national supplémentaire de 8 mil-liards de dollars en un an (OIM, Etat de la migrationdans le monde en 2005, Genève, juin 2005).

D’important aujourd’hui, le rôle des tra-vailleurs immigrés dans les pays hôtes pourraitdevenir vital. Au point que certains tirent déjà la

1 Guide pratique

sur les migrations

de travailleurs.

OSCE, OIM et OIT,

Genève, 2006

‘OSCE, l’OIM et l’OIT ont publié ce manuel en2006 pour aider les Etats membres, qu’ils

soient pays d’émigration ou pays d’immigration, àdéterminer la ligne de conduite qu’ils entendentsuivre et trouver des solutions concrètes afin demieux gérer les migrations économiques et demieux en maîtriser les flux.

Il passe en revue les différents aspects à pren-dre en considération pour ce faire, à savoir la pro-tection des travailleurs migrants, les avantagesd’une immigration organisée, l’administration desmigrations économiques, les procédures d’admis-sion des travailleurs étrangers et les mesures quisuivent l’admission, l’immigration irrégulière et lacoopération entre Etats.

Selon Ibrahim Awad, directeur du Programmedes migrations internationales du BIT, «Ce qui estle plus nécessaire aujourd’hui, c’est de garantirl’accès des travailleurs à des filières d’immigra-tion légales et ainsi de prévenir la maltraitance,l’exploitation et la traite.»

Le manuel a été rendu public à l’occasion du 13e

Forum économique de l’OSCE, qui s’est tenu au moisde mai à Prague. Il a été élaboré par des décideurset des experts des migrations de travailleurs del’espace de l’OSCE et de pays qui bénéficient desservices de l’OIM et de l’OIT. Il est en partie inspirédu Cadre multilatéral pour les migrations que l’OIT ainclus dans son Plan d’action de 2005 et qui contientdes principes, des recommandations et des bonnespratiques pour aider les mandants à élaborer et àaméliorer leur politique en matière de migrationséconomiques. Trente conventions de l’OIT qui con-cernent directement les travailleurs migrants y sonténumérées.

«Les pays qui prennent des mesures pourprévenir la discrimination et faciliter l’intégrationdes travailleurs migrants réussissent beaucoupmieux à créer des emplois productifs et à résorberle chômage», affirme M. Awad. «Pour protéger lesdroits des travailleurs migrants et tirer le meilleurprofit des avantages de l’immigration, il ne fautpas un raidissement mais une amélioration de lapolitique de l’immigration.»

GUIDE PRATIQUE SUR LES MIGRATIONS DE TRAVAILLEURS

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sonnette d’alarme face au risque d’une «fuite descerveaux» qui serait préjudiciable aux pays endéveloppement.

Dans un «Livre vert» publié en janvier 2005, laCommission européenne signale qu’entre 2010 et2030, en maintenant les niveaux d’immigrationactuels, la population des moins de 25 ans dimi-nuera de vingt millions dans l’Union européenne.Si les tendances actuelles se confirment, la popu-lation d’un pays comme l’Italie diminuera de28 pour cent d’ici à 2050 et celle de l’Espagne de24 pour cent. Les quatre grandspays européens (Allemagne, France,Royaume-Uni et Italie) devraient, pourmaintenir leur population à son niveauactuel, accueillir 700 000 étrangers paran au lieu de 230 000 aujourd’hui. Ets’ils veulent conserver le même niveaude population active sans repousserl’âge de la retraite, ils devront ensembleaccueillir plus d’un million de tra-vailleurs émigrés chaque année. Fautede quoi, d’après les résultats d’un exer-cice de simulation effectué par l’OIT, leniveau de vie des Européens n’équivau-dra plus, en 2050, qu’à 78 pour cent dece qu’il est aujourd’hui.

La Russie, pays qui accueille déjà leplus grand nombre d’émigrés après lesEtats-Unis, verra le nombre de ses actifsdiminuer de 750 000 cette année et desix millions d’ici à 2010. Aux Etats-Unis, le Bureau national des statistiquesdu travail prévoit que dix millionsd’emplois seront vacants en 2010,surtout dans les entreprises de servicesà bas salaires. Certes, des flux migra-toires d’une telle ampleur sont impro-bables mais une chose est sûre: les

migrations contribueront à maintenir et à éleverle niveau de vie du monde industrialisé. Et, pourdes millions d’habitants de pays en développe-ment, elles resteront une question de survie.

Mythe no 2 : Les migrations sont un choixComme le fait observer Brunson McKinley, de

l’OIM: «Il est grand temps de mettre fin au débatstérile sur la question de savoir s’il faut ou nondes migrations. Elles existent, c’est un fait. Nouscontinuerons à avoir des migrations. Le seul choixque nous ayons est de concevoir et d’appliquerdes mesures pour faire en sorte que les migrationssoient sans danger, ordonnées, humaines et pro-ductives et pour qu’elles soient bénéfiques à lafois aux individus, aux sociétés d’origine et auxsociétés d’accueil» (International Herald Tribune,24 juin 2005).

Le Président du Mexique, Vicente Fox, aexprimé le même sentiment en déclarant lorsd’une visite officielle qu’il a effectuée en mai 2006aux Etats-Unis : «Aujourd’hui, les gouvernementsdoivent absolument comprendre qu’il est urgentde trouver des mécanismes et des méthodes quigarantissent une immigration sûre, une immigra-tion respectueuse des droits de l’homme et desdroit du travail» (Agence France-Presse, 24 mai2006).

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Or sur ces derniers points, beaucoup reste àfaire. Dans un rapport publié en juin 2006 àGenève, la Confédération internationale des syn-dicats libres (CISL) constate que les migrants sontparticulièrement exposés aux violations desdroits syndicaux et des droits du travail. Déjà en2004, l’OIT indiquait dans un rapport à la Con-férence internationale du Travail que «bien tropnombreux sont encore les travailleurs migrantsqui font face à des conditions de travail marquéespar l’exploitation et les abus – travail forcé, bassalaires, mauvaises conditions de travail, absencequasi totale de protection sociale, déni de laliberté syndicale et des droits syndicaux, discri-mination, xénophobie, exclusion sociale, cesont autant de vicissitudes qui les privent desavantages qu’ils auraient pu tirer de leur travail àl’étranger».

Demain, les analyses le confirment, les paysindustrialisés devront une fois de plus faire appelà l’immigration pour faire tourner leuréconomie. Cela ne doit pas faire oublier la néces-sité de réduire le déficit de travail décent dans lespays du Sud, où les travailleurs n’ont souventd’autre choix que de s’exiler pour faire vivre leurfamille. Mais il faut aussi veiller à ce que les droitshumains des travailleurs migrants, le principe del’égalité des chances et de traitement et lesnormes fondamentales du travail soient respectésdans les pays d’accueil. C’est là le seul moyen degarantir que tous – travailleurs, pays d’origine etpays d’accueil – tirent pleinement profit des avan-tages qu’offrent les migrations.

L’OIT a récemment publié un Cadre multilatéral

pour les migrations (voir encadré) qui devrait êtreun outil précieux pour aider les gouvernements, lesemployeurs et les travailleurs à atteindre ces objec-tifs. En effet, il y a toujours au cœur du phénomènemigratoire l’aspiration légitime d’hommes et defemmes à la justice sociale. Comme l’a dit le grandsociologue suisse Max Frisch, en parlant de l’immi-gration dans son pays: «Nous avions besoin demain-d’œuvre, de bras, et ce sont des êtres humainsqui sont arrivés.»

a gestion des migrations est l’un desaspects prioritaires du Programme de

coopération que l’OIT et la Fédération de Russieont signé durant la dernière session de la Con-férence internationale du Travail pour la périodeallant de 2006 à 2009.

Depuis le début des années quatre-vingt-dix,la Russie joue un rôle important dans les migra-tions économiques internationales puisqu’elleest désormais à la fois un pays d’émigration et detransit et un pays d’accueil. Le Service fédéraldes migrations estime que 500 000 migrants ensituation régulière et de 5 à 14 millions d’immi-grés clandestins se trouvent actuellement sur leterritoire russe.

Le programme de coopération met l’accent surla nécessité d’améliorer la législation nationaleainsi que les mécanismes internationaux etbilatéraux de façon à régulariser la situation destravailleurs migrants et à prévenir leur exploita-tion. En outre, il comportera un volet sur lesmigrations internes afin accroître la mobilité destravailleurs et la flexibilité du marché du travailde la Fédération de Russie.

LA FÉDÉRATION DE RUSSIE S’ENGAGEÀ REVOIR SA POLITIQUE DE L’IMMIGRATION

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LLeeccttuurreess ccoommpplléémmeennttaaiirreess

Bureau international du Travail (BIT). 2004. Uneapproche équitable pour les travailleurs migrantsdans une économie mondialisée, rapport VI, 92e ses-sion de la Conférence internationale du Travail,Genève.

Organisation internationale pour les migrations(OIM). 2005. Etat de la migration dans le monde.

Commission européenne. 2005. Livre vert sur uneapproche communautaire de la gestion des migra-tions économiques. Ec.europa.eu/comm./off/green/

BIT, 2002. Travailleurs et travailleuses migrants.Education ouvrière 2002/4, no 129. ISSN 0378-5467.

J. Maillard/BIT

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L’AUTRE INDEélécommunications, technologies de l’in-formation, conception de logiciels – lamondialisation semble avoir donné desailes à l’Inde ! Mais une autre partie du

pays n’en a guère bénéficié. Avec une équipe dechercheurs et de photographes, Gopal Joshi a réaliséun ouvrage très instructif sur la qualité de l’emploides millions de femmes et d’hommes qui pro-duisent pour le marché mondial.

NEW DELHI – En 2005, le Bureau sous-régionalde l’OIT à New Delhi a publié un album de photos,intitulé The other India at work, qui illustre les con-ditions de travail de nombreuses petites entrepriseset unités de production artisanale du nord de l’Inde.Gopal Joshi, spécialiste des entreprises, explique quel’idée lui est venue d’une étude réalisée en 2000 et2001 par le BIT sur les pratiques commerciales, laformation professionnelle, les conditions de travailet la protection des travailleurs dans l’artisanat ducuivre, la fabrication d’objets en os et en corne, letissage de tapis, la broderie, la construction demachines, l’impression de tissus au bloc et le filage.

Alors que les microentreprises et petites entre-prises sont des maillons importants des chaînesd’approvisionnement, leur personnel ne tire aucunavantage de leur collaboration avec les grandesentreprises dont elles sont les fournisseurs. Lesauteurs de l’étude indiquent en effet que l’emploi yest de piètre qualité, surtout en ce qui concerne lesconditions d’emploi et de travail, le niveau desrevenus et la protection sociale. Les femmes et leshommes qui travaillent dans ces unités sont engénéral obligés de se débrouiller seuls en cas d’acci-dent ou de maladie, lorsqu’ils partent à la retraite oudans les situations de crise.

Les photos reproduites ci-dessous ont été prisesdepuis 2000 dans des petits centres de productiondu nord de l’Inde. Elles donnent une idée de cequ’est aujourd’hui la vie quotidienne dans cetteautre Inde.

