Leçon 4 : Les métamorphoses du travail au 3ème âge du

1UNJF - Tous droits reacuteserveacutes

Grands problegravemes contemporainsLeccedilon 4 Les meacutetamorphoses du travail au 3egraveme acircge du capitalisme

Isabelle Sommier

Table des matiegraveres

Section 1 La transformation des modes de production p 2sect1 Le troisiegraveme acircge du capitalisme p 2

sect2 Le post-fordisme p 3

sect3 Les nouvelles formes de domination au travailp 5

Section 2 La nouvelle question sociale p 7sect1 Chocircmage et sous-emploi en perspective compareacuteep 7

sect2 La pauvreteacute en France et en Europep 9

sect3 De lrsquoexclusion agrave la deacutesaffiliation p 11


Le monde du travail a connu des bouleversements sans preacuteceacutedents au cours de ces cinquante derniegraveresanneacutees lrsquoemploi srsquoest feacuteminiseacute tertiariseacute et urbaniseacute il est aussi devenu plus qualifieacute Les contraintesassocieacutees au travail ont progressivement changeacute de nature avec la monteacutee des flexibiliteacutes moins de fatiguephysique mais davantage de stress au travail Surtout lrsquoemploi apparaicirct plus laquo eacuteclateacute raquo le regravegne de lagrande entreprise industrielle marqueacutee par une organisation du travail de type fordiste ou taylorien avecessentiellement des contrats de travail agrave dureacutee indeacutetermineacutee et agrave temps plein est aujourdrsquohui deacutepasseacute Onassiste agrave un eacutemiettement des situations qursquoil srsquoagisse des statuts et des situations drsquoactiviteacute entre lrsquoemploi et lechocircmage des dureacutees et des rythmes de travail des modes de reacutemuneacuteration ou mecircme des uniteacutes productives

RemarqueLe laquo retour de la question sociale raquo depuis les anneacutees 1990 semble fermer la boucle ouverte avec linvention

du travail salarieacute et la laquo question sociale raquo du XIXegraveme (voir leccedilon 2)

La question se pose aujourdhui en raison des meacutetamorphoses voire de la crise du travail meacutetamorphoses quisemblent affecter la capaciteacute du travail agrave faire le lien social

bull Donner un revenu de plus en plus de personnes en sont priveacutees et cette privation serait le premier pasvers lexclusion ou la deacutesaffiliation et la source principale de la fracture sociale

bull Il en va de mecircme pour donner une place une utiliteacute sociale dans la socieacuteteacute

bull Fournir agrave lrsquoindividu une identiteacute sociale est-il encore possible quand leacuteclatement du collectif de travailrend plus difficiles les meacutecanismes didentification collective quand la hantise de la perte de travail deacutetruitla solidariteacute quand les organisations syndicales sont elles aussi en plein marasme (voir leccedilon 9)

Section 1 La transformation desmodes de production

sect1 Le troisiegraveme acircge du capitalismeLuc Boltanski et Eve Chiapello dans Le nouvel esprit du capitalisme (Gallimard 1999) analysent laquo leschangements ideacuteologiques qui ont accompagneacute les transformations reacutecentes du capitalisme raquo (p 35)lrsquoideacuteologie eacutetant entendu de faccedilon geacuteneacuterale comme laquo un ensemble de croyances partageacutees inscrites dansdes institutions engageacutees dans des actions et par lagrave ancreacutees dans le reacuteel raquo (1999 35) Ils distinguent troispeacuteriodes diffeacuterentes du capitalisme chacune marqueacute par un laquo esprit du capitalisme raquo crsquoest-agrave-dire laquo lrsquoideacuteologiequi justifie lrsquoengagement dans le capitalisme raquo (p 42)

bull Le capitalisme marchand du XIXe siegravecle du bourgeois (capitalisme patrimonial et familial) mais aussi dulaquo chevalier drsquoindustrie raquo ayant le goucirct du risque

bull Le capitalisme industriel des anneacutees trente aux anneacutees 1970 de la grande entreprise et ducompromis fordiste organisation centralisation bureaucratie planification directeur (salarieacute et non pasdeacutetenteur du capital) cadres ingeacutenieurs hieacuterarchie production de masse consommation de massestandardisation

bull Depuis le choc peacutetrolier de 1973 le 3egraveme acircge le capitalisme financier mondialiseacute porteur de la citeacute parprojets justifiant un monde connexionniste (projet lien et reacuteseau) par opposition au modegravele hieacuterarchiquepreacuteceacutedent

En comparant deux corpus de textes de management le premier des anneacutees 1960 et le second des anneacutees1990 les auteurs montrent eacutegalement comment le capitalisme se ressource et se reacutegeacutenegravere agrave sa critiqueici celle de 1968 dont les aspirations (creacuteativiteacute autonomie polyvalence etc) sont reprises par le nouveaumanagement et porteuses des transformations du travail que nous allons voir apregraves avoir briegravevement reacutesumeacuteles principales eacutevolutions de lrsquoemploi en France


Evolution des trois secteurs demploi

Ce premier tableau est particuliegraverement eacuteclairant de lrsquoeacutevolution contrasteacutee des trois secteurs drsquoemploi avecla progression vertigineuse du secteur tertiaire (des services) au deacutetriment du secteur primaire (lrsquoagriculture)et du secteur secondaire (lrsquoindustrie) En 2011 ils occupent respectivement 795 de la population active18 et 187

RemarqueEn 1970 le secteur industriel totalisait environ 5 350 000 emplois En 2008 il nen totalise plus quenviron3 640 000 Il a donc perdu environ 13 de ses effectifs au profit du secteur tertiaire Celui-ci comptait en 1970un peu plus de 11 300 000 emplois et plus de 20 000 000 en 2008 soit une multiplication drsquoenviron 18entre 1970 et 2008

