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Jérôme Hutin a voyagé dans une quarantaine de pays pour photographier les arbres vénérables. Il a lancé un appel pour demander le classement des arbres aux patrimoine mondial.
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LLES ARBRESES ARBRESVÉNÉRABLESVÉNÉRABLES
Conception et mise en pages : Yves Setton.
Photos © Jérôme Hutin.Les gravures proviennent d'une collection privée.
© Editions Jean-Claude Lattès,2003.
J é r ô m e H u t i n
LLES ARBRESES ARBRESVÉNÉR ABLESVÉNÉR ABLESLe tour du monde des géants millénaires
A ma tendre maman,
A Lai Wen Yan, mon âme sœur,
A tous les enfants de la Terrequi ont l’avenir de la Planète
dans leur cœur et dans leurs mains,
A tous les arbres vénérables.
INTRODUCTION
Pendant des milliers d'années,de part et d'autre de la planète,l'homme a vécu au milieu des
arbres,les respectant,les sacralisant parfois. L'arbre,qu'il ombrage depuis des générations une
place de village,commémorant une date historique ou une personne,qu'il figure sur l'armo-
rial d'une famille ou qu'il se situe aux confins des forêts multimillénaires,nous a apporté
oxygène,nourriture,combustible,habitat,confort,fraîcheur,joie,tristesse,espoir,volonté de vivre
en harmonie. Mais qu'en est-il aujourd'hui ?
Ma passion pour les arbres,mon travail de photographe,m'ont conduit à travers le monde,à la recherche
d'arbres vénérables. J'ai pu,lors de mes voyages,en voir de magnifiques,souvent très anciens,difficiles d'accès
pour certains,comme les Thujas plicatas de la Colombie britannique,bimillénaires des forêt pluviales ori-
ginelles dont quelques-uns mesurent plus de dix-huit mètres de tour et quatre-vint-cinq mètres de haut. J'ai
été émerveillé par les Séquoias d'Amérique ou les Eucalyptus de Tasmanie,mesurant plus de cent mètres
de haut. Et j'ai pris conscience, avec admiration, que ces arbres gigantesques étaient nés d'une graine
minuscule contenant toute l'énergie vitale nécessaire à leur croissance hors du commun.
J'ai malheureusement compris également que de nos jours l'arbre a été banalisé,démystifié et n'est souvent
devenu qu'un élément de la seule économie. C'est ainsi que l'homme n'hésite pas à raser de la carte des
forêts pluviales comme celles où vivaient des Sapins de Douglas vieux de plus de treize cents ans. En effet,
bien souvent,ces forêts originelles ne sont pas protégées,comme en Tasmanie par exemple. Elles sont
alors massacrées,abattues et,pour ce qu'il en reste,brûlées au napalm.
Depuis près de dix ans,je photographie les vieux arbres et j'ai pu constater au fil des années,que,seul,l'arbre
n'a pas grand sens,ne donne qu'une image de peu d'intérêt. J'ai appris qu'il faisait partie d'un tout et vivait
en harmonie avec son environnement,des myriades de vies animales,végétales,minérales qui dépendent de
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lui,comme lui dépend des saisons. En détruisant sans discernement des forêts entières,on détruit en même
temps un important écosystème remontant parfois à des millions d'années. Que nous le voulions ou non,
nous sommes liés à l'arbre,aussi,arrêtons l'hécatombe !
En 1989, j'ai débuté ma carrière de reporter-photographe des arbres par les spécimens historiques de
France,de Dordogne pour commencer. C'est l'association Mathusalem qui m'a,en quelque sorte,mis le pied
à l'étrier. Après avoir photographié pour elle des arbres de la Liberté,comme l'orme de Salignac,j'ai pour-
suivi mes recherches sur la France entière,m'attardant plus particulièrement sur le symbolisme de l'arbre
ancien. Cela m'a permis de rencontrer d'éminents botanistes,historiens ou écrivains. Dans un deuxième
temps,l'idée d'un tour du monde des arbres vénérables a peu à peu mûri,ainsi que celle d'une exposition,
en grandeur réelle,destinée à sensibiliser les peuples du monde entier au devenir de l'arbre et des Hommes.
Une force interne m'a poussé,m'a dirigé pour faire aboutir mon projet et ma volonté de faire réagir le
public aux questions de l'environnement et aux problèmes écologiques,tout cela à travers l'âme des Vieux
Arbres. Aux quatre coins du monde,j'ai rencontré de nouveaux amis,j'ai découvert des lieux extraordinaires,
des arbres vénérables qui ont vu passer des générations d'êtres vivants,qui ont résisté à mille fléaux,mille
batailles. Pourront-ils cependant survivre encore longtemps à la pollution quotidienne,qu'elle soit aérienne,
terrrestre ou souterraine ? Déjà quatre-vingt dix pour cent des forêts originelles mondiales ont disparu ainsi
que leurs écosystèmes. Et sur les pauvres dix pour cent qui restent,la moitié à peine est plus ou moins
protégée, le reste étant à la merci des compagnies forestières et des gouvernements. Dix pour cent des
espèces d'arbres connues sont en péril ou en voie d'extinction. Un quart des forêts européennes sont
malades ou meurent, sous l'effet des pollutions produites par les industries, les véhicules motorisés, les
pluies acides. Dans le nord-est des Etats-Unis et au Canada,un grand nombre de lacs sont morts et les Sapins
rouges agonisent sous l'effet des silicates d'aluminium,résidus des métaux lourds. Le métal ronge les racines
et les arbres ne peuvent plus absorber et transporter les éléments nutritifs dont ils ont besoin,tels le phos-
phate, le calcium et le magnésium,fertilisants essentiels. Alors affaiblis,ces arbres résistent de moins en
moins aux attaques de toute sorte et meurent. Et,réaction en chaîne,les forêts de la planète qui périssent
s'accompagnent de l'extinction massive d'espèces vivantes. On estime entre trente et cinquante mille,les
espèces de plantes et d'animaux qui disparaissent chaque année et les experts affirment que la cause prin-
cipale en est la destruction des forêts mondiales. La couche d'ozone arctique est vingt-cinq pour cent plus
fine qu'en 1980,le niveau de dioxyde de carbone a doublé en à peine plus de cinquante ans ! Les Nations
unies constatent que plus de cent espèces meurent chaque jour et qu'il serait nécessaire,au cours des tren-
te prochaines années de nettoyer les eaux souterraines contaminées... N'est-il pas alors primordial de s'oc-
cuper sérieusement de notre environnement !
Comment les arbres vénérables,qui ont vécu longtemps sans connaître les dangers de la pollution
atmosphérique ou souterraine,résisteront-ils à tant d'agressions ? Même si des lois sont édictées pour
les protéger,suffiront-elles si on ne s'occupe pas de la planète entière et si l'on ne fait rien pour stopper
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les pollutions. Que ce soit nos Chênes sacrés chers aux druides de Brocéliande, ces Châtaigniers aux
fruits généreux, ces Noyers au bois précieux, ou bien encore les Cèdres rouges de l'Ouest canadien, les
Séquoias géants de Californie,les Baobabs d'Afrique,les Banians de l'Inde,tous ces arbres et bien d'autres
forment notre patrimoine et doivent être protégés et préservés des agressions humaines. Nous ne sommes
que passagers sur cette terre et il nous revient d'épargner notre héritage.
L'Arbre,source de vie,dont les branches pourraient être l'emblème - et le sont parfois - d'une province,d'un
pays doit être défendu par des lois strictes. C’est pourquoi,je désire plus que tout que différents vieux
arbres soient inscrits au Patrimoine végétal et culturel mondial et j’espère y arriver avec le soutien de
l’Unesco et de l’IUCN.
Arbre de vie,c'est le nom que l'on donne aussi à l'Arbre de Liberté,symbole de la liberté,mais ausi de la
nature et de la vie. Emblème des acquis de la Révolution française,il a persisté bien au-delà de cette période
pour se répandre à travers le monde que ce soit en Italie,en Inde,au Sénégal et même en Chine. Il a fasciné
les peuples du monde entier : il est un symbole de fécondité,de renaissance,parfois un monument reli-
gieux substitué à la croix. Dans le monde rural,il est devenu un symbole des temps nouveaux.
Que ce symbole d'Arbre de vie soit notre signe de ralliement dans ce voyage à travers les arbres vénérables
de nos cinq continents !
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Depuis des millénaires des arbres ont
poussé partout sur la terre,formant de
vastes forêts mais s'accrochant aussi à
des parois rocheuses abruptes, se
nichant dans des vallées obscures,traversant des grottes.
Leur quête de nourriture leur a demandé parfois mille
détours et une infinie patience mais ils ont réussi à sur-
vivre. Certains sont devenus des arbres majestueux,res-
pectables et,dans nos terroirs de France, leurs frondai-
sons ayant pris de l'âge ont suscité des cultes,des mythes,
des histoires locales. D'autres ont poursuivi leur long
chemin de vie dans un certain anonymat. Pourtant s'ils
étaient doués de la parole,ils pourraient nous raconter
les exploits de Roland ou du roi Arthur,nous livrer les
secrets de la magie de Merlin l'enchanteur. Ils pourraient
nous évoquer saint Louis rendant la justice,ou Colbert
recommandant de planter des ormes en bordure des
routes. Ne sont-elles pas ces vieilles frondaisons les seuls
témoins vivants de notre histoire ancestrale.
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FRANCEET
ALENTOURS
France / Sicile / Suisse et Belgique / Allemagne
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F r a n c e
C'est il y a une dizaine d'années
que je commençai ce que l'on
peut appeler ma « croisade des
arbres ». Je voulais percer leurs
secrets, les faire connaître,aider à
les préserver. Dans nombre de
nos communes, en effet, les
arbres,même les plus vénérables sont souvent,pour peu
que certaines de leurs branches soient malades,
considérés comme « dangereux » et au nom de la « sécurité
publique » trop souvent abattus. C'est tellement plus facile
que de les entretenir !
L'Orme (Ulmus campestris) de Salignac (Dordogne)
Depuis le Moyen Age,l'Orme a été l'un des plus beaux
joyaux de nos régions françaises. Il a servi de limite ou
de point géodésique, il a été marié à d'autres végétaux,
comme à la vigne dans quelques bourgades du Gers ;
mais,surtout,il a orné les places de nos villages. L'Orme
de nos grand-places est généralement âgé et peut
atteindre plus de trois cents ans,trônant alors dans toute
sa majesté. Nos Ormes les plus célèbres sont ceux de
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Salignac Eyvigues en Dordogne,de Biscarosse dans les
Landes,du Caylar dans l'Hérault,ou de Gorbio dans les
Alpes-Maritimes planté en 1713,sans oublier celui de l'é-
glise Saint-Gervais à Paris, renommé au XVIIe siècle
pour ses propriétés thérapeutiques ; son écorce,disait-on,
était efficace contre l'hydropisie et les rhumatismes.
Celui d'Argelès,en Gascogne,tombé en 1833 et remplacé
par une fontaine,servait de cachette comme d'autres,à la
campagne, pouvaient servir d'ermitage, d'échoppe aux
artisans. L'Orme était considéré comme sacré et, tradi-
tionnellement, on ne le coupait pas,le laissant mourir de
sa belle mort. Cependant,jadis,on pensait à en replanter
d'autres pour « assurer la succession ».
Baptisé « Messidor » par l'association Mathusalem
Dordogne, l'Orme de Salignac est immémorial ; les
enfants du village,leurs parents,leurs grands-parents,leurs
aïeux l'ont connu. Agé de plus de trois cents ans,cet arbre,
unique en son genre, est parmi les derniers ormes de
France. S'il paraît à première vue toujours aussi gros,aussi
beau, aussi vénérable, il n'en est pas moins vulnérable
malgré la puissance de ses racines qui s'étendent fort loin.
Démuni de ses branches charpentières depuis plus de
trente ans, il avait réussi à reformer une ramure d'une
taille impressionnante jusqu'à ce qu'il perde, en juillet
1994,une grosse branche. Le maire,alerté,demanda à un
arboriste,William Moore,de l'expertiser. Un bilan phy-
tosanitaire fut établi. Le tronc creux,dont la paroi à cer-
tains endroits ne dépassait pas les cinq centimètres,don-
nait à l'arbre une assise fragile. On décida donc d'une
taille douce, raisonnée, et d'un haubanage. Cette taille
avait pour but d'améliorer la surface foliaire, celle-ci
devant être très dense pour nourrir et générer du bois
jeune et sain aux endroits affaiblis afin de les consolider.
Il fallait bien sûr tenir compte également de la position
urbaine de l'arbre et de son mauvais état structural.
L’OrmedeSalignac.Des générations successivesl’ont vu grandir et s’étoffer.
Il avait résisté à bien des orages,mais celui demai 1999 lui fut fatal.
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Tailler délicatement l'Orme de Salignac devait augmen-
ter sa santé, sa pérennité, tout en réduisant la prise au
vent de la couronne. On supprima donc bois mort et
branches dépérissantes,on allégea la couronne,on éclair-
cit les rameaux périphériques,on délesta les branches les
plus lourdes. Mais cela ne suffit pas,des risques de rup-
ture étaient encore possibles. C'est pourquoi un hauba-
nage fut spécialement réalisé : un mât en acier de quin-
ze mètres de haut fut installé verticalement à l'intérieur
du tronc creux d'où partaient seize haubans munis du
système Cobra. Aucun étranglement n'était possible,et
aucune perforation ne fut réalisée. Les trois charpen-
tières furent reliées entre elles et si,par malheur,une de
ces branches venait à se rompre,elle resterait pendue au
câble. Cependant à l'été 1998,une attaque de galeruque
entraîna une perte à soixante-dix pour cent de la surface
foliaire, ce qui nécessita, à ma demande, un traitement
phytosanitaire.
Malheureusement, à peine un an plus tard, une autre
branche charpentière ne résista pas à la violence d'un
orage nocturne. Pensant que le tronc et les assises des
charpentières avaient été endommagées,le maire décida
un élagage complet de la ramure du vieil orme sans
réfléchir à une autre solution - qui se pratique en France
comme à l'étranger - le support par en dessous des
autres branches charpentières. J'étais alors en Australie
et ne pus faire bénéficier de mes conseils la municipalité
de Salignac.
Espérons que d'autres erreurs ne seront plus com-
mises et que l'arbre sera encore mieux respecté,pour qu'il
demeure pour bien des années encore le rendez-vous des
commères,des écoliers,des habitants de Salignac. Il serait
bon aussi que la municipalité pense à faire pousser de
jeunes ormes provenant de boutures de celui-ci qui est,
sans contexte,un arbre exceptionnel.
Dans la mythologie,l’Ormeétait l’arbred’Oneiros,fils de la nuit et des songes.
L’OrmedeSalignac est un vénérable,âgé detrois cents ans.
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Biscarosse,l'Orme (Ulmus campestris)
qui se souvient (Landes)
Symbole de la ville de Biscarosse,dans les Landes,c'est
un ancien Orme de Justice,de huit mètres cinquante
de haut,et qui aurait plus de six cents ans. Il serait le
doyen de tous les ormes champêtres de France depuis
que celui de Cassignas (Lot et Garonne) a été brûlé. Il a
également une particularité qui lui est propre : chaque
année,alors que le feuillage nouveau déploie un vert écla-
tant, une couronne de feuilles blanches apparaît : «
l'Orme se souvient ». On raconte,en effet,qu'à la fin de
la guerre de Cent Ans,une jeune fille fut accusée à tort
d'avoir trahi son promis et dû subir le châtiment alors
en cours : être exposée nue au pied de l'Arbre de Justice.
Elle fut donc enchaînée au clou du vieil orme.
Désespérée, en larmes, elle appuya sa tête sur la face
rugueuse du tronc des réprouvés et sa douleur était si
grande qu'elle en mourut. Depuis, là où la jeune fille
avait posé sa tête, l'arbre fit éclore une couronne de
feuilles blanches, blanches comme la pureté de cette
jeune innocente. Bien sûr,ce phénomène peut être le fait
d'une mauvaise alimentation en sève ou en chlorophylle,
mais cette exception végétale se répète régulièrement
et toujours à la même époque. Alors !
Souhaitons à l'Orme de Biscarosse que sa légende lui
prête vie encore longtemps !
Ma quête des vieux arbres a favorisé de nombreuses
rencontres. C'est ainsi, grâce à l'ancien président de
Mathusalem Dordogne,Jean René Bousquet,que je fis la
connaissance de Cyrille Albert, qui recensait les vieux
arbres des deux Charente. C'est avec lui que j'ai parcouru
des kilomètres à la recherche du plus vieux chêne de
France,peut-être même du monde,dont l'âge reste encore
incertain. Fort longtemps oublié car délabré et foudroyé
dans les années 40, il avait été déclaré mort par des
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L’OrmedeBiscarosseest ledoyen des ormeschampêtres deFrance. Il aurait plus desixcents ans.
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Pagededroite:
L’OrmedeGorbio (Alpes-Maritimes).
scientifiques qui n'avaient pas même pris la peine de
venir l'examiner. Cyrille ne voulut pas les croire et s'atta-
cha à son histoire.
Le Chêne de Montravail (Charente-Maritime)
C'est au temps de l'indépendance gauloise,dans un bois
perdu près de la cité de Santonnes (Saintes) qu'un chêne
issu d'une merveilleuse lignée allait connaître un destin
exceptionnel. Déjà fort âgé lors de la naissance du
Christ,il vit défiler les invasions barbares et chasser les
premiers rois de France. Mais, les siècles passant, les
flancs de l'arbre se creusèrent et s'ouvrirent,présentant
une cavité si profonde qu'elle aurait servi de repaire à
une bande de brigands. Lorque les seigneurs Pitard de
Montravail bâtirent leur logis,l'arbre se retrouva dans la
cour intérieure et ses abords furent aménagés. Si la mare
n'est plus aussi grande,elle existe bien toujours. Sa cavité
interne fut agrandie et on y installa un salon de trois à
quatre mètres de diamètre sur trois mètres trente de
haut auquel on accédait par une porte vitrée ; une petite
fenêtre laissait passer la lumière. On pouvait,dit-on,y pla-
cer une table ronde permettant un repas de douze cou-
verts.
Découvert en 1832 par un naturaliste de La Rochelle,
Charles d'Orbigny, il resta ignoré jusqu'en 1843. Un
large échantillon en avait cependant été prélevé dans le
haut de l'entrée ce qui permit de connaître son âge : près
de deux mille ans. Son tronc mesurait vingt-six mètres
de tour au sol, il portait des branches de un à deux
mètres de diamètre allant jusqu'à quarante mètre de
long. L'heure de gloire du Chêne gaulois allait sonner !
Hélas ! elle ne dura pas plus de cinquante ans. En 1883,
le Logis Pitard de Montravail changea de propriétaire et
notre vieux chêne faillit être transformé en bois de
LeChênedeMontravail,au début du XXe
siècle. Découvert en 1832,il aurait,dit-on,prèsdedeux milleans.
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Pagededroite: LeChênedeMontravail,ledoyen denos région françaises.
chauffage. Heureusement le maire de l'époque et un
professeur de botanique de l'école navale de Rochefort
le sauvèrent de justesse.
Cependant,dès 1884,des branches furent abattues et en
1900 il ne restait plus qu'un tronc fantomatique,rongé
par les capricornes et l'humidité exsudée par la mare ; il
ne possédait plus qu'une branche et n'avait plus de
porte. En dépit de ses avatars,le Chêne,dit gaulois,sus-
cita encore une querelle,en 1906 et 1907,entre un pro-
fesseur allemand qui allégua que c'était là le plus vieux
et le plus gros chêne du monde et deux érudits locaux qui,
après vérifications sur place, condamnèrent l'arbre qui
ne pouvait avoir tout au plus que mille cent cinquante
ans,peut-être même seulement sept cent cinquante. Mais
les dimensions inscrites sur leur rapport sont inexactes
par rapport à la réalité !
En août 1941, la foudre s'abattit sur le vieil arbre et
fracassa la dernière branche qui, en tombant, aurait
embarqué au passage une partie du tronc. De quoi annon-
cer officiellement la mort de l'ancêtre, ce que s'em-
pressa de faire le journal local... sans vérifier sans doute
ses informations. En effet,quand Cyrille Albert décida de
s'occuper de ce chêne, il trouva la branche incriminée
toujours présente. Depuis 1990,il s'est rendu plusieurs
fois sur le terrain,entreprenant des soins divers pour se
débarraser des voraces capricornes et des infiltrations
d'eau. Le plus gros resterait pourtant à faire : il faudrait
qu'un mécène,avec l'approbation écrite des propriétaires,
finance complètement la restauration de l'arbre vénérable,
sous l'égide peut-être d'une fondation. Mais il pousse
encore d'une façon remarquable et donne toujours
quelques glands.
Son âge ? Lui seul le connaît,il aurait cependant,selon toute
vraisemblance plus de deux mille ans et,suivant des calculs
dendrochronologiques,près de deux mille cinq cents ans.
Pagededroite: LeChêned’Allouville-Belleffosse(Seine-Maritime),un des plus célèbresd’Europe,est plus quemillénaire.
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Le Chêne d'Allouville-Bellefosse (Seine-Maritime)
A la fin du XIXe siècle,un naturaliste de grand renom,
Henri Gadeau de Kerville, auteur de livres sur les
insectes et président de la Société des amis des sciences
naturelles de Rouen,entreprit une sorte de croisade pho-
tographique des vieux arbres de Normandie. Sa collec-
tion de plaques photographiques est conservée au
Centre de documentation sur le milieu naturel de
Rouen. Parmi ces spécimens,le Chêne d'Allouville est le
plus spectaculaire de Normandie. Voici la description qu'en
donne Henri Gadeau de Kerville,le 2 mai 1890 :
« Ce chêne de réputation européenne est vigoureux et
son tronc complètement creux. Le tronc est recouvert,
en beaucoup de parties,avec du bardeau de chêne,pour
empêcher l'eau de pénétrer à l'intérieur. La portion ter-
minale du tronc se compose d'un toit conique,également
en bardeau de chêne et surmonté d'une croix en fer. Des
tiges de métal relient entre elles les princi pales
branches. Une balustrade de chêne entoure la base de
l'arbre,et un escalier de chêne contourne une partie du
tronc et mène à la chapelle supérieure. Au sommet de
l'escalier,avant d'arriver à la porte,existe une galerie de
chêne avec un banc de même bois.
Ce chêne contient deux chapelles superposées : une
chapelle inférieure,dédiée à Notre-Dame de la Paix, et
une chapelle supérieure,nommée Chapelle du Calvaire.
Au-dessus de la porte en chêne de la chapelle inférieure
est fixé un écriteau en bois sur lequel on lit : « A Notre-
Dame de la Paix,érigée par M. l'abbé du Détroit, curé
d'Allouville,en 1696 ».
L'intérieur de cette chapelle est garni de lambris en
chêne et a la forme d'un octogone régulier. Sa longueur
du milieu du côté au milieu du côté opposé est de un
mètre cinquante-cinq,et sa hauteur de deux mètres qua-L’entréedela chapelleinférieureet l’escalier quimèneà l’oratoiresupérieur.
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
rante-quatre. L'autel où l'on dit la messe est orné d'une
belle statue de la Vierge et de l'Enfant Jésus.
La chapelle supérieure,également garnie de lambris,a la
forme d'un polygone irrégulier de neuf côtés. Sa lon-
gueur, du milieu du fond au milieu de la porte,est de un
mètre quatre-vingts, sa largeur maximum, d'une encoi-
gnure à l'autre de un mètre trente-cinq et sa hauteur de
deux mètres vingt-cinq. Dans cette chapelle supérieure,il
n'y a pas d'autel mais seulement un crucifix et un tronc.
»
Cent ans après, en 1990, ce Chêne vénérable, estimé à
mille trois cents ans,était en état de décrépitude avancé.
Après étude phytosanitaire,des travaux de restauration
estimés à environ trois cent mille euros ont été réalisés.
Les chapelles ont été démontées, les parties mortes du
tronc ont été éliminées,une structure métallique interne
a remplacé la charpente ancienne. Les chapelles ont ensui-
te été remises en place. Un chef d'œuvre. Ce sont ses cha-
pelles, classées par les monuments historiques,qui ont
sauvé ce Chêne plus que millénaire. Sans elles,il aurait
sans doute disparu. Et s'il est un véritable « monument
historique », cet arbre vénérable n' a pas renoncé pour
autant à toute vie ; au début de notre troisième millé-
naire, une ou même deux branches s'enorgueillissent
encore de feuilles.
Les Ifs (Taxus baccata) de la Haye-de-Routot (Eure)
Ces Ifs,comme beaucoup d'autres en Normandie,se trou-
vent dans le cimetière du village. Vieux de plus de quinze
cents ans, ils seraient les plus anciens de leur espèce en
France. Cette essence ayant une réputation d'immortalité
était fréquemment plantée pour commémorer les
morts. C'est à nouveau Henri Gadeau de Kerville qui,le
11 août 1890, décrit ces ifs remarquables dont l'un
L’If-chapelledela HayedeRoutot(Seine-Maritime),un haut lieu depèlerinage.
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Pagededroite:
La statuedela Viergeérigéedans un des deuxIfs dela HayedeRoutot. Tous deux auraientplus demillecinq cents ans.
possède une chapelle bénie par Mgr Decouvoux,évêque
d'Evreux, le 9 avril 1866. « On voit encore,à l'extérieur
des plaques de zinc et une gouttière destinées à empê-
cher l'eau d'entrer dans l'intérieur de l'arbre,et des tiges
de fer qui relient les grosses branches. Cet If-chapelle est
entouré d'une balustrade en bois. On accède par une
marche à l'intérieur de la chapelle,dont la porte en bois
avec des parties vitrées est surmontée d'une croix.
L'intérieur est rond ; sa largeur est de un mètre soixan-
te-quinze et la distance du fond jusqu'au bord externe
de la marche, soit la longueur de la chapelle, la porte
ouverte,est de deux mètres six. L'intérieur possède une
coupole en zinc peint en bleu ; la hauteur du plancher
au sommet de cette coupole est de trois mètres huit. On
y remarque un petit autel où l'on dit la messe,orné d'un
groupe en bois sculpté représentant sainte Anne-des-Ifs
et la Vierge. Il paraît qu'avant sa transformation en cha-
pelle, le tronc de cet if a pu contenir quarante personnes
et que huit musiciens y ont joué ensemble. »
Si le tronc creux du deuxième If n'était pas encore trans-
formé en chapelle à l'époque d'Henri Gadeau de
Kerville,il n'en fut pas de même par la suite. On y ins-
talla en 1897 un autel et une statue de Notre-Dame de
Lourdes. L'endroit est alors devenu un haut lieu de pèle-
rinage.
A l'heure actuelle,ces arbres ont gardé leur vitalité,mais ils
auraient bien besoin d'un entretien phytosanitaire,
d'haubanage et de taille raisonnée ce qui,malheureusement,
n'est pas dans les moyens de la municipalité.
Cap vers le Sud où,en dépit de l'urbanisation,souvent à
outrance,et de l'afflux des touristes,des arbres anciens ont
survécu,devenant même des entités locales et régionales.
L'Olivier (Olea oleaster) de Roquebrune-Cap-Martin
L’Olivier deRoquebrune-Cap-Martin (Alpes-Maritimes) serait leplus ancien deFranceavecplus dedeux milleans.
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
(Alpes-Maritimes).
Fort résistant,repartant par des rejets,l'olivier dépasse
en longévité le chêne, voire l'if. Depuis des temps
immémoriaux, il est symbole de paix,notamment dans
les traditions juives et chrétiennes,de fécondité,de vic-
toire pour les Japonais. Quant à l'Islam,il le considère
comme l'« Axus Mundi » et c'est son huile qui alimente
les lampes des mosquées. D'un point de vue médicinal,
ses feuilles, dépuratives et astringentes, dilateraient les
artères et diminueraient les taux d'urée sanguine.
Bi-millénaire,d'une vingtaine de mètres de circonférence,
l'Olivier de Roquebrune était au XIXe siècle la pro-
priété des frères Vial,surnommés les dragons,des bûche-
rons, rebouteux et braconniers. Résolus à l'abattre, ils
commencèrent par s'installer sous sa ramure pour s'of-
frir un bon gueuleton. C'est alors qu'intervint Gabriel
Hanotaux,(1853-1944),homme politique et historien. De
passage par hasard,il fut émerveillé par cet arbre véné-
rable ; aussi quand il apprit sa condamnation et son exé-
cution prochaine,décida-t-il séance tenante de le racheter
aux frères Vial. A quel prix,nul ne le sait. Toujours est-
il qu'il appartient encore à ses descendants mais c'est
aujourd'hui la municipalité qui en prend soin et plus
particulièrement l'ancien adjoint au maire, le sculpteur
du village,M. Mehmed qui semble l'affectionner tout part-
culièrement.
Aussi vieux sans doute que celui de Roquebrune,
l'Olivier de Beausoleil, certainement millénaire mesure
L’Olivier deBeausoleil (Alpes-Maritimes),cer-tainement millénaire,mesureonzemètres detour.
30
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
onze mètres de tour. Il ne possède qu'un seul fût et n'a
sans doute jamais été taillé,mais il produit toujours de
bonnes olives.
Dans les Alpes-Maritimes, on trouve d'autres arbres
anciens, préservés dans leur milieu sauvage, comme le
Chêne vert (Quercus ilex) du parc des Courmettes, à
Tourettes-sur-Loup,remontant à plus de neuf cents ans.
Il pousse sur un rocher,déployant ses branches vers le
sol pour mieux résister aux intempéries.
Le Chêne blanc (Quercus ilex) du Baou de la Gaude,à
Saint-Jeannet (Var) est un des plus beaux de cette espèce
qu'on rencontre dans la région. Si son pied est bien
ancré dans le Baou (rocher en provençal),sa cime domi-
ne le paysage du cap d'Antibes et de la plaine du Var.
L'INRA et différents botanistes lui attribuent huit cents
ans d'âge ; mais il est probable qu'il en ait plus ;
entouré de murs,son tronc se dérobe longtemps à la vue
; pourtant,il ne mesure pas moins de huit mètres de cir-
conférence. Mais il pousse dans ce qui aurait été une
bergerie, ce qui explique qu'il soit entouré de quatre
murs. A l'est une petite pierre polie a été déposée là :
pierre à sel, pierre d'autel, ou pierre du sacrifice ? A
l'ouest,en revanche,un grand terrain nu entouré de murs
sert de lieu de rassemblement. Etant donné son implan-
tation géographique et géobiologique,il est probable que
LeChênevert,emblèmeet fierté du parc des Courmettes(Alpes-Maritimes) remonteà environ neuf cents ans.
32
ce chêne ait été un arbre sacré. Il est d'ailleurs encore un
point de rencontre et, notamment durant la nuit des
étoiles, des initiés viennent s'y réunir. Son orientation
est-ouest corroborerait ce caractère sacré.
Un peu plus au nord, en contrebas de la vallée de
Conségudes,le Chêne (Quercus alba) de Pascaline étend
ses branches depuis peut-être quatre cents ans. On peut
se demander pourquoi cet arbre a été préservé,alors que
LeChênedePascalineétend ses branches ausoleil dela Côted’Azur depuis à peu prèsquatrecents ans.
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
34
cet endroit était exploité il y encore quelques années
pour faire du bois de chauffe et du charbon et servait
aussi de pâture pour les moutons. Vraisemblablement
l'ombrage qu'il offrait aux villageois et villageoises lui
évitèrent une coupe rase !
Le Platane (Platanus orientalis) de Lamanon
(Bouches-du-Rhône)
Toujours dans le Sud-Est, mais dans les Bouches-du-
Rhône cette fois,j'ai photographié un gigantesque platane
dont les branches s'étalaient au sol. Certaines mesu-
raient près de deux mètres de diamètre alors que le
tronc en faisait huit pour une longueur de ramure de
cinquante-trois mètres. Sans doute,l'un des plus longs de
France. Au début du XXe siècle,ce platane appartenait
au maire du village qui organisait à l'ombre de sa ramu-
re fêtes et bals. Est-ce pour cela que j'eus envie de ras-
sembler sous son ombrage les habitants de ce petit villa-
ge ? Cinq cents personnes furent présentes,enfants,ado-
lescents, parents,grands-parents et même arrière-grands-
LePlatanedeLamanon(Bouches-du-Rhône).Sa frondaisonmesureplus decinquantemètres.
35
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
parents ; ce fut un instant très joyeux dont je remercie le
maire,M. Darrouzès,qui m'aida à réunir ses ouailles. Cet
arbre se trouve dans une propriété privée et,malheureuse-
ment, il est interdit d'y pénétrer sans autorisation. J’y ai,
pour ma part,été très bien accueilli et j’en remercie les
propriétaires.
Le Tilleul de Féternes (Haute Savoie)
C'est sur la place de la Chapelle de Châteauvieux, à
Féternes que se dresse un vieux Tilleul de dix mètres
de tour et de plus de quatre cents ans d'âge. Cet arbre,
dédié aux morts, avait sans doute été planté dans
l'ancien cimetière qui jouxtait une chapelle du XIIe
siècle. La présence d'une Vierge noire,taillée en bois d'é-
poque, valorise encore le lieu.
Les Faux (Fagus sylvatica tortuosa) de Verzy (Marne)
Les Hêtres actuels (Fagus) descendent d'une très, très
vieille famille d'arbres qui a essaimé un peu partout sur
la planète. En France,c'est dans la Montagne de Reims
que nous trouvons des hêtres millénaires. Les Faux (ou
fous) de Verzy,également nommés à juste titre tortillards
étaient déjà mentionnés dans le cartuaire de l'abbaye de
Saint-Basle. Ils poussent au ras du sol et ne dépassent
guère un ou deux mètres de haut,nul ne sachant pourquoi.