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Les pays industrialisés sont très amateurs deplateaux décoratifs sculptés sur corne en Inde, qu’ilsachètent via l’Internet. Toutefois, pour fabriquer cesobjets, il faut tailler et limer la corne, puis la chaufferpour l’aplatir, ce qui remplit l’atmosphère de poussièreet engendre une chaleur parfois intolérable.

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Pour tout renseignement ou pour obtenir un exemplaire du livre, s’adresser à :Bureau sous-régional de l’OIT pour l’Asie du SudTél. +91 11 2460 2101Courriel : [email protected]/india

La fabrication de splendides objetsse fait souvent dans des conditionspénibles. Ici, une graveuse emmèneson bébé sur son lieu de travail, et descéramistes de Khurja travaillent dansla poussière et les émanations de pro-duits chimiques. Le savoir-faire arti-sanal est menacé par la production àgrande échelle pour l’exportation.

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L’A U T R E I N D E

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Les patrons de petites et très petites entreprises ontsouvent de très longues journées de travail, car ilsdoivent assumer plusieurs fonctions en même temps.Ici, à Moradabad, les membres d’une associationd’employeurs de l’industrie du cuivre discutent desproblèmes auxquels ils doivent faire face sur unmarché concurrentiel. La qualité de l’emploi et lesconditions de travail laissent encore à désirer.

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LA LEÇON DE MORADABAD

Depuis le dernier reportage de Travail sur l’industrie du cuivre de Moradabad (no 43, juin 2002), laproduction de la région a acquis une renommée mondiale, en partie grâce à sa commercialisation surl’Internet. Plus de 25 000 microentreprises et petites entreprises ont contribué à ce succès en vendantleurs articles très prisés à des fabricants et à des détaillants du monde entier.

C’est ici que se rejoignent les deux Indes. De 2000 à 2004, le BIT a exécuté à Moradabad un programme visant à améliorer la qualité de l’em-

ploi et ainsi démontré que de meilleures conditions de travail et de meilleures pratiques commercialesavaient un impact non négligeable sur la productivité et les revenus.

Le travail est souvent réparti sur la base d’un système de sous-traitance ad hoc. Les microentre-prises et petites entreprises sont les premiers maillons de la chaîne. Viennent ensuite les ateliers plusimportants, les fabricants, les exportateurs et enfin les grandes centrales internationales d’achat.«Nos conditions de travail sont très pénibles et si nous ne respectons pas les délais ou les normes dequalité, nous perdons la commande», explique Mohammad Shafiq, maître artisan à la retraite. «Enoutre, nous devons faire face à la concurrence des produits de meilleure qualité et moins chers venusd’autres pays.»

Pour pouvoir rivaliser avec la concurrence en fournissant des produits à la fois bon marché et dequalité, les petites unités sont tentées de réduire leurs coûts, ce dont se ressentent les salaires et lesconditions de travail.

Le programme du BIT, qui est financé par le gouvernement néerlandais, avait pour but de resserrerla coopération entre tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement – institutions gouvernemen-tales, organisations de travailleurs et d’employeurs, associations de commerçants et d’exportateurset partenaires locaux – et essentiellement de faire en sorte que les plus petits bénéficient eux aussides retombées du commerce international. Il a notamment démontré qu’il était possible d’améliorer àmoindres frais la qualité de vie au travail, par exemple en installant des cheminées pour évacuer lesémanations toxiques et faire baisser la température des locaux, ainsi qu’en utilisant des équipementsde protection simples pour réduire le nombre des accidents. En outre, il a appris aux participants com-ment appliquer les techniques de gestion pour ajouter de la valeur aux produits, faire des bénéfices,réduire les délais de livraison et améliorer la compétitivité des prix, la productivité, la fluidité dumarché et la technologie.

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L’A U T R E I N D E

A R T I C L E S G É N É R A U X

Les risques professionnels sont omniprésents. Et comme lestravailleurs et les employeurs n’ont pas d’équipement de pro-tection, ils sont souvent victimes d’accidents. De plus, la pous-sière et les produits chimiques provoquent des maladieschroniques.

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artout dans le monde, les horaires detravail prennent un caractère de plus enplus atypique et imprévisible, commel’exige une économie mondiale toujours

plus connectée, plus réactive et plus contrai-gnante. D’où l’obsolescence rapide, dans les paysindustrialisés, de la notion d’équilibre entre vieprofessionnelle et vie privée. Une nouvelle publi-cation du BIT, Decent working time: new trends,new issues, réunit les études de quelques-uns deschercheurs internationaux qui ont mené lesréflexions les plus approfondies sur cette ques-tion et se propose d’examiner les changementssurvenus dans la nature du temps de travail – et,à vrai dire, dans la nature du travail lui-même.L’écrivain américain Jennifer Monroe nous faitpart de ses réflexions.

Dans tous les pays industrialisés, les horaires detravail ont tendance à devenir de plus en plusimprévisibles, ce qui suscite de fortes tensionsentre les travailleurs et les employeurs. Le fait quel’économie mondiale se structure de plus en plusautour du savoir et des services, l’exigence du con-sommateur, qui veut pouvoir accéder aux biens etaux services à toute heure du jour et à chaque jourde la semaine, mais aussi plusieurs autres facteurséconomiques et sociaux, sont autant d’élémentsqui remettent en cause la relation d’emploi clas-sique et suscitent également de nombreuses inter-rogations à propos du temps de travail et del’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Soucieux de mettre en lumière les résultats desétudes sur le temps de travail, le BIT a coparrainéle neuvième séminaire international sur le tempsde travail, qui s’est tenu à Paris en 2004, ainsi quela publication de l’ouvrage Decent working time:new trends, new issues qui a paru quelque tempsaprès (2006). Jean-Yves Boulin, Michel Lallement,Jon C. Messenger et François Michon ont réuniquelques-unes des principales études présentéeslors de ce séminaire, en vue de faciliter l’élabora-tion de politiques et de pratiques visant à favoriserl’instauration d’un temps de travail décent. Axéesprincipalement sur les pays industrialisés, lesétudes rassemblées dans l’ouvrage portent sur la

situation des travailleurs et la question du temps detravail dans un certain nombre de pays de l’Unioneuropéenne (notamment la France, l’Allemagne etles pays scandinaves), au Japon, au Royaume-Uniet aux Etats-Unis.

Selon Jon C. Messenger, on ne peut parler detemps de travail décent que si les dispositions con-tractuelles relatives à l’horaire de travail tiennentcompte de certains impératifs sanitaires et fami-liaux, favorisent l’égalité entre hommes et femmes,accroissent la productivité et permettent au salariéde véritablement choisir son horaire de travail. Cescinq éléments sont certes étroitement liés, maisc’est la maîtrise du salarié sur son horaire de travail(et, ce qui est encore plus important, sur l’organi-sation de cet horaire) qui est l’élément clé pourétablir – ou en tout cas approcher – un équilibresatisfaisant entre vie professionnelle et vie privée.

Réalité et idéalDans cette réflexion autour de la notion de

temps de travail décent, on rencontre ce que l’OITappelle les «déficits de travail décent» – à savoir ledécalage entre l’horaire de travail souhaité et celuiqui est effectivement imposé. Comme le faitremarquer Jon C. Messenger, ce déficit de travaildécent concerne aujourd’hui trois grandes caté-gories de salariés: d’abord, celui dont la durée detravail est excessive et qui souhaiterait réduire sonhoraire de travail; ensuite, l’employé à temps par-tiel, obligé de travailler moins de vingt heures parsemaine mais qui désirerait travailler davantage;enfin, celui qui a des horaires de travail irréguliersmais qui souhaiterait avoir un horaire stable ounormal.

Combler ces déficits tout en maintenant untemps de travail décent n’est pas chose facile.Comme le font remarquer MM. Boulin, Lallementet Michon dans le chapitre d’introduction, ni lesmesures visant à instaurer un équilibre entre vieprofessionnelle et vie privée, ni les politiquesd’aménagement du temps de travail tout au longde la vie professionnelle ne correspondent automa-tiquement à la notion de temps de travail décent.Par ailleurs, beaucoup d’options proposées au per-sonnel entraînent une discrimination entre

Organisation du temps de travail et qualité de vieP

1 Decent working time: new

trends, new issues, publié

par Jean-Yves Boulin,

Michel Lallement, Jon C.

Messenger et François

Michon, Bureau

international du Travail,

Genève, 2006.

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hommes et femmes et des inégalités sociales. Selonl’étude de Thomas Haipeter sur la nouvelle régle-mentation du temps de travail en Allemagne, l’ho-raire flexible et les programmes de comptabilisa-tion horaire sont prometteurs, à condition qu’ilssoient bien gérés, que le personnel y soit solide-ment associé et que son autonomie soit respectée.

Il semblerait que le travail à temps partiel soitune formule satisfaisante tant pour ceux quisouhaitent travailler davantage que pour ceux quisouhaitent réduire leur temps de travail. Messengerindique que, d’une manière générale, la réductionde l’horaire de travail est une stratégie à laquelle ilest fréquemment fait recours lorsque l’on veut con-cilier travail rémunéré et responsabilités familiales.De fait, on préfère une durée de travail relative-ment importante – entre 20 et 34 heures hebdo-madaires – à un horaire de moins de 20 heures.

Il faut cependant savoir que la majorité dessalariés travaillant à temps partiel sont des femmes,et que cette scission entre hommes et femmes s’ob-serve presque systématiquement dès qu’il y a tempspartiel. Allant plus loin, Mara Yerkes et Jelle Visseront mis en évidence le risque de marginalisationqui a marqué les premières phases de développe-ment du travail à temps partiel aux Pays-Bas, enAllemagne et au Royaume-Uni, où le temps partielétait en quelque sorte devenu un moindre malpour beaucoup de femmes, en particulier les mèresqui travaillaient; de fait, ces dernières estimaientque mieux valait travailler à temps partiel qu’êtreexclues du marché du travail ou se retrouver auchômage, mais auraient nettement préféré exercerune activité à plein temps et jouir de la totalité desdroits, revenus et prestations que cela comporte.

La normalisation du travail à temps partiel s’estrévélée très profitable aux Pays-Bas (voir encadré),dont l’Allemagne est en train de suivre l’exemple.Au Royaume-Uni, en revanche, le travail à tempspartiel n’a jamais fait l’objet d’une véritable régle-mentation et, de ce fait, est quasiment synonymed’emploi marginal, de bas salaire et de formationinsuffisante.

C’est sans doute pour les salariés qui ont unhoraire de travail irrégulier que l’élimination dudéficit de travail décent pose les plus grandes diffi-cultés. Selon les chercheurs Jill Rubery, Kevin Wardet Damian Grimshaw, les employeurs utilisent deplus en plus l’aménagement du temps de travail desemployés comme une arme stratégique. Il arrivequ’aucun horaire précis ne soit spécifié, ou quel’horaire convenu soit fragmenté en périodes pluscourtes, discontinues, ou aménagé sur la semaineou sur l’année en fonction des besoins des

employeurs. Les entreprises ne souhaitent pasrevenir à la formule classique, fondée sur la régu-larité des horaires. De fait, les dirigeants d’entre-prise insistent sur le fait que les horaires de travaildoivent être aménagés en fonction de l’intérêt del’employeur et/ou des clients et des consomma-teurs. Une telle option impliquait le franchisse-ment d’une étape décisive, à savoir considérertoutes les heures ouvrées comme équivalentes, sansqu’il soit question d’augmentation pour les heuressupplémentaires ou les heures réputées indues.