Lrsquoextension du salariat se poursuit et en 2012 pregraves de 9 actifs occupeacutes sur 10 sont salarieacutes Le salariat estplus freacutequent chez les femmes (923 ) que chez les hommes (851 ) Parmi les salarieacutes 221 travaillentdans la fonction publique en 2012 Les formes particuliegraveres drsquoemploi (contrat agrave dureacutee deacutetermineacutee inteacuterimapprentissage) repreacutesentent 12 de lrsquoemploi total soit le niveau drsquoavant-crise (donneacutees reprises agrave Portaitsocial de la France 2013 p 192)

sect2 Le post-fordismeCrsquoest du Japon et plus preacuteciseacutement dans les usines Toyota que sont expeacuterimenteacutees de nouvelles formesdrsquoorganisation du travail agrave lrsquoinitiative de lrsquoingeacutenieur Ohno avant qursquoelles ne soient importeacutees aux Eacutetats-Unis au


deacutebut des anneacutees 1980 via les laquo transplants raquo nippons Robert Boyer et Jean-Pierre Durand (Lapregraves-fordismeSyros 1993) deacutefinissent le laquo toyotisme raquo comme des techniques organisationnelles destineacutees agrave ameacuteliorerlefficaciteacute de la production au centre desquelles se trouve la lean production ou production frugale laquo au plusjuste raquo ce qui induit zeacutero stock et la pratique des flux tendus Il opegravere un renversement total de la logiquede productionLa pratique du flux tendu suppose drsquoabord une main drsquoœuvre polyvalente (agrave lrsquoinverse de la speacutecialisation dusalarieacute typique du taylorisme) et sa flexibiliteacute qursquoencourage lrsquoindividualisation des salaires alors que dans lemodegravele fordiste les politiques salariales des entreprises eacutetaient fondeacutees sur un principe simple la rigiditeacutedes salaires (chaque poste eacutetait associeacute agrave un coefficient inscrit sur une eacutechelle de salaire neacutegocieacutee au niveausectoriel par les syndicats et les employeurs le salaire ne variait pas selon les fluctuations eacuteconomique)

Lrsquoimpeacuteratif de flexibiliteacute pour accroicirctre la capaciteacute dadaptation de lentreprise se deacutecline de diffeacuterentesmaniegraveres On en distingue 4 formes

bull la flexibiliteacute externe ajustement par le recours au marcheacute du travail (licenciements externalisation travailtemporaire contrats atypiques qui repreacutesentent deacutesormais 80 des embauches dans les entreprises deplus de 50 salarieacutes)

bull la flexibiliteacute interne par reacuteajustement au sein de lentreprise (formation reacutemuneacuteration avecindividualisation des salaires avec indexation sur les reacutesultats de lentreprise et lrsquoorganisation du travail)

bull la flexibiliteacute quantitative qui consiste agrave diminuer la part des coucircts fixes au profit des coucircts variables

bull la flexibiliteacute qualitative (interne par deacutefinition) pour adapter les qualifications et lorganisation de laproduction agrave la demande polyvalence atelier flexible management participatif censeacute encouragerlinitiative

Lrsquoexternalisation concerne principalement les fonctions drsquoexeacutecution comme le nettoyage la restauration legardiennage Mais aussi des laquo services de concepts raquo comme les conseils et eacutetudes lrsquoinformatique Elleexplique le deacuteveloppement des PME voire des entreprises sans salarieacute tandis que dans le mecircme temps onassiste aussi agrave lrsquoaugmentation consideacuterable des groupes et fusions Qualifieacute de nonemployer puzzle aux Eacutetats-Unis le pheacutenomegravene des entreprises sans salarieacute y a exploseacute en passant sur les vingt derniegraveres anneacutees de15 agrave plus de 22 millions drsquoentreprises En France leur nombre a doubleacute entre 2003 et 2014 (de 14 agrave 24millions selon lrsquoINSEE)

Nombre drsquoentreprises avec et sans salarieacutes en France et aux Eacutetats-Unis (en )Nombre

dentreprises ()Sans salarieacutes Avec salarieacutes Total

Eacutetats-Unis 80 20 100

France 67 33 100

Tableau eacutetabli agrave partir pour la France de lrsquoINSEE 2012 pour les USA Statisticsabout Business Size (Employers and Nonemployers) from the US Census Bureau

Le systegraveme japonais a eacuteteacute qualifieacute de post-fordien fordien hyperfordien ou encore preacute-fordien mais lrsquoonparle le plus souvent de post-fordisme Il se diffuse ensuite aux Eacutetats-Unis ougrave drsquoapregraves Philippe Askenazy(Les deacutesordres du travail Seuil 2005 p 17) les 23 de lrsquoindustrie ont connu ce processus de reacuteorganisationau deacutebut des anneacutees 1990 avant drsquoarriver en Europe quelques anneacutees plus tard Mais ces processus dereacuteorganisation ne concernent pas toutes les entreprises et pas toutes au mecircme degreacute de sorte qursquoau sein drsquounmecircme espace national ou drsquoun mecircme secteur coexistent plusieurs modegraveles et mecircme plusieurs combinaisonspossibles de modegraveles pour une mecircme entreprise Robert Boyer et Michel Freyssenet deacutenombraient ainsi 6modegraveles pour la seule industrie automobile (Les modegraveles productifs La Deacutecouverte 2000)

Ces meacutetamorphoses sont lieacutees au passage du fordisme au post-fordisme que lon observe depuis la crise de1973-74 Le fordisme se caracteacuterisait par la production en seacuterie de produits standardiseacutes et la fragmentationdes tacircches (voir leccedilon 2) Il impliquait