On évoque le passage d'une comète radioactive,la nature
du terrain,une mutation génétique ... Quoi qu'il en soit,
ces anomalies arborescentes sont d'une beauté fascinan-
te, prenant des formes extraordinaires, parfois fantas-
tiques. L'automne avec ses tonalités jaunes,orange,mar-
ron, ors ou rouges les rendent encore plus fantasmago-
riques et si l'on a la chance de les voir sous la neige,le
spectacle n'en est que plus merveilleux.
Plusieurs d'entre eux sont millénaires et certains sont
personnifiés : le Faux à la tête de bœuf,la Dame,la Lyre,
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
36
LeTilleul deFéternes (HauteSavoie),dixmètres detour et quatrecents ans d’âge.
Un des Hêtres tortillards ou Faux deVerzy,dans la montagne deReims.
Dans le folklore cévenol, il était detradition de manger des châ-taignes rôties en buvant quelquesbons coups de vin : c'était « faire labiroulade ». Bien des croyances s'yrattachaient : si une jeune fille fai-sant sauter les châtaignes, dans lagrande poêle percée de trousréservée à cet usage, les cuisait àpoint, elle était assurée d'être heu-reuse en ménage ; mais, gare, si elleles laissait brûler, mieux valaitalors ne pas se marier car le mal-heur ne pouvait que s'acharner surelle. Quant au garçon à marier,l'usage voulait qu'il lance par deuxfois toutes les châtaignes de lapoêle pour les rattraper du mêmecoup : s'il laisse une seule s'échap-per du récipient, il perdra safemme l'année même de sonmariage, et s'il est particulière-ment maladroit et les éparpillechaque fois, c'est au contraire luiqui mourra le premier.
(Paul Sébillot, La Flore, éditionsImago)
etc. L'Office national des forêts en prend grand soin,
des barrières de protection ont été mises en place et
leurs semences sont récupérées pour essayer de faire
pousser de nouveaux hêtres tortillards.
Le Châtaignier (Castanea sativa) du Brûlis à Neuillé
(Indre et Loire )
Le Châtaignier fut respecté de tout temps pour sa
grande utilité : ses fleurs,d'une délicate odeur,donnent
un excellent miel,son bois a longtemps servi comme bois
de chauffage ou pour la fabrication du charbon de bois
; enfin, débité en planches, on en couvrait les toitures
comme savaient le faire les feuillardiers du Limousin.
Mais ce sont surtout ses fruits, les châtaignes, qui ont
longtemps été la base de la nourriture des paysans. Les
plus célèbres de France sont ceux de Neuvecelle et de
Lugrin,près d’Evian,celui de Nonneries à Abbaretz ou
encore celui de Kerse’och.
Le Châtaignier de Neuillé serait millénaire. Il mesure
douze mètres trente de tour à hauteur de la taille. Lors
de la Seconde Guerre mondiale, un violent orage le
foudroya,explosant ses deux branches principales,fendant
38
LeChâtaignier du brûlis à Neuillé (Indreet Loire) a gardé belleallu-re en dépit deses milleans passés.
le tronc en deux jusqu'au cœur et provoquant un incen-
die local. Malgré tout le bois mort ramassé alors,l'arbre
était encore d'une telle taille qu'il semblait toujours le
même. De nos jours, en dépit de quelques branches
mortes,il a gardé sa belle allure : des contreforts pous-
sent sur les plaies et les crevasses en prenant toutes
sortes de formes.
Plus imposant encore le Châtaignier de Mouliherne
(Maine et Loire) avec plus de seize mètres quatre-vingt-
dix de tour présente le plus gros tronc de France.
C'est au milieu de ronces qui en rendaient l'accès dif-
ficile que son propriétaire eut la surprise de découvrir ce
géant,sans doute le plus gros châtaignier de nos régions
françaises.
S i c i l e
Le Châtaignier (Castanea sativa)des Cent chevaux (Sicile)
Dans toute l'Europe, les châtaigniers peuvent prendre
des formes et des tailles phénoménales. Repartant de
souches,certains sont parfois considérés comme immor-
LeChâtaignier des Cent Chevaux (Sicile)possèdeplusieurs troncs,mais un seulsystèmeracinaire. Il poussesur un solvolcanique,propiceà l’éclosiond’unefloreabondante.
41
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Pagedegauche:
Letronc du Châtaignier deMouliherne(Maineet Loire) est particulièrement imposant,sansdouteleplus gros deFrance.
tels tandis que d'autres, à la ramure exceptionnelle,
deviennent des légendes vivantes. C'est le cas du
Castagno dei cento Cavalli ou Châtaignier des Cent
Chevaux qui doit son nom à une reine napolitaine. A l'é-
poque de la Renaissance,Giovanna I d'Angio fut sur-
prise par un violent orage alors qu'elle faisait route vers
l'Etna. Elle s'abrita sous la ramure immense de ce châ-
taignier ainsi que son escorte de cent cavaliers d'où le
nom donné depuis à l'arbre.
On lui attribue plus de deux mille ans. Au XVIIe siècle,
Kircher y vit un troupeau de trois cents moutons à l'abri
dans un énorme trou qui se trouvait à son pied ;
quelques années plus tard,un autre voyageur y vit une
famille habitant dans son intérieur. En 1770, les pre-
mières mesures entreprises par Brydonne donnaient
une circonférence de soixante-deux mètres et un
diamètre de vingt mètres tandis qu'en 1780 le comte
Borch indiquait cinquante-sept mètres pour le tour du
tronc. Des troncs devrait-on dire car en 1865 il est décrit
comme composé de cinq gros troncs dont trois en
bonne santé,tous unifiés par le même système racinaire.
On sait aussi que ses châtaignes étant fort appréciées,
une hutte avait été aménagée dans l'arbre,qu'on y avait
installé un four pour faire sécher les fruits et que le bois
utilisé comme combustible provenait bien évidemment
du tronc de l'arbre.
Actuellement, il mesure cinquante-cinq mètres de tour,
avec quatre troncs divisés. Le cinquième ayant été brûlé
volontairement par des voyous,une barrière peu esthétique
protège dorénavant cet arbre vénérable qui enorgueillit
le petit village de Sant'Alfio,sur les pentes est de l’Etna,à
environ 550 mètres d’altitude.
Dans ce même village, on peut également voir le
Castagno della Nave,le Châtaignier du Navire qui sur-
plombe la mer ionienne ; peut-être a-t-il servi de repère
LeChâtaignier du Navire(Sicile) dressesaramuredepuis plus demilleans,à l’ombredel’Etna. Depetits cyclamens sauvagespoussent à son pied.
Pages suivantes : Leornado Patti et ses amisparmi les troncs du Châtaignier des CentChevaux.
42
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
aux bateaux ! C'est le deuxième plus imposant châtai-
gnier du monde avec ses vingt-cinq mètres de tour. D'un
âge plus que vénérable,il aurait,dit-on,plus de mille ans.
Il pousse entouré de vignes,à l'ombre de l'Etna.
En Sicile toujours, sur le flanc nord-est de l'Etna,
poussent des bouleaux (Betula aetnaensis) qui sont les
premiers à paraître après une éruption. Le contraste
entre la blancheur des troncs et la roche noire est assez
fabuleux à voir. Les plus extravagants poussent sur le
mont Sartorius où ils défient les lois de la gravité.
Le Chêne vert (Quercus ilex)de Milo
Il faut le mériter ce Chêne vert de Milo car une bonne
heure de marche sur des chemins caillouteux est nécessai-
re pour découvrir cet arbre de plus de neuf cents ans qui
étale ses branches sur le rocher. Il ressemble beaucoup à
son cousin des Courmettes qui jouit, comme lui, du
LeChênevert deMilo (Sicile),et ses neuf cents ans,est cousin deceluides Courmettes en Provence.
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
même climat méditerranéen.
La lave de l'Etna n'est jamais passée par là,quelle chance !
Au sud de la Sicile vivent depuis des millénaires des oli-
viers. Certains sont célèbres tels ceux d'Agrigente que les
guides touristiques datent de deux mille cinq cents ans
ce qui paraît peu vraisemblable. Ils peuvent avoir,étant
donné leur état sanitaire,le compactage du sol,le non res-
pect des racines,les troncs creux et les ramures taillées en
têtard,tout au plus cinq cents ans et ne sont donc pas
contemporains des temples de Junon et de Concordia.
S u i s s e e t B e l g i q u e
Le Chêne (Quercus robur) des Bosses,Châtillon (Suisse)
Le vieux Chêne des Bosses est connu pour être le plus
gros chêne pédonculé d'Europe. Dominant la ville de
Delémont dans le Jura suisse,il doit son nom à son tronc
particulièrement bosselé et tourmenté. Après avoir subi
d'inévitables attaques de la foudre,l'arbre fut mis en péril
en 1960 par un feu allumé pour éliminer un nid de fre-
lons et qui dégénéra en incendie.
En 1992,une confrérie,« le Gros Chêne » fut créée entre
plusieurs pays pour former « la chaîne des chênes » qui
regroupe des arbres tels que le Chêne d'Allouville
Bellefosse,celui des Bosses et celui de Liernu. Fondée
dans cette petite ville de la province de Namur, en
Belgique, où se trouve aussi un immense chêne, elle
procède,entre autres choses,à des échanges de glands qui
permettent de nouvelles plantations dans les villages.
Le Chêne (Quercus robur) de Liernu est assez bien
conservé ; d'immenses mâts métalliques soutiennent les
grosses branches sans blesser l'arbre,une façon de faire
de beaucoup plus appréciable que la manie française
LeChênemillénairedeLiernu (Belgique) est lafierté desa commune.Un bel exempledeprotectionet derestauration.
47
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
de ratiboiser les mêmes grosses branches pour se mettre
en conformité avec la « sécurité publique »,comme on l'a
fait pour l'Orme de Salignac en Dordogne. De petites
plaquettes de bois évoquant des ardoises protègent le
vieux tronc des intempéries.
Le Tilleul (Tilia platyphyllos) de Saint-Gérard (Belgique)
ou Sabot de saint Nicolas. Quand on voit cet arbre qui
remonte,dit-on,au XIVe siècle,on se demande comment
il a pu se transformer en sculpture monumentale. Il est
vrai que ces arbres anciens,au cours des années,perdent
des branches,leur bois de cœur se transforme en humus
et parfois apparaît une immense cavité,comme pour ce
Sabot de saint Nicolas, dans le tronc duquel on peut
pénétrer comme dans une caverne magique. Des formes
animales sculptées par le temps apparaissent sur le bois
de l'arbre,et si la sève continue à passer, on se demande par
où. Encore un arbre qui garde son mystère !
Le Tilleul (Tilia platyphyllos) de Maibelle
(Belgique,province de Namur). Voici ce qu'en disent les
Annales de la Société archéologique de Namur (IV,1855)
: « Tilleul plusieurs fois centenaire qui,dans sa force,était
l'orgueil du village de Maibelle, dont il ombrageait la
place publique. Cet arbre qui depuis longtemp supporte
les rigueurs des longs hivers,les ravages de la foudre et
les dégradations des hommes,ne présente plus,il est vrai,
qu'un squelette,l'ombre de ce qu'il fut autrefois. La sève,
qui ne circule plus que dans une partie de sa circonfé-
rence, porte encore cependant la vie dans quelques
rameaux vigoureux.
Mais on le voit,ce patriarche des bois est sur son déclin
; son cadavre échancré et vide,sa tête découronnée,une
partie de ses branches desséchées l'annoncent assez.
Si j'ai pu voir tous ces arbresmagnifiques en Belgique, c'estgrâce à Benjamin Stassen, unhomme exceptionnel, aimantpassionnément les vieux arbreset ayant une grande connaissancedes endroits où poussent depuisdes générations des tilleuls, deshêtres, des charmes, des aubé-pines. Il mène une lutteacharnée pour que soientconservés tous ces vétérans,maismalheureusement ne gagne pastous ses combats.
48
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
LeSabot desaint Nicolas.Cetilleul deSt Gérard en Belgique,avec sontronc déchiqueté paraît bien mystérieux.
Néanmoins, il nous survivra probablement encore, car
les vieillards de l'endroit racontent avoir entendu dire
pendant leur enfance par d'autres vieillards que ceux-ci
l'avaient toujours vu dans cet état. Qui nous dira son âge
? Quel botaniste pourra constater l'antiquité de ce
phénomène du règne végétal ? Quel autre villageois nous
racontera les emplois successifs auxquels il servit depuis
que,vide à l'intérieur,il offre un abri plus sûr contre les
intempéries des saisons ? »
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
LeCharmedu princedeCroÿ déploiesesbranches commeun véritablefeu d’artifice.
Un siècle et demi plus tard, c'est dans la cavité de cet
arbre qui exhalait toute la senteur de ses fruits,que je
photographiai une vingtaine d'écoliers du village voisin
de Florée.
Le Charme (Carpinus betulus) du prince de Croÿ
(Belgique) Un arbre imposant, un feu d'artifice de
branches sous la canopée des autres arbres lui confère
toute sa majesté,en deux mots,un manant qui a réussi !
A l l e m a g n e
Grâce à Internet, j'ai rencontré un jeune Allemand,
Jürgen Hüfner,aussi amoureux des vieux arbres que moi
et qui m'a permis d'admirer quelques spécimens de la
région de la Rhön. Il m'a montré là-bas quelques
superbes hêtres qui embellissent les forêts, quelques
vieux tilleuls ornant les places des églises, etc. Il m'a,
entre autres,emmené voir le Chêne (Quercus robur) de
Ludwig de Bad Brückenau,un arbre millénaire que véné-
rait le roi Ludwig. Nous sommes allés également admi-
rer le Chêne millénaire de Reith. A ce propos,on peut
remarquer qu’en Allemagne la plupart des arbres véné-
rables sont classés monuments naturels et par là-même
protégés.
D'autres rencontres en Allemagne,et bien que je ne parle
pas la langue,m'ont permis d'aller à Berlin organiser des
diaporamas et de découvrir dans le Mecklembourg des
routes bordées de Tilleuls,de Hêtres,de Chênes ou de
Frênes,des arbres magnifiques déployant de splendides
canopées. Ils sont pourtant appelés à disparaître en rai-
son de l'élargissement des routes bien qu'ils fassent par-
tie du patrimoine historique,culturel et paysagé.
L'Orme de Putzar, dans le Mecklembourg, est pour le
Commed’autres arbres en Allemagne,ceChênemillénairedela région dela Rhön estclassé monument naturel.
51
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
moins surprenant et pourrait avoir la palme pour son
adaptation au sol et son intelligence. En effet,alors qu'en
cet endroit n'existaient plus que les ruines d'un ancien
château, l'Orme réussit à germer sur une voûte très
fine (cinq centimètres) faite de brique, avec pour seule
fondation une ancienne glacière ou puits complétement
démoli. Il a tranquillement déployé son système racinaire,
lui donnant une forme voûtée s'harmonisant parfaitement
avec la voûte minérale. En passant de l'autre côté de la
voûte,on peut apercevoir tout le système racinaire aérien,
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Ci-contre: L’OrmedePutzar,un formidableexempled’uneadaptation réussieà un sol peu banal,
la voûted’uneancienneglacière.
Ci-dessous : LeHêtredeKrakow.
qui évoque la forêt vierge.Son tronc,s'élançant verticale-
ment vers les cieux,a une hauteur vertigineuse de plus de
vingt-cinq mètres et,pendant longtemps encore,l'Orme du
haut de sa frondaison protégera le village de Putzar.
Le Hêtre de Krakow,dans l'ex-Allemagne de l'Est, étend
son immense ramure au bas d'un grand pré,en lisière
d'une forêt. Sa circonférence est de huit mètres. Un
banc a été installé afin que l'on puisse le contempler et
Commenombredeses congénères,ceTilleul dominedepuis des sièclesun vieux cimetière.
53
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
LeTilleul dePolchow.
pourquoi pas méditer face à sa majesté,ou tout simplement
s'y donner rendez-vous entre amoureux.
Le Tilleul de Polchow
Mentionné dans l'inventaire mondial des arbres
anciens,ce tilleul pousse depuis des siècles dans un vieux
cimetière. Entièrement creux, son tronc ne mesure pas
moins de quatorze mètres de circonférence. Le Tilleul
est un des arbres sacrés de l'Allemagne, lié sans doute
aux croyances celtiques. C'est vraisemblablement pour
cette raison que les plus anciens se trouvent souvent
dans des cimetières.
Le Pommier sauvage de Stubbendorf. Non loin de
Rostock,dans le village de Stubbendorf,croît ce pommier
qui aurait plus de quatre cents ans. D'après Maren
Fritsche - qui me l'a fait connaître ainsi que ces autres
trésors botaniques de la région - ce serait le plus gros du
Mecklembourg,mais je crois pouvoir affirmer qu'il est
même le plus imposant d'Europe. Son tronc tourmenté
mesure quatre mètres cinquante de tour et ses branches
reposent au sol pour mieux se soutenir. Il produit tou-
jours de belles pommes rouge-jaune.
Cet arbre étonnant,sauvage et non greffé m'a donné une
idée. J'aimerais que les enfants du voisinage se regrou-
pent et récupèrent les graines des pommes pour les plan-
ter et surveiller patiemment leur croisance et l'évolution
des jeunes pommiers. Ce serait un moyen de faire per-
durer cette espèce.
D'un réseau l'autre j'ai eu de nombreux contacts avec
des passionnés des arbres de toute l'Europe et j'ai,entre
autres, reçu un petit livre sur les arbres anciens de
Tchécoslovaquie et leurs légendes tziganes.
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
54
LePommier deStubbendorf.Sans doute,leplus ancien pommier sauvaged’Europe. Son tronc tourmenté mesureenvironquatremètres cinquante.
Pages suivantes : LePommier deStubbendorfdans touteson intégrité.
Du nord au sud et plus particulièrement
tout le long de la côte ouest,on rencontre
encore dans les Amériques, tant du
Nord que du Sud,des vestiges de nos
forêts originelles ; elles renferment quelques magni-
fiques spécimens,de véritables sentinelles millénaires.
Que ce soit dans l’île de Vancouver en Colombie
britannique où quelques arbres avoisinent les deux mille
ans ou bien en Californie avec ses célèbres Sequoias
sempervirens ou les Pins de Bristlecone qui seraient les
plus vieux arbres du monde,que ce soit encore l’arbre
géant de Tule au Mexique ou les forêts pluviales du
Chili avec leurs Alerce, leurs Araucarias et leurs
Nothofagus,il faut préserver ce patrimoine mondial.
Mais,malheureusment,les compagnies forestières sévissent
et si rien ne vient entraver leurs coupes systématiques
ces derniers témoins des forêts originelles risquent de
disparaître entraînant avec eux la fin de leurs biotopes et
de leurs écosystèmes. Il est donc plus que temps de lan-
cer un cri d’alarme et de prendre conscience de la néces-
sité de leur protection.
58
LESAMÉRIQUES
Canada / Etats-Unis / Mexique / Chili
59
C'est la recherche de bouleaux mil-
lénaires censés se trouver sur l'île
de la Nouvelle Ecosse qui décida
de mon voyage à Montréal. Mais
à l'arrivée,des botanistes me firent
comprendre qu'il s'agissait sans
doute d'un canular. Que faire ? Je
n'allais quand même pas repartir bredouille. C'est alors,
par l'intermédiaire de l'Association canadienne des
Pâtes et Papiers que j'appris l'existence de vieux Thujas
poussant sur les falaises de Niagara qui,sur environ trois
cent cinquante kilomètres,surplombent l'Ontario. Tout
le monde connaît les célèbres chutes mais qui,parmi les
nombreux touristes débarquant chaque jour, a pris
conscience de ces arbres minuscules poussant sur la
falaise ? Certains ne mesurent pas plus de trente-cinq
centimètres mais peuvent atteindre l'âge plus que res-
pectable de seize cent cinquante-quatre ans !
Grâce à la dendrochronologie,dont Douglas Larson de la
Guelph University est un spécialiste, nous pouvons
remonter dans le temps. L'arbre,véritable bibliothèque
vivante,mémorise et emmagasine tout dans son corps
et indique ainsi pour ceux qui savent interpréter les
anneaux de croissance les précipitations,les températures,
le vent,la sécheresse,mais aussi les catastrophes naturelles,les
incendies,éruptions volcaniques,les pollutions indus-
trielles, etc. C'est ainsi que Doug estimait à plus de
mille ans la coupe de genévrier d'à peine cinq cen-
timètres qu'il venait de ramener des falaises abruptes des
gorges du Verdon dans le sud de la France. Tenir dans
le creux de la main cette minuscule coupe plus que
millénaire,d'un bois très dense et doux au toucher,vous
laisse pour le moins pantois ! Ce sont là les derniers
vestiges de nos forêts originelles qui ont pu survivre en
raison de leur accès difficile sur les falaises ce qui a évité
Thujas occidentalisdeNiagara Escarpment (Canada).Depuis des millénaires,ils poussentsur les falaises qui dominent l’Ontario.
60
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
l’exploitation de leur bois.
Les Cèdres blancs de l'Est
Les falaises de Niagara supportent la plus importante
forêt à croissance lente de l'Amérique du Nord-Est,avec
des Cèdres blancs de l'Est (Thuja occidentalis) ; ce sont
les plus vieux arbres de l'est des montagnes Rocheuses et
cette espèce de cèdre est la deuxième plus ancienne du
Canada.
Il y a quelque quatre cent cinquante millions d'années,
une ancienne mer,appelée le « Bassin de Michigan »,sub-
mergeait les falaises de Niagara Escarpment. Les vieux
peuplements de Cédres blancs de l'Est font partie de
l'écosystème de ces falaises de Niagara Escarpment. Ce
sont des arbres à croissance très lente et qui peuvent
dépasser plus de seize cents ans avec seulement trente
centimètres de diamètre. Ils poussent sur une bande
végétale de cinq mètres de large tout le long du sommet
de la falaise. Un profond piétinement à ces endroits
engendre le compactage du sol,d'où la disparition des
semences, l'exposition à l'air des jeunes racines qui se
déshydratent et entraînent la mort des jeunes arbres,
éléments essentiels à la survie des forêts originelles. C'est
pourquoi il faut veiller aux activités de randonnée dans
ces zones fragilisées. Une ancienne forêt peut rapide-
ment devenir une collection de vieux arbres sans poten-
tiel de remplacement et mourir. D'un autre côté,histori-
quement, le manque d'humus sur la falaise a interdit la
propagation du feu et ces cèdres de paroi rocheuse sont
peu appropriés à l'exploitation forestière ; cela a contribué
à leur longévité et leur persévérance pour vivre dans un
milieu peu hospitalier.
Les vieux Ormes américains (Ulmus americana)
Les Cèdres blancs des Montagnes Rocheusespoussent vers lebas pour capter lepeud’humidité dela falaise.
62
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
John Hansel du Elm Research Institute,à Westmoreland
(New Hampshire) est un spécialiste de l'Orme améri-
cain. Il a réussi à élaborer une espèce qui résiste à la gra-
phiose, maladie parasitaire de cet arbre et souhaite que
l'Amérique soit à nouveau plantée d'ormes comme elle
l'était jadis. Mais il se bat également pour préserver les
vieux spécimens et c'est lui qui me fit connaître l'Orme
Herbie,à Yarmouth dans le Maine ; âgé de près de deux
cent trente ans, il est l'un de ceux plantés par les
pionniers et qui ont résisté à la graphiose; sa forme est
typique de celle des ormes et ses branches qui s'étendent
sur une trentaine de mètres forment comme une ombrel-
le. L'Orme de Warren Kinney ou celui d'Amherst dans
le Massachusetts sont également renommés pour leur
longévité et leur frondaison splendide.
Le New Jersey et ses Chênes vénérables
L’Ormed'Amherst (Massachusetts)et sa ramureexceptionnelle.
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
C'est près de Amherst que monami Bart Bourricius, spécialisédans la construction de plates-formes dans la canopée des arbresde forêts tropicales, a installé l'uned'elles, munie d'une passerellereliant deux arbres à une trentainede mètres de haut. A déconseilleraux gens sujets au vertige !
L’Orme"Herbie" deYarmouth (Maine)est âgé deprès dedeux cent trenteans.Sa formeest typiquedecelledes Ormes.
C'est une professeur d'art et passionnée des vieux arbres,
June Julian, qui m'a fait découvrir, dans la région de
Gladstown (New Jersey) où j'avais réussi à la dénicher,
quelques beaux spécimens : le Chêne de Warren Kinney,
un vieux chêne blanc (Quercus alba) de près de cinq
cents ans, le Chêne de Basking Ridge (Quercus alba)
dont l'impressionnante ramure veille depuis plus de
trois cents ans sur le paisible cimetière de l'église pres-
bytérienne ou celui du Brooklake Country Club,ancien-
nement appelé le Chêne de Braidburn qui,fait assez rare,
possède de magnifiques et massives branches qui partent
du bas du tronc ; il serait là depuis trois cents ans envi-
ron.
Dave Johnson,un autre expert et arboriste,participe dans
le New Jersey à l'inventaire des arbres anciens. Depuis
1940, un registre national a été mis en place pour
aider au recensement des vieux arbres et permettre ainsi
de les protéger tout en sensibilisant les Américains à
leur environnement. Les plus beaux ou les plus anciens
sont signalés par un panneau indiquant leur âge, leur
taille et précisant leur espèce.
Parmi l'ensemble du patrimoine arboré du New Jersey,
on peut citer le Chêne de Keller,parmi les plus beaux et
les plus imposants de cet Etat, celui de Mount Laurel
qui, le 19 juin 1778,pendant la guerre d'Indépendance,
abrita sous son ombre un contingent de l'armée britan-
nique commandé par le général Clinton ; ou bien enco-
re le Chêne de Christophe Colomb ou celui de Salem,
particulièrement beau. Ce sont tous des Quercus alba.
Dans l'avion qui m'emportait vers la Floride je fis la
connaissance de Philipp Berolzheimer. Parce qu'il
aimait lui-même les arbres anciens,il me proposa de l'ac-
compagner dans son île privée, Little Simon's Island.
C'est en plein marais,dans un endroit merveilleux,calme
où l'on peut voir des hérons,des alligators,toute une vie
LeChênedeBasking Ridge(New Jersey) veilledepuis près detrois cents ans sur lecimetièrepresbytérien.
LeChênedeBraidburn. Il est rarepour unarbretrois fois centenairedegarder sesbranches les plus basses.
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Ci-contre: LeChênedeMont Laurel (NewJersey) tend ses branches vers lehaut,contraire-ment à la plupart des arbresdeson espèce.
sauvage luxuriante. Cet île est d'ailleurs une réserve de
biosphère. J'ai pu voir là dans la propriété même de
Philipp un vieux Chêne de vie (Quercus virginiana) de
plus de quatre cents ans et quelques splendides Cèdres à
encens.
Les vieux Chênes de vie
Les Live Oaks (Quercus virginiana) se retrouvent dans
tout le sud-est américain et c'est en Caroline du Sud que
j'ai photographié le Chêne Angel de Charleston et le
Chêne de Middleton Place. Le Chêne Angel, couram-
ment appelé en raison de sa forme Octopus, aurait,
d'après la tradition,mille quatre cents ans. Il mesure
neuf mètres de tour et vint-cinq mètres de haut et ses
branches s'étalent sur plus de trente mètres. En règle
générale,ces arbres ne sont pas particulièrement hauts
mais leurs ramures très volumineuses s'étendent par-
fois très loin,ce qui leur donne une grande majesté.
Seuls les plus anciens possèdent des branches mas-
sives qui retombent sur le sol pour s'y épanouir et par-
fois même s'y enraciner. Ils sont revêtus d'une sorte de
duvet,appelé mousse espagnole en souvenir des conquis-
tadores (Tillandsia usneoides), de couleur jaunâtre.
Appartenant à la famille des ananas, c'est une plante
épiphyte,c'est-à-dire qui grandit en symbiose avec une
autre plante tout en ayant son propre système racinaire.
Propagée par le vent et les oiseaux,elle s'est attachée à ces
vieux chênes sans aucunement les endommager. Elle a
été utilisée comme liant dans une sorte de torchis amé-
ricain et est encore employée,de nos jours,comme bour-
rage pour le mobilier de grande valeur.
Ces Chênes de vie doivent leur nom à leur capacité de
résistance aux orages intenses des côtes sud des Etats-
Unis. Peut-être aussi parce que leurs feuilles vertes et lui-
LeChênedeviedeLittleSaint Simons’Island,un arbred’au moins quatrecents ans.
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
LeChênedeMiddleton Place,près deCharleston,vit en parfaitesymbioseavecla "mousseespagnole",uneplanteépi phyte.
santes restent sur les branches toute l'année et ne tom-
bent que lorsque les jeunes pousses apparaissent. Ils
restent le symbole du Vieux Sud comme le sont les plan-
tations de coton en Louisiane où l'on trouve d'ailleurs
des chênes ancestraux comme celui de Mandeville,près
du lac Pontchartrain. Agé de plus de treize cents ans,il
déploie ses branches au sol,telles des tentacules de pieuvre
géante. Son nom de Seven Sisters lui vient de ses sept
troncs accolés qui appartiennent tous au même système
racinaire. C'est le plus large chêne des Etat-Unis. Son
propriétaire,avec beaucoup de sagesse,assure sa descen-
dance en plantant de ses glands pour faire pousser de
jeunes arbres.
Ces vieux chênes dont le bois aux XVIIIe et XIXe siècles
était apprécié pour la construction des bateaux servaient
aussi pour faire sécher les cordes de lin sur leurs longues
branches ; mais ils pouvaient également devenir l'en-
droit idéal pour les duels, pour y signer des traités,
écrire des poèmes ou des chansons. Pour les protéger
« Seven Sisters »,leChênedeviedeMandeville(Louisiane) doitson nom à ses sept troncs,tous issus d’un mêmesystèmeracinaire.C’est leplus largeChênedes Etats-Unis.
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et les promouvoir a été créée la Live Oak Society qui
compte beaucoup d'adeptes en Louisiane.
Les Cyprès chauves
Honey Island Swamp est un splendide marais près de
Slidell, en Louisiane. Propriété privée, elle appartient à
Nature Conservancy,un organisme américain qui achè-
te des terrains pour les préserver. C'est lors d'une ran-
donnée en canoë que j'ai pu voir et photographier les
Cyprès chauves (Taxodium distichum),vraisemblablement
millénaires avec leurs racines hors de l'eau, nommées
pneumatophores et qui permettent aux arbres de respi-
rer. J'y ai vu des ratons laveurs,des grenouilles,des alli-
gators, des poissons et des oiseaux comme les hérons
cendrés ou les aigles. Mais le tourisme et ses bateaux à
moteur puissants, sources de nuisances sonores et de
pollutions, viennent de plus en plus souvent troubler
l'écosystème de ce marais. Pour le préserver,il faudrait
généraliser l'écotourisme et la randonnée en canoë !
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Les forêts pluviales sont extrê-mement rares, couvrant seule-ment 0,2 pour cent des airespaysagères de la terre. Elles sesituent là où les températuresrestent modérées tout au longde l'année et où les précipita-tions sont assez importantes,enmoyenne 2000 mm/an. On entrouve au Chili, en Tasmanie,Nouvelle-Zélande, Norvège etpour environ une moitié d'entreelles le long de la côte ouest del'Amérique du Nord,de l'Orégonà l'Alaska.
Ces anciennes forêts pluvialestempérées regorgent d'éco-systèmes biologiquement divers.Les arbres y sont d'espèces dis-tinctes, d'âges différents et detailles très diverses. On y trouveégalement beaucoup d'arbresmorts debout (chicots, frag-ments) et des troncs qui jon-chent le sol,le tout jouant un rôleprimordial dans l'écologie de laforêt en donnant vie à desmousses épi phytes, des cham-pignons, des fougères, desarbustes, des lichens qui, eux-mêmes, favorisent la présence denombreux insectes, oiseaux oumammmifères, sans oublier d'in-nombrables bactéries et orga-nismes microscopiques.
LeCyprès chauvedu marais d’Honey Island(Louisiane),un arbrequi serait fort probable-ment millénaire.
Après l'est et le sud du continent nord-américain,
remontons à l'ouest vers la Colombie britannique.
Les forêts pluviales de l'île de Vancouver (Canada)
On trouve encore sur la côte ouest de l'île de Vancouver,
en Colombie britannique,des portions substantielles
d'anciennes forêts pluviales tempérées. Y accéder
demande un certain effort puisqu'il faut parfois plu-
sieurs jours de marche pour les atteindre. Aussi, pour
faciliter ce genre de randonnées, le Western Canada
Wilderness Committee et d'autres ONG,avec l'aide d'au-
tochtones, ont-ils balisé et construit des sentiers faits de
planches de bois de récupération. On en trouve entre
autres dans les îles de Clayoquot.
Les anciennes forêts de l'île de Vancouver se sont
lentement développées après le passage des dernières
glaciations du Quaternaire,il y a environ onze mille ans.
La concentration graduelle de matières organiques créa
les premiers marécages côtiers, qui remontent à peu
près à cinq mille ans. Simultanément les forêts côtières
commencèrent à prendre forme, les plus majestueuses
prenant racines sur les basses pentes des montagnes
côtières et dans les vallées.
Mais depuis le milieu du XIXe siècle,ces forêts ont été
exploitées. A cette époque, on comptait encore deux
millions trois d'hectares de forêts anciennes pluviales
tempérées alors qu'en 1954,après une centaine d'années
d'exploitation,il n'en reste qu'un million six. Depuis les
coupes se sont multipliées pour n'en laisser,en 1990,que
huit cent vingt-huit mille hectares. Si l'on continue au
même rythme,on risque de voir disparaître toute portion
de forêt pluviale ancienne dans les prochaines années.