L’analyse de Paul Bouffartigue et JacquesBouteiller de la «disponibilité temporelle» chez lesinfirmières hospitalières et les cadres dirigeants dusecteur bancaire en France, en Belgique et enEspagne fournit de nouveaux exemples de la diver-sité croissante des types de statuts et de situationsd’emploi. Isik Zeytinoglu et Gordon Cooke posenteux la question de «Qui travaille le week-end ?».Leur réponse pour le Canada (bien qu’elle soit cer-tainement vraie pour d’autres pays industrialisés)est que dans toute société qu’on imagine volontiersouverte 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, les tra-vailleurs du week-end sont souvent ceux quicumulent plusieurs inconvénients: moindre niveaud’éducation et de formation, contrats temporaires,travail à temps partiel.

L’instauration d’un temps de travail décent estplus facile lorsque les salariés peuvent véritable-

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ment choisir leur horaire de travail (encore faut-ilqu’ils aient à choisir entre un certain nombre d’op-tions intéressantes). Malgré les avis contraires,Didier Fouage et Christine Baaijens précisent, àpropos des entreprises hollandaises, qu’il y a toutesles chances pour qu’un employeur accepte de mo-difier un horaire de travail si on le lui demande, etque même si les salariés hésitent avant de deman-der un aménagement de leur temps de travail, ilsobtiennent assez souvent satisfaction.

Qu’est-ce qui perpétue le suremploi?Il est notoire que ce qui empêche le salarié de

demander une réduction de son temps de travail,c’est la crainte d’un refus, ainsi que la crainte dessuites que cela peut avoir sur sa carrière. Il se peutégalement qu’il pense que le fait de travailler davan-tage, même sans être rémunéré, sera interprétécomme la preuve de son dévouement à l’entreprise.

Si certains salariés choisissent délibérément detravailler davantage pour s’assurer un certain

COMBLER LE DÉFICIT DE TRAVAIL DÉCENT: L’EXEMPLE DES PAYS-BAS

‘est aux Pays-Bas que les initiatives visant àassurer un juste équilibre entre vie profes-

sionnelle et vie privée par une normalisation dutravail à temps partiel se sont révélées les plusfructueuses. Dans l’étude comparative sur ledéveloppement du travail à temps partiel auxPays-Bas, en Allemagne et au Royaume-Uni,Mara Yerkes et Jelle Visser nous dévoilent lessecrets du succès des initiatives néerlandaisesvisant à instaurer le temps de travail décent.

Bien que les Pays-Bas aient également étéconfrontés au risque de marginalisation inhérentau travail à temps partiel, l’acceptation de cedernier a fait qu’aujourd’hui c’est le ménagecomptant un actif et demi qui est devenu le mo-dèle dominant. Selon Yerkes, il est rare aux Pays-Bas que le travail à temps partiel ne soit paschoisi de manière délibérée; de même, il n’existeplus qu’un écart insignifiant entre le temps detravail idéal des femmes et celui qu’elles accom-plissent effectivement.

A quoi attribuer un tel changement? Sansdoute au soutien dont les familles qui choisis-saient la formule du travail à temps partiel ou laréduction du temps de travail ont bénéficié de lapart du gouvernement néerlandais et des parte-naires sociaux, qui voyaient là un moyen d’ins-taurer un équilibre entre vie professionnelle etvie privée, ainsi qu’à la mise en place de poli-tiques visant à instaurer des normes sur lesdroits et les revenus des travailleurs à temps par-tiel et à garantir leur égalité.

Cette évolution n’a pas eu lieu du jour au lende-main – de fait, jusqu’aux années 1980, les Pays-Bas étaient même en retard sur d’autres payseuropéens en matière de développement dutemps partiel, lequel commença à prendre sonessor avec l’arrivée sur le marché du travail d’uncontingent de femmes désireuses d’accroître lerevenu familial. Initialement, les femmes ontchoisi le travail à temps partiel parce qu’il n’exis-tait pas de garderies; les employeurs ont quant àeux été vite acquis à cette formule, en raison de lasouplesse et des économies qu’elle permettait.

Dans le milieu des années 1990, une nouvellelégislation rendit applicable aux travailleurs àtemps partiel les dispositions en matière derevenu minimum et de retraite. Les employeursrestaient favorables au travail à temps partiel.Aujourd’hui, le travail à temps partiel existe danstoutes les branches d’activité et tous les métiers.

Pourtant, bien des progrès sont encore néces-saires. Si les travailleurs à temps partiel jouissentdésormais de l’égalité de traitement et sont enmesure de choisir des emplois de qualité, il n’endemeure pas moins que le créneau du temps par-tiel est occupé essentiellement par les femmes etque ces dernières continuent de se charger del’essentiel des tâches domestiques.

Il apparaît que, d’une manière générale, lesfemmes choisissent délibérément de travailler àtemps partiel. Aux Pays-Bas, 60 pour cent environdes emplois occupés par des femmes sont destemps partiels, ce qui représente la proportion laplus élevée de toute l’Union européenne. Selonles auteurs, même parmi les jeunes générations,les femmes qui choisissent de travailler à tempspartiel pendant qu’elles élèvent leurs enfants nereviennent pas, par la suite, au travail à pleintemps.

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niveau de revenu, d’autres consi-dèrent que «c’est le métier qui veutça». L’étude consacrée par JoukoNätti, Timo Antilla et Mia Väisä-nen aux travailleurs du savoir enFinlande nous apprend que lamoitié de ces derniers ont du mal àfaire le total de leurs heures de tra-vail, et que ceux qui ont le plus dedifficultés à cet égard sont lescadres et les dirigeants. Les auteursont également observé une érosionde la notion de durée convenue detravail hebdomadaire, ainsi qu’un«étirement» des horaires.

L’étude de Lonnie Golden sur lesuremploi aux Etats-Unis parvientà des conclusions identiques. Selonl’auteur, le suremploi est unphénomène plus marqué chez lesemployés qui ont une semaine de

travail chargée, dans certaines catégories de métiers– cadres, administrateurs, scientifiques, ingénieurs,certains techniciens – ainsi que dans certainssecteurs – soins de santé, services, transports.

Il ressort de ces deux études que l’on tend à con-sidérer comme normal le fait que les cadres n’aientpas d’horaire, ce qui n’empêche nullement, parailleurs, bon nombre des salariés finlandais desouhaiter une réduction de leur temps de travail

hebdomadaire. Ce souhait est davantage le fait deceux dont l’horaire hebdomadaire est long (41heures hebdomadaires ou plus) que de ceux dont lasemaine de travail est plus courte (de 1 à 40 heures).

A l’opposé, on trouve ceux qui souhaitent fairedavantage d’heures, mais qui, compte tenu de laforte demande dans ce domaine, ont peu dechances d’obtenir satisfaction. Là encore, leschercheurs plaident en faveur d’une dissipation despréjugés négatifs souvent attachés au travail àtemps partiel ou aux horaires réduits de travail. Parailleurs, l’acceptation du travail à temps partieldans tous les compartiments d’activité (et, par con-séquent, la normalisation de cette formule) devraitcontribuer dans une large mesure à combler ledéficit de travail décent, à promouvoir un horairede travail qui respecte la santé de l’individu et lesexigences familiales, et à garantir l’égalité entrehommes et femmes.

Les bouleversements de l’économie mondiale sesont accompagnés d’un formidable développementdu travail à temps partiel, mais il s’agit bien sou-vent de postes peu propices à l’organisation d’unecarrière. Jon C. Messenger rappelle que les poli-tiques du temps de travail ne peuvent favoriserl’égalité entre sexes que si elles permettent auxfemmes d’être sur un pied d’égalité avec leshommes dans le domaine de l’emploi, et aux deuxpartenaires de combiner travail salarié, respon-sabilités familiales et formation permanente.

1. Working time around the world Publié par Jon Messenger, Working time around the world examine les législations et les pratiques en

vigueur en matière de temps de travail et propose une évaluation de la situation actuelle, en particulierdans les pays en développement et en transition. L’auteur analyse les tendances qui se dessinent à proposde questions déjà classiques – durée du travail excessive, travail par équipes, périodes de repos trop cour-tes – mais aussi de problématiques nouvelles liées aux thèmes de la déréglementation, de l’assouplisse-ment de l’aménagement du temps de travail, de la diminution de la durée du travail, de l’égalité entrehommes et femmes et de l’économie informelle. Malgré tous les progrès accomplis au cours du siècledernier en matière de réduction du temps de travail, force est de constater que l’écart entre pays indus-trialisés et pays en développement reste encore considérable dans ce domaine. L’auteur propose quelquessolutions pour remédier à cette situation.

2. Travail et temps au XXIe sièclePublié par Jean-Michel Servais, Patrick Bollé, Mark Lansky et Christine Smith, ce choix d’articles de la

Revue internationale du Travail nous aide à mieux comprendre les courants de pensée et les orientationsactuels, s’agissant des grands enjeux auxquels sont confrontés les travailleurs, dans leur vie quotidienne,mais aussi les employeurs qui subissent la pression de la concurrence internationale, et tous ceux qui, auxplans international et national, sont chargés d’élaborer les politiques et les législations. L’enjeu qui est aucœur du débat est de parvenir à redéfinir un ensemble de concepts et de règles qui permettent de conci-lier la sécurité socio-économique et la dimension humaine du travail, d’une part, avec, d’autre part, lesimpératifs de la concurrence mondiale et la nécessité, de plus en plus forte compte tenu des besoins dumarché, d’une flexibilité de la main-d’œuvre. Cet ouvrage réunit des études d’Amartya Sen, Martha Nuss-baum, Joseph Stiglitz, Robert Reich, Bob Hepple et Alain Supiot.

DEUX ÉTUDES IMPORTANTES À PARAÎTRE PROCHAINEMENT

© J. Delorme/BIT

Pour plus d’information, visiter www.ilo.org/publns ou contacter [email protected]

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■ Le dépistage de l’usage de stupé-fiants sur le lieu de travail est une pra-tique relativement récente, qui, via lesmultinationales, a tendance à «s’ex-porter» des pays développés vers despays en développement. Certains y sontfavorables, considérant qu’elle constitueune manière efficace de faire face auproblème de la toxicomanie dans l’en-treprise. Mais est-ce vraiment le cas?Sur cette question, la controverse batson plein. De fait, la problématique estcomplexe, puisqu’elle englobe des ques-tions aussi diverses que celles du respectde la vie privée, de la responsabilitésociale, ainsi que du rôle et de laresponsabilité des employeurs et desentreprises privées. Les choses se com-pliquent encore lorsqu’il s’agit derépondre à des questions comme celle-ci: Les tests de dépistage apportent-ilsla preuve irréfutable qu’il y a bien con-sommation de drogues sur le lieu detravail, ou ne font-ils que révéler despratiques qui ont lieu en dehors de celieu de travail?