1 de fortes concentrations ouvriegraveres agrave leacutechelle nationale

2 un fort interventionnisme eacutetatique chargeacute de tempeacuterer les influences eacuteconomiques exteacuterieures et deproteacuteger la main drsquoœuvre nationale des effets de la concurrence internationale

3 une gestion de type neacuteo-corporatiste entre Eacutetat-patronat-organisations syndicales


RemarqueMais lrsquoOrganisation scientifique du travail comportait deux limites drsquoune part elle eacutetait rentable pour laproduction en grande seacuterie souvent de biens de consommation de masse (drsquoougrave le lien entre production etconsommation de masse) Les coucircts de la reacuteorganisation du travail eacutetaient amortis par un grand volumede production qui nrsquoeacutetait possible que pour certains secteurs industriels seulement aujourdrsquohui en criseElle impliquait drsquoautre part des coucircts humains sociaux et ensuite mateacuteriels qui provoquaient absenteacuteismeroulement du personnel conflits et deacutesinteacuterecirct pour le travail

Le post-fordisme sinscrit dans une logique de globalisation eacuteconomique et de concurrence internationaleaccrue qui nest plus freineacutee par les barriegraveres eacutetatiques Il sorganise sur le modegravele centrepeacuteripheacuterie entraicircnantla preacutecarisation et la segmentation du marcheacute du travail agrave leacutechelle mondiale Depuis la disparition des pays delEst il est entiegraverement domineacute par une conception ultra-libeacuterale de lrsquoEacutetat et de la socieacuteteacute Internationalisationde la production et diffusion ideacuteologique vont donc de pair Il srsquoinscrit aussi dans ce que le CNPF (ancecirctredu Medef) qualifiait agrave partir de 1978 de laquo gestion concurrentielle du progregraves social raquo Il srsquoagissait de faireconcurrence aux syndicats en leur reprenant la laquo gestion du social raquo drsquoougrave le rocircle meacutediateur de lrsquoencadrementet le deacuteveloppement des cercles de qualiteacute par exemple

sect3 Les nouvelles formes de domination autravailLa transformation technique du travail (faisant toujours moins appel aux grandes organisations de typetaylorien) ainsi que le contexte de concurrence exacerbeacutee produit par la mondialisation eacuteconomique ont poureffets la preacutecarisation de la force de travail et lrsquoindividualisation croissante de la relation de travail qui vontagrave lrsquoencontre drsquoune eacutevolution seacuteculaire Dans les deux cas comme le dit Charles Goldfinger (Travail et horstravail Odile Jacob 1998) il y a laquo risque de disparition drsquoun reacutefeacuterentiel commun qui sous-tend les liensdrsquoappartenance culturelle et sociale agrave un ou plusieurs groupes raquo Lrsquoeacuteclatement des collectifs de travail remet encause lintervention publique qui structure la relation salariale et la vie de travail dans lentreprise De mecircmelrsquoindividualisation croissante des contrats (salaires horaires etc) rompt avec la dynamique de collectivisationde la relation du travail au principe du droit social et semble renouer avec le laquo contrat de louage raquo du deacutebut

du XIXegraveme siegravecle Pour les syndicats cela constitue un veacuteritable obstacle agrave lrsquounification des revendicationspermettant de deacutegager un laquo nous raquo Il est vrai aussi que laquo la deacutereacuteglementation et lrsquoeffondrement syndical de lafin des anneacutees 1970 et du deacutebut des anneacutees 1980 ont acceacuteleacutereacute ces processus raquo de reacuteorganisation du travailaux USA dit Philippe Askenazy (Les deacutesordres du travail Seuil 2005 p 18) mais le constat vaut aussi pourlrsquoEurope (voir leccedilon 9)

Les chantres de ce modegravele voient doreacutenavant dans lrsquoentreprise un lieu drsquoeacutemancipation Lrsquoentreprise seraitdevenue laquo post-bureaucratique raquo deacutecentraliseacutee voire reacuteticulaire reacutegie par des managers et non plus deschefs Elle requiert des salarieacutes polyvalents responsables reacuteactifs et adaptables auxquels elle redonnerait uneautonomie dans le travail Le laquo management participatif raquo a en effet repris aux politistes eacutetudiant les budgetsparticipatifs le thegraveme de lrsquoempowerment (laquo monteacutee en autonomie raquo) crsquoest-agrave-dire principalement lrsquolaquo utilisation dela prise de parole pour promouvoir la participation active et lrsquoimplication des membres de lrsquoorganisation raquo (LindaPutnam Nelson Philips et Pamela Chapman in Stewart Clegg Cynthia Hardy et Walter R Nord Handbookof organisation studies Sage 1996)

Le management par projet forme de despotisme doux pour S Clegg et D Courpasson (in Journal ofManagement Studies volume 41 ndeg 4 june 2004 citeacute par Sciences humaines ndeg 158 mars 2005) montre lacapaciteacute du capitalisme agrave srsquoadapter agrave sa critique venue de 1968 (deacutenonciation de lrsquoautoritarisme valorisation delrsquoautonomie individuelle comme lrsquoont montreacute Luc Boltanski et Eve Chiapello) Il suppose un autocontrocircle accrudu salarieacute (par le reporting compte rendu de ses activiteacutes par le salarieacute les techniques de laquo deacuteveloppementpersonnel raquo) et un controcircle deacutecentraliseacute par les pairs (par le laquo feed-back raquo des cadres)