Bien que le bois produit soit un des meilleurs de la
province, il ne faut pas oublier toutes les fonctions
écologiques de la forêt qui est non seulement l'habitat de
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
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Flores Island dans l’îledeVancouver(Canada). Unegrandeimpressiondecalme.
Les sentiers derandonnéedeClayoquot Sound(IledeVancouver) permettent la découvertedesforêts pluvialessans abîmer l’écosystème.
beaucoup de plantes et d'animaux,mais sert également
au recyclage et au nettoyage de l'eau et de l'air,etc. Il est
donc temps de prendre conscience que nous devons
protéger ces forêts qui font partie des poumons de
la Terre.
Dans ces anciennes forêts pluviales grandissent, entre
autres,quatre espèces d'arbres uniques dans cette région
du Pacifique et ne se rencontrant nulle part ailleurs
dans le monde. Il s'agit de l'Hemlock de l'Ouest (Tsuga
hetérophylla),du Cèdre rouge de l'Ouest (Thuja plicata),
du Sapin amabilis (Abies amabilis),du Sapin de Douglas
(Pseudotsuga menziesii) et de l'Epinette de Sitka (Picea
sitchensis). Les arbres dominant atteignent communé-
ment trois cents à huit cents ans, sans en négliger
quelques-uns qui avoisinent les deux mille ans. Avec
leurs quatre-vingt-dix à cent mètres de haut,ils comptent
parmi les plus hauts du monde. Ils sont également les
plus massifs avec des diamètres de six à huit mètres. Les
records de taille des arbres se trouvent sur la côte ouest
de l'île de Vancouver, à Carmanah, Clayoquot Sound,
Cheewhat Lake. Récemment le Western Canada
Wilderness Committee a découvert des Douglas âgés de
mille trois cents ans et dépassant tous les records de
taille de cette espèce (Stoltmann Wilderness).
Carmanah Valley et Cheewhat Lake,
le rêve de tous les planteurs d’arbres
Les aires de Carmanah et Walbran recouvrent une gran-
de partie de l'ancienne forêt pluviale du sud de l'île. Le
Sierra Club en a identifié vingt mille hectares qui
méritent protection ; aussi, dès 1990, le WCWC a-t-il
entrepris une campagne de sauvegarde de cette magnifique
vallée de Carmanah alors que Mac Millan Bloedel, la
plus importante compagnie forestière du Canada,s'y inté-
A Cheewhat Lakedans l’îledeVancouver,on a découvert en 1988 unThuja plicata deplus dedeux milleans et d’aumoins vingt mètres detour.
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
ressait également,pour d'autres raisons ! Pour sauver la
forêt du carnage,le WCWC convia des scientifiques de
différents pays dans le but de recenser toutes les
formes de vie évoluant dans ce biotope ; des stations de
recherches furent arrimées dans les plus hautes épinettes
; on décida de dénombrer également les arthropodes qui
sont au cœur du processus de décomposition et de recy-
clage. L'étude scientifique,qui a duré quatre ans,a favo-
risé la découverte d'espèces inconnues si nombreuses
que la création du Carmanah Pacific Park a été décidée.
C'est là que culminent les arbres les plus gigantesques de
la Colombie britannique et notamment le Géant de
Carmanah (Thuja plicata) qui grimpe à cent six mètres.
C'est également un véritable paradis pour les insectes
et tous ceux qui y vivent et un lieu de rêve pour les
promeneurs en mal d'aventures uniques et inoubliables.
Faisant partie du Carmanah Pacific Park,Cheewhat Lake
abrite les Cèdres rouges (Thuja plicata) de l'ouest, de
tailles phénoménales. L'un d'eux mesure presque vingt
mètres de tour. Il est sans doute âgé de plus de deux
mille ans mais ne se laisse pas approcher sans effort ; il
faut en effet une demi journée de marche sur un sentier
mal balisé seulement accessible à des trekkers expéri-
mentés.
Clayoquot Sound
Dans la partie centrale de l'île de Vancouver,du détroit
de Clayoquot à la péninsule d'Hesquiat, les deux cent
soixante-dix mille hectares de Clayoquot Sound embrassent
trois grandes îles : Meares, Vargas et Flores. C'est un
éventail de criques dans les forêts pluviales monta-
gneuses qui s'étend sur trente kilomètres. Trente-cinq
mille hectares seulement sont protégés, tandis que
quelque quatre-vint-un mille sont abandonnés à l'exploi-
La biodiversité est la somme globalede tout ce que la nature a appris aucours de sa longue existence deplusieurs milliards d'années. Cettebanque de données, répartie dans lamoindre fibre végétale et lamoindre cellule, est le principevital qui maintient l'équilibre detout ce qui pousse, de tout ce qui vit.Ainsi un vieil arbre qui tombeapportera pendant des années, voiredes siècles, toutes les substancesnécessaires à la croissance desautres arbres. On peut donc lesqualifier de nurseries-trees, ouarbres-pépinières.
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« Hanging Garden Cedar »,Meares Island (IledeVancouver) un Thuya deplus dequinzecentsans,un véritableécosystèmeà lui seul.
tation forestière. Avec Clayoquot Sound, nous avons la
chance de préserver un réseau forestier pluvial intact de
bassins versants et d'îles. Il offre des avantages écono-
miques non-forestiers considérables tels que la pêche
commerciale,l'écotourisme et les loisirs de plein air. On
peut y observer des baleines,des oiseaux,des saumons,
avoir un aperçu de la vie sauvage que ce soit en ran-
donnant sur les sentiers organisés par la WCWC, ou
bien en kayak ou à la voile. Les forêts jaillissant de
l'océan à fleur de rochers sont un spectacle inoubliable.
Dans Meares Island plus particulièrement,par une belle
piste de bois qui protège le sol fragile,les plantes et les
réseaux racinaires,on partira à la recherche du Hanging
Garden Cedar (Cèdre-jardin suspendu) qui est estimé à
plus de quinze cents ans ans et mesure dix-huit mètres
trente de tour. Il partici pe à un véritable écosystème
donnant vie à de la mousse épiphyte,à des lichens,à des
champignons et même à des Hemlocks éphi phytes
(Tsuga heterophylla),qui se fixent à son sommet et font
descendre leurs racines le long du tronc. Un vieux roi
qui veille sur son royaume ! En parcourant les trois
kilomètres de cette piste, vous serez fasciné par cette
végétation pluviale, vous croiserez ces énormes Cèdres
rouges de l'ouest et vous pourrez même traverser les
entrailles racinaires de quelques arbres vénérables, des
Nurseries-trees de quarante-trois mètres de haut et de
trois à quatre mètres de diamètre.
Peut-être aurez-vous la chance d'apercevoir un aigle,ou
tout au moins son nid,ou de rencontrer un ours !
Par un autre sentier, vous arriverez au pied du Big
Mother, un autre Cèdre rouge (Thuja plicata) de cinq
mètres cinq de diamètre et cinquante mètres de haut,un
des rares témoins vivants de la forêt pluviale canadienne
- il aurait deux mille ans. Avec celui de Cheewhat Lake,
il serait le plus large de la Colombie britannique.
Depuis le début du siècle, laColombie britannique a étéravagée par les coupes à blanc,etce malgré les actions menéesavec acharnement par diversesassociations. Là où les espacesont été dénudés, l'érosion et lesglissements de terrain ravinentles versants pentus des mon-tagnes. Devant un tel désastre,les compagnies forestières,elles-mêmes, ont décidé de reforesterles coupes rases.
Ainsi, en 1996, sur l'île deVancouver, dans le district deCameron, près de Port Alberni,trente planteurs sont restésquatre mois,de juin à septembredans des coupes à blanc desoixante hectares. Chacun d'euxdevait planter un quota de cinqcents arbres par jour, compre-nant cinq essences différentes :Cèdres rouges de l'ouest,Cèdresjaunes, Sapins de Douglas,Hemlock, Sapins nobilis. Celafait un total qui peut paraîtreénorme mais qui est loin deremédier aux dégâts occa-sionnés.
Andrew,un de mes amis,a par-tici pé à cette campagne derégénération. A lui seul, il aplanté soixante-dix mille arbresdans ce climat rude et sur cespentes abruptes. Rien que sesbottes et une pelle pour faireface aux brouillards, pluies etvents qui vous mouillent jus-qu'aux os toute la journée.
Espérons que ces forêts futuresseront respectées par les généra-tions à venir.
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Depuis février 2000,grâce à l'action concertée de plusieurs
organisations internationales (le WCWC,le Sierra Club,
Greenpeace,mais aussi l'UNESCO et l'IUCN (Union
internationale pour la conservation de la nature) ce lieu
magique a été déclaré « Réserve de biosphère ». Cela
n'arrêtera pas l'exploitation forestière,mais devra permettre
une meilleure gestion de la nature.
Le Stoltmann Wilderness
A deux heures de Vancouver,le Stoltmann est un endroit
fabuleux de deux cent soixante mille hectares. C'est une
mosaïque riche de forêts anciennes,de prairies alpines,de
marécages, de rivières et de glaciers. Il englobe quatre
importantes vallées anciennes, Upper Elaho, Sims,
Clendenning et Upper Lilloet,un ensemble fluvial recon-
nu par le ministère de l'Environnement de la Colombie
britannique. Il doit son nom à un jeune militant Randy
Stoltmann,un chasseur d'arbre (Tree Hunter) qui sou-
haitait que cet endroit soit protégé rapidement. Il mou-
rut prématurément dans un accident tragique en mon-
tagne.
En empruntant le sentier tracé par des membres du
WCWC en 1995, on peut remonter toute la vallée
d'Elaho River et découvrir de très hauts Sapins de
Douglas,des forêts d'anciens Cèdres rouges,des prairies
fleuries, des rivières regorgeant de poissons, des
aigles, des orignaux, des chèvres de montagne, des
loups. Qui pourrait penser qu'on se trouve à proximité
de Vancouver et de son important complexe urbain !
Le Stoltmann est un centre de préservation de la vie
sauvage. Cachés dans les bas fonds des canyons de Lava
et Cesna, surnommés les impassables, se dresse l'Elaho
Giant (Pseudotsuga menziesii), le troisième plus impo-
sant Douglas du monde. Au cours de l'été 1999,une cen-
" Big Mother ",un Cèdrerouge,raretémoin vivant dela forêtpluvialecanadienne.
" ThethreeCrowners ",Stoltmann WildernessTrail (Colombie britannique)et la végétation luxuriantequi les entoure,ontété abattus depuis la photo.
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
taine de ces Douglas ont été répertoriés et reconnus
comme ayant plus de mille trois cents ans.
Mais en dépit de ses inestimables valeurs écologiques et
de la beauté de sa vie sauvage,le Stoltmann Wilderness
est grandement menacé d'exploitation forestière, les
forestiers allant jusqu'à commettre des actes de vandalis-
me et des agressions à l'encontre de ceux qui réperto-
rient les arbres vénérables et militent pacifiquement
pour qu'ils soient conservés. Pourtant,certains membres
du Parlement canadien désireraient ajouter aux parcs
nationaux canadiens cinq cent mille hectares du
Stoltmann Wilderness comme Canada Newest National
Park,espérons qu'ils auront gain de cause !
Proche de Vancouver également,la Seymour Demonstration
Forest livre à notre admiration quelques splendides res-
capés de l'exploitation forestière comme le Temple Tree,
un Sapin de Douglas de plus de mille ans,impression-
nant avec ses quatre mètres de diamètre et ses quatre-
vingt-dix mètres de haut.
Le Thuja plicata de Quinault Lake
C'est avec le spécialiste des gros arbres de l'Etat de
Washington que j'ai été à la rencontre du Thuya de
Quinault Lake. Bob Van Pelt a parcouru l'Etat de long
en large muni de son laser qui lui permet non seulement
de mesurer les grands Douglas et les grands Cèdres
rouges,mais également d'en reconstituer toute l'architec-
ture, jusqu'à l'orientation et l'implantation de chaque
branche de l'arbre.
Ce vénérable Thuja plicata de près de deux mille ans,le
plus gros du monde,mesure environ vingt mètres de tour
de tronc pour une hauteur de soixante mètres. Il est
creux et on peut donc l'observer de l'intérieur,ce qui est
rare. Au cours de cette marche,j'ai pu constater la déso-
« Pretty Boy »,un Sapin deDouglas(Washington),dequatre-vingt-dix mètresdehaut pour douzemètres detour.
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Un aperçu dela richesseécologiquedela forêtpluviale,à Seymour Demonstration Forest(Vancouver,Canada).
lation des nombreuses coupes rases de l'Etat de
Washington ne laissant que quelques arbres et forêts
anciennes pour se recueillir. C'est dans cette région
que se dresse encore « Pretty Boy » un Sapin de Douglas
de plus de quatre-vingt-dix mètres de haut qui vrai-
semblablement est millénaire.
Plus au sud,dans la région de Portland (Oregon),j’ai eu
l’occasion de photographier le Noyer de Sauvie Island
(Juglans indsii) le plus gros des Etats-Unis avec ses sept
mètres de tour et l'Epinette de Sitka (Picea sitchensis),
appelée Octopus en raison de plusieurs troncs partant
de sa base. Mon ami Gary Braasch,photographe spécia-
lisé dans l'environnement,m'a également montré un splen-
dide Erable à grandes feuilles (Acer macrophyllum) et
surtout The Klootchy Creek, l'Epinette de Sitka sans
doute la plus large des Etats-Unis. Afin de protéger ses
racines,on l'a entourée d'une passerelle qui empêche de la
photographier convenablement. C'est la quatrième plus
importante Epinette de Sitka au monde.
La Californie et ses arbres vénérables
Les forêts fluviales tempérées, toujours elles, de la côte
ouest américaine sont aujourd'hui encore dévastées par
les énormes compagnies forestières qui en possèdent de
grandes étendues. Les coupes effectuées depuis plus de
cent cinquante ans dans ces milieux côtiers ont engen-
dré des glissements de terrain,des érosions et fait dispa-
raître toute vie de la forêt. Devant ce désastre,des amou-
reux de la nature du nord de l'Etat essaient activement
et par tous les moyens de sauver les forêts et notamment
leurs gros Séquoias. C'est dans ce but que Julia Hill
Butterfly s'était installée en haut d'un superbe Séquoia,
appelé Luna et sans doute millénaire, surplombant la
vallée où se situe l'exploitation et l'usine de Pacific
LeNoyer deSauvieIsland (Oregon)est leplus gros des Etats-Unis.
« Luna Tree»,un Sequoia millénaire« sauvé » par la bravoureet la persévérancedeJulia Butterfly.
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Pagededroite: « Octopus »,uneEpinettedeSitka,dans l’Oregon,qui portebien son nom.
Lumber Company,la plus grande compagnie forestière.
Julia est restée dans cet arbre du 10 décembre 1997 jus-
qu'à la fin de 1999,sans jamais en descendre. Elle a été
très courageuse car elle était continuellement assaillie
par les hélicoptères des forestiers qui essayaient de l'in-
timider. Depuis lors le Séquoia de Julia a été sérieuse-
ment endommagé sans que l'on sache par qui : une
tronçonneuse a été utilisée pour entailler tout le tour
du tronc jusqu'à atteindre le cambium. En dépit des
soins multiples qui lui ont été prodigués, il a peu de
chances de survivre.
D'autres activistes se sont installés eux aussi dans les
arbres géants de l'Oregon,mais,comme pour Julia,peu de
journalistes surtout en Europe, parlent d’eux. Il faut
pourtant savoir que, même pacifistes, ces jeunes gens
sont en butte aux bulldozers des compagnies forestières
et aux exactions de la police comme l’emploi de produits
chimiques aveuglants tels que le « pepper spray ».
N’oublions pas que ce sont eux qui essaient de sauver la
Planète trop souvent polluée par l’Homme !
Après ma rencontre avec Julia par talkie-walkie interposé,
je suis allé à Arcata et avec quelques amis nous avons
parcouru ces forêts pluviales de Sequoias sempervirens.
Des arbres y culminent à cent mètres de haut,des troncs
brun-rougeâtre de cinq mètres de diamètre et plus s'é-
lancent jusqu'à quarante mètres avant que se déploient
les branches. On ne se lasse jamais de ces lieux au sol
riche et si moelleux où abondent les fougères, mais
comme on s'y sent petit !
Ces arbres anciens de la Californie sont recensés
systématiquement. Michaël Taylor effectue ce travail.
Comme il peut énoncer la hauteur d'un Séquoia à vue
d'œil, il est souvent sollicité par des associations
Technique de grimpe
Pour accéder à la cime de ces mas-todontes, Steve utilise une arbalè-te pour ancrer de longues cordes.On emploie ensuite le footlock,des poignées arrimées à une corded'escalade qui aident à monteravec les bras et les pieds. Ce n'estpas évident, mais petit à petit ons'y fait ; ce qu'il faut c'est surtout nepas penser que notre vie tient véri-tablement à un fil puisque noussommes dans le vide attachés àune corde de un centimètre dediamètre !
J'ai adopté cette technique pouressayer de photographier le DelNorte Titan, un Sequoia semper-virens de vingt et un mètres detour et haut de quatre-vingt-dix-sept mètres. Il vit sans doutedepuis plus de mille cinq cents ansdans cette forêt, mais il n'est pasvraiment protégé car son sol esttrès fragile. Malheureusement letemps était trop pluvieux et je n'aipu prendre cette photo de haut enbas. Grimper sur un arbremitoyen est la seule solution pourvoir la couronne des Séquoias sansdéformation.
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
« Del Norte Titan »(Californie),le plus large Sequoiasempervirens de la planète,huit mètresde diamètre,quatre-vingt-dix-sept mètresde haut.
L’auteur s’initiant à la techniquedu « footlock ».
Pages suivantes : « Discussions avec desgéants. » Jeddediah Forest (Californie).
forestières ou des scientifiques. Pour affiner ses estima-
tions, il se sert de jumelles munies d'un laser,ce qui per-
met une grande précision. Steve Sellett,lui,est capable de
grimper tout en haut d'un de ces géants et dire alors
très exactement combien il mesure, comme il l'a fait
pour le Mendocino, l'arbre le plus haut connu de la
planète avec ses cent onze mètres.
C'est pendant ce séjour en Californie que je découvris
un Erable à grandes feuilles (Acer macrophyllum) d'en-
viron trois cents ans qui, seul sur la butte d'un pré,
contemplait la vallée. Le bois de ces érables est utilisé
pour le placage, le mobilier,et les Indiens s'en servaient
pour la confection des pagayes. Quand au sirop d'érable
provenant de sa sève il est bien connu des gourmands.
Au cours de ce même périple,je pus photographier éga-
lement l'Arbousier de Madrone (Arbutus menziesii),un
arbre massif,sacré pour les Indiens. Son écorce est rouge
et froide au toucher et son feuillage reste vert toute
l'année. Mais l'une de ses grosses branches s'est affalée
au sol,annulant ainsi son record de taille parmi tous les
arbousiers recensés par American Forests Association.
Le plus gros Laurier californien (Umbellularia californi-
ca) que je connaisse, un superbe spécimen, vit près de
Salmon Creek depuis des siècles. Il est recouvert de
mousse verte et sa ramure dégage la senteur forte de ses
feuilles persistantes,nous rappelant qu'il ne faut surtout
pas inhaler directement cette odeur entêtante de la
feuille ; lorsqu'on la broie dans la main, cela remonte
directement au cerveau !
Les Séquoias sempervirens du nord de la Californie
En 1996,j'avais déjà eu l'occasion,grâce à Guy Chételat,
de découvrir les gigantesques Séquoias sempervirens du
Humbolt National Park. Qu'ils soient encore debout ou
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affalés sur le sol à la suite de tempêtes ou de précipita-
tions importantes, ils sont des plus impressionnants.
Comment des arbres d'une telle hauteur avec une base
de sept mètres de diamètre ont-ils résister sans faillir
depuis deux mille ans et comment la sève arrive-t-elle
jusqu'à la moindre épine située tout en haut de la cime
? C'est véritablement stupéfiant mais peut-être l'est-ce plus
encore de se retrouver devant l'abre qui était le plus haut de la
planète,cent douze mètres,étendu sur le sol,son système raci-
naire à nu.
C'est dans le Séquoia National Park que se dresse depuis
Les forêts de Séquoias géants ont plusieurs millions d'années. Leur origine remonterait à l'époque gla-ciaire lorsqu'ils vivaient en Alaska. Il y avait alors une forêt primaire qui s'étendait à travers l'Asie,l'Europeet l'Amérique du Nord. Actuellement,les quelques Sequoiadendron giganteum et sempervirens de Californieet les quelque enclaves de Cyprès chauves (Taxus distichum) et Metasequoias glyptostroboides de Chine sontles seuls vestiges de ce monde passé. Des fossiles de bois,cônes et pollens ont mis en évidence la présence dePins et Séquoias coexistant ensemble depuis cent millions d'années. James Basinger de l'université deSaskatchewan (Canada) a découvert sur l'île de la Princesse Margaret le plus remarquable dépôt de plantesfossiles au monde. Très bien conservés ces dépôts qui auraient quarante millions d'années ont permis dereconstituer le paysage de ces forêts ancestrales.
Mais dès la fin du XIXe siècle,leur exploitation intensive commença. Des scieries immenses virent le jour,desmilliers d'hommes et de femmes se transportèrent vers l'Ouest en quête d'un travail. Toute une infrastruc-ture fut créée pour l'abattage et le transport des grumes et des planches. Des arbres de plus de vingt-cinqmètres de tour et quatre-vingt-dix mètres de haut furent débités. C'est ainsi que le Mark Twain,un arbre decinq mètres de diamètre sous l'écorce fut abattu en 1891. Cinquante personnes pouvaient se tenir debout surla souche de ce pauvre Séquoia ! Le Musée américain d'histoire naturelle de New York et le Musée britan-nique de Londres en possèdent quelques tranches et leurs courbes annuelles gravées à jamais sont là pourtémoigner.
Après 1940,l'exploitation a été stoppée et les forêts ont été protégées. Aussi peut-on toujours admirerquelques-unes de ces sentinelles millénaires,trônant encore dans leurs forêts d'origine.
86
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Pages précédentes : L’Arbousier deMadrone(Californie).
Pagededroite: Les Sequoias,les plus célèbres arbres du monde,vestiges d’un très lontain passé.
La baseimposanted’un des Sequoias géantsdu Sequoia National Park,Californie.
deux mille sept cents ans le Séquoia Sherman
(Sequoiadendron giganteum), un géant mondialement
connu et qui doit son origine - n'est-ce pas inimaginable ?
- à une petite graine cinquante-huit milliards de fois plus
petite que lui. C'est dans ce même parc qu'il me fut
donné,comble de bonheur,de pouvoir photographier une
biche au pied d'un gigantesque Séquoia, un rêve d'au
moins vingt ans !
Pour le General Grant, autre Sequoiadendron gigan-
teum, ma rencontre se fit sous la neige et donna lieu à
de belles photos. Si la neige ajoute au charme du paysa-
ge, elle reste cependant un élément vital pour les
Sequoias : leurs racines et leurs aiguilles l'emmagasinent
et peuvent ainsi pallier au climat aride de l'été. Si suffi-
samment de neige ne tombe dans ces montagnes, les
Sequoias géants seront en péril. C'est aussi par un jour
de neige,que j'allai voir le Grizzly au Yosemite National
Park,dans Mariposa Grove. Pour accéder au Grizzly,il
faut marcher une bonne heure dans la forêt ; on y est
entouré de géants quand soudain surgit le plus majes-
tueux d'entre eux, véritable roi de cet environnement
avec ses soixante-quatre mètres de haut et ses vingt-cinq
mètres de tour. Il aurait plus de deux mille sept cents
ans.
Les Pins de Bristlecone,
dans les White Mountains de Californie
Ces arbres comptent parmi les plus anciennes espèces
végétales de la planète. Il y a peut-être cent millions
d'années,les Pins d'Amérique du Nord poussaient dans
des étendues qu'occupe maintenant la mer de Béring.
Quand le climat changea,ces communautés de plantes se
déplacèrent vers le sud,s'acclimatant géologiquement et
climatiquement aux changements rencontrés le long de
Pagedegauche: Le« General Grant » (KingCanyon National Park,Californie) unSequoia géant particulièrementimposant.
89
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
LeGrizzly dela YosemiteValley pourrait avoirplus dedeux millesept cents ans.
Un des Pins deBristleconedans les WhiteMountains,faceà la Sierra Nevada.
leur périple. Dans ces grandioses et arides montagnes
blanches de l'est de la Californie,à une altitude de plus
de trois mille mètres et dans une lumière vivifiante,certains
ont survécu plus de quarante siècles,dépassant en âge les
Séquoias géants. Ces arbres fabuleux se contentent d'un
sol très pauvre et rocailleux avec un minimum d'humidité
et une courte saison de croissance,et ce sont curieuse-
ment ces conditions inhospitalières qui ont permis leur
longévité. Comme ils poussent très lentement - leur cir-
conférence ne s'accroît que d'un pouce (environ deux
centimètres et demi) par siècle - ils produisent un bois
très résineux de haute densité, résistant au pourrisse-
ment et aux maladies. Les aiguilles,elles,peuvent vivre de
vingt à trente ans,s'ajoutant ainsi au nouveau feuillage.
Ces aiguilles de longue vie fournissent une photosynthè-
se stable qui aide l'arbre à supporter différents stress
sévères rencontrés pendant ces longues années. Une autre
stratégie pour survivre est le bois mort graduel de l'écor-
ce et la réduction des tissus qui conduisent l'eau (xylè-
me) quand l'arbre est endommagé par le feu,la foudre,la
sécheresse ou les tempêtes. La couronne devant alors
suppléer avec des éléments nutritifs égalise l'effet des
dommages subis. Les parties qui ont survécu restent en
bonne santé. La ténacité d'un Bristlecone est remar-
quable.
Les arbres accrochés sur des pentes plus humides pous-
sent plus vite,ont donc un bois moins dense et succom-
bent plus tôt. Depuis les jeunes pousses jusqu'aux
arbres vénérables,chaque individu a un caractère propre
à son environnement,avec un système racinaire indivi-
duel. Les jeunes branches recouvertes d'aiguilles ressem-
blent à des queues de renard dans le vent et leurs tout
petits cônes exhalent toute la fraîcheur juvénile.
Pendant tant de siècles les Pins de Bristlecone (Pinus lon-
gaeva) ont combattu les éléments naturels pour devenir
Les Pins de Bristlecone ont leurmart yr : Prometheus .
En 1964, un jeune étudiant del'Université de Caroline du Nord,Donald R.Currey, préparait sondoctorat de géographe en faisantdes recherches sur l'âge des gla-ciers dans le sud-ouest des Etat-Unis. Très attirés par le glacierWheeler Peak, cet étudiant et sonassocié, ayant approché lesBristlecone, commencèrent à pré-lever des échantillons dans le boisde cœur, découvrant ainsi que l'und'eux avait plus de quatre milleans. Très excités par leur décou-verte, ils demandèrent et obtin-rent l'autorisation du serviceforestier de couper Prometheus.Ils abattirent ainsi le plus vieil êtrevivant de la planète ; s'ils comptè-rent quatre mille huit cent quatre-vingt-quatre courbes annuelles, lesdendrochronologistes allèrent jus-qu'à donner quatre mille neuf centcinquante ans à cet arbre. Queltriste record pour une fin si tra-gique ! Mais à quelque chose mal-heur est bon. Cet abattage ayantfait grand bruit dans tous les Etats-Unis, le service forestier s'intéres-sa enfin aux Bristlecone Pine et,en 1986, le Grand Bassin futdéclaré Parc national, récompen-sant ainsi tous les efforts des asso-ciations de protection de la natu-re.
90
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
ces étonnantes sculptures,vivantes ou mortes,œuvres d'art
à l'état brut,déployant leurs formes harmonieuses,qui évo-
quent parfois de fantastiques silhouettes animales. Quant
à ceux dont la mort remonte peut-être à des milliers
d'années, le temps leur aura prêté des allures fantoma-
tiques, leurs squelettes restant sur pied,polis par les vents
de sable,de neige et de glace,donnant au promeneur l'im-
pression de se déplacer dans un monde étrange,un paysa-
ge lunaire.
Parmi les plus anciens, vénérables individus de quatre
mille ans,on peut citer The Fraternity (le Fraternel) ou
Methusela (Mathusalem), découvert en 1957, de quatre
mille neuf cent cinquante-quatre ans qui serait l'arbre le
plus vieux du monde.
C'est à Edmund Schulman,à la fois astronome et spécia-
liste de la dendrochronologie que nous devons l'étude de
ces plus vieux arbres du monde. Travaillant à l'origine
sur les Pins de Douglas,il apprit en 1953 l'existence dans
les White Mountains,de ces pins vénérables. Il découvrit là-
haut de multiples souches de Bristlecone Pine dont une
de dix mètres quatre-vingt-dix de circonférence,baptisée
le Patriarche par les Rangers locaux. Il put la dater de
mille cinq cents ans grâce aux courbes de croissance. Des
recherches plus approfondies furent alors entreprises
qui permirent la découverte des arbres les plus anciens
entre trois mille quarante-huit et trois mille trois
cent cinquante-quatre mètres d'altitude. Le premier
ainsi trouvé fut baptisé Pine Alpha,il dénombrait plus
de quatre mille courbes annuelles. S'il approche les un
mètre vingt de diamètre,il ne compte que vingt-cinq cen-
timètres d'écorce vivante pour le supporter. On comprend
la surprise de Schulman devant la capacité de ces vieux
arbres à vivre si longtemps avec si peu d'eau.
Depuis 1958, l'US Forest Service a protégé vingt-huit
mille acres canadiens de cette forêt,nommant une aire
LeGenévrier deBennett (Californie)est estimé à quatremilleans.
91
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
spécifique Schulman Memorial Grove,honorant par là
l'inventeur de ces arbres vénérables.
Le Genévrier de Bennett (Juniperus occidentalis),
à Sonora (Californie)
C'est en avion que je me rendis à Sonora. Nous sommes
passés à proximité de Yosemite Park et c'est une curieu-
se impression de voir les Séquoias géants de haut ; nous
avons également survolé Mono Lake et je suis tombé
sous le charme de cette splendide étendue d'eau vert tur-
quoise. Après quelques jours à Sonora,à la recherche de
contacts pouvant m'aider à trouver le Genévrier
Bennett,je fus pris en charge par Ernie Marino,un arbo-
riste, et ses amis, les frères Burns. Une sacrée journée
commença. Mes amis avaient loué des motos neige,
meilleur moyen de se rendre à Sonora Pass. Nous avons
emprunté de délicieux petits chemins enneigés, gravis-
sant de splendides crêtes tout en admirant les beautés de
la montagne. Nous eûmes même à franchir d'un saut de
notre engin un petit ruisseau. Enfin,après deux bonnes
heures,nous atteignîmes le fief du Genévrier,un spéci-
men d’environ quatre mille ans. Un moment inoubliable
! Jamais je n'avais vu un tel spécimen et j'avais peine à ima-
giner toutes ces années qu'il avait vécues, tout ce qu'il
avait déployé comme énergie pour propulser sa propre
sève au plus haut de sa cime ! Quelle majesté ! On com-
prend Georges Dubbins, un vieux monsieur de plus de
quatre-vingts ans qui,chaque année,aux beaux jours,vient
se recueillir sous ce genévrier,estimé à quatre mille ans,
pour en raconter l'histoire au passant. Qu'il soit félicité
pour ce beau geste !
Avant de quitter l’Amérique du Nord,le fils du directeur
photographique du musée Ghetty me fit découvrir à Joshua
National Park un Arbre de Josué (Yucca brevifolia) millénai-
Les branches du Genévrier deBennettsortent commedevéritables flammesdes fibres del’arbre.
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Pagedegauche: Les enfants del’écoledeSanta Maria del Tule(Mexique)au pied del’impressionnant Cyprès quipossèdeletronc leplus largedu monde.
re.
M e x i q u e e t C h i l i
Arbol del Tule,l'arbre légende du Mexique
L'arbre géant de Tule,dans la région d'Oaxaca,est l'un
des plus imposants du monde. C'est un immense Cyprès,
faisant partie de la famille des Montezuma (Taxodium
mucronatum),proche cousin des Cyprès chauves si com-
muns dans les marécages et terrains humides du sud-est
des Etat-Unis. Cet arbre était déjà exceptionnel en 1556,
quand les conquistadores espagnols investirent le
Mexique. Bien qu'il ait été,un siècle auparavant,fracassé
en plein cœur par la foudre qui laissa un grand trou et
détruisit trois pièces maîtresses de son tronc fragmenté,
il survécut à cette catastrophe et continua à prospérer à
travers les siècles. La cavité fut protégée et la grande
frondaison restaurée. Au cours des ans, différentes
mesures ont été prises,mais son tronc cannelé les ren-
dent complexes. A l'heure actuelle,on estime à plus de
quarante mètres sa circonférence à hauteur de poitrine.
A neuf mètres de haut,le tronc se divise en multiples et
gigantesques branches déployant une frondaison de qua-
rante-cinq mètres de diamètre. Cette vaste couronne
n'est pas très haute,culminant à quarante-trois mètres.
Quant à son âge,il est donné,à son pied,comme étant de
deux mille ans,mais différentes recherches scientifiques
lui attribueraient beaucoup plus. Quoi qu'il en soit, il
reste un des plus anciens de la planète avec le tronc le
La légende de l'arbre de Tule.