■ Le premier argument en faveur dudépistage tient à ce que dans certainesprofessions comportant de grandes exi-gences en matière de sécurité –médecine, transports, bâtiment, parexemple – toute altération des percep-tions ou du jugement peut avoir lesconséquences les plus graves. La sécu-rité de l’entreprise, qu’il s’agisse de pro-ductivité ou de protection des biens, estégalement un sujet de préoccupationlégitime. Par ailleurs, ceux qui plaidenten faveur des mesures de dépistage fontvaloir que les employeurs ont un«devoir de vigilance» qui leur impose degarantir la sécurité du milieu de travail.

■ Que l’on soit pour ou contre ledépistage, ce ne sont pas les argumentsqui font défaut. Ceux qui s’y opposentmettent tout d’abord en avant que lestests, s’ils permettent de déceler l’usage decertaines substances, ne permettent nid’apprécier les conséquences de cet usagesur les prestations de l’intéressé, ni de dis-tinguer entre un usage occasionnel et unetoxicomanie avérée. Ils font ensuite re-marquer que le recours à ces tests soulèveun ensemble de questions éthiques, con-cernant notamment le caractère confi-dentiel des informations personnelles etl’octroi à l’employeur d’un droit deregard sur les activités de son personnelen dehors des heures de travail. Enfin, ilsfont observer que ces tests ne sont pasfiables à 100 pour cent et qu’il fontparfois apparaître des «faux positifs».

L’IMPACT DE LA CONSOMMATIONDE STUPÉFIANTS AU TRAVAIL

■ Selon le rapport du Bureau du con-trôle des drogues et de la prévention ducrime des Nations Unies pour l’année2005, 200 millions de personnes en âgede travailler de 15 à 64 ans, soit 5 pourcent de la population mondiale, ontconsommé au moins une fois des subs-tances illicites en 2005.

■ Le même rapport nous apprendégalement qu’en matière de consomma-tion de cannabis, ce sont les îles du Paci-fique, suivies par l’Amérique du Nord etl’Afrique, qui affichent les chiffres lesplus élevés, que les deux tiers environdes consommateurs d’amphétamines et

Un lieu de travail «propre»: le dépistage de la consommation de drogues etd’alcool sur le lieu de travail

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P L A N È T E T R A V A I L NOUVELLES DU MONDE DU TRAVAIL

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de métamphétamines résident en Asie,et que c’est dans les Amériques quevivent les deux tiers des 14 millions deconsommateurs de cocaïne recensésdans le monde.

■ Aux Etats-Unis, la toxicomaniereprésente pour l’économie du pays uncoût annuel de plus de 250 milliards dedollars, dont environ 500 millions dedollars pour les journées de travail per-dues. Selon le Département du Travaildes Etats-Unis, qui estime à 9 millionsle nombre de salariés qui consom-meraient des drogues dans le pays, letaux d’absentéisme est 66 fois plus élevéchez les salariés qui font une consom-mation abusive de drogues et d’alcool;ces derniers remplissent égalementdavantage de feuilles maladie que lesabstinents, sont impliqués dans lamoitié environ des accidents du travail,et touchent 300 pour cent de presta-tions maladie de plus que les autressalariés. L’Institut national de la santésignale en outre que 44 pour cent d’en-tre eux ont vendu des stupéfiants àd’autres employés et que 18 pour centont volé leurs collègues pour financerleur consommation (Personnel Today,25 janv. 2006).

■ Au Royaume-Uni, l’alcoolisme à luiseul est responsable chaque année de laperte de 11 à 17 millions de jours detravail, ce qui, selon Alcohol Concern,représente un coût annuel de 1,1 mil-liard de livres sterling. Selon une étudedu groupe Portman, 63 pour cent desemployés se font porter malades aulendemain d’une soirée particulière-ment arrosée (Personnel Today, 25 janv.2006).

■ Pour calculer le coût de la consom-mation d’alcool et de drogues, ilimporte de tenir compte de tout unensemble de facteurs – augmentation

des risques de blessures, de dépressionet de stress, démotivation, augmenta-tion de l’absentéisme et coûts élevéspour l’assurance maladie et la sécuritésociale. Selon la Commission sur l’al-coolisme et la toxicomanie de l’Alberta,la perte de productivité imputable àune consommation abusive d’alcool etde drogues coûte aux entreprises de laprovince plus de 400 millions de dollarschaque année.

FAUT-IL OU NON EFFECTUERDES TESTS?

■ La gravité des faits qui viennentd’être énumérés a suscité au cours desdernières années un vif intérêt pour laquestion du dépistage partout dans lemonde, intérêt qui s’est traduit danscertains pays par l’adoption d’une nou-velle législation, au plan mondial parune augmentation du nombre de testsde dépistage, ainsi que par une fortemobilisation des employeurs, qui récla-ment haut et fort des directives claireset nettes sur les moyens à mettre enœuvre pour résoudre le problème.

■ L’examen de ce dernier soulèveinévitablement plusieurs questionséthiques particulièrement sensibles. Lesadversaires des mesures de dépistagefont valoir qu’une telle pratique estattentatoire à la vie privée de la person-ne et à son intégrité physique. C’estpour invalider cet argument que cer-taines lois disposent que les tests nepeuvent être effectués qu’avec le libreconsentement de l’intéressé. A quoi lesopposants répliquent qu’étant donnéles craintes des salariés face aux con-séquences d’un refus, on peut douter dela possibilité d’un tel libre consente-ment. Certains, enfin, estiment quel’employé qui refuse de se soumettre àun test risque sans le vouloir de laissercroire qu’il a quelque chose à cacher.

■ Au Royaume-Uni, le refus de sesoumettre à un examen de dépistageprévu dans le contrat de travail peutêtre considéré comme une faute disci-plinaire, alors que dans d’autres payseuropéens, notamment la Belgique et laFinlande, on estime que les droits fon-damentaux comme le droit au respectde la vie privée sont indivisibles et qu’iln’est pas concevable que l’individurenonce au respect de ces droits. En2001, la Finlande a adopté une nouvelleloi pour légaliser le dépistage de la con-sommation de drogues sur le lieu detravail.

■ Malgré la controverse, qui portenotamment sur le caractère aléatoire

des dépistages, les laboratoires chargésd’effectuer les tests aux Pays-Bas, enNorvège et au Royaume-Uni signalentune augmentation de la demande. EnFrance, en Norvège et aux Pays-Bas,seuls les travailleurs occupant despostes traditionnellement jugés sensi-bles sont soumis à des tests, la forme deces derniers pouvant d’ailleurs varier.Les examens préalables à l’embauchesont illégaux aux Pays-bas. En France, lemédecin du travail, et non l’employeur,est seul habilité à décider d’effectuer destests.

■ Par ailleurs, en Finlande, en France,en Belgique, en Allemagne et enAutriche, les résultats du test sont com-muniqués non pas à l’employeur, maisau médecin du travail, ce dernier nepouvant communiquer au premier queles informations relatives à l’aptitude autravail de la personne concernée. Deleur côté, les employeurs britanniqueset suédois sont d’avis qu’il faudraitintroduire des dépistages systématiquesdans toutes les catégories d’emploispour assurer la sécurité de l’entreprise.(Ethical issues in workplace drug testingin Europe, Genève, BIT, 2003).

■ Selon d’autres statistiques publiéesdans le monde:

! Approximativement 5 pour cent desentreprises irlandaises ont recours,sous une forme ou sous une autre, audépistage; une étude récente indiquaitque 10 pour cent de compagniesprévoyaient d’introduire cette pra-tique en 2005 (Irish Independant, 28juin 2005).

! D’une manière générale, les em-ployeurs néo-zélandais n’exigent eux,un dépistage que pour les métiers àhaut risque. Selon l’Institute of Envi-ronmental Science and Research dupays, qui effectue la plupart des testsde dépistage, le nombre annuel detests est passé de 3 000 il y a dix ans à28 000 (prévision pour 2006). Danscertains secteurs d’activité – foresterie,transports, conditionnement de laviande et de la volaille – les mesures dedépistage s’appliquent à l’ensemble dupersonnel de l’entreprise (DominionPost, 4 mars 2006).

! Une étude réalisée en 2002 par l’Alco-hol and Drug Abuse Commission del’Alberta indique que 8 pour cent des755 employés concernés par l’enquêtereconnaissent que leur entreprise s’estdotée de programmes de détection dela consommation d’alcool ou dedrogues, alors que le chiffre n’était que de 1 pour cent en 1992 (CalgaryHerald, 11 juin 2005).

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! Aux Etats-Unis, l’American Manage-ment Association indique une aug-mentation de plus de 1 200 pour centdu nombre de dépistages depuis1987, date à laquelle la WorkplaceDrug-Free Act a été introduite. La loifait obligation aux entreprises quireçoivent des subventions du gou-vernement fédéral ou qui passent desmarchés avec ce dernier de faire ensorte qu’il n’y ait pas trace dedrogues sur le lieu de travail et inciteles employeurs à prendre desmesures de lutte contre la toxico-manie et à proposer une formationau sein de l’entreprise (PersonnelToday, 25 janv. 2006).

TOLÉRANCE ZÉRO OU CULTUREDE LA TOLÉRANCE?

■ Au cours de la dernière décennie, lapolitique suivie par l’OIT s’est orientéedélibérément vers la prévention de latoxicomanie sur le lieu de travail; l’Or-ganisation considère les problèmes liésà la drogue et à l’alcool comme desproblèmes de santé qu’il convient detraiter comme les autres problèmes dece type. Il arrive cependant que la pra-tique suivie par certaines entreprisess’écarte de la politique officielle dupays. Ainsi, bien qu’au Canada la toxi-co-dépendance soit officiellement con-sidérée comme un handicap, qui doitdonc, sauf cas de force majeure, êtrepris en charge en tant que tel sur le lieude travail, beaucoup d’employeurscanadiens, craignant d’être confrontésà des pertes de productivité et à unsurcroît de coûts de réadaptation, prô-nent résolument le principe de latolérance zéro. (OSH Canada, 1er oct.2005)

■ D’aucuns pensent qu’une bonnesolution consisterait à adopter une poli-tique de dépistage systématique au seinde l’entreprise, plutôt que de ne viserque les individus dont on est en droit desoupçonner le comportement. BritishAirways, par exemple, a récemmentchoisi d’imposer un test de dépistage deconsommation de drogues ou d’alcool àl’ensemble des membres du personnelen poste au Royaume-Uni, depuis lebagagiste jusqu’au personnel de direc-tion. La compagnie explique que cettepolitique vise à accroître l’efficacité et àrenforcer la sécurité. En vertu de cesnouvelles dispositions, tout nouveaumembre du personnel, sélectionné auhasard, peut être appelé à subir un testau cours des six premiers mois de tra-vail; il en va de même pour toute per-sonne reprenant le travail après avoir

subi un traitement de désintoxication,qu’il s’agisse de drogue ou d’alcool (Per-sonnel Today, 29 juin 2004).