Toutefois lrsquoensemble des enquecirctes aupregraves des salarieacutes reacutevegravelent une augmentation des peacutenibiliteacutes et desnuisances lieacutees au travail et surtout de la laquo charge mentale raquo constitutive de lrsquoexplosion des troubles musculo-squelettiques et du stress professionnel variable selon les CSP comme le montre le tableau suivant Lenquecircte2012-2013 de la direction des eacutetudes statistiques du ministegravere du travail montre une augmentation des


contraintes de rythme de travail apregraves une stabilisation de lintensiteacute du travail entre 1998 et 2005 peacuteriode quiapparaicirct ainsi comme une parenthegravese depuis les anneacutees 1980

Conditions de travail selon la cateacutegorie socioprofessionnelle en 2007

Par ailleurs les plus toucheacutes par le pheacutenomegravene drsquoexternalisation qui est aussi une preacutecarisation du salariatsont les plus fragiles les plus de 50 ans les immigreacutes les femmes les personnes agrave santeacute fragile souventen raison drsquoune maladie professionnelle ou drsquoun accident du travail En revanche ceux qui laquo srsquoen sortent raquole mieux sont ceux disposant de capital social de compeacutetences linguistiques et eacutevidemment et de plus enplus les surdiplocircmeacutes


Section 2 La nouvelle question sociale

sect1 Chocircmage et sous-emploi en perspectivecompareacuteeAttention (voir intro partie statistiques) la deacutefinition du chocircmage et donc son comptage diffegraverent selon PocircleEmploi (qui compte 34 millions en 2017 en cateacutegorie A) et le BIT (26 millions en 2017)

Pour le BIT un chocircmeur est une personne en acircge de travailler (15 ans ou plus) qui reacutepond simultaneacutementagrave trois conditions

bull ecirctre sans emploi crsquoest-agrave-dire ne pas avoir travailleacute ne serait-ce qursquoune heure durant une semainedonneacutee

bull ecirctre disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours

bull chercher activement un emploi ou en avoir trouveacute un qui commence ulteacuterieurement

Pocircle emploi lui distingue 5 cateacutegories de demandeurs demploi A Personne sans emploi tenue daccomplir des actes positifs de recherche demploi agrave la recherche dunemploi quel que soit le type de contrat (CDI CDD agrave temps plein agrave temps partiel temporaire ou saisonnier)B Personne ayant exerceacute une activiteacute reacuteduite de 78 heures maximum par mois tenue daccomplir des actespositifs de recherche demploiC Personne ayant exerceacute une activiteacute reacuteduite de plus de 78 heures par mois tenue daccomplir des actespositifs de recherche demploiD Personne sans emploi qui nest pas immeacutediatement disponible non tenue daccomplir des actes positifsde recherche demploi (demandeur demploi en formation en maladie etc)E Personne pourvue dun emploi non tenue daccomplir des actes positifs de recherche demploi

Malgreacute la hausse globale de lrsquoemploi depuis 1954 le premier choc peacutetrolier et la reacuteorganisation du travail ontprovoqueacute sa reacuteduction sur plusieurs anneacutees (de 1974 agrave 1975 de 1980 agrave 1986 de 1991 agrave 1993 en 2003 et en2008 pour le cas franccedilais) Le recul de la population salarieacutee occupeacutee dans lindustrie est consideacuterable avecla perte dun million drsquoemplois entre 1973 et 1983 (moins 14 ) et encore moins 9 entre 1984 et 1993 Lahausse du chocircmage est continue On compte ainsi en France 593 000 chocircmeurs en 1973 1 750 000 en 198135 recenseacutes officiellement en 1997 28 millions de chocircmeurs soit 98 de la population active en 2012 Etces chiffres sont souvent contesteacutes comme le montre lrsquoexemple suivant

RemarqueDrsquoapregraves la DARES et lrsquoANPE fin janvier 2007 il y avait 2 353 000 chocircmeurs soit 86 de la populationactive Pour le Directeur geacuteneacuteral de lrsquoUnedic Jean-Pierre Revoil le chiffre varie la mecircme anneacutee de 1 agrave 4millions 11 millions sont indemniseacutes agrave temps complet et 18 millions si on y ajoute ceux qui travaillent enpartie Lrsquoensemble des chocircmeurs inscrits sont 3 685 000 auxquels pourraient srsquoajouter 412 000 allocatairesdispenseacutes de recherche drsquoemploi car ils ont au moins 57 ans et 700 000 chocircmeurs RMIstes non inscrits agravelrsquoANPE

Le chocircmage ne touche pas toutes les cateacutegories sociales de la mecircme faccedilon Celui des ouvriers non qualifieacutes(un ouvrier non-qualifieacute sur cinq est sans emploi) est en 2012 55 fois plus eacuteleveacute que le taux de chocircmagedes cadres contre 49 fois un an plus tocirct Drsquoapregraves lrsquoObservatoire des ineacutegaliteacutes les cadres et professionsintermeacutediaires eacutetaient quasiment au plein emploi avec un taux de chocircmage respectif de 37 et 54 Lechocircmage de longue dureacutee est en hausse 408 des chocircmeurs sont au chocircmage depuis plus drsquoun an et 202 le sont depuis deux ans ou plus (donneacutees INSEE 2013)