En ces temps lointains, les ani-maux vivaient en paix à l’ombred’un arbre gigantesque. Mais unjour ils prirent conscience de laméchanceté de l’homme et allèrentdemander conseil à Pitao, leurdieu protecteur. Celui-ci leur dit : «L'homme est fort et son intelligen-ce lui permet de vous capturer etde vous tuer. Et vous, vous nesavez comment défendre votreliberté. Rentrez chez vous car il esttard et retenez bien ceci : Utilisezvotre propre force pour vousdéfendre, votre instinct vous gui-dera... »
A quelque temps de là, les ani-maux f lânaient au clair de lune,quand des chasseurs jaillirent sou-dain de toutes parts. Les animaux,effrayés, coururent en tous sensjusqu’au moment où l’arbre lesinvita à se réfugier dans sesbranches.
Cela ne fit pas l’affaire de Xoco, ledieu des chasseurs qui, en fureur,paralysa les animaux qui se figè-rent sur leurs branches protec-trices. Les choses ne s’arrêtèrentpas là ; en représailles Pitao ordon-na au soleil de chauffer de plus enplus et une grande sécheresse sévitdans toute la région.
Après de longs pourparlers entrele dieu des animaux et celui deschasseurs, ce dernier accepta derendre à l’homme les animauxdont il avait besoin.
C’est pourquoi, depuis ce jour,l’arbre porte le nom de Tule : TuUniras Los Enemigos. Inutile deparler espagnol pour comprendre !
Librement adapté deXimena Diaz-Cid.
94
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
plus large du monde.
Malheureusement, depuis 1940, son espace vital a
considérablement changé. Le manque d'eau souterraine
dû à la réduction de la nappe phréatique,l'urbanisation
ainsi que d'autres facteurs sérieux compromettent le
futur. C'est pourquoi, l'organisation Mi Amigo el
Arbol a été mise en place pour veiller à sa protection.
Elle a proposé au gouvernement mexicain de déclarer
cette zone protégée et souhaiterait que ce Cyprès,
Ci-dessus :La frondaison d’un Araucaria.
Leplus imposant Araucaria araucana duConguillo National Park au Chili.
95
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Ci-contre: La forêt d’Araucaria araucana etlevolcan Villarica à la frontièredu Chili et del’Argentine.
unique, soit classé au patrimoine mondial de
l'UNESCO.
Les forêts pluviales du Chili
Ce qu'il reste des forêts pluviales du sud du Chili sert
d'habitat aux Alerce (Fitzroya cupressoides), aux
Araucarias très anciens,aux Nothofagus et autres espèces
endémiques. C'est dans la région de Puerto Montt que
se trouvent les plus beaux spécimens. Douglas
Tompkins,ancien fondateur de North Face, y acheta,
en 1991,260 000 hectares de forêts pluviales qui devin-
rent le parc national de Pumalin.
C'est avec un jeune forestier travaillant pour l'Institut de
sylviculture de Valdivia (un peu au nord de Puerto
Montt) que j'allai examiner le plus gros Alerce du Chili,
Alerce Costero, onze mètres quarante de tour et sans
doute deux mille ans d'âge. En dépit de la protection
qui entoure ces arbres,quelques forestiers ont enco-
re, illicitement,des permis d'abattage. C'est paradoxale-
ment grâce à l'un d'eux que je pus découvrir,à la suite
d'une longue marche, un autre Alerce, plus splendide
encore que le Costero,avec un fût magnifique et une cime
entière. Si ces forêts regorgent d'Alerce,d'autres espèces
les côtoient telles que Nothofagus nitida,Nothofagus betu-
loides, ou Pilgerodendron uviferum. De nombreuses
plantes vivent dans le même écosystème. La dévastation
de ces forêts de Fitzroya cupressoides - un carottage dans
l’un d’eux a permis de compter trois mille six cent vingt-
cinq années - a été particulièrement rapide du fait des
terrains plats,des accès faciles et de la proximité du port
de Puerto Montt.
Alerce Andino (Fitzroya cupressoides)
C'est un trekking de plusieurs jours en solitaire qui
m'amené à ce célèbre Alerce. La première journée me fut
Un Alercedeplus demilleans à Puerto Montt(Chili).
C’est dans leparc AlerceAndino,à PuertoMontt quej’ai découvert cettemagnifiquecas-cade, cachéedans la verdure.
96
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Pagededroite:Un AlerceCostero (Chili) dedeux milleans au moins.
nécessaire pour contourner le lac Sargazo. Le sentier de
planches, entretenu tant bien que mal par la CONAF
(Société forestière chilienne), traverse des forêts mixtes
où l'on peut se familiariser avec diverses espèces comme
les Nothofagus nitida, Saxegothaea, Laureliopsis et
Eucryphia sans oublier les tunnels de verdure formés
par le bambou Chusquea Quild. En dépit des aléas de la
marche,montées,descentes,traversées de rivières,escalades de
bois mort, ce fut un régal de randonner au milieu de
cette végétation luxuriante,de pouvoir observer des per-
ruches multicolores ou de petits daims,nommés Pudu-
Pudu. Je bivouaquai le soir auprès du lac.
Le lendemain j'entrepris l'ascension de la montagne car
ces majestueux Alerce millénaires ne se rencontrent qu'à
huit cents mètres d'altitude environ. Je découvris au
cours de mon escalade une superbe cascade dont l'eau
pure et limpide alimentait un mur végétal.
Puis ce furent les Alerce. A partir de quatre cent soixante
mètres,la forêt est couverte à soixante-dix-sept pour cent
de cette espèce. Certains mesurent jusqu'à deux mètres
soixante-douze de diamètre, leur tranche d'âge a été
située entre six cent quarante-deux et mille deux cent
cinquante-trois ans. On trouve également d'autres
espèces très âgées,comme les Podocarpus nubinega qui
peuvent avoir quatre cent quatre-vingt-sept ans ou les
Saxegothaea conspisua,quatre cent soixante-quinze ans
ou enfin les Laureliopsis philippiana,six cent cinquante-
sept ans. Quelle récompense après ces heures de marche
!
Les souches de Puerto Montt
A quelques kilomètres de Puerto Montt,on peut voir à
marée basse une quantité de souches enfouies dans les
sédiments. Il s'agit d'une ancienne forêt originelle
Des souches d’Alerceancestrales retrouvéesdans les sédiments dela plagedePuerto Montt(Chili).
Un Alerceet toutesa biomasse:mousses,lichens,fougères.
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
d'Alerce. Le Dr Carlos Klohn,de l'Université australe du
Chili,a étudié minutieusement l'histoire géologique de
ces lieux. Il en a déduit que pendant l'ère glaciaire,
le niveau de la mer étant plus bas, les glaciers avaient
formé un gigantesque lac d'eau fraîche (le golfe de
Reloncavi) dont les moraines forment les îles actuelles
Puluqui,Quellin et Nao. Quand la température devint
plus modérée,les Fitzroyas cupressoides colonisèrent les
terres humides au nord du lac. Des glaciers plus récents
créèrent de petits lacs autour du golfe,l'un d'eux inonda
notre forêt ; avec le temps il se remplit de sédiments
d'une épaisseur de plusieurs mètres enterrant les troncs
d'arbres. Puis l'océan envahit le lac et inonda complète-
ment les arbres sédimentés. En 1960,un sévère séisme
releva cet endroit de plusieurs mètres et,finalement,l'action
Demagnifiques fougèresdela forêt pluvialedeLenca (Chili).« Ceux qui nesont jamais allésdans la forêt pluvialedu Chilineconnaissent pas leChili. »
Pablo Neruda
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
La plagedePuerto Monttdécouvreà maréebassedes souchesd’Alercedequarante-cinq milleans.
Pages suivantes :Fitzroy Crossing et ses Baobabs(Nord del'Australie).
C'est pour aller à la découverte des arbres
les plus vieux de la planète,les Pins Huon
(Lagarostrobos franklinii) et quelques
rares Pins Wollemi (Wollemi mirabilis),
que j'entrepris mon voyage en Australie. Ce continent
immense qui a fait rêver plus d'un avec ses déserts à
perte de vue,ses rochers sacrés comme Hayer's Rocks,ses
gorges,ses canyons,ses kangourous,ses koalas... recèle sans
doute encore des trésors végétaux ignorés. A l’origine,en
effet,l’Australie faisait partie de cet immense continent,
le Gondwana où prospéraient en toute quiétude ani-
maux et forêts splendides. Certaines espèces subsistent
encore tant bien que mal,résistant avec peine aux pollu-
tions et aux massacres de leur plus grand prédateur,
l’Homme. Je ne restai que quelques jours à Sidney avant
de rejoindre la Tasmanie,cette île au sud-est du continent
où je devais retrouver à Hobart,sa capitale,des membres
de la Wilderness Society Tasmania. Ceux-ci m'avaient
organisé tout un programme pour aller dans les vieilles
forêts pluviales à la rencontre de l'Eucalyptus regnans,ou
Frêne de montagne. Là où nous sommes allés, les tou-
ristes ne peuvent accéder : panneaux et barricades inter-
disent de pénétrer dans ces lieux,les exploitations fores-
tières qui y sont pratiquées pouvant être fatales.
102
103
TASMANIE,AUSTRALIE
et
NOUVELLEZÉLANDE
T a s m a n i e e t A u s t r a l i e
La plus célèbre vallée où trouver
l'Eucalyptus regnans est celle de Styx qui
porte le nom de la rivière qui la traverse.
On y côtoie des arbres de plus de quinze
mètres de tour pouvant parfois dépasser les
cent mètres de haut. Ces magnifiques forêts
ressemblent à celles du Chili ou de
l'Amérique de l'Ouest, voire même de l’Afrique du Sud et
du Kenya : arbres immenses, troncs allongés sur le sol et
recouverts de mousses alternant avec de jeunes arbres
pleins de vigueur, fougères arborescentes, champignons de
toutes couleurs et de toutes formes, oiseaux et mammifères
comme le Diable de Tasmanie, un marsupial de petite taille,
carnivore, souvent effrayé et mal aimé de l'homme ou l'or-
nithorynque, cet étrange animal, très timide, qui sillonne
ruisseaux et rivières ; c'était jadis aussi le territoire du tigre
de Tasmanie, tête de loup, corps de hyène et pelage tigré, dis-
paru depuis 1936, mais que des études en cours tentent de
faire revivre à partir de son ADN.
Les Eucalyptus regnans sont souvent couverts de mousses
ou présentent une écorce panachée de plusieurs couleurs et
qui se détache, comme s'ils voulaient se fondre dans le pay-
sage et échapper à la vue ainsi que des caméléons.
Malheureusement ces splendides forêts pluviales de Styx
Valley, dès qu'elles ne sont plus dans les limites des parcs
nationaux, ne sont pas protégées. Depuis 1900 on y pra-
tique des coupes sans grand souci de sélection ou de gestion
durable. Des forêts entières sont la proie des Timberjack,
des engins infernaux qui broient tout sur leur passage sans
aucun égard pour l'écosystème. Les arbres sont abattus,
déchiquetés avec toute leur biomasse, mis en pulpe, en sciu-
re (woodshipping). Les animaux ne peuvent survivre à ces
C’est dans la valléedeStyx,en Tasmaniequepoussent les plus gros et les plus hautsEucalyptus regnans. C’est unedes forêts plu-viales les plus riches écologiquement.
104
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
hécatombes, les rivières, les ruisseaux, les cascades sont
détruits. Pour parachever leur travail, les forestiers et leurs
hélicoptères incendient au napalm leurs gigantesques
coupes rases. L'humus brûle pendant plusieurs semaines et
l'on marche sur des souches noircies de cinq mètres de
diamètre. Quelle barbarie !
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
106
Un Eucalyptus des neiges,des arbres qui résistent au froid et dont l’écor-ce revêt unemultitudedecouleurs.Mount Field,Tasmanie.
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
107
A Mount Field j'ai pu photographier des Eucalyptus pau-
cif lora qui résistent au froid et à la neige. Ils poussent très
lentement et possèdent de splendides écorces toutes diffé-
rentes les unes des autres. Leurs branches sont tour-
mentées et les troncs s'insinuent parfois dans de fines anfrac-
tuosités rocheuses. Le halo de brouillard qui certains jours
entoure ces Eucalyptus des neiges leur confère une beauté
mystérieuse.
Geeveston
C’est en moto, avec mon ami Birth, que nous sommes allés
explorer la région de Geeveston. Ce moyen de locomotion
nous a permis de nous éloigner des routes forestières et de
leurs barrières dissuasives, qui interdisent la circulation aux
touristes et randonneurs et ne laissent le passage qu’aux
engins des forestiers. Roulant et grimpant sur des routes
Pagedegauche: Quelledésolation queces splen-dides forêts pluviales soient livrées aux coupesrases d’exploitants sans scrupules.
Amanda Sully écoutela plainted’un des res-capés decettefoliemeurtrière.
chaotiques, nous avons atteint l’aire des anciennes forêts plu-
viales maintenant anéanties, rasées, broyées, sans aucun res-
pect pour toutes ces vies animales et végétales dont elles
étaient l’habitat. Nous avons ainsi atteint, en haut des mon-
tagnes, Warra Creek. Là où s'étendait une paisible forêt,
avec sans doute des Eucalyptus dépassant les quatre-vingt
mètres de haut, il n'y a plus à perte de vue que des hectares
de souches noircies par les incendies au napalm ! Comment
les Australiens peuvent-ils laisser leur patrimoine culturel et
naturel partir ainsi en fumée !
Avec un des plus anciens membres de la Wilderness
Societ y, Peter Sims, nous nous sommes rendus à
l’Evercreech Forest Reserve où vit un somptueux
Eucalyptus Whitenight (Eucalyptus viminalis) englobé dans
cette réserve, petit ilôt protégé au milieu, là encore, de forêts
rasées ne laissant plus voir que des souches noircies. Trois
heures de marche nous ont été nécessaires pour faire le tour
de cette horrible coupe rase.
Cradle Mountains
Les sentiers de randonnée de Cradle Mountains, dans le
nord-ouest de la Tasmanie, sont réputés. L'Overland track
qui joint Cradle Valley au lac Saint-Clair demande une hui-
taine de jours de marche. A l'automne, on est ébloui par la
symphonie des couleurs des Hêtres décidueux (Nothofagus
gunnii) de petits arbres dont les feuilles d'à peine deux cen-
timètres se parent de tonalités magiques, du jaune au rouge
vif en passant par l'orange, le marron et le doré. Superbe !
A la recherche d'un beau Hêtre bien tortueux, nous avons,
Peter Sims et moi arpenté les f lancs des montagnes le long
du lac Dove. Un matin, à l'aube, dans Ballroom Forest, tou-
jours à la recherche de mon arbre, j'ai pu admirer un
Myrte (Nothofagus cunninghamii) ainsi qu'un Eucalyptus
paucif lora et un Sassafra (Atherosperma moschatum)
La déforestation gigantesquedecequi fut sansdouteunesplendideforêt pluvialedans ledistrictdeGeeveston,Tasmanie. Arrêtons lemassacre!
CradleMountains (Tasmanie) et theWalls ofJerusalem,desplendides falaises.On y trouvedes Hêtres prostrés.
108
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Pagededroite:C’est dans la forêt d’Evercreech,petit îlotprotégé au nord-est dela Tasmaniequepous-sent les somptueux Whitenight,unevariété d’Eucalyptus.
parmi lesquels pousse le Pin Huon. Nous étions à mille
mètres environ d'altitude, là où les arbres ne croissent pas
vite. Les sentiers étaient encore givrés, une fine couche de
neige recouvrait les sommets. Les baies rouges (Cyathodes
parvifolia) ou orange (Coprosma nitide) étaient mûres à
souhait et les bords du lac regorgeaient d'Astelia alpina.
Une vraie féerie !
En observant cette végétation luxuriante je vis, au bord d'un
petit torrent, trois minuscules taches bleutées et brillantes
qui m'intriguèrent. J'étais comme en présence de trois yeux
bleux qui m'observaient, en fait de petits champignons d'un
centimètre de diamètre, les Mycena interrupta. Cette décou-
verte m'a bouleversé, ils étaient si semblables à des yeux
bleus ! Je les photographiai bien sûr et je me promis de les
prendre comme logo si j'arrivais à créer cette fondation inter-
nationale (Société internationale des amoureux des arbres)
pour la protection des arbres millénaires et des forêts origi-
nelles dont je rêve.
Toujours dans la même région, au lac Wilks vivent les plus
beaux Nothofagus gunnii, tandis que sur les f lancs des
montagnes on rencontre différentes espèces végétales, les
Pandanis (Richea pandanifolia), les King Billy Pine
(Athrotaxis selagnoides), les Celery To Pine (Phyllocladus
aspleniifolius), les Pencil Pine (Athrotaxis cupressoides) qui
plus on monte, plus ils deviennent petits, sans pour autant
être moins vieux, au contraire.
C'est par là aussi, que l'on trouve le Dwarf Pine (Diselma
archeri), un petit conifère d'une quinzaine de centimètres de
haut, dont certains sont centenaires, sinon millénaires. Les
Pins Huon de Tasmanie
Les Mycena interrupta deCradleMountains(Tasmanie).Des petits champignons qui font penserà des yeux bleus qui nous rappelleraient qu’ilest urgent depréservernotrepatrimoinevégétal.
Les Diselma archeri,plusieurs fois centenaires en dépit deleur peti-te taille,vivent sur les hauts plateaux deCradleMountains.
110
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Le Pin Huon (Lagarostrobos franklinii)est endémique à la
Tasmanie, on ne le trouve donc nulle part ailleurs. Pollen et
graines prennent place dans de très petits cônes, mâles et
femelles sur des arbres différents. Son habitat se situe dans
des lieux restreints de l'ouest et du sud-ouest de l'île, le long
de rivières ou de petits ruisseaux, comme ceux du vallon de
Mount Read qui poussent directement dans les cours d'eau
; ils forment un enchevêtrement de branches et de racines et
l'on a du mal à savoir quelles sont celles d'origine. On en
trouve également loin des rivières, dans des lieux humides
bien précis, comme pour ce Pin Huon de Mount Read.
Récemment, une équipe de chercheurs australiens et améri-
cains a détecté des Pins Huon âgés de plus de dix mille ans
à Mount Read, près du lac Johnson. En réalité, c'est leur
système racinaire qui remonte si loin dans le temps, les
troncs eux-mêmes n'auraient que mille deux cents ans, ce
qui est déjà pas mal ! En effet depuis des milliers d'années
le Pin Huon se reproduit en majeure partie grâce à ses
branches et ses racines qui se relient entre elles. Les termi-
naisons foliaires retombent au sol et dans l'eau des ruis-
seaux ou des rivières, pour y germer et créer de nouvelles
racines qui donnent de nouveaux arbres. A Mount Read,
l'ensemble des Pins Huon proviendrait, dit-on, d'un
même individu et recouvrirait à l'heure actuelle plusieurs
hectares !
Dans son habitat naturel cet arbre atteint vingt à trente
mètres de haut pouvant même aller jusqu'à quarante mètres
en bordure des rivières. Il est communément associé à
d'autres espèces de la forêt pluviale telles que celles ren-
cont rées à Ballroom Forest , auxquelles s'ajoutent
l'Eucryphia lucida (Leatherwood) ou l'Accacia malanoxylon
(Blackwood).
Seules quelques centaines d'hectares ont été protégées dans
les réserves de South West and Wild Rivers National Park,
Olegas Truchanas, Gilbert Leitch Memorial Huon Pine
Ces anciens Pins Huons deTasmanieont brûlé il y a quelques années,cequi a permis defairedes prélèvementset d’ainsi dater leurs racines qui auraientplus dedix milleans.
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Pages suivantes : Les Pins Huons ontleplus ancien systèmeracinairedu monde(plusdedix millecinq cents ans),mais leurs troncssont bien moins âgés.
Reserves ou bien encore le long de la Gordon River.
A Devenport, où s'achevait mon séjour en Tasmanie, j'ai
contemplé, horrifié, d'immenses montagnes de sciure en
partance pour le Japon, triste sort qui attend le reste des
forêts pluviales si rien n'est fait pour arrêter les coupes
sombres.
Retour sur le continent australien.
Première étape : Dunkeld. Grâce à la Société internationale d'ar-
boriculture (ISA) qui met en contact les arboristes de tous
pays, je fis, entre autres, la connaissance de Philip Kenyon,
un conférencier et arboriculteur de l'université de Burnley à
Melbourne. Il me proposa d'aller voir dans ce village de
l'Etat de Victoria un immense Eucalyptus camaldulensis
que mon ami a surnommé « l'Immortel ». Bien que cet arbre
se soit affaissé au sol, toutes ses branches ont continué à
pousser, déployant une fabuleuse voilure verdoyante sur qua-
rante-trois mètres de long. Ses branches partent dans tous
les sens, se soudent entre elles, s'enracinent parfois et repar-
tent. On peut, si l'on veut, s'amuser à passer de branche en
branche sans jamais quit ter le sol. Avec le propriétaire
de cet arbre extraordinaire et l'instituteur du village, nous
décidâmes de photographier tous les enfants de l'école, cent
vingt garçons et filles, assis dans les branches. En souve-
nir de ce jour, on remit à chaque enfant un petit Eucalyptus
camaldulensis accompagné d'un certificat de l’université
leur demandant de prendre soin de leur arbre, de le res-
pecter et l’entretenir.
L'Eucalyptus camaldulensis est l'Eucalyptus le plus répandu
en Australie. Il vit au bord des cours d'eau, son feuillage
lancéolé est gris-vert, son écorce est brune, grise et rouge.
Son pollen donne un miel de premier choix. Mais gare ! si
vous plantez votre tente dessous, ses branches tombent sans
Les cent-vingt enfants del’écoledeDunkeld(Australie) réunis sous la ramureet sur lesbranches del’« Eucalyptus immortel »commelenommemon ami Phil Kenyon.
Les branches del’Eucalyptus deDunkeld par-tent dans tous les sens et s’enracinent mêmedans lesol.
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
prévenir ! J'en ai photographié, à Trawool (Victoria) un spé-
cimen au port élancé, aux branches immenses et dont le
tronc faisait plus de sept mètres de tour. Il était là, au bord
du chemin, à quelques pas de la rivière.
L'Eucalyptus paucif lora, dit aussi Eucalyptus des neiges,
peut être vu dans le Baw Baw National Park, près de Maffra.
Ce sont souvent des arbres tortueux, aux écorces de cou-
leurs chatoyantes qui attirent l'œil. Pourtant je n'étais jamais
Page de droite :Un Eucalyptus des neiges dans le BawBaw National Park (Australie).Ces arbres peuvent prendre des formestortueuses et surprenantes qui stimulentl’imagination.
Ci-dessous :L’Eucalyptus de Trawool (Australie),un arbre séculaire qui déploie sa ramureau bord du chemin et représente à mer-veille cette région du Victoria oùabondecette espèce.
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
satisfait par ceux que je trouvais, pas assez originaux ni gra-
phiques à mon goût. Finalement, peu avant le coucher du
soleil, ce fut le coup de cœur : un arbre vraiment particu-
lier puisque, en le regardant à l'envers, il dessinait une
femme nue, la tête dans la terre !
Au retour, nous avons traversé une forêt d'Eucalyptus
nitens ou Eucalyptus argentés qui invitaient à grimper dans
leurs branches.
La déforestation dans l'Ouest australien
Avant de me rendre dans la région de Northcliffe où de
jeunes activistes se sont organisés pour essayer de protéger les
vieilles forêts, j'ai eu l'occasion de photographier, près de
Perth, une entreprise de transplantation d'arbres adultes,
chênes, cèdres, ormes de deux cents voire trois cents ans
d'âge. Impressionnant !
C'est en fin de journée que j'arrivai dans le campement des
activistes. Très bien organisés, ils possèdent des bases dans
diverses forêts non protégées et pratiquent le troc (LETS)
pour vivre au quotidien. Passer des soirées en leur compa-
gnie permet de mieux les connaître.
Le matin aux aurores, nous nous sommes tous retrouvés sur
une route forestière : activistes, forestiers et policiers. Une
fille était sur une plate-forme, attachée entre un arbre et un
Timberjack, engin destructeur dont j'ai déjà parlé. Impossible
de couper le câble qui tenait la plate-forme car la fille aurait
été tuée. Mais quand un autre engin commença à faire de la
place pour permettre l'arrivée d'une grue, l'émotion grandit.
Tout le monde était sur les nerfs, cependant les policiers ne
pouvaient arrêter personne. Soudain, sans doute parce que je
photographiais, je fus interpellé. Je résistai. Résultat : les
ligaments de mon genou droit se sont déchirés, je ne pou-
vais plus poser le pied par terre et de ce fait fus obligé de res-
ter pendant une semaine dans le camp des activistes. Cela
Les Eucalyptus argentés du Baw BawNational Park (Australie).
Les Karris dela forêt deFreemantle,dans l’ouest del’Australie.Là aussi sévit la déforestation.
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Pagededroite:Forêt deKarris. Freemantle(Australie).
m’a prouvé combien était grande la solidarité et généreux
l’accueil de ces groupes.
Seuls quelques grands Karris, Jarrah et autres géants de
l'Ouest australien sont protégés tandis que la majeure partie
des surfaces forestières sont à la merci des forestiers ou peu
réglementées.
Les Baobabs de Kimberley
Il est difficile de connaître l'origine des Baobabs de
Kimberley (Adansonia gregorii). Une première théorie
explique qu'avant la dérive des continents, à l'époque du
Gondwana il y a des millions d'années, une espèce de bao-
bab était déjà établie au Nord-Ouest australien. Une secon-
de théorie, elle, soutient que des graines auraient f lotté dans
leur coque hermétique de Madagascar à l'Australie.
D'autres plantes ayant migré de la sorte, l'hypothèse
semble tout à fait valable.
Il existe dans le monde huit espèces de Baobabs portant
toutes le nom de Adansonia, en souvenir de leur
découvreur Michel Adanson qui vit le premier un baobab lors
d'un voyage au Sénégal en 1749. On en trouve sept espèces à
Madagascar (Adansonia fony, Adansonia perrieri, Adansonia
suarezensis, Adansonia madagascariensis, Adansonia grandi-
dieri, Adansonia za et Andosonia digitata qui n’est pas endé-
mique à Madagascar), une au-dessous du Sahara (Adansonia
digitata) et une en Australie (Adansonia gregorii). Il est intéres-
sant de remarquer que les plateaux de Kimberley formés de
récifs dévoniens sont similaires aux tsingy de l'ouest et du
nord-ouest de Madagascar.
Le nom de Baobab viendrait de l'arabe et serait dû à un her-
boriste vénitien, Prospero Albino, qui aurait trouvé le fruit
de l'Adansonia digitata dans une épicerie du Caire, en 1592,
sous le nom local de « hobab ». Le botaniste G.E. Wickens
entendit, lui, le nom de « bu hibab » ce qui signifie le fruit
Un Baobab deFitzroy Crossing,au nord del’Australie. Sans doutem’est-il destiné car j’yai découvert mes initiales !
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Pagededroite: Les Baobabs au crépusculedres-sent leurs silhouettes commedevraies senti-nelles.
UnefamilledeBaobabs a trouvé sa placeau pied des falaises deFitzroy Crossing.
avec beaucoup de graines. Et c'est au milieu du XIXe siècle
que le botaniste Ferdinand Mueller, accompagné
d’Augustin Charles Gregorii, lors d'une expédition dans le
Nord australien, baptisa l'Adansonia gregorii après l'avoir
identifié comme faisant partie du même génus que ceux
d'Afrique.
Il est très difficile de dater les Baobabs car ce sont des arbres
tropicaux qui n'ont pas le même système de courbes de crois-
sance. Pourtant David Livingstone, comptant les cernes
d'un Baobab africain l'avait estimé à plus de quatre mille
ans, il n'est donc pas impossible de penser que ceux
d'Australie puissent être millénaires.
Pour survivre aux fortes chaleurs d'avril à décembre, le
Baobab de Kimberley fait, à l'époque des pluies, une
réserve d'eau dans ses tissus fibreux. Il perd aussi son
feuillage et suspend son activité ; de plus, pour subvenir à
un échange chlorophyllien suffisant, il fabrique une fine
couche photosynthétique chlorophylienne couvrant l'écorce.
Ce qui explique pourquoi l'on glisse lorsque l'on essaie d'y
grimper.
Le Baobab (Adansonia gregorii) est un arbre aux res-
sources multiples. Les Aborigènes mangent telle quelle la
pulpe blanche qui protège les graines ; son goût est un peu
acide mais elle contient de la vitamine C et, écrasée et addi-
tionnée d'eau, donne une boisson rafraîchissante ; on peut
également y ajouter du miel d'abeilles du lieu pour obtenir
un sirop un peu épais. Mélangée à de l'eau sucrée puis
bouillie, la pulpe, encore elle, donne une gelée aux pro-
priétés antiscorbutiques. Cette préparation évita aux
membres de l'expédition du commandant Augustus
Charles Gregory, à laquelle participait FerdinandMueller, de
tomber malades. Enfin, les bushmen l'utilisent comme levu-
re. Quant aux noix, encore vertes, elles peuvent être cuites
dans les braises, il faut compter une demi-heure pour
qu'elles soient à point. Les graines peuvent, elles aussi, être
122
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Certains Baobabs perdent leurs feuillespour mieux résister aux saisons chaudes.
cuisinées, soit simplement grillées, soit pilées pour en
confectionner une pâte. Elles contiennent des protéines et
de l'huile. Les feuilles enfin sont très nutritives mais il faut
les cueillir très jeunes. Elles servent aussi de nourriture d'ur-
gence pour le bétail. Autrefois, les Aborigènes nourrissaient
leurs familles avec les petites racines du Baobab dont la tex-
ture rappelle la carotte. Pour en terminer avec les multiples
ressources de cet arbre, précisons que les fibres des racines
permettaient la fabrication de cordes et de ficelles très
solides.
A l'heure actuelle, dans le Kimberley, certains Baobabs ser-
vent encore de lieux de rendez-vous, de bornes géodé-
siques, de repères dans le paysage. Certains sont très
célèbres comme le Derby qui était un lieu de campement
Pagededroite:Baobabs deFitzroy Crossing au crépuscule.
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
CeBaobab,lui,a gardé toutes ses feuilles endépit dela chaleur.
pour les prisonniers qu'on menait au tribunal. Cette expé-
dition nécessitait une longue et pénible marche et ce baobab
faisait office d'étape de nuit, les prisonniers attachés tout
autour de l'arbre étaient protégés par son ombrage. Quant
au Baobab de Wyndham, son tronc étant creux, il était
employé comme cellule temporaire !
Le Baobab de Mermed se trouve dans la baie de Careening,
sur la côte de Kimberley ; le capitaine Philip Parker King y
grava en 1820 le nom de son navire. Sur la route de Broome
à Derby, un énorme Baobab a été aménagé avec deux tables
et des bancs à l'ombre de sa ramure pour servir d'aire de
repos aux automobilistes effectuant un long trajet.
J'aurais aimé traverser la région de Kimberley par la Gibb
River Road qui relie Derby à Wyndham, mais seuls les
camions et les 4x4 bien organisés pour un tel voyage peu-
vent l'emprunter. Comme je voyageais alors en stop, je n'ai
pu trouver d'équipier pour réaliser ce désir.
Cependant entre Broome et Derby, un ancien chanteur de
rock australien, Ross Corney, avec qui je voyageais, fit un cro-
chet en brousse et je pus photographier un immense Baobab.
Par tout aux alentours de ces arbres, d'immenses ter-
mitières jaillissant du sol témoignent du travail laborieux
et titanesque qu'entreprennent ces tout petits insectes que
sont les termites.
Certains Baobabs poussent dans des endroits impossibles,
directement sur les rochers, dans les canyons ou sur les
falaises comme ceux que j'ai pu voir aux environs de Fitzroy
Crossing.
Les Paper Bark (Melaleuca quinquenervia)
Ces arbres possèdent une écorce se détachant en fines
feuilles qui ressemblent à du papier dont des Aborigènes
font encore usage. On peut en voir dans la région de
Darwin. Comme les Séquoias américains, ce Melaleuca est
LeMelaleuca ou « Paperbark » doit son nomà son écorcequi formedefines feuilles commedu papier. On letrouvedans les environs deDarwin.
126
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
ignifuge ce qui le protége des incendies et des feux de brous-
se et il est courant de voir de tels arbres noircis mais encore
vivants.
Avant de quitter l'Australie, j'aurais aimé photographier les
Pins de Wollemi. Une centaine de ces arbres ont été décou-
verts au fond d’un canyon près des Blue Mountains. Ils
remontent à l’époque du Gondwana et seuls des fossiles
ont permis de les identifier. Seuls des chercheurs impor-
tants peuvent y avoir accès et les responsables des parcs
nationaux ne m’en donnèrent pas l’autorisation.
L a N o u v e l l e - Z é l a n d e
En dépit de grosses difficultés matérielles, je réussis à gagner
la Nouvelle-Zélande où je rencontrai Derald et Pamela
Pages suivantes :Déforestation massiveen Tasmanie. Lorsqueles coupes rases sont terminées,du napalm estrépandu par hélicoptèrepour parachever letra-vail.
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Pour éviter deplus grands incendies,des feuxdebroussemaîtrisés sont allumés à la saisonsèchedans la région deDarwin.
Petherbridge, des passionnés de la Dordogne, qui me furent
d'une grande aide.
Les Pohutukawas (Metrosideros excelsa)
C'est près de Coromandel, à l'est de l'île Nord, que je vis
mes premiers spécimens de Kauris (Agathis australis) et sur-
tout d'admirables Pohutukawas (Metrosideros excelsa). Ces
arbres poussent généralement en bordure de mer bien
qu'on en trouve aussi à l'intérieur des terres. Les racines, à
la recherche du meilleur chemin pour soutenir tout le poids
d'un arbre adulte, peuvent longer les rochers et prendre des
formes très tourmentées. Les branches s'étendent parfois
sur des dizaines de mètres et, en décembre et janvier, quand
de magnifiques f leurs forment un manteau rouge vif, ces
arbres sont resplendissants. Arbre symbole pour les Maoris,
arbre fétiche pour tous les Néo-Zélandais, c'est aussi l'arbre
de Noël par excellence.