■ De la même manière, aux Etats-Unis, une section de l’Associationnationale des entrepreneurs électriciens(NECA) a institué un programme dedépistage aléatoire des drogues pourtous leurs sous-traitants et l’ensemblede leur personnel, depuis les proprié-taires de l’entreprise jusqu’aux secré-taires. Il y a déjà longtemps que lesdirigeants locaux souhaitaient adoptercette pratique, mais, pour des raisonspolitiques, la mise en œuvre du pro-gramme se heurtait à un certain nom-bre de difficultés. Aux Etats-Unis, selonla NECA, c’est dans les métiers du bâti-ment que la toxicomanie pose le plus deproblèmes. Le test de dépistage ayantlieu une fois par an, les employéssavaient précisément la date où il devaitêtre effectué, ce qui, de toute évidence,enlevait beaucoup de leur efficacité àces tests. Dans le cas des tests pratiquésau hasard, en revanche, les employés nesont avertis que huit heures à l’avance(Quad City Times, 5 janv. 2006).

■ Un laboratoire d’Adélaïde (Aus-tralie), qui soumet régulièrement desmédecins à des analyses d’urine en vuede déceler la consommation dedrogues, préconise l’instauration d’undépistage obligatoire pour tous lesmédecins et les pilotes. Ce sont lesrésultats de ces tests – mettant en évi-dence la présence d’analgésiques puis-sants, de péthidine, de morphine et debenzodiazépines – qui ont incité le la-boratoire à intervenir. Le ministère de laSanté attend actuellement la publica-

tion d’un rapport sur le dépistage obli-gatoire des médecins avant de rendre sadécision (Sunday Mail, 22 janv.2006).

ATTENTION AUX CAS DEFAUX POSITIFS

■ Supposons qu’un particulier con-sente à passer un test de dépistage, quece dernier soit effectué au hasard oudans le cadre d’un dépistage systéma-tique avant l’embauche, et que les résul-tats du laboratoire mettent en évidencedes traces du narcotique qui entraîne laplus forte accoutumance, à savoirl’héroïne, à quoi faut-il s’attendre? Endépit des premiers résultats, les expertsexpliqueront qu’il se peut que la per-sonne en question n’ait pas consomméd’héroïne, mais seulement absorbéd’importantes quantités de graines depavot – les deux substances proviennenten effet du pavot à opium. C’est pourcette raison que le gouvernementfédéral a récemment relevé de 300 à 2 000 nanogrammes par millilitre leseuil de positivité pour la détection desopiacés (New York Times, 11 janv. 2005).

■ Il se pourrait également que les résul-tats d’un test dépendent en partie de lacoloration des cheveux du sujet. De fait,certains employeurs préfèrent la tech-nique de dépistage faisant appel àl’analyse capillaire, car ce procédé permetde déceler la consommation de droguesjusqu’à trois mois après la prise, alors queles analyses d’urine ne sont efficaces quepour une période de un à trois jours. Cer-taines études avancent toutefois que lesbruns risquent davantage d’être déceléscomme positifs; en effet, les cheveuxnoirs contiennent un taux de mélanine

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Les bonnes pratiques en matière de dépistagedes drogues et de l’alcool sur le lieu de travailLes employeurs qui décident de soumettre leur personnel à des tests dedépistage doivent mettre en oeuvre un certain nombre de bonnes pra-tiques:! PPoolliittiiqquuee ddee ll’’eennttrreepprriissee.. Elle doit être consignée dans un document

écrit, dont le contenu doit être porté à la connaissance de tous lesintéressés. Seront visés: la prévention, l’identification, le conseil, letraitement, la réadaptation, et les conditions déclenchant l’applica-tion de mesures disciplinaires.

! CCoonnffiiddeennttiiaalliittéé.. La règle de confidentialité doit être strictementobservée.

! QQuuaalliittéé.. Le test initial et les méthodes de confirmation doivent repo-ser sur différents principes de la chimie analytique ou différentesséparations chromatiques (première détection par dosageimmunologique, confirmation par chromatographie en phasegazeuse). Les tests doivent être effectués par un laboratoire agrééappliquant un protocole approuvé.

! CCoonnssuullttaattiioonn.. La politique de l’entreprise doit être élaborée en con-sultation avec le personnel et/ou ses représentants.

! SSuuiivvii.. Les procédures doivent être régulièrement réexaminées, le butétant d’apporter de constantes améliorations.

Quelles mesures l’employeur peut-il appliquer en dehors des tests dedépistage, ou en conjugaison avec eux?

! Adoption de politiques et de programmes de prévention s’inspirant durecueil de directives pratiques du BIT de 1996.

Le recueil de directives pratiques du BIT

Le recueil de directives pratiques du BIT de 1996 adopte une approcheessentiellement préventive et:

! invite les employeurs et les travailleurs et leurs représentants respectifsà évaluer de concert les effets de la consommation d’alcool et de droguessur le lieu de travail, et à collaborer à l’élaboration d’un texte définissantla politique de l’entreprise en la matière;

! pose que les problèmes liés à l’alcool et aux drogues devraient être con-sidérés comme des problèmes de santé et traités par conséquent sansdiscrimination comme tous les autres problèmes de santé au travail;

! recommande que la réglementation en matière d’alcool et de droguesapplicable sur le lieu de travail porte sur tous les aspects relatifs à laprévention, à la réduction et à la prise en charge des problèmes liés à laconsommation de ces substances, et que les programmes correspon-dants en matière d’information, d’éducation et de formation soient si pos-sible intégrés dans des programmes plus généraux touchant lesressources humaines, les conditions de travail ou la sécurité et la santéau travail;

! s’attache à fixer le plus précisément possible les principes éthiques sanslesquels il ne saurait y avoir d’action efficace et concertée, tels que lecaractère confidentiel des informations privées et le droit de l’employeurà sanctionner les fautes professionnelles, y compris lorsque celles-cisont liées à l’usage de l’alcool et de stupéfiants.

plus élevé, ce qui facilite la liaison descomposés recherchés avec les cheveux(Associated Press, 31 août 2005). Il estdonc nécessaire de valider les résultatsdes tests et de vérifier, en faisant appel àun médecin, si les résultats positifs sontrévélateurs d’une toxicomanie (OHSCanada, 2005).

■ Ces divers exemples montrent bienque les employeurs qui décident d’appli-quer une politique de dépistage s’avan-cent véritablement en terrain miné. Il esttoutefois manifeste que, dans toutes lesbranches, les dirigeants d’entreprisesouhaiteraient disposer de directives plusclaires sur la manière de faire face auproblème de la drogue sur le lieu de tra-vail. Une étude effectuée en 2004 sur desemployeurs britanniques révèle que laplupart de ces derniers n’avaient pasadopté de politiques de dépistage, maisqu’ils ne savaient pas non plus très bienpar où commencer. Les deux tiers environdes dirigeants interrogés ont déclarésouhaiter que le gouvernement introduiseune législation sur le dépistage, pourautant qu’elle permette de maintenir unéquilibre entre le droit de l’employeur derecruter des employés qui ne consom-ment pas des substances illicites et le droitdu salarié au respect de sa vie privée (Per-sonnel Today, 7 sept. 2004).

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DEUX CHEFS D’ETAT ET DES REPRÉSENTANTS TRIPARTITES DE HAUT NIVEAU

Mme Ellen Johnson Sirleaf, Présidente de laRépublique du Libéria

M. Oscar Arias Sánchez, Président du CostaRica

M. Jorge de RegilM. Cestmir Sajda Mme Aisha Abdel Hady M. N.M. Adyanthaya

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95e Conférence internationale du TravailUne nouvelle norme internationale en matière de sécurité et de santéChangements dans le monde du travail

Les séances de travail de la 95e Conférenceinternationale du Travail ont été en grandepartie consacrées aux profonds change-ments survenus dans le monde du travail età la nécessité de promouvoir le travaildécent. Les 4000 participants ont égalementadopté, à une très large majorité, une nou-velle convention sur la sécurité et la santé autravail, placé la relation de travail sous unéclairage nouveau et examiné un ensemblede questions relatives aux normes.

GENÈVE – Pertinence et renouveau, tels sont lesdeux mots clés qui ont inspiré cette année les travauxde la 95e Conférence internationale du Travail. Lorsdu discours de clôture, Juan Somavia, Directeurgénéral, a déclaré que la Conférence avait permisd’établir pour le 21e siècle des normes utiles etapplicables partout dans le monde et à tous les stadesde développement, et avait investi l’OIT d’une mis-sion de première importance, qui est de participerpleinement au renouvellement du système multi-latéral en s’appuyant sur la reconnaissance dont ellebénéficie en tant qu’«institution du travail décent».

Le travail décent était en effet au cœur des préoc-cupations de bon nombre de délégués présents àcette session de la CIT – qui réunit des représentantsdes gouvernements, des travailleurs et desemployeurs des 179 Etats membres de l’OIT. Ils sesont notamment intéressés au concept de travaildécent du point de vue de la sécurité et de la santé autravail, sous l’angle des relations entre salariés etemployeurs, ainsi que comme moyen d’apaiser lesinquiétudes et les doutes suscités dans le monde dutravail par la rapidité des changements en cours.

M. Somavia a déclaré que le nouveau rapport duBIT intitulé «Les changements dans le monde du tra-vail» avait donné lieu à «des contributions extrême-ment riches et intéressantes» qui aideront l’OIT àélaborer sa future ligne d’action. Il est certain que lesévolutions actuelles contribuent à créer un sentimentde malaise chez les travailleurs, et la discussion àlaquelle ont donné lieu les conclusions de ce rapport– dont la rédaction a nécessité une année de travail et

ors d’une séance en plénière, MmeEllen Johnson Sirleaf, Présidente de

la République du Libéria, a déclaré qu’ilétait urgent de tout mettre en œuvre pourassurer la paix et le développement deson pays. «Le chômage aurait atteint lechiffre aussi incroyable qu’inacceptablede 85 pour cent», a rappelé lors d’unesession spéciale de la CIT celle qui estaujourd’hui la première femme élue à latête d’un pays africain. Selon elle, lesjeunes qui n’ont d’autre horizon que lechômage et l’oisiveté ne peuvent quecéder au désenchantement. «Pournous», a-t-elle ajouté, emploi et paix sontsynonymes.

M. Oscar Arias Sánchez, Président duCosta Rica, a lancé un appel pour quesoient rapidement prises des mesures

concrètes permettant d’introduire davan-tage d’équité dans le processus de mon-dialisation. «Il y a un lien essentiel entrel’emploi décent et la paix, entre le travailet la dignité humaine. Le droit au travailest un droit fondamental, et sans respectdes droits fondamentaux, la paix ne peutêtre qu’un vœu pieux», a-t-il déclaré auxdélégués de la Conférence.

La Conférence était présidée parM. Cestmir Sadja, député et ministre duTravail et des Affaires sociales de laRépublique tchèque. Les vice-présidentsétaient Mme Aisha Abdel Hady (gou-vernement), ministre de la Main-d’œuvreet de la Migration d’Egypte, M. Jorge deRegil (employeurs), du Mexique, etM. Adyanthaya (travailleurs), d’Inde.

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qui constitue à ce jour l’étude la plus approfondiesur la quasi-totalité des aspects du monde du tra-vail – devait marquer le départ d’un débat per-manent sur les futures activités de l’OIT.