Evolution du taux de chocircmage selon la CSP

Selon Eurostat lrsquoOffice statistique des Communauteacutes europeacuteennes 1561 millions de personnes eacutetaient auchocircmage dans lUnion europeacuteenne en juillet 2019 (63 de la population active) dont 1232 millions au seinde la zone euro (75 ) Les diffeacuterences entre les Eacutetats sont tregraves importantes Les taux les plus faibles en mars2018 ont eacuteteacute observeacutes en Allemagne et en Reacutepublique Tchegraveque (respectivement 53 et 69 ) ainsi quauxPays-Bas (62 en avril 2019) tandis que les plus eacuteleveacutes ont eacuteteacute enregistreacutes en Gregravece (388 en feacutevrier2019) en Espagne (337 en avril 2019) et en Italie (314 ) La France elle se classe en 4e position desEacutetats les plus toucheacutes par le chocircmage (85 ) Pour meacutemoire rappelons que le chocircmage ne deacutepassait pasles 2 durant les Trente Glorieuses en Europe (4 agrave 5 en Ameacuterique du Nord) Et en France seuls 300 000demandeurs drsquoemploi eacutetaient inscrits agrave lrsquoANPE en 1970

En savoir plus Derniers chiffres en EuropePour les derniers chiffres en Europe avec donneacutees et carte Eurostat

Au chocircmage srsquoajoute les situations de sous-emploi En premier lieu le temps partiel qui a doubleacute entre 1980 (8) et 1997 (16 ) Surtout subi il reacutepond pour beaucoup agrave une strateacutegie de flexibiliteacute de la part de lentrepriseIl touche surtout les emplois de nettoyage gardiennage drsquoentretien meacutenager et drsquoabord les femmes les jeunespeu diplocircmeacutes (les 23 des sous-emplois ont un diplocircme infeacuterieur au baccalaureacuteat) et les eacutetrangers 76 desous-emploi contre 47 pour les Franccedilais (donneacutees INSEE octobre 2005) En 2012 18 des personnes enemploi sont agrave temps partiel 27 des personnes en temps partiel souhaiteraient travailler plus essentiellementdes femmes Le taux atteint 137 chez les femmes cadres supeacuterieurs contre 351 chez les ouvriegraveres

Le travail en inteacuterim est lui aussi en croissance au mitan des anneacutees 1990 environ 2 millions drsquointeacuterimairesoccupent 550 000 agrave 650 000 emplois eacutequivalents temps plein (ETP) contre 100 000 ETP en 1975 En 2012


525 000 eacutequivalent-emplois agrave temps plein (ETP) pour 19 millions drsquointeacuterimaires et 16 millions de contratsde mission drsquoune dureacutee moyenne de 17 semaine en moyenne les inteacuterimaires travaillent 26 mois par anIls repreacutesentent 3 des salarieacutes de lrsquoensemble des secteurs concurrentiels En 2012 lrsquoindustrie a employeacute229 500 inteacuterimaires en ETP soit 44 du volume total de travail temporaire le secteur tertiaire 181 400inteacuterimaires en ETP soit 35 du volume total de travail temporaire

En moyenne sur lrsquoanneacutee 2012 le sous-emploi au sens du BIT concerne 53 des actifs occupeacutes Ainsi 14million de personnes en France meacutetropolitaine travaillent moins qursquoelles ne le souhaiteraient (Portait socialde la France 2013 p 192) Selon Eurostat lensemble des formes de contrats temporaires (CDD inteacuterim)repreacutesentent 157 de lemploi salarieacute total en 2012 Le temps partiel est consideacutereacute comme subi par 276 des salarieacutes concerneacutes

Source eurostat

sect2 La pauvreteacute en France et en EuropeLe deacuteveloppement de lemploi preacutecaire explique en grande partie laugmentation de la proportion de travailleurspauvres Les salarieacutes en emploi temporaire sont 3 fois plus souvent pauvres (163 en Europe en 2015 selonEurostat) que ceux qui ont un contrat agrave dureacutee indeacutetermineacutee (58 ) Le taux de pauvreteacute des travailleurs encontrat preacutecaire a augmenteacute de 46 points en dix ans contre + 14 point pour les plus stables Autre facteur le temps partiel 78 des travailleurs agrave temps plein vivent sous le seuil de pauvreteacute en Europe Ils sontproportionnellement deux fois plus (158 ) chez ceux qui travaillent agrave temps partiel

On peut mesurer de diffeacuterentes faccedilons la pauvreteacute La plus courante repose sur des indicateursstatistiques

Pauvreteacute moneacutetaire une personne est consideacutereacutee comme pauvre lorsque son niveau de vie est infeacuterieur auseuil de pauvreteacute La pauvreteacute moneacutetaire est mesureacutee de maniegravere relative le seuil est deacutetermineacute par rapportagrave la distribution des niveaux de vie de lrsquoensemble de la population LrsquoINSEE comme Eurostat privileacutegie leseuil agrave 60 de la meacutediane

Taux de pauvreteacute pourcentage de la population dont le niveau de vie est infeacuterieur au seuil de pauvreteacute (onprivileacutegie geacuteneacuteralement le seuil agrave 60 de la meacutediane des niveaux de vie)


Une approche laquo relationnelle raquo de la pauvreteacute inspireacutee des analyses seacuteminales du sociologie allemandGeorg Simmel (1908) met plus particuliegraverement laccent sur les formes institutionnelles du pheacutenomegravene Lestatut de pauvre se deacutefinit alors par leffet de lentreacutee dans une condition dassisteacute par exemple allocataire duRSA Elle inspire les travaux du sociologue franccedilais Serge Paugam sur la disqualification sociale

On peut enfin eacutetudier la pauvreteacute subjective cest-agrave-dire le sentiment de pauvreteacute comme lont fait NicolasDuvoux et Adrien Papuchon laquo Qui se sent pauvre en France Pauvreteacute subjective et inseacutecuriteacute sociale raquoRevue franccedilaise de sociologie vol vol 59 no 4 2018 pp 607-647