Les coupes effectuées pour créer des pâturages jointes à une
épidémie qui atteignit beaucoup d'entre eux ont raréfié
cette espèce. Pour lutter contre cette disparition, le projet
Crimson s'est donné pour but la plantation, avec l'aide des
enfants, de milliers d'arbres. C'est un projet de grande
envergure et qui mérite l'estime de tous ceux qui se font les
défenseurs des forêts.
Deux des plus vieux Pohutukawas se trouvent à Mayor
Island au nord-est de l'île Nord. Ce sont certainement les
plus gros connus et ils restent des arbres sacrés pour les
Maoris. Dans les environs de Mangonui, petit village où
nous fîmes étape, je pus admirer, à Butler Point, sur Bay
Island, des spécimens étonnants qui vivent là depuis plus de
cinq cents ans. L'un d'eux possède un tronc de plus de dix
mètres de circonférence et ses branches se déploient sur une
vingtaine de mètres, suivant les vents océaniques. Sa ramu-
re repose au sol et il est aisé de grimper dans sa canopée.
Depuis des siècles,cePohutukawa vitprès dela Roseraied’Oakland(Nouvelle-Zélande).
Cet autrePohutukawa est là,à Mangonui (Nouvelle-Zélande)depuis plus decinq cents ans.
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
C’est une splendeur !
C'est toujours à l'est de l'île Nord, dans la baie de Plenty, à
Te Araroa, au cap Est, que je partis photographier un autre
très vieux Pohutukawa. On y accède par une route sinueuse
qui longe toute la baie dominée par la forêt de Raukumura
LePohutukawaleplus célèbredela Nouvelle-Zélande.Cet arbregigantesquedeButler Pointaurait plus decinq cents ans.
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
et passe sous des tunnels de Pohutukawas ; peu avant d'ar-
river à Te Araroa, on a une vue panoramique sur tout le pay-
sage.
Le Waha o Rerekohu Tree, sentinelle sans doute millénaire,
exhale son parfum et affirme sa puissance sur tout le vil-
lage. Il mesure vingt et un mètres de haut et quarante de
large et serait ainsi le plus large de son espèce au monde. On
peut imaginer sous sa magnifique ramure dont les branches
reposent au sol quelque explorateur, pourquoi pas James
Cook, venant y méditer !
Le Kauri (Agathis australis)
Lorsque les premiers Polynésiens arrivèrent en Nouvelle-
Zélande, il y a environ mille deux cents ans, ils découvrirent
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Pohutukawa deTeAraroa (IleNord,Nouvelle-Zélande). On peut voir commedes racinesexternes entourant l’arbre.
LePohutukawa deTeAraroa. Arbresacré pour les Maoris,il mesurevingt mètres dehaut et quarantedelargeet serait leplusimportant deson espèceau monde.
un pays presque entièrement recouvert de forêts originelles.
Si les ancêtres du Kauri apparurent il y a quelque deux cent
cinquante millions d'années, à l'époque du Gondwana, c'est
au milieu du Crétacé que le vrai caractère de la forêt de la
Nouvelle-Zélande s'est formé. On y trouvait alors non seu-
lement les ancêtres primitifs des Kauris, mais également le
Kahikatea, le Rimu, le Totara, le Hêtre argenté (Nothofagus
menziesii) ou le Phyllocladus de la famille des
Podocarpes, sortes de conifères.
Le Kauri, un génus de quelque treize espèces connues éga-
lement sous le nom d'Agathis, affectionne les lieux tempérés
et humides comme les forêts persistantes du nord de la
Nouvelle-Zélande. On en trouve également dans le sud-
ouest du Pacifique : Malaisie, archipel Bismarck, îles Santa
Cruz, Nouvelles Hébrides, îles Fidji, Nouvelle Calédonie ou
Queensland en Australie.
Les Agathis et les Araucarias, formant ensemble la famille des
Araucariaceae, seraient les plus anciens conifères de la
planète. Au sud de l'Inde, des fossiles d'Araucarias ont été
datés à cent millions d'années.
Au XIXe siècle, comme dans tant d'autres endroits, les
Kauris furent abattus. Les troncs étaient si lourds que seize
bœufs ne suffisaient pas pour les tracter. Des barrages ainsi
que des ponts furent construits pour en favoriser le trans-
port. Avec l'arrivée du chemin de fer, l'exploitation des
arbres connut un essor considérable et l'on peut estimer que
quatre-vingt pour cent de ce patrimoine néo-zélandais fut
abattu. On ne trouve plus actuellement que quelques par-
celles de ces forêts primitives sur la côte ouest de l'île Nord
et dans la péninsule de Coromandel à l'est de cette même
île. En dehors de l'abattage, les Européens et surtout les
Français exploitèrent la résine du Kauri, fort appréciée car,
inf lammable, elle pouvait servir d'allume-feu. Mais soit en
grimpant, soit en incisant les troncs, les hommes blessèrent
mortellement les arbres. C'est plus encore la résine durcie,
Un homme vivait au bord d'unerivière et faisait le métier de passeur.Des voyageurs du monde entier fai-saient appel à lui et sans doute ungrand nombre lui racontait leurhistoire pendant la traversée. Unjour un voyageur à cheval, pourvud'un chargement important deman-da à notre passeur de le mener surl'autre rive d'où il partit à la décou-verte du monde. Le temps passa, lepasseur restait là, allant d'une riveà l'autre, contemplant l'eau de sarivière. Puis un jour, bien long-temps après, le même voyageurrevint à pied et démuni de tous sesbiens. Le passeur, lui, au contraire,avait acquis à l'écoute des autres etde la nature une grande sagesse etbeaucoup de philosophie.
Le vénérable Kahikatea n'est-il pasl'emblème même de cette sagesseet de cette philosophie ? Commeles pins de Bristlecone méditantface à la Sierra Nevada, ou ce vieuxpasseur, il nous incite à vivre libreet en harmonie !
133
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
de couleur jaune clair, proche de l'ambre et qui se récoltait là
où étaient tombés les plus anciens Araucarias australis qui
suscita toutes les convoitises. Cette résine, dénommée
Avicennia resinifera aurait déjà été découverte par le capitai-
ne James Cook lors de son expédition vers la Nouvelle-
Zélande en 1769.
Depuis les années 70, les Kauris de Nouvelle-Zélande sont
protégés et il est formellement interdit d'abattre un de ces
arbres vénérables. D'autre part, depuis quelques années on
retrouve des troncs enfouis depuis quarante trois mille neuf
cents ans sous des sédiments d'anciens marais, comme à
Dargaville ou près de Manurewa au nord du pays. Ils sont
très bien conservés, au point qu'on peut encore les exploiter et
s'en servir pour fabriquer du mobilier.
Le Kauri a son musée à Matakohe, au nord d'Auckland et
l'on peut apprendre toute son histoire et la composition de
son écosystème. Celui-ci est formé de fougères abores-
centes miniatures, comme le Blechnum fraseri au tronc très
fin, ou très trapues (Dicksonia lanata) et de mousses géantes
(Dawsonia superba) pouvant mesurer jusqu'à soixante cen-
timètres de haut. Les Kauris vivent en symbiose avec des
arbres importants tels le Taraire (Beilschmiedia tarairi) ou le
Tawa (Beilschmieda tawa) ou d'autres plus petits comme le
Tawhero (Weinmannia sylvicola), le Rewarewa (Knightia
excelsa), le Rimu (Dacrydium cupressinum) et le Tanekaha
(Phyllocladus trichomanoides).
Le Kauri a besoin de beaucoup de lumière pour prospérer et
sans les autres espèces d’arbres et de plantes qui compo-
sent son écosystème il ne saurait se développer.
Tane Mahuta est le plus large Kauri découvert, suivi de Te
Matua Ngahere, le Père de la Forêt, vieux de plus de deux
mille ans. Tous deux dans le même sanctuaire de la forêt de
Waipoua.
Dans la péninsule de Coromandel, la forêt du Manaia Forest
« TaneMahuta »,ceKauri(IleNord,Nouvelle-Zélande)est la mémoiredes anciennes forêtsdeKauris.
134
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Sanctuary n'aurait jamais été exploitée. D'une surface de quatre
cent quatre-vingt-deux hectares, elle renferme le groupe le
plus important de Kauris anciens. Malheureusement le
mauvais temps et le manque d'autorisation m'empêchè-
rent d'y accéder.
Parmi les espèces rencontrées dans l'île Nord, j'ai éga-
lement photographié un Puriri (Vitex lucens) estimé à plus
de deux mille ans et qui pousse dans le domaine d'Hukutaia.
Son nom maori est Taketakerau et il avait sa place dans les
rites funéraires des tribus whakatohea et upokorehe : les os
des défunts les plus importants de ces tribus étaient
déterrés quelques années après leur mort avec un rituel très
important, qui comportait même des sacrifices d'esclaves ;
on peignait ensuite ces os avec du dioxyde de fer avant de les
transporter dans un arbre creux ou une grotte où les enne-
mis ne pouvaient les retrouver. L'arbre et son périmètre
étaient hautement sacrés (tapu) et sa profanation était suivie
de mort assurée. La photo que j'en ai faite alors qu'il faisait
déjà nuit confère à cet arbre une magie et un mysticis-
me supplémentaires.
Le Totara Pouakani (Podocarpus totara) est un des derniers
vestiges de ce que furent les forêts originelles ; mais, dépour-
vu de son écosystème, il est en train de dépérir bien qu'un
grillage peu esthétique le protège. Cette espèce d'arbre était
utilisée pour construire les longs canoës de guerre des
Maoris. C'est vraisemblablement parce qu'il était trop loin
des côtes que ce spécimen a survécu ; on lui attribue plus de
mille huit cents ans.
Les Kahikateas (Dacrycarpus dacrydioides) du Parc forestier de
Pureora sont parmi les plus hauts arbres de la Nouvelle-
Zélande, certains dépassant les soixante mètres de haut. Ces
arbres vivent les pieds dans l'eau et sont donc parfaitement
à leur aise dans ce lagon de Waihora.
Le Rata (Metrosideros robusta). Dans la région de
« Taketakerau »,un Puriri d’Opotiki (IleNord,Nouvelle-Zélande). Il aurait plusdedeux milleans et servit sans doutedesépultureà un Maori commeen témoignela béancedans son tronc.
136
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Pagededroite: CeTotara du Pureroa NationalPark,dit «Pouakani» estun vestigedes anciennes forêts originelles ;il aurait plus demillehuit cents ans.
Tauranga, j'avais été attiré de la route par la couronne
immense d'un arbre; on ne pouvait en voir le tronc qui était
caché par d'autres petits arbres et des fougères : c'était un
Rata. Cette espèce a un mode de croissance pour le moins
inhabituel. Cela commence, comme pour toute végétation,
par une petite graine déposée par un animal au sommet
d'un autre arbre, qui deviendra le support du jeune Rata.
Celui-ci va faire descendre des racines aériennes jusqu'à
terre tout en étranglant petit à petit son arbre support. Ses
racines arrivées au sol, le Rata va s'étoffer tranquillement,
devenir un arbre immense. En même temps l'arbre sup-
port mourra, sera putréfié et formera une cavité dans le
Rata. Celui que j'ai photographié était suffisamment
grand pour que dix personnes puissent séjourner dans son
tronc.
Tongariro National Park
Au centre de l'île Nord, la ville de Ohakune se trouve au
pied de l'ancien volcan de Ruapehu Mount (2797 m). C'est
là que j'ai rencontré Nigel Hollands, un officier respon-
sable du département de conservation de la nature. Il m'a
fait connaître Tongariro National Park, le plus ancien parc
Pagededroite: LeRata,ici au Pureroa NationalPark,est uneimmenseliane plutôt qu’unarbre. Il prend viesur un Rimu qu’il enlaceetfait mourir avant deprendreen quelquesortesaplace.
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Unedes seules forêts protégéesoù les habitants deWellington peuventsepromener et admirer la natureoriginelle.
national de la Nouvelle-Zélande, classé patrimoine mondial
par l'Unesco. Il offre une étendue très diversifiée avec des
forêts pluviales, des terrains désertiques, des lacs, des
rivières, des torrents, des cascades sans oublier des volcans
en éruption entourés de neige et de glaciers.
Notre premier objectif : Ragantana Lava Flow où je voulais
photographier des Hêtres rouges (Nothofagus fusca) dont
certains approcheraient les mille ans. Ces arbres de toute
beauté étalent un système racinaire à contreforts tout autour
de leur tronc. Ils croissent sur les basses pentes du volcan
Ruapehu. Tout au long de la montée on peut également
observer des petits Hêtres, jaillissant tranquillement sinon
péniblement des anfractuosités des rochers volcaniques.
Sur les pentes ouest du volcan, on remarque d'autres Hêtres
qui ne dépassent pas un mètre cinquante de haut. Leur peti-
tesse est due au fait qu'ils poussent en altitude (environ
1600 mètres) et que les vents les frappent de plein fouet. On
peut penser qu'ils sont très âgés comme ceux de Cradle
Mountains en Tasmanie.
Dans l'île Sud on trouve encore de beaux et vénérables
Hêtres que les activistes essaient de protéger de l'exploitation
forestière. Il reste fort heureusement quelques forêts
reliques dans les archipels sud de la Nouvelle-Zélande. Leur
difficulté d’accès est leur sauvegarde.
Le Kahikatea de Wellington
Les diverses rencontres que je fis à Wellington, à l'ex-
trémité méridionale de l'île Nord m'ont prouvé une fois de
plus combien était grande la solidarité et chaleureux l'accueil
dans les pays anglo-saxons. C'est avec Geoff Park, écrivain et
historien de cette espèce d'arbres, que j'allai à la rencontre
de son Kahikatea préféré. Nous partîmes vers l'est de
Wellington, dans les hauteurs longeant la baie. Une heure de
Ces Hêtres poussent à seizecents mètres d’alti-tude sur les pentes du volcan Ruapehu.Depuis des siècles,ils combattent lefroid,la neigeet les vents.
La forêt deRangatana Lava Flow (TongariroNational Park) allieHêtres rouges et fougèresarborescentes.
Pagededroite: Au pied du volcan Ruapehu,unsplendideHêtrerougequi montre,à labasedu tronc,des contreforts similaires à ceuxdes forêts tropicales.
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
marche par un sentier boueux mais généreux en orchidées
sauvages pour atteindre cet arbre séculaire. Ce Kahikatea
(Dacrycarpus dacrydioides) étale ses racines sur plus de
quarante mètres le long d'un ruisseau et ses contreforts
racinaires sont aussi ceux du cours d'eau. Une des racines
maîtresses traverse même le ruisseau, servant de passerelle
et créant une minicascade. Les racines s'étendent tellement
que la photographie ne peut traduire ce paysage fantasma-
gorique.
Un très vieux Kahikatea (environs deWellington)déploieses racines depuis des siècles et des sièclesau bord du ruisseau dont il modèleainsi les rives.
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Sillonner le monde ne vous prépare pas vraiment
à la vie des pays asiatiques que ce soit l'Inde, ori-
gine de nos civilisations occidentales aux dires de
certains et escale de bon nombre de voyageurs en
quête d'eux-mêmes, le Japon, pays du zen mais aussi des gei-
shas et du matin calme, ou la Chine qui ne dévoile ses
secrets que petit à petit mais possède un grand nombre
d’arbres vénérables.
Ces trois pays ont un grand respect pour leurs arbres les
plus vieux et l’on pourrait donner comme emblème à l’Inde
le Banian, au Japon le Cerisier en f leur ou le Jomon-sugi et
à la Chine le Théier sauvage ou le Ginkgo biloba.
Cependant, dans les mêmes pays, la nature est souvent sac-
cagée au nom du progrès : barrage de Bhaghirathi en Inde,
abattage des arbres pour l’industrie f lorissante du papier au
Japon et, en Chine, à nouveau un barrage, vrai désastre éco-
logique, celui des Trois Gorges.
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LECONTINENTASIATIQUE
Inde / Japon / Chine
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L ' I n d e
L'Inde serait, dit-on, le berceau de nos civilisa-tions occidentales. Depuis des lustres, nonseulement elle a sacralisé des monuments,mais aussi des arbres : Ficus, Manguier,Jujubier, Teck, Hibiscus et autres, associés àdifférentes divinités. Souvent, des templesont été élevés autour de ces arbres, mais à
l'heure actuelle bien des lieux sacrés tombent à l'abandon,tandis que d'autres sont rasés ou inondés délibérément.
C'est lors d'une escale à Singapour, que j'ai découvert, aujardin botanique, ce Samanea saman. On l'appelle com-munément l'Arbre à pluie parce que, en fin de journée, ilse met à t ranspirer et il pleut sous sa ramure. On enrencontre souvent bordant les routes en Inde car leurfrondaison particulièrement étendue apporte de l'ombreaux voyageurs et leur permette ainsi de se reposer agréable-ment.
Les enfants d’un bidonvilledeNew Delhi prèsdeleur arbrepréféré,un Ficus benghalensis.
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Lejardin botaniquedeSingapouret son « arbredela pluie»,à l’envergurephénoménale.
Avant de commencer réellement mon exploration, je res-tai quelques jours à Delhi où je fus particulièrement bienaccueilli par l'Alliance française et son directeur M.Touchard. Au cours de la visite d'un bidonville, j'eus d'ex-cellents contacts avec les enfants qui y habitaient. Je leurdemandai s'ils avaient un arbre sacré, ou tout au moins favo-ri, et ils me désignèrent un Ficus, sans doute pas millénaire,mais qu'ils aimaient et respectaient.
Je partis ensuite pour le sud du sous-continent à la recherchedes immenses Ficus benghalensis. Non loin de Bangalore, àl'écart de la grande circulation se trouve le Banian deKingiri (Ficus benghalensis). Il forme à lui seul une vraieforêt qui s'étend sur des dizaines et des dizaines de mètres etoù s'ébattent quantité de singes espiègles. Si le Ficus ben-ghalensis peut acquérir une telle envergure c'est parce queses racines aériennes lui permettent de supporter le poidsde son imposante ramure. Certaines branches du Banian deKingiri passent au-dessus des allées, d'autres serpententdans toutes les directions. Il est très difficile de savoir où setrouve exactement le tronc-mère. C'est un lieu très appréciédes enfants qui utilisent les racines comme cordes et s'ybalancent avec joie. Si le petit temple qui avait été construità cette place n'existe plus, l'arbre est cependant sacralisé etfréquenté tel un havre de paix et de ressourcement. Aussi ytrouve-t-on de nombreuses signatures.
Le Ficus benghalensis est dans la religion hindoue associé àla triade : les racines sont Brahma, le tronc Vishnu et lesbranches Shiva.
Le Banian de Kadiri, lui aussi un Ficus benghalensis, setrouve au nord de Bangalore, dans le district d'Anantapur,loin de tout village et proche de petites montagnesrocheuses. Comme souvent en Inde, on y rencontre beaucoupd'enfants. Pour le protéger on l'a entouré de grilles afin d'é-viter les piétinements mais j'ai eu l'autorisation de pénétrersous le houpier gigantesque de cet arbre vieux de plus dequatre cents ans. Ses branches s'étalent au sol, rampent,remontent, des racines aériennes viennent s'enfoncer dansle sol pour créer de nouveaux troncs-piliers. Tout l'ensembleforme une mini-forêt de plus d'un hectare. Les Banians sonten effet des arbres indéracinables qui résistent à pratique-ment toutes les intempéries.
Un temple a été construit à l'emplacement du tronc origi-
Dans les écrits historiques(Jacques Deloche, de l’Institutfrançais de Pondichéry), on trouvemention d'un immense Banianappelé Kabir bar qui se trouvaitsur l'île de la Narmada, en amontde Baruch au nord de Bombay. Ilavait en 1780 plus de trois millepieds racinaires et six cents mètresde circonférence. On racontequ'une armée de sept millehommes aurait séjourné sous saramure.
Un autre récit parle d'un Banianvivant près de Pune qui s'étalaitsur plus d'un hectare et possédaitgaleries et chapelles comme unevéritable cathédrale.
Suivant les régions et les dialectesles noms différent : si en hindi eten bengali, le Banian se nommeBar, en gujurati il devient Vad,mais Vada en marathi, etc.
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LeFicus benghalensis deKingeri (Inde).L’ensembledeses troncs piliers mesureunecentainedemètres delong.
nel, des divinités tutélaires y ont été peintes et les vieillesportes ont été dorées. Comme souvent au cours de mespérégrinations, j'ai pris plaisir à photographier les enfantssouriants et joyeux en dépit de leur pauvreté.
Les Ficus de Kempapura (Ficus religiosa)
Ce sont deux très hauts arbres, sans doute mâle et femelle,poussant sur un parvis de pierre ; trois stèles disposées lesunes à côté des autres forment une sorte d'autel ; l'uned'elles représente deux serpents cosmiques sans doute sym-boles de Shiva et de Parvati. Certains mythes racontentque si Vishnu était né sous un Pipal, (Ficus religiosa), c'estégalement sous un Pipal que Vishnu et Parvati parlaient etjouaient ensemble tandis que les autres dieux les espion-naient. Un jour Parvati se mit en colère et lança une malé-diction ; c'est ainsi que Brahma devint le Palasa, Rudra, leFicus indica et Vishnu le Pipal.
C'est sous un Ficus religiosa que Bouddha reçut l'illu-mination d'où son nom d'arbre de la Bodhi (de l'éveil). Unebouture de l'arbre original fut emportée et plantée au SriLanka par Mahinda, fils de l'empereur Ashoka, protecteurdu bouddhisme régnant avant Jésus-Christ. C'est bien sûrun des arbres les plus sacrés de l'Inde. On trouve des Ficusreligiosa aussi bien auprès des temples et monastères hin-dous que bouddhistes.
Avant de quitter Bangalore, j'y découvris au jardin bota-nique un Ceiba pentandra, un arbre originaire d'Afrique, maistrès courant en Inde, qui posséde d'importants contre-forts racinaires.
A Madras, dans le jardin de la Theosophycal Societ y, que legrand humaniste et spiritualiste indien Krishnamurti avaitacquis pour en faire un lieu ouvert à toutes les religions,se dresse un grand Banian sacré que le temps défavorable neme permit pas de photographier.
A Richivally, alors que nous faisions route vers Pondichéryje pris le temps de réunir et de photographier les enfantsd'une petite école sur laquelle un immense Ficus étendaitson ombre. Plus tard dans la journée, je pus photographierprès de Tindivanam un autre Banian dont le système raci-
Les deux Ficus religiosa sacrés deKempapura,Bangalore.
LeCeiba pentandra du jardin botaniquedeBangalore. Un arbreaux immenses contrefortsracinaires,originaired’Afrique.
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naire illuminé par le soleil couchant m'avait attiré.
Le Banian de Calcutta
Les habitants du petit villagedeWeelajabad(Tamil Nadu,Inde) profitent dela fraîcheurqueprocurela ramuredeceFicusbenghalensis.
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C'est à Calcutta, dans le jardin botanique, que vit le pluslarge Ficus benghalensis du monde et le plus célèbre. Ilpossède plus d'une trentaine de piliers, son immense fron-daison recouvre plus d'un hectare six et un chemin dequatre cents mètres en fait le tour, bordé par une barriè-re pour éviter le compactage du sol. Mais l'arbre ne s'arrê-te pas de pousser et déjà des piliers s'enracinent au-delà dela barrière. La tradition raconte qu'une graine fut larguéepar un oiseau dans un palmier dattier en 1782. Le Banianen grandissant étrangla le dattier qui disparut. En suivant lesentier, j'ai photographié l'arbre tous les mètres pour pou-voir en faire un hologramme. Son diamètre est de centmètres et sa hauteur de trente-cinq mètres.
J'ai découvert dans ce Ficus une splendide toile d'araignée d'en-viron quarante centimètres d'envergure et dont la formerappelle celle d'un chapiteau de cirque. De fins fils très résis-tants accrochés aux branches la maintiennent. Elle formeune cloche dans laquelle s'installe l'araignée qui attend làpatiemment que les insectes viennent s'y emprisonner.Quelle perfection et quelle subtilité dans cette architecture !Depuis combien de temps et comment cette araignée a-t-elleédifié pareil chef d'œuvre ?
Le Manguier (Mangifera indica) de Kancheepuram
S'il faut en croire le mythe, le pilier sacré par lequel lechemin va au ciel serait représenté par l'arbre du templeSthala de Kancheepuram, le Manguier. Certains botanistesprétendent que ce Mangifera indica aurait trois mille cinqcents ans, mais peut-on admettre cette datation alors que leManguier ne produit pas vraiment de courbes de croissan-ce. On affirme cependant qu'il est cultivé en Inde depuisquatre mille ans et qu'il aurait été découvert par l'arméed'Alexandre le Grand quand celle-ci atteignit la vallée del'Indus.
Les quatre branches du Manguier de Kancheepuramcorrespondraient aux quatre Véda, livres sacrés desHindous, faisant partie de ce que l'on appelle la littératurevédique ; ses racines évoqueraient la forme de Maya tan-dis que ses fruits auraient tous un goût différent. Lalégende précise que le seigneur Ekambaranathar auraitrésidé sous cet arbre avec la déese Kamakshi. Ce lieu sacré
LeBanian du jardin botaniquedeCalcutta,unimmenseFicus benghalensisdont l’enverguredépasseles cent mètres.
Quelleperfection quecettetoiled’araignéeten-due entreles branches decet énormeFicus etqui évoqueun chapiteau decirque!
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attire beaucoup de monde et des mariages y sont célébrés.Le Manguier, pour les Hindous, est en effet dédié à l'amour.
C'est au nord-est de Delhi, dans les montagnes préhima-layennes, dans la région de Rishikesh, que croît le Manguier deTalbna. Immobile, splendide, majestueux, il domine lavallée avec ses magnifiques branches et son tronc altier. Lesfruits de ce Mangifera indica sont succulents, les meilleursdu monde pour les Indiens, mais malheureusement pour moi,ce n'était pas la saison de la fructification.
Beaucoup de routes en Inde sont bordées de splendidesallées d'arbres, Tamarinier (Tamarindus indica), Manguier(Mangifera indica), Banian (Ficus indica) ou Pipal (Ficusreligiosa). Tous ces arbres sont recensés et numérotés ; s'ilsont été plantés au long des routes c'est non seulement pourles ombrager mais aussi en raison de leurs vertus alimen-taires et médicinales.
Les arbres fossiles
Ces arbres fossiles sont âgés d'environ cent millions
Un magnifiqueManguierprès deRishikesh,au nord deDelhi.
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d'années. On peut en voir un dans le village d'Ariyalur, ausite archéologique de Sattanur. Ce tronc de pierre appar-tiendrait à la famille des conifères et remonterait à cent mil-lions d'années, ce serait donc l'arbre le plus ancien de l'Indes'il n'était minéral !
Le site de Thiruvakkarai est, lui, plus riche en troncsd'arbres fossilisés. Ils n'auraient que vingt millions d'années,certains mesurant plus de trente mètres et seraient d'aprèsSurvey des Mesembrioxylon schmidianum. Mais, le genusdes bois fossilisés de l’Inde n’étant pas complétement réper-torié, il ne serait pas imposssible que ces fossiles remontentà environ deux cent millions d’années.
Sunderlal Bahuguna, le mouvement CHIPKOet le barrage de Baghirathi
Il y cent vingt millions d'années, àl'époque du Crétacé, l'océan arri-vait jusqu'à dix kilomètres plus aunord d'Ariyalur. Comme mainte-nant il abondait d'animaux marinsqui, morts, s'échouaient sur lesrivages, étaient ensevelis par lessables et l'argile, puis transportésen aval par les rivières. Des arbresjalonnaient les rivières et les côteset, lors d'inondations importantes,ils furent emportés et pétrifiés il ya environ cent millions d'années.
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Troncs d’arbres fossilisés sur lesitearchéologiquedeThiruvakkarai,dans lesud del’Inde.
J'avais entrepris ce voyage difficile vers les contreforts del'Himalaya pour rencontrer Sunderlal Bahuguna, le leaderdu mouvement CHIPKO. Ce mouvement, bien connu danstoute l'Inde et qui signifie « Aimez les arbres » s'est donnépour tâche de protéger les forêts du nord du pays. Il pritnaissance dans le Rajasthan, dans le village de Khejare oùAmrita Devi et des centaines de villageois donnèrent leur vieen protégeant les forêts. C'est pourquoi Khejare devint lePremier Mémorial National de l'Environnement de l'Inde.Okhimat et Gopeshwar, proches de Tehri, furent des hautslieux du mouvement. Les femmes de ces villages combatti-rent énergiquement, notamment en entourant les arbres pouréviter leur abattage. Leur ténacité finit par avoir gain de cause.En 1987, CHIPKO reçut le Right Livehood, une récompen-se pour son dévouement à la conservation, à la restaurationet à l'usage écologique et réf léchi des ressources naturellesde l'Inde.
Je savais que Sunderlal habitait Tehri. J'y arrivai en bus à tra-vers des vallées gigantesques où se côtoient cultures en ter-rasses, nomades faisant paître leurs animaux et où régnentsilence et paix. Jugez donc de ma stupeur horrifiée en appre-nant à mon arrivée que ces vallées seraient bientôt anéan-ties par la construction d'un important barrage. Ellesauraient pourtant été dignes d'être classées patrimoinemondial à l'UNESCO par leurs aspects historiques, éco-logiques, culturels et humains.
Depuis des dizaines d'années, Sunderlal Bahuguna se batcontre ce projet dont il était déjà question en 1972. Il aconnu la prison, fait plusieurs grèves de la faim... Mais rienn'y fit. Une centaine de villages vont être détruits et ce tré-sor architectural ne sera pas sauvé même si l'on peut admi-rer encore quelques temples plusieurs fois centenaires etdes fermes et maisons d'habitation, plus haut dans les mon-tagnes où a été construit un nouveau Tehri.
Ce barrage de Bhaghirathi mesurera trois cent cinquantemètres de haut sur un kilomètre de large. Mais les f lancsdes montagnes qui le soutiendront sont jeunes et friables etpar là fragiles. D'autre part ces vallées sont sujettes à desséismes d'assez forte magnitude. Le barrage pourra suppor-ter un séisme de force 7 sur l'échelle de Richter mais qu'enserait-il si survenait un tremblement de terre de force supé-rieure ? La dévastation serait inimaginable ; le lac serait vidé
Sunderlal Bahuguna sebat depuis des annéescontrelebarragedeBaghirathiet les destructions désastreusesqu’il entraîne. Sa maison a déjàété engloutie.
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en vingt-deux minutes et dans les douze heures qui sui-vraient plusieurs villages seraient engloutis.
Les bénéficiaires de ce barrage seront les grandes villes del'ouest de l'Uttar Pradesh ainsi que Delhi.
Pour les gens de l'Inde, le site de Baghirathi a une signi-fication spirituelle particulière. C'est un lieu de pèlerina-ge pour des milliers de personnes et tout cela va être inondésans aucun respect pour l'aspect sacré de ces terres.
Même le Banian d'Asena (Ficus bengalhensis) est appelé àdisparaître sous les eaux. Ses branches forment une longuetonnelle de verdure au-desssus de la route. Le bétail vient ypaître et les enfants aiment s'installer au pied de cet arbrequi domine toute la vallée d'Asena et de Tehri. La traditionraconte que si cet arbre est abattu, des milliers de serpentsvont en sortir et tuer tout le monde. Est-ce pour cela quedepuis des centaines d'années l'arbre a été respecté, sacralisé? Mais jusqu'à quand cette ramure tutélaire pourra-t-elleprotéger la vallée, ses habitants et leurs cultures ?
Le Mûrier (Morus Serrata) de Joshimath
Badrinath, pratiquement à la frontière du Tibet, est situé àplus de trois mille mètres d'altitude et l'on peut voir enarrière-plan le pic Neelkanth (6597 mètres) ; c'est l'un desplus hauts sites hindouistes et l'un des plus pieux. Peu avantBadrinath, on passe par Joshimath où se trouve, haut per-ché, le plus ancien Mûrier (Morus serrata). Sacré et interditd'abattage, il aurait plus de mille deux cents ans. Selon lalégende, Shankaracharya serait venu d'un village du Keralapour méditer sous cet arbre il y a huit cents ans. Il y auraitvu la « lumière de la connaissance ». Est-ce pour cela queJoshimath porte ce nom dérivé de Jyotirmath, Jyotir signi-fiant lumière ?
Le retour à Delhi ne fut pas sans péripéties ; comme sou-vent dans ces régions du nord-est les intempéries provo-quent des éboulements. C'est ainsi qu'après Karnaprayag, laroute étant coupée, je dus marcher quelques kilomètrespour rejoindre un prochain carrefour où attendaient bus et
LeMûrier deJoshimath,pratiquementà la frontièredu Tibet,est un arbresacréet interdit d’abattage.Il aurait plus demilledeux cents ans.
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Ces superbes vallées deTehri Garhwal vont disparaîtred’ici peu par la construction du barrage.
Pages suivantes : LeFicus benghalensisd’Asena,dans la valléedeTehri Garhwal ; lesbranches decet arbreséculaireont formé unevéritablevoûteau-dessusdela routeet les enfants aiments’y retrouver.
jeeps Armada, ces taxis collectifs où l'on s'entasse pour desheures de voyage rocambolesques. La présentation d'un dia-porama à l'université de Botanique de Nainital fut un de mesderniers exploits en Inde.