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De nouvelles mesures pour le monde du travail

Les délégués ont adopté de nouvelles normes etmesures en matière de sécurité et de santé au tra-vail. Ils ont adopté, à une très large majorité, unenouvelle convention concernant le cadre promo-tionnel pour la sécurité et la santé au travail,accompagnée d’une recommandation sur ledéveloppement, dans le cadre de programmesnationaux de sécurité et de santé au travail, d’une«culture de la prévention en matière de sécurité etde santé».

L’OIT estime qu’environ 6000 travailleursmeurent chaque jour des suites d’accidents ou demaladies liés au travail. Ces nouvelles mesuresvisent donc à promouvoir une «culture de laprévention en matière de sécurité et de santé» eninscrivant ces deux thèmes parmi les grandes prio-rités nationales. Concrètement, il s’agira de lancerdes programmes nationaux de sécurité et de santéau travail et, par l’adoption de mesures préventives,de faciliter l’instauration de milieux de travail plussûrs et plus salubres. La convention a été adoptéepar 455 voix pour, 2 contre et 5 abstentions; larecommandation qui l’accompagne a égalementété adoptée: 458 voix pour, 3 contre et 6 absten-tions. Ces mesures reposent sur la Stratégie globalede l’OIT en matière de sécurité et de santé au tra-

vail adoptée par la Conférence internationale duTravail en 2003. Cette stratégie souligne la nécessitéde mettre en place et de préserver une culture de laprévention en matière de sécurité et de santé etd’adopter une approche systémique de ces ques-tions.

Les délégués ont également adopté à la majoritéune résolution concernant l’amiante, responsablede 100 000 décès par an. La résolution pose que lasuppression de tout usage futur de l’amiante, ainsique l’identification et la gestion correcte de l’ami-ante actuellement en place, constituent le moyen leplus efficace de protéger les travailleurs contre l’ex-position à ce matériau et de prévenir de futurs ma-ladies et décès. Elle pose également que la conven-tion de l’OIT (n°162) sur l’amiante, 1986, ne doitpas servir à justifier ou à avaliser à l’avenir l’emploide l’amiante.

De nombreux délégués ont également été favo-rables à l’adoption d’une recommandation sur larelation de travail. Il est proposé aux Etats mem-bres d’élaborer et d’adopter, en consultation avecles travailleurs et les employeurs, des directivesnationales sur la manière de déterminer efficace-ment l’existence d’une relation de travail, de faire ladistinction entre travailleurs salariés et travailleurs

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indépendants, de combattre les relations de travaildéguisées et d’établir des normes applicables àtoutes les formes de relations contractuelles.

Les délégués ont également examiné le pro-gramme de coopération technique de l’OIT en te-nant compte des changements survenus depuis ledernier bilan effectué lors de la Conférence de1999. Ces changements concernent aussi bien lastratégie générale de l’OIT que les modalités de sesprogrammes et de ses activités, comme l’attestel’évolution des programmes par pays de promotiondu travail décent et des partenariats avec les orga-nisations des Nations Unies et d’autres acteurs. Lanécessité de renforcer la participation des membrestripartites de l’OIT aux activités de coopérationtechnique a été soulignée.

Notant que «le plein emploi productif et le tra-vail décent impriment une impulsion détermi-nante au développement et constituent par con-

séquent des objectifs prioritaires de la coopérationinternationale», la commission a passé en revuetous les aspects de la coopération technique. Lestravaux de la commission constitueront une sourceprécieuse d’informations pour le prochain débatde haut niveau du Conseil économique et social,qui portera cette année sur le travail décent et ledéveloppement durable.

Les délégués ont également examiné le rapportannuel du BIT sur la situation des travailleurs dansles territoires arabes occupés. On y apprend que lapauvreté et le chômage continuent d’empirer, mal-gré la légère embellie économique de l’an dernier,elle-même survenue après un déclin très prononcé.Quatre Palestiniens sur dix vivent toujours endessous du seuil de pauvreté, avec moins de 2,10dollars par jour. En chiffres absolus, le nombre depauvres est passé de 600 000 en 1999 à 1,6 millionsen 2005.

APPLICATION DES NORMES

es délégués ont également examiné la questiondu travail forcé au Myanmar ainsi que celle des

droits au travail dans d’autres pays. S’agissant duMyanmar, ils ont rappelé qu’aucun progrès ne pouvaitêtre réalisé sans un véritable engagement de la partdu gouvernement. Ce dernier a été notamment invitéà prendre des mesures concrètes et vérifiables, àsavoir la libération de toute personne incarcérée pouravoir eu des contacts avec l’OIT, l’abandon des pour-suites en cours avant la fin du mois de juillet et, d’icile mois d’octobre, la mise au point, en collaborationavec l’OIT, d’un mécanisme crédible permettant d’ins-truire les plaintes relatives au travail forcé et offranttoutes les garanties nécessaires en ce qui concernela protection des plaignants.

Le Conseil d’administration, qui vérifiera lors de lasession de novembre 2006 que ces mesures ont étéeffectivement mises en œuvre, aura plein pouvoirspour décider de la ligne d’action la plus appropriée.Pendant la Conférence, le Myanmar a fait part de savolonté de coopérer avec l’OIT et a annoncé la libéra-tion de Su Su Nwe, libération réclamée par l’OITdepuis sa mise en détention l’an dernier, quelquesmois après qu’elle ait intenté avec succès une actionen justice contre des fonctionnaires du gouverne-ment pour travail forcé.

La Conférence a adopté un rapport de la Commis-sion de l’application des normes, qui, à partir de 25cas particuliers, illustre la manière dont les Etatsmembres de l’OIT ont appliqué les conventions sur laliberté d’association, le travail forcé, le travail desenfants, la discrimination, la politique de l’emploi,l’inspection du travail, les salaires, etc. (Pour plus dedétails, se reporter aux communiqués de presse du BIT).

La commission a également pris note d’un accordhistorique entre le gouvernement, les employeurs etles travailleurs de Colombie. Cet accord prévoit unereprésentation permanente de l’OIT dans le pays,auquel l’Organisation fournira une assistance tech-nique dans le cadre du programme national de pro-motion du travail décent. Ce programme est axé sur ladéfense et la promotion des droits fondamentaux destravailleurs, notamment la liberté d’association etd’expression, le droit de négociation collective, et,pour les employeurs, la liberté d’entreprendre.

L’étude d’ensemble portait cette année sur l’ins-pection du travail. La commission a rappelé que l’ins-pection du travail joue un rôle crucial dans la protec-tion des travailleurs et l’application du droit du travailau niveau national, et qu’elle est également un élé-ment clé d’une bonne gouvernance dans le monde dutravail.

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Un recueil de directives pratiques permet denouvelles avancées au profit des travailleursdu secteur des industries extractives

Lors de leur réunion au BIT, en maidernier, les experts désignés par les tra-vailleurs, les employeurs et les gouverne-ments ont adopté un nouveau recueil dedirectives pratiques sur la sécurité et lasanté dans les mines de charbon souter-raines. Ces directives ont pour but d’as-surer la sécurité et la santé de tous ceuxqui travaillent dans ce secteur, l’un desplus dangereux au monde.

GENÈVE – L’extraction du charbon joue un rôleimportant dans une cinquantaine de pays, en four-

nissant le combustible nécessaire à l’industrialisationet en contribuant à la production d’énergie et d’acier.Mais c’est également l’un des secteurs les plus dan-gereux et les plus polluants; chaque année, des mil-liers de mineurs de fond meurent suite à des acci-dents dans les galeries.

On constate cependant une nette évolution; grâceà l’introduction de nouvelles technologies, à desinvestissements plus importants, à l’accent mis sur laformation, grâce également à un changement d’atti-tude chez les autorités compétentes, les employeurs,les travailleurs et leurs représentants, des progrès si-gnificatifs ont pu être enregistrés dans les domainesde la sécurité et de la santé. Aujourd’hui, pour la pre-mière fois, l’OIT et ses mandants proposent, avec cenouveau recueil de directives pratiques, un texte qui

Pendant la période 2006-2007, le Conseil d’administra-tion du BIT sera présidé par M.Membathisi Mphumzi ShepherdMdladlana, ministre du Travailde la République d’Afrique duSud. M. Mdladlana succède àM. Carlos Tomada, président duConseil pendant la période2005-2006. M. Mdladlana estministre du Travail depuis 1998.

Daniel Funes de Rioja, prési-dent du Département de lapolitique sociale de l’Unionindustrielle d’Argentine etprésident du Groupe desemployeurs de l’Organisationdes Etats américains, a été rééluvice-président des employeurs.Sir Roy Trotman, secrétaire

général du Syndicat des travailleurs de la Bar-bade et porte-parole du groupe des travailleursau sein du Conseil, a été réélu vice-président dece groupe. Tous trois constitueront le bureau duConseil pendant la période 2006-2007.

Le Conseil d’administration a égalementapprouvé le 342e rapport du Comité de la libertésyndicale, qui porte sur 31 cas. Le Comité estactuellement saisi de 102 cas. (Pour plus de ren-seignements, se reporter au communiqué depresse BIT/06/32.)

296e session du Conseil d’administration

M. MembathisiMphumziShepherd

Mdladlana

M. Daniel Funesde Rioja Sir Leroy Trotman

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devrait sauver de nombreuses vies humaines.Ce nouveau recueil a été adopté lors d’une

réunion tripartite pour remplacer le recueil envigueur depuis 1986 et tenir compte des nom-breux changements survenus dans le secteur ducharbon ainsi que des nouveaux instruments del’OIT en matière de sécurité et de santé au tra-vail. Il définit un cadre national qui précise lerôle des autorités compétentes, des employeurs,des travailleurs et de leurs organisationsreprésentatives. Il propose également une mé-thode pour identifier, prévenir et réduire lesrisques au minimum, ainsi qu’un ensemble dedirectives pour sécuriser le travail des mineursde fond. Il fournit enfin de précieux conseils pra-tiques dans le prolongement des dispositions dela convention (n°176) sur la sécurité et la santédans les mines, 1995, et de la recommandationcorrespondante (n° 183).

Le recueil a été adopté par 23 expertsreprésentant les gouvernements, les employeurset les travailleurs, au terme d’une réunion de sixjours. Il sera soumis pour approbation au Con-

seil d’administration en novembre 2006. (Pourplus de renseignements, se reporter au commu-niqué de presse BIT/06/20.)

La Réunion régionale des Amériques de l’OIT définitun «agenda de l’hémisphère», plan d’action en faveurdu travail décent pour les dix prochaines années

La seizième Réunion régionale del’OIT, qui s’est tenue à Brasilia du 3 au 8mai, a annoncé le lancement d’unedécennie du travail décent sur le conti-nent américain. Cette réunion s’estdéroulée dans un contexte marqué par lespréoccupations suscitées par l’importantdéficit d’emplois qui touche l’Amériquelatine, et auquel il faudra remédier par lacréation d’un million de nouveauxemplois.

BRASILIA – Le président du Brésil Luiz InácioLula da Silva a déclaré aux participants que ledéveloppement des démocraties était indispensablepour améliorer le monde du travail.