La France compte cinq millions de pauvres si lon fixe le seuil de pauvreteacute agrave 50 du niveau de vie meacutedianet 89 millions si lon utilise le seuil agrave 60 selon les donneacutees 2015 (derniegravere anneacutee disponible) de lInseeDans le premier cas le taux de pauvreteacute est de 80 et dans le second de 142 Au cours des dix derniegraveresanneacutees (2005-2015) le nombre de pauvres a augmenteacute de 600 000 au seuil agrave 50 et dun million au seuilagrave 60 Le taux de pauvreteacute sest eacuteleveacute de 05 point au seuil agrave 50 et de 09 point au seuil agrave 60 Lesbeacuteneacuteficiaires des minimas sociaux sont en 2012 38 millions soit une progression de 24 entre 2010 et 2011et de 44 entre 2011 et 2012 52 sont des femmes

Minimas sociaux Revenu de solidariteacute active (RSA 2 millions drsquoallocataires) Allocation aux adulteshandicapeacutes (presque un million) Allocation suppleacutementaire vieillesse (ASV) et allocation de solidariteacute auxpersonnes acircgeacutees Allocation de solidariteacute speacutecifique sont les plus importantes mais aussi Revenu minimumdinsertion Allocation de parent isoleacute Allocation suppleacutementaire dinvaliditeacute Allocation dinsertion (AI) ouAllocation temporaire dattente Allocation veuvage Revenu de solidariteacute Allocation eacutequivalent retraite -remplacement (AER) ou Allocation transitoire de solidariteacute - remplacement

Selon lrsquoINSEE les personnes vivant au sein drsquoune famille monoparentale sont particuliegraverement toucheacutees parla pauvreteacute Pregraves drsquoun tiers de ces personnes sont pauvres soit une proportion 22 fois plus eacuteleveacutee que danslrsquoensemble de la population Entre 2005 et 2011 le taux de pauvreteacute des familles monoparentales a augmenteacutepassant de 297 agrave 321 Les familles nombreuses sont eacutegalement plus exposeacutees parmi les personnesvivant au sein drsquoun couple avec au moins trois enfants 222 sont confronteacutees agrave la pauvreteacute en 2011 (Portaitsocial de la France 2013 p 210)

En dix ans le taux de pauvreteacute des travailleurs sest eacuteleveacute de 15 point de 81 en 2005 agrave 96 en 2015au sein de lUnion europeacuteenne avec de fortes dispariteacutes nationales Le taux de pauvreteacute est de 17 danslrsquoensemble de lrsquoUnion europeacuteenne en 2010 Le seuil de pauvreteacute est fixeacute agrave 60 du niveau de vie meacutediandans chaque pays Scheacutematiquement en pariteacute de pouvoir drsquoachat et par an il est compris entre 10 000 et 12000 euros dans les pays drsquoEurope de lrsquoOuest et du Nord entre 6 000 et 10 000 euros dans les pays drsquoEuropedu Sud et il est infeacuterieur agrave 6 000 euros dans les pays drsquoEurope orientale et les pays baltes Ces eacutecarts sonttoutefois deacutelicats agrave interpreacuteter les politiques de preacutelegravevements obligatoires de prestations sociales ainsi quele coucirct de la vie qui participent aux diffeacuterences observeacutees ne sont en effet pas pris en compte Mais selonEurostat les laquo personnes en risque de pauvreteacute ou drsquoexclusion sociale raquo sont bien plus nombreuses ellesseraient au total 120 millions Elles sont eacutevalueacutees agrave 245 de la population totale en 2013 dans lrsquoUE agrave 27 23 en zone Euro Lagrave encore les dispariteacutes sont frappantes des 14 de Norveacutegiens agrave 357 des Grecs


Taux de travailleurs pauvres en Europe selon le type de contrat

2005en

2010en

2015en

Eacutevolution2005-2015en points


Travailleursen contratpreacutecaire

117 138 163 + 46

Travailleursen contrat agravedureacuteeindeacutetermineacutee

44 55 58 + 14

Seuil de pauvreteacute agrave 60 du niveau de vie meacutedian Lecture 163 des travailleurs en contrat preacutecaire sont pauvres en 2015

Source Eurostat ndash copy Observatoire des ineacutegaliteacutes

Taux de travailleurs pauvres en Europe selon la dureacutee du travail

2005en

2010en

2015en


Travailleurs agravetemps partiel

115 135 158 + 43

Travailleurs agravetemps plein

7 74 78 + 08

Seuil de pauvreteacute agrave 60 du niveau de vie meacutedianSource Eurostat ndash copy Observatoire des ineacutegaliteacutes

sect3 De lrsquoexclusion agrave la deacutesaffiliationLa figure la plus extrecircme de la pauvreteacute est le laquo SDF raquo Au deacutebut des anneacutees 1990 400 000 personnes vivraientdans la rue Le CERC (Centre deacutetude des revenus et des coucircts) estimait en 1993 agrave 1 de la population enacircge de travailler la proportion de ceux complegravetement deacute-lieacutes (SDF) 5 agrave la fois exclus du marcheacute de lrsquoemploi

et drsquoune grande pauvreteacute mateacuterielle et relationnelle (CERC ndeg 109 3egraveme trimestre 1993) LrsquoINSEE comptabilise141 500 SDF dont 30 000 enfants en 2012 soit 11 500 de plus que lrsquoanneacutee preacuteceacutedente et + 50 depuis2001 sous le double effet de la crise eacuteconomique et de lrsquoexplosion des prix de lrsquoimmobilier 2 sur 5 sont desfemmes un quart drsquoentre eux sont des travailleurs pauvres 53 de ceux recenseacutes dans les agglomeacuterationsde plus de 20 000 habitants sont drsquoorigine eacutetrangegravere En 2014 36 millions de personnes sont soit priveacuteesde domicile personnel soit vivent dans des conditions tregraves difficiles (privation de confort ou surpeuplement)ou preacutecaires (hocirctel caravanes) Srsquoajoute un halo de plus de 5 millions de personnes fragiliseacutees par la crisedu logement