L e J a p o n
Si le Japon est bien connu pour sa vénération de la nature,sacralisant arbres, forêts, rochers, montagnes, ruisseaux etrivières, il est, d'autre part, un des pays les plus consom-mateurs de papier, et qui dit papier dit arbre abattu. C'est àSendai, comté de Myogi, que grâce à l'Alliance française, jepus prendre mes premiers contacts.
Le Ginkgo biloba de Nigatake, ou « Arbre aux seins »(environs de Sendai). Selon la légende, cet arbre, appelé enjaponais Itcho, aurait été planté conformément au testa-ment de la nourrice de l'empereur Syômu, à l'époque deTempyô (729-749). Son tronc se développa et sur sesbranches apparurent des excroissances qui, selon la croyan-ce, ressembleraient à des gouttes de lait. C'est pourquoi lesfemmes désireuses d'avoir plus de lait maternel viennent serecueillir devant l'autel qui a été contruit là.
Shiia sieboldii du temple Syômyô.
Le temple du Mont Asahi Syômyôji, au sud de Sendai, a étéfondé il y a environ cinq cents ans ; il possède des bouddhasde bonne augure tel que Amidanyori de l'époque du premierJamakura. L'arbre qui nous intéresse se trouve dans l'en-ceinte du temple. Il fait partie d'une espèce à feuilles persis-tantes. Ses racines énormes rampent en tous sens au-dessusde la terre et seraient l'incarnation de dieux résidant làdepuis sept cents ans. A une hauteur de deux mètres envi-ron, le tronc principal se sépare en sept ou huit troncsénormes. Les branches s'étalent en tournoyant et leursfeuilles sont très touffues. Quant à l'écorce, elle est forméed'excroissances. Sa noix et le gland se mangent et ont ungoût de riz automnal.
LeGinkgo biloba deNigatake(Japon)ou « Arbreaux seins » est ainsi dénomméparcequeles femmes venaient y prier pouravoir du lait pour nourrir leur bébé.
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Pagededroite: LeShiia sieboldii du templedeSyômô. Ses racines énormes rampent en toussens au-dessus dela terreet seraient la réin-carnation dedieux séculaires.
Le Cryptomeria japonica d'Atsumi-machi-Nishitagawa gun,près d'Iragawa, dans le Yagamata. La première impressionque j'eus de ce doyen de la forêt japonaise fut à l'issue d'unlong périple sous la neige, après avoir gravi les escaliersqui y mènent et passé sous la porte sacrée. Magnifique,puissant, droit, tels sont les mots qui me vinrent à l'espritface à ce vieil arbre, le seul ayant été épargné lors des coupesimportantes qui servirent à la construction des temples. Ils'élève à trente-trois mètres avec une circonférence d'unedizaine de mètres et domine le village.
Iragawa est un tout petit village au bord de la mer du Japon.Je pus y faire un diaporama pour les enfants d'une école,puis six d'entre eux, en dépit de la neige et du blizzard,m'accompagnèrent pour prendre des photos de l'arbre aveceux. J'ai apprécié là toute la serviabilité des Japonais et j'aipartagé avec tous ceux qui m'ont aidé ce jour-là desmoments inoubliables.
Le Cryptomeria japonica est un peu l’emblème desJaponais, dont il retrace en quelque sorte l’histoire. La plu-part des temples ont été construits avec son bois. Celui-ciest imputrescible comme celui des Cèdres des autres conti-nents. Mais, malheureusement, la plupart des forêts deCryptomeria japonica ont été remplacées par des planta-tions de Cyprès. Seules quelques forêts comme celle de l’îlede Yakushima, au sud du pays, sont protégées.
Toujours dans le Yagamata, j'ai pu admiré près d'Higashinel'Orme Zelkova, Keyaki en japonais, qui est l'un des plusimposants du Japon. Il serait âgé d'environ mille cinq centsans. C'est un Zelkova serrata, une espèce très robuste donton utilise la souche mère pour planter en Europe des ormesdits résistants. Il mesure plus de douze mètres soixante decirconférence pour une hauteur de vingt-huit à trente mètres.Classé monument naturel national en 1926, il trône dans lacour d'une école. Comme souvent au Japon, une grosse cordesacrée l'entoure. Dans la ville, on retrouve son effigie dansdes motifs en fer forgé attachés aux lampadaires, ou biensculptée sur les plaques d'égout ou encore sur les étiquettesdes bouteilles de saké. C'est le cas de dire : on fait feu de toutbois !
John Gathright m'a aidé à réaliser, moi aussi, un de mesrêves : aller photographier les vieux Cryptomeria japonicade l'île de Yaku-shima. Cette île, patrimoine mondial de
Pagededroite:LeCryptomeria japonica d’Atsumi machi-Nishitagawa gun s’élèveà trentemètres ; c’estunevéritablesplendeur !
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L’OrmeZelkova d’Higashineaurait plus demillecinq cents ans. Il est sans douteleplusimposant du Japon.
l'Unesco, abrite encore une forêt pluviale tempérée. Pendantdes siècles, montagnes et forêts de l'île étaient sacrées. Lesarbres n'étaient pas abat tus et cet te sacralisation a permisla survivance de riches écosystèmes. Cependant, la demandeen bois se faisant grandissante, ne serait-ce que pourconstruire des temples, on se mit à exploiter, commed'autres forêts sacrées japonaises, celle de Yaku-shima.
Sur cette île, la végétation est fort différente de celle duJapon intérieur : près du littoral, elle est subtropicale, pourdevenir plus tempérée et enfin subalpine au fur et à mesu-re que l'on monte en altitude. La forêt pluviale tempérée estcaractérisée par les Abies firma, les Tsuga sieboldii et leCryptomeria japonica (Cèdre rouge du Japon), le pluscélèbre. Autrefois de grandes étendues du sud du Japonétaient recouvertes de ces forêts tempérées, maintenantdétruites en grande partie ; d'où la valeur prise par celle deYaku-shima aux yeux des Japonais.
C'est une longue randonnée qui permet d'atteindre le «Jomon sugi », le Cryptomeria japonica le plus ancien dumonde et le plus vénéré par de nombreux touristes. On luiprête un âge plus que vénérable ce qui, pour ma part,me paraît quelque peu invraisemblable. Pour faciliter l'as-cension, mais aussi pour protéger les racines, des esca-liers faits de bois ou de grosses pierres ont été construits, untravail titanesque ayant nécessité une grande patience.
Le Cryptomeria japonica, qui pousse entre six cents etmille huit cents mètres d'altitude, a une grande impor-tance pour les gens de l'île où il est appelé « Sugi » autrementdit Cèdre. Quand ces arbres dépassent les mille ans, ilsdeviennent « Ko-sugi », tandis que les « Yaku-sugi »auraient, eux, plus de trois mille ans, comme Dayo-sugi leroi des Cèdres. Le plus célèbre cependant, celui qui atti-re les foules, reste, bien sûr, le « Jomon-sugi » qui auraitentre trois mille et sept mille deux cents ans, ce qui melaisse assez perplexe. En étudiant, sur certaines souchesou troncs morts, les courbes annuelles de croissance, j'aiestimé que ces arbres grandissaient de un millimètre par an,ce qui indique que leur croissance est lente. Si l'on se réfère àcette estimation et si l'on considère que le « Jomon-sugi » aun rayon approximatif de deux mille sept cents millimètres,il est facile de se rendre compte qu'on est loin des sept milleans. De plus, on sait qu'il y a environ six mille ans une gran-
John Gathright, sa maison dansles arbres et l'école de grimpe
Dès son plus jeune âge John avaitun rêve multiple : vivre au Japon,fonder une famille, construire unemaison originale et créer une écolede grimpe. Ce rêve il l'a concrétisé.Il habite à Jyokoji, près de Nagoya,vers le centre du pays. Il s'estconstruit une maison à partir d'an-ciennes barriques de soupe Myssoet consacre une bonne partie deson temps à aider les handicapés àgrimper dans les arbres. Je l'ai ren-contré pour la première fois àSendai où il faisait une conférencesur son histoire, sa famille, sontravail avec les enfants et lesadultes.
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La forêt pluvialedel’îledeYaku-shima.Un camaïeu deCamélias subakisur un fond dedécor verdoyant.
de éruption volcanique aurait décimé la nature en un riende temps. Est-il pensable que notre arbre vénérable et vénérépuisse être un survivant de ce cataclysme ?
Une autre particularité de cette petite île est la diversité desa f lore et de sa faune. Certaines espèces de plantes (quatre-vingt quatorze) concentrées sur les hautes montagnes cen-trales sont endémiques et l'une des caractéristiques decette végétation est l'exubérance des épiphytes, particulière-ment en haute altitude. Parmi les espèces animales, lemacaque (Macaca fuscata yakui) et le daim « sika »(Cervus nippon yakushimae) sont endémiques à l'île etremonteraient à trois mille ans. Quatre espèces d'oiseauxprésents sur l'île dont le merle ryukyu (Erithacus komadorikomadori) et le pigeon des bois (Columba janthina janthi-na) sont désignés comme monuments naturels. C'est diretoute l'importance de cet écosystème.
Le chemin est long et dur pour accéder au pied des arbresmythiques. Nous y avons rencontré des macaques absolu-ment pas effarouchés, qui nous observaient en sautant debranche en branche et que j'ai pris plaisir à photographier. Toutau long du sentier des souches d'arbres abattus rappellentl'existence de la forêt pluviale ; l'une d'elles, énorme, abriteune source qui passe à l'intérieur et un petit autel.
A l'approche du sommet, la taille des arbres devient impres-sionnante, car peu ont souffert de l'exploitation. Cependantnous n'étions pas au bout de nos peines, il y avait encore denombreuses marches à monter, c'était un véritable pèlerina-ge. Enfin, nous avons atteint notre but et j'ai vu, pour lapremière fois au clair de lune, le « Jomon-sugi ». Aprèsavoir passé la nuit dans une hutte toute proche, le lende-main, au lever du soleil, j'ouvris la porte ; deux daims, sansdoute mère et enfant, que nous avions déjà vus la veille ausoir, étaient là comme des gardiens fidèles. Arrivé au pieddu vieux cèdre, plus de daims. Je pris cependant une sériede photographies avec l'espoir que ces animaux revien-draient. Et la forêt a exaucé mon souhait.
Si de la mousse se voit sur le côté du tronc, si le sol est abîmépar le compactage, des actions sont engagées pour sauver cetarbre vénérable, le maître incontesté de la forêt pluviale deYaku-shima. On prétend que l'on peut voir un visage surson tronc, eh bien, je l'ai vu : les deux yeux, le nez, labouche. Aussi, je l'appelle le « Mori sansei », le Maître de
« Jomonsugi»,leplus ancien Cryptomeria japo-nica du mondeaurait entretrois milleet septmilledeux cents ans,cequi paraît peu vraisem-blable.
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Pagededroite: Un petit autel a été érigé danscetteimmensesouchesacréedela forêt pluvialedel’îledeYaku-shima.
la forêt.
C'est dans cette même forêt que nous avons rencontré le «Meoto-sugi », le plus beau mariage d'un couple-cèdre. Unmâle et une femelle de Cryptomeria japonica sont liés parune gigantesque branche sur laquelle, en regardant attenti-vement, on peut voir un bébé arbre qui pousse là.Comment la nature peut-elle créer une telle chose ? C'estréellement magique !
A Kamou, près de Kagoshima, toujours au sud du Japon, setrouve le plus gros Camphrier du pays ou kusu. Il mesurevingt-quatre mètres vingt de circonférence et trente mètresde haut. Il aurait quinze cents ans, ce qui semble tout à faitpossible. Son tronc est creux; pendant des années il futpossible de rentrer dedans, alors que maintenant l'accèsen est fermé par une porte. Il a bien sûr dû subir quantitéde t yphons, d'orages, d'intempéries diverses ; s’en doutent-ils ces milliers de touristes qui passent devant lui en coupde vent ? Depuis peu, pour préserver le système racinaire,vraisemblablement abîmé par le compactage du sol, une belleestrade en bois a été réalisée. On remarquera des centaines etdes centaines de morceaux d'écorce qui ont été rassembléspour reconstituer certaines parties du tronc : une restaura-tion qui dénote un immense respect de l'arbre.
J'ai pu rassembler cent vingt enfants de l'école de Kamoupour les photographier sous le Camphrier ; une fois de plusj'ai apprécié l'efficacité et la gentillesse des Japonais.
Le Camphrier de Takeo
En remontant au nord de Kagoshima, près de la ville deSaga, on arrive à Takeo et son Camphrier sacré, fort specta-culaire avec ses vingt et un mètres de tour. Il vit là depuisplus d'un millier d'années. Pour l'atteindre, il faut entrer parle temple, puis suivre un chemin en haut duquel ondécouvre cet arbre magnifique, dégageant de par sa forme,son tronc déchiqueté et entrouvert tout un rayonnementénergétique, tel un maître à son sommet. Un petit autel a étéinstallé dans son tronc qui est entouré d'une corde sacrée.Pour éviter qu'on endommage ses racines, le sol étant parti-culièrement meuble et fragile, il est interdit de venir jusqu'à
Les biches deYaku-shima,endémiques à l’îlenesont pas du tout craintives.
« Meotosugi »,lemâleet la femelleCryptomeriasont unis pour la vie. Ils ont mêmedonnénaissanceà un bébé-arbrequi poussesur labranchequi réunit ses parents.
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Pagededroite: LeCamphrier deKamou,leplus gros deson espècea été trèsintelligemment restauré. La portequel’on voitau premier plan interdit aux visiteursdepénétrer dans letronc creuxet dedégrader ainsi l’arbre.
son pied.
Le Camphrier "Kungaisho" d'Osaka
C'est un arbre millénaire, gigantesque qui, lui aussi, dégageénormément d'énergie. C'est évidemment un arbre sacré etcomme souvent en Asie un temple est construit tout autour.Une des excroissances au bas du tronc évoque un mam-mifère marin tandis qu'une des grosses branches rappelleun pénis humain, faut-il alors croire à la réincarnation etaux légendes ; toujours est-il qu'on peut sans se tromper direque c'est là l'emplacement le plus énergétique d'Osaka !
Près de Toyama, à Himi, une toute petite île à une cin-quantaine de mètres de la plage et de la voie de cheminde fer, un petit arbre pousse sur son rocher comme un ascè-
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LeCamphrier deTakeo est un arbresacré ; ona installé un petit autel dans son tronc creux.
te. Je souhaitais le photographier au lever du soleil et, à mongrand étonnement, je n'étais pas le seul, j'y ai retrouvé septJaponais avec tout leur attirail photographique. Moi quiavais passé la nuit sur la plage pour être seul avec ce petitarbre !
Mais on ne peut quitter le Japon sans parler des cerisiers enf leur.
Le Cerisier Usuzumi (Prunus spachiana f. ascendans) deNeo village, dans la région de Gifu. C'est sous la neige quej'ai rencontré pour la première fois ce gigantesque cerisier.Mais, heureusement, j'ai eu la possibilité d'y revenir alorsque tous les cerisiers étaient en f leur. Quel fabuleux spec-tacle ! Le nom de Usuzumi dérive de la couleur pâle de sespétales. Le Cerisier Usuzumi aurait près de mille cinq centsans. Son tronc mesure neuf mètres quatre-vingt-onze detour et ses branches ont une envergure de vingt-sept mètres.Depuis le 12 octobre 1922, sa taille gigantesque et sa valeurhistorique lui confèrent le titre de Trésor naturel.
En 1910, une violente tempête de neige cassa d'abord letronc puis d'autres endroits de l'arbre. Différentes solutionsfurent trouvées pour le maintenir en état, mais en 1948 ilétait de nouveau en sursis. C'est alors que fut créée la Sociétépour la préservation du Cerisier Usuzumi qui demanda audocteur T. Maeda, botaniste spécialiste des vieux arbres del'examiner pour savoir pourquoi il était si mal en point.Estimant qu'il fallait revitaliser les racines, il effectua desgreffes avec de jeunes racines provenant d'autres arbres,trois cent vingt-huit en tout. Après cette délicate opération,l'arbre retrouva toute sa splendeur. Mais ses malheurs n'é-taient pas terminés : en 1959, il fut sévèrement touché parun t yphon. Depuis 1967, une barrière de protection a étéinstallée et des poteaux de soutènement renforcent lesbranches et le tronc. Depuis il est l'objet de soins attentifs,
LeCamphrier « Kun Gai Sho »est un formidablepotentield’énergiequemes amis Maki et Hitoshiessaient decapter.
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Non loin de Kagoshima, àIbusuki, le groupe Jomon morirecense les arbres anciens de leurprovince pour mieux les protéger.Entre autres choses, ils placentprès des arbres remarquables despanneaux historiques et détaillés. Ilsessaient de sensibiliser les gens àleur projet ambitieux : replanterdes millions d'arbres afin de rétablirl'écosystème qui existait avant cetteterrible éruption volcanique d'il ya six mille ans, dont j'ai déjà parlé.« C'est un travail d'un siècle », m'aprécisé le président de l'associa-tion, Nagata Kazuko.
Pages suivantes : leCerisier d’Usuzumi,en pleinefloraisonet son étrangedéploiement depoteaux desoutènementqui ressemblent à des mâts denavire.
auxquels participent financièrement Neo, mais aussi legouvernement de la province de Gifu et des donationsprivées. Longue vie encore au cerisier d'Usuzumi !
L a C h i n e
Un des buts de mon voyage en Chine, vaste pays enco-re mystérieux était de découvrir les plus anciens Théiers sau-vages (Camellia sinensis) au fin fond du Xishuangbanna. Jesouhaitais également y rencontrer les minorités Aini ou Dai.
Mais je ne voulais pas manquer les Metasequoia glyp-tostroboides, arbres vénérables s’il en est qui poussent dansla région de Hubei et je désirais encore photographier le trèsancien Ginkgo biloba de la province de Shandong ou la gly-cine millénaire de la Cité Interdite de Pékin.
Aussi mes choix n’étaient-ils pas faciles à faire d’autant queces quatre espèces n’étaient rien au regard de la diversitéde la botanique du pays.
Dans le train qui me conduisait de Guangzhou à Kunming(plus de vingt-quatre heures), je rencontrai fort à proposune jeune Chinoise, Gao Yan, qui m’aida à me faire com-prendre. Elle m’invita dans sa ville natale, Yuan Jiang, dansle Yunnan. J’y ai passé un superbe séjour et j’ai découvertainsi les rizières et la vie quotidienne des gens de larégion. D’autres femmes chinoises m’ont particulièrementsoutenu durant ce voyage et je veux leur rendre hommage.Plus particulièrement encore à Sara, une excellente guide detrekking qui vit à Jinghong, au Xishuangbanna. Elle estdevenue l’élue de mon cœur, mon âme sœur et j’en remer-cie la Nature qui m’a fait cadeau de cette merveilleuse ren-contre.
Les Théiers sauvages (Camellia sinensis)
Jinghong est la porte d’entrée qui mène aux anciens théierssauvages et aux plantations anciennes. Je partis de là vers letout petit village de Bada où vit une minorité Aini et oùpousse depuis mille sept cents ans le plus ancien Théier sau-
La légende raconte qu'il aurait étéplanté par le vingt-sixième empe-reur Ketai, fils du vingt-troisièmeempereur Kenso. Impliqué dansune querelle de succession, il s'é-tait réfugié, pour échapper à sesdétracteurs, très haut dans lesmontagnes, aux alentours deMino, à Neo village. Il vécut là, dif-ficilement, pendant des années jus-qu'au jour où un messager impérialvint le chercher pour le ramener à laville impériale où il fut nomméempereur pour ses vingt-neuf ans.Avant de quitter Neo il planta cecerisier pour commémorer sonaccession au trône et remercier lesgens qui l'avait accueilli si genti-ment.
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Champignons dela forêt deBada (Yunnan).
vage. Au village même, j’ai admiré les vieilles maisons enbois qui évoquent nos chalets de montagne mais en beau-coup plus vétustes. Ensuite en compagnie d’un jeune villa-geois et après une bonne heure de marche dans la forêt, sousune pluie battante et les pieds dans la boue, j’arrivai au pied decet arbre vénérable. Il pousse entouré d’une végétation luxu-riante et notamment de bambous qui contribuent à la nour-riture des villageois. Il mesure plus de vingt mètres de hautet plus d’un mètre de diamètre. Ce qui est imposant si on lemet en parallèle avec les théiers cultivés en contrebas dontle tronc est taillé très bas.
Certains journalistes prétendent que dans la région deLincang un théier aurait deux mille cinq cents ans alorsqu’on ne lui en donne que huit cents dans un livre recensant lesvieux arbres du Yunnan. Pour en avoir le cœur net j’aiinterrogé les botanistes de l’Institut de Kunming qui meconfirmèrent que journalistes et guides locaux se trom-paient.
Histoire des théiers " Puerh " du Yunnnan
La Chine a été le premier pays a utilisé le thé comme bois-son et cela depuis quatre mille ans. Les experts considè-rent que le Xishuangbanna et Simao dans le bassin de la riviè-re Lancang, au Yunnan, sont le berceau des théiers. Ceuxqui poussent dans les « Six anciennes montagnes à thé »sont nommés thés « Puerh ». Dès la dynastie Han (206 av. J.-C.-8 après J.-C.), le thé était commercialisé et sous les Tang,il était à l’ordre du jour. Sous la dynastie Yuan, ou mon-gol (1276-1368), ils servirent de monnaie d’échange tan-dis que sous les Ming (1368-1644) il devint une marque «labellisée » dans tout le pays.
Quand le thé « Puerh » atteignit son apogée il était recherchépar les marchands d’Inde, de Birmanie, de Ceylan, du Siam,du Cambodge, du Vietnam. Les pays du Sud-Est et du Sudde l’Asie venaient le chercher au Xishuangbanna et des cara-vanes de plus de cinquante mille chevaux et mules traver-saient montagnes et rivières pour s’en procurer.
Utilisé comme boisson traditionnelle, ce thé calme la soifet rafraîchit le cœur et les idées. Mais il a aussi d’impor-tantes propriétés médicinales et des extraits en sont utiliséspour stopper différentes maladies.
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LeThéier sauvagedeBadaest composé dequatretroncs.
Unemaison traditionnelledela minorité Ainidans levillagedeBada.
A mon retour à Jinghong, je fis la connaissance de Sara, unespécialiste du trek. Le courant passait entre nous, j’avaisapprécié au cours de conversations combien elle aimait lanature ; aussi décidai-je de partir avec elle à la découvertedes différentes minorités Dai et Aini. Main dans la main,nous avons marché pendant des heures et, en dépit de l’ora-ge et de la pluie déferlante, Sara me faisait observer les mer-veilles de la nature que recelait cette région. Nous avonsfini par atteindre le village de Padan, un village Dai d’en-viron six cents ans. Nous y sommes restés trois jours etavons fait alors plus ample connaissance. C’est ainsi queSara a décidé de me suivre dans toutes mes pérégrinationschinoises et de me servir de guide et de traductrice. Voilàcomment elle est devenue mon âme-sœur.
Le Metasequoia glyptostroboides de Modaoxi,comté de Lichuan, province de Hubei
Quelle expédition pour arriver au village de Modaoxi, ber-
La viequotidiennedes minorités Dai,près du villagedePadan dans leYunnan.
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La forêt semi-tropicaleet les maisons des mino-rités Dai dans les environs dePadan(Yunnan) à proximité du Mékong.
ceau du plus ancien Metasequoia du monde. D’abord letrain jusqu’à Chongqing, puis le bateau qui, sur le Yang-tsêkiang, nous a conduits jusqu’à Wanxian. Et enfin, un buslocal pour arriver à Modaoxi et son Metasequoia. Quelquesbelles maisons traditionnelles subsistent dans ce village, oùdominent les rizières et les champs de tournesols et de maïs.
Seul témoin millénaire de ce que furent les forêts deMetasequoias, cet arbre vénérable pousse quasiment seul,entouré de quelques jeunes spécimens de son espèce, sansdoute plantés par des botanistes chinois et américains.
Bien des explorateurs avaient dû passer à proximité de l'en-droit où croissaient ces arbres sans les découvrir. Mais en1943, Z.Wang collecta des graines à Shui-sa-pa (Plantationde Sapin d'eau) et à l'automne 1947, C.T. Hwa découvrità proximité de ce même lieu un ensemble naturel d'arbresmatures de Metasequoias glyptost roboides. Ils pous-sent, à environ soixante kilomètres au sud-est du Yang-tsê, dans le district de Lichuan, dans une vallée encaisséeentre les montagnes Chi-yao (Pierre à chaux permien),d'une altitude de quinze cent s mèt res et cel les de Fu-pao-shan (grès jurassique) d'une élévation de mille quatrecents mètres. Grâce à ces hautes montagnes, l'écosystèmedes Metasequoias glyptostroboides se trouve isolé. Lesterres proches de Shui-sa-pa étaient utilisées pour la culturedu riz et les versants des montagnes étaient couverts par unevégétation semi-naturelle. Les hivers sont secs et les étés trèshumides, les précipitations s'étalant de juin à août.
Entre 1946 et 1948, des botanistes chinois, Hu et Cheng,envoyèrent dans différents arboretums de la planète desgraines de cet arbre, un arbre rare qu'ils voulaient sans douteprotéger. Différentes expéditions sont alors parties à sarecherche et ont découvert que cette espèce poussait à l'étatnaturel dans les provinces de Hubei et du Sichuan, au centrede la Chine et sur les pentes du Hu-nan de l'Ouest. L'étude dela f lore des Metasequoias glyptostroboides a montré com-bien elle était riche ; on y dénombre de très nombreusesespèces, Rosaceae, Fagaceae, Ericaceae, etc. Les Quercussont fort bien représentés avec treize espèces ainsi que lesPrunus, Acer, Rhododendron, Salix et bien d'autres. Ontrouve cinquante-six pour cent de plantes à feuillescaduques pour quarante-quatre pour cent de plantes àfeuilles persistantes. Mais ce qui paraît le plus intéressant
Unedes rares maisons traditionnelleschinoises dela région deHubei.
LevillagedeModaoxidans la région deHubei.
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c'est la présence de plantes inhabituelles qui ne poussentqu'en Chine.
Cette f lore est très ancienne ; tous les gymnospermes quioccupent naturellement cet écosystème ont été retrouvés surdes fossiles de l'ère Tertiaire et pour quelques-uns de l'ère duMésozoïque, appartenant à l'ère Secondaire. Il en est de
La valléedeShui-Sa-Pa,dans la régiondeHubei,est leberceau des Metasequoiasglyptostroboides. On peut y voir aussidu maïs et des tournesols.
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Pagedegauche: Leplus vieux et leplus grosMetasequoia glyptostroboides du mondedanslevillagedeModaoxi,région deHubei.
même pour beaucoup de lignées d'angiospermes quiremonteraient à l'ère Tertiaire. Comment expliquer cettesurvivance durant des millions d'années ?Géographiquement, les Metasequoias sont situés dans lapartie méridionale du Yang-tsê, à mi-altitude. Pendant lapériode glaciaire, cet endroit a reçu moins de préci-pitations que d'autres lieux montagneux. D'autre part, lesmontagnes « Tsinling Rang » au nord, nord-ouest et ouestformaient une immense muraille naturelle abritant cettef lore unique du froid intense. Par ailleurs, l'or ientat ionsud-ouest/nord-est des montagnes surplombant lesMetasequoias permettait à l'air chaud méridional de circu-ler. Tout cela explique comment la f lore des Metasequoiasglyptostroboides fut mieux conservée que la f lore d'Europeet d'Amérique du Nord.
Après deux jours à Modaoxi, nous sommes retournés àWanxian et par le bateau nous sommes allés jusqu’à
Les montagnes deChi-Yaoet deFu-Pao-Shan,dans la région deHubei,protègent depuis des millionsd’années les Metasequoias glyptostroboides.
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Ychang. Nous y avons retrouvé des amis qui nous ontconduits au barrage des Trois Gorges. Phénoménale ettitanesque construction, c’est aussi un gigantesque désastreécologique. Mais que faire pour sauver les arbres qui vontêtre engloutis ?
Le Ginkgo biloba du temple de Dinglin, Fulaishan, Juxian
Après des heures et des heures de train et de bus, c’est enmoto-taxi que nous sommes arrivés au temple de Dinglin,au centre duquel, depuis trois mille ans, vit un Ginkgo bilo-ba femelle, toujour féconde après toutes ces années. Il mesu-re environ seize mètres de tour, mais du béton a été injectéà certains endroits du tronc et des branches.
Curieusement ce Ginkgo possède deux formes de feuilles :celles de la base sont échancrées alors que sur les brancheselles ont l’aspect d’éventail que nous connaissons. Pourquelle raison ? Je n’ai pas la réponse.
Un autre Ginkgo pousse dans le temple nord mais il est plusjeune.
Le nom de Ginkgo signifie pour les Chinois l'Abricot d'ar-gent (Ginkyo) alors qu'en France il est communément appelé« l'arbre aux quarante écus » à cause de son prix élevé auXVIIIe siècle, époque à laquelle il fut importé. Au Japon ilest connu sous le nom de Icho et en Chine après avoir portéle nom de Ya chio durant la dynastie Sung (960-1279), il apris de nos jours la dénomination de Yin Hsing en chinoislittéraire.
Le Ginkgo biloba est le seul représentant de l'ordre desGinkgoales, un groupe de gymnospermes composés de lafamille Ginkgoaceae qui remonterait à la période per-mienne, soit deux cent soixante millions d'années. Les dino-saures auraient donc bien connu cet arbre. Les feuilles et lesorganes végétatifs fossilisés ont prouvé qu'il existait aumoins deux espèces de Ginkgo à cette époque, alors quecent quarante-quatre millions d'années auparavant onzeespèces pouvaient être recensées en Europe, Asie etAmérique du Nord.
Seul le Ginkgo adiantoides a survécu aux grands cata-clysmes géologiques et on peut penser que la dispari-tion des dinosaures et de certains grands reptiles a pu
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LeGinkgo biloba du templedeDinglin,dans larégion deShandong,est leplus vieux du monde,il aurait plus detrois milleans.
inf luencer ce déclin puisque avec eux s’évanouissaient desdisperseurs des graines. Les Ginkgos auraient été éradi-qués de l'Amérique du Nord il y a sept millions d'annéeset d'Europe il y a deux millions et demi d'années.
Les scientifiques ont un moment pensé que le ginkgo avaitcomplétement abandonné la surface du globe quand, en1691, Engelbert Kaempfer en répertoria au Japon ; il enexporta en Europe au XVIIIe siècle. En 1814, à partir d'unplan femelle découvert près de Genève, on put effectuerune greffe sur un arbre mâle du jardin botanique deMontpellier. Curieusement, si l'on observe une feuilleactuelle par rapport à une feuille fossilisée du Permien,aucune différence n'est décelée.
Mais retournons en Chine où des Ginkgos ont ététrouvés principalement dans les monastère montagnards,les jardins de palais ou de temples où les moines bouddhistesle cultivaient pour leurs nombreuses qualités. Il protègecontre le feu car son écorce et ses feuilles sécrètent une sèvequi retarde la combustion. Son bois léger possédant uneexcellente fibre est employé pour des sculptures ou desustensiles pour la cérémonie du thé ; on l'utilise aussi pourdes armoires ou des boîtes de rangement, notamment desboîtes laquées pour le thé, car il résiste aux insectes. Lesbouddhistes en façonnent des échiquiers, particulièrementpour le jeu de Go.
La médecine traditionnelle tant chinoise que japonaise luireconnaît de grandes propriétés thérapeutiques : astringentpour le cœur, les poumons (asthme, bronchite, rhumes),c'est également un régulateur urinaire, un anti-diarrhéiqueet il peut encore soulager maux de dents, fièvres, maladiesde peau.
Les graines torréfiées stabiliseraient la production en sper-me et les graines crues seraient anticancéreuses. Leur goûtest sucré, entre la pomme de terre et la châtaigne cuite. Maisattention à la chair puante et visqueuse qui protège la grai-ne car elle contient des huiles qui peuvent causer des déman-geaisons. Mais si vous prenez la précaution d'enfiler des gantsde caoutchouc, vous pouvez ouvrir et casser les graines etmanger leur intérieur comme des pistaches ou en agrémen-ter le riz pilaf, le porridge, les soupes, les légumes, le tofu,les champignons !
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Actuellement et après maintes recherches, le Ginkgo est uti-
lisé pour fabriquer des médicaments ; aussi, d'immenses
champs sont plantés et exploités.
Le Ginkgo biloba, comme les conifères et les Cycades ne
peut se reproduire que si un mâle est relativement proche de
la femelle. Le pollen est alors transporté par le vent, les
oiseaux, les insectes, les rongeurs, etc. Mais se pose la ques-
tion de savoir pourquoi la femelle fabrique des fruits si le
mâle est à plus de cent mètres et que se passe-t-il alors ?
Encore un mystère de dame Nature !
Pour en finir avec le Ginkgo biloba, l'esthétique de ses
feuilles, de ses formes, de ses couleurs chatoyantes en
automne a inspiré bon nombre d'artistes, poètes, écri-
vains, peintres, photographes.
Pour terminer en beauté ce grand périple à travers la Chine
des vieux arbres, nous sommes allés, Sara et moi, à Pékin et
de là dans la région de Hebei pour y admirer la grande
Muraille dans un lieu pas trop touristique. Nous y avons
dormi à la belle étoile sur une des tours et c’est là un souve-
nir inoubliable.
Un jeuneChinois déposeun tissu rougeet un messagedans letronc du Ginkgodu templedeDinglin pour quecela luiportebonheur.