Juan Somavia a présenté aux délégués le rap-port: Travail décent dans les Amériques: l’agenda del’hémisphère 2006-2015, qui examine les différentsaspects de la situation à laquelle est confrontée lecontinent américain et formule des recommanda-tions concernant les politiques à mettre en œuvrepour résoudre les problèmes d’emploi que connaîtla région, notamment le déficit d’emplois formelsqui touche 126 millions de personnes en Amériquelatine.

«Nous engager dès maintenant dans une décen-nie du travail décent nous permettrait d’escompterd’importantes avancées dans la région d’ici 2015»,a déclaré M. Somavia lors de la séance de clôture.Il a ajouté que les conclusions de la réunionseraient «extrêmement utiles» pour aborder cette«période de grand changement» dans la région.

Celso Amorim, ministre brésilien des Affaires

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étrangères a souligné l’importance du concept detravail décent, qui «donne aux gens le sentiment departiciper à l’effort collectif», ainsi que la nécessitéde stimuler la croissance économique, tout en rap-pelant que cette dernière ne constituait pas une finen soi. (Pour davantage de détails, se reporter aucommuniqué de presse BIT/06/18.)

Une nouvelle décennie en faveur du travail décent

Le rapport de clôture indique que la réunion deBrasilia marque le commencement d’une décenniedu travail décent dans les Amériques, et souligneque les pays de la région sont conscients de lanécessité de concevoir et de mettre en œuvre despolitiques publiques nationales qui intègrent ledialogue social.

Ces politiques devront stimuler les investisse-ments nationaux et étrangers, viser une croissance

économique dont personne ne soit exclu, promou-voir le travail décent par la création d’emplois dequalité, la mise en place d’une protection sociale etle respect rigoureux des droits des travailleurs.

Les délégués ont unanimement reconnu l’im-portance des programmes nationaux de promotiondu travail décent présentés dans l’Agenda del’hémisphère, ainsi que la nécessité d’adapter lespolitiques aux réalités nationales. Selon eux, cesprogrammes peuvent largement contribuer à lapromotion d’un développement économique etsocial durable.

Le développement de ces programmes nationauxnécessite une participation directe des organisationsd’employeurs et de travailleurs au niveau national.L’OIT est invitée à promouvoir des mécanismes tri-partites pour donner suite à la réunion.

«Nous sortons d’ici fortifiés, avec un mandattrès clair et très concret», a déclaré M. Somavia.

La quatorzième Réunion régionale asienne se tiendra à Busan, République deCorée, du 29 août au 1er septembre 2006.

Le Président Luiz Inácio Lula da

Silva lors du lancement du rapport

global de l’OIT, La fin du travail des

enfants : un ojectif à notre portée.©

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43TRAVAIL, N° 57, SEPTEMBRE 2006

ACTIVITÉS ORGANISÉES DANS LE MONDEENTIER PAR L’ORGANISATION INTERNATIONALEDU TRAVAIL OU AVEC SON APPUI

C H A M P S D ’ A C T I O N

permis d’améliorer considérable-ment les conditions de travail de600 agriculteurs. Le ministère duTravail, des Invalides et des Affairessociales a prévu de réaliser uneétude de faisabilité sur la ratifica-tion de la convention no 184 del’OIT relative à la sécurité et lasanté dans l’agriculture, 2001.

Pour tout renseignement, s’adresserau Bureau régional de l’OIT pourl’Asie et le Pacifique, à Bangkok.Tél. +662/288-2202; fax +662/288-1076; courriel : [email protected].

La prévention, seulmoyen de garantir lasécurité et la santéau travail■ Le dernier numéro du bulletinde l’Asie et du Pacifique sur lasécurité et la santé au travail portesur la prévention des accidents dutravail et des maladies profession-nelles. Dans la convention et larecommandation sur le cadre pro-motionnel pour la sécurité et lasanté au travail, qu’elle a adoptéesà l’occasion de la session de laConférence internationale du Tra-vail de juin 2006, l’OIT préconisevivement l’adoption de pro-grammes nationaux de sécurité etde santé au travail. Selon JukkaTakala, directeur du ProgrammeSafeWork du BIT, la direction desentreprises ou organisations joue

Sécurité au travaildans l’agriculture au Viet Nam■ L’agriculture est le plus impor-tant secteur économique du VietNam; elle emploie 58 pour cent des actifs du pays. Toutefois,comme dans d’autres pays endéveloppement, c’est aussi l’un dessecteurs qui compte le plus grandnombre de victimes d’accidents dutravail et de maladies profession-nelles. A ce jour, le volet viet-namien du Programme régionalOIT/Japon pour le renforcementdes capacités en matière de sécu-rité et santé au travail dans l’agri-culture, qui a démarré en 2004, a

un rôle central à cet égard, mais unsoutien national et des pro-grammes ciblés sont indispen-sables pour installer durablementune culture de la prévention.

La version électronique de ce bul-letin, intitulé Newsletter on Occupa-tional Safety and Health, vol. 13,no 1 (2006), peut être consultée àl’adresse :www.occuphealth.fi/Asian-Pacific-Newsletter.

Un football sanstravail des enfants■ A l’approche de la Coupe duMonde de football, l’OIT a publiéune brochure sur la lutte contre letravail des enfants dans les fa-briques de ballons du district deSialkot, au Pakistan. Un projetadministré par le BIT depuis 1997 acontribué à changer considérable-ment l’attitude des parents, desautorités et des employeurs de cedistrict en leur faisant comprendrel’importance de l’école pourl’avenir des enfants. Plus de 95 pourcent des fabriques de ballons fonc-tionnent désormais sans recourir autravail des enfants et, depuis ledébut du projet, plus de 10 000jeunes ont bénéficié d’une aidepour pouvoir étudier. La brochureprésente l’histoire de cette réussiteet propose d’autres mesures à pren-dre pour abolir le travail des enfantsdans d’autres pays ou branchesd’activité.

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44 TRAVAIL, N° 57, SEPTEMBRE 2006

R U B R I Q U E S

Pour tout renseignement, consulter:www.ilo.org/public/english/standards/ipec/publ/download/2004_soccerball_en.pdf

Appui auxcoopérativesafricaines ■ L’Alliance coopérative interna-tionale (ACI) et l’OIT ont lancé unecampagne mondiale des coopéra-tives pour lutter contre la pauvreté.La première action entreprise dansce contexte a été la réalisation d’unprojet de recherche sur la créationd’un fonds d’appui aux coopérativesafricaines. Ce travail, financé par legouvernement du Royaume-Uni(DFID), a permis d’évaluer la con-tribution que pourraient apporterles coopératives et les entreprises detype communautaire à la créationd’emplois décents et d’activitéséconomiques, à la mise en placed’une protection sociale de base et àl’amélioration de la représentationdans les secteurs rural et informeldes pays africains.

L’OIT et l’ACI ont approuvé laconfiguration du fonds d’appui lors

d’une réunion tenue en avril àNairobi, à laquelle ont participé 15dirigeants de coopératives de toutesles sous-régions africaines. En outre,les participants se sont prononcésavec enthousiasme en faveur de l’u-tilisation de ce fonds comme méca-nisme de coordination pour organi-ser, sur le continent africain, despôles de compétence – institutionsd’enseignement supérieur et centresde formation par exemple – au ser-vice du mouvement coopératif.

Pour tout renseignement, consulterwww.ica.coop/outofpoverty/

Cours au Centrede Turin surles droits despeuples indigènes■ Le Centre de formation de Turinorganise, du 25 au 29 septembre

2006, un cours intitulé: «Peuplesindigènes et tribaux: droits etbonnes pratiques». L’OIT travailleavec les peuples indigènes et tribauxdepuis les années vingt. Elle a adoptéle seul instrument internationalactuellement en vigueur qui soitexclusivement consacré aux droitsde ces peuples. Son action dans cedomaine comporte deux grandsvolets: l’adoption et la supervisionde normes ainsi que l’assistance auxpeuples indigènes et tribaux, et auxEtats membres.

Le cours s’adresse aux fonc-tionnaires des ministères chargésdes Affaires indigènes et tribales,aux représentants de peuplesindigènes, aux responsables d’ins-titutions bilatérales et multi-latérales concernées par la ques-tion indigène, aux représentantssyndicaux et aux ONG.

Pour des renseignements sur le coursou pour s’inscrire, s’adresser auCentre de Turin, tél. +39011/693-6671;fax +39011/693-6767; courriel: [email protected].

Maria et Sauda, membres d’une Coopérative de femmes, à Mtongani, Tanzanie: projet de champignonnière et de poulailler, soutenu par l’OIT

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C H A M P S D ’ A C T I O N M É D I A T H È Q U EL E S N O U V E L L E SP L A N È T E T R A V A I L

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45TRAVAIL, N° 57, SEPTEMBRE 2006

Equilibrer laflexibilité et la sécuritésur le marchédu travail■ L’OIT a organisé, les 11 et 12 maià Budapest, un séminaire tripartitedurant lequel de hauts représentantsdes ministères du Travail et despartenaires sociaux ont fait le pointsur les mesures prises dans les paysdu Centre et du Sud-Est de l’Europe(CSEE) pour équilibrer flexibilité etsécurité sur le marché du travail. Enguise d’introduction, des expertsinternationaux ont présenté uneanalyse comparative de l’évolutiondes indicateurs, des institutions etdes politiques du marché du travaildes pays concernés ainsi que de sesconséquences sur le plan de l’égalitédes sexes. Cette analyse sera publiéesous forme de livre à la fin de 2006.Le but du séminaire était d’envisagerle suivi du projet «flexicurité» que

l’OIT a lancé en 2003 en Bulgarie,Croatie, Hongrie, Pologne et Lituanie.

Pour tout renseignement, s’adresserau Bureau sous-régional de l’OITpour l’Asie centrale et orientale, àBudapest. Tél. +361/301-4901; fax +361/353-3683; courriel: [email protected].

VIH/sida et travail enAmérique latine■ En sa qualité de présidente duComité des organisations copar-rainantes de l’ONUSIDA, l’OIT aorganisé le 6 mai, dans le cadre de laRéunion régionale qu’elle tenait auBrésil, une rencontre des ministreset des représentants de la sociétécivile des pays d’Amérique latine etdes Caraïbes. Le but de cette ren-contre, dont le Directeur généralJuan Somavia a prononcé le dis-cours d’ouverture, était de dresser lebilan des mesures déjà prises pourcombattre le VIH/sida dans lemonde du travail et d’envisagerl’avenir à la faveur d’un échange devues avec des ministres, des organi-sations de travailleurs et d’em-ployeurs, des institutions desNations Unies, des représentants dela société civile et en particulier despersonnes qui vivent avec leVIH/sida.

Selon un récent communiqué depresse de l’OIT, environ 2 millionsde personnes sont contaminées et600 000 ont succombé au sida aucours de ces vingt dernières annéesdans la région. Et selon certainesestimations, 500 personnes con-tracteraient chaque jour le virus.

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46 TRAVAIL, N° 57, SEPTEMBRE 2006

R U B R I Q U E S

■ Beyond the scoreboard: Youthemployment opportunities andskills development in the sportssectorGiovanni di Cola (dir.). ISBN 92-2-117968-0. Genève, 2006. 25 eurosou 30 francs suisses.