Comment nommer ce qui apparaicirct ecirctre la neacutegation drsquoun siegravecle de laquo progregraves raquo et drsquointerventions eacutetatiques Ily a diffeacuterentes faccedilons de parler du problegraveme de la pauvreteacute lrsquoexclusion souvent utiliseacutee en France renvoieagrave une opposition dedansdehors underclass aux USA agrave une distinction hautbas marginalidad en Ameacuteriquelatine agrave celle centrepeacuteripheacuterie comme le souligne Didier Fassin (in Serge Paugam dir Lrsquoexclusion lrsquoeacutetatdes savoirs La Deacutecouverte 1996 p 263) Denise Jodelet ajoute dans le mecircme livre (in Paugam 1996 p 66et suiv) que le type drsquoexclusion renvoie toujours agrave un type de relations interpersonnelles et sociales

bull seacutegreacutegation mise agrave distance topologique

bull marginalisation mise agrave part drsquoun groupe

bull discrimination fermeture de lrsquoaccegraves agrave certains biens ressources rocircles ou statuts ou traitementdiffeacuterentiel et neacutegatif

Reneacute Lenoir porte la paterniteacute du terme laquo exclusion raquo avec la publication de son ouvrage Les exclus unFranccedilais sur dix (Seuil) en 1974 qui envisage sous cette cateacutegorie des personnes inadapteacutees aussi diversesque les mineurs en danger les enfants placeacutes les deacutelinquants les jeunes toxicomanes les alcooliques lesmalades mentaux les marginaux ou encore les Franccedilais musulmans Il compte 2 agrave 3 millions drsquohandicapeacutesplus de un million drsquoinvalides acircgeacutes et 3 agrave 4 millions drsquolaquo inadapteacutes sociaux raquo


La prise de conscience ou la vogue de la question de la preacutecarisation du travail relance les deacutebats au deacutebutdes anneacutees 1980 qui deacutebouchent sur la notion de laquo nouvelle pauvreteacute raquo avec un glissement de perspective ce sont des cateacutegories jusque-lagrave bien inseacutereacutees dans le tissu eacuteconomique et social mais victimes de la criseeacuteconomique qui sont deacutesigneacutees Le terme est agrave son tour deacutelaisseacute au profit drsquolaquo exclusion raquo agrave la charniegraveredes anneacutees 1980-90 Ce changement teacutemoigne drsquoune meilleure connaissance des populations concerneacutees etsurtout drsquoun changement dans les repreacutesentations du pheacutenomegravene qui srsquoeacutelargit agrave la question du lien social etnon plus seulement de lrsquoemploi

Pour le Ministegravere de lrsquoemploi et de la solidariteacute lrsquoexclusion se deacutefinit comme eacutetant un ensemble de meacutecanismesde rupture tant sur le plan symbolique (stigmates ou attributs neacutegatifs) que sur le plan des relations sociales(ruptures de diffeacuterents liens sociaux qui agregravegent les hommes entre eux) Lexclusion est agrave la fois unprocessus produit par un deacutefaut de coheacutesion sociale et un eacutetat reacutesultat dun deacutefaut dinsertion Le conceptdexclusion se caracteacuterise par 3 dimensions

bull la sphegravere eacuteconomique preacutecariteacute vis-agrave-vis de lemploi insuffisance chronique ou reacutepeacuteteacutee desressources

bull la non-reconnaissance non usage des droits sociaux droits civils droits politiques

bull les relations sociales deacutestructuration sociale et psychologique que la crise eacuteconomique et les situationsde non droits engendrent chez les individus familles ou groupes sociaux

Lorsque Robert Castel propose le concept de deacutesaffiliation son objectif est de deacutepasser le constat pourcomprendre les meacutecanismes qui y conduisent Il le propose la premiegravere fois dans un article du Deacutebat de1990 (ndeg 61 septembre-octobre) intituleacute laquo Le roman de la deacutesaffiliation A propos de Tristan et Iseut raquoDans sa contribution au livre dirigeacute par Jacques Donzelot Face agrave lrsquoexclusion le modegravele franccedilais (ParisEacuteditions Esprit 1991 p 137-168) laquo De lrsquoindigence agrave lrsquoexclusion la deacutesaffiliation raquo laquo il propose de distinguerdeux axes permettant de penser les situations de deacutenuement un axe drsquointeacutegration ndash non-inteacutegration par letravail et un axe drsquoinsertion ndash non-insertion dans une sociabiliteacute socio-familiale En somme pour deacutefinir ladeacutesaffiliation il est tentant de recourir agrave deux figures deacuteficit de filiation et deacuteficit drsquoaffiliationraquo (Martin Claudelaquo Deacutesaffiliation raquo in Paugam Serge (dir) Les 100 mots de la sociologie Paris Presses universitaires deFrance coll laquo Que Sais-Je raquo p 61-62)

Ainsi peut-on comprendre ce qui unit la megravere de famille monoparentale le chocircmeur le jeune en quecircte drsquoemploile RMIste Ils ont en commun une fragiliteacute professionnelle qui commence par lrsquoemploi preacutecaire et sa mise endeacutefaut du rocircle social car laquo une condition salariale forte jouait un rocircle inteacutegrateur fondamental dans la socieacuteteacuteet assurait la protection des individus contre les risques sociaux majeurs raquo (Castel in Donzelot dir 1991 p157) Mais ils partagent aussi une fragiliteacute drsquoinsertion relationnelle en raison de la fragilisation des relationsfamiliales et de la disparition des sociabiliteacutes de classe