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L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
En Afrique,l'arbre du village,baobab ou autre
espèce, est un peu considéré comme un
sage. Il est honoré et la population passe
des heures entières sous son ombrage. C'est
l'arbre à palabres où se racontent la plupart des histoires
transmises de génération en génération par les griots.
Mais si le Baobab ou Adansonia n'est pas le seul,il reste
pourtant le plus important de la flore africaine. On racon-
te que Livingstone en aurait découvert un de plus de
quatre mille ans au Zimbabwe,d'où peut-être l'origine de
ce nom.
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LECONTINENTAFRICAIN
Sénégal / Kenya / Afrique du Sud / Madagascar
183
L e S é n é g a l
Le Baobab de Diass
Diass, communauté rurale du Sénégal, possède un
Baobab très ancien autour duquel a été initiée en janvier
2000 une importante cérémonie réunissant diverses asso-
ciations et pays ; elle avait pour but de sensibiliser le
monde à la préservation et au respect des arbres véné-
rables de la planète et d'inciter l'UNESCO à inscrire
quelques-uns de ces arbres millénaires au patrimoine
mondial. C'est l'association ENDA SYSPRO dirigée en
Afrique par Jacques Bugnicourt et Moussa Seck qui s'é-
tait chargée de toute l'organisation. ENDA SYSPRO a
des ramifications non seulement en Afrique, mais en
Inde et en Amérique latine ; elle s'est spécialisée dans le
développement de l'agriculture durable et forme les gens
du tiers monde à mieux valoriser leurs terres.
La présidente de cette communauté rurale de Diass dont
font aussi partie Ponpenguine et Koubit est Wolimata
Thiao, également responsable de la réserve naturelle.
Comme beaucoup de femmes sénégalaises, elle a une
place importante dans la société ; elle milite aussi dans
un mouvement de femmes qui s'intéressent de façon très
active à l'environnement.
Le Baobab,dit la légende, serait un arbre raté planté à
l'envers par un dieu peu malin ou original. Comme on
l'a vu à propos des Baobabs de Kimberley,pour un arbre
raté c'est un arbre qui a bien des vertus ! Celui de Diass
(Adansonia digitata) possède de gigantesques branches
dont une touche le sol tandis que son tronc,creux,sert
d'habitacle à un essaim de guêpes. Un champ de manioc
l'entoure et le protège. Les Sénégalais appellent cet arbre
Jombite N'Dol, autrement dit l'arbre qui possède des
fruits succulents,que l'on réserve aux hôtes de marque.
Plus de quatre cents personnes,dont cent-vingt enfants, assistèrent àla cérémonie autour du Baobab deDiass. Parmi les personnalités, onremarquait le ministre sénégalais del'Environnement, le président desAmis de la Nature et, bien sûr,Moussa Seck ; chacun prononça uneallocution. Puis, un griot racontace qui s'était passé sous l'arbre,notamment comment un traité yavait été signé. Vinrent ensuite desdanses de plus en plus effrénées auson du tam-tam. Deux jeunes fillesde l'école voisine de Ponpenguinelirent l'ode que voici :
Les habitants de la planète,
à l'occasion du passage
au prochain millénaire,
rendent hommage au Baoabab
de Diass et, à travers lui, à tous
les arbres millénaires du monde.
Le respect de l'environnement
comme la protection des espèces
vivantes sont pour le nouveau
millénaire un témoignage de
l'harmonie entre les êtres
humains et leur planète.
Meilleurs vœux et longue vie
à tous les arbres
qui ont vu passer
sous leur ombrage
tant de génération humaines.
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Pages précédentes :LeBaobab deDiass,Sénégal.
Cinq autres Baobabs sont proches et sont, eux aussi,
dénommés de façon évocatrice : Salkanac ou deux
branches,Nepnamoune autrement dit qui a des fruits
agréables dans le couscous. Il y a encore N'Dielem,
Bissine Falle du nom d'une femme ancienne et
Koulirang.
Inexorablement les Baobabs millénaires se dessèchent et
disparaissent peu à peu : ainsi,celui de M'Bour (au nord
de Dakar) dont le tronc mesurait vingt-trois mètres ; la
forêt de Bandia elle-même,très visitée par les touristes,
meurt petit à petit sous les effets conjugués de la déser-
tification, de la pollution et de la poussière rejetée par
une carrière voisine. Il est donc important que les
Baobabs d'Afrique soient protégés car ils sont l'image,le
reflet de ce pays.
Au cours de ce trop court séjour au Sénégal,j'eus l'occasion
de m'initier au rituel du thé,un thé fort et excellent,très
mousseux,dont on vous sert successivement trois verres
: le premier pour les adultes,le deuxième pour les adoles-
cents et le troisième pour les bébés ! On dit aussi au
Sénégal : le premier verre,doux comme la vie,le deuxiè-
me sucré comme l'amour et le troisième amer comme la
mort ! Dans un village près de Diass, j'ai pu voir des
femmes pilant les céréales et une guérisseuse qui se
servait d'eau « miraculeuse » pour soigner les enfants et
les femmes stériles.
Comme on l'a vu précédemment,on trouve une espèce de
Baobab en Australie,une dans toute l'Afrique et sept à
Madagascar. C'est un arbre qui accumule l'eau dans son
tronc,comme la plupart des « arbres bouteilles »,ce qui
incite les éléphants d'Afrique en période de sécheresse à
le creuser soit au niveau des racines,soit dans le tronc.
Nous avons déjà parlé des multiples propriétés du
Baobab, mais il faut encore spécifié qu'il peut être
dépouillé de son écorce sans pour autant en mourir,elle
Danseafricaineau cours dela cérémonieorga-nisée en janvier 2000pour célébrerleBaobab deDiass.
187
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
se régénérera au bout de cinq à dix ans. La pulpe du bois
est utilisée en Afrique pour fabriquer des papiers très
solides, mais aussi des flotteurs et des plateaux. Les
graines,riches en vitamine C et ayant une haute teneur
en protéines et huiles,peuvent être broyées pour former
une pâte proche du beurre de cacahuètes.
Nous retrouverons les Baobabs en Afrique du Sud et
surtout à Madagascar où l’on peut en compter sept
espèces différentes.
L e K e n y a
Le Kenya si connu pour ses parcs naturels et ses ani-
maux sauvages ne possède plus que 1,7 pour cent de
forêts à canopée fermée. Sur ce faible pourcentage peu
d’entre elles sont réellement protégées ; elles sont
menacées par la corruption politique et plus encore
peut-être par la pauvreté. C’est elle qui pousse beaucoup
de tribus kenyanes, comme celles de la forêt de
Kakamega à abattre les arbres sans autorisation pour en
faire du charbon ou du bois de chauffe. Et les forestiers
qui connaissent bien ces problèmes sont le plus souvent
corrompus.
C’est par des survols réguliers en avion et une cartographie
très précise que les surfaces forestières sont recensées. Le
travail rigoureux entrepris par Christian Lambrechts de
l’UNEP s’il a permis que certains lieux comme le
Kilimandjaro ou le Mont Kenya soient sauvegardés a
également souligné la nette diminution des forêts origi-
nelles.
C’est au mont Kenya que j’ai découvert un surperbe
Les contreforts racinaires du Camphrier deCastleForest au Mont Kenya soutiennent sonimposantestature.
188
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Pagededroite: LeCamphrier deCastleForestest letémoin incontestabledela forêt pluvialedes montagnes kenyanes.Il aurait plus deneuf cents anset mesureneuf mètres detour.
Camphrier d’environ neuf mètres de tour et qui aurait
plus de neuf cents ans. Il est le témoin des anciennes
forêts pluviales de montagnes et le fief des éléphants de
Castle Forest. Une baignoire naturelle s’est formée dans
la base de son tronc et il est « habité » par une quantité
de plantes épiphytes.
C’est au cours d’une expédition avec Christian
Lambrechts qui nous menait vers le mont Elgon (à la
frontière de l’Ouganda) et la forêt de Kakamega que sur
la route de la Rift Valley,nous avons été interpellés par
un splendide Ficus natalensis ou «Mugumo » qui,sans
doute,voulait nous faire comprendre qu’il était un arbre
à palabres tout-puissant et qu’il présidait encore à
diverses cérémonies,circoncisions,réunions diverses,arbi-
trages des rixes. Nous avons donc interrogé les femmes du
village le plus proche qui ont confirmé nos suppositions.
Mais si l’arbre à palabres était jadis présent dans tous les
villages africains - la place qu’il tient dans de nombreux
contes en fait foi -
,la christianisation et la modernisation les voient peu à
peu disparaître.
Le mont Elgon, lui, est connu pour ses superbes
Podocarpus dont certains mesurent douze mètres de
tour pour une hauteur d’environ quarante mètres. Ces
forêts de montagne ont été largement exploitées et on ne
peut que déplorer la dégradation de leur écosystème. Aux
alentours,toutes les forêts ont étémises en coupe et il n’en reste
plus que de petits morceaux.
Le Kigelia africana ou « arbre à saucisson » est ainsi
dénommé parce que ses fruits ressemblent à des saucis-
sons. Leur taille peut atteindre un mètre de long et leur
poids dix kilogrammes ; mieux vaut ne pas être sous
l’arbre quand ses fruits s’en détachent ! Ces fruits étranges
ont des propriétés médicinales : séchés et mis en poudre
ils soignent les abcès,les ulcères,les maladies vénériennes.
LeCamphrier deCastleForestet tout son écosystème.
190
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Pagededroite: « Mugumo »,un Ficus natalensis,arbreà palabrepossédant uneaura puissante.
Quand ils sont encore verts,on en fait une pommade qui
guérit les rhumatismes tandis qu’en décoction ils soula-
gent les maux de dents. Quant à ses graines,grillées,elles
sont comestibles ce qui les rend particulièrement appré-
ciables en période de famine. Elles peuvent également
servir de ferment pour fabriquer la bière locale qui est très
forte.
On peut noter qu’au Kenya comme dans d’autres pays
d’Afrique ou à Madagascar, les ethnobotanistes s’infor-
ment sur les propriétés médicinales des arbres et des
plantes et qu’il n’est pas rare de voir sur les marchés
locaux les Anciens vendant des échantillons de bois,de
feuilles,de racines réputés pour leur pouvoir curatif.
C’est à Naivasha, dans le ranch de son père où se
côtoient vaches,chevaux,mais aussi girafes,antilopes,hip-
popotames ou impalas,que mon ami Guy Erskine,égale-
ment photographe,m’a montré les fameux arbres de la
savane kenyane, les Acacias xanthophoea ou « Fiever
trees » réputés pour soigner la malaria,d’où leur nom
; ils ne vivent pas très longtemps,environ cent ans,et
s’affalent ensuite,sur le sol.
Pour terminer mon séjour au Kenya,j’avais proposé de
réaliser un diaporama,comme je le fais souvent au cours
de mes voyages,au musée national de Nairobi. La projection
fut une réussite mais le lendemain mon ordinateur
portable,mon appareil photo numérique et différentes
diapositives de vieux arbres me furent volés dans la
voiture du musée. Je suis alors resté tout un mois à
Nairobi,arpentant les rues,visitant les bidonvilles,avec le
soutien de Total Kenya,de détectives et de la police et
avec l’espoir de retrouver ce qui avait disparu,mais en vain.
On sesent vraiment petit devant letroncdecePodocarpus du Mont Elgon,au Kenya.
192
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
L ’ A f r i q u e d u S u d
L’Afrique du Sud m’attirait parce qu’on y rencontre les
plus gros Baobabs (Adansonia digitata) du monde.
Grâce à plusieurs contacts efficaces, j’ai pu séjourner
dans la région de Limpopo au nord du Transvaal.
Le Baobab de Sagole
C’est une charmante forestière, Sarah Winter, qui m’a
conduit au pied du plus gros Baobab du monde, un
Adansonia digitata qui mesure trente-huit mètres de
tour de tronc et dont la branche la plus basse repose sur
le sol. Il pousse entre Sagole et Tsipise où vit la tribu
Venda. Les enfants du village grimpent dans ses
branches pour y récolter les fruits et les vendre aux voya-
geurs de passage. Ils en plantent également quelques-uns
pour préserver l’espèce. Comme en Australie ou à
Madagascar les tribus Venda mangent les fruits des
Baobabs,les utilisent à des fins médicinales ou pour en
faire des paniers ou des cordes.
LeBaobab deSagole,dans la provincedeLimpopo (Afriquedu Sud)est un magnifiqueterrain dejeux pourles enfants qui aiment escaladerces branches immenses.
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Leplus gros Baobab du monde,celui deSagole,mesuretrente-huit mètres detour,cen’est pas rien !
Chaque soir des milliers d’oiseaux appelés « Sunny Birds
» s’envolent de l’immense cavité du tronc où ils dorment
en compagnie des guêpes. C’est un merveilleux spectacle
de contempler,quand vient la nuit,à la lueur de la plei-
ne lune cet arbre gigantesque dont on ne voit plus alors
que la silhouette massive. Et cela laisse songeur de se
dire qu’il est là,immuable,depuis plus de trois mille ans.
Le Baobab de Glencoe Farm
A proximité du parc Krüger,à Hoedspruit,dans la région
de Limpopo pousse,dans une propriété privée,un autre
Adansonia digitata, lui aussi plusieurs fois centenaire.
Depuis plus d’un siècle sans doute,son immense tronc
s’est affalé sur le sol en se partageant en plusieurs par-
ties ce qui le rend difficile à mesurer. Mais cela ne l’a pas
empêché de continuer à vivre sa vie. Il mesurerait plus
Baobab deGlencoe,provincedeLimpopo.Mêmes’il s’est affalé depuis des siècles,cela nel’a pas empêché depoursuivresa vie,mais il est difficiledetrouver letronc- mère.
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Page de droite :
Le Baobab de Glencoe.Quel magnifique endroit pour méditer !
Le Baobab de Glencoe.Autoportrait dans la caverne magique.
Le Baobab de Glencoe et son anciennepropriétaire, qui nous montre commentcette partie de l’arbre évoque un éléphant.
de quinze mètres de diamètre et l’envergure de sa ramu-
re ferait trente-sept mètres de diamètre. En y grimpant,
on peut décrypter de nombreuses inscriptions gravées
dans l’écorce ou observer des formes animales. C’est en
compagnie de son ancienne propriétaire que nous
l’avons admiré et elle était ravie de nous conter ses
trente ans de vie commune avec cet arbre vénérable.
Le Baobab de Duiwelskloof (Adansonia digitata)
On comprendra pourquoi tant de touristes sont attirés
par ce Baobab de la ferme de Platland quand on saura
que l’intérieur du tronc renferme, eh oui ! un pub et
qu’un barbecue les attend juste sous la ramure ! Mais il
n’est plus question que son environnement s’étende
puisque une dalle de béton a été coulée sur ses racines.
Et là,où il y a encore quelques années s’étendait la savane,
on trouve maintenant une ferme,des bungalows… et une
piscine.
Son double tronc mesure environ trente-sept mètres de
195
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Un pub a été aménagé à l’intérieurdu Baobab dePlatland. La datation aucarbone14,faiteà l’intérieur,lui attribueraitplus de4000ans. Cela laisserêveur.
circonférence et d’après des études effectuées au carbone
14 il aurait plus de quatre mille ans, ce qui me
semble difficile à prouver.
Pour préserver ce Baobab vénérable,il serait bon que le
propriétaire remplace le béton par un caillebottis de
bois ce qui favoriserait un environnement plus naturel.
Isak Van der Merwe,du DWAF (Department of Water
Affairs and Forestry) m’a mené sous le « Wonderboom »
(Ficus salicifolia) de Pretoria. D’après la datation au
carbone 14,il aurait plus de mille ans. Il est constitué de
trois cercles concentriques,formés par soixante-quatorze
troncs. Sa ramure a une surperficie de deux mille deux
cent trente-trois mètres carrés.
Les Podocarpes
Les Podocarpus font partie des conifères les plus anciens
de la planète, déjà présents à l’époque du Gondwana.
Après la séparation des continents,ils ont poursuivi leur
croissance et leur évolution sur nos continents actuels.
L’Afrique du Sud possède ainsi encore quelques vestiges
de forêts pluviales composées de Podocarpus falcatus et
latifolius. Quelque deux cent cinquante millions d’années
séparent les forêts actuelles des forêts originelles du
Gondwana et pourtant elles sont presque identiques.
N’est-ce pas stupéfiant ? Pour les paléobotanistes,
comme le docteur John Anderson, l’étude de ces ves-
tiges du passé permet de mieux comprendre le futur. Il
est donc important de préserver ces vestiges,témoins de
milliers d’années d’évolution.
Edouard VII,avec ses deux mètres vingt de diamètre,une
hauteur de trente-neuf mètres et entre six cents et mille
ans d’âge serait le plus célèbre Podocarpus falcatus de la
forêt de Knysna,sur la côte de la province du Cap.
197
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
« Edouard VII » leplus célèbrePodocarpus fal-catus d’Afriquedu Sud avec ses trente-neufmètres dehaut.
Un des quelques anciens Podocarpusfalcatus dela forêt pluvialedeTsitsikamma,provincedu Cap.
Pagedegauche: LeBaobab dePlatland seraitavec ses trente-sept mètres detourledeuxièmeplus gros Baobab du monde,maisil est composé dedeux troncs !
Un autre Podocarpus falcatus, le Big Tree, au nom
évocateur, dresse ses trente-sept mètres de haut pour
deux mètres soixante-dix de diamètre dans la forêt de
Tsitsikamma (Province du Cap).
Près de Tzaneen,dans le Drakensberg nord, subsistent
encore quelques petites forêts pluviales,accrochées tout
en haut des vallées. Dans l’une d’elles,à Letaba,on peut
voir un Podocarpus falcatus de trente-six mètres de haut
pour une circonférence de cinq mètres soixante et
vraisemblablement âgé de plus de neuf cents ans. Il est
moins connu des touristes car la traversée des mon-
tagnes du Drakensberg nord demande une bonne demi-
journée.
D’autres Podocarpus poussent dans la forêt de
Hogsback,près de Grahamstown (province du Cap) qui,
selon la rumeur,aurait inspiré Tolkien pour son célèbre
roman fantastique,Le Seigneur des Anneaux.
Le Post Office de Mossel Bay
Mais l’arbre historiquement le plus célèbre de l’Afrique
du Sud est certainement le Sideroxylon inerme de
Mossel Bay, dénommé le Post Office. Déclaré
monument historique en 1938,il pousse au bord de la
mer là où les premiers navigateurs portugais ont débarqué
au XVe siècle pour s’approvisionner en eau fraîche. Il
était donc déjà présent au temps de Bartholomeu Dias
quand ce dernier sillonna les côtes du Cap et découvrit
le cap de Bonne Espérance,en 1488.
On raconte que c’est attachée aux branches de cet arbre
que Joa de Nova trouva le 7 juillet 1501 une vieille
chaussure contenant un message. Celui-ci provenait de
l’équipage d’un précédent voilier et aurait conté les
aventures et expéditions de Pedro Alvarez Cabral et
signalé la triste disparition de Dias et de son bateau.
Un Podocarpus falcatus d’environhuit cents ans dans la forêt pluvialede Hogsback (province du Cap),qui aurait inspiré l’écrivain Tolkien.
Le " Post Office " de Mossel Bay a servide boîte aux lettres pour les navigateurset explorateurs des XVe et XVIe siècles.
198
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Page de droite : Le Podocarpe de Letaba,dans le Drakensberg nord est d’un accèsassez difficile. Son écosystème forestier esttrès petit et sauvage, un paradis pour lespanthères.
D’où le nom de Post Office donné à cet arbre ou bois de
fer.
Avant de quitter l’Afrique du Sud,j’obtins un rendez-vous
avec le Dr John Anderson,un éminent paléobotaniste de
l’Institut botanique de Pretoria. Nous avons eu une
conversation très positive pour tenter de mettre au point
une exposition photographique en taille réelle reliant
le vieil arbre,l’enfant et les mamans de la planète. Nous
voulions ainsi,au moment du sommet de Johannesburg
sensibiliser le grand public à la protection de leur planè-
te.
M a d a g a s c a r
Madagascar était encore sous le coup de ses dernières
élections et de deux présidents rivaux quand j’y suis allé.
Je n’ai donc pas pu sillonner l’île à la découverte de ses
vieux arbres les plus intéressants comme je l’aurais
souhaité.
Après quelques jours à Antananarivo où j’eus l’occasion
de photographier le Ficus d’Ambohimanga j’ai pris,avec
le soutien de la fondation Ratsimamanga, un camion-
brousse en direction de Morondava, là où poussent
depuis des millions d’années les plus célèbres Baobabs,
les Adansonia grandidieri,za ou fony. Le trajet qui deman-
de plus de vingt-quatre heures emprunte des routes chao-
tiques et traverse d’admirables paysages. Et l’on a
peine à imaginer que là où se succèdent pâturages et
rizières s’étendaient autrefois d’imposantes forêts.
Avant d’arriver à Morondava, je me suis arrêté à la
presqu’île de Betania, lieu historique où étaient rassem-
blés les esclaves. Grâce à Pascal Boissard,j’eus le privilè-
ge d’assister à une cérémonie de mise au tombeau qui
commence au coucher du soleil pour se terminer à l’au-
be au cimetière qui,bien souvent,se trouve loin des habita-
Pagededroite: CeBaobab deMorondava(Adansonia grandidieri) tend ses bras versleciel et lesoleil commeunefemmequi implorela protection des esprits supérieurs.
200
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
L’alléedeBaobabs deMorondava(Madagascar). La plus célèbrealléevégétaledumonde.
tions au cœur de la forêt.
J’ai également photographié à Betania un superbe
Manguier au pied duquel j’ai rassemblé,comme souvent
au cours de mes voyages,les enfants de l’école.
L’allée des Baobabs de Morondava
Morondava est réputée pour son allée de Baobabs
Deux Adansonia fony,tendrement enlacésméritent leur apellation deBaobabsamoureux.
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
(Adansonia grandidieri). Elle attire nombre de voya-
geurs de tous pays qui viennent admirer ces arbres au
lever et au coucher du soleil. Curieusement,alors que les
Baobabs aiment les biotopes secs ou rocailleux,ceux-ci
sont entourés de rizières et de marécages,sans oublier les
moustiques…
L’Adansonia grandidieri a un port très élancé et un tronc
bien droit et sans branches. Celles-ci,massives et courtes,
sont rassemblées au sommet. D’après un spécialiste alle-
mand qui vient chaque année les mesurer,la croissance de
ces arbres est très minime,de un à trois millimètres par
an.
Les Baobabs amoureux
Non loin de l’allée des Baobabs vivent depuis des siècles
des Adansonia fony,appelés ici les Baobabs amoureux ;
la présence de nombreux graffiti prouve que leur nom
n’est pas usurpé et qu’ils sont le point de rencontre de
bien des jeunes couples.
Tous ces arbres que l’on admire sont très âgés, allant
d’une centaine à plusieurs milliers d’années ; mais il est
beaucoup plus difficile de se trouver en présence de
jeunes spécimens.
En effet, les jeunes pousses servent pour la plupart de
nourriture aux zébus, comme à d’autres herbivores et
populations locales. Sans oublier les feux de brousse qui
en détruisent un grand nombre. Aussi si aucun projet de
plantation n’est entrepris à grande échelle, ce symbole
malgache du Ménabé disparaîtra-t-il.
Le Baobab de Tsarafotra
Comme en Afrique, les Baobabs sont sacrés. A
Tsarafotra,un Adansonia grandidieri en est un bon
exemple. A quelques mètres de son tronc qui mesure
LeBaobab deTsarafotra,entouré demarécages,resteun lieu secret et sacré.
203
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
treize mètres soixante de tour sont alignées un série de
chaises de tailles différentes. L’on peut imaginer que la
plus haute est réservée au dignitaire le plus important
du village. Au pied de l’arbre sont disposées des
offrandes et rien ne vous interdit,bien au contraire,d’y
déposer une petite bouteille de rhum du cru par respect
pour les Anciens. Des chiffons sont souvent attachés sur
le tronc ou sur les branches des arbres voisins ; est-ce
que ce sont des sortes d’ex-votos ou au contraire une
manière de formuler une demande à l’arbre sacré ?
L’écorce étant utilisée à des fins médicinales ou pour la
fabrication de cordes ou de flotteurs de pirogue,le tronc
du Baobab de Tsarafotra exhibe une large plaie qui peu
à peu se régénérera puisque c’est là un des privilèges de
cette espèce d’arbre.
Le Baobab de Mahabo mesure douze mètres soixante et
les enfants sont heureux de grimper sur son tronc.
Le Tamarinier de Lovobé
C’est aussi sur la presqu’île de Bétania que poussent les
Tamariniers,entre autres celui de Lovobé où je suis allé
à cheval avec des employés de Pascal Boissard. Après
avoir longé une plage de sable fin où nous ne vîmes que des
pêcheurs locaux,nous avons traversé un village dont les
maisons, suivant la tradition, sont construites avec des
feuilles de palmiers-cocotiers et des bois locaux. Les
habitants y vivent de la pêche artisanale,pour combien de
temps encore !
Bien que le Tamarinier soit souvent un arbre sacré,le sol
qui l’entoure n’est pas endommagé par le piétinement et
il n’est pas facile de le distinguer des arbustes et des
plantes qui l’entourent. Il arrive même qu’il soit inter-
Les petits Malgaches aiment grimpersur letronc des Baobabs pour allerrécolter les fruits.
204
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Pagededroite: LeBaobab deMahabo,Ménabé,Madagascar,arbre-cultedu village.
dit de pénétrer sous son ombrage pour ne pas déranger les
esprits.
Parfois aussi,cependant, les Malgaches s’installent sous
les Tamariniers de leur village. On extrait de ses gousses,
un nectar qui donne un délicieux sirop.
L’Adansonia za d’Ampanihy est leseulà des kilomètres à la ronde,cequi lemet enpéril après quelques milliers d’années devieprospère.
206
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
Poursuivant mon voyage, je suis parti en direction de
Tuléar. Plusieurs possibilités se présentaient pour
gagner cette région. Nous aurions pu passer par
Morombé et admirer au passage les arbres-bouteilles
(Adansonia fony) d’Andranopasy. Mais un ouragan récent
avait laissé la route impraticable. Nous aurions pu
prendre une pirogue et longer la côte au risque et péril
de chacun ! Alors j’ai opté pour le camion-brousse,via
Antsirabe et Fianarantsoa.
Le Baobab d’Ampanihy
A Ampanihy,aux environs de Tuléar,j’ai eu la chance de
contempler le plus gros Baobab,un Adansonia za cette
fois,un arbre de vingt-trois mètres de circonférence,alors
que la pancarte officielle indique,elle,vingt-sept mètres.
Sans doute les Baobabs rétrécissent-ils sous l’effet de la
sécheresse, mais quand même ! Le chef du village,
l’Hazomanga,en prend soin et c’est avec lui que je suis
rentré à l’intérieur. Il y séjourne non seulement un boa
endormi, mais des centaines sinon des milliers de
chauves-souris et pas mal de cafards. Je ne vous dis pas
l’odeur qui s’en dégage !
Parmi toutes les histoires qui circulent à propos de cet
arbre,on raconte qu’au XIIe siècle le clan Zanakanga
(de za : baobab et nakanga : pintade) se serait caché à
l’intérieur de l’arbre pour échapper à ses ennemis, les
Fahavalo. Si les graffiti sont nombreux, comme à
Morondava, on ne voit aucun jeune Adansonia za à
proximité. Allez savoir pourquoi on préfère des cactus non
indigènes alors qu’il vaudrait mieux songer à perpétuer
l’espèce !
En dépit de nombreuses déforestations,on peut toujours
admirer au-dessus de la rivière Mangoky de vraies forêts de
Baobabs à canopée fermée. C’est certainement un spec-
Letronc du Baobab d’Ampanihyest entièrement gravé denoms,dedates et demessages malgaches.
207
L E S A R B R E S V É N É R A B L E S
tacle impressionnant ; malheureusement je n’ai pu y
aller, pas plus qu’à Andavadoaka où vit une colonie d’Adansonia
fony,ou arbres-bouteilles. La faute à l’ouragan !
Le Ficus de Miary
Est-ce parce que beaucoup d’Indiens vivent dans la région que le
Ficus de Miary (à quelques kilomètres de Tuléar) est sacré,comme
en Asie ?
Branches et racines en font une petite forêt,lieu d’invocations
et de prières,accompagnées d’offrandes qui sont déposées dans le
cœur du tronc fendu.
La légende prétend que l’arbre aurait poussé sur la sépulture d’une
jeune fille qui, il y a bien longtemps, aurait été sacrifiée pour
dévier les eaux en crue du Fiherenana voisin. On dit aussi qu’un
boa est lové à l’intérieur de la racine originelle.
Non loin de là, une forêt d’arbres-pieuvres, c’est-à-dire de
Palétuviers sert de cadre à un tombeau royal.
Les Ficus d’Ambohimanga
Les Figuiers sacrés sont nommés « Amontana » dans les Hautes
Terres,non loin d’Antananarivo ; ils sont symbole de noblesse,de
force et de connaissance,et par là emblématiques des souverains
malgaches. Là où ils poussent,le lieu est sacré et les déraciner est
un sacrilège.
Ambohimanga, ou colline bleue, est une des douze collines
sacrées du temps de la royauté ; elle était la ville sainte du royau-
me Merina,depuis Andrianampoinimerina au XVIIIe siècle jus-
qu’en 1897 sous le règne de Ranavolana III ; elle était alors inter-
dite aux étrangers.
Sur cette colline sacrée,classée au patrimoine mondial de l’Unesco,
pousse un superbe Ficus où furent inhumés rois et reines mal-
gaches avant que l’administration coloniale (en 1897) transfère les
dépouilles royales à Antananarivo pour briser la résistance morale
liée à ces symboles.
C’est là que prit fin mon périple dans cette grande île,quatrième
du monde par sa superficie,qu’est Madagascar.
Les Ficus d’Ambohimanga,sur la Collinebleue,sont des arbres sacrés. Les Malgachesvivent à leur ombre,utilisant leurs racinescommebancs.
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Pagededroite: A l’imagedes Ficus indiens,celui deMiary est un lieu deprières et derecueillement.
CONCLUSION
Beaucoup d’autres arbres, jeunes ou plus anciens, mériteraient d’apparaître dans ce livre, comme les
arbres sacralisés par les chamans de Sibérie, les arbres à palabres du Sahel et d’Ethiopie ; les Aloe
d’Angola, les Dracaena cinnabari de l’île de Socotra, dans l’océan Indien, où poussent aussi les
arbres concombres et l’Adenium socotranum ; ou bien encore les acacias qui ont la particularité de
sécréter une substance qui éloigne les animaux ce qui leur évite d’être dévorés par les herbivores, ou
ceux qui, au contraire, ont besoin des animaux pour germer… même après des millions d’années. En effet, des
scientifiques ont découvert dans les glaces, en Sibérie, il y a quelques années, un mammouth congelé, en excel-
lente condition. Dans son estomac, ils ont trouvé des graines, ont décidé de les faire germer et, miracle ! un arbre
a poussé. Il serait au zoo de San Diego, en Californie. Et je n’oublierai pas d’évoquer les grandioses Dragonniers de
l’île de Ténérife et les Platanes ou les Cèdres de Turquie, sans oublier des Genévriers thurifères du Maroc qui
auraient plus de trois mille ans.
J’aurais aimé parler aussi des forêts tropicales d’Amérique centrale et du Sud, d’Afrique, de Malaisie et
d’Indonésie, comme de la plupart des arbres vénérables d’Europe et de Sibérie.
Plus je voyage autour de la Planète, plus je prends conscience de la beauté de la Nature. Que de découvertes sont
encore à faire alors que trop souvent l’être humain, aveuglé et contraint par la civilisation industrielle, s’éloigne
de ce qui est la source même de notre vie.
Tous ces arbres vénérables sont un véritable trésor et il faut tout faire pour les préserver ainsi que tout l’envi-
ronnement qu’ils génèrent.
C’est pourquoi, je formule le vœu que le plus grand nombre d’entre eux puisse être classé au Patrimoine mondial.
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Certaines de ces images ont été réalisées grâce à un Hasselblad 38mm SW-C,prêté par Mme Françoise Ménage,ancienne présidente du Fonds français pour la nature et l’environnement. Les autres images l’ont été avec une LinhofFolding (volée en Afrique du Sud) et un Contax dont je remercie cette société pour leur patience et leur actioncommerciale. J’ai également utilisé un appareil numérique (volé au Kenya ainsi qu’un ordinateur portable COM-PAQ Presario 17XL571 Réf : 5Y16FP5QE348).
Ce livre n’aurait jamais pu être réalisé sans l’aide de quelques personnes de ma famille,de tous mes amis et desdonateurs privés rencontrés lors de mon tour du monde des Vieux Arbres, qui m’ont souvent chaleureusementaccueillis tant par leur nature que par leur amour de la planète. Je tiens vivement à les citer et je m’excuse auprès detous ceux que j’ai pu oublier!