D’éminents experts livrent ici les résultats detravaux de recherche approfondis sur le rôle dusport dans le développement social et l’employabi-lité des jeunes. Ce faisant, ils passent en revue lesnombreux problèmes auxquels se heurte le mondedu sport, notamment en ce qui concerne l’égalitédes sexes, l’insertion sociale des athlètes handi-capés et la sécurité. Les auteurs expliquent que lesport peut être un nouveau moyen d’attirer l’atten-tion sur des sujets tels que la prévention du VIH/sidaet la réduction de la violence et de la pauvreté. Ilssoulignent la nécessité d’un encadrement éthiquedu sport et l’importance de l’éducation physique àl’école. Enfin, ils montrent que le sport est unesource d’emplois aux échelons local, régional etmondial.

■ Career guidance: A resourcehandbook for low- and middle-income countriesISBN 92-2-118376-9. Genève, 2006.20 euros ou 30 francs suisses.

Ce manuel est un guide incon-tournable sur la création de systèmes d’orientationprofessionnelle efficaces, l’information sur les car-rières, l’organisation des services, la formation dupersonnel et l’amélioration de la gouvernance et dela coordination. Il contient des indications préciseset complètes destinées à aider les différentes pro-fessions à affronter les changements rapides qui seproduisent sur le marché du travail et la montée duchômage des jeunes. En outre, la présentationdétaillée des sites de l’Internet qui sont consacrés àl’orientation professionnelle sera extrêmement utileaux décideurs et aux responsables de la gestion des

carrières qui recherchent des renseignements surla conduite d’un entretien, l’évaluation du niveau deformation, les compétences requises pour les con-seillers, etc.

■ Changements dans le mondedu travailConférence internationale du Tra-vail, 95e session 2006, rapport I(C).Rapport du Directeur général.ISBN 92-2-216623-X. Genève, 2006.13 euros ou 20 francs suisses.

Ce rapport puise dans la base de connais-sances du BIT afin de répondre au nombre crois-sant de demandes adressées aux services duBureau. Il décrit une époque faite d’opportunitésmais aussi d’incertitudes, à l’heure où tombentcertains des obstacles qui ont longtemps empêchéles femmes et les hommes d’exploiter pleinementleurs capacités mais où, dans le même temps, lesbons emplois sur lesquels repose la sécuritéd’une vie meilleure sont de plus en plus difficilesà trouver.

■ Decent working time: Newtrends, new issuesJean-Yves Boulin, Michel Lalle-ment, Jon C. Messenger etFrançois Michon (dir.).ISBN 978-92-2-117950-4. Genève,

2006. 35 euros ou 50 francs suisses.Ce recueil d’articles écrits par d’éminents spé-

cialistes du monde entier propose une réflexion surl’évolution profonde de la notion de temps de travail,et même de la notion d’emploi, dans les pays indus-trialisés. Voir le compte rendu de cet ouvrage à lapage 29.

■ La fin du travail des enfants: unobjectif à notre portée Rapport global en vertu du suivi dela Déclaration de l’OIT relative auxprincipes et droits fondamentauxau travail 2006. Rapport du

Directeur général. ISBN 92-2-216603-5. Genève,2006. 25 euros ou 35 francs suisses.

Ce deuxième rapport global sur le travail desenfants démontre que, pour la première fois, le tra-vail des enfants a régressé dans le monde et queses pires formes sont celles qui disparaissent leplus rapidement. Voir le compte rendu de ce rapportà la page 14.

■ HIV/AIDS and work in a global-izing world 2005ISBN 92-2-118114-6. Genève, 2006.20 euros ou 30 francs suisses.

Cet ouvrage met en évidenceles liens indissociables qui existent

entre la pauvreté, le VIH/sida, la mobilité des tra-vailleurs et la mondialisation. Il analyse et évalueles dégâts causés par l’épidémie sur la santé et laqualité de la main-d’œuvre, qui font fuir lesinvestissements étrangers directs. Il donne uneestimation des populations menacées par leVIH/sida à cause de la pauvreté dans 34 paysd’Afrique subsaharienne, d’Asie, d’Amérique latineet des Caraïbes ainsi que dans les régions dévelop-pées. Enfin, il examine les changements néces-saires pour combattre et maîtriser l’épidémie deVIH/sida au niveau de l’entreprise ainsi qu’àl’échelle nationale et à l’échelle mondiale.

■ Meeting the employment chal-lenge: Argentina, Brazil, andMexico in the global economyJanine Berg, Christoph Ernst etPeter Auer. ISBN 92-2-117947-8.Genève, 2006; coédition Lynne

Rienner. 45 euros ou 70 francs suisses.Démontrant que la politique économique de

l’Argentine, du Brésil et du Mexique accorde lapriorité aux marchés au détriment des institutionset à l’ouverture internationale plutôt qu’audéveloppement national – aux dépens des tra-vailleurs de ces pays – les auteurs confirment,preuves à l’appui, la nécessité de placer la questionde l’emploi au centre de la politique économique etde la politique sociale.

■ Shipbreaking: What can bedone? ISBN 978-92-2-018790-6. Genève,2006. DVD. 40 francs suisses.

Avec ce DVD d’un type nou-veau, l’OIT a voulu braquer les

projecteurs sur la vie quotidienne de ceux quitravaillent sur les chantiers de démolition desnavires. Le documentaire The Shipbreakers, qui aété primé, met en lumière les dangers et les condi-tions de travail souvent atroces qui caractérisentces chantiers. Le DVD contient également le texteintégral du document de l’OIT intitulé Sécurité etsanté dans le secteur de la démolition de navires:Principes directeurs pour les pays d’Asie et laTurquie en anglais, français, espagnol, bengali, chi-nois, hindi, turc et ourdou.

■ Social dialogue and povertyreduction strategiesGraeme J. Buckley et GuiseppeCasale (dir.) ISBN 92-2-117541-3. Genève, 2006.63 euros ou 80 francs suisses.

On trouvera dans ce volumeune série d’études de cas tirées des activités réa-lisées par le BIT dans le cadre des processusnationaux de réduction de la pauvreté au Cambodge,

M É D I A T H È Q U E

L E S N O U V E L L E SP L A N È T E T R A V A I L C H A M P S D ’ A C T I O N M É D I A T H È Q U E

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47TRAVAIL, N° 57, SEPTEMBRE 2006

Les publications du Bureau international du Travail peuvent être obtenues dans les principales librairies ou auprès des bureaux locaux du BIT. On peut aussi se les procurer directement,de même qu’un catalogue ou une liste des nouvelles publications, à l’adresse suivante : Publications du BIT, Bureau international du Travail, CH-1211 Genève 22, Suisse. Tél. +4122/799-7828 ;fax +4122/799-6938 ; e-mail : [email protected]; site Internet : www.ilo.org/publns

en Ethiopie, au Ghana, en Indonésie et en Tanzanie.Les auteurs en dégagent des enseignements utilespour ceux qui exécutent des programmes de luttecontre la pauvreté et présentent de façon très con-crète non seulement les difficultés auxquelles seheurtent le BIT et ses partenaires, mais aussi lespossibilités de réussite qui s’offrent à eux.

■ Revue internationale du Travail

Vol. 145 (2006), nos 1-2

NUMÉRO SPÉCIAL: MIGRATIONS

Ce numéro double de la Revue interna-

tionale du Travail contient quatre articles

consacrés aux migrations, deux «perspec-

tives», l’une sur l’internationalisation de

l’emploi, l’autre sur la convention sur le tra-

vail maritime, 2006, et la présentation d’un

choix de livres et de publications du BIT,

dont plusieurs traitent aussi des migra-

tions.

Programmes de migration temporaire

Martin Ruhs examine le potentiel des pro-

grammes de migration temporaire pour aider les

pays à revenu élevé à satisfaire leur demande de

main-d’œuvre, faciliter l’accès de travailleurs de

pays à faible revenu au marché du travail de pays

plus riches, optimiser les effets des migrations sur

le développement des pays d’origine et calmer les

craintes que suscite l’immigration dans les pays

d’accueil. Il décrit les conditions et les mesures

nécessaires à la réussite de ces programmes.

Mondialisation du marché du travail des

personnels de santé

Paul F. Clark, James B. Steward et Darlene A.

Clark étudient les facteurs qui incitent infirmiers et

médecins à migrer, mesurent les coûts et avan-

tages de ces migrations et analysent les méthodes

de recrutement à l’étranger. Ils présentent ensuite

les explications théoriques du phénomène et con-

cluent sur les mesures possibles: agir sur les inci-

tations à émigrer, centrer la formation sur les

besoins locaux, signer des accords bilatéraux pour

maîtriser les migrations, etc.

Stratégie de la Chine pour faire revenir

les cerveaux

David Zweig examine les mesures prises par

la Chine pour inciter ses diplômés installés à

l’étranger à rentrer dans le pays. Tandis que les

administrations locales se font concurrence pour

les attirer, le gouvernement central s’efforce

de faciliter leur rapatriement et leur réinstallation,

notamment en leur octroyant un traitement

préférentiel et des avantages financiers et en

veillant à une meilleure diffusion de l’information.

Effets de l’immigration sur le marché du travail

de l’Italie

Pour déterminer les effets de l’immigration sur

l’emploi et le chômage des Italiens, Alessandra

Venturini et Claudia Villosio calculent la mesure

dans laquelle la présence de travailleurs immi-

grés influe sur la probabilité que les nationaux

trouvent un emploi ou perdent celui qu’ils occu-

pent. Elles démontrent ainsi qu’en règle générale,

la main-d’œuvre immigrée complète la main-

d’œuvre nationale plutôt qu’elle ne la concur-

rence.

L’internationalisation de l’emploi

L’auteur rend compte du troisième symposium

France-OIT, consacré à l’internationalisation de

l’emploi. La mondialisation se caractérise par l’in-

ternationalisation de l’emploi dans toute la chaîne

de valeurs, avec des délocalisations d’emplois, des

restructurations, des gagnants et des perdants. Les

participants ont exprimé la nécessité de mettre en

place un «système permanent de gestion des

ajustements».

La nouvelle convention maritime

L’adoption, en février 2006, par la Conférence

internationale du Travail réunie en session ma-

ritime, d’une véritable charte du travail maritime est

un événement à plusieurs égards. L’auteur

présente la convention et explique en quoi elle est

novatrice: regroupement des dispositions de plus

de 60 instruments antérieurs, modalités d’applica-

tion favorisant sa ratification et simplification de la

procédure de révision.

■ Social dialogue in theprocess of structural adjustmentand private sector participation inports: A practical guidance manualPeter Turnbull. ISBN 92-2-117721-1. Genève, 2006. 18 euros ou 27francs suisses.

Ce manuel propose des instruments permettantde gérer et faciliter le dialogue social dans les ports.Il s’adresse en particulier à ceux qui participent à laplanification ou à la mise en œuvre de grands pro-grammes d’ajustement structurel et de privatisation.On y trouvera des solutions concrètes et des listesde points qui doivent donner lieu à réflexion.

NUMERO SPECIAL MIGRATIONS

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La fin du travail des enfants

un objectif ànotre portée

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