Exemple

Drsquoapregraves une eacutetude du CERC (ndeg 109 3egraveme trimestre 1993) la correacutelation est forte entre le taux de ruptureconjugale et la preacutecariteacute du rapport agrave lrsquoemploi la proportion des ruptures est de 24 pour les individus ayantun emploi stable 314 pour ceux en travail preacutecaire 387 pour celles inscrites au chocircmage depuis plusde deux ans Les deacutesunions constituent un laquo risque social raquo avec les familles monoparentales

Les transformations du travail du 3egraveme acircge du capitalisme ont profondeacutement deacutestabiliseacute nos socieacuteteacutes fondeacuteessur le travail Elles ont provoqueacute agrave la fois la preacutecarisation de ceux qui sont exclus du travail et une fragilisationgeacuteneacuterale du salariat qui nrsquoest pas precircte de srsquoeacuteteindre quand on sait qursquoen 2013 86 des contrats signeacutessont des CDD En dix ans le nombre de CDD de moins dun mois a plus que doubleacute Or plus de 25 desnouveaux inscrits agrave Pocircle emploi sortent dun CDD contre moins de 3 dun CDI Outre les syndicats cettecrise du travail affecte neacutecessairement lrsquoEacutetat social forgeacute autour de lui agrave la fois son systegraveme de redistributionet son ciment


Le monde du travail a connu des bouleversements sans preacuteceacutedents au cours de ces cinquante derniegraveresanneacutees lrsquoemploi srsquoest feacuteminiseacute tertiariseacute et urbaniseacute il est aussi devenu plus qualifieacute Les contraintesassocieacutees au travail ont progressivement changeacute de nature avec la monteacutee des flexibiliteacutes moins de fatiguephysique mais davantage de stress au travail Surtout lrsquoemploi apparaicirct plus laquo eacuteclateacute raquo le regravegne de lagrande entreprise industrielle marqueacutee par une organisation du travail de type fordiste ou taylorien avecessentiellement des contrats de travail agrave dureacutee indeacutetermineacutee et agrave temps plein est aujourdrsquohui deacutepasseacute Onassiste agrave un eacutemiettement des situations qursquoil srsquoagisse des statuts et des situations drsquoactiviteacute entre lrsquoemploi et lechocircmage des dureacutees et des rythmes de travail des modes de reacutemuneacuteration ou mecircme des uniteacutes productives

RemarqueLe laquo retour de la question sociale raquo depuis les anneacutees 1990 semble fermer la boucle ouverte avec linvention

du travail salarieacute et la laquo question sociale raquo du XIXegraveme (voir leccedilon 2)

La question se pose aujourdhui en raison des meacutetamorphoses voire de la crise du travail meacutetamorphoses quisemblent affecter la capaciteacute du travail agrave faire le lien social

bull Donner un revenu de plus en plus de personnes en sont priveacutees et cette privation serait le premier pasvers lexclusion ou la deacutesaffiliation et la source principale de la fracture sociale

bull Il en va de mecircme pour donner une place une utiliteacute sociale dans la socieacuteteacute

bull Fournir agrave lrsquoindividu une identiteacute sociale est-il encore possible quand leacuteclatement du collectif de travailrend plus difficiles les meacutecanismes didentification collective quand la hantise de la perte de travail deacutetruitla solidariteacute quand les organisations syndicales sont elles aussi en plein marasme (voir leccedilon 9)

Section 1 La transformation desmodes de production

sect1 Le troisiegraveme acircge du capitalismeLuc Boltanski et Eve Chiapello dans Le nouvel esprit du capitalisme (Gallimard 1999) analysent laquo leschangements ideacuteologiques qui ont accompagneacute les transformations reacutecentes du capitalisme raquo (p 35)lrsquoideacuteologie eacutetant entendu de faccedilon geacuteneacuterale comme laquo un ensemble de croyances partageacutees inscrites dansdes institutions engageacutees dans des actions et par lagrave ancreacutees dans le reacuteel raquo (1999 35) Ils distinguent troispeacuteriodes diffeacuterentes du capitalisme chacune marqueacute par un laquo esprit du capitalisme raquo crsquoest-agrave-dire laquo lrsquoideacuteologiequi justifie lrsquoengagement dans le capitalisme raquo (p 42)

bull Le capitalisme marchand du XIXe siegravecle du bourgeois (capitalisme patrimonial et familial) mais aussi dulaquo chevalier drsquoindustrie raquo ayant le goucirct du risque

bull Le capitalisme industriel des anneacutees trente aux anneacutees 1970 de la grande entreprise et ducompromis fordiste organisation centralisation bureaucratie planification directeur (salarieacute et non pasdeacutetenteur du capital) cadres ingeacutenieurs hieacuterarchie production de masse consommation de massestandardisation

bull Depuis le choc peacutetrolier de 1973 le 3egraveme acircge le capitalisme financier mondialiseacute porteur de la citeacute parprojets justifiant un monde connexionniste (projet lien et reacuteseau) par opposition au modegravele hieacuterarchiquepreacuteceacutedent

En comparant deux corpus de textes de management le premier des anneacutees 1960 et le second des anneacutees1990 les auteurs montrent eacutegalement comment le capitalisme se ressource et se reacutegeacutenegravere agrave sa critiqueici celle de 1968 dont les aspirations (creacuteativiteacute autonomie polyvalence etc) sont reprises par le nouveaumanagement et porteuses des transformations du travail que nous allons voir apregraves avoir briegravevement reacutesumeacuteles principales eacutevolutions de lrsquoemploi en France


















France 67 33 100







































Source eurostat














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117 138 163 + 46


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Documents

Leçon 4 : Les métamorphoses du travail au 3ème âge du