Pour connaître l’emplacement des arbres, l’aide d’arboristes,de botanistes,de chercheurs et de scientifiques,d’organisations environnementales ou, tout simplement des habitants, m’a été d’un grand secours et deslistes préparatoires ne furent pas toujours mon seul outil de travail. Aller sur le terrain fut de temps à autres trèscocasse. Il fallait s’armer de patience,de ténacité, être curieux de nature, et ne pas hésiter à susciter des relationspubliques. La chance a toujours été avec moi.Je remercie tout particulièrement TotalFinaElf qui,au titre de son engagement dans le développement durable etde l’attention qu’il porte à l’arbre,symbole de longévité et de lutte contre l’effet de serre,a soutenu mon entreprise defaçon continue.Un immense merci également et une grande reconnaissance envers mes autres sponsors,lesquels ont fait preuve d’uneextrême patience :
213
REMERCIEMENTS
Merci à tous mes donateurs privés :
Benjamin Stassen,Jürgen Hüfner mon Web Master,Steve Brye,Mme Angela Martin,Mme Gabrielle Goedkoop,M. Jean-Claude Gallienne, la commune de Réaumont,Geo Brunel propriétaire de « la Corbinière des Landes »,Eliod’Aldisio, le maire de Bad Brückenau, la Saline Royale d’Arc-et-Senans,Enda Dakar, John Gathright et sa famille,l’Alliance française de Sendai au Japon,Zoey Abbott,Yamasaki Saburou,Kazuhiko Hasegawa et le « Sagano ScenicRailway » de Kyoto,Kiyomi et Sethuko Yamada,Odile Furusawa,Fumio Mori,Barbara Uemura,Honen In Temple deKyoto dont Mme Masako Kajita,Café Indépendant de Kyoto,Kyoto Journal,Ken Rodgers,John Einarsen,Norio Sasaki,Nakata Takaaki et Aïda Junichi,Gwion Flegeo de « Sant Zekez »,M. Edouard Goldsmith,Warren Wu et sa femme CrystalLi,Gao yan,Yuemei Zhang,Lai Wen yan (Sara),Joe Hendrickson (Tree Care),Charles Ellenbrock.
Avant de partir pour ce voyage initiatique,un grand nombre de journalistes ont cru à mon projet et y croient encore,qu’ils ensoient remerciés :
Sud Ouest (Franck Delage et Isabelle Sarran),Le Journal du Bois,Le Journal du Périgord,Ouest France (JeanThéfaine),L’Essor sarladais,Le Parisien,le JDD,Science & Vie,VSD,GEO,SIPAPRESS,TF1 (Robert Werner),France2 (Nicolas Winckler),France 3,Aqui TV.
ainsi que les journalistes des différents pays qui m’ont soutenu :
David Wysocki de l’Associated Press New York,The Keen Sentinel,Terry Richard de Oregonian newspaper,GuyKeeler du Fresno Bee,les journalistes de Ultima Hora au Mexique,Marta Zuniga Gatica de El Llanquihue au Chili,Eve Lamb du Mercury en Tasmanie,The Examiner de Tasmanie,The Age de Melbourne,Phil Hamilton de TheEvening Post à Wellington (NZ),Stacey Bodger de The Herald d’Auckland (NZ),Maitreyee Handique de BusinessStandard,à Delhi,Poonam Goel de The Hindustan Times,à Delhi,Smeeta Mishra Pandey de Indian Express àDelhi,Florina Soren de The Statesman,Le Matin (Pascale Bieri) et la Tribune de Genève (Xavier Farinelli) ainsi quemon cousin et ami Jérôme Koechlin,Hervé Queillé du Télégramme–Côte d’Armor, Jean François Boscher du LePenthièvre, Christine Rinaudo de Nice Matin, The Japan Times, le Kyoto Shimbun, le Minaminippon ShimbunKagoshima,KTN Kenya,Nation,SABC News-Morning Live,Kunming News.
Un grand respect à :
AFRIQUE DU SUD
TOTAL Afrique du Sud, Janice Golding (National Botanical Institute), Isak Van der Merwe et Nicky Mitchell(DWAF),Sarah et Casper Winter,M. et Mme Du Plessis,Sarie Momsen,Hari,Gardner Mahlokgo,Madiwa,le chef duvillage de Sagole, SABC News,Hellen Alexander,Willie Botha et Joy Nel,Neels Esterhuyse,Peter Philipson et safemme, Arie Van Rheede, FUJI-TELTRON-ISO PHOTO, Stephanus Rautenbach, Tony Maio, BEITH DIGITAL,Jeunesse Park (Food and Trees for Africa),Jeremy Burnham (World Summit 2002),Solly Moeng (NBI),Ernst VanJaarsveldt (NBI Captown),Brad Goldblatt,John Anderson et sa femme (NBI Pretoria-Gondwana Alive Society),EstherNjiro (Environmentek),Thobeka Thamage (Environmentek),Women for Peace,Prosperity and Planet in Africa.
ALLEMAGNE
Jürgen Hüfner,Maren Fritsche ,Mr et Mme Zimmermann ,Bernard Bucker,Greenpeace forêt.
AUSTRALIE
Wilderness Society,Amanda Sully,Geoff Law,Peter Sims,Wolfgang et Wendy Klein,Phil Kenyon,Garry Harding,JillKellow,Volker Depner,Northeilassa,Pate Lowe,Keith Hunt.BELGIQUE
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Benjamin Stassen,prince Olivier de Croÿ.
CANADA
Christina Craton & Tim Schwab,Cécile Helten et ses enfants,Western Canada Wilderness Committee,M. et Mme Al Carder,Doug Larson,Martin Silverstone.
CHILI
Carlos Guillero Hakanson,M. Nelson Garcia,M. Martin Coudeu,Hector Mauricio Lobos,Peugeot Chile.
CHINE
Friends of the Earth (Eric Walker – John C.K. Chan),Chinese Academy of Science,Lai Wen Yan (Sara),Wat Chi-Chuen(Jardin botanique de Hong Kong),Vicky Gao Yan,Bertrand Cerru,Sun Weibang,Kunming Botanical Garden,GeraintChen, James et Julie Wong (HK),Prof. Pei Sheng Ji (département d’ethnobotanique de Kunming),Warren Wu etCrystal Li,Sunnyside-Up Café de Kunming,Zhang Yan Li,Li Hong Yen,Lixumei,Chen Peng (n° 40) Kunming News,Caiqing Yu,Dash Zhang,Prof.Quin,Jin Chunlei (Ambassade de Chine en France).
ETATS-UNIS
M. Dick Christiansen,Suzanne Spinks,David L. Johnson,June Julian,M. John Hansel et Yvonne Spalthoff de ElmResearch Institute,M. et Mme David Lewin,Bart Bouricious,M. et Mme Philipp Berolzheimer,Dennis Holmberg,Rob Van Pelt,Steve Sellett,Michael Taylor,EPIC,Paul Watson,Cynthia Elkins,Julia Butterfly,Trees Foundation,Guyet Bonnie Chetelat,Michael Oxman,Michel Garnier,Torrey Young,Hilary,Katherine,Ashton et Gary Kimber,DavidTrydhal,White Mountains Research Station,Ernie Marino,Peter Cowles,Illan Shamir,Gary Braasch,Peter May,Denniset Cynthia Wiancko.
FRANCE :
Geneviève Hutin,Rémi Hutin,Mme Diane Schlumberger,Pauline Lartigue,Michel Develay,François Rychlewski,BrunoBaudry,Bernard Tramier,André Lamy,Jean Pierre Turbil,Pierre Peugeot,Philippe Hérissé,Philippe Lallier,CyrilleAlbert,Serge Antoine,Victor Clapier,M. et Mme Hardy,Mme Gladys Clarke,Bernard Boisson,Eric et Tina,CédricPollet,Aurélien Liutkus,M. Edmond Berard,Laëticia Houdebine,Laurence Gaud,les Arbronautes,les Accrobranchés,Isabelle Vergne, le Comité 21,Florent Martin,Jean Louis Alaux,Christine Laurent,M. et Mme Doumic, Jean RenéBousquet,William Moore,Richard et Martine,Nadine, Isabelle Cabrol,Henri de Bresson,François Terrasson,GéoBrunel (La Corbinière des Landes),Laurent Laffont,Micheline Jérome,Yves Setton,Bertrand Jacquel,Famille Risler,François Steimer,Pancho,Franck de Rouville.
INDE
Joël,Françoise et Kalki Kœchlin,Pierre Hubert Touchard et l’Alliance française de Delhi,Mme Guitry de Pondichéry,Elf Atochem de Madras,Sunderlal Bahuguna,mouvement Chipko,Rankaj et Sameer.
JAPON :
Jun Nishiwaki,Odile Hoffmann,Mme Gisèle Ono,Buttercups café dont Hiroshi et Mama san,Mia Farnan,CatherineWhite,Denisa,Maki Fukami,Hitoshi Katagiri,Takeo Ikezawa et sa famille,Aishima Harsuki,Randy Helten et MikeSteppler,Michael Oxman,Murota san,Douglas et Michiko Ogata,Yukiko Takahashi,Nicolas et Corinne Barronnier etleur secrétaire Emiko,Satoko,Jenny Smith,Chie Yoshimune,Noriza Higeta,Shiro Kirihara,Tomomi Matuzaki,MikikoShimoyanagi,Nagata Kazuto,Jiro Fukunishi,Asako Murakami,Yasunori Yamauchi,Institut franco-japonais de Kansaide Kyoto,M. Duthion,Kuboshima san,Taiji Ono,Katsami Sato et sa femme,Echiko,Yamazaki Yamairagawa,MotomeSuzuki,Hiroyuki Okazaki,Yasuko Suita (direction générale Hanae Mori),Ken Sugiura (BROTHER),Yoshiro Sugiura,Tomoko, Yamaguchi Yasuhiro, Asano Kazuo, Jean-François Simonnet, Kiyoshi Nishida (TBS Vision), Eric Carta,
215
Yuzuriha Satoshi,Anzai Naoto,Earthday Tokyo,Nature Citizen Institute de Tokyo,Miyuki Takashima,Sono et Babi.
KENYA
Joel Navaron et TOTAL Kenya,Guy Erskine et sa famille,Christian Lambrechts,Samuel Mwangi,Nicolas Grannier,East African Wildlife Society,Yasauyuki Morimoto,Marc Langay (WWF),Franklin Juma (TOTAL),Gabriel Muiuki,Emmanuel Juma,Nancy Kaguthi, FUJIFILM Kenya (Pankaj), Toru Seki,Neema Wamai (Nation),Knight SupportInvestigators,Anthony M. Kariuki (TOTAL),John Gitabi Kimotho,Simon Wahome,M.F.M. Malindi (Ambassade duKenya en France).
MADAGASCAR
TOTAL Madagascar,Gilles Gauthier,Fondation Ratsimamanga,Tovo (WWF),Hôtel Beau Rivage de Tulear,Pascal,Bodo et June Boissard (Restaurant Les Piroguiers - Bétania),les habitants de Bétania,les habitants d’Ampanihy.
MEXIQUE
Alicia et Rojelio Aguero et leur fils.
NOUVELLE ZELANDE
David Adams,AIR NEW ZEALAND,Derald et Pamela Petherbridge,Barry Daniel,Rob Graham, John Woolford,Alison Kellow,Paul Taylor et sa famille,Glenn Denby,Geoff Park,Café Menton.
SENEGAL
Wollimata Thia,ENDA Dakar,Jacques Bugnicourt,Moussa Seck.
SICILE
Oriana Ferlazzo,Leonardo Patti.
SUISSE
Le Professeur Reto Strasser,Pierre Alain Berret.Je remercie tous les enfants de tous les pays qui m’ont offert leur spontanéité,leur accueil,leurs sourires ; ce fut parinstant une leçon d’humilité. Je désire plus que tout que ce livre soit offert à chacun des enfants qui ont été photo-
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Un hommage particulier à un grand homme, M. Pierre Peugeot, décédé, et qui ne verra pas mon livre. Nous avons plantéensemble une « graine d'arbre virtuelle » lorsqu'il m'offrit mon billet Tour du Monde. Quinze minutes d'un rendez-vousse sont transformées en cinq années de voyages.
graphiés lors de mes voyages et qui ont été publiés dans ce livre. Je dédie mon ouvrage à tous ces enfants,qui sont lesvrais ambassadeurs de la Nature.
« Les enfants de la Planète ont l’avenir de la Planète dans leur cœur et dans leurs mains » .
Je remercie particulièrement les enfants des villages suivants :
Lamanon (France),Sant’Alfio (Sicile),Maibelle (Belgique),Liernu (Belgique),Santa Maria del Tule (Mexique),Dunkeld(Australie), Kempapura (Inde), Bidonville de South Extention-New Delhi (Inde), Kadiri (Inde), Richivally (Inde),Weelajabad (Inde),Calcutta (Inde), Joshimath (Inde),Asena (Inde),Vallée de Tehri (Inde),Diass (Sénégal),Nigatake(Japon),Atsumi Machi (Japon),Kamou (Japon),Neo village (Japon),Sagole (Afrique du Sud),Bada (Yunnan Chine),Padan (Yunnan Chine),Modaoxi (Hubei Chine).Tous mes remerciements vont aussi à tous les propriétaires des vieux arbres du monde qui m’ont autorisé à les pho-tographier. Sans eux,ce livre n’existerait pas.
Enfin et surtout à tous les Arbres Vénérables de la Planète et à tous les jeunes arbres qui,espérons-le,vivront assezlongtemps pour devenir vénérables.
217
SITES INTERNET
Quelques sites Internet pour aiguiser votre regard,vous apporter beaucoup de connaissanceset vous permettre de faire le tour du monde sans bouger de votre chaise :
http://www.rhoenline.de/jerome : Site officiel de Jérôme Hutin (francais / anglais / allemand).http://perso.compaqnet.fr/mycena : Site officiel de Jérôme Hutin.http://www.baumveteranen.de : Site de Jürgen Hüfner (anglais / allemand).http://www.juergen-huefner.de : Site de Jürgen Hüfner (anglais / allemand).http://www.mysterywood.de : Site de Jürgen Hüfner (francais / anglais / allemand).http://www.nyu.edu/projects/julian : Site de June Julian,Amoureuse des arbres. (anglais).http://www.treeclimbing.com : Pour les arboristes et grimpeurs d’arbres (anglais).http://www.treeclimbingjapan.com : Pour les arboristes et grimpeurs d’arbres (anglais).http://www.worldtrees.com : Arbres vénérables du monde (francais / anglais / allemand).http://www.envirotoday.com : Site environnement canadien (anglais).http://www.wilderness.org.au : Site Wilderness Society Australie (anglais).http://www.wilderness.org.au/tasmania : Site Wilderness Society Tasmanie (anglais).http://www.wildernesscommittee.org : Site Western Canada Wilderness Committee (anglais).http://www.forelms.org : Elm Research Institute (anglais).http://www.americanforests.org : American Forests Washington D.C. (anglais).http://www.unesco.org : UNESCO.http://www.circleoflifefoundation.org : Site de Julia Butterfly (anglais).http://www.earthday.org : Earth Day (anglais).http://www.ensnews.com : Nouvelles sur l’environnement (anglais).http://www.planetark.org : Nouvelles REUTER sur l’environnement (anglais).http://www.realgarden.fr : Tout sur les jardins.http://www.conifers.org : Tout sur les conifères (anglais).http://www.kyoboku.com : Site sur les arbres japonais.http://www.angelfire.com/hi4/trees : Peintures d’arbres de John Fitzgerald.http://www.wildcalifornia.org : Site EPIC (Environment Protection Information Center).http://www.treesfoundation.org : ONG trees Foundation.http://www.envirolink.org : Start Up sur l’environnement.http://www.treeclimbingworld.com : Pour les arboristes et grimpeurs d’arbres (anglais).http://www.nantou.com.tw : Arbres de Taiwan (Taiwanais).
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http://web.utk.edu/~grissino/ : Site de dendrologie de l’Universite d’Arizona,Prof. Grissino.http://www.uoguelph.ca/botany/cerg/index.html : Site de dendrologie du Prof. Doug Larson.http://www.juno.dti.ne.jp/~uto/index.html : (Site japonais).http://www.kampo.co.jp/kyoto-journal/ : Kyoto Journal.http://www.cyber-arobas.com : Cyber Café “Arobas”,Nice.http://www.foejapan.org : Friends of the Earth–Japon (Amis de la Terre).http://www.foe.hk.org : Friends of the earth-Hong Kong.http://www.earthday-tokyo.org : Earth Day Tokyo (Jour de la Terre).http://www.californiaoaks.org : California Oak Foundation.http://www.trees.co.za : Food and trees for Africa.http://www.bisca.net/legende.htm : Ville de Biscarosse.http://www.gondwanaalive.org : Gondwana Alive Society.http://www.planetecologie.org : Planete Ecologie–Adome.http://www.artsnature.asso.fr : Site de Cédric Pollet.http://www.nbi.ac.za : National Botanical Garden of South Africa.http://www.championtreeproject.org : Terry Mock et les arbres champions americains.http://www.championtrees.org : Site sur les vieux arbres américains et du monde.
220
BIBLIOGRAPHIE
Quelques livres sur les vieux arbres:
Livres français :
Arbre Heros (l’) Arbres remarquables de l'Hérault : Conseil Général de l'Hérault.
Arbre, histoire naturelle et symbolique de l'arbre, du bois et du fruit au Moyen Age. (l’) :Les Cahiers du Léopard d'Or, 8 rue du Couëdic, 75014, Paris, 1993. ISBN 2-86-377-112-4
BOURDU Robert & VIARD Michel : Arbres souverains, Editions Du May, 1998.
BOURDU Robert et FETERMAN Georges : Arbres de mémoire, Actes Sud, 1998. ISBN 2-7427-0771-9
BOYER Marie France : Le langage des arbres, Paris, Thames & Hudson Ltd, 1996. ISBN 2-87811-110-9.
BROSSE Jacques : Les arbres de France, histoires et légendes, librairie Plon, 1987, Christian de Bartillat Editeur, 1990.ISBN 2-905563-21-4.
COSSETTA Gianpaolo Giorgio : Les plus beaux arbres centenaires genevois, Genève, Editions Slatkine, 1987. ISBN 2-05-100856-6.
DEN HARTOGH Nicky & SMIT Daan : Arbres, PML Editions, 1995. ISBN 2-87628-982-2.
LEE ROSE Deborah & SÄFLUND Birgitta : Le Peuple qui aimait les arbres, un conte écologiquepopulaire du Rajasthan, Edition française Françoise Def landre, 1992. ISBN 2-84083-004-3.
LESOURD Félicien & LE GRAVEREND Eugène. Révisé par Daniel Lejeune : Les plus gros arbres de France, Editionsdu Cercle généalogique du Haut Berry Floriades - S.H.C Mairie de Bourges - Service Jardins & espaces verts. ISBN 2-905445-17-3.
OBERLINKELS Christine et GUIOT Daniel : Le Silence des sèves, Noir sur Blanc, 3 Descente en Barrat, 34000Montpellier, 1996. ISBN 2-9510389-0-9.
PAKENHAM Thomas : Rencontres avec des arbres remarquables, Editions J.-C. Lattès,1996.ISBN 2-7096 1818-4.
PETIT Robert : Les Arbres de la Liberté à Poitiers et dans la Vienne, CLEF, 1989 - Fédération des Oeuvres Laïques dePoitiers, 18 rue de la Brouette du Vinaigrier, 86000, Poitiers. ISBN 2-905061-20-0.
Route vers les arbres millénaires (la)
Route vers les arbres les plus larges (la)
Route vers les arbres les plus hauts (la) : Fondation Colas EDS Editeur, 49 rue Galilée, 75116 Paris, 1995.ISBN 2-86411-088-1 ; 2-86411-090-3 ; 2-86411-098-X.
SEBILLOT Paul : La Flore, folklore de France, Editions IMAG, 1985. ISBN 2-902702-24-8.
VETVICKA Vaclav : Arbres et arbustes, Gründ & Aventinum, 1984. ISBN 2-7000-1517-7.
221
Livre mexicain :
JIMÉNEZ Victor : El arbol de el Tule and la historia, Mexico, Editions Codex. ISBN 968-6366-01-6.
Livres américains et canadiens :
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BUTTERFLY HILL Julia : One makes the Difference. Inspiring actions that change our world, USA, Harper CollinsPublishers. ISBN 0—09—251756-2.
BUTTERFLY HILL Julia : The legacy of Luna : The story of a tree, a woman, and the struggle to save the redwoods, USA(San Francisco), Harper Collins Publishers. ISBN 0—06—251658—2.
CARDER Al : Forest giants of the world, past and present, Canada, Editions Fitzhenry & Whiteside, 1990.ISBN 1-55041-090-3 Ø.
DONAHUE Mike & DORSEY Susan : The Grandpa Tree, USA, Editions Roberts Rinehart, Inc, 1988.ISBN 0-911797-42-4.
DRENGSON Alan Rike & MAC DONALD TAYLOR Duncan : Ecoforestry, the art and science of sustainable forestuse, Canada, New Societ y Publisher, 1997. ISBN 0-86571-365-0.
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MORTON Andrew : Tree Heritage of Britain and Irland, England, Airlife Publishing Limited, 1998.ISBN 1-85310 559 7.
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STOLTMANN Randy : Hiking the Ancient Forest of British Columbia and Washington, Canada,Editions Lone Pine Publishing, 1996. ISBN 1-55105-045-5.
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222
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WIGHTMAN Glenn & MILTON Andrews : Bush Tucker Identikit, Common native food plants of Australia's top end,Conservation Commission of NorthernTerritory, Darwin, Australia.ISBN 0-7245-1927-0.
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BERCUSSON Linda : Pohutukawa, tree of Aotearoa, Editions Tandem Press, 1998. ISBN 1-877178-35-7.
COCKAYNE L. : New Zealand Plants and their Story, Editions E.J. Godley R.E. Owen, Government Printer Wellington,1967. ISBN 32682-67A.
DAWSON John & LUCAS Rob : New Zealand Coast & Mountain Plants,Editions Victoria Universit y Press, 1996. ISBN 0-86473-310-0.
HALKETT John & SALE REED E.V. : The world of the kauri, Methuen Publishers Ltd.ISBN 0 474 001 431 (disponible seulement en occasion).
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SAHNI K. C. Bombay Natural History Societ y : The book of Indian Trees, Editions Oxford Universit y Press, 1998. ISBN0 19 564589 8.
SINGH Chatar, WATTAS Rajnish, SINGH DHILLON Harjit : Trees of Chandigarh, Department of Environment,
223
Chandigarh Administration, Editions B.R.Publishing Corporation, Ltd, 1998.ISBN 81-7018-976-4.
Livres de Singapour:
Bukit Timah Nature Reserve, Guide, Singapore Science Center, 1985. ISBN 9971-88-060-1.
The threatened Plants of Singapore, Guide, Singapore Science Center, 1995.ISBN 9971-88-455-0.
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KAHEI Nagase : Photo Mandala. Livre des vieux arbres du Japon, 1987. ISBN 4-333-01271-6.
YOSHIDA Shigeru, NICOL C.W., MIYAZAKI H., NISHIOKA T. : Culture books 91,allons voir les gros arbres, 1994. ISBN 4-06-198095-5.
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PAKENHAM Thomas : Meetings with remarquable Trees, Londres,Editions Georges Weidenfeld & Nicolson Ltd, 1996.
PAKENHAM Thomas : Remarkable Trees of the World, Georges Weidenfeld & Nicolson Ltd.ISBN 0-297-84300-1.
VICAT Rex : The artistic Anatomy of Trees, their Structure & Treatment in Painting, New York,Cole Dover Publications, 1915. ISBN 0-486-21475-3.
Livres d’Afrique:
CALAME-GRIAULE Geneviève : Le Thème de l’arbre dans les contes africains (tomes I & II), Société pour l’étude deslangues africaines, avec le concours du CNRS et du CEDEV de l’université de Liège, 1969—1970.
ESTERHUYSE Neels, BREITENBACH Jutta von, SÖHNGE Hermien : Remarkable Trees of South Africa, Pretoria,Editions Briza. ISBN 1 87509328 1.
HAHN Norbert : Tree List of the Soutpansberg, Publié par le Western Soutpansberg Conservation Working Group.Fantique Publishers. ISBN: 0-620-18357-8.
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VAN DER MERWE Izak : The Knysna and Tsitsikamma Forest, DWAF (Department of Water Affairs and Forestry).ISBN 0-621-28846-2.
VAN WYK Ben-Erik, GERICKE Nigel : People’s Plants. A guide of useful Plants of South Africa, Pretoria, Editions Briza.ISBN 1-875093-19-2.
VAN WYK Braam, VAN WYK Piet, VAN WYK Ben-Erik : Photographic Guide to Trees of South Africa, Pretoria,Editions Briza. ISBN 1-875093-24-9.VAN WYK Piet : Southern African Trees, Cape Town, Struik Publishers Ltd, 1993. ISBN 1-86825-307-4
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TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION ......................................................................................................................................11
FRANCE ET ALENTOURS ......................................................................................................................15
France ..............................................................................................................................................16
L’Orme de Salignac (Ulmus campestris). Dordogne. 16
Biscarosse,l’Orme qui se souvient (Ulmus campestris). Landes. 20
Le Chêne de Montravail. Charente-Maritime. 22
Le Chêne d’Allouville-Bellefosse.Seine-Maritime. 25
Les Ifs (Taxus baccata) de la Haye-de-Routot. Eure. 26
L’Olivier (Olea oleaster) de Roquebrune-Cap-Martin. Alpes-Maritimes. 28
L’Olivier (Olea oleaster) de Beausoleil. Alpes Maritimes. 30
Le Chêne vert (Quercus ilex) du parc des Courmettes. Alpes-Maritimes. 32
Le Chêne blanc (Quercus ilex) du Baou de la Gaude.Var. 32
Le Chêne (Quercus alba) de Pascaline. Alpes Maritimes. 34
Le Platane (Platanus orientalis) de Lamanon. Bouches-du-Rhône. 35
Le Tilleul de Féternes. Haute Savoie. 36
Les Faux (Fagus sylvatica tortuosa) de Verzy. Marne. 36
227
Le Châtaignier (Castanea sativa) du Brûlis à Neuillé. Indre-et-Loire. 38
Le Châtaignier (Castanea sativa) de Mouliherne. Maine et Loire. 41
Sicile ...............................................................................................................................................41
Le Châtaignier (Castanea sativa) des Cent chevaux,Sant’Alfio. 41
Le Châtaignier (Castanea sativa) du Navire,Sant’Alfio. 42
Le Chêne vert (Quercus ilex) de Milo. 46
Suisse et Belgique ...........................................................................................................................47
Le Chêne (Quercus robur) des Bosses,Châtillon. Suisse. 47
Le Chêne (Quercus robur) de Liernu. Belgique. 47
Le Tilleul (Tilia platyphyllos) de Saint-Gérard. Belgique. 47
Le Tilleul (Tilia platyphyllos) de Maibelle,province de Namur. Belgique. 48
Le Charme (Carpinus betulus) du prince de Croÿ. Belgique. 50
Allemagne .......................................................................................................................................51
Le Chêne (Quercus robur) de Ludwig,Bad Brückenau,Rhön. 51
Le Chêne millénaire de Reith. Rhön. 51
L’Orme de Putzar. Mecklembourg. 51
Le Hêtre de Krakow. Mecklembourg. 52
Le Tilleul de Polchow. Mecklembourg. 53
Le Pommier sauvage de Stubbendorf,Mecklembourg. 54
LES AMÉRIQUES ......................................................................................................................................59
Etats-Unis et Canada ......................................................................................................................60
Les Cèdres blancs (Thuja occidentalis) de l’Est. 62
Les vieux Ormes américains (Ulmus americana). 63
L’Orme Herbie (Ulmus americana),Yarmouth. Maine. 63
L’Orme (Ulmus americana) de Warren Kiney. 63
228
L’Orme (Ulmus americana) d’Amherst. Massachusetts. 63
Le New Jersey et ses chênes vénérables :le Chêne de Warren Kiney (Quercus alba), 64le Chêne (Quercus alba) de Basking Ridge, 64le Chêne (Quercus alba) du Brooklake Country Club, 64le Chêne (Quercus alba) de Keller, 64le Chêne (Quercus alba) de Mount Laurel. 64
Little Simon's Island :le vieux Chêne de vie (Quercus virginiana). 66
Les vieux chênes de vie :le Chêne (Quercus virginiana) de Charleston, 66le Chêne (Quercus virginiana) de Middleton Place, 66le Chêne (Quercus virginiana) de Mandeville. 68
Les Cyprès chauves (Taxodium distichum) de Louisiane. 70
L’île de Vancouver et ses forêts pluviales. 71
Carmanah Valley et Cheewhat Lake,le rêve de tous les planteurs d’arbres. Colombie britannique. 72
Clayoquot Sound,un archipel très peu protégé Colombie britannique :Hanging Garden Cedar,Big Mother,Cèdre rouge(Thuja plicata). 74
Le Stoltmann Wilderness,Colombie britannique :l’Elaho Giant (Pseudotsuga menziesii). 75
Le Thuja plicata de Quinault Lake. Etat de Washington. 76
La région de Portland,Oregon : Noyer de Sauvie Island,Epinette de Sitka,the Klootchy Creek. 78
La Californie et ses arbres vénérables : Julia Butterfly et Luna,le Del Norte Titan (Sequoia sempervirens),l’Erable à grandes feuilles,l’Arbousier de Madrone,le Laurier de Salmon Creek. 78-84
Les Sequoias sempervirens du nord de la Californie,le Humbolt National Park,le Sequoia Sherman,le General Grant,le Grizzly. 84
Les Pins de Bristlecone (Pinus longaeva)dans les White Mountains de Californie. 89
Le Genévrier de Bennett,à Sonora. Californie. 91
Mexique et Chili..............................................................................................................................93
Arbor del Tule,l’arbre légende du Mexique. 93Les forêts pluviales du Chili : Alerce Costero,Alerce Andino. 95Les souches de Puerto Montt. 98
TASMANIE,AUSTRALIE ET NOUVELLE-ZÉLANDE .......................................................................
229
103
Tasmanie et Australie....................................................................................................................104
Styx Valley et les Eucalyptus regnans. 104
Geeveston. 107
Cradle Mountains. 108
Les Mycena interrupta. 110
Les Pins Huons de Tasmanie. 111
Retour sur le continent : L’Eucalyptus de Dunkeld. 114
L’Eucalyptus pauciflora de Baw-Baw. 118
La déforestation dans l’Ouest australien. 118
Les Baobabs de Kimberley. 120
Les Paper Bark (Melaleuca quinquenervia). 127
La Nouvelle-Zélande ....................................................................................................................130
Les Pohutukawas (Metrosideros excelsa) :Mayor Island,le Waha o Rerekohu tree. 130
Le Kauri (Agathis australis) : Tane Mahuta,Te Matua Ngahere. 133
D’autres espèces de l’île Nord : le Puriri (Vitex lucens),le Totara Pouakani (Podocarpus totara),les Kahikateas (Dacrycarpus dacrydioides),le Rata (Metrosideros robusta). 136
Tongariro National Park : les Hêtres rouges (Nothofagus fusca). 140
Le Kahikatea de Wellington. 142
LE CONTINENT ASIATIQUE ...............................................................................................................145
L’Inde .............................................................................................................................................146
Les Banians (Ficus benghalensis) de Kingiri et de Kadiri. 147
Les Ficus (Ficus religiosa) de Kempapura. 148
Le Ficus (Ficus religiosa) de Richivally et celui de Tindivanam. 148
Le Banyan de Calcutta. 150
Le Manguier (Mangifera indica) de Kancheepuram. 150
230
Les arbres fossiles d’Ariyalur et de Thiruvakkarai. 152
Sunderlal Bahuguna,les mouvement CHIPKO et le barrage de Baghirathi. 153
Le Mûrier de Joshimath. 155
Le Japon ........................................................................................................................................158
Le Ginkgo biloba de Nigatake. 158
Shiia sieboldii du temple Syômô. 158
Le Cyptomeria japonica d’Atsumi machi-Nishitagawa gun. 160
L’Orme Zelkova (Zelkova serrata) d’Higashine. 160
L’île de Yaku-shima,sa forêt pluviale sacrée et les Cryptomeria japonica,le « Jomon sugi » et le « Meteo sugi ». 162
Le Camphrier de Takeo. 168
Le Camphrier « Kungaisho » d’Osaka. 169
Himi. 169
Le Cerisier Usuzumi de Neo village. 169
La Chine .......................................................................................................................................172
Les Théiers sauvages (Camellia sinensis) de Bada. 173
Le Metasequoia glyptostroboides de Modaoxi. 175
Le Ginkgo biloba du temple de Dinglin. 179
LE CONTINENT AFRICAIN .................................................................................................................183
Le Sénégal .....................................................................................................................................186
Le Baobab de Diass. 186
Le Kenya .......................................................................................................................................188
Le Camphrier de Castle Forest. 188
Le Ficus natalensis ou « Mugumo »,Rift Valley. 190
Les Podocarpes de Mont Elgon. 190
Le Kigelia africana ou « Arbre à saucisson ». 190
231
Les Acacias Xanthophoea. 192
L’Afrique du Sud ...........................................................................................................................192
Le Baobab de Sagole. 193
Le Baobab de Glencoe Farm. 194
Le Baobab de Duiwelskloof. 195
Le « Wonderboom » (Ficus salicifolia) de Pretoria. 195
Les Podocarpes : Edouard VII,Big Tree,le Podocarpus du Drakensberg nord,ceux de la forêt de Hogsback. 197
Le « Post Office » de Mossel Bay. 198
Madagascar ....................................................................................................................................200
Le Manguier de Betania. 200
L’Allée des Baobabs (Adansonia grandidieri). 200
Les Baobabs amoureux (Adansonia fony). 203
Le Baobab de Tsarafotra (Adansonia grandidieri). 203
Le Baobab de Mahabo (Adansonia grandidieri). 204
Le Tamarinier de Lovobé. 204
Le Baobab d’Ampanihy (Adansonia za). 206
Le Ficus de Miary. 207
Le Ficus d’Ambohimanga. 208
CONCLUSION .................................................................................................................................... 211
REMERCIEMENTS .............................................................................................................................. 213
SITES INTERNET ................................................................................................................................ 219
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................ 221
TABLE DES MATIÈRES...................................................................................................................... 227
232
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Avec la collaboration de Micheline Jérome